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Alexander von Humboldt: „Essai sur les réfractions astronomiques dans la zone torride, correspondantes à des angles de hauteurs plus petits que dix degrés, et considérées comme effet du décroissement du calorique. Extrait“, in: ders., Sämtliche Schriften digital, herausgegeben von Oliver Lubrich und Thomas Nehrlich, Universität Bern 2021. URL: <https://humboldt.unibe.ch/text/1808-Essai_sur_les-1> [abgerufen am 27.04.2024].

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Titel Essai sur les réfractions astronomiques dans la zone torride, correspondantes à des angles de hauteurs plus petits que dix degrés, et considérées comme effet du décroissement du calorique. Extrait
Jahr 1808
Ort Paris
Nachweis
in: Journal de physique, de chimie, d’histoire naturelle et des arts 66:6 (Juni 1808), S. 413–447.
Entsprechungen in Buchwerken
Alexander von Humboldt, Recueil d’observations astronomiques, d’opérations trigonométriques, et de mesures barométriques, faites pendant le cours d’un voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent, depuis 1799 jusqu’en 1803, par Alexandre de Humboldt; Rédigées et calculées, d’après les Tables les plus exactes, par Jabbo Oltmanns. Ouvrage auquel on a joint des recherches historiques sur la position de plusieurs points importans pour les navigateurs et pour les géographes, 2 Bände, Paris: F. Schoell 1810 [1808–1811], [1809–] 1810, Band 1, Supplément au second livre, S. 107–147.
Sprache Französisch
Typografischer Befund Antiqua; Auszeichnung: Kursivierung; Fußnoten mit Ziffern; Tabellensatz; Formelsatz; Besonderes: mathematische Sonderzeichen.
Identifikation
Textnummer Druckausgabe: II.67
Dateiname: 1808-Essai_sur_les-1
Statistiken
Seitenanzahl: 35
Zeichenanzahl: 81038

Weitere Fassungen
Essai sur les réfractions astronomiques dans la zone torride, correspondantes à des angles de hauteurs plus petits que dix degrés, et considérées comme effet du décroissement du calorique. Extrait (Paris, 1808, Französisch)
Essai Sur les Réfractions astronomiques dans la zone torride, correspondantes à des angles de hauteurs plus petits que dix degrés, et considérées comme effet du décroissement du calorique (Paris, 1808, Französisch)
Mémoire Sur les Réfractions astronomiques dans la zone torride, correspondantes à des angles de hauteur plus petite que 10° (Paris, 1808, Französisch)
Mémoire sur les réfractions astronomiques dans la zône torride, correspondantes à des angles de hauteur plus petite que 10° (Paris, 1808, Französisch)
Versuch über die astronomische Strahlenbrechung in der heißen Zone für Höhenwinkel unter 10°, insofern sie von der Wärmeabnahme abhängt. (Vorgelesen in der ersten Klasse des Instituts am 29sten Februar 1808.) Frei übersetzt von Gilbert (Leipzig, 1809, Deutsch)
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ESSAI SUR LES RÉFRACTIONS ASTRONOMIQUESDANS LA ZONE TORRIDE, correspondantes à des angles de hauteurs plus petitsque dix degrés, et considérées comme effet du dé-croissement du calorique; Par A. de HUMBOLDT;


EXTRAIT.
Les recherches présentes tendent à résoudre le problèmesuivant: Les réfractions astronomiques sont-elles les mêmes sousl’équateur que celles que l’on a observées dans la zône tempérée? Alhazen, l’arabe, qui vivoit au douzième siècle, avoit annoncéque les réfractions ne sont pas les mêmes dans toutes les régionsde la terre. Rothman et Tycho dirent que les réfractions devoient varierselon la différence des saisons et celle des climats. |414| Kepler reconnut que le froid du pôle condensoit l’air au pointde produire des réfractions extraordinaires. Il pensoit encoreque les vapeurs, les brouillards faisoient varier les réfractions. Richer observa à la Guiane que les réfractions y étoient beau-coup moindres qu’en Europe. Bouguer soutint la même opinion. Dominique Cassini et Picard dirent, d’après des observationsfaites en Suède, que les réfractions sous le cercle polaire étoientdoubles de celles que présentent les astres sous le parallèle deParis. Maupertuis concluoit au contraire des observations qu’il avoitfaites à Torneo, que si les réfractions sont effectivement pluspetites à l’équateur qu’à Paris, il faut admettre que de Paris aucercle polaire cette différence n’est plus sensible. Lord Mulgrave dit également que les réfractions qu’il a obser-vées au Spitzberg, sont les mêmes que celles observées à Londreset à Paris. L’auteur, après avoir rapporté ces diverses opinions, exposeensuite les faits qui peuvent faire découvrir la vérité. Nousallons le laisser parler. Partie physique. La réfraction est l’effet de l’action qu’exercent les couchesd’air atmosphérique sur la route du rayon de lumière. Cetteaction dépend des propriétés chimiques et physiques du mélangegazeux, propriétés que l’on pourroit réunir dans une équationde condition, et qui présentent autant de quantités variablesdont il importe d’examiner l’influence sur la déviation de lalumière. Oxigène et Azote. L’oxigène, d’après les expériences de MM. Biot et Arrago,étant de tous les fluides, et même de tous les corps de la nature,celui qui réfracte le moins, et le pouvoir réfringent de l’oxigèneà l’azote étant dans le rapport de 86:103, les réfractions de-vroient varier à la même température et à la même pressionbarométrique d’une époque et d’une zône à l’autre, si, commeon le supposoit autrefois, la constitution chimique de l’atmos-phère étoit variable selon la différence des saisons et des lieux.D’après les hypothèses reçues alors, l’air de mer et celui de lazône torride, plus riches en oxigène, l’air des hautes montagnesplus abondant en azote et en hydrogène, devroient altérer lejeu des réfractions atmosphériques. Mais des observations |415| exactes ont constaté que le rapport des parties constituantesde l’atmosphère n’est pas variable; que, favorisé par les ventset par l’effet du courant ascendant, le mélange gazeux est uni-forme depuis le niveau de l’Océan jusqu’au-delà de 6000 mètresde hauteur; que si toutefois il existe une légère variation, ellene peut pas aller au-delà d’un ou de deux millièmes d’oxigène. Ces résultats importans sont conformes aux expériences etaux calculs faits par MM. Biot et Arrago. Le prisme et lecercle répétiteur ont conduit ces astronomes à une analyse del’air presqu’aussi exacte que celle que l’on obtient par l’eudio-mètre à gaz hydrogène. En effet, tel est l’admirable enchaîne-ment des phénomènes de la nature, que depuis long-temps,par la mesure seule d’un angle de réfraction, le géomètreauroit pu prouver au chimiste que l’air atmosphérique necontient pas vingt-sept ou vingt-huit centièmes d’oxigène. Mais cette identité constante de composition chimique, cettequantité absolue de gaz vital reconnue dans l’air atmosphé-rique, ont-elles toujours été les mêmes, ou seroient-elles,dans la suite des siècles, variables avec l’intensité des forcesmagnétiques, avec la hauteur moyenne du baromètre qui in-dique la hauteur de l’atmosphère, et avec la températuremoyenne des lieux? Les sciences naturelles et l’art de bienobserver sont trop neufs encore pour que l’histoire physiquedu globe puisse prononcer sur des problèmes aussi délicats.La mer, qui occupe trois cinquièmes de la surface de notreplanète, et qui est remplie de débris de mollusques et d’autresmatières animales propres à se décomposer; le terreau humecté,les argiles mêlées d’oxide de fer et d’hydrure de carbone, peut-être même le roc schisteux ou amphibolique, ces cimes pier-reuses qui s’élancent au-dessus de la région des nuages, agissentsur l’atmosphère qui les entoure. Ils paroissent fixer plus d’oxi-gène qu’ils ne dégagent d’acide carbonique. La décompositionde ce dernier acide est le travail diurne et bienfaisant desvégétaux; mais la culture de l’homme, en substituant aux forêtsdes plantes herbacées et des céréales, parvient à altérer peuà peu l’équilibre primitif de l’océan aérien. Il se pourroit que,par des procédés lents et presqu’imperceptibles, la croûte denotre planète enlevât, en vieillissant, plus d’oxigène à l’at-mosphère qu’elle ne lui en