Digitale Ausgabe

Download
TEI-XML (Ansicht)
Text (Ansicht)
Text normalisiert (Ansicht)
Ansicht
Textgröße
Zeichen original/normiert
Zitierempfehlung

Alexander von Humboldt: „Mémoire sur les chaines des montagnes et sur les volcans de l’Asie intérieure, et sur une nouvelle éruption volcanique dans la chaine des Andes“, in: ders., Sämtliche Schriften digital, herausgegeben von Oliver Lubrich und Thomas Nehrlich, Universität Bern 2021. URL: <https://humboldt.unibe.ch/text/1830-Ueber_die_Bergketten-03> [abgerufen am 26.04.2024].

URL und Versionierung
Permalink:
https://humboldt.unibe.ch/text/1830-Ueber_die_Bergketten-03
Die Versionsgeschichte zu diesem Text finden Sie auf github.
Titel Mémoire sur les chaines des montagnes et sur les volcans de l’Asie intérieure, et sur une nouvelle éruption volcanique dans la chaine des Andes
Jahr 1830
Ort Paris
Nachweis
in: Nouvelles annales des voyages, et des sciences géographiques 4 (1830), S. 217–316, Karte.
Sprache Französisch
Typografischer Befund Antiqua; Auszeichnung: Kursivierung, Kapitälchen; Fußnoten mit Ziffern und Buchstaben.
Identifikation
Textnummer Druckausgabe: V.2
Dateiname: 1830-Ueber_die_Bergketten-03
Statistiken
Seitenanzahl: 100
Zeichenanzahl: 147379

Weitere Fassungen
Ueber die Bergketten und Vulcane von Inner-Asien und über einen neuen vulcanischen Ausbruch in der Andes-Kette (Leipzig, 1830, Deutsch)
Heights of Table Lands (Edinburgh, 1830, Englisch)
Mémoire sur les chaines des montagnes et sur les volcans de l’Asie intérieure, et sur une nouvelle éruption volcanique dans la chaine des Andes (Paris, 1830, Französisch)
Recherches sur les Systèmes de montagnes et les Volcans de l’intérieur de l’Asie (Extrait) (Paris, 1830, Französisch)
Sur les chaînes et les volcans de l’intérieur de l’Asie, et sur une nouvelle éruption dans les Andes (Paris, 1830, Französisch)
Sur les Volcans de l’Asie centrale (Paris, 1830, Französisch)
О горныхъ кряжахъ и вулканахъ внутренней Азiи, и о новомъ вулканиическомъ изверженiи в Андахъ. А. ф. Гумбольдта. (Перев. Д. Соколова.) [O gornych krjažach i vulkanach vnutrennej Azii, i o novom vulkaničeskom izverženii v Andach. A. f. Gumbol’dta. (Perev. D. Sokolova.)] (Sankt Petersburg, 1830, Russisch)
Aus Humboldts neuester Reise (München, 1831, Deutsch)
On the chains of mountains and volcanos of Central Asia (London, 1831, Englisch)
On the Mountain-chains and Volcanoes of Central Asia, with a Map of Chains of Mountains and Volcanoes of Central Asia (Edinburgh, 1831, Englisch)
О горныхъ системахъ Средней Азiи. (Изъ новѣйшаго сочиненiя Г-на Гумбольдта.) [O gornych sistemach Srednej Azii. (Iz novějšago sočinenija G-na Gumbolʹdta.)] (Sankt Petersburg, 1831, Russisch)
О горныхъ системахъ Средней Азiи. (Изъ новѣйшаго сочиненiя Барона Гумбольдта.) [O gornych sistemach Srednej Azii. (Iz novějšago sočinenija Barona Gumbolʹdta.)] (Moskau, 1831, Russisch)
Fisica del Globo. Considerazioni sui vulcani (Mailand, 1833, Italienisch)
|217|

MÉMOIRESUR LES CHAINES DES MONTAGNESETSUR LES VOLCANS DE L’ASIE INTÉRIEURE,ET SUR UNE NOUVELLE ÉRUPTION VOLCANIQUEDANS LA CHAINE DES ANDES.Par M. de HUMBOLDT (a).