rend annuellement. Par conséquent,il seroit possible encore que du temps d’Hipparque, la lumièredes astres eût éprouvé dans sa route une déviation différentede celle que l’on observera quelques milliers d’années après |416| nous. On reconnoîtroit dès-lors que la réfraction n’est pastoujours fonction de la densité seule des couches d’air atmos-phérique. Mais ne nous perdons pas dans des idées purementhypothétiques, lorsqu’il ne s’agit que de l’ordre actuel deschoses et de faits capables d’être exactement observés! Hydrogène et Acide carbonique. De toutes les substances gazeuses, l’hydrogène est celle dontle pouvoir réfringent est le plus fort. Il est frappant que cemême gaz, comme l’a découvert M. Gay-Lussac, est aussicelui dont la capacité pour le calorique est la plus grande.Son pouvoir réfringent surpasse huit fois celui de l’oxigène;il est à celui de l’air atmosphérique comme 661:100. Maisl’hydrogène mêlé à l’air atmosphérique en diminue le pouvoirréfringent; car il s’en faut de beaucoup que la légéreté spéci-fique de l’hydrogène soit compensée par l’excès de sa forceréfractive. Dans un Mémoire lu à la Classe en ventosean XIII, nous avons déterminé, M. Gay-Lussac et moi, le minimum de gaz hydrogène que l’on peut découvrir aveccertitude dans un mélange d’azote et d’oxigène. Nous avonsindiqué un moyen précis par lequel on peut évaluer jusqu’à \( \frac{2}{1000} \) d’hydrogène. Ce moyen, inconnu lors de mon expéditionà l’équateur, n’a point encore été employé sur l’air des tro-piques; mais ayant constaté qu’en Europe, quelle que soit larégion d’où souffle le vent le plus impétueux, l’atmosphère necontient pas d’hydrogène, et que l’air recueilli, soit à 6000mètres de hauteur, soit au milieu d’un nuage, comme auMont-Cenis, ne diffère pas sensiblement de l’air des plaines,on peut supposer que ce manque d’hydrogène est en généraldans toutes les zônes et à toutes les hauteurs. Je n’ignore pasque la considération de la grande légéreté spécifique de l’airinflammable, jointe à des hypothèses météorologiques, a faitsupposer à quelques physiciens que la dernière couche del’océan aérien est une couche d’hydrogène, site inabordabledes phénomènes lumineux, de l’aurore boréale, des étoilesfilantes, et peut-être des bolides mêmes. Cette couche s’éten-droit jusqu’aux dernières limites de l’atmosphère, jusqu’au pointoù la force centrifuge est balancée par la pesanteur. Mais pourquoi,en s’éloignant perpendiculairement de la surface de la terre deplus d’un demi-myriamètre, ne voit-on pas augmenter la quantitéd’hydrogène atmosphérique? Comment cet hydrogène seroit-ilparvenu à se réunir dans une couche séparée? et une fois réuni, |417| comment se seroit-il conservé dans cet état d’isolement? Lesconnoissances que nous avons acquises, depuis quelques années,sur la manière de laquelle se comportent au contact deux gazd’une gravité spécifique différente, rendent peu probable quel’hydrogène qui s’élève de la surface de la terre puisse se réunirdans une couche particulière placée à la limite supérieure del’atmosphère. L’expérience nous prouve qu’au moindre mou-vement les fluides aériformes se pénètrent, et que les moléculesdu gaz plus pesant s’insinuent entre les molécules du gaz plusléger, sans se placer d’après la loi de leur pesanteur spécifique.Lorsqu’on mêle 21 d’oxigène à 79 d’hydrogène, cet air atmos-phérique à base d’hydrogène reste uniforme dans sa composition,quelle que soit la durée du repos auquel on abandonne le mé-lange. L’analyse chimique m’a offert les mêmes résultats, quej’aye éprouvé l’air contenu dans la partie supérieure ou celui dela partie inférieure du vase. L’analogie nous conduit à croireque l’hydrogène, dégagé par les marais, par plusieurs sources,par les mines et par les volcans, se mêle uniformément à l’airatmosphérique. Il s’y mêle d’autant plus facilement, que l’at-mosphère est perpétuellement agitée par de petites variationsde température et de pression barométrique. L’effet de cetteagitation est si frappant, que malgré l’abondance des sourcesd’hydrogène sulfuré que l’on trouve, par exemple, dans la Cam-pagne de Rome, le chimiste ne découvre dans l’atmosphère am-biante pas plus de cet hydrogène que dans l’air de mer ou dansles vents qui soufflent du large. L’idée de cette uniformité dansla composition chimique de l’atmosphère rassure l’astronome,lorsqu’il se défie du fluide aériforme à travers lequel lui parvientla lumière des astres. Mais cette même uniformité fait aussi ledésespoir du physiologiste. Réfléchissant sur la salubrité des cli-mats, il croit en appeler en vain au tribunal de l’eudiométriemoderne. Le chimiste lui répond que, d’après les expériencesintéressantes de MM. Thénard et Dupuytren, des quantitésd’hydrogène sulfuré beaucoup trop petites pour être appréciéesdans nos instrumens, trop petites pour produire des changemensdans les réfractions, exercent encore une influence destructivesur la vie animale. L’ensemble de ces considérations physiques nous prouve qu’iln’y a aucune raison d’admettre une couche de gaz hydrogèneaux limites de notre atmosphère. Il est même difficile de con-cevoir l’existence de cette couche à l’époque reculée où se formoit le noyau de notre planète. Dès-lors l’hydrogène |418| se seroit mêlé au reste de l’atmosphère qui étoit agitée par lescourans. La quantité moyenne d’hydrogène répandue dans l’airne peut être qu’infiniment petite. Ce résultat d’expériencesdirectes a été confirmé par l’harmonie frappante que trouventMM. Biot et Arrago, entre le pouvoir réfringent de l’air at-mosphérique observé et entre le pouvoir réfringent calculé dansl’hypothèse que l’atmosphère est un simple mélange d’azote etd’oxigène. De plus, en considérant les produits de la putréfac-tion des matières organiques, en réfléchissant sur la réunionpeu commune des circonstances sous lesquelles, par une simpledécomposition de l’eau, il s’élève de la surface du globe dugaz inflammable pur, nous trouvons que le minimum d’hydro-gène atmosphérique dont nous admettons l’existence, devientpar là même moins redoutable pour les astronomes; que cethydrogène, pour la plus grande partie, est un mélange d’hy-drogène carburé, oxi-carburé, phosphuré et sulfuré. Le phos-phore se combinant avec le soufre et avec le carbone, commel’ont fait voir Pelletier et M. Proust; le soufre hydrogéné dis-solvant aisément le phosphore, comme l’ont prouvé MM. Clé-ment et Désormes, il est plus que probable que les miasmes mêlésà l’atmosphère contiennent des variétés particulières de gazhydrogène dans lesquelles deux ou trois substances oxigénablessont dissoutes à la fois. Il est probable aussi que sous lestropiques, où une chaleur constante et une grande humiditéfavorisent le développement des êtres organisés, ces émana-tions gazeuses sont plus communes que dans les pays tempérés;elles y causeroient un jeu de réfractions extraordinaires, s’ilsparvenoient à s’accumuler momentanément. Mais cette craintes’évanouit, lorsqu’on considère, 1° les circonstances qui s’oppo-sent à cette accumulation dans une région où le mouvement per-pétuel de l’air, depuis l’équateur aux pôles, cause l’apparencedes vents alisés; 2° les quantités extrêmement petites de cesémanations, que des expériences eudiométriques les plus exactesnous permettent de supposer dans l’air; 3° le fait remarquableet rassurant que l’hydrogène, qui contient d’autres substancesoxigénables en dissolution, a un pouvoir réfringent qui n’estpas le tiers du pouvoir réfringent de l’hydrogène pur, et quin’est que le double de celui de l’air atmosphérique. Il résulteaussi de ces mêmes considérations, que les phénomènes sin-guliers de réfraction, et surtout ceux de réflexion aérienneque l’on n’observe que dans certaines régions de la terre, parexemple à Reggio et dans la partie méridionale de la Calabre, |419| ne peuvent guère s’expliquer par l’hypothèse d’une constitutionparticulière et locale de l’atmosphère. Ces phénomènes n’ont étéqu’imparfaitement observés jusqu’ici; ils se présentent à deshauteurs considérables au-dessus de l’horizon. Il ne faut pasles confondre avec les effets