Les volcans qui indiquent une communicationcontinuelle entre l’intérieur de la terre qui est fluideou en fusion, et l’atmosphère entourant sa surfacedurcie et oxidée, sont par leur connexion avec lacause des bancs de sel gemme, avec les salses, pe-tits tertres coniques qui dans leurs éruptions vomis-sent de la vase, de la naphte, des gaz non respirables,et quelquefois même, mais seulement pour peu detemps, des flammes, des vapeurs et des blocs, avecles sources thermales, les tremblemens de terre etle soulèvement de masses de montagnes, un objetd’une importance si grande pour tout ce qui tient à
(a) On trouvera, à la fin de ce mémoire, les notes etadditions de M. Klaproth, auxquelles s’appliquent les ren-vois en chiffres arabes dans le texte.
|218| l’observation de la nature, qu’ils intéressent non-seulement les géognostes, mais aussi les physiciensdans le sens général de ce mot. M. Léopold deBuch a déja, dans son grand ouvrage sur les îlesCanaries, développé avec beaucoup de talent desidées lumineuses sur la disposition des volcans quise trouvent tantôt en groupes isolés autour d’un vol-can central, tantôt rangés longitudinalement par sé-rie. Le mémoire que je présente aujourd’hui sur lesphénomènes volcaniques situés à un grand éloigne-ment de la mer, est certainement beaucoup moinsimportant: il s’agit de phénomènes locaux de l’Asiecentrale et de l’intérieur de l’Amérique méridionale,sur lesquels j’ai eu l’occasion de rassembler quelquesrenseignemens peu connus jusqu’à présent. Noussavons encore si peu de chose sur le genre des rap-ports mystérieux des volcans en activité avec le voi-sinage de la mer, que tout ce qui concerne un volcandont on apprend l’existence bien inattendue dans l’in-térieur d’un continent, donne un très haut intérêt,même à un phénomène local.
Durant le voyage que je fis dans l’été de 1829avec mes amis, MM. Ehrenberg et Gustave Rose,dans l’Asie septentrionale jusqu’au-delà de l’Ob, jepassai à peu près sept semaines sur les frontières dela Dzoungarie chinoise, entre les forts d’Oust-Kame-nogorsk et de Boukhtarminsk et Khoni-maïlakhou (a),
(a) En kirghiz, on nomme Koch-touba, cet avant-postedes Chinois sur l’Irtyche.
|219| avant-poste chinois, au nord du lac Dzaïsang; sur laligne des Cosaques du step des Kirghiz (a), et sur lescôtes de la mer Caspienne. Dans les entrepôts impor-tans de Semipolatinsk, Petropavlovski, Troïtzkaïa,Orenbourg et Astrakhan, je me suis efforcé d’obtenirdes Tatares qui voyagent tant, et par Tatares j’en-tends, comme les Russes, non des Mongols, mais deshommes de famille turque, des Boukhars et desTachkendis, des informations sur les contrées del’Asie intérieure voisines de leur pays. Les voyages àThourfan (Tourfan), Akhsou, Khotan, Ierkend etKachemir (b) ont très rarement lieu; mais Kachghar,le pays situé entre l’Altaï et la pente septentrionaledes monts Célestes (Thian-chan, Moussour ou Bokdaoola), où se trouvent Tchougoultchak (1), Korgos, etGouldja ou Koura, à cinq verst des rives de l’Ili,le khanat de Khokhand, Boukhara, Tachkend, etChersavès (Chèhr-Sebs) au sud de Samarkand, sontvisités fréquemment. A Orenbourg où arrivent an-nuellement des caravanes de plusieurs milliers dechameaux, et où la cour destinée aux échanges réunitles nations les plus différentes, un homme instruit,M. de Gens, directeur de l’école asiatique et de la
(a) Proprement le step des Khazak ou Kaïzak.(b) Je possède plusieurs itinéraires à ces différens lieux;ils feront une addition importante au petit nombre de ceuxqui ont été publiés, par MM. Volkov et Senkovski, dansle Journal asiatique, et par M. le baron de Meyendorff,dans son voyage d’Orenbourg à Bokhara.
|220| commission du contentieux des frontières avec lesKirghiz de la petite horde, a réuni depuis vingt ans,avec discernement, une masse de matériaux très im-portans sur la géographie de l’Asie intérieure. Parmiles nombreux itinéraires que M. de Gens m’a com-muniqués, j’ai trouvé la remarque suivante: «En al-lant de Semipolatinsk à Ierkend, quand nous fûmesarrivés au lac Ala-koull (2) ou Ala-dinghis un peu aunord-est du grand lac Balkachi (a), qui reçoit leseaux de l’Ilè (Ili), nous vîmes une très haute monta-gne qui a autrefois vomi du feu. Présentement en-core, ce mont qui s’élève dans le lac comme une pe-tite île, occasionne des tempêtes violentes qui incom-modent les caravanes: c’est pourquoi on sacrifie enpassant quelques moutons à cet ancien volcan.»
Ce renseignement recueilli de la bouche d’unTatare qui voyageait au commencement de cesiècle, peut-être de celle de Seyfoulla Seyfoullinqui depuis le mois de décembre 1829, est de retourà Semipolatinsk et a été plusieurs fois à Kachghar et à
(a) D’Anville nomme Palcati-nor (3) ce lac auquel lacarte de Pansner donne une longueur d’un degré et troisquarts. Sur les bords de l’Irtyche, je l’ai entendu nommerTenghiz, par les marchands asiatiques; c’était par signe deprééminence, car, chez les tribus qui parlent le turc, ten-ghiz ou denghiz, veut dire en général mer: ainsi, Ak-tenghiz, (mer blanche). Voyage à Astrakhan, du comteJean Potocki. — 1829, t. I, p. 240; Tenghiz, la merCaspienne qui reçoit le Volga. Klaproth, Mémoires relatifsà l’Asie, t. I, p. 108: Ala Tenghiz (mer bariolée.)
|221| Ierkend, excita chez moi un intérêt d’autant plus vifqu’il me rappela les volcans brûlans de l’Asie inté-rieure que nous connaissons par les recherches sa-vantes que MM. Abel Remusat et Klaproth ont faitesdans les livres chinois et dont la position, à unegrande distance de la mer, causa tant d’étonnement.Peu de temps avant mon départ de St.-Pétersbourg,je reçus, graces à l’extrême complaisance de M. deKlosterman, directeur impérial de police à Semipo-latinsk, les informations suivantes qu’il tenait desBoukhars et des Tachkendis.
«La route de Semipolatinsk à Kouldja (Gouldja)est de vingt-cinq journées; on passe par les montsAlachan et Kondegatay, dans le step des Kirghiz de lahorde moyenne, les bords du lac Savande-koull, lesmonts Tarbagataï dans la Dzoungarie et la rivièreEmyl; quand on l’a traversée, le chemin se réunità celui qui conduit de Tchougoultchak à la provinced’Ili. Des rives de l’Emyl au lac Ala-koull, on parcourt60 verst. Les Tatares estiment que ce lac est éloignéde Semipolatinsk de 455 verst (a). Il est à la droitede la route; son étendue est de 100 verst de l’est àl’ouest. Au milieu de ce lac s’élève une montagnetrès haute, nommée Aral-toubé. De là jusqu’auposte chinois placé entre le petit lac Ianalache-koullet la rivière Baratara (4), sur les bords de laquelledemeurent les Kalmuks, on compte 55 verst.» En comparant l’itinéraire d’Orenbourg avec celui
(a) 104. \( \frac{4}{3} \) verst correspondent à un degré de latitude.
|222| de Semipolatinsk, il ne reste aucun doute que lamontagne qui selon la tradition des indigènes, parconséquent dans les temps historiques, a vomi dufeu, ne soit l’île conique d’Aral-toubè(a). Le point leplus important dans ces informations, concernantla position géographique de l’île de forme conique etsa situation relativement à des volcans découverts parMM. Klaproth et Abel Rémusat, non dans des rela-tions de voyages faits par des Européens, mais dansdes ouvrages chinois très anciens, comme existantencore dans l’intérieur de l’Asie au nord et au suddu mont Thian-chan, il ne sera pas hors de proposde présenter ici quelques développemens sur la géo-graphie de cette région. Ils me semblent d’autantplus nécessaires, que les cartes qui ont paru jusqu’àprésent représentent encore d’une manière incom-plète la position relative des chaînes de montagne et
(a) Ce nom signifie, dans le dialecte turc-kirghiz,colline insulaire, et dérive de toubé, colline, et d’aral,île. En mongol, on dirait Aral-dobo. C’est ainsi qu’en mon-gol-kalmuk, Aral-noor signifie le lac des îles; et que legroupe d’îles du Volga près d’Ienotaïevsk, s’appelle Taboun-aral, les cinq îles. Dans le dialecte khalkha-mongol, au lieud’oola qui est le mot mongol pur, on emploie dybe qui res-semble au tubè des Turcs, pour signifier montagne, colline.On peut consulter à ce sujet, le vocabulaire kirghiz etmongol, inséré par M. Klaproth, dans ses Mémoires re-latifs à l’ Asie, t. III, p. 350-355: l’ Asia polyglotta, dumême auteur p. 276, et l’atlas, p. XXX; les Voyages ducomte J. Potocki, t. I, p. 33.
|223| des lacs dans la Dzoungarie et le pays des Ouïgoursde Bich-balik, entre le Tarbagataï, les rives de l’Ili, etle grand Thian-chan au nord d’Aksou. En attendantla publication de l’excellente carte de l’Asie centralede M. Klaproth, qui servira de continuation et decomplément à l’Atlas de d’Anville, je conseille dejeter les yeux, non sur celles d’Arrowsmith, très fau-tives pour les systèmes de montagnes, mais sur cellegravée par Berthe (1829), de Brué et surtout surcelles de l’ Asia polyglotta, et des Tableaux histo-riques de l’ Asie de M. Klaproth, quoiqu’elles soientà petits points; et principalement sur une petitecarte intitulée Asie centrale, dans les Mémoires re-latifs à l’ Asie, du même auteur. T. II, p. 362.
La partie moyenne et intérieure de l’Asie qui neforme ni un immense nœud de montagnes ni un pla-teau continu, est coupée de l’est à l’ouest par quatregrands systèmes de montagnes qui ont influé mani-festement sur les mouvemens des peuples; ce sont:l’Altaï qui à l’ouest se termine par les monts desKirghiz; le Thian-chan, le Kuen-lun et la chaînede l’Himalaya. Entre l’Altaï et le Thian-chan ontrouve la Dzoungarie et le bassin de l’Ili; entre leThian-chan et le Kuen-lun, la petite ou plutôthaute Boukharie, ou Kachghar, Ierkend Khotan (ouYu-thian), le grand désert (Gobi ou Cha-mo), leThourfan, Khamil (Hami) et le Tangout, c’est-à-direle Tangout septentrional des Chinois, qu’il ne fautpas confondre, comme les Mongols, avec le Tubet|224| ou le Si-fan: enfin, entre le Kuen-lun et l’Himâ-laya, le Tubet oriental et occidental où sont H’lassaet Ladak. Si l’on veut indiquer simplement les troisplateaux situés entre l’Altaï, le Thian-chan, leKuen-lun et l’Himâlaya par la position de trois lacsalpins, on peut choisir à cet effet ceux de Balkachi,Lop et Tengri (Terkiri nor de d’Anville); ils corres-pondent aux plateaux de la Dzoungarie, du Tangoutet du Tubet. I Système de l’ Altaï. Il entoure les sources del’Irtyche et du Ieniseï ou Kem: à l’est, il prend le nomde Tangnou; celui de monts Sayaniens entre les lacsKossogol (Kousoukoul) et Baïkal; plus loin celui dehaut Kentaï et de monts de Daourie; enfin au nord-est, il se rattache au Iablonnoï-khrebet (chaîne desPommes), au Khingkhan et aux monts Aldan,qui s’avancent le long de la mer d’Okhotsk. La lati-tude moyenne de son prolongement de l’est à l’ouest,est entre 50 et 51° 30′. Nous aurons bientôt sur lagéographie de la partie nord-est de ce système, en-tre le Baïkal, Yakoutsk et Okhotsk, des notions sa-tisfaisantes que nous devrons au talent et au zèle deM. le docteur Erman, qui a récemment parcouruces contrées. L’Altaï, proprement dit, occupe à peineun espace de sept degrés de longitude, mais nousdonnons à la partie la plus septentrionale des mon-tagnes entourant la grande masse des terres hautesde l’Asie intérieure, et occupant l’espace comprisentre les 48 et 51°, le nom de Système de l’ Altaï (5),|225| parce que les noms simples se gravent plus aisémentdans la mémoire, et que celui d’Altaï est le plusconnu des Européens, par la grande richesse mé-tallique de ces monts qui, maintenant, produisentannuellement 70,000 marcs d’argent et 1,900 marcsd’or. L’Altaï, en turc, et en mongol le mont d’Or(Alta-ïn oola (a)), n’est pas une chaîne de monta-gnes formant la limite d’un pays comme celles del’Himâlaya, qui bornent le plateau du Tubet, et parconséquent ne s’abaissent brusquement que du côtéde l’Inde, contrée plus basse que l’autre. Les plai-nes voisines du lac Dzaïsang, et surtout les stepsvoisins du lac Balkachi, ne sont certainement pasélevées plus de 300 toises au-dessus du niveau de lamer. J’évite à dessein, dans cet exposé, conformémentaux renseignemens que j’ai recueillis dans l’ouest etle sud de l’Altaï, et dans la ville de Zmeïnogorsk, àRidderski et à Zyrianovski, d’employer le nom de pe-tit Altaï, si, par cette dénomination, (suivant encela l’usage des géographes, et nullement celui desAsiatiques et des Russes habitant ces régions)(b), ondésigne la puissante masse de montagnes située en-tre le cours du Narym, les sources de la Boukh-torma, de la Tchouia, le lac Teletskoï, la Bia, lemont aux Serpens et l’Irtyche au-dessus d’Oust-ka-
(a) Avec la forme du génitif, qui en mongol est ïn.Klaproth, Mémoires relatifs à l’ Asie, t. II, p. 582.(b) Lebedours, Reise; t. I, p. 271, et t. II, p. 114.
|226| menogorsk; par conséquent le territoire de la Sibé-rie russe, entre les 79 et 86° de longitude à l’est deParis, et entre les parallèles des 49° 30′, et 52°30′; ce petit Altaï à l’extrémité duquel, dans cequ’on appelle le promontoire de Kolyvano-Voskres-tsensk, se montrent du granit, du porphyre, des ro-ches trachytiques et des métaux nobles, est proba-blement, par son étendue et par sa hauteur absolue,beaucoup plus considérable que le grand Altaï, dontla position et l’existence, comme chaîne de monta-gnes neigeuses, sont également à peu près problé-matiques. Arrowsmith et plusieurs géographes mo-dernes qui ont suivi le type qu’il a choisi arbitrai-rement, nomment Grand-Altaï une continuationimaginaire du Thian-chan qui se prolonge à l’estde Khamil (Hami), pays célèbre par ses vignes,et de Barkoul (a), ville nandchoue, et file aunord-est vers les sources orientales du Ieniseï et lemont Tangnou. La direction de la ligne de sépara-tion des eaux entre les affluens de l’Orkhon et ceuxde l’Aral-noor, lac du step (b), enfin la malheu-reuse habitude de marquer de hautes chaînes par-tout où des systèmes d’eau se séparent, ont causécette erreur. Si l’on veut conserver sur nos cartes lenom de Grand-Altaï, il faut le donner à la suite dehautes montagnes rangées dans une direction abso-
(a) Tchin-si fou.(b) A Gobdo-khoto, près de Tchoung-ngan szu, tem-ple de Bouddha,
|227| lument opposée (a), ou du nord-ouest au sud-est,entre la rive droite de l’Irtyche supérieur, et le Ieke-Aral-noor, ou Lac de la grande Ile, près de Gol-do-khoto.
C’est là, par conséquent, au sud du Narym et dela Boukhtorma, qui bornent ce qu’on nomme le Pe-tit-Altaï russe, qu’est la demeure primitive des tri-bus turques; le lieu où Dizaboul, grand-khan desThou-khiu, à la fin du sixième siècle, reçut un am-bassadeur de l’empereur de Constantinople (b). Cemont d’Or (c) des Turcs, Kin-chan des Chinois, nom
(a) Parallèlement à la chaîne du Khangaï (6), qui passeentre le Ieke-Aral-noor de la Dzoungarie et les monts Tan-gnou, toujours couverts de neige, et se dirige au sud-estvers l’ancienne ville mongole de Kara Khoroum. (Klaproth,Asia polyglotta, p. 146.)(b) Klaproth, Tableaux historiques de l’ Asie, p. 117.Mémoires relatifs à l’ Asie, t. II, p. 388.(c) On ne sait pas encore positivement si le nom deMont d’Or, donné dans l’ancien turc et en chinois à l’Altaïau sud des rives du Narym, et de la frontière russe ac-tuelle, doit son origine aux tombeaux contenant de l’or queles Kalmuks trouvent encore dans les vallées dont les eauxvont grossir l’Irtyche supérieur, ou si l’abondance de l’orde la partie septentrionale de ce qu’on appelle le petitAltaï à son extrémité sud-ouest entre Zyrianovski et le montaux Serpens, abondance d’or qui était surtout considéra-ble dans les portions supérieures des filons d’argent, adonné, à ce qu’on nomme le grand Altaï, sa renomméed’être riche en or. La connexion des deux masses de mon-tagnes ne pouvait échapper même aux peuples les plusgrossiers. Le petit Altaï traverse l’Irtyche à Oust-Kameno-
|228| qui a la même signification, portait jadis aussiceux d’Ek-tagh et Ektel, qui probablement ont tousdeux un sens analogue. On dit que plus au sud,sous les 46° de latitude, presque sous le méridien dePidjan et de Tourfan, une haute cime est encorenommée en mongol Altaïn-niro (sommet de l’Altaï).Si à quelques degrés plus au sud, ce grand Altaï se réu-nit aux monts Naïman-oola, nous trouvons là un dostransversal qui, filant du nord-ouest au sud-est, jointl’Altaï russe au Thian chan au nord de Barkoul et deHami. Ce n’est pas ici le lieu de développer commentle système de la direction du nord-ouest si générale-ment répandu dans notre hémisphère, se montredans les couches des roches (a), dans la ligne des
gorsk. Cette rivière sur laquelle nous avons navigué, rem-plit, pour ainsi dire, une immense fissure (un filon ouvert)entre des montagnes, et entre Boukhtarminsk et Oust-Kamenogorsk. C’est dans cette vallée longitudinaleextrêmement étroite que nous avons trouvé le granitrépandu sur le schiste argileux. Les indigènes ont ra-conté au docteur Meyer que dans le sud-est, les montsNarym tiennent au grand Altaï par le Kourtchoum, leDolenkara et le Saratau. Au milieu du mois d’août, étantà Krasnoïarskoi, avant-poste de Cosaques, occupé à pren-dre les azimuths des montagnes environnantes, j’aperçusdistinctement au sud-est, entre les sommets jumeaux deTsouloutchoko, le Tagtau, couvert de neiges perpétuellesdans la Mongolie chinoise, par conséquent dans la direc-tion du grand Altaï.(a) Lebedour, Meyer et Bunge. Voyage dans les montsAltaï, t. I, p. 422. Cette relation est très intéressante.
|229| Alpes d’Alghin, du haut step du Tchouya, de lachaîne de l’Iyiktou qui est le point culminant (a), del’Altaï russe, et dans les fentes des vallées étroitesoù coulent le Tchoulychman, le Tchouya, la Katou-nia et le Tcharyche supérieur; enfin dans tout lecours de l’Irtyche de Krasnoiarskoï (Krasnaia Iarki)à Tobolsk.
Entre les méridiens d’Oust-Kamenogorsk et deSemipolatinsk, le système des monts Altaï se pro-longe de l’est à l’ouest sous les parallèles de 59 et50 degrés, par une chaîne de coteaux et de mon-tagnes basses, sur une étendue de 160 lieues géo-graphiques (b), jusque dans le step des Kirghiz.Ce prolongement très peu important par sa largeuret son élévation, offre un grand intérêt à la géo-gnosie. Il n’existe pas une chaîne de monts Kirghiz
(a) Ce point, dont nous devons la connaissance auxexcursions hardies de M. Bunge dans les monts Altaï, estvraisemblablement plus haut que le pic Nethou (1787toises), la cime la plus élevée des Pyrénées. Un des som-mets de l’Altaï, l’Iyiktou (mont de Dieu), ou Alas-tau(mont chauve en kalmuk), est situé sur la rive gauche dela Tchouia et séparé par l’Argoul des colonnes gigantes-ques de Katounia. La plus haute station de l’Altaï russe,mesurée au baromètre, mais non encore calculée d’aprèsdes observations correspondantes, est, jusqu’à présent,une source qui se trouve dans le petit mont Koksoun, à1615 toises au-dessus du niveau de la mer.(b) De 15 au degré cette mesure est employée dans toutle mémoire.
|230| continue qui, ainsi que le représentent les cartes,sous les noms d’ Alghidin tsano (7) ou Alghydin cha-mo, unisse l’Oural et l’Altaï. Des collines isolées hautesde cinq à six cents pieds, des groupes de petitesmontagnes qui, comme le Semi-tau près de Semipo-latinsk, s’élèvent brusquement à 1,000 ou 1,200pieds au-dessus des plaines, trompent le voyageurqui n’est pas accoutumé à mesurer les inégalités duterrain; mais il n’est pas moins remarquable queces groupes de collines et de petites montagnesont été soulevées à travers une fissure qui forme laligne de partage d’eaux entre les affluens du Saras, ouau sud dans le step, et ceux de l’Irtyche au nord (a),fissure qui jusqu’au méridien de Sverinagolovskoï,suit constamment la même direction dans une éten-due de 16 degrés de longitude: c’est de cette fis-sure que sont sortis les mêmes granits disposés encouche qui ne sont pas mêlés, et ne font pas mêmepassage à cette roche, les mêmes schistes argileuxet traumatiques (grauwache), en contact avec desdiabases, renfermant des pyroxènes de porphyre, etdes couches de jaspe, des roches calcaires compac-
(a) A proprement parler, seulement un petit nombrede rivières, telles que la Tchaganka, le Toundouk et l’I-chim, arrivent à l’Irtyche; les autres cours d’eau, parexemple, l’Oulenta et la Grande-Noura, qui se dirigentau nord, se perdent dans les lacs du step; et le Tchoui,et le Sourasou, qui coulent au sud, ne parviennent pas auSihoun ou Syr daria.
|231| tes de transition et devenues grenues; enfin unepartie de ces mêmes substances métalliques que l’ontrouve dans le Petit-Altaï, duquel part cette fissure.
Je me bornerai à nommer parmi ces métaux,à un demi degré à l’est du méridien d’Omsk, 1° lagalène tenant argent du Kourgan-tagh, la mala-chite et le minérai de cuivre rouge, avec de la diop-tase (achirite) de l’Altyn-toubé (colline d’Or),montagne du step; 2° à l’ouest du méridien dePetropavlovski, mais sous le même parallèle (a) quel’Altyn-toubé, le minérai de plomb tenant argent,des sources du Kara Tourgaï, ou plus exactementdu Kantcha Boulgané Tourgaï qui, en 1814, fut lebut d’une expédition commandée par M. Theofilatiev,lieutenant-colonel, et de M. de Gens, officier dugénie (b). On reconnaît dans la ligne du partage
(a) Les cartes manuscrites dont je dois la communica-tion à l’obligeance de M. de Speranski, ancien gouverneurgénéral de la Sibérie, placent sous les 49° 10′ de latitude,Karkarali, nouvel établissement russe, à l’est de cettemontagne métallique. La dioptase, qui rend ce canton cé-lèbre et qui a été également découverte sur le versant oc-cidental de l’Oural, a reçu le nom d’achirite, sous lequelon la désigne en Russie, non d’un cosaque, mais d’A-chirka, natif de Tachkend. C’est à M. le docteur Meyerque nous sommes redevables des premières recherchesgéognostiques, faites dans le step des Kirghiz entre Se-mipolatinsk, Karkarali et l’Altyn-toubé.(b) Ces officiers avaient avec eux M. Menchenin, ingé-nieur des mines, aujourd’hui administrateur supérieur des
|232| des eaux entre l’Altaï et l’Oural, sous les 49 et 50degrés de latitude, un effort de la nature, une sorted’essai des forces souterraines pour exhausser unechaîne de montagnes, et ce fait rappelle vivementles lignes d’exhaussemens, seuils, arètes de par-tage, lignes de faîtes que j’ai indiquées dans le nou-veau continent, et qui joignent les Andes avec laSierra de Parime et les montagnes du Brésil, et qui,sous les 2° jusque aux 3° de latitude nord, et sousles 16 jusqu’aux 18° de latitude sud, traversent lessteps ou llanos de ces régions (a).
Mais la rangée non continue de montagnes basseset de collines de roches cristallisées par lesquelles
usines, et que le gouvernement avait chargé de nous ac-compagner à l’Altaï et à l’Oural. Le canton où est cettemine de plomb, a été également examiné par les expédi-tions de Nabokov et de Changhin, en 1816, d’Artioukhovet de Tafaïev, en 1821. Ce dernier, aujourd’hui capi-taine au corps des ingénieurs à Orenbourg, a observéavec le sextant une suite de hauteurs circumméridiennesdu soleil, près de la mine de plomb (49° 12); je les publie-rai lorsqu’elles auront été calculées de nouveau. C’est, jus-qu’à présent, le seul point de tout le step des Kirghiz,entre l’Irtyche, la ligne des Cosaques du Tobol et le paral-lèle de l’embouchure du Sihoun, sur une surface de24,000 lieues, égale par conséquent à deux fois celle de l’Al-lemagne, qui ait été déterminée par des procédés astrono-miques.(a) Tableaux géognostiques de l’ Amérique méridionale,dans le t. III de mon Voyage aux régions équinoxiales,p. 190, 240, édition in-4°.
|233| le système de l’Altaï se prolonge à l’ouest, n’atteintpas l’extrémité méridionale de l’Oural, chaîne quide même que celle des Andes, offre un long murqui va du nord au sud avec des mines métalliquessur son versant oriental; elle se termine brusque-ment sous le méridien de Sverinogovloskoï, où lesgéographes ont l’habitude de placer les monts Al-ghiniques, dont le nom est entièrement inconnu desKirghiz de Troïtsk et d’Orenbourg.
Là commence une région remarquable de lacs,et l’interruption des hauteurs continue jusqu’au mé-ridien de Miask, où l’Oural méridional envoie lachaîne de Moughodjar, à l’est dans la plaine desKirghiz, sous les 49° de lat., la masse de collinesnommée Boukanbli-tau (a). Cette région de petitslacs comprenant le groupe du Bale-koul (51° 30′lat.), et celui du Koum-koul (49° 45′ lat.) indi-que, d’après l’idée ingénieuse de M. de Gens, uneancienne communication d’une masse d’eau avec lelac Aksakal, qui reçoit le Tourgaï, et le KamichloïIrghiz, ainsi qu’avec le lac Aral. C’est comme un sillonque l’on peut suivre au nord-est, au-delà d’Omsk,entre l’Ichim et l’Irtyche, à travers le step de Ba-raba, où les lacs sont si nombreux (b), puis au nord
(a) Cartes manuscrites des deux expéditions du colonelBerg, de 1823 à 1825, au step des Kirghiz et à la riveorientale du lac Aral; au dépôt de l’état-major général im-périal.(b) Entre Tara et Kaïnsk.
|234| au-delà de l’Ob à Sourgout, à travers le pays desOstiaks de Berezov, jusqu’aux côtes marécageusesde la mer Glaciale. Les anciennes traditions que lesChinois conservent d’un grand lac amer dans l’inté-rieur de la Sibérie, lac que traversait le cours duIeniseï, se rapportent peut-être au reste de cet an-tique épanchement du lac Aral et de la mer Cas-pienne au nord-est. Le dessèchement du step deBaraba, que j’ai vu en allant de Tobolsk à Bar-naoul, augmente constamment par la culture; etl’opinion que M. Klaproth a énoncée relativement à lamer amère des Chinois (a), est de plus en plus con-firmée par les observations géognostiques faites surles lieux. Comme s’ils eussent été assez heureux pourdeviner l’ancien état de la surface de notre globe,lorsque les cours d’eau et l’évaporation ne présen-taient pas les mêmes phénomènes qu’aujourd’hui, lesgéographes chinois (b) nomment la plaine salée quientoure l’oasis de Hami, au sud du Thian-chan, lamer Desséchée (Han haï).
II Système du Thian-chan (c), ou mont Cé-
(a) Asia polyglotta, p. 232. Tableaux historiques de l’ A-sie, p. 175.(b) Mémoires relatifs à l’ Asie, p. 342. M. Klaproth ydonne l’extrait d’une encyclopédie chinoise en 150 volumespubliée par l’ordre de l’empereur Khanghi.(c) On le nomme aussi Siue chan (mont neigeux),Pé chan (mont blanc). J’évite volontiers dans cette in-dication générale des grandes chaînes de l’Asie intérieure,ces noms vagues, quand il est possible de les échanger
|235| leste (Tengri-tagh en turc, qui a le même sens).Leur latitude moyenne est le 42e degré. Leur pointculminant est peut-être la masse de montagnes re-marquable par ses trois cimes, couverte de neigeséternelles, et célèbre sous le nom de Bokhda oola (enmongol-kalmuk, Montagne sainte), c’est ce qui afait donner par Pallas à toute la chaîne, la déno-mination de Bogdo. Nous avons vu précédemmentcomment ce nom a, par ignorance, été appliqué surla mappemonde d’Arrowsmith (a), à une partie duGrand-Altaï, c’est-à-dire à une chaîne imaginaire al-
contre de meilleurs. Nos Alpes de Suisse et l’Himâlaya,rappellent le Pé chan des Chinois et le Moussour ou leMouz-tagh (mont neigeux ou plus exactement glacé) desTatares; mais qui serait assez osé pour enlever à ceschaînes si célèbres, les noms qu’on a l’habitude de leurdonner. Le Moussart de Pallas est une dénomination quivient d’une corruption du mot Moussour, et qui, sur lescartes récentes, est attribué arbitrairement tantôt auThian-chan, tantôt au système du Kuen-lun, entre La-dak et Khoten.(a) La carte d’Asie du même auteur, qui par suite d’uneignorance extrême des langues, fourmille d’erreurs lesplus extraordinaires, offre indépendamment du mont Bog-do, qui court au nord-est et devient le grand Altaï, uneautre petite chaîne qui se dirige au sud-est sous le nomd’Altai Alin Topa. Ces mots sont copiés de l’ Atlas de laChine de d’Anville; carte 1re, qui présente ce pléonasmeAltaï Alin toubé. Alin, en mandchou, signifie montagne;touba, est une colline, ainsi qu’on l’a vu plus haut, dansle nom de l’Altyn toubé où se trouve la dioptase.
|236| lant du sud-ouest au nord-est, de Hami aux sourcesdu Ieniseï. Du Bokhda-oola (a), nommé aussi Kha-toun bokda (mont majestueux de la reine), le Thianchan se dirige à l’est vers Bar-koul où au nordde Hami, il s’abaisse brusquement, et s’aplanitau niveau du désert élevé, nommé le Grand-Gobiou Chamo, qui s’étend du sud-ouest au nord-est, deKoua-tcheou, ville de la Chine, aux sources del’Argoun. Le mont Nomkhoun, au nord-ouest du So-gok et du Sobo, petits lacs du step, indiquepeut-être par sa position, un léger exhaussement,une arète dans le désert; car après une interruptiond’au moins dix degrés de longitude, paraît un peu plusau sud que le Thian chan, et suivant mon opinion,comme une continuation de ce système, à la grandesinuosité du Houang ho, ou fleuve jaune, la chaîneneigeuse du Gadjar ou In-chan, qui file égalementde l’ouest à l’est (b).
Maintenant retournons dans le voisinage deTourfan et du Bokhda-oola, et suivons le prolonge-ment occidental du second système de montagnes;
(a) Au nord-ouest de Tourfan.(b) Sous les 41 à 42° de latitude, par conséquent au norddu pays d’Ordos. L’In-chan se rattache à 4 degrés à l’ouestde Peking au Ta-hang-chan, mont neigeux, et au nord decette ville, aux monts de la Mongolie qui se prolongentvers le Tchang pe chan (grande montagne neigeuse),dans la partie septentrionale de la presqu’île de Corée.Asia polyglotta, p. 205; Mémoires relatifs à l’Asie, t. I,p. 455.
|237| nous verrons qu’il s’étend entre Goudja (Ili), lieuoù le gouvernement chinois exile les coupables, etKoutché; puis entre le Temourtou (a), grand lacdont le nom signifie eau ferrugineuse, et Aksou, aunord de Kachghar, et file vers Samarkand. Le payscompris entre le premier et le second système demontagnes, ou entre l’Altaï et le Thian chan, estfermé à l’est, au-delà du méridien de Peking parle Khingkhan oola, crête montagneuse qui vadu sud-sud-ouest au nord-nord-est; mais à l’ouest, ilest entièrement ouvert du côté du Tchoui, du Sa-rasou et du Sihoun inférieur. Il n’y a pas, dans cettepartie, d’arète transversale, à moins qu’on ne veuilleregarder comme telle la série d’élévations qui, du nordau sud, s’étendent à l’ouest du lac Dzaisang, à traversle Targabataï jusqu’à l’extrémité nord-est de l’Ala-
(a) Ce lac, appelé Temourtou en kalmuk-mongol, porteen kirghiz-turc les noms de Touz-koul (lac salé), et d’Issikoul (lac chaud). Les itinéraires de Semipolatinsk qui sonten ma possession, donnent exclusivement à ce lac la dé-nomination d’Issi-koul; son nom chinois Je hai, ala même signification; Mémoires relatifs à l’Asie, t. II, p.358, 416. Ces mêmes itinéraires lui attribuent une longueurde 180 verst, et une largeur de 50; évaluation qui peut-être n’est trop forte que d’un sixième. Les voyageursavaient vu deux fois la rive orientale de ce lac remarqua-ble; la première, en se rendant des bords de l’Ili (Ilè) àOuch-Tourpan (6), à l’ouest d’Aksou; la seconde, aprèsavoir franchi le Tchoui, dans le pays des Kirghiz des ro-chers ou noirs, pour gagner les rives du Naryn et Kachghar,
|238| tau (a), entre les lacs Balkach et Alak tougoul-noor, etensuite au-delà du cours de l’Ili, à l’est du Te-mourtou nor (entre les 44 et 49° de lat.), et quise présentent comme une muraille plusieurs foisinterrompue du côté du step des Kirghiz.
Il en est tout autrement de la partie de l’Asie in-
(a) C’est un nom qui a occasionné beaucoup de confusionen orographie. Les Kirghiz, notamment ceux de la grandehorde, nomment Ala-tagh (Ala-tau, monts tachetés), unesuite de hauteurs qui s’étend de l’ouest à l’est, sous les 43°,30′ à 45° du haut Sihoun (Syr-deria ou Jaxartes) près deTonkat, vers les lacs Balkachi et Temourtou. Son nom dérivedes raies et des taches noires que l’on aperçoit sur ses rochersescarpés, entre les couches de neige (Meyendorf, Voyageà Bokhara. p. 96. 786). La partie orientale de l’Ala-tau s’élèvebeaucoup à la grande sinuosité que le Sihoun décrit aunord-ouest, et se rattache au Kara-tau (Mont noir), à Tha-ras ou Turkestân. Là, sous les 45° 17′ de lat. et presquesous le méridien de Petropavlovski, se trouvent, ainsi queje l’ai appris à Orenbourg, des sources chaudes, dans leterritoire de Soussac où les tigres sont nombreux. On voitpar les itinéraires de Semipolatinsk à Ili et à Kachghar, queles indigènes nomment également Ala-tau les montagnes ausud du Tarbagataï entre les lacs Ala-koul, Balkachi et Te-mourtou. Est-ce de ces dénominations que des géogra-phes ont pris l’habitude d’appeler Alak ou Alak-tau, tout lesecond système de montagnes, ou celui du Thian chan?Il ne faut pas confondre avec l’Ala-tau ou Ala-taghi l’Ou-lough-tagh ou grande montagne, nommée sur quelquescartes Oulouk-tag, Oulou-tau, Oulouk-tagh. Sa positiòn dansle step des Kirghiz a été, jusqu’à présent, déterminéeaussi vaguement que celle des monts ou coteaux d’Alghin.
|239| térieure qui est bornée par le second et le troisièmesystème de montagnes, l’Himâlaya et le Kuen-lun.En effet, elle est fermée à l’ouest de la manière laplus évidente par un dos transversal qui se prolongedu sud au nord, sous le nom de Bolor ou Belour-tagh (a) (montagnes du pays de Bolor, qui en estvoisin). Cette chaîne sépare la petite Boukharie de lagrande, du pays de Kachghar, de Badakhchan et duHaut-Djihoun (Amou-deria). Sa partie méridionale,qui se rattache au système des Kuen-lun, forme d’a-près la dénomination employée par les Chinois, une
(a) Suivant M. Klaproth, ce dos transversal se nommeen Ouïgour Boulyt-tagh, mont des nuages, à cause despluies extraordinaires qui sous cette latitude tombent sansinterruption pendant trois mois. D’après Bakoui, Extraitdes manuscrits de la bibliothèque du roi, t. II. p. 472, lescristaux de roche qui sont très beaux dans les monts Bo-lor (Po-lou-lo des cartes japonaises), en tirent, en persanet en turc, le nom de Belour. Dans cette dernière langue,Belouth-tagh signifierait mont des chênes. A l’ouest du dostransversal de Belour, se trouve la station de Pamir, pres-que sous le parallèle de Kachghar, ainsi à peu près sous les39° 30′ de latitude. Marco Polo a nommé, d’après cette sta-tion, un plateau dont les géographes modernes ont fait tan-tôt une chaîne de montagnes, tantôt une province situéeplus au sud. Ce canton conserve de l’intérêt pour le natu-raliste parce que le célèbre voyageur vénitien y a observéle premier un fait qui s’est si fréquemment renouvelé de-vant moi sur les hauteurs considérables du nouveau monde,c’est qu’il est extrêmement difficile d’y allumer et d’y en-tretenir du feu.
|240| partie du Thsoung ling. Au nord, elle se joint à lachaîne qui passe au nord-ouest de Kachgar, etporte le nom de col de Kachghar (Kachghar di-van ou davan), selon le récit de M. Nasarov,qui, en 1813, est allé jusqu’à Khokand. Entre Kho-kand, Dervazeh et Hissar, par conséquent entre lessources encore inconnues du Sihoun et de l’Amou-deria, le Thian chan se relève avant de s’abais-ser de nouveau dans le khanat de Boukhara, et offreun groupe de hautes montagnes dont plusieurssommets, tels que le Thakt-i-Souleiman (trône deSalomon), la cime nommée Terek et d’autres, sontcouverts de neige, même en été. Plus à l’est, surle chemin qui va de la rive occidentale du lac To-mourtou à Kachghar, le Thian chan ne me pa-raît pas atteindre à une aussi grande élévation,du moins il n’est pas fait mention de neige dans l’i-tinéraire de Semipolatinsk à Kachghar, que je pu-blierai. La route passe à l’est du lac Balkachi et àl’ouest du lac Issi-koul ou Temourtou, et traversele Narun ou Narim, affluent du Sihoun. A 105 verstau sud du Narun, on franchit le mont Rovatt, quiest assez élevé, et large de quinze verst, il offre unegrande caverne et est situé entre l’At-bache, petiterivière, et le petit lac de Tchater-koul. C’est le pointculminant avant d’arriver au poste chinois placé ausud de l’Aksou, petite rivière du step, au vil-lage d’Artuche, et à Kachghar; cette ville, bâtie surles rives de l’Ara-tumen, a 15,000 maisons et 80,000|241| habitans, mais est cependant plus petite que Samar-kand. Le Kachghar davan (8) paraît ne pas formerun mur continu, mais offrir un passage ouvert surplusieurs points. M. Gens m’a déja témoigné sonétonnement de ce qu’aucun des nombreux itiné-raires de Boukhars qu’il a rassemblés, ne fait mentiond’une haute chaîne de montagnes entre Khokand etKachghar. Les grandes montagnes neigeuses semblentne se montrer de nouveau qu’à l’est du méridiend’Aksou; car ces mêmes itinéraires indiquent sur laroute de Koura, sur les bords de l’Ili à Aksou, à peuprès à mi-chemin, entre les sources thermales d’Ara-chan au nord de Kandjeilao (Khan tsilao rocher duroi), poste chinois, et à l’avant-poste de Tamga tache,le Djeparlé, glacier couvert de neiges perpétuelles (9).
Le prolongement occidental du Thian chan ouMouz tagh, comme l’appellent par prééminenceles rédacteurs des mémoires du sultan Baber, mériteun examen particulier. Au point où le Bolor ouBelour-tagh (a) se joint à angle droit au Mouz tagh,
(a) La chaîne transversale du Belour, Bolor, Belouth ouBoulyt est si âpre et si impraticable qu’il ne s’y trouve quedeux cols qui, depuis les temps les plus anciens, ont été fré-quentés par les armées et les caravanes: l’un au sud entreBadakchan et Tchitral, et un autre au nord à l’est d’Ouche auxsources du Sih oun. Ce dernier (Douan d’Akisik), est situéau nord du point d’intersection du Thian chan et du Belourtagh, à l’endroit où ce dernier, pour me servir d’une autreexpression empruntée à la théorie des transitions appliquéeau soulèvement des montagnes traverse sur une cre-
|242| ou traverse même comme un filon ce grand sys-tème, ce dernier continue à se diriger sans inter-ruption de l’est à l’ouest sous le nom d’Asferah-tagh,au sud du Sihoun, vers Khodjend et Ourateppeh, dansle Ferghana. Cette chaîne de l’Asferah, couverte deneiges perpétuelles, et nommée à tort chaîne dePamer (a), sépare les sources du Sihoun (Iaxartes),de celles de l’Amou (b) (Oxus); elle tourne au sud-
vasse la rangée des monts Célestes. On peut en effet consi-dérer comme une continuation du Belour, un petit rameaude montagnes qui s’étend du sud au nord sous les 40° 45′à 42° 45′, et unit la chaîne de l’Asférah avec le Ming-bou-lak ou Ala-tagh (Memoirs of sultan Baber, p. XXVIII).L’âpreté excessive du pays qui le rend impraticable entreBadakhchan, Karatighin et le versant méridional du Thian-chan, suffit pour faire comprendre que les caravanes deSamarkand (38° 40′ de lat.) et de Tachkend, pour arri-ver à Kachghar (59° 25′), passent l’Ili près d’Almaligh(Gouldja 42° 49′, comme le dit Erskine dans l’ouvragecité p. XXXII). Gouldja, lieu de bannissement des grandspersonnages de la Chine, et le lac Temourtou ne seraient-ils pas plus à l’ouest, ou bien Kachghar ne serait-il pas plusà l’est que les missionnaires ne le marquent? Du reste,M. Erskine confirme, d’après le témoignage d’un Ouzbek,l’opinion énoncée précédemment sur l’abaissement desmontagnes ou plutôt des cols entre Tachkend et Gouldja,de même qu’entre ce lieu ou l’Ili et Kachghar (l. c.p. XXXIX. LXVII).(a) Waddington. l. c. p. LXVII.(b) Ces dernières sont situées au point culminant du Be-lour tagh, sur le versant occidental du Pouchtikour (Ers-kine and Waddington. Mémoires de Baber, p. XXVII,
|243| ouest, à peu près sous le méridien de Kodjend, etdans cette direction est nommée, jusque vers Samar-kand, Ak-tagh (Mont-Blanc ou neigeux), ou Al-Bo-tom. Plus à l’ouest, sur les bords rians et fertilesdu Kohik, commence le grand abaissement de terraincomprenant la Grande-Boukharie, le pays de Mava-ralnahar, qui est si bas, et où la culture soignéede la terre et la richesse des villes attirent périodi-quement les invasions des habitans de l’Iran, duKandahar et de la Haute-Mongolie; mais au-delàde la mer Caspienne, presque sous la même lati-tude et dans la même direction que le Thian chan,se montre le Caucase avec ses porphyres et sestrachytes. On est donc enclin à le regarder commeune continuation de la fissure en forme de filon,sur laquelle s’élève dans l’est le Thian chan, demême qu’à l’ouest du grand nœud de montagnes del’Adzarbaïdjan et de l’Arménie, on reconnaît dans leTaurus une continuation de l’action de la fissure del’Himâlaya et de l’Hindou kouch. C’est ainsi que, dans
XXIX, XXXIV, LXVII.) La vallée du haut Sihoun estbornée au nord par le Ming-boulak-tagh (mont desmille Sources): c’est ainsi que l’on nomme une partie del’Alak ou Alak-tagh au nord de Marghinan et de Khokand.Si le col de Kachghar ou Kachghar davan est situé sous leméridien de Khokand, comme le marque la carte de Lapiejointe au Voyage de Meyendorff, il doit se trouver dansla chaîne de l’Asférah. Mais il me paraît plus vraisemblablequ’il est identique avec le col d’Akizik dont je parle dansl’avant-dernière note.
|244| le sens géognostique, les membres disjoints des mon-tagnes de l’Asie occidentale, comme M. Ritter lesnomme dans son excellent Tableau de l’Asie, se rat-tachent aux formes des terrains de l’orient.
III. Système du Kuen lun ou Koulkoun, ou Tar-tach-davan, entre Khotan (Ilitchi) (a), où la ci-vilisation hindoue et le culte de Bouddha ont pénétrécinq cents ans avant de parvenir au Tubet et Ladak:entre le nœud de montagnes de Khoukhou-nooret du Tubet oriental, et la contrée appelée Katchi. Ce système de montagnes commence à l’ouestau Thsoung ling (Monts des Ognons ou Bleus),sur lequel M. Abel-Remusat a répandu tant dejour dans sa savante Histoire de Khotan (b).Ce système se rattache, comme on l’a observéplus haut, à la chaîne transversale de Bolor, etsuivant les livres chinois, en forme la partie mé-ridionale. Ce coin du globe entre le petit Tubet et leBadakchan, riche en rubis, en lazulite et en kalaïte(c),
(a) La position de Khotan est très fautive sur toutes lescartes. Latitude d’après les observations astronomiquesdes missionnaires Félix de Arocha, Espinha et Hallerstein,37° 0′, longitude 35° 52′ à l’O. de Peking, par conséquent78° 15′ à l’E. de Paris (Mémoires relatifs à l’Asie, t. II,p. 283). Cette longitude détermine la direction moyennedu Kuen-lun.(b) Histoire de la ville de Khotan, p. VIII, etc. et 237,Klaproth, l. c. p. 295 et 415.(c) Turquoise qui n’est pas d’origine organique ou ani-male.
|245| est très peu connu; et, suivant des renseignemensrécens, le plateau du Khorassan qui se dirige versHérat, et borne au nord l’Hindou kho (a), paraîtêtre plutôt une continuation du Thsoung ling et detout le système du Kuen lun à l’ouest, qu’un pro-longement de l’Himâlaya, comme on le suppose com-munément. Du Thsoung ling, le Kuen lun ouKoulkoun, file de l’ouest à l’est, vers les sources duHouang ho (fleuve Jaune), et pénètre, avec ses cimesneigeuses, dans le Chen si, province de la Chine.Presque sous le méridien de ces sources, s’élève legrand nœud des montagnes du lac Khoukhou-noor,nœud qui s’appuie au nord sur la chaîne neigeusedes Nan chan ou Ki lian chan (b), s’avançant égale-ment de l’ouest à l’est. Entre le Nan chan et leThian chan, du côté de Hami, les montagnes duTangout bornent le bord du haut désert de Gobi ouChamo, qui se prolonge du sud-ouest au nord-est. La latitude de la partie moyenne du Kuen lunest par 35° 30′.
IV. Système de l’Himâlaya. Il sépare les val-lées de Kachemir (Sirinagour) et de Népal, duBoutan et du Tubet; à l’ouest, il s’élance, par le Dja-vahir, à 4,026 toises; à l’est, par le Dhavalaghiri (c),
(a) L’Hindou kouch. On peut consulter sur ses cols leMemoirs of Baber, p. 139.(b) Le prolongement oriental du Ki lian chan, chaînecouverte de neiges perpétuelles, se nomme Ala chan.(c) Humbolt, Sur quelques phénomènes géologiques qu’of-
|246| à 4,390 de hauteur absolue au-dessus du niveaude la mer; il se dirige généralement du nord-ouestau sud-est, et par conséquent n’est nullement pa-rallèle au Kuen-lun; il s’en rapproche tellementsous le méridien d’Attok et de Djellal-abad qu’entreKaboul, Kachemir, Ladak et Badakhchan, l’Himâlayasemble ne former qu’une seule masse de montagnesavec l’Hindou kho et le Thsoung ling. De mêmel’espace entre l’Himâlaya et le Kuen-lun est plusresserré par des chaînes secondaires et des massesde monts isolés, que ne le sont les plateaux entrele premier, le second et le troisième système demontagnes. Par conséquent on ne peut proprementcomparer le Tubet et le Katchi, d’après leur cons-truction géognostique avec les hautes vallées longi-tudinales (a), situées entre la chaîne des Andes
fre la Cordillère de Quito, et la partie occidentale de l’ Hi-mâlaya, dans les Annales des Sciences naturelles, mars 1825.Dhavalaghiri, Mont-Blanc de l’Inde; son nom vient dedhavala blanc, et de ghiri montagne, en sanscrit. M. Boppprésume que dans Djavahir la finale hir remplace ghiri.Djava signifie vitesse. Pour que l’on puisse trouver des objetsde comparaison aux deux colosses de l’Asie, je rappelle icique parmi les sommets de la chaîne des Andes en Améri-que, le Nevado de Sorata, mesuré par M. Pentland, atteint3948 toises, et le Chimborazo, que j’ai mesuré, en a 3350.(Arago, dans l’ Annuaire du Bureau des longitudes. 1830et mon Mémoire sur le Pérou méridional dans la Hertha,1829, janvier, pag. 14, et N. Annales des Voyages, T. XIV.)(a) Dans les Andes, j’ai trouvé que la hauteur moyenne dela vallée longitudinale entre la Cordillère orientale et l’oc-
|247| orientales et occidentales, par exemple, avec leplateau qui renferme le lac de Titicaca, dont unobservateur très exact, M. Pentland, a trouvé quel’élévation au-dessus de la mer était de 1,986 toises.Cependant il ne faut pas se représenter la hauteurdu plateau entre le Kuen lun et l’Himâlaya, demême que dans tout le reste de l’Asie intérieure,comme égale partout. La douceur des hivers et laculture de la vigne (a) dans les jardins de H’lassa,
cidentale, depuis le nœud de montagnes de Los Robles prèsde Popayan jusqu’à celui de Pasco, ainsi des 2° 20′ de lat. N.aux 10° 30′ de lat. S. était à peu près de 1500 toises (Voyageaux régions équinoxiales. T. III, p. 207). Le plateau ouplutôt la vallée longitudinale de Tiahuanaco, le long dulac de Titicaca, siège primitif de la civilisation péruvienne,est plus élevé que le pic de Ténériffe: toutefois on ne peutpas, d’après mes expériences, dire en général que la hau-teur absolue à laquelle le sol des vallées longitudinales pa-raît avoir été soulevé par les forces souterraines, augmenteavec la hauteur absolue des chaînes voisines. De même,l’élévation des chaînes isolées au-dessus des vallées esttrès diverse, suivant qu’au pied de la chaîne, la plainesoulevée s’est élevée en même temps ou bien a conservéson ancien niveau.(a) La culture des plantes dont la vie végétante est pres-que bornée à la durée de l’été, et qui dépouillées de feuil-les, restent engourdies pendant l’hiver, pourrait être ex-pliquée par l’influence que de vastes plateaux exercent surle rayonnement de la chaleur; mais il n’en est pas demême de la moindre rigueur des hivers quand il s’agit dehauteurs de 1800 à 2000 toises à 6° au nord de la zoneéquinoxiale.
|248| sous les 29° 40′ de latitude, circonstances con-nues par les relations publiées par M. Klaproth etl’archimandrite Hyacinthe, annoncent l’existence devallées profondes, et d’affaissemens circulaires (a).Deux fleuves considérables, l’Indus et le Zzangbo(Tsampou) (b) indiquent, dans le plateau duTubet, au nord-ouest et au sud-est, un abaissementdont l’axe se trouve presque sous le méridien dugigantesque Djavahir, des deux lacs sacrés le Manas-soravara et le Ravana Hrada, et du mont Kaïlasaou Kaïlas, en chinois O neou ta, en tubetain Gangdis-ri (mont couleur de neige; sur les cartes ded’Anville Kentaisse). De ce noyau sortent: lachaîne de Kara koroum padichah, qui se dirige aunord-ouest, par conséquent au nord de Ladak, versle Thsoung ling; les chaînes neigeuses de Hor (Khor),et de Zzang qui filent à l’est. Celle de Hor, à son extrémiténord-ouest, se rattache au Kuen-lun; il court, ducôté de l’est, vers le Tengri noor (lac du Ciel.) LeZzang, plus méridional que la chaîne de Hor, borne lalongue vallée du Zzangbo, et file de l’ouest à l’est vers le
(a) Je me rappelle la vallée étroite, mais charmante deGuallabamba, dans laquelle en sortant de Quito, je descen-dais souvent, en quelques instans, à une profondeur per-pendiculaire de 500 toises, pour échanger un climat dés-agréable et froid contre la chaleur tropicale, à l’aspect desorangers, des palmiers et des bananiers.(b) Les recherches de M. Klaproth ont prouvé que cefleuve entièrement séparé du système de Brahmapoutra,était identique avec l’Iraouaddy de l’empire birman.
|249| Nien tsin tangla gangri, très haut sommet qui,entre H’lassa et le lac Tengri noor (mal-à-proposnommé Terkiri), se termine au mont Nomchounoubachi (a). Entre les méridiens de Gorkha, de Khat-mandou et de H’lassa, l’Himâlaya envoie au nordvers la rive droite ou bord méridional de la valléedu Zzangbo, plusieurs rameaux couverts de neigesperpétuelles. Le plus haut est le Yarla Chamboïgangri, dont le nom en tubétain signifie la monta-gne neigeuse dans le pays du Dieu existant par lui-même. Cette cime est à l’ouest du lac Yamroukyoumdzo, que nos cartes nomment Palté (b), et quiressemble à un anneau à cause d’une île qui remplitpresque toute son étendue.
Si, profitant des écrits des Chinois que M. Kla-proth a recueillis (c), nous suivons le système del’Himâlaya vers l’est au-delà du territoire anglaisdans l’Hindoustân, nous voyons qu’il borne l’Assamau nord, contient les sources du Brahmapoutra,
(a) Klaproth. Mémoires relatifs à l’Asie. T. III, p. 291.(b) Probablement par une méprise, causée par le nom dePéïti situé un peu au nord. D’Anville, Atlas de la Chine-Boutan. V. H. — (La ville s’appelle en tubétain Bhaldhi;les Chinois ont estropié ce nom en Peïti ou Peti; il n’y apas de doute que la dénomination de Palté, qu’on donneau lac voisin, ne dérive de Bhaldhi. Kl.(c) Je possède deux pages d’un manuscrit intitulé Aperçudes hautes chaînes de montagnes de l’Asie centrale; queM. Klaproth a eu la complaisance de me communiquer en1828, avant que je partisse pour mon voyage de Sibérie.
|250| passe par la partie septentrionale de l’Ava, et pé-nètre dans l’Yun nan, province de la Chine; il ymontre, à l’ouest d’Young tchang, des cimes aiguëset neigeuses; il tourne brusquement au nord-est surles confins du Hou kouang, du Kiang si, et du Foukian, et s’avance avec des sommets neigeux près del’Océan, où l’on trouve, comme prolongement decette chaîne, une île (Formose) dont les montagnessont couvertes de neige pendant la plus grande par-tie de l’été, ce qui indique une élévation d’au moins1900 toises. Ainsi on peut suivre le système de l’Hi-mâlaya comme chaîne continue depuis l’Océan orien-tal, ensuite par l’Hindou kho, à travers le Kandahar etle Khorassan, enfin jusqu’au-delà de la mer Caspiennedans l’Adzerbaïdjan, dans une étendue de 73 degrésde longitude, la moitié de celle des Andes. L’extré-mité occidentale, qui est volcanique (12), mais cou-verte également de neige au Demavend, perd le carac-tère particulier de chaîne dans le nœud des montagnesd’Arménie, qui se rattache au Sangalou, au Bin-gheul et au Kachmir dagh, hauts sommets du pa-chalik d’Erzeroum. La direction moyenne du sys-tème de l’Himâlaya est au N. 55° O.
Voilà les traits principaux d’un tableau géognos-tique de l’Asie intérieure que j’ai tracé d’après denombreux matériaux que j’ai rassemblés pendant unelongue suite d’années (a). Ceux de ces matériaux
(a) J’ai déja publié deux essais sur ce sujet: Mémoiressur les montagnes de l’Inde et la limite inférieure des nei-
|251| dont nous sommes redevables aux voyageurs euro-péens modernes sont d’une mince importance, encomparaison de l’espace prodigieux qu’occupent lachaîne de l’Altaï, les monts Himâlaya et les dos trans-versaux du Bolor et du Khingkhan. Ce sont lessavans versés dans la connaissance des littératureschinoise, mandchoue et mongole qui, de nosjours, ont publié les notices les plus importantes etles plus complètes sur ces sujets. Plus la culture deslangues asiatiques deviendra générale, plus on ap-préciera pour l’étude de la constitution géognosti-que de l’Asie moyenne la connaissance de ces sourcessi long-temps négligées. En attendant le moment oùM. Klaproth répandra une nouvelle lumière surcette étude par un ouvrage spécial, le tableau quej’ai présenté plus haut, des quatre systèmes demontagnes qui se dirigent de l’est à l’ouest, et dontle savant que je viens de nommer a fourni une grandepartie des matériaux, ne sera pas sans utilité. Pourreconnaître ce qu’il y a de caractéristique dans lesinégalités de la surface du globe, pour découvrir leslois qui suivent la disposition locale des masses demontagnes et des dépressions, on peut avoir recoursà l’analogie que peuvent offrir d’autres continens. Siune fois les grandes formes, les directions dominan-tes des chaînes sont bien déterminées, on voit serattacher à cette base, comme à un type commun,
ges perpétuelles en Asie. (Voy. Annales de chimie et de phy-sique. T. III, p. 297, et t. XIV, p. 5.)
|252| tout ce qui dans les phénomènes a paru d’abordisolé, s’éloigner des règles, annoncer un autre âgede formation. Cette méthode que j’ai suivie dansmon tableau géognostique de l’Amérique méridio-nale, j’ai essayé de l’appliquer ici aux limites desgrandes masses de l’Asie moyenne.
En jetant un dernier coup-d’œil sur les quatresystèmes de montagnes qui coupent le continent del’Asie de l’est à l’ouest, nous voyons que le méri-dional a le plus d’étendue et de développement enlongueur. L’Altaï atteint à peine, avec des sommetsélevés au 78e degré, le Thian chan, la chaîne aupied de laquelle sont situés Hami, Aksou et Kachghar,arrive au moins au 69e 45′; si l’on place, commeles missionnaires, Kachghar à 71° 37′ à l’est de Pa-ris (a). Le troisième et le quatrième système sontcomme fondus dans les grands nœuds de Badakhchan,du petit Tubet, et de Kachghar. Au-delà des 69e et70e méridiens, il n’y a qu’une chaîne, celle de l’Hin-dou-kho qui s’abaisse vers Hérat, mais qui ensuite,au sud d’Asterabad, s’élève à une hauteur considéra-ble vers le sommet volcanique et neigeux du Dema-
(a) La géographie astronomique de l’Asie intérieure estencore très confuse, parce que l’on ignore les élémens desobservations et que l’on ne connaît que leurs résultats:par exemple: Tachkend, suivant la carte de Waddington,annexée aux Mémoires du sultan Baber, est situé sous le 2eméridien de l’E. de Samarkand; tandis que la cartejointe au Voyage du baron de Meyendorff, dressée par M.Lapie, place cette ville sous le méridien même de Samarkand.
|253| vend. Le plateau de l’Iran qui, dans sa plus grandeétendue de Tehran à Chyraz, paraît avoir une hau-teur moyenne de 650 toises (a), envoie vers l’Indeet le Tubet deux branches, l’Himâlaya et la chaînedu Kuen lun, et forme une bifurcation de la fissurede laquelle les masses de montagnes se sont élevées.Ainsi le Kuen lun peut être considéré comme un
(a) On manque toujours de mesures barométriques pources pays parcourus récemment par les Européens, si fré-quemment et avec tant de facilité. Les déterminations deFraser pour le point d’ébullition (Narrative of a journeyto Khorasan. Appendix, p. 135) donnent, suivant la for-mule de Meyer, pour Tehran 627 toises, pour Isfahan688, pour Chyraz 692. La formule de Biot fournit des hau-teurs plus basses de quelques toises. Les résultats offertspar le tableau contenu dans la Hertha, février 1820, p. 172,se fondent, suivant le docteur Knorre, sur la suppositionerronée que la force expansive du changement de tempé-rature du point d’ébullition, reste absolument proportion-nelle. Afin que l’on puisse comparer la hauteur du plateaude la Perse avec d’autres, je présente le tableau suivant.Intérieur de la Russie autour de Moscou 76 toises et non145, comme on l’a long-temps prétendu; plaines de la Lom-bardie 80; plateau de la Souabe 150, de l’Auvergne 174,de la Suisse 220, de la Bavière 260, de l’Espagne 350. Si lefond d’une vallée longitudinale, par exemple dans lachaîne des Andes, est souvent à une hauteur de 1500 à 2000,toises au dessus du niveau de la mer, c’est le résultat del’élévation de toute la chaîne. Les plateaux de l’Espagneet de la Bavière se sont vraisemblablement exhaussés lors-que toute la masse du continent se souleva. Les deux épo-ques sont très différentes en géognosie.
|254| débris saillant de l’Himâlaya. L’espace intermé-diaire, comprenant le Tubet et le Katchi, est coupépar de nombreuses fentes dans toutes sortes de di-rections. Cette analogie avec les phénomènes les plusordinaires de la formation des filons se montre de lamanière la plus évidente, comme je l’ai développéailleurs dans la suite longue et étroite des Cordil-lères du Nouveau Monde.
On peut suivre jusqu’au-delà de la mer Caspienne,sous les 45 degrés de longitude (a), les systèmes demontagnes de l’Himâlaya et des Kuen lun, qui sesont prolongés en se joignant dans le nœud situé entreKachemir et Fyzabad. Ainsi la chaîne de l’Himâlayareste au sud du Bolor, de l’Ak-tagh, du Mingboulaket de l’Ala-tau, entre Badakhchan, Samarkand etTurkestan; à l’est du Caucase elle se joint au plateau del’Adzarbaïdjan, et borne au sud le grand enfoncementou affaissement dont la mer Caspienne et le lac d’A-ral (b) occupent le bassin le plus bas, et dans lequelune partie considérable de terrain, dont la surfaceest vraisemblablement de 18,000 lieues carrées et
(a) Toujours à l’est du méridien de Paris.(b) Une suite de nivellemens barométriques continuéepar un hiver très rigoureux, pendant l’expédition du colonelBerg, depuis la mer Caspienne jusqu’à la rive occidentaledu lac Aral à la baie de Mertvoy Koultouk, par M. Duhamelet M. Anjou, capitaines de vaisseau, a montré que le ni-veau du lac Aral est de 117 pieds anglais au-dessus de ce-lui de la mer Caspienne.
|255| qui s’étend entre la Kouma, le Don, le Volga, leIaïk, l’Obtchey-syrt, le lac Aksakal, le Sihoun infé-rieur, et le khanat de Khiva, sur les rives de l’A-mou-deria, est située au-dessous du niveau del’Océan. L’existence de ce singulier affaissement a étél’objet de pénibles observations barométriques denivellement entre la mer Caspienne et la mer Noire,par MM. de Parrot et Engelhardt; entre Orenbourget Gouriev à l’embouchure du Iaïk par MM. de Helmer-sen et Hoffmann. Ce pays si bas est rempli de forma-tions tertiaires, d’où sortent des mélaphyres et des dé-bris de roches scorifiées; il offre aux géognostes, par laconstitution du terrain, un phénomène jusqu’à pré-sent unique sur notre planète. Au sud de Bakou etdans le golfe de Balkan, cet aspect est extrêmementmodifié par les forces volcaniques. L’académie dessciences de S.-Petersbourg a récemment exaucé mesvœux, de faire déterminer par une suite de stationsde nivellemens barométriques, sur la lisière nord-estde ce bassin, sur le Volga entre Kamychin et Sa-ratov, sur le Iaïk entre l’Obtchey-syrt, Orenbourg etl’Ouralsk, sur l’Iemba et au-delà des coteaux deMougodjar, par lesquels l’Oural se prolonge au sud,du côté du lac Aksakal et vers le Sarasou, la positiond’une ligne géodesique (a) qui réunisse tous lespoints situés au niveau de la surface de l’Océan.

(a) Ligne de sonde. Il est question de ce travail dans lediscours que j’ai prononcé, dans la séance extraordinairede l’académie des sciences de Saint-Pétersbourg, le 16 no-
|256| J’ai parlé plus haut de la supposition suivant la-quelle ce grand affaissement des terres de l’Asie occi-dentale, continuait autrefois jusqu’à l’embouchurede l’Ob et à la mer Glaciale par une vallée traver-sant le désert de Kara-koum, et les nombreuxgroupes d’oasis des steps des Kirghiz et de Ba-raba. Son origine me paraît plus ancienne que celledes monts Oural, dont on peut suivre le prolonge-ment méridional dans une direction non interrom-pue depuis le plateau de Gouberlinsk, jusqu’à Oust-ourt entre le lac Aral et la mer Caspienne. Unechaîne dont la hauteur est si peu considérable, neserait-elle pas entièrement disparue si la grande fis-sure de l’Oural ne s’était pas formée postérieurementà cet affaissement. Par conséquent, l’époque de l’af-faissement de l’Asie occidentale coïncide plutôt aveccelle de l’exhaussement du plateau de l’Iran, duplateau de l’Asie centrale, de l’Himâlaya, du Kuenlun, du Thian chan, et de tous les anciens systèmesde montagnes dirigés de l’est à l’ouest; peut-êtreaussi avec celle de l’exhaussement du Caucase et dunœud de montagnes de l’Arménie et d’Erzeroum.Aucune partie du monde, sans même en excepterl’Afrique méridionale, n’offre une masse de terreaussi étendue et soulevée à une si grande hauteurque dans l’Asie intérieure. L’axe principal de cetexhaussement qui probablement précéda l’éruption
vembre 1829. Il se trouve dans les Nouvelles Annales desVoyages (2e série), t. 15, p. 86 et suiv.
|257| des chaînes sorties des fentes allant de l’est à l’ouest,se dirige du sud-ouest au nord-est, depuis le nœudde montagnes entre Kachemir, Badakhchan, et leThsoung ling, dans le Tubet, où sont le Kaylasa et leslacs Sacrés (a), jusqu’aux sommets neigeux de l’In-chan et du Khingkhan (b). Le soulèvement d’une
(a) Les lacs Manasa et Ravan Hrad. Manasa en sans-crit signifie esprit: le Manasa-vara est le plus oriental deces deux lacs; son nom veut dire, mot à mot, le plus par-fait des lacs honorables. Le lac occidental est nommé Ra-vanah Hrad ou lac de Ravana; d’après le célèbre héros duRamayana (Bopp).(b) Cette direction de l’axe des exhaussemens du sud-ouest au nord-est, se retrouve aussi au delà du 55me degréde latitude, dans l’espace compris entre la Sibérie occiden-tale, contrée basse, et la Sibérie orientale, pays remplide chaînes de montagnes; cet espace est borné par le mé-ridien d’Irkoutsk, la mer Glaciale et la mer d’Okhotsk.M. le docteur Erman a trouvé dans les monts Aldan àAllakh-iouna une cime haute de 5000 pieds (Berghaus. An-nalen. T. I, p. 599). Au nord du Kuen lun, chaîne duTubet septentrional, et à l’ouest du méridien de Pekingles parties de l’exhaussement du sol les plus importantespar leur étendue et leur hauteur sont: 1° à l’est du nœuddu Khoukhou-noor, l’espace entre le Tourfan, le Tangout, lagrande sinuosité du Hoang ho, le Gardjan (Klaproth. Ta-bleaux historiques de l’ Asie, p. 97) et la chaîne du King-khan, espace qui comprend le grand désert de Gobi.2° Le plateau entre les monts neigeux de Khangaï et deTangnou, entre les sources du Ieniseï, de la Selengga etde l’Amour. 3° A l’ouest du canton arrosé par le cours su-périeur de l’ Oxus (Amou) et du Iaxartes (Sihoun); en-
|258| masse si énorme suffisait pour produire un affaisse-ment dont peut-être aujourd’hui la moitié n’est pasremplie par l’eau, et qui depuis qu’il existe a ététellement modifié par l’action des forces souterraines,que selon les traditions des Tatares recueillies parM. le professeur Eichwald, le promontoire d’Ab-cheron, était autrefois uni par un isthme avec la côteopposée de la mer Caspienne en Turcomanie. Lesgrands lacs qui se sont formés en Europe au pied desAlpes, sont un phénomène analogue à l’enfonce-ment où est située la mer Caspienne, et doivent éga-lement leur origine à un affaissement du sol. Nousverrons bientôt que c’est principalement dans l’éten-due de cet enfoncement, par conséquent dans l’es-pace où la résistance était moindre, que des tracesrécentes de l’action volcanique se montrent.
La position du mont Aral-toubé, qui a autrefoisjeté du feu, et dont j’ai connu l’existence par les iti-néraires du colonel Gens, devient plus intéressantequand on la compare avec celle des volcans du Pe-chan et du Ho tcheou, sur les pentes septentrionale
tre Fyzabad, Balkh, Samarkand et l’Ala-tau près du Tour-kestan, à l’ouest du Bolor (Belout tagh). Le soulèvementde ce dos transversal a produit dans le sol de la grande val-lée longitudinale du Thian chan narlou entre le secondet le troisième système de montagnes de l’est à l’ouest, ouentre le Thian chan et le Kuen lun, une contre-pentede l’ouest à l’est, tandis que dans la vallée longitudinaledu Thian chan-Pe lou en Dzoungarie, entre le Thian chanet l’Altaï, on observe une pente générale de l’est à l’ouest.
|259| et méridionale du Thian chan, avec celle de la sol-fatare d’Ouroumtsi, et avec celle de la crevassevoisine du lac Darlaï, qui exhale des vapeurs am-moniacales. Les recherches de MM. Klaproth et AbelRémusat nous ont fait connaître ce dernier pointdepuis plus de six ans.
Le volcan situé par 42° 25′ ou 42° 35′ de lati-tude, entre Korgos sur les bords de l’Ili, et Kou-tché dans la Petite-Boukharie, appartient à la chaînedu Thian chan: peut-être se trouve-t-il sur sonversant septentrional, à 3 degrés à l’est du lac Is-si-koul ou Temourtou. Les auteurs chinois le nommentPè chan (Mont-Blanc), Ho chan et Aghie (monta-gne de feu) (a). On ne sait pas avec certitude, si le
(a) Klaproth. L. c. p. 110, et aussi Mémoires relatifsà l’ Asie. T. II, p. 358. Abel Rémusat, dans le Journalasiatique, T. V, p. 45, et aussi Description de Khotan T. II,p. 9. Les notices données par M. Klaproth sont les pluscomplètes, et tirées principalement de l’histoire de la dy-nastie des Ming. M. Abel Rémusat a puisé davantage dansla traduction japonaise de la grande encyclopédie chinoise.La racine ag qui se retrouve dans le mot Aghie signifie feuen hindoustani, suivant M. Klaproth. Au sud du Pè chan,dans les environs de Khotan qui appartient au Thian channarlou, sans doute on parlait, avant notre ère, le sanscritou une langue ayant une grande analogie avec celle-là:mais en sanscrit une montagne enflammée se nommeraitAgni ghiri. Selon M. Bopp Aghie n’est pas un mot sans-crit. (Note de M. Klaproth. La racine ag qui se trouve dansle mot aghie signifie feu dans toutes les langues de l’Hin-doustan; cet élément est nommé âg en hindoustani, âgh
|260| nom de Pè chan, veut dire que son sommet atteint àla ligne des neiges perpétuelles, ce que la hauteurde cette montagne déterminerait au moins pour leminimum, ou s’il indique seulement la couleur écla-tante d’une cime couverte de sels, de pierres-ponceset de cendres volcaniques en décomposition. Unécrivain chinois du 7e siècle dit: A deux cents li,ou à 15 lieues au nord de la ville de Khoueï tchéou(aujourd’hui Kou tchè), par 41° 37′ de lat. et 80°35′ de longit. E.; suivant les déterminations astro-nomiques des missionnaires faites dans le pays desEleuths, s’élève le Pè chan qui vomit, sans interrup-tion, du feu et de la fumée. C’est de là que vient lesel ammoniac; sur une des pentes du mont de Feu(Ho chan), toutes les pierres brûlent, fondent etcoulent à une distance de quelques dizaines de li.La masse en fusion (a) durcit à mesure qu’elle serefroidit. Les habitans l’emploient comme médica-ment dans les maladies (b): on y trouve aussi dusoufre.