du mirage commun. La FataMorgana paroît être l’effet catoptrique d’une agrégation devapeurs vésiculaires. Il n’est plus permis d’en chercher lacause dans l’abondance du gaz hydrogène qu’autrefois desphysiciens voyageurs supposoient exister dans les pays agitéspar des volcans et par des tremblemens de terre. Ce que nous venons d’exposer sur le minimum d’hydrogènecontenu dans l’atmosphère, s’applique aussi à l’acide carbo-nique, dont la quantité, d’après mes expériences, peut êtreévaluée sous l’équateur de trois à huit millièmes. D’ailleursce fluide, quoique plus dense, est moins propre à modifierles réfractions atmosphériques. D’après MM. Biot et Arrago,son pouvoir réfringent est à peu près le même que celui del’air atmosphérique; il ne le surpasse que de \( \frac{4}{1000} \). Les bellesexpériences faites par M. Malus, sur le charbon, n’altèrent pasce résultat; elles indiquent seulement un pouvoir réfringentdu carbone plus grand que celui qu’admet M. Biot, observa-tion qui diminue la quantité d’hydrogène que l’on se croyoitforcé d’admettre dans le diamant. C’est à tort qu’un célèbreastronome italien a récemment attribué à une accumulationmomentanée d’acide carbonique, les petites variations de ré-fractions observées à Malte et en Sicile aussi long-temps quesouffle le sirocco. Cette abondance d’acide carbonique sur lesbords de la Méditerranée n’a été constatée par aucune expé-rience directe. D’après le rapport trouvé entre le pouvoir ré-fringent de l’acide carbonique et celui de l’air commun, ilfaudroit que l’atmosphère devînt énormément méphitisée avantque l’effet des réfractions fût d’une ou de deux secondes sexa-gésimales. Condensation. Mais la déviation de la lumière ne dépend pas uniquementde la quantité d’oxigène, d’azote, d’hydrogène ou d’acide car-bonique; elle ne dépend pas uniquement du rapport dans lequelse trouvent les parties constituantes de l’atmosphère. Le pouvoirréfringent des fluides est modifié par l’état de condensationplus ou moins grand que présentent les élémens aériformes.L’inflexion du rayon lumineux n’est pas la même dans l’oxide |420| d’azote et dans un mélange physique d’oxigène et d’azote. Or,malgré le principe d’identité de composition que nous venonsd’établir, les réfractions de la zône torride pourroient êtredifférentes de celles des zônes tempérées, si, par l’effet d’unetempérature plus ou moins élevée, l’oxigène exerçoit une actionchimique plus ou moins grande sur l’azote. D’après cette opinionrépandue dans plusieurs ouvrages de physiologie, la respirationou plutôt la décomposition de l’air dans les poumons dépen-droit, outre la quantité d’oxigène inspiré, du degré d’affinitépar lequel cette base est liée à l’azote atmosphérique. Quelquesphénomènes chimiques qui n’ont pas encore été rigoureusementanalysés, par exemple l’observation qu’un mélange de 0,25 d’oxi-gène et 0,75 d’acide carbonique n’est pas propre à entretenir laflamme, ont paru favoriser cette idée. Mais nous pourrionsciter un grand nombre d’expériences qui rendent probableque, dans l’état aériforme, ces bases n’exercent aucune ou dumoins une très-foible action chimique les unes sur les autres.La condensation ne commence à influer d’une manière sensiblesur le pouvoir réfringent que lorsque les élémens gazeux entrentdans une union très-intime. Le gaz ammoniacal nous en offreun exemple frappant. MM. Biot et Arrago ont trouvé que cegaz agit sur la lumière comme un simple mélange physiquede 0,80 d’azote et de 0,20 d’hydrogène, en évaluant les élé-mens d’après le poids. C’étoient, en effet, les nombres quirésultoient de l’analyse de M. Davy. Le même chimiste ayantannoncé depuis, à l’occasion de ses découvertes sur les sub-stances alcalines, que l’ammoniaque contenoit 0,20 d’oxigène,M. Berthollet fils reprit le beau travail de son père, publiédans les Mémoires de l’Académie de l’année 1785. Des expé-riences très-exactes, qui ne diffèrent pas entre elles d’uncentième, lui ont appris qu’un volume de 100 parties d’am-moniaque est composé de 75,5 d’hydrogène et de 24,5 d’azote,ce qui donne en poids, d’après les densités de la Table de Biot, 18,83 d’hydrogène et 81,17 d’azote. En calculant, d’aprèsces données de M. Berthollet fils, le pouvoir réfringent pour legaz ammoniacal, on trouve 2,08471, tandis que par observationon trouve 2,168. Le gaz ammoniacal contenant un peu plusd’hydrogène que n’en admettoit autrefois M. Berthollet lepère (1), et 0,02 de moins qu’en supposoit M. Biot, d’après
(1) M. Berthollet le père (Mém. de l’Acad., 1785, p. 324), trouvaen volume 72,50 d’hydrogène, 27,50 d’azote, ce qui lui donna, en suppo-
|421| Davy, l’effet de la condensation devient sensible; car le pouvoirréfringent du composé est de 2,168, au lieu de 2,08471.
Nous avons vu jusqu’ici que la constitution chimique de l’at-mosphère sous l’équateur ne présente aucune modification parti-culière propre à favoriser l’opinion de l’influence des climatssur les réfractions moyennes, influence qui fut indépendantede la température et de la pression barométrique de l’air. Ensupposant sous les tropiques, comme quelques physiciens l’ontfait arbitrairement, plus d’acide carbonique ou (à compositionégale) plus de condensation de bases, ces différences, bien loind’expliquer, comme le feroient des accumulations d’hydro-gène et d’oxigène, une diminution dans le pouvoir réfringentdu mélange, tendroient plutôt à en augmenter les effets. Humidité. Brume. Nuages. Il en est de même d’une quatrième et dernière cause qu’ilnous reste à examiner, de l’humidité. Si l’influence de cettecause est sensible, elle doit augmenter l’inflexion des rayonslumineux sous l’équateur, quelle que soit la grandeur de l’angleapparent que l’on observe. En effet, dans ces climats brûlans,le sol couvert d’épaisses forêts, et humecté par des pluies presquecontinuelles, répand des masses d’eau énormes dans un air dontla température varie de 22 à 36°. L’humidité extrême de cesrégions équinoxiales contraste avec la sécheresse à laquellel’atmosphère polaire se trouve réduite par le froid. La gravité spécifique de la vapeur d’eau étant, à forcesélastiques égales, à la gravité spécifique de l’air, comme 10:14,celui-ci pèse d’autant moins qu’il est plus près du degré extrêmede sa saturation. Or l’air humide n’est qu’un mélange d’eauet de vapeurs; par conséquent, sa densité est aussi moins grandeque celle d’un air plus sec. On peut concevoir par là comment,sous l’équateur, une source constante de chaleur et d’humi-dité produit une diminution dans les hauteurs moyennes dubaromètre, l’air dilaté dans des colonnes plus élevées refluantsans cesse sur les colonnes voisines, et pesant moins à causede son mouvement ascensionnel. On peut en conclure de mêmeque, si la vapeur d’eau avoit également le même pouvoir ré-
sant la pesanteur spécifique de l’hydrogène à celle de l’azote, — 1:11 enpoids, 19,33 d’hydrogène et 80,67 d’azote. Mais, d’après la Table desdensités de MM. Biot et Arrago, il résulte de l’expérience de M. Ber-thollet 16,6 d’hydrogène et 83,4 d’azote.
|422| fringent que l’air, les réfractions devroient être moindres dansl’air humide que dans l’air sec. Mais des expériences précises,faites par les deux savans distingués que la Classe en avoit chargés,ont confirmé ce que le génie du géomètre avoit prédit depuislong-temps. M. Laplace avoit prouvé que l’état hygroscopiquede l’air ne pouvoit avoir qu’un effet presque imperceptible surles réfractions, l’excès de la force réfringente de la vapeuraqueuse sur celle de l’air étant compensée, en grande partie,par sa densité plus petite. Les formules développées dans ledixième livre du quatrième volume de la Mécanique céleste,annoncent même que, si la compensation n’est pas tout-à-faitcomplète, ce manque d’équilibre entre la dilatabilité et le pouvoirréfringent doit plutôt renforcer que diminuer l’effet des ré-fractions équatoriales. Aussi MM. Delambre et Biot, dans unesuite d’observations très-exactes faites au cercle répétiteur, n’ontpas vu varier sensiblement les réfractions pendant que l’hygro-mètre indiquoit de fortes variations d’humidité.