en mahratte, et la forme d’agi s’est encore conservée dansla langue du Pendjâb. Le mot agni, par lequel on désigneordinairement le feu en sanscrit, appartient à la même ra-cine, ainsi que âgoun en bengali, ogon en russe et l’ignisdes Latins.)(a) L’histoire de la dynastie chinoise des Thang, en par-lant de la lave du Pè chan, dit qu’elle coulait comme unegraisse liquide. Kl.(b) Non pas la lave, mais les particules salines qui fontefflorescence à sa surface.
|261| M. Klaproth observe que cette montagne senomme aujourd’hui Khalar (13), et que suivant lerécit des Boukhars qui apportent en Sibérie le selammoniac nommé nao cha en chinois et nouchaderen persan, la montagne au sud de Korgos est si abon-dante en cette espèce de sel, que souvent les habitansdu pays l’emploient pour payer leur tribut à l’em-pereur de la Chine. Dans une nouvelle Descriptionde l’ Asie centrale publiée à Péking en 1777, on litces mots: «La province de Koutché produit ducuivre, du salpêtre, du soufre et du sel ammoniac.Cette dernière substance vient d’une montagne d’am-moniac, au nord de la ville de Koutché, qui est rem-plie de cavernes et de crevasses. Au printemps, enété et en automne, ces ouvertures sont remplies defeu, de sorte que pendant la nuit, la montagne pa-raît comme illuminée par des milliers de lampes.Alors personne ne peut s’en approcher. Ce n’estqu’en hiver, lorsque la grande quantité de neige aamorti le feu, que les indigènes travaillent à ra-masser le sel ammoniac, et pour cela ils se mettenttout nus. Ce sel se trouve dans des cavernes, sousforme de stalactites, ce qui le rend difficile à déta-cher.» Le nom de sel tartare donné anciennementdans le commerce au sel ammoniac, aurait dû diri-ger depuis long-temps l’attention sur les phénomènesvolcaniques de l’Asie intérieure. M. Cordier dans sa lettre à M. Abel Rémusat surl’existence de deux volcans brûlans dans la Tarta-|262| rie centrale, nomme le Pè chan une solfatare analo-gue à celle de Pouzzoles (a). Dans l’état où l’ou-vrage cité plus haut le décrit, le Pè chan pourraitbien ne mériter que le nom d’un volcan qui ne brûleplus, quoique les phénomènes ignés manquent auxsolfatares que j’ai vues, telles que celles de Pouzzo-les, du cratère du pic de Tenerife, du Rucu pichin-cha, et du volcan de Jorullo; mais des passagesd’historiens chinois plus anciens qui racontent lamarche de l’armée des Hioung nou dans le premiersiècle de notre ère, parlent de masses de pierres enfusion qui coulent à la distance de quelques milles;ainsi on ne peut, dans ces expressions, méconnaîtredes éruptions de lave. La montagne d’ammoniac entreKoutché et Korgos a aussi été un volcan en activité,dans la plus stricte acception de ce mot: un volcan quivomissait des torrens de lave, au centre de l’Asie; à400 lieues géographiques (b) de la mer Caspienne àl’ouest, à 433 de la mer Glaciale au nord, à 504 duGrand-Océan à l’est, à 440 de la mer des Indes au
(a) Journal asiatique. T. V (1824), p. 44 — 50.(b) La distance du Pè chan à la mer d’Aral est de 225lieues, en adoptant pour la longitude de la côte orientalede ce lac 56° 8′ 59″ sous les 45° 38′ 30″ de latitude; déter-mination fondée sur l’observation des différences d’ascen-sion droite de la lune et des étoiles par M. Lemm, astro-nome de l’expédition de M. Berg. C’est la seule observationastronomique qui ait été faite sur les bords du lac Aral. Laposition du Pè chan est rapportée à celle d’Aksou, villeque les missionnaires placent par 76° 47′ de longitude.
|263| sud. Ce n’est pas ici le lieu de discuter la questionrelative à l’influence du voisinage de la mer sur l’ac-tion des volcans; nous appelons seulement l’atten-tion sur la position géographique des volcans de l’A-sie intérieure, et sur leurs rapports réciproques. LePè chan est éloigné de trois à quatre cents lieuesde toutes les mers. Lorsque je revins du Mexique,de célèbres géognostes me témoignèrent leur étonne-ment en m’entendant parler de l’éruption volcani-que de la plaine de Jorullo, et du volcan de Popo-catepetl encore en activité; et cependant la premièren’est qu’à 30 lieues de distance de la mer, et le se-cond à 43 lieues. Le Djebel Koldaghi, montagneconique et fumante du Kordofan, dont on entretintM. Ruppel à Dongola, est à 150 lieues de la merRouge (a), et cette distance n’est que le tiers de celleà laquelle le Pè chan qui, depuis 1700 ans a vomides torrens de lave, se trouve de la mer des Indes.A la fin de ce mémoire, nous ferons mention d’unenouvelle éruption du pic de Tolima dans la chaîne desAndes de la Nouvelle-Grenade, éruption d’un som-met qui appartient aux volcans disposés en série, etqui fait partie de la chaîne centrale à l’est du Cauca, laplus éloignée de la mer, et non de la chaîne occiden-tale qui borne le Choco si riche en or et en platine(l’Oural de la Colombie). L’opinion suivant laquelleles Andes n’offrent aucun volcan en activité, dans
(a) Nouvelles Annales des Voyages par Eyriès et Malte-Brun, tome XXIV, p. 282.
|264| les parties où cette chaîne s’éloigne de la mer, n’estnullement fondée. Le système des montagnes de Ca-racas qui se dirigent de l’est à l’ouest, ou la chaîne dulittoral de Venezuela, est ébranlé par de violenstremblemens de terre, mais n’a pas plus d’ouverturesqui soient en communication permanente avec l’in-térieur de la terre, et qui vomissent de la lave, quen’en a la chaîne de l’Himâlaya, qui n’est guère à plusde cent lieues de distance du golfe de Bengale, ouque n’en ont les Ghâts, que l’on peut presque appe-ler une chaîne côtière. Lorsque le trachyte n’a paspu pénétrer à travers les chaînes quand elles ont étésoulevées, elles n’offrent pas de crevasses; il ne s’yest pas ouvert des conduits par lesquels les forcessouterraines puissent agir d’une manière permanenteà la surface. La circonstance remarquable du voisi-nage de la mer partout où des volcans sont encoreen activité, circonstance que l’on ne peut nier engénéral, semble avoir pour cause moins l’action chi-mique de l’eau, que la configuration de la croûte duglobe et le défaut de résistance que dans le voisinagedes bassins maritimes, les masses de continent sou-levées, opposent aux fluides élastiques, et à l’issuedes matières en fusion dans l’intérieur de notre pla-nète. De véritables phénomènes volcaniques peuventse manifester, comme dans l’ancien pays des Eleuts,et à Tourfan au sud du Thian chan, partout où pard’anciennes révolutions, une fissure dans la croûtedu globe, s’est ouverte loin de la mer. Les volcans en|265| activité ne sont plus rarement éloignés de la merque parce que partout où l’éruption n’a pas pu sefaire sur la déclivité des masses continentales versun bassin maritime, il a fallu un concours de cir-constances très extraordinaire, pour permettre unecommunication permanente entre l’intérieur du globeet l’atmosphère et pour former des ouvertures, quicomme les sources thermales intermittentes, épan-chent, au lieu d’eau, des gaz et des terres oxidéesen fusion, c’est-à-dire des laves.
A l’est du Pè chan, le mont blanc du pays des Eleuts,toute la pente septentrionale du Thian-chan offredes phénomènes volcaniques: «on y voit des laves etdes pierres-ponces, et même de grandes solfatares quel’on nomme des lieux brûlans. La solfatare d’Ouroumtsi a cinq lieues de circonférence; en hiver ellen’est pas couverte de neige: on la croirait rempliede cendres. Si l’on jette une pierre dans ce bassin,il s’en élève des flammes et une fumée noire qui durelong-temps. Les oiseaux ne se hasardent pas à volerau-dessus de ces lieux brûlans.» A l’ouest et à 60lieues de Pè chan, il y a un lac (a) d’une étendue
(a) Selon la carte de l’Asie intérieure de Pansner, sa lon-gueur est de 17 à 18 lieues, et sa largeur de 6 à 7; il s’ap-pelle en kalmuk Temourtou (le ferrugineux), en kirghizTouz koul, en chinois Yan hai (lac salé), ou Je hais, et enturc Issi-koul (lac chaud). Klaproth. Mémoires relatifs àl’ Asie. T. II, p. 358, 416, t. III, p. 299. M. Abel Rémusatregarde le Balkachi comme le lac chaud des Chinois. (Jour-nal asiatique. T. V, p. 45, note 2.)
|266| assez considérable, et dont les différens noms enchinois, en kirghiz, en kalmuk signifient eau chaude,salée et ferrugineuse.
Si nous franchissons la chaîne volcanique duThian chan, nous trouvons à l’est-sud-est du lac Is-si-koul dont il est si souvent question dans les itiné-raires que j’ai recueillis, et du volcan du Pè chan, levolcan de Tourfan que l’on peut nommer aussi levolcan de Ho tcheou (ville de feu), car il est trèsprès de cette ville (a). M. Abel Rémusat a parlé endétail de ce volcan dans son Histoire de Khoten, etdans sa lettre à M. Cordier (b). Il n’y est pas questionde masses de pierres en fusion (torrens de laves)comme au Pè chan, mais «on en voit continuelle-ment sortir une colonne de fumée; cette fumée estremplacée le soir par une flamme semblable à celled’un flambeau. Les oiseaux et les autres animaux quien sont éclairés, paraissent de couleur rouge. Pour yaller chercher le nao cha ou sel ammoniac, les habitansdu pays mettent des sabots, car des semelles de cuirseraient trop vite brûlées.» Le sel ammoniac ne serecueille pas seulement au volcan de Ho tcheou,
(a) Ho tcheou, ville aujourd’hui détruite était à unelieue et demie à l’est de Tourfan.(b) L. c. Description de Khotan. p. 19 — 91. M. AbelRémusat nomme le volcan de Pé chan, au nord de Kou-tché, volcan de Bichbalik. Du temps des Mongols en Chinetout le pays entre la pente septentrionale du Thian chan etla petite chaîne du Tarbagataï s’appelait Bichbalik.
|267| comme une croûte ou un sédiment tel que les va-peurs qui s’exhalent l’ont déposé; les livres chinoisparlent aussi «d’un liquide verdâtre que l’on ramassedans des cavités; on le fait bouillir et évaporer, etl’on obtient le sel ammoniac sous la forme de petitspains de sucre d’une grande blancheur et d’une pu-reté parfaite.»
Le Pè chan et le volcan de Ho tcheou ou Tourfansont éloignés l’un de l’autre de 140 lieues dans la di-rection de l’est à l’ouest. A peu près à 40 lieues àl’ouest du méridien de Ho tcheou, au pied du gigan-tesque Bokhda-oola, se trouve la grande solfatared’Ouroumtsi. A 140 lieues au nord-ouest de celle-ci,dans une plaine voisine des rives du Khobok, qui s’é-coule dans le petit lac Darlaï, s’élève une colline«dont les fentes sont très chaudes sans cependantexhaler de la fumée (des vapeurs visibles). L’ammo-niac se sublime dans ces crevasses en une écorce sisolide que l’on est obligé de briser la pierre pour larecueillir.» Ces quatre lieux connus jusqu’à présent, Pè chan,Ho tcheou, Ouroumtsi et Khobok, qui offrent desphénomènes volcaniques avérés dans l’intérieur del’Asie sont éloignés de 130 à 140 lieues au sud dupoint de la Dzoungarie chinoise où je me trouvaisau commencement de 1829. En jetant les yeux surla carte jointe à ce mémoire, on voit que l’Aral-toubé,mont conique et insulaire du lac Ala-koul qui étaitencore en ignition dans les temps historiques, et|268| dont les itinéraires recueillis à Semipolatinsk fontmention, se trouve dans le territoire volcanique deBichbalik. Cette montagne insulaire est située àl’ouest de la caverne d’ammoniac de Khobok; aunord du Pè chan qui jette encore des lueurs et jadisvomit de la lave, et à une distance de 60 lieues dechacun de ces deux points. Du lac Ala-koul au lac Dzaï-sang où les Cosaques russes de la ligne de l’Irtycheexercent le droit de pêcher, grace à la connivence desMandarins, on compte 51 lieues. Le Tarbagataï aupied duquel est situé Tchougoutchak ville de laMongolie chinoise, et où le docteur Meyer, docte etactif compagnon de M. Ledebour, essaya inutilementen 1825 de pousser ses recherches d’histoire natu-relle, s’étend au sud-ouest du lac Dzaïsang vers l’A-la-koul (a). Nous connaissons ainsi dans l’intérieur
(a) Je ne veux exprimer aucun doute sur la réalité de l’A-la-koul et de l’Alaktougoul-noor, lacs voisins l’un de l’autre:mais il me semble singulier que les Tatares et les Mongolsqui parcourent fréquemment ces contrées, et que l’on a puinterroger à Semipolatinsk ne connaissent que l’Ala-koul, etprétendent que l’Alaktougoul-noor ne doit son existence qu’àune confusion de nom. M. Pansner dans sa carte russe del’Asie intérieure qui mérite toute confiance pour les pays aunord du cours de l’Ili, fait communiquer l’Ala-koul, propre-ment Ala-ghoul (lac bariolé), par cinq canaux avec l’A-laktougoul. Peut-être l’isthme qui sépare ces lacs est-il ma-récageux, ce qui a fait dire qu’il n’y a qu’un seul lac.M. Kasimbek, persan de naissance et professeur à Kazan,soutient que Toughoul est une négation tartaro-turque, et
|269| de l’Asie un territoire volcanique dont la surface estde plus de 2,500 lieues carrées, et qui est éloignéde trois à quatre cents lieues de la mer; il remplit lamoitié de la vallée longitudinale située entre le pre-mier et le second système de montagnes. Le siègeprincipal de l’action volcanique paraît être dans leThian chan. Peut-être le colossal Bokhda oola est-ilune montagne trachytique comme le Chimborazo. Ducôté du nord du Tarbagataï et du lac Darlaï l’actiondevient plus faible; cependant M. Rose et moi nousavons trouvé du trachyte blanc, le long de la pente
qu’ainsi Alak-tougoul signifie le lac non bariolé, comme Alatau-ghoul le lac au mont bariolé. Peut-être ces noms Ala-koul et Ala-tougoul veulent-ils dire seulement lac voisin del’Ala-tau, montagne qui s’étend du Turkestan à la Dzounga-rie. Sur la petite carte publiée par les missionnaires anglais duCaucase, on ne voit pas l’Ala-koul; on y trouve seulement ungroupe de trois lacs: le Balkachi, l’Alak-tougoul et le Kourghé.Au reste, l’opinion suivant laquelle le voisinage des lacs con-sidérables produit dans l’intérieur de l’Asie pour les volcanséloignés de la mer le même effet que l’Océan, est dénuéede fondement. Le volcan de Tourfan n’est entouré que delacs insignifians, et, ainsi qu’on l’a observé plus haut, lelac Temourtou ou Issi-koul, qui n’a pas deux fois l’étenduedu lac de Genève, est à 33 lieues du volcan de Pè chan.A. H. — (Les cartes chinoises représentent les deux lacscomme un seul, ayant une montagne au milieu. Ce lacs’apelle Ala-koul, sa partie orientale porte le nomd’ Alak-tougoul-nor et son golfe occidental, celui de Chi-bartou kholaï. Voyez la lettre de M. Kazim bek, à la fin dece mémoire. Kl.)
|270| sud-ouest de l’Altaï, sur une colline campaniforme, àRidderski et près du village de Boutatchikha.
Des deux côtés, au nord et au sud du Thian chan,on ressent de violens tremblemens de terre. La villed’Aksou fut entièrement détruite au commencementdu 18e siècle par une commotion de ce genre. M. Evers-man, professeur à Kazan, dont les voyages répétés ontfait connaître la Boukharie, entendit raconter par unTatare qui le servait et qui connaissait bien le paysentre les lacs Balkachi et Ala-koul que les tremblemensde terre y étaient très fréquens. Dans la Sibérie orien-tale, au nord du parallèle du 50e degré, lecentre ducercle des secousses paraît être à Irkoutsk, et dansle profond bassin du lac Baïkal, où sur le chemin deKiakhta, surtout sur les bords du Djida et du Tchi-koï, on remarque du basalte avec de l’olivine, de l’a-mygdaloïde cellulaire, de la chabasie et de l’apophyl-lite (a). Au mois de février 1829, Irkoutsk souffritbeaucoup de la violence des tremblemens de terre;au mois d’avril suivant, on ressentit aussi à Ridderskides commotions que l’on observa dans la profondeurdes mines où elles furent très vives. Mais ce point de
(a) Le docteur Hess, adjoint de l’académie des scien-ces de Saint-Pétersbourg, qui de 1826 à 1828 a séjournésur les bords du Baïkal et au sud de ce lac, nous fait es-pérer une description géognostique d’une partie du paysremarquable qu’il a parcouru. Il a souvent vu à Verkhnei-Oudinsk le granit alterner plusieurs fois avec des conglo-mérats.
|271| l’Altaï est la limite extrême du cercle des secousses;plus à l’ouest, dans les plaines de la Sibérie, entrel’Altaï et l’Oural, ainsi que dans toute la longuechaîne de l’Oural, on n’a ressenti jusqu’à présentaucun ébranlement. Le volcan du Pè chan,l’Aral-toubé, à l’ouest des cavernes de sel am-moniac de Khobok, Ridderski et la partie dupetit Altaï riche en métaux sont situés pour la plu-part dans une direction qui dévie peu de celle duméridien. Peut-être l’Altaï est-il compris dans lecercle des commotions du Thian chan, et les se-cousses de l’Altaï au lieu de venir seulement de l’est,ou du bassin de Baïkal, arrivent également du ter-ritoire volcanique de Bichbalik. Sur plusieurs pointsdu nouveau continent il est évident que les cerclesde secousses se coupent, c’est-à-dire que le mêmeterritoire reçoit la commotion terrestre, périodique-ment de deux côtés différens.
Le territoire volcanique de Bichbalik est à l’estdu grand affaissement de l’ancien monde. Des voya-geurs qui sont allés d’Orenbourg en Boukharie racon-tent qu’à Soussac dans le Kara-tau qui forme avecl’Ala-tau un promontoire au nord de la ville de Tharazou Turkestan, sur le bord de l’affaissement, des sour-ces thermales jaillissent. Au sud et à l’ouest du bas-sin intérieur nous trouvons deux volcans encore enactivité; le Demavend, visible de Tehran et le Séï-ban de l’Ararat (*) couvert de laves vitreuses. Les
(*) La hauteur de l’Ararat est, selon Parrot, de
|272| trachytes, les porphyres et les sources thermales duCaucase sont connues. Des deux côtés de l’isthme en-tre la mer Caspienne et la mer Noire les sources denaphte et les salses ou volcans de boue sont nom-breux. Le volcan boueux de Taman dont Pallas etMM. Engelhard et Parrot ont décrit la dernière érup-tion ignée de 1794, d’après le récit des Tatares est,suivant la remarque très judicieuse de M. Eichwald,«un pendant de Bakou et de toute la presqu’île d’Ab-chéron.» Les éruptions ont lieu dans les endroitsoù les forces volcaniques rencontrent le moins d’op-position. Le 27 novembre 1827, des craquemens etdes ébranlemens terrestres très violens furent suivisau village de Gokmali, dans la province de Bakouà trois lieues de la côte occidentale de la mer Cas-pienne, d’une éruption de flammes et de pierres. Unemplacement long de 200 toises et large de 150 brûlapendant vingt-sept heures sans interruption, et s’é-leva au-dessus du niveau du terrain voisin. Après queles flammes se furent éteintes, on vit jaillir des co-lonnes d’eau qui coulent encore aujourd’hui, commedes puits artésiens (a). Je me réjouis de pouvoir re-marquer ici que le periple de la mer Caspienne deM. Eichwald qui doit bientôt paraître contient desobservations physiques et géognostiques très impor-tantes, notamment sur la connexion des éruptions
2700 toises, celle de l’Elbrouz, d’après Kuppfer, de 2560au-dessus du niveau de l’Océan.(a) Abeille du Nord 1828. N° 12.
|273| ignées avec l’apparition des sources de naphte et lescouches de sel gemme, sur les blocs de roche calcairelancés à de grandes distances, sur l’exhaussement etl’affaissement du fond de la mer Caspienne qui du-rent encore, sur le passage du porphyre noir enpartie vitrifié et contenant des grenats (melapyre) (a)à travers le granit, le porphyre quartzeux rougeâ-tre, la syénite très noire et le calcaire, dans les montsKrasnovodsk baignés par la baie du Balkhan, au nordde l’ancienne embouchure de l’Oxus (Amou-deria).Nous apprendrons par le tableau géognostique de lacôte orientale de la mer Caspienne, où l’île Tchabekanoffre des sources de naphte de même que Bakou etque les îles entre cette ville et Salian, quelles espècesde roches cristallisées sont cachées sous les roches àcouches horizontales de la presqu’île d’Abcheron, oùl’action du feu intérieur se fait toujours sentir, et oùelles n’ont pu encore se soulever assez pour paraîtreau jour. Les porphyres du Caucase qui se prolongentde l’ouest-nord-ouest à l’est-sud-est, position et di-rection que j’ai mentionnées plus haut à cause de la
(a) Je dois rappeler l’excellente description du melapyrede Friedrichsroda dans les montagnes de Thuringe qui setrouve dans les Geognostische Briefe de M. de Buch,p. 205. Le sommet du cône de Potosi, si riche en argent,est également un porphyre avec des grenats; j’ai aussitrouvé ces derniers dans les trachytes d’Itzmiguitzan, surle plateau du Mexique et dans les trachytes noirs et sem-blables à des scories d’Yana Urcu, au pied du Chimbo-rasso.
|274| connexion présumée de cette chaîne avec la fentedu Thian chan; ces porphyres, dis-je, se montrentde nouveau, traversant toutes les roches presqu’aumilieu du grand affaissement de l’ancien monde, àl’est de la mer Caspienne, dans les montagnes deKrasnovodsk et de Kourreh. De nouvelles rechercheset les traditions des Tatares apprennent que l’exis-tence des sources de naphte a été précédée d’é-ruptions ignées. Plusieurs lacs salés des deux côtesopposées de la mer Caspienne ont une températureélevée; et des blocs de sel gemme traversés par del’asphalte se forment, ainsi que M. le Dr Eichwald ledit avec beaucoup de sagacité, «par l’effet d’une ac-tion volcanique soudaine, comme au Vésuve (a), dansles Cordillères de l’Amérique méridionale et dansl’Adzarbaïdjan, ou également sous nos yeux par celuide l’action lentement prolongée de la chaleur.»M. Léopold de Buch a depuis long-temps fixé l’at-tention sur la connexion des forces volcaniques avecles masses de sel gemme enhydre, qui traversenttant et de si diverses formations à couches horizon-tales.

(a) Annales du musée d’histoire naturelle (cinquièmeannée n° 12, p. 436). Dans une éruption de ce volcan,en 1805, nous avons trouvé, M. Gay-Lussac et moi, depetits fragmens de sel gemme dans la lave qui venait de serefroidir. Mes itinéraires tatares parlent également de selgemme dans le voisinage d’un mont volcanique du Thianchan au nord d’Aksou, entre le poste de Tourpa-gad etle mont Arbab.
|275| Tous ces phénomènes donnent quelque importanceà une observation que j’ai eu occasion de faire surles bords du grand Océan à Huaura entre Lima etSanta (a). Des porphyres trachytiques très ressem-blans à la phonolithe, y percent en groupes de ro-chers des masses immenses de sel gemme qui de mêmeque dans le désert d’Afrique et dans le step desKirghiz à Iletzki-Satchita sont exploitées à ciel ouvertcomme des carrières de pierres. Comme résultatsconstans des phénomènes volcaniques, des forma-tions métalliques accompagnent la production du selgemme, en petite quantité, il est vrai, mais avecune grande diversité; par exemple du soufre et despyrites cuivreuses, du fer spathique et de la galène,cette dernière en masses considérables et tenant unpeu d’argent: dans l’Amérique méridionale, au Pé-rou dans la province de Chachapoyas, sur la penteoccidentale de la Cordillère, à l’endroit où leseaux du Pilluana et du Guallaga traversent dansl’étendue d’une lieue une couche de sel gemme. Cesconsidérations n’excluent pas un autre genre de pro-duction de bancs de sel par la vaporisation ordinairedans l’atmosphère, par exemple dans les grandslacs salés à saturation, du step intérieur entre leIaïk et le Volga. Nous avons vu précédemment que les cercles descommotions terrestres dont le lac Baïkal ou les vol-
(a) Humboldt. — Essai géognostique sur le gisement desroches dans les deux hémisphères.
|276| cans du Thian chan sont le centre, ne s’étendentdans la Sibérie occidentale que jusqu’à la pente ouestde l’Altaï, et ne franchissent pas l’Irtyche ou le mé-ridien de Semipolatinsk. Dans la chaîne de l’Oural,on ne ressent pas de secousses de tremblemens deterre; aussi malgré la richesse des roches en mé-taux (a), n’y trouve-t-on ni basalte à olivine, ni tra-chytes proprement dits, ni sources minérales. Lecercle des phénomènes de l’Adzarbaïdjan qui renfermela presqu’île d’Abchéron ou le Caucase, s’étend sou-vent jusqu’à Kizlar et Astrakhan.
Il en est de même du bord du grand enfoncementdans l’ouest. Si nous portons nos regards de l’isthmecaucasien au nord et au nord-ouest, nous arri-vons dans le territoire des grandes formations àcouches horizontales et tertiaires qui remplissent laRussie méridionale et la Pologne. Dans cette région,les roches de pyroxène perçant le grès rouge deIekaterinoslav (b), l’asphalte et les sources impré-gnées de gaz sulfureux, indiquent d’autres massescachées sous la formation de sédiment. On peut éga-lement citer comme un fait important, que dans lachaîne de l’Oural, si abondante en serpentine et en
(a) Au contraire, la pente méridionale du petit Altaï aune source chaude dans le voisinage du village Fykælka,à 10 verst de la source du Katounia. (Ledebour. — T. II,p. 521.)(b) J’en parle d’après la belle collection de M. Kova-levski, ingénieur en chef des mines.
|277| amphibole, et qui sert de limite entre l’Europe etl’Asie, une véritable formation amygdaloïdale semontre à Griasnouchinskaïa vers son extrémité mé-ridionale. Les régions des cratères de la lune (a),rappellent l’affaissement de l’Asie occidentale. Un sigrand phénomène ne peut avoir été produit que parune cause très puissante agissant dans l’intérieur dela terre. Cette même cause en formant la croûte duglobe par des soulèvemens et des affaissemens brusques,a probablement, par une action latérale continuée gra-duellement, rempli de métaux les fentes de l’Ouralet de l’Altaï. L’abondance de l’or dans les parois desfissures, sur le mur et le toit du filon, est peut-être devenue plus considérable par des influencesatmosphériques (b), ou par la moindre pression qu’é-prouvaient les vapeurs élastiques vers l’affleurementdes filons à de moindres profondeurs, de sorte quela destruction des couches supérieures, et des massesde filons appartenant aux affleuremens, ont pu four-nir plus d’or aux terrains de rapport, qu’on ne pour-rait le supposer d’après l’exploitation actuelle des
(a) On doit distinguer les montagnes, comme Conon etAratus, des pays de cratères tels que Mare Crisium, Hip-parque et Archimedes, qui sont beaucoup plus grands quela Bohême.(b) Voyez mon Essai politique sur la Nouvelle Espagne(2e édition), t. III, p. 195, sur une influence semblablede l’atmosphère pour ennoblir les couches métalliques deGuanaxuato qui, au commencement du 19e siècle, fournis-saient plus d’un million de marcs d’argent.
|278| filons encore existans. Les alluvions fragmentairesd’or, de platine, de cuivre et de cinabre, sont mê-lées sur les hauteurs de l’Oural avec les mêmes osse-mens fossiles des grands animaux terrestres dumonde primitif, que l’on trouve dans les plainesbasses de la Sibérie, sur les rives de l’Irtyche et duTobol. L’objet de ce mémoire ne peut être de re-chercher comment ce mélange d’ossemens de rhino-céros des plaines, indique l’époque du soulèvementde la chaîne de l’Oural, et de la destruction desmasses supérieures de filons aurifères. Nous nousbornerons ici à observer par rapport aux idées in-génieuses que M. Elie de Beaumont a développéesrécemment sur l’âge relatif et le parallélisme dessystèmes de montagnes contemporains, que dansl’intérieur de l’Asie aussi, les quatre grandes chaînesqui courent de l’est à l’ouest sont d’une origine to-talement différente de celle des chaînes qui se diri-gent du nord au sud, ou du nord 30° ouest au sud30° est. La chaîne de l’Oural, le Bolor ou Belourtagh (a), les Ghâts du Malabar et le Kingkhan sont
(a) A l’ouest du Belour-tagh, dans la continuation duThian chan, c’est-à-dire, dans l’Ak tagh, ou al Botom, quipar la chaîne de l’Asférah se rattache au Thian chanproprement dit, et se prolonge au sud-ouest de Khojendvers Samarcand, le géographe arabe Ibn al Ouardi parled’une montagne qu’il nomme Tim (faute de copiste pour(Btm ou Botom), qui fume pendant le jour, est lumi-neuse pendant la nuit et produit du sel ammoniac et duzadj, probablement de l’alun. Dans le voisinage, il y a
|279| vraisemblablement plus modernes que les chaînes del’Himâlaya et du Thian chan. Les systèmes d’épo-ques diverses ne sont pas toujours séparés les unsdes autres par des distances considérables, commeen Allemagne et dans la plus grande partie dunouveau continent. Souvent des chaînes de mon-tagnes, ou des axes d’exhaussement, de directiondissemblable et d’époques totalement différentes,sont très rapprochées par la nature, semblables encela aux caractères d’un monument qui, se croisantdans divers sens, ont été gravés dans des temps dif-férens, et portent en eux-mêmes les traces de leurâge. C’est ainsi que l’on voit dans la France méri-dionale des chaînes et des exhaussemens ondulés dontles uns sont parallèles aux Pyrénées et les autres auxAlpes occidentales (a). La même diversité des phé-
des mines d’or et d’argent. (V. Operis cosmographici Ibnel Wardi caput primum; ex codice upsaliensi edidit An-dreas Hylander (Lond. 1823, p. 552). Il n’est pas question,dans cet auteur, d’éruption de lave comme au Pè chan;cependant je doute que ces phénomènes appartiennent sim-plement à des couches de houille brûlante, comme àSaint-Etienne dans le Forez où l’on ramasse aussi du selammoniac. La montagne lumineuse de Botom rappelle da-vantage les éruptions de la côte orientale de la mer Cas-pienne; par exemple de l’Abitchè, montagne fumante prèsde la baie de Manghichlak, où les pierres qui entourentle cratère sont toutes noires et scoriacées. (Journal Asia-tique, t. IV, p. 295.)(a) Elie de Beaumont: Recherches sur les révolutions dela surface du globe. 1830, p. 29, 282.
|280| nomènes géognostiques se manifeste dans les terreshautes de l’Asie intérieure, où des parties isoléesparaissent comme entourées et fermées par la répar-tition en forme de gril des systèmes de montagne.