Tels sont les effets de l’eau dissoute dans l’atmosphèred’une manière à ne pas en altérer la transparence. Mais lavapeur qu’on appelle vésiculaire ne paroît pas toujours suivreles mêmes lois. Il ne s’agit point ici de déterminer si le brouil-lard et les nuages sont des amas de globules solides, commeM. Monge a tâché de le prouver dans son Mémoire sur la météo-rologie, ou si, comme j’incline à croire avec beaucoup d’autresphysiciens, les nuages sont composés de sphères creuses danslesquelles probablement un air extrêmement humide est enve-loppé d’une pellicule plus ou moins mince d’eau. Il suffit icid’examiner les circonstances qui peuvent influer sur la diffé-rence de réfractions qu’offrent les nuages et le brouillard. Lesbrouillards sont des conches de vapeurs qui, reposant sur lesol, environnent l’observateur. Les nuages, au contraire, sontdes couches plus légères suspendues dans un air parfaitementtransparent. Cet état de choses doit contribuer à modifier lesréfractions dans ces amas de vapeurs vésiculaires. L’expériencenous offre des exemples de ces contradictions apparentes. M. Ar-rago, à l’invitation de M. Laplace, a pris quelques hauteursméridiennes du soleil vu à travers des nuages qui en laissoientappercevoir distinctement les bords. Cet astronome n’a pasobservé que les réfractions fussent changées par le passagedu rayon à travers un groupe de vapeurs vésiculaires. Pendantmon séjour dans le royaume de Quito, j’ai pris des anglesd’élévation de la cime de plusieurs volcans, nommément de |423| ceux d’Ilinissa et de Cotopaxi, au moment que des flocons denuages blancs et transparens couvroient la crête de la Cordil-lère. J’étois sûr d’évaluer, je ne dis pas une quantité absolue,mais bien une différence de cinq ou six secondes sexagési-males. Cependant, je ne trouvai pas que l’angle apparent fût sen-siblement variable avant et au moment de la formation du nuage. Le brouillard ne produit pas constamment le même effet.Dans une matière aussi délicate, il importe de réunir tous lesfaits qui ont été bien constatés. En parcourant le grand travailde M. Delambre, sur les réfractions atmosphériques, contenudans le second volume de la Base du système métrique, ony trouve des observations très-curieuses faites à Boiscommunpendant un temps de brouillard épais. La vapeur vésiculaireaugmenta tellement le jeu des réfractions terrestres, que neufrésultats donnèrent à M. Delambre le facteur n entre 0,146et 0,175, tandis que des mesures prises par un air transparentprésentent ce facteur de la moitié plus petit, égal à 0,078. Maiscette contradiction apparente entre l’action qu’exerce le nuagesur le rayon lumineux et l’action qu’on attribue au brouillard,n’a pas de quoi nous étonner. Les nuages, selon des obser-vations directes que j’ai eu occasion de faire sur la pente dela Cordillère des Andes, ont souvent 12 à 1600 mètres d’épais-seur perpendiculaire. On conçoit comment, malgré ce volume,malgré cet agroupement énorme de vapeurs vésiculaires, lerayon lumineux peut passer à travers le nuage, comme s’ilpassoit à travers un verre parfaitement plan. Si les globulesde vapeurs sont solides, l’observateur voit le disque solaire pardes rayons qui passent par le centre, ou par des rayons qui tra-versent l’air humide dans lequel nagent les globules: si, aucontraire les petites sphères sont creuses, la lumière, en pé-nétrant dans l’intérieur à travers une pellicule d’eau très-mince, éprouve en entrant la même inflexion qu’elle subit ensortant. L’extinction de la lumière doit être presque nulle, si(comme le rend probable M. Laplace, dans son Supplémentà la Théorie de l’action capillaire) l’enveloppe est une lamed’eau dont l’épaisseur est plus petite que le rayon d’activitésensible de ses molécules. L’air dans lequel se trouvent lesvapeurs vésiculaires est saturé d’eau, et, comme nous venonsde le voir tantôt par les expériences du prisme de M. Biot,l’eau dissoute n’altère aucunement le jeu des réfractions. Il paroît donc que les expériences de M. Arrago et les mien-nes, sur le pouvoir réfringent des nuages, sont conformes à la |424| théorie. Les phénomènes extraordinaires observés par M. De-lambre pendant un mois entier à Boiscommun, peuvent avoirété causés, non par l’état hygrométrique de l’atmosphère, maispar des anomalies dans la loi du décroissement du caloriquedans les couches d’air superposées. C’étoient des observationsde réfractions terrestres, même des angles de dépression; parconséquent, les réfractions atmosphériques observées à Bois-commun étoient modifiées par la différence de densité entrela couche d’air qui forme le brouillard et entre les couchesqui agissent sur ce dernier. L’observateur, enveloppé dans lebrouillard, se trouve dans l’air humide qui remplit les intersticesde la vapeur vésiculaire; il est environné d’un air condensé parun refroidissement subit et local. En effet, d’autres observa-tions prouvent qu’à des angles de hauteur auxquels l’influencedu décroissement du calorique est imperceptible, le brouillardn’exerce pas d’influence sur les réfractions. Dans le grandnombre d’observations d’Antarès, faites avec le plus grand soinà l’Observatoire impérial, on n’a pas remarqué qu’après avoiremployé les corrections nécessaires pour le baromètre et lethermomètre, les passages d’Antarès par le méridien aientdonné des angles sensiblement différens, selon qu’on les a prispar un temps sec et dans une brume assez épaisse. Il seroitimportant d’examiner si les mêmes brouillards qui altèrent laréfraction terrestre, affectent aussi la déviation des rayons quinous arrivent sous des angles au dessus de 12 ou 14°. Cesobservations décideroient si les brouillards agissent par uneautre voie qu’en diminuant le jeu du calorique rayonnant àla surface du globe et en ralentissant le décroissement ducalorique. Il résulte de ces considérations développées dans la secondepartie de mon Mémoire, que la constitution chimique de l’at-mosphère, non plus que son état hygrométrique, ne présententaucune cause qui puisse expliquer une diminution dans lesréfractions sous l’équateur. L’inflexion du rayon lumineux,supposé qu’il nous parvienne sous un angle plus grand que 10°,est simplement fonction de la pression et de la températurede la couche inférieure de l’air qui entoure l’observateur.Quelques astronomes ont jeté des doutes sur la correctionthermométrique appliquée à des extrêmes de chaleur et defroid; mais en se rappelant que, d’après les expériences deM. Gay-Lussac, les dilatations des gaz sont proportionnellesà leur température, et que depuis le point de la glace fondante |425| jusqu’à 100°, la marche du thermomètre à air est la même quecelle du thermomètre à mercure, on se voit forcé d’admettreque la correction thermométrique est croissante uniformémentavec les degrés du thermomètre à mercure observé à l’air libreau moment que l’angle est pris à l’instrument. Cette unifor-mité se manifeste d’une manière frappante dans deux obser-vations de M. Swanberg, que nous allons développer plus bas, etqui présentent la plus grande harmonie, quoique l’une eût étéfaite a 90° et l’autre à 13° au-dessous de zéro, le baromètren’ayant varié que de douze millimètres. Décroissement du Calorique. Il nous reste à examiner la constitution de l’atmosphère destropiques sous le rapport qui influe le plus sur les réfractionshorizontales et presque horizontales: je parle de la loi du dé-croissement du calorique dans les couches d’air superposéesles unes aux autres. Si cette loi fut trouvée différente dansles zônes diverses, les réfractions au-dessous de 10° devroientl’être aussi, malgré l’identité dans la composition chimique del’atmosphère, et malgré l’influence nulle de la sécheresse et del’humidité. En effet, un astronome distingué, séduit par lacomparaison des réfractions observées par Piazzi et Maskline,a tenté de prouver récemment, a priori, que le décroisse-ment du calorique doit être plus rapide dans les climatschauds, et que par conséquent la réfraction horizontale doitaugmenter en raison inverse de la température moyenne deslieux. Cette assertion, si elle embrasse les observations faitespendant l’été, est démentie par un grand nombre d’expériencesque j’ai eu occasion de faire pendant le cours de mon expéditionà l’équateur. Aucun autre voyageur ne s’étant occupé de cesrecherches sur le décroissement du calorique dans l’atmos-phère de la zône torride, je réunirai dans une table les résultatsde mes observations faites dans les deux hémisphères. Je m’ar-rêterai aux seuls nombres. Le détail des localités sur lesquellesse fonde le choix des observations et la probabilité des résultatsqu’elles présentent, se trouve discuté dans un Mémoire qui vaparoître dans ceux de l’Académie de Berlin pour l’année 1807. Si, au lieu d’un noyau solide enveloppé d’un fluide aéri-forme, nous nous figurons un sphéroïde gazeux et transpa-rent, et tournant sur lui-même autour du soleil, nous concevonsque les rayons solaires n’y produiroient de la chaleur qu’autantque la lumière sera affoiblie en passant par des couches d’air |426| plus ou moins denses. L’extinction de la lumière y seroit laseule cause de chaleur. Par conséquent, la température seroitmoindre vers la surface que dans les couches intérieures. Latempérature augmentera d’abord avec la densité croissante descouches; mais, à cause de l’affoiblissement même des rayonslumineux, cette température parviendra probablement à son maximum dans un point éloigné du centre et de la surface.Jusqu’ici notre sphéroïde gazeux ressembleroit à ces corps cé-lestes que Herschel a nommés des nébuleuses planétaires. Imaginons maintenant un noyau solide au milieu de ce fluideaériforme: dès ce moment, nous voyons naître deux autrescauses de température; le foible effet de l’extinction de la lu-mière se perd auprès de l’effet du calorique rayonnant et ducourant ascendant. Il est inutile de discuter ici la possibilitéd’une quatrième cause. Nous n’agiterons pas la question, siles fluides aériformes peuvent conduire le calorique sans mou-vement de translation dans les molécules. Un physicien célèbrede cette Classe, M. Rumford, s’est occupé de la résolutionde ce problème. Il ne nous intéresseroit que dans le cas où desvents chauds souffleroient dans les hautes régions seules del’atmosphère. Cependant l’agitation de l’air mêleroit bientôtles molécules voisines; il seroit même alors impossible de faireabstraction du mouvement de translation. L’effet du courant ascendant, comme celui du caloriquerayonnant, n’avoit pas échappé à la sagacité d’Aristote et deses disciples. J’ai développé, dans un autre endroit, que dansle premier livre des Meteorologica et dans la vingt-cinquièmesection des Problèmes attribués à Aristote, la hauteur des nuageset leur densité sont considérées comme des phénomènes quidépendent de l’ascension de la chaleur, et qui contribuent à enmodifier l’action (1). Le décroissement du calorique étant l’effet simultané detrois causes générales, de l’extinction de la lumière pendantson passage à travers les couches d’air plus ou moins denses,de la chaleur rayonnante et du courant ascendant, tout cequi modifie ces causes doit aussi modifier la loi du décroisse-ment. Ce dernier doit être plus lent au-dessus de la surfacede la mer ou au-dessus d’une campagne couverte de neige,qu’au-dessus d’un désert dénué de végétaux ou au-dessus d’unecouche horizontale de schiste micacé. Il doit être plus rapide
(1) Aristotelis opera omnia, t. II, ed. Casaub., pp. 458, 327.
|427| sur la pente d’une montagne conique qu’au-dessus d’une Cor-dillère qui présente de grands plateaux élevés par étages lesuns au-dessus des autres. Mais en discutant la réfractionmoyenne correspondante à de petits angles de hauteurs entre 6et 10°, il ne s’agit aussi que de la loi du décroissement moyen.Nous verrons tantôt que cette loi est plus constante qu’ondevroit le supposer, à cause des variations de températureproduites par les courans d’air horizontaux et verticaux; noustrouverons qu’elle est aisée à reconnoître à travers un grandnombre de petites perturbations locales.