Après avoir donné ces notices sur un volcan del’ancien continent encore inconnu, je vais y ajouterquelques mots sur un autre qui vient de paraître ouplutôt de se réveiller, ou de redevenir actif; il setrouve dans la chaîne des Andes du nouveau con-tinent. Lorsqu’étant à Ibague dans la plaine de Carjaval,je dessinai et je mesurai trigonométriquement cevolcan qui forme un cône tronqué, haut et couvertde neiges perpétuelles (a), je ne prévoyais pas quede mes jours il se ranimerait. Je croyais alors qu’iln’avait jeté des flammes que dans les temps qui avaientprécédé les époques historiques, et que pas plus queles collines trachytiques de l’Auvergne, il reprendraitde nouveau son activité. Au nord du grand nœud des montagnes des sour-ces du Rio-Magdalena, sous le 1 degré 50′ de lat.nord, les Andes se partagent en trois branches,
(a) Le 22 septembre 1801. Parmi tous les sommets tra-chytiques de la chaîne des Andes et des montagnes du Mexi-que que j’ai vus, le Cotopaxi est le seul dont la forme res-semble à celle du pic de Ténériffe. Ils sont représentés tousdeux dans Vues des Cordillères et monumens des peuples in-digènes de l’ Amérique, pl. III et IX.
|281| dont l’occidentale, celle qui se rapproche le plus dela mer (Cordillera del Choco), contient sur sapente occidentale, des couches de débris d’or et deplatine; la centrale (Cordillera de Quindiu), séparela vallée du Cauca de celle du Rio-Magdalena; l’o-rientale (Cordillera de Suma paz y de Merida),file au nord entre le plateau de Bogota et les af-fluens du Meta et de l’Orénoque (a). De ces troisbranches puissantes, la centrale est la plus haute etla seule qui soit couverte de neiges perpétuelles jus-qu’au parallèle de 5° 30′ N. Au point où elle diminuede hauteur vers le nœud d’Antioquia, la Cordillèreorientale, celle de Bogota, commence à s’élever jus-qu’à la hauteur des neiges éternelles, par exempledans le Paramo de Chita, et dans la Sierra nevadade Merida. Cette élévation alternative, ce rapportentre les branches d’une même souche, indiquentpeut-être l’effet des forces souterraines des fluidesélastiques qui ont agi par deux crevasses (filonsaccompagnant), soit en soulevant seulement le sol,
(a) Voyez mon Tableau géognostique de l’ Amérique mé-ridionale: dans Voyage aux régions équinoxiales. T. III,p. 203, 204, 207. J’ai représenté cette division et cette ra-mification d’un immense système de montagnes, le plusétendu du globe dans une carte encore inédite et intituléeEsquisse hypsométrique des nœuds des montagnes et desramifications des Andes depuis le cap de Horn jusqu’àl’isthme de Panama et à la chaîne littorale de Venezuela.La gravure de cette carte est terminée depuis 1827.
|282| soit en produisant des volcans trachytiques dans lesendroits où la résistance était moindre.
Vus de Santa-Fè de Bogota, et mieux encore dedeux chapelles placées contre un mur de rocher au-dessus de la ville à 1688 et 1650 toises de hau-teur (a), les paramos de Tolima, Ruiz et Herveo(Erve), offrent au lever et au coucher du soleilun spectacle magnifique. Leur aspect rappelle celuides Alpes suisses, quand on les contemple des hau-teurs du Jura. Malheureusement ce plaisir n’est gé-néralement que d’une très courte durée, et en déter-minant des angles de montagnes et des azimuths, jefus souvent trompé, les sommets neigeux qui, à unedistance de 30 lieues sont séparés de la Cordillèreorientale par le cours du Magdalena, ayant été ca-chés par les nuages, avant que j’eusse pu mettre mesinstrumens en ordre. Près de la pyramide tronquéede Tolima (b), on voit d’abord un groupe de petitscônes (Paramo de Ruiz), et plus au nord, le dosprolongé de la mesa de Herveo, qui atteint à larégion des neiges perpétuelles. Jusqu’à présent le vol-can de Purace près de Popoyan (2° 19′ N.), était
(a) Nuestra Senora de la Guadeloupe et Na. Sa. de Monser-rate. L’élévation de ces chapelles est calculée au-dessus duniveau de la mer. (Bogota 365 toises. Cette mesure quej’ai donnée a été confirmée par celle de M. Boussingault.)(b) Tolima, d’après mes observations, est situé par 4°46′ de latit. et 77 ° 56′ de longit. à l’ouest de Paris; ayantplacé Santa-Fé de Bogota par 76° 34′ 8″. (Humboldt. Re-cueil d’observations astronomiques. T. II, p. 250 — 261.)
|283| le dernier en activité que l’on connût dans la chaînedes Andes de l’Amérique méridionale, en allant dusud au nord, et à l’époque de mon voyage, ce monttrachytique, situé vis-à-vis de l’ancien volcan de So-tara riche en obsidienne et qui est au nord-est, n’offraitpas un cratère proprement dit: on n’y voyait que depetites ouvertures dans lesquelles l’eau imprégnéed’hydrogène exhalait des vapeurs avec un bruitterrible (a). Si du groupe des volcans de Popayan, lePurace et le Sotara, nous suivons au nord la chaînecentrale, nous trouvons successivement dans la di-rection du nord 20° ouest, les sommets neigeux etles paramos de Guanacas, de Huila, de Baraguan etde Quindiu. Ce dernier paramo, situé sous les 4°35′ N., est un passage fameux pour aller de la valléede la Madeleine dans celle de Cauca, ou d’Ibaguéà Carthago. Au nord-est de ce passage, s’élève legroupe des paramos de Tolima et de Ruiz, groupedans lequel au sud-ouest de la ville de Honda, par
(a) Le Purace et le Sotara sont très près du nœud de losRobles, où commence la triple ramification de la chaîne,indiquée plus haut (V. ma carte du cours de la MadeleineAtlas géographique. Pl. 24): toutefois dans l’acceptionpropre des termes, ils appartiennent à la chaîne centrale,tout comme les paramos de Ruiz et de Tolima. Loin de lapente orientale de la Cordillère orientale, au-sud est duvolcan du Purace et vers les rives du Rio Fragua (1°45′ N.), le feu souterrain a trouvé dans une plaine une is-sue par une colline que les missionnaires du Rio Caquetaont vu fumer en allant de Timana à leurs missions.
|284| conséquent à 42 lieues du volcan de Popayan, pres-que à moitié chemin de Popayan au golfe de Darienou au commencement de l’isthme de Panama, le feuvolcanique a trouvé récemment une nouvelle com-munication avec l’atmosphère. En 1826, dans untemps où Bogota, Honda et la province d’Antioquiaétaient ravagées par d’épouvantables tremblemens deterre, un excellent observateur, le docteur Roulin,compagnon du docteur Boussingault, vit, tous lesmatins de Santana (a), la fumée s’élever en colonneverticale du pic de Tolima. Ce savant s’exprime ainsidans une lettre adressée de Paris, le 4 mai 1829, àl’académie des sciences de cette ville (b): «Les ha-bitans n’avaient observé, avant le tremblement deterre de 1826, rien de semblable à cette colonne defumée. Elle a donc été comme le signal de l’inflam-mation, ou plutôt de la manifestation de l’actionvolcanique à la surface de la terre.» Peut-être doit-on considérer le groupe des deux paramos de To-lima et de Ruiz, comme le centre du cercle des se-cousses dans lequel sont situés à l’ouest, la Vega deSupia, à l’est Honda, et même à une plus grandedistance, Santa Fé de Bogota, capitale de la Colom-bie. Mais Honda, tant sont diverses et changeantesles communications souterraines le long de la longue
(a) Mine d’argent au sud de Mariquita, sur la penteorientale de la chaîne centrale.(b) Annales de chimie et de physique, 1829. Décembre,p. 515.
|285| fissure sur laquelle s’éleva la chaîne des Andes, souf-fre quelquefois, au temps des éruptions du Coto-paxi (a), éloigné de 102 lieues dans le sud; et levolcan de Pasto perdit sa colonne de fumée au mo-ment même où, le 4 février 1797, le plus terribletremblement de terre des temps modernes détruisitRiobamba, situé à 75 lieues plus au sud. J’ai me-suré trigonométriquement la pyramide de Tolima,et j’ai trouvé son élévation de 1865 toises au-dessusdu niveau de la mer. Cette montagne est par con-séquent plus haute que les nevados du Mexique, etpeut-être la plus élevée de toutes celles de l’hémis-phère septentrional du nouveau continent, commele Sorate, l’Ilimani et le Chimborazo sont les plushautes cimes de son hémisphère méridional.
M. Roulin a trouvé, et ce fait est très remarqua-ble, dans une Historia de la conquista de NuevaGrenada composée en 1623 et encore inédite, que,«le 12 mars 1595, le paramo de Tolima eut unegrande éruption. Elle s’annonça par trois violentesdétonations. On vit fondre tout à coup toute laneige du sommet de la montagne (comme cela ar-rive souvent avant les éruptions qui échauffent lecône du Cotopaxi). Deux petites rivières qui pren-nent leur source sur la pente du Tolima, se gon-flèrent prodigieusement, furent arrêtées un momentdans leur cours par l’éboulement des masses de ro-
(a) Voyez mon Voyage aux régions équinoxiales. T. II,p. 15.
|286| chers, renversèrent brusquement cet obstacle, etoccasionnèrent une grande inondation, en entraî-nant avec elles des pierres-ponces et des quartiersde rocs énormes. Les eaux furent empestées, desorte que pendant long-temps on n’y trouva pas depoisson en vie.» Etaient-elles imprégnées de gaznuisibles, ou de soufre et d’acide muriatique,comme celles du Rio Vinagre à Popayan? «Jefixe, ajoute M. Roulin, l’attention sur l’existence dece volcan, parce qu’il est éloigné au moins de 40lieues de la mer, et par conséquent de tous les vol-cans en activité, celui qui en est le plus distant.» Jene puis acquiescer entièrement à cette dernière as-sertion: le Cotopaxi et le Popacatepetl, pour neciter que des volcans d’Amérique, sont plus éloignésde la côte. A la vérité la longitude du point de lacôte du Choco, situé sous le parallèle de Tolima en-tre les caps Charambira et Corrientes, n’a pas étédéterminée avec exactitude; cependant on peut, d’a-près plusieurs combinaisons, adopter l’opinion quela côte la plus proche se trouve à peu près par 79°42′ de longit. E., par conséquent la différence desméridiens qui exprime en même temps la distanceentre le volcan de Tolima et la côte maritime, estde 1° 46′ (a). A peine à deux milles au nord dupic de Tolima, s’élève le Paramo de Ruiz. Mon
(a) D’après des recherches que j’ai faites pour ma cartedéja gravée, mais encore inédite: Carte hydrographiquedu Choco, depuis les 3° 30′ jusqu’aux 8° 30′ de latitude, je
|287| ami M. Boussingault m’écrit, le 18 juin 1829, deMarmato (a) à son retour du Choco, où il avaitexaminé les alluvions de platine, ce qui m’a procurédes points importans de comparaison avec l’Oural:«Dites à M. Arago qu’il peut hardiment placer leParamo de Ruiz au nombre des volcans encore brû-lans en activité, qu’il note tous les ans dans l’An-nuaire du bureau des longitudes; ce volcan jetteconstamment de la fumée, et au moment où je vousécris ces lignes, j’aperçois très distinctement la co-lonne de fumée.» Le Paramo de Ruiz, comme onpeut le voir sur ma carte du cours du Rio-Magda-lena, est à peine éloigné de deux lieues du Paramode Tolima. M. Boussingault a-t-il écrit Ruiz pourTolima, ou bien a-t-il de Marmato, confondu lesdeux cimes voisines?
La chaîne centrale des Andes, dans toute l’éten-due que j’ai suivie, est entre les nœuds de Los Ro-bles et le passage de Quindiu, est couverte de gra-nit, de gneiss et de mica schiste, que des masses detrachyte ont percés dans les paramos. Des sourcessalées, du gypse et du soufre naturel se trouvent aumilieu de ces formations cristallisées. J’ai rencontré,dans le passage de Quindiu près du Moral, à 1062
place provisoirement Novita par 79 ° 4′ de longit. O. parceque j’ai trouvé pour Carthago 78 ° 26′ 39″.(a) Dans la province d’Antioqui à 5° 27′ de latit. au sudde la Vega de Supia, sur la pente orientale de la chaîne oc-cidentale des Andes.
|288| toises au-dessus de la mer, une crevasse ouvertedans le mica schiste du Quebrada del Azufral, oùdu soufre naturel s’était sublimé, et d’où, en octo-bre 1801, s’exhalait une combinaison de gaz si chaud,que le thermomètre de Réaumur se soutenait danscette fente à 38° 2. En me penchant, j’éprouvai despesanteurs de tête et des étourdissemens. La tempé-rature de l’atmosphère était alors de 16° 5. Celledu petit ruisseau qui est imprégné d’hydrogènesulfuré, et qui se précipite du pic de Tolima,était de 23° 3.
Au printemps de 1827, M. Boussingault s’est ar-rêté deux jours à Azufral. «Vous apprendrez avecintérêt, m’écrit-il d’Ibagué, que depuis vingt-six ansque vous avez examiné cette fente ouverte, la cha-leur souterraine a diminué d’une manière surprenante.Présentement le thermomètre ne se soutient danscette crevasse qu’à 15° 2, tandis qu’à l’air libre et àl’ombre il marque 18° 6: par conséquent la chaleurdes gaz qui s’en exhalent, a diminué presque de 23°.» On aurait pu présumer que le pic de Tolima s’é-tant rallumé, devait produire un effet contrairedans la quebrada del Azufral, et par conséquent di-minuer la température plutôt que l’augmenter. Maispeut-être les commotions terrestres qui ont précédél’éruption du volcan ont-elles coupé les communicationsqui existaient auparavant avec les fentes de l’Azufral.Ces changemens dans la température d’une mêmecrevasse, de même que dans la nature chimique des|289| vapeurs qui s’en exhalent, sont très communs au Vé-suve, avant et après une éruption. M. Boussingault a analysé avec beaucoup d’exac-titude la combinaison des gaz qui s’exhalent des fis-sures du mica schiste de Quindiu; voici le résultatde son travail:
Gaz acide carbonique .......... 94
Air atmosphérique............. 5
Hydrogène sulfuré ............. 1
100
Cette combinaison indique ce qui se passe au-dessous des roches cristallisées, regardées jusqu’icicomme primitives, et explique suffisamment l’é-tourdissement que MM. Boussingault et Bonplandet moi avons éprouvé dans la mina del Azufral.
La carte des chaînes de montagne et des volcansde l’Asie intérieure jointe à ce mémoire, n’est qu’uneébauche destinée à faciliter l’intelligence de cetécrit. Les bases de mon travail ont été, autant que lapetitesse de l’espace me l’ont permis, l’Asie gravée parM. Berthe en 1829; la petite carte de l’Asie centralede Klaproth, qui se trouve dans le Tome II des Mé-moires relatifs à l’Asie; la carte de l’intérieur del’Asie, en russe par Pansner; la carte du voyage deMeyendorff en Boukharie; la carte de Waddington,jointe aux Mémoires du Sultan Baber (en anglais);l’esquisse d’une partie du step des Kirghiz par Meyer,dans le voyage de Lédebour à l’Altaï; enfin quelques|290| cartes et des itinéraires manuscrits, recueillis en Si-bérie. La position des volcans de l’Asie centrale quiont été placés avec soin, et la fixation de quelqueshauteurs au-dessus et au-dessous du niveau de l’O-céan, donnent peut-être un certain intérêt à mapremière ébauche d’une carte des chaînes de mon-tagnes de l’Asie, et la distinguent de toutes cellesqui ont été publiées jusqu’à présent.