La progression selon laquelle les couches d’air superposéessont plus froides selon qu’on s’éloigne de la surface du globe,peut être reconnue par cinq voies différentes, dont les deuxpremières seules paroissent mener à des résultats certains. Cesmoyens sont des ascensions aérostatiques, des voyages versla cime de montagnes isolées et à pente rapide, la comparaisondes températures moyennes observées pendant plusieurs annéesdans des endroits qui auroient une élévation très-différente etqui seroient peu éloignés les uns des autres, la températuredes sources et celle des cavernes, que quelques physiciens osentnommer la température de l’intérieur du globe. On pourroity ajouter la connoissance des réfractions horizontales, et unseptième moyen peu exact, celui de déduire le décroissementdu calorique de la hauteur à laquelle se maintiennent les neigeséternelles dans les différentes zônes du globe. Voyages dans les Andes. Des excursions faites à la cime d’un pic élevé et très-escarpé,offrent presque les mêmes avantages que les ascensions aéros-tatiques, l’observateur au pied du pic se trouvant, pour ainsidire, dans la même verticale que l’observateur placé ausommet. Dans le Tableau suivant de mes expériences, onpeut distinguer sous ce rapport, comme plus exactes, lesexcursions que nous avons faites, M. Bonpland et moi, auMexique, à la cime du Naucampatepetel, appelé aujourd’huile Cofre de Perote, et au Nevado de Toluca; sur les bords dela mer du Sud, à la cime de Rucu-Pichincha; sur la côte deVenezuela, à la Sille de Caraccas; à l’île de Ténérife, au sommetdu Pic de Teyde. Je nomme ce volcan le dernier, parce que,rapproché des côtes du continent de l’Afrique, il a le désa-vantage d’être baigné quelquefois par des courans d’air chaudqui soufflent de l’est et du sud-est. En effet, M. Labillardière, |428| qui est parvenu huit ans avant moi, le 17 octobre 1791, à lacime du Pic de Ténériffe, et qui y a fait un nombre d’obser-vations importantes, rapporte, dans la relation de son voyage,qu’à 3700 mètres de hauteur, en automne, l’air y avoit unetempérature de 18°,7 du thermomètre centigrade. Aussi levent, comme l’indique l’observateur lui-même, étoit sud-sud-est. Par conséquent, la différence de température entre lacime et l’air de la côte ne dépassoit pas 9°, au lieu qu’avecun vent ouest qui ne souffle pas du continent de l’Afrique,je trouvai une différence de 20°. Lamanon, lors de l’expé-dition de Lapeirouse, en trouva 19°. Cette harmonie entre lesrésultats obtenus sous des circonstances favorables est d’autantplus frappante, que j’observai au bord du cratère, mais àl’ombre et très-éloigné du sol, + 2°,7, tandis que le thermomètrede Lamanon marquoit + 11°,6. L’une de ces observations donneun décroissement de chaleur de 184 mètres, l’autre de 195 mètrespar degré centigrade, décroissemens qui ne diffèrent entre euxque de 11 mètres. Le Tableau suivant indique l’époque de l’observation; lalatitude des lieux fondée sur mes propres déterminations as-tronomiques; la hauteur de l’air parcourue, calculée d’aprèsla formule barométrique de M. Laplace, en y appliquant lenouveau coefficient de M. Ramond; la différence de tempé-rature entre la couche inférieure et supérieure, et la loi dudécroissement pour 1° du thermomètre centigrade. Les hauteurs des colonnes d’air que j’ai trouvées sont laplupart entre 3000 et 5800 mètres; j’y ai ajouté les résultatsdu décroissement du calorique relatif à 1° du thermomètre de Réaumur. |429|
LIEUX et EPOQUESde l’observation. Latitudedes lieux. hauteur de la co-lonne d’airparcourue. Differen. detempérat.entre lacouche inf.et supérieur.(Th. cent.) loi du décroissement.
pour 1 deg.centigrade. pour 1 deg.dutherm. R.
Coffre de Perotte ...(février 1804.) 19° 29′ bor. 4047 m . 22,°1 183, m. 1 117, t .3
Nevado de Toluca...(septembre 1803.) 10° 6′ bor. 4619 m. 23,°2 198, m. 7 128, t. 1
Silla de Caraccas....(janvier 1800.) 10° 37′ bor. 2603 m. 13,°7 189, m. 8 121, t. 4
Fuerte de la Cuchilla.(décembre 1799.) 10° 33′ bor. 1512 m . 8,°5 177, m. 8 114, t. 1
Guadalupe.........(juillet 1801.) 4° 36′ bor. 3287 m. 16,°9 194, m .4 124, t. 3
Pichincha..........(mai 1802.) 0° 14′ aust. 4679 m. 23,°7 197, m. 8 126, t. 3
Chimborazo........(juin 1802.) 1° 28′ aust. 5876 m. 29,°1 201. m. 9 129, t. 4
Pico de Teneriffa...(juin 1799.) 28° 17′ bor. 3704 m. 20,°119,°0 184, m. 2194, 9 118, t. 3125, t. 3
Terme moyen... 191,4 m. 122, t. 6
Les extrêmes des résultats obtenus ne diffèrent du résultatmoyen, pour les minimum et maximum, que de 10 et 14 mètres.D’après cette harmonie frappante, on pourroit supposer que lesobservations contenues dans le tableau, ont été choisies parmiun grand nombre, et que le choix n’a pas été fait avec toutel’impartialité requise. Nous éloignerons ce soupçon, en obser-vant que tout le journal de mon voyage n’offre d’autres expé-riences que celles rapportées dans le tableau, à l’exception dedeux seulement faites sous des circonstances peu favorables.Cependant, ces deux observations rejetées offrent encore unrésultat qui ne diffère que de 21 et 25 mètres du résultat moyen.En ne les rejetant pas, on auroit pour la loi du décroissement193 toises, au lieu de 191 mètres. Température moyenne de toute l’année. Effet des plateaux. S’il existoit à la cime de l’Etna, du Pic de Ténériffe ou dePichincha, des observatoires dans lesquels on fît des expériences |430| diurnes sur la température de l’air, sur son humidité et sa tensionélectrique, sur les réfractions horizontales, sur les variationshoraires de la déclinaison magnétique, expériences comparablesà d’autres qu’à la même époque on feroit dans les plaines voi-sines, l’ensemble de ces travaux importans répandroit un grandjour sur la connoissance physique du globe et de l’atmosphèrequi l’enveloppe. La comparaison des températures moyennesd’une année entière donneroit sans doute, sur le décroissementdu calorique, un résultat plus exact que des ascensions aérosta-tiques ou des excursions faites à la cime des montagnes les plusélevées. Mais (par malheur pour le progrès des sciences physi-ques) dans la zône qui est le centre de la culture intellec-tuelle, les villes considérables situées sur les plateaux les plusélevés en Europe (Madrid et Inspruck) n’ont pas 600 mètresd’élévation au-dessus du niveau de l’Océan. Il est vrai que dansles Pyrénées et dans les Alpes, deux villages, Heas et St.-Remy,sont placés à 1400 et 1600 mètres de hauteur. Le couvent duSaint-Bernard est l’endroit le plus élevé qui soit perpétuelle-ment habité en Europe: sa hauteur perpendiculaire est de deuxmille mètres. Mais nous ne connoissons point la températuremoyenne de cet endroit; nous l’ignorons dans la zône tempéréepour toute couche d’air plus élevée que celle dans laquelle setrouve le couvent du Saint-Gothard. Au contraire, dans lapartie équinoxiale du nouveau continent, l’homme habite desplateaux dont la hauteur est bien au-delà de 4000 mètres. Jene parle pas de quelques hameaux épars; nombre de villesconsidérables, comme Huancavelica et Micuipampa au Pérou,sont construites sur le dos des Andes à 3700 mètres d’élévationau-dessus du niveau de la mer du Sud. Cette position extraor-dinaire facilitera singulièrement le progrès des sciences phy-siques, quand la civilisation du monde, accélérant la marchequ’elle a tenue depuis long-temps de l’est à l’ouest, arriverades côtes orientales de l’Océan Atlantique aux rives de Mis-soury et du Maranon. Jusqu’ici le peu d’observations que l’ona pu recueillir sur la température moyenne des grandes villesde Quito, de Santa-Fe de Bogota, de Mexico et de Popayan,ne sauroit conduire à un résultat exact sur la loi du décrois-sement du calorique. La position de ces villes s’y oppose; ellesont été fondées au milieu de vastes plaines élevées de 1800 à 3000mètres au-dessus des côtes voisines. On peut considérer ces pla-teaux comme des bancs ou des bas-fonds de l’océan aérien;fixant les rayons solaires, ils élèvent la température des courans |431| d’air froid et raréfié qui baignent leur surface. A la cime duChimborazo, l’air est généralement de 34° plus froid que celuides côtes, parce que la couche d’air qui enveloppe le sommetest éloignée de 6550 mètres de la surface du globe qui absorbeet fixe les rayons. Si tout le diamètre de la terre augmentoitde 6500 mètres, la couche d’air dont nous venons de désignerla température seroit rapprochée de la croûte de notre planèteet auroit le climat des plaines actuelles. Par un effet analogue,les plateaux dans lesquels sont situées les grandes capitales de l’Amérique espagnole, donnent à ces villes une températurebeaucoup plus élevée qu’elles ne devroient avoir à cause deleur hauteur. Cette influence des plateaux sur l’air des hautesrégions de l’atmosphère se manifeste dans le tableau suivant,dans lequel j’ai réuni mes observations sur la températuremoyenne de quatre villes principales du Nouveau Continent.Sur le dos prolongé de la Cordillère, dans les hautes plainesdes Andes, on trouve à 1600 mètres de hauteur la tempé-rature moyenne d’Alger, à 2700 mètres celle de Florence etde Rome; mais sur la pente rapide, partout où il n’y a pointde plateaux, il faut descendre beaucoup plus bas pour trouverdes climats analogues à ceux de l’Italie et de l’Afrique septen-trionale.
LIEUX d’observation. LATITUDE des lieux. Elévationau-dessusdu niveaude la mer. Températ.moyenne,observée surle therm.centigrade. DÉCROISSEMENT du calorique.
pour 1°centigrade. pour 1° dutherm. R.
Quito...... 0° 13′ 17″ austr. 2907. m. 15°,0 244 m. ,4 157 t.
Popayan..... 2° 26′ 17″ bor. 1769. m. 20°,6 283 m. ,1 181 t. ,6
S. Fè de Bogota. 4° 35′ bor. 2660 .m . 16°,5 256 m. ,1 164 t. ,5
Mexico..... 19° 25′ 55″ bor. 2277. m. 16°,9 249 m. ,3 160 t. ,6
Terme moyen.... 258 m. ,4 160 t ,7.
Ces expériences, faites dans des plateaux propres à échaufferl’air ambiant, donnent, conformément à la théorie développéeplus haut, un décroissement plus lent que celui qui résulte desascensions aérostatiques ou des excursions entreprises vers la |432| cime de pics isolés. Au lieu de 191 mètres, on trouve en termemoyen 258 mètres. Il est aussi intéressant d’observer que l’in-fluence des plateaux sur la température est si uniforme, quetrois observations s’accordent entre elles à 12 mètres près, etque la seule observation faite dans un plateau beaucoup moinsélevé et abrité contre les vents froids, ne diffère que de 25 mètresdu terme moyen des autres. Température des Sources. La troisième méthode indiquée pour déterminer la loi du décrois-sement du calorique, est la température décroissante des sourcesqui sont plus ou moins élevées au-dessus du niveau de l’Océan.Ce phénomène curieux a été l’objet des recherches de plu-sieurs savans distingués, de Saussure, de Cavendish, et récem-ment d’un physicien minéralogiste, M. de Buch, qu’une nobleardeur pour les sciences a guidé au Cap-Nord, pour y étudierles phénomènes que présente la nuit polaire. Les sources indi-quent le plus souvent la température moyenne des lieux. Ellesl’indiqueroient toujours, si les petits courans d’eau qui filtrentdans l’intérieur des roches venoient de la même hauteur, etsi, par conséquent, ces eaux ne réunissoient pas au sein dela terre des températures moyennes qui appartiennent à desélévations différentes. M. Hunter, à l’invitation de Cavendish,a mesuré la chaleur des sources qui arrosent à la Jamaïque lapente des montagnes Bleues. Depuis le niveau de la mer jusqu’àla hauteur de 1272 mètres, M. Hunter trouva que la tempéra-ture de ces sources diminuoit peu à peu de 26°,5 à 16°5 duthermomètre centigrade. Ce décroissement est beaucoup troprapide pour ne pas croire que la source la plus élevée, et parconséquent la plus froide, celle de Wallen-House, ne reçoiveses eaux de la cime des montagnes Bleues, qui ont 2218 mètresd’élévation au-dessus des côtes de la Jamaïque. Pendant le coursde mes voyages, j’ai eu occasion de faire un grand nombred’observations analogues. Dans la province de Caraccas, j’aitrouvé constamment (comme je l’ai exposé dans un autreendroit) que les sources étoient de 4—5° plus froides que lachaleur moyenne du lieu où elles venoient au jour. De même,dans la plaine de Rome, les sources ont 11—12°, tandis que lachaleur moyenne de l’air y est de 16°. Cavernes. La température des cavernes ou celle des galeries creuséespar la main de l’homme, indiqueroit aussi le décroissement du |433| calorique, s’il étoit possible d’observer cette température sousdes conditions qui excluroient l’influence d’une multitude decauses locales et même variables dans les mines les plus voisines.Je ne doute pas qu’on ne pût obtenir des résultats intéressanssur ce que l’on désigne du nom pompeux de la température del’intérieur du globe, si sur la pente de la Cordillère des Andes on creusoit des galeries dans une roche sèche qui ne contiendroitni partie métallique, ni fentes ouvertes à la circulation de l’air,de 1000 à 1000 mètres depuis le niveau de la mer du Sud jus-qu’à 4800 mètres de hauteur. Les expériences faites depuis tantd’années dans les caves de l’Observatoire impérial et dans quel-ques autres endroits de l’Europe, prouvent que l’on trouveroitdans ces galeries une chaleur identique avec la températuremoyenne des couches d’air qui sont placées à la même hauteurque la bouche de la mine. Mais le voyageur qui n’a à sa dis-position que les creux ouverts par la main de la nature ou parl’industrie de l’homme, est bien éloigné de fournir des résultatssatisfaisans; il mesure la température de la croûte du globe mo-difiée par la décomposition des substances métalliques, par laformation des fluides aériformes, par la force conductrice qu’ontles différentes roches pour le calorique, et par des courans d’eauet d’air dont il ignore l’origine et la longueur du chemin tor-tueux. Je me suis trouvé aux Andes, dans l’hémisphère austral,dans des mines dont le fond étoit élevé de 3700 mètres au-dessusdu niveau des mers; l’air y étoit constamment de 13°, 7 à 14°,2,tandis que l’atmosphère extérieure varioit de — 2 \( \frac{1}{2} \) à + . Deuxmille sept cents mètres plus bas que cette mine péruvienne deMicuipampa, dans la caverne du Guacharo dans la province deCumana, le thermomètre centigrade indiquoit 18°,7. Sur les côtesde l’île de Cuba, la température des cavernes calcaires voisinesde la Havane est de 22\( \frac{1}{2} \). Ces résultats sont d’autant plus cu-rieux, qu’on ne peut les obtenir qu’à la pente du groupe co-lossal des Andes. On n’y méconnoît pas l’influence de l’élévationdes sites sur la température des cavernes et des mines; mais cesobservations que j’ai tâché de multiplier aussi souvent que lescirconstances l’ont permis, ne sont pas d’une nature à pouvoirmener à la connoissance exacte de la loi que nous cherchons. Limite des neiges perpétuelles. La différence de hauteur à laquelle se trouvent les neiges per-pétuelles, depuis le pôle jusqu’à l’équateur, présente un sixièmeet dernier moyen par lequel on pourroit être tenté de vouloir |434| résoudre le problème du décroissement de la chaleur. Si,conformément à la supposition de Bouguer, cette limite infé-rieure se trouvoit exactement à la hauteur d’une couche d’airdont la température moyenne est zéro, la simple déterminationde cette hauteur comparée à la température moyenne de la plainevoisine, offriroit dans chaque zône le décroissement du calo-rique. Or, d’après les mesures faites dans les différentes partiesdu globe par Saussure, Ramond, Ohlsen, M. de Buch et par moi,les neiges éternelles commencent:
sous l’équateur à 4800m. de hauteur.