NOTE SUPPLÉMENTAIRE DE M. DE HUMBOLDT.

Vivement intéressé à comparer les différens récitsdes indigènes sur tout ce que je n’ai pu voir de mesyeux, j’ai prié mon ami M. Simonov, professeurd’astronomie à Kazan, et astronome de l’expéditiondu capitaine Billinghausen au pôle austral, de vou-loir bien prendre quelques renseignemens sur le ter-rain volcanique de Bichbalik, entre la chaîne duThian chan et le Haut-Irtyche, auprès du savant pro-fesseur de littérature persane, M. Kazim-beg. Cesrenseignemens ne confirment pas l’existence d’unemontagne qui a jeté du feu dans le lac Ala-goulmême, tel que l’indique l’itinéraire tatar que jeme suis procuré à Orenbourg, mais ils font con-naître une source thermale et une caverne près dulac, de laquelle sort un vent impétueux qui effraie lescaravanes. Ces contradictions dans les récits desvoyageurs tatars sont malheureusement très com-|291| munes, comme je l’ai éprouvé le long du step desKirghiz, et aux confins de la Dzoungarie chinoise. Ilme suffit d’avoir fixé de nouveau l’attention sur cepays intéressant entre le lac Balkhachi, les rivesde l’Ilè et Korgos. On va consigner ici la traductionlittérale de la note de M. Kazim beg, écrite en an-glais, car ce Persan (fils du grand Mufti d’Oufa),s’est rendu très familière la langue anglaise, pen-dant son séjour parmi les membres de la société bi-blique écossaise résidant à Astrakhan. Je ne doute pasque l’ensemble des notices que renferme mon mé-moire sur les chaînes de montagnes de l’intérieur del’Asie, et les notes savantes de M. Klaproth n’engagentbientôt des voyageurs instruits, qui visitent aujour-d’hui moins rarement qu’autrefois le Haut-Irtyche, àéclaircir la topographie des lacs Ala-koul et Alak-tougoul, que le vieux Tatar Sayfoulla regarde aussicomme deux lacs distincts. Sont-ce des inondationsqui changent par intervalle la configuration de cesbassins d’eau douce? Description du lac Ala goul et de la caverne Ouybé. «Un mollah tatar nommé Safuylla Kazi, âgé«environ de 70 ans, et qui depuis plusieurs années«réside à Semipolatinsk, a fait plusieurs voyages«dans ces régions; il a été à Gouldja sur la rivière«Ili, et connaît bien les lacs Ala goul et Alatau«goul. Il m’en a donné la notice suivante: Après«avoir passé la ville de Tchougoutchak, la route|292| «des caravanes se dirige à l’Ala goul, ou lac bi-«garré, nommé ainsi parce qu’il contient trois«rochers assez grands et de différentes couleurs.«Ce lac reste sur la gauche de la route. De«l’autre côté ou à l’ouest du lac est un autre lac«l’Ala tau goul. Dans celui-ci on voit une montagne«blanche comme la neige, et beaucoup plus grande«qu’aucun des rochers de l’Ala goul. (Le mot Ala«tau goul est ou composé d’ala et tougoul, c’est-à-«dire non bigarré, ou des trois mots Ala tau goul,«c’est-à-dire un lac contenant une montagne bigarrée;«car le mollah dit que le mont situé dans ce lac a un«bel aspect de diverses couleurs, quand les rayons du«soleil s’y réfléchissent.) Sur ma question, s’il y«avait quelqu’indice que cette montagne avait été«autrefois un volcan(a), et si les Tartars et les Kal-«muks, passant devant ces lacs, offrent un sacrifice«à une de ces montagnes, il m’a répondu qu’il n’a-«vait jamais entendu parler d’une chose pareille,«relativement aux lacs et aux monts qu’ils contien-«nent, mais il ajouta: Quand vous avez passé«l’Ala goul (placé dans la carte précisément au sud de«l’Ala tau goul), on rencontre deux montagnes, le«Joug tau (dans les cartes Kuk-tau, ou la montagne«bleue) sur la droite, et le Barlyk sur la gauche; la«route des caravanes passe entre les deux. Quelques«verst au-delà de ces montagnes et sur le chemin, est
(a) Ce n’est pas cette montagne, mais un pic de l’Alagoul qu’on dit volcanique. (H.)
|293| «une grande caverne souterraine; elle porte le nom«d’Ouybé. Quelquefois, et principalement en hiver,«elle produit des tempêtes violentes qui continuent«souvent deux jours. L’entrée de cette caverne res-«semble à celle d’un vaste caveau, et personne n’ose«y entrer ni même y regarder. Sa profondeur est in-«connue à tout le monde, à l’exception de Dieu«(Allah). Enfin il décrit cette caverne comme si«épouvantable et avec des termes si superstitieux,«que je présume qu’elle doit à peu près ressembler à«l’Elden hole dans le Derbyshire. La seule différence«est que la dernière se trouve dans le flanc d’une«montagne, et ne produit ni tempêtes ni vents. Le«mollah assure que la tempête qui sort de l’Ouybé«est quelquefois si forte qu’elle emporte tout ce qui«se trouve sur le chemin et le jette dans le lac voisin.«Il paraît donc probable qu’avant quelques centaines«d’années, il sortit du feu et des flammes de la caverne«d’Ouybé, et que c’est pour cette raison qu’elle pou-«vait porter le nom de volcan; ou qu’il y avait«quelque chose de semblable. Je dois encore«rapporter que le mollah avait entendu dire«que le vent de l’Ouybé était quelquefois chaud«en hiver, et si dangereux, que les caravanes,«qui arrivent dans le voisinage de la caverne,«s’arrêtent souvent pendant une semaine entière,«quand elles supposent que les tempêtes auront«lieu, et ne continuent leur chemin qu’après«qu’elles ont cessé.
|294| «Pour ce qui regarde les sacrifices qu’on offre,«le mollah rapporte que près du mont Jouk tau, ou«Kuk tau, se trouvent deux fontaines, dont une est«froide et l’autre chaude. C’est à cette dernière que«les Kirghiz et les Kalmuks offrent des sacrifices,«parce qu’ils croient que son eau guérit presque«toutes les maladies. Il est donc très vraisem-«blable que ce que M. le baron de Humboldt a«entendu des Tatars à Orenbourg, relativement«aux sacrifices offerts à la montagne dans le lac Ala«goul, est identique avec le rapport du mollah«Sayfoulla sur les fontaines en question. «Après avoir reçu de lui les notions précédentes,«j’ai fait la connaissance d’un autre mollah, né à«Kachkar, et qui a passé avec une caravane devant«l’Ala goul et les montagnes Kouk tau et Barlyk.«Il confirme tout ce qui a été dit sur l’Ala goul et la«caverne Ouybé, etc. «L’écrivain de ces lignes se chargera très vo-«lontiers de faire quelques nouvelles investiga-«tions sur tous ces points, qu’il paraît important«d’éclaircir. Aussitôt qu’il aura recueilli quelque«autre renseignement, il le mettra, avec le plus«grand plaisir, devant les yeux de M. le baron de«Humboldt, duquel il a l’honneur d’être, etc.» Alexandre Kazim Beg.

|295|

NOTES ET ADDITIONS AU MÉMOIRE PRÉCÉDENT,Par M. KLAPROTH.