20° de lat. à 4600
45 ....... 2550
62 ....... 1750
65 ....... 950
Les températures moyennes correspondantes à ces latitudesindiquées, sont, d’après les observations les plus exactes:
pour 0° latitude 27°
20 26°
45 12,7°
62
65
Il suit de la comparaison de ces deux séries de nombres undécroissement moyen de chaleur qui ne s’accorde guère avecle résultat des voies plus directes. Le manque d’harmonie sefait peu sentir depuis l’équateur jusqu’au parallèle de 45°, oùl’on trouve, au lieu de 191 mètres par degré du thermomètrecentigrade, 177, 175 et 200 mètres. Mais plus on approche dupôle, et plus on s’apperçoit que la méthode est défectueuse;on trouveroit 437 mètres et 950 mètres pour la Norwège etpour l’Islande. Cependant la cause de ces irrégularités est facileà entrevoir. Nous prouverons plus bas que le décroissementde la chaleur dans l’air est fonction de la température moyennedes plaines; et que par conséquent le décroissement, dans lamême zône, est plus lent en hiver qu’en été. En considérant ledécroissement moyen de toute l’année, on le trouve aussi plusrapide dans les régions équinoxiales que dans la zône plus voisinedu pôle. Des observations de réfractions horizontales faites ré-cemment à Torneo, fixent même les limites de ces variations;elles prouvent que le décroissement correspondant à 62° de |435| latitude, bien loin d’être la moitié de celui observé sous l’équa-teur, n’est encore que d’un cinquième plus lent. Si l’on parcourtles différentes zônes depuis les tropiques jusqu’au cercle polaire;si l’on jette les yeux sur les dernières mesures très-exactes faitespar MM. de Buch, Ohlsen et Vetlafsen, on est frappé de la grandehauteur à laquelle commencent les neiges perpétuelles au-delàdu 58° de latitude boréale. On voit diminuer la températuremoyenne depuis Paris jusqu’en Norwège en raison de 3:1, tandisque les limites des neiges perpétuelles sont en rapport de 5:3.Mais la cause de ce phénomène n’est pas l’effet seul de la lenteurdu décroissement du calorique; des expériences directes prou-vent (et ce point n’a pas encore été discuté par les physiciens)que la couche d’air par laquelle passe la courbe des neigeséternelles, n’a pas la même température moyenne dans les diffé-rentes zônes du globe; que bien loin d’être à zéro, comme Bouguer et après lui tous les physiciens l’ont supposé, elle estau-dessus de zéro sous l’équateur et au-dessous dans les ré-gions boréales. M. Cotte a déduit soigneusement la températuremoyenne du couvent du St. Gothard, des observations qui y ontété faites à l’invitation de la Société météorologique de Manheim:cette température moyenne est d’un degré au-dessous du pointde la congélation. Cependant, le couvent est baigné par desvents chauds venant des plaines de la Lombardie, et le passagedu St. Gothard est de près de 600 mètres plusbas que la limitedes neiges perpétuelles. Les frères Moraves, qui observent assi-dument le thermomètre à Nain, situé sur la côte orientale duLabrador, sous les 56° 55′ de latitude, y trouvent la tempé-rature moyenne de 3° au-dessous de zéro, et cependant Nainest encore éloigné de 9° du cercle polaire, et peut-être de plusde 20° du point où la courbe des neiges éternelles coïncide avecla surface du globe. M. Pictet, qui nous a fourni des obser-vations curieuses sur la hauteur des neiges à la pente du Buet,pense aussi que ces neiges commencent dans une couche d’airdont la température moyenne peut être évaluée à 4°\( \frac{1}{2} \) au-dessousdu point de la congélation. Plus au nord, cette couche d’air estplus froide encore; car, plus les neiges descendent et plus ellessont exposées à la chaleur que pendant l’été communique lasurface du globe aux couches d’air supérieures. Ces variationsde température, dont l’influence est en rapport inverse avecla hauteur à laquelle commencent les glaces, se manifestentaussi dans le phénomène que l’on peut appeler l’oscillation de la limite inférieure; oscillation qui sous l’équateur est de |436| 50 mètres, sous le tropique du Cancer de plus de 600 mètres,sous les 45° de plus de 2000 mètres. Dans la zône torride, où l’influence des saisons est nulle, ontrouve les neiges perpétuelles à une élévation dont la tempéra-ture moyenne est à peu près \( \frac{1}{2} \) au-dessus de zéro. Il est infini-ment rare, dans la Cordillère des Andes, de voir entre 4000et 5300 mètres de hauteur le thermomètre à zéro, surtout depuissept heures du matin jusqu’à huit heures du soir: à cette épo-que, la température de l’air reste généralement entre 3° et 9°;quelquefois elle monte et c’est très-remarquable, jusqu’à 15°ou 19°. A la pente du Chimborazo, à 5550 mètres d’élévation,par un temps froid et brumeux, le soleil ayant été caché pen-dant vingt-deux heures de suite, il se soutint encore à 2°,8 au-dessus de zéro. Le plus grand froid que les Académiciens fran-çais observèrent, en 1737, dans leur cabane de Pichincha,située près de la limite des neiges perpétuelles, étoit au leverdu soleil de —6°. Or, la température du jour étoit entre 3 et 9°:il s’ensuit que la moyenne est aussi au-dessus de zéro. Ce ré-sultat est conforme à la théorie; car à ces hauteurs il tombepresque journellement de la neige, le thermomètre étant à 1°ou 2° au-dessus du point de la congélation. Ce qui en fond pen-dant quelques heures est compensé par une nouvelle précipi-tation. La couche intérieure est défendue par la couche exté-rieure; l’équilibre se maintient dans un air dont la températuremoyenne est celle à laquelle il tombe de la neige dans tous lesclimats. Il suit de ces recherches que la connoissance de la limitedes glaces éternelles ne peut pas conduire à la connoissancede la loi du décroissement, cette limite n’étant pas seulementfonction du décroissement, mais aussi d’une autre quantité quiest variable selon les latitudes, et que nous ne pouvons dé-terminer qu’imparfaitement. Nous venons de discuter les six méthodes par lesquelles onpouvoit espérer de fixer la loi du refroidissement des couchesd’air superposées. Nous avons vu que les ascensions aérosta-tiques et les voyages faits à la cime des montagnes escarpéessont les seuls moyens qui mènent à la résolution complète d’unproblème dont dépend l’inflexion des rayons lumineux au-dessous de dix degrés de hauteur apparente. Le résultat d’unesérie d’expériences, dont les extrêmes s’accordent à 14 mètresprès, est que dans la région équinoxiale, où la températuremoyenne de la plaine est de 22° à 26°, le décroissement moyenest de 191 mètres pour 1° du thermomètre centigrade. Il nous |437| reste à comparer ce décroissement avec celui observé dans lazône tempérée; car, comme nous l’avons développé plus haut,si les réfractions horizontales ou presque horizontales étoientaussi petites sous l’équateur que Bouguer les indique, la cause dece phénomène ne pourroit être fondée que dans un décroissementqui seroit plus rapide sous les tropiques et plus lent en Europe. Expériences faites en Europe sur le décroissementdu calorique. Mais nous verrons bientôt que cette différence n’est qu’ima-ginaire. Je ne parlerai pas des rêves d’un grand homme, quicrut que la température de l’air pouvoit augmenter à mesureque l’on s’éloignoit de la surface du globe. Daniel Bernoulli,dans son Traité d’Hydrodynamique, attribue le froid que l’onsent sur les montagnes à quelque influence secrète du sol.Séduit par de fausses observations du P. Feuillée, il ajoute: Non puto absurdum esse si dicamus calorem aeris mediumeò majorem esse, quò magis à superficie maris distat. Je neciterai pas les nombres auxquels s’arrête Lambert dans sa Pyro-métrie et dans les Mémoires de l’Académie de Berlin pourl’année 1772. Des spéculations théoriques conduisirent ce géo-mètre à admettre que le décroissement du calorique, depuisle niveau de la mer jusqu’à 1000 mètres de hauteur, est de80 mètres; depuis 1000 jusqu’à 3000 mètres, de 100 mètres;et au-delà de la cime de l’Etna, de 129 mètres. Saussure,guidé par des expériences directes, suppose le décroissementpendant l’été de 160 mètres, pendant l’hiver de 130 mètres.Son voyage à la cime de l’Etna lui donne 177 mètres, celuiau Mont-Blanc 142 mètres; mais Saussure même regarde ledernier résultat comme peu exact, à cause des circonstancesparticulières qui ont accompagné l’observation. Le résultat le plus précis que nous ayons jusqu’à ce joursur le refroidissement des couches d’air atmosphérique, estcelui fourni par la seconde ascension aérostatique que M. Gay-Lussac a faite à l’invitation de cette Classe: le thermomètreindiquoit à terre +27°,7 à 3700 mètres au-dessus de Paris 8°,5à 6980 mètres —9°5. Il en résulte, pour la première colonned’air de 1900 toises, un décroissement de 193 mètres; pour larégion de l’atmosphère située entre la hauteur du Pic de Téné-riffe et celle de Chimborazo, 182 mètres; pour toute la hauteurde 7000 mètres, 187 mètres. Si l’on admet que le petit change-ment de température de 3° qui a eu lieu à la surface de la terre |438| pendant la durée de l’ascension, s’est fait sentir instantanémentà l’énorme hauteur à laquelle se trouvoit le voyageur (supposi-tion qui ne paroît pas tout-à-fait exacte), on