(a) Page 219. Tchougoutchak ou Tchougou-tchou, et dans les écrits officiels des Chinois Tar-bakhataï, porte chez les Kirghiz du voisinage le nomde Tach-tava. C’est un poste de frontière établi parles Chinois en 1767, sous le nom de Soui tsing tching.Cette ville a des remparts en terre, les autorités etles inspecteurs de la frontière y résident. La garni-son se compose d’un commandant, d’officiers su-périeurs, de 1000 soldats chinois et d’un colonel,et de 1500 Mandchoux et Mongols. Les Chinois yrestent constamment en garnison; ils forment unecolonie militaire, et sont tenus à cultiver la terrepour se procurer les grains nécessaires à leur sub-sistance. Les Mandchoux et les Mongols y sontenvoyés d’Ili et remplacés tous les ans. (2) P. 220. Le mot Ala-koul ou mieux Alak-koulsignifie en kirghiz le lac bigarré; les Kalmuks du voi-sinage donnent à sa partie orientale, qui est la plusgrande, le nom d’ Alak-tougoul noor ou le lac dutaureau bigarré, car tougoul désigne un veau ouun taureau; une montagne qui sort du lac, séparecette partie de l’occidentale, qui est petite et portele nom kalmuk de Chibartou kholaï, ou de GolfeBoueux. Autrefois ce lac portait aussi le nom deGourghè-noor, c’est-à-dire Lac du Pont. Je l’ai trouvé|296| pour la première fois indiqué sur la Carte duPays du Contaicha (Khoungtaidzi des KalmuksDzoûngars) faite par le capitaine d’artillerie IvanOunkovski, en 1722 et 23, d’après les informationsreçues par le Grand Contaicha et par d’autres Kal-muks et Cosaques. Ce lac y est bien placé au sud dumont Tarbagataï, il est nommé Alak tougoul, etreçoit les rivières Kara-gol, Ourer (?) et Imil; ony voit aussi indiquées les sources chaudes qui sont àl’est. C’est par erreur que nos cartes font de ce lacdeux lacs réunis par un ou plusieurs canaux. (3) P. 220, note a. Balkhachi noor signifie enkalmuk le lac étendu. (4) P. 221. Cette rivière s’appelle Boro tala gol,ou la rivière de la plaine grise; elle ne coule pas del’est à l’ouest et ne se jette pas dans l’Alak tougoulnoor, comme l’indique la carte de M. Pansner; ellese dirige au contraire de l’ouest à l’est, et a son em-bouchure dans le Khaltar ousike noor, appelé aussiBoulkhatsi-noor.
  • (5) P. 224. Notice sur le mont Altaï, extraite dela grande géographie impériale de la Chine.(Description de la province de Tarbagatai).
Le mont Altaï est au nord-est de la ville de Tarba-gatai (Tchougoutchak), il prend naissance à la mon-tagne Bidzi dabahn, dans le département de Tchinsi fou (ou Bar-koul), passe devant le Kourtou da-|297| bahn (a), et s’avance en serpentant. Ses cimes orientalessont les plus élevées et les plus roides. C’est la couronnede tous les monts de la province septentrionale (ousituée au nord du Thian chan ou mont Céleste).A l’est de cette chaîne est l’ancien pays des Kalka,et à l’ouest celui des Dzoûngar. En 1755, un man-darin y fut envoyé pour offrir un sacrifice aux es-prits de cette montagne, et depuis ce temps on re-nouvelle cette cérémonie tous les ans.
  • Description du mont Altaï, extraite de la grandegéographie de la Chine (Description du pays desKalka).
«Le mont Altaï est le Kin chan des anciens (enchinois mont d’Or); il est situé au nord-est de la ri-vière Tes, et se développe sur une étendue de 2000li. Il est si haut qu’il atteint la voie lactée, et que pen-dant l’été même, la neige accumulée sur ses cimes, nefond pas. C’est la plus considérable de toutes les mon-tagnes du nord-ouest. Sa cime la plus élevée est aunord-ouest du lac Oubsa-noor. Plusieurs branches,dont quatre principales, s’en détachent. L’une va droitau nord, suit le cours de la rivière Ertsis (Irtyche)et entre dans l’empire russe. Celle du nord-est,
(a) Le Kourtou dabahm est à 100 [?] li au nord-ouestdu Gourbi-dabahm et forme une même chaîne avec lui.Le Khara Ertsis [Khara Irtyche] sort de son flanc occi-dental.
|298| borde au nord la rivière Tes sur une étenduede 1000 li. Celle de l’est a pour embranchement lamontagne Tangnou-oola; elle se dirige ensuite aunord-est, atteint le versant septentrional du Khang-gai et s’étend au nord jusqu’à la Selengga. Elle en-voie, à plus de cent li au sud, une branche qui se di-rige après vers l’est, porte le nom de Oulan gomoola et entoure le lac Kirghiz-noor au nord. Ausud-est est la montagne Berkinak kokeï oola, et àl’est celle d’ Angghi oola (sur les cartes Onggouoola); de son versant méridional sort la rivièreKoungghe-gol, et du versant nord-est l’Oukhai gol.Plus au nord, est le mont Malaga oola, au piedoriental duquel sont les sources du Bourgassoutaïgol (a). Au nord-est sont les hautes montagnesdont le versant méridional donne naissance aux riviè-res qui forment le Khara-gol. La chaîne se dirige alorsau nord-est, atteint le versant septentrional duKhanggai, et borde les rivières Khatoun gol et Tamir.»
«Une autre branche de l’Altaï se dirige vers le sud,et fait sans interruption divers détours. De son ver-sant occidental découlent les rivières Narin gol,Khourtsin-gol, Khaliootou-gol, Neske-gol, Bordzi-gol, Khaba-gol, Kiran-gol, Khara Ertsis-gol etKho Ertsis-gol, tandis que sur l’oriental sont lessources du Karkira-gol et du Khobtou-gol. Lachaîne tourne alors à l’orient; le Bouyantou-gol a
(a) Gol en mongol signifie rivière.
|299| sa source sur son versant septentrional, tandis quele Boula Tsingghil gol et le Djaktai-gol (sur lescartes Ariktaï gol) découlent du méridional. Al’est est la queue du mont Altaï (l’expression man-dchoue sur les cartes Altaï alin doubé, a la même si-gnification; doubé est la queue d’une feuille ou d’uneplante, la pointe, l’extrémité d’une chose). Ausud-est est le Taichiri oola. Plus loin au sud-estla chaîne se divise en deux branches, qui formentcomme deux lignes de nuages noirs et servent debornes au désert sablonneux. L’orientale porte lenom de Kouke sirke oola, et s’étend au nord-estjusqu’au Bayan oola. La branche méridionale estnommée Douté dabahn, puis Boutaï-oola, au piedoccidental duquel est la source du Tougourik-gol;plus au sud-est elle est appelée Bourkan-oola etKhonggor adzirgan oola; ses sommets s’étendentencore à une distance de quelques milliers de li,et traversent le step sablonneux, où elles portent lenom d’Arban khoyor Datcha khada (les douzerochers de Datcha); plus au sud-est celui deGourban saïkan oola; au sud, est la montagneNomkhon-oola, et au sud-est, celle d’Oubeghen-oola.La chaîne finit au mont Kouke Khararoung oola.»
«Au sud de la partie de la chaîne appelée Khong-gor adzirgan oola sont les monts Kitsighené-oola,Baïkhonggor-oola, Djalatou-oola, qui aboutissentà l’Itattou-oola. A quatre-vingts li au sud de ce|300| dernier, le Thian chan (le mont Céleste) qui vientde l’occident, se dirige par divers détours au sud-est, et traverse le step sablonneux sur une distancede plus de mille li.» «A l’orient de la chaîne est encore le mont Khor-gotou oola, qui se joint au Segoun Khaldjanoola; ce dernier s’étend à 200 li au nord jusqu’auKouke Khararoung oola. Plus au sud, toutes cesmontagnes traversent le step sablonneux, et se réu-nissent à la chaîne de Gardjan (en chinois In chan),à 500 li au nord de la courbure du Houang ho, quientoure ici le pays d’Ordos.» On voit donc que les Chinois en indiquant duN.-O. au S.-E. la direction du Grand-Altaï, le fontpresque se réunir au Thian chan, ce qui correspondparfaitement avec ce que M. de Humboldt dit dansson mémoire (page 228). (6) P. 227, note a. Le mont Khanggaï oola estau nord de la source de l’Orkhon, à 2000 li droitau nord de la ville de Ning hia du Chen si, et à 500au nord-ouest de l’Oungghin mouren. Ses sommetssont très hauts et considérables. Cette chaîne est un em-branchement de l’Altaï, qui vient du nord-ouest; elles’étend à l’orient sur les rivières Orkhon et Toula avecleurs affluens, et devient le Kenté du Khinggan. Une branche de cette chaîne s’en sépare à l’ouestet se dirige au nord sous le nom de Koukou dabahn,elle entoure le Selengga supérieur et tous ses af-|301| fluens qui y prennent leur origine, puis se prolongesur une distance de 1000 li, dans le territoire russe. L’Orkhon, le Tamir et leurs affluens ont égale-ment leurs sources dans cette chaîne, qui est pro-bablement la même que les anciens Chinois dési-gnaient sous le nom de Yan jen chan. (7) P. 230. Les montagnes appelées par les RussesAlghinskoe khrebet, Ayaghinskoe khrebet portentchez les Kirghiz le nom de Dalaï kamtchat. Ellescommencent au nord du lac Naourloun-koul, con-tiennent sur leur versant septentrional les sourcesdu Kinkoul et du Baganak sec, qui sont des af-fluens de la gauche de l’Ichim, et finissent à l’est auxsources du Kairakly et du Kara sou de l’Ichim.Les rivières qui forment le Petit-Tourgai et leKara-Tourgai, prennent leur origine sur le ver-sant méridional de cette chaîne. Cette dernière estune partie du prolongement des montagnes de laDzoûngarie, et lie celles-ci à l’Oural. C’est une chaîneà filons, entrecoupée en plusieurs endroits de vastesplateaux inclinés; elle ne montre nulle part des in-dices de grandes révolutions terrestres, et elle estpartout habitable. Cependant le dos appelé Eremen, àla source de l’Ichim, et le Bogouli tanga tau, sonttrès élevés et montrent des précipices escarpés. Cettechaîne est encore plus aplatie aux sources du Tobol;elle y ressemble à un haut plateau ondulé, et portele nom d’Oulou tau (grande montagne). |302| Dans le voisinage du lac Naourloun-koul ses pro-montoires forment des plaines peu inclinées et ar-gileuses, couvertes de fragments de schiste calcaire,de grès, de gypse, d’albâtre et d’argile durcie.La montagne même y est assez élevée et couverte àquelques endroits de forêts. (Extrait du Voyagede Bardanes dans le Step des Kirghiz.) (6) P. 237, note a. Ouch-Tourpàn est le nomque les Boukhars donnent à la ville d’Ouchi, situéeà 200 li à l’ouest d’Aksou. Le mot Tourpàn (d’oùdérive aussi le nom de la ville de Tourfan, qui estbeaucoup plus à l’orient) signifie, d’après les géo-graphes chinois modernes, une résidence, mais se-lon d’autres des eaux accumulées. (8) P. 241. Les mots davan en turc oriental,dabahn en mongol et dabagan en mandchou, dé-signent, non pas une montagne, mais un passage dansune montagne; Kachkar davan ne signifie doncque le passage à travers les montagnes à Kachkarou Kachghar; ce passage ou col peut aussi biensuivre par une longue vallée, que traverser unecôte haute et escarpée. (9) P. 241. C’est le Moussour tagh, ou Mous-sar-tagh (de là Moussart de Strahlenberg et de Pal-las) ou le glacier entre Ili et Koutché. Les glacesdont il est revêtu lui donnent l’aspect d’une massed’argent. Une route, appelée Moussour dabahn,percée à travers ces glaciers, conduit du sud-ouest|303| au nord, ou pour mieux dire de la Petite Bou-kharie à Ili. Voici la description qu’un géographechinois moderne fait de cette montagne. «Au nord,dit-il, est le relais de poste Gakhtsa kharkhai,et au sud celui de Tamga tach ou Termé khada;ils sont éloignés l’un de l’autre de 120 li. Si du pre-mier relais on va au sud, la vue s’étend sur une vasteétendue couverte de neige, qui, en hiver, est trèsprofonde. En été, on trouve sur les hauteurs dela glace, de la neige et des lieux maréca-geux. Les hommes et les bestiaux suivent lessentiers sinueux sur le flanc de la montagne. Qui-conque est assez imprudent pour s’aventurer surcette mer de neige, est perdu sans ressource.Après avoir parcouru plus de 20 li, on arrive auglacier, où l’on n’aperçoit ni sable, ni arbres, niherbes; ce qui effraie le plus ce sont des rochers gi-gantesques uniquement formés de glaçons entassésles uns sur les autres. Si l’on jette les yeux sur lesfentes qui séparent ces masses de glace, on n’y dé-couvre qu’un espace vide et sombre où le jour nepénètre jamais. Le bruit des eaux qui coulent sousces glaces, ressemble au fracas du tonnerre. Descarcasses de chameaux et de chevaux sont disper-sées çà et là. Pour faciliter le passage on a taillédans la glace des marches pour monter et descen-dre, mais elles sont si glissantes que chaque pasest dangereux. Trop souvent les voyageurs trouvent|304| leur tombeau dans les précipices. Hommes et bes-tiaux marchent à la file, en tremblant d’effroi, dansces lieux inhospitaliers. Si l’on est surpris par lanuit, il faut chercher un abri sur une grande pierre;si la nuit est calme, on entend des sons fort agréa-bles, tels que ceux de plusieurs instrumens réunis:c’est l’écho qui répète le bruit du craquement pro-duit par les glaces en se brisant. Le chemin quel’on a tenu la veille n’est pas toujours celui qu’ilconvient de suivre le lendemain. Au loin, dansl’ouest, une montagne, qui jusqu’à présent a étéinaccessible présente ses cimes escarpées et cou-vertes de glaces. Le relais de Tamga tach est à80 li de ce lieu.» «Une rivière appelée Moursour gol, sort avec uneimpétuosité effrayante des flancs de ces glaciers,coule au sud-est, et porte ses eaux à l’Ergheou quitombe dans le lac Lob. A quatre journées au sudde Tamga tach est une plaine aride, qui ne produitpas la plus petite plante. A 80 ou 90 li plus loin oncontinue à trouver des rochers gigantesques. Le com-mandant d’Ouchi envoie annuellement un de sesofficiers porter des offrandes à ce glacier. La for-mule de la prière qui se récite dans cette occasion,est envoyée de Péking par le tribunal des Rits.» «On trouve de la glace sur toute la crête duThian-chan, si on la traverse dans sa longueur;mais si au contraire, on la franchit du nord au sud,|305| c’est-à-dire dans sa largeur, on n’en trouve quesur une distance de quelques li. Tous les matins,dix hommes sont occupés au col du Moussourtagh, à tailler des degrés pour monter et descendre;l’après midi, le soleil les a fondus ou les rendextrêmement glissans. Quelquefois la glace man-que sous les pieds des voyageurs; ils’y enfoncentsans espérance de jamais revoir le jour. Les Maho-métans de la Petite-Boukharie, immolent un bélieren sacrifice, avant de traverser ces montagnes. Laneige y tombe toute l’année, il n’y pleut jamais. P. 244, lig. 5. Le nom de Tartach davan s’appli-que de même à la continuation occidentale de cettechaîne nommée Thsoung ling par les Chinois. Thsoungling signifie montagnes des Ognons; on pourrait éga-lement traduire ce nom par Montagnes Bleues, carthsoung en chinois désigne aussi la couleur bleuâtrede l’ognon cru; cependant comme cette chaîne estappelée encore aujourd’hui Tartouch ou Tartach da-bahn, par les Boukhars et autres habitans de l’Asiecentrale, il faut prendre le mot thsoung dans sa signi-fication d’ognon; car les géographes chinois rap-portent que l’espèce d’ognon sauvage, nommée tar-touch ou tartach, croît sur toutes les montagnes duTubet occidental; ses tiges forment des tas, et si lesvoyageurs ou les bêtes de somme mettent le pied surun de ces tas, ils glissent facilement et tombent;aussi craint-on beaucoup cet accident quand le che-|306| min est escarpé. Les routes qui traversent ces mon-tagnes sont très raides et difficiles, cependant ellespassent rarement à travers les glaciers, dont lescimes élevées et couvertes de neiges profondes etéternelles restent à côté du chemin. (12) P. 250. La partie orientale de cette chaîne,au point où elle finit à l’île de Formose, est égalementvolcanique. Le mont Tchy kang (la chaîne rouge),au sud de Fung chan hian dans cette île, aautrefois vomi du feu, et il s’y trouve encore unlac dont l’eau est chaude. Le Phy nan my chan,au sud-est de Fung chan hian, est très élevé etcouvert de pins; on y distingue pendant la nuit unelueur qui ressemble à du feu. Le Ho chan (mont dufeu), au sud-est de Tchu lo hian, est rempli de ro-chers entre lesquels coulent des sources dont l’eauproduit constamment des flammes. Enfin le Lieouhouang chan (montagne du soufre), qui s’étendau nord de la ville de Tchang houa hian jusqu’àTan choui tchhing, jette continuellement des flam-mes à sa base; et les exhalaisons sulfureuses y sont sifortes, qu’elles peuvent étouffer un homme; onextrait une grande quantité de soufre de cettemontagne. (13) P. 261. Le Pé chan des anciens Chinois porteà présent le nom turc d’Echik bach. Echik est une pe-tite espèce de chamois et bach signifie tête. Le soufrey est produit en abondance. L’Echik bach appartient|307| aux hautes montagnes, qui, du temps de la dynas-tie de Wei (dans le troisième siècle), bornaient aunord-ouest le royaume de Khouei thsu (Koutché);c’est l’Aghie chan sous les Soui (dans la premièremoitié du septième siècle). L’histoire de cette dy-nastie dit que cette montagne a toujours du feuet de la fumée, et qu’on y recueille du sel ammo-niac. On lit dans la description des pays occidentaux,qui fait partie de l’histoire de la dynastie des Thang,que la montagne en question s’appelait alors Aghiethian chan (ce qu’on pourrait traduire par mont deschamps de feu (a)), ou Pé chan (Mont Blanc), qu’ilétait au nord de la ville d’Ilolo, et qu’il en sortaitun feu perpétuel. Ilolo (ou peut-être Irolo, Ilor,Irol) était alors la résidence du roi de Khouei thsu. L’Echik bach est au nord de Koutché, et à 200li à l’occident du Khan tengri, qui fait partiede la chaîne du Thian-chan. L’Echick bach esttrès large, et on y recueille encore aujourd’huibeaucoup de souffre et de sel ammoniac. Il donnenaissance à la rivière Echik bach gol qui coule ausud de la ville de Koutché, et se jette après uncours de 200 li dans l’Ergheou. Voici encore quelques notices sur d’autres lieuxvolcaniques de l’Asie centrale. Près d’Ouroumtsi, et 30 li à l’ouest du poste de
(a) Dans ce nom, le mot thian ne signifie pas ciel, il yest exprimé par le caractère qui désigne un champ.
|308| Byrké boulak, on voit un espace de 100 li decirconférence, qui est couvert de cendres volantes;si l’on y jette la moindre chose, une flamme éclateet consume tout en un clin-d’œil. Quand on y lanceune pierre, on en voit sortir une fumée noire. Enhiver, la neige ne s’y maintient pas. On appelle celieu la plaine enflammée. Les oiseaux n’osent pasvoler au-dessus.
Sur la frontière qui sépare la province d’Ili dudistrict d’Ouroumtsi, on trouve un gouffre d’envi-ron 90 li de circonférence. De loin, il paraît cou-vert de neige; le terrain, qui ressemble à une surfaceimprégnée de sel, s’endurcit lorsqu’il a plu. Quandon y jette une pierre, on entend un bruit pareil àcelui que ferait un bâton qui frappe sur du fer. Siun homme ou un animal marche sur cet abîme, il estenglouti à jamais. On l’appelle la fosse des cendres. Ouroumtsi est entouré, à l’ouest par une chaînede monts sablonneux, très riches en houille. La grande géographie impériale de la Chine faitencore mention d’une montagne de sel ammoniac, ap-pelée Naochidar oulan dabsoun oola, en mongol lamontagne du sel ammoniac et du sel rouge. Ellela place en dehors de la frontière orientale de la prin-cipauté de Khoten au milieu du désert de sable. Al’est, poursuit-elle, des montagnes contiguës vontrejoindre la chaîne du Nanchan du district de Ngansi tcheou de la province chinoise de Kan sou. |309| Les géographes arabes du moyen âge dési-gnaient, sous le nom d’al-Botom, les monta-gnes de la partie orientale du district de laville de Soutrouchna ou Osrouchna, actuelle-ment détruite, et qui était située à moitié che-min de Samarkand à Ferghana. La ville de Zaminde nos jours appartenait à ce canton. Ibn Haukalplace dans ces montagnes un puits de feu et desel ammoniac, dont il donne la descriptionsuivante: «Dans le mont Botom est une espècede caverne, sur laquelle on a construit un édificecomme une maison dont les portes et les fenêtressont fermées. Il y a une source de laquelle s’élèveune vapeur qui, pendant le jour, ressemble àde la fumée, et pendant la nuit à du feu. Quand lavapeur se condense, elle forme le sel ammoniac(Nouchadir) qu’on recueille. Dans cette voûte la cha-leur est si forte que personne n’y peut entrer sans sebrûler, à moins d’être vêtu d’un habit épais trempédans l’eau; (ainsi préservé) on entre rapidement et onprend autant de ce sel qu’on en peut saisir. Ces vapeurschangent de temps en temps de place; pour les re-trouver il faut faire des fosses, jusqu’à ce qu’elles semontrent de nouveau. Souvent on fouille inutile-ment, et il faut recommencer le travail à un autreendroit pour les rencontrer. S’il n’y avait pas d’édificeconstruit sur ces fosses pour empêcher que la va-peur se disperse, elle ne nuirait pas à ceux qui|310| s’approchent, mais ainsi renfermée, elle brûle parsa chaleur intense ceux qui y entrent.»
Après ces détails sur les volcans de l’intérieur del’Asie, je pense que quelques notices sur ceux duJapon, extraites des auteurs de ce pays, ne serontpas déplacées ici. Sur les volcans du Japon. La chaîne volcanique dont les premiers chaînonsméridionaux se trouvent dans l’île de Formose, s’é-tend par les îles Lieou khieou jusqu’au Japon, et de làpar l’archipel des Kouriles jusqu’au Kamtchatka. La grande île de Kiousiou, par laquelle com-mence le Japon au sud-ouest est très volcaniquedans ses parties occidentales et méridionales. L’Oûnzen ga dake (la haute montagne (a) des sourceschaudes), est situé sur la grande presqu’île qui formele district de Takakou de la province de Fisen, et àl’ouest du port de Simabara. On voit sur cettemontagne, comme dans les presqu’îles de Taman etd’ Abcheron, plusieurs cratères qui jetaient une bouenoire et de la fumée. Dans les premiers mois de l’an-née 1793, le sommet de l’Oûn zen ga dake s’affaissaentièrement. Des torrens d’eau bouillante sortirent
(a) Le mot dake en japonais est le synonyme du termeyo, par lequel les Chinois désignent les plus hautes cimesde leur pays.
|311| de toutes parts de la cavité profonde qui en résulta,et la vapeur qui s’éleva au-dessus ressemblait à unefumée épaisse. Trois semaines plus tard il y eut uneéruption du volcan Bivo-no-koubi, environ à unedemi-lieue de distance du sommet, la flamme s’é-leva à une grande hauteur; la lave qui en découlas’étendit avec rapidité au bas de la montagne, et, enpeu de jours, tout fut en flammes dans une circon-férence de plusieurs milles. Un mois après un trem-blement de terre horrible se fit sentir par toute l’îlede Kiousiou, principalement dans le canton de Sima-bara; il se répéta plusieurs fois, et finit par une érup-tion terrible du mont Miyi-yama, qui couvrit tout lepays de pierres et mit principalement la partie de laprovince de Figo, vis-à-vis de Simabara, dans unétat déplorable.
Dans le district d’Aso, dans l’intérieur duFigo, est le volcan Aso-noyama, qui jette despierres et des flammes; les dernières sont de cou-leur bleue, jaune et rouge. Enfin, la province laplus méridionale du Kiousiou, nommée Satsoumaest entièrement volcanique et imprégnée de soufre;les éruptions n’y sont pas rares. En 764 de notre ère,trois nouvelles îles sortirent du fond de la mer quibaigne le district de Kaga sima; elles sont à présenthabitées. Au sud de la pointe la plus méridionale duSatsouma est Ivoo-sima (l’île de soufre) qui brûleperpétuellement. |312| Le phénomène volcanique le plus mémorable auJapon, eut lieu dans l’année 285 avant notre ère;alors un immense écroulement forma, dans une seulenuit, le grand lac nommé Mitsou-oumi ou Biva-no-oumi, situé dans la province d’Oomi, de la grandeîle de Nifon, et auquel nos cartes donnent le nom delac d’Oïtz. Dans le même moment que s’effectua cetécroulement, la plus haute montagne du Japon, leFousi-no-yama dans la province de Sourouga, s’éle-va du sein de la terre. Du fond du lac Mitsou oumisortit, dans l’année 82 avant Jésus-Christ, la grandeîle de Tsikou bo sima, qui existe encore. Le Fousi-no-yama est une énorme pyramide cou-verte de neiges perpétuelles, située dans la province deSourouga à la frontière de celle de Kaï; c’est le volcanle plus considérable et un des plus actifs du Japon. En799 il fit une éruption qui dura depuis le 14e jour du3e mois jusqu’au 18e du 4e; elle fut épouvantable, lescendres couvrirent tout le pied de la montagne et lescourans d’eau du voisinage prirent une couleur rouge.L’éruption de l’an 800, se fit sans tremblement de ter-re, tandis que celles du 6e mois de 863 et du 5e de 864en furent précédées. La dernière fut très violente,la montagne brûla sur une étendue de deux lieuesgéographiques carrées. De toutes parts des flammess’élevèrent à la hauteur de 12 toises et furent accom-pagnées d’un bruit de tonnerre effroyable. Les trem-blemens de terre se répétèrent trois fois, et la mon-|313| tagne fut en feu pendant dix jours; enfin sa partieinférieure creva, une pluie de cendres et de pierresen sortit, et tomba en partie dans un lac situé aunord-ouest, et fit bouillonner ses eaux, de sorteque tous les poissons y moururent. La dévastation serépandit sur une étendue de 30 lieues, la lave coulaà une distance de 3 à 4, et se dirigea principale-ment vers la province de Kaï. En 1707, dans la nuit du 23e jour de la 11e lune,deux fortes secousses de tremblement de terre sefirent sentir, le Fousi yama s’ouvrit, jeta des flam-mes et lança des cendres à 10 lieues, au sud jus-qu’au pont de Rasou-bats, près d’Okabe dans la pro-vince de Sourouga. Le lendemain l’éruption s’apaisa,mais elle se renouvela avec plus de violence le 25 etle 26. Des masses énormes de rochers, du sable rougipar la chaleur, et une immense quantité de cendrescouvrirent tout le plateau voisin. Ces cendres furentpoussées jusqu’à Iosi vara, où elles couvrirent le solà une hauteur de 5 à 6 pieds; et même jusqu’à Iedo,où elles avaient plusieurs pouces d’épaisseur. A l’en-droit où l’éruption avait eu lieu, on vit s’ouvrir unlarge abîme, à côté duquel s’éleva une petite mon-tagne à laquelle on a donné le nom de Foo ye yama,parce que sa formation eut lieu dans les annéesnommées Foo ye. Au nord du lac Mitsou oumi et de la provinced’Oomi est celle de Ietsisen, qui s’étend le long de|314| la côte de la mer de Corée, et est bornée au nord parla province de Kaga. Sur leurs confins respectifs estsitué le volcan Sira yama (montagne blanche) ouKosi no Sira yama (montagne blanche du pays deKosi); il est couvert de neiges perpétuelles. Ses érup-tions les plus mémorables eurent lieu en 1239 et1554. On l’appelle aussi le Mont-Blanc de Kaga. Un autre volcan très actif du Japon est lemont Asama yama ou Asama-no dake situé aunord-est de la ville de Komoro, dans la pro-vince de Sinano, une de celles du centre de lagrande île de Nifon, au nord-est de celles de Kaï etde Mousasi. Il est très élevé, brûle depuis le milieujusqu’à la cime, et jette une fumée extrêmementépaisse. Il vomit du feu, des flammes et des pierres;les dernières sont poreuses et ressemblent à lapierre-ponce. Il couvre souvent toute la contrée voi-sine de ses cendres. Une de ses dernières éruptionsest celle de 1783. Elle fut précédée par un tremble-ment de terre épouvantable; jusqu’au 1er août lamontagne ne cessa de vomir du sable et des pierres,des gouffres s’entrouvrirent de toutes parts, et ladévastation dura jusqu’au 6 du même mois. L’eaudes rivières Yoko gava et Kourou gava bouillonna;le cours du Yone gava, l’un des plus grands fleuvesdu Japon, fut intercepté, et l’eau houillante inondales campagnes. Un grand nombre de villages furentengloutis par la terre ou brûlés et couverts par|315| la lave. Le nombre des personnes qui ont péripar ce désastre est impossible à déterminer; ladévastation fut incalculable. Dans la même province, il y a un lac spacieuxnommé Souva-no-mitsou oumi, duquel découlela grande rivière Tenriou gava. Le lac est au nord-ouest de la ville de Taka sima, et reçoit un grandnombre de sources chaudes qui jaillissent de la terredans ses environs. Dans la province de Yetsingo, située au nord decelle de Sinano, il y a près du village de Kourou-gava moura, un puits abondant de naphte, que les ha-bitans brûlent dans leurs lampes; il se trouve aussidans le district de Gasi vara, un terrain dont le solpierreux exhale du gaz inflammable, exactementcomme dans plusieurs endroits de la presqu’île d’Ab-cheron, où est située la ville de Bakou. Les habitans duvoisinage se servent de ce gaz, en enfonçant un tuyaudans la terre et l’allument comme un flambeau. Le volcan le plus septentrional du Japon estl’Yake yama (mont brûlant) de la province deMouts ou Oosiou; il est situé dans la presqu’îlenord-est, au sud du détroit de Sangar, entre Tanabet Obata, et jette sans cesse des flammes. Les hautesmontagnes qui traversent la province de Mouts etla séparent de celle de Deva, contiennent égalementplusieurs volcans. Si nous les suivons à travers dudétroit de Sangar, nous retrouvons sur la grande|316| île de Ieso plusieurs montagnes qui jettent des flam-mes, de sorte que nous pouvons suivre la chaînevolcanique qui commence à Formose, par les îlesKouriles, jusqu’aux Kamtchatka, dont les volcanssont en activité perpétuelle. Les six volcans du Japon, que je viens de décrire,ainsi que les quatre montagnes desquelles sortentdes sources chaudes, savoir le Kokensan ou You-no dake dans le Boungo, le Fokouro san dans leDeva, le Tate yama dans le Ietsiou et le Foko neyama dans le Idzou, renferment, selon les Japo-nais, les dix enfers du pays. Les monts Fousi-no yama et Sira yama sont re-gardés comme les plus élevés du Japon. Outre cesdeux montagnes les habitans de cette contrée re-gardent les sept suivans comme les mi dake ou plushautes cimes de leur pays.
  • 1. Le Fiaï yama dans la province d’Oomi.
  • 2. Le Fira-no yama dans la même province.
  • 3. L’Ifouki yama dans le Setsou.
  • 4. L’Atako yama dans le Yamasiro.
  • 5. Le Kin bou san dans le Yamatto.
  • 6. Le Sin bou san dans le Setsou.
  • 7. Le Katsoura ki yama dans le Yamatto.
Klaproth.