aura 173 mètresau lieu de 193 mètres. Il suit de cette observation précieusequ’à une époque où, sous les 49° de latitude, la températurede la plaine étoit égale à la température moyenne des tropi-ques, la loi du décroissement du calorique étoit la même dansles deux zônes. Le résultat que je trouve pour l’équateur nediffère de celui obtenu au-dessus de Paris que de 2 mètres, etdans le cas d’une supposition moins fondée, de 18 mètres sur191 mètres. Cette distribution égale du calorique, cet équilibrede température dans lequel se placent des couches d’air ho-rizontalement éloignées les unes des autres de plus de 2000lieues, ont de quoi exciter notre admiration. Au-dessus de lahauteur du Mont-Blanc, nous avons, M. Gay-Lussac et moi,l’un sous les 49° de latitude, l’autre sur la pente du Chimbo-razo, observé à un demi-degré près, aux mêmes hauteurs, lesmêmes températures. Effet du froid des plaines sur la loi du décroissementdu calorique. Nous pourrions nous arrêter aux résultats que nous venonsd’obtenir; ils suffisent pour prouver que la loi que suit le dé-croissement du calorique sous l’équateur, n’y peut pas produireune différence de réfractions horizontales avec celles qui ontété observées pendant l’été dans le nord de l’Europe. Mais pourcompléter ces recherches sur la constitution physique de l’at-mosphère, il est important de discuter un autre point sur lequelnous manquons d’observations précises. Si la température descouches d’air superposées décroît au-dessus d’une plaine dontl’air ambiant est entre 22° et 30°, en raison de 191 mètres pardegré du thermomètre centigrade, il ne s’ensuit pas de là quecette loi soit la même lorsque l’air de la plaine s’éloigne de cettetempérature normale à laquelle ont été faites les observationssous l’équateur et en Europe. Les habitans des montagnessavent, et la théorie de l’échauffement du globe par les rayonssolaires l’explique facilement, qu’en hiver il fait beaucoup moinsfroid sur les grandes hauteurs qu’on ne devroit le supposerd’après la différence de température observée en été entre lesmontagnes et les plaines. Saussure crut (comme je l’ai rapportéplus haut) que si le décroissement en été étoit de 160 mètres,il devroit être de 230 mètres pendant les hivers de l’Europe. |439| Aucune observation directe n’a été faite jusqu’ici pour confirmercette supposition. Les hauteurs des trois couvens du St.-Gothard,du St.-Bernard et du Mont-Cenis, sont beaucoup trop petitespour donner des résultats exacts. Des excursions vers la cimede montagnes considérablement élevées, des ascensions aéros-tatiques, sont des entreprises également dangereuses à exécuterpar un froid très-rigoureux. Afin de résoudre cependant un pro-blème si intéressant pour la théorie des réfractions et des me-sures barométriques, je me suis servi de la voie indirecte qu’aindiquée, le premier, M. Laplace dans le quatrième volumede sa Mécanique céleste. Le voyage aérien de M. Gay-Lussac a engagé ce grand géomètre à donner des formules par les-quelles on détermine le décroissement de la chaleur par l’ob-servation des réfractions horizontales. M. Svanberg, un dessavans suédois envoyés au cercle polaire pour vérifier la mesure de Maupertuis, nous a transmis deux observations de réfrac-tions presque horizontales faites par un froid excessif de 13°et 29° centigrade au-dessous du point de congélation. J’ai invitéM. Mathieu, secrétaire au Bureau des longitudes, de vouloirbien calculer ces observations d’après les formules de la Mé-canique celeste. Cet astronome dont la grande exactitude estconnue aux géomètres de cette Classe, a trouvé un résultatextrêmement curieux. Un des angles de M. Svanberg donne243m,8, l’autre 243m par degré du thermomètre centigrade,ou 156t,5 pour un degré du thermomètre de Réaumur. Cesnombres qui ne s’écartent entre eux que de huit décimètres,prouvent encore cette admirable uniformité avec laquelle lachaleur se répand dans l’atmosphère pendant deux jours dontla température diffère de 16°. Des deux observations de M. Svan-berg, l’une a été faite à 0° 55′, l’autre à 0° 16′ de hauteur appa-rente. M. Mathieu, pour les réduire à l’horizon, s’est servi dela supposition plus que probable, que les réfractions sous les 45°de latitude au pôle sont proportionnelles pour des hauteurségales et très-petites. Variations des réfractions horizontales. Nous ignorons encore, pour les zônes tempérées, la réfractionhorizontale de toute l’année. Pour la déterminer, il faudroit ungrand nombre d’observations précises faites à différentes tempé-ratures; il faudroit qu’on les réduisît toutes à la même pressionbarométrique et au même degré du thermomètre. La belle séried’observations faites par M. Delambre à Bourges, à 230 mètres |440| au-dessus du niveau de la mer, prouve que, le thermomètredemeurant entre 12° et 25°, les réfractions horizontales varientde 30′ 20″ à 35′. La moyenne, à cette température, étoit de 32′ 24″,qui font 34′ 14″ du point de la congélation. Dans la Table de Mayer, cette réfraction horizontale est d’une minute plus petite;dans celle de M. Laplace, elle est de 1′ 22″ plus grande. Ces diffé-rences de 4′ 40″ observées par M. Delambre, sembloient indi-quer une variation considérable dans le décroissement du calo-rique. Il me paroissoit indispensable d’en déterminer la quantitéabsolue. Voici ce qu’en donne le calcul, en réduisant la réfrac-tion à zéro de température:
Nouvelle division. Ancienne division. Décroissem. calculépour 1° R. Décroissem. calculépour 1° centigrade.
7447″ 40′ 15″ 153t. 244m.
7000 37 48 139 217
6500 35 6 110 172
6000 32 24 68 106
On pourroit être frappé de ne pas voir correspondre dansce tableau, à la réfraction moyenne de 34′ 14″, réfraction quiest l’effet de la constitution moyenne de l’atmosphère en été,le même décroissement du calorique que nous ont donné desexpériences directes. Le calcul n’offre que 151 mètres au lieude 191. Mais il ne faut pas oublier que le soleil levant ou couchantne sert pas seulement à mesurer la réfraction horizontale; ilinflue aussi lui-même sur la constitution de l’atmosphère. Ilest probable qu’à ces deux époques du jour, des couches d’airles plus voisines ont la densité la plus différente. Cette irré-gularité, causée par les premiers ou par les derniers rayons dusoleil, doit rendre plus rapide le décroissement de la chaleur,et surtout sous les tropiques. On conçoit que la réfractionhorizontale du disque solaire ne donne pas rigoureusement ledécroissement moyen du jour, mais qu’elle indique ce décrois-sement modifié par le lever ou le coucher de l’astre. Cependant,ces variations correspondantes à 4′ 40″ (quantité dont varient,selon M. Delambre, les réfractions horizontales d’un jour àl’autre en été) ne sont encore que de 48 mètres par degré duthermomètre centigrade. Il est aisé de conclure de ce maximum combien doit être constante la loi du décroissement pendant |441| le milieu du jour, lorsque les petites causes d’irrégularité cessentde troubler l’équilibre général de l’atmosphère. Nous venons d’établir, par l’ensemble de ces discussions,1° que le refroidissement des couches d’air superposées suitla même loi sous les tropiques que dans la zône tempéréependant l’été, et que cette loi est à peu près de 200 mètrespar degré du thermomètre centigrade; 2° que le décroisse-ment varie avec la température plus ou moins élevée de lacouche inférieure de l’air, mais que ce ralentissement pendantle froid le plus rigoureux ne paroît pas dépasser 244 mètres,c’est-à-dire que le décroissement diminue d’un cinquièmedepuis 25° au-dessus du point de la congélation; 3°. que ledécroissement moyen de toute l’année est fonction de la tempé-rature moyenne des différentes zônes, et que par conséquentil se ralentit depuis l’équateur au pôle. Nous terminerons laseconde partie de ce Mémoire par une remarque sur la naturede la progression que suit le refroidissement des couches d’airatmospheriques. L’expression généralement reçue, qu’une colonne d’air de telleou telle hauteur appartient à un décroissement d’une quantitéconstante de chaleur, n’est pas rigoureusement exacte: ellel’est tout aussi peu que celle qu’un millimètre d’abaissementbarométrique équivaut à tant et tant de mètres de hauteur.Les observations d’hiver tendent à prouver que le décroisse-ment ne suit plus une progression arithmétique lorsqu’ons’éloigne beaucoup de la temperature normale de 25°, à laquellela plus grande partie des mesures ont été prises. Soient T et T′ les températures de deux couches d’air, h la hauteur de la co-lonne, et f un facteur constant, alors les observations peuventêtre représentées ou par T—T′=hf, ou en admettant cons-tant le rapport de T à T′. Si, par exemple, la température deMilan est en été de 15°, lorsqu’à la cime du St.-Gothard elle estde 5°, l’expérience prouve que cette différence sera moindrelorsque la chaleur diminue à Milan. Il est probable que la diffé-rence seroit plus grande si la chaleur de la plaine pouvoit aug-menter de 15 ou 20°. Une progression géométrique exprime àpeu près cet état de variation du décroissement au-dessus ouau-dessous de la température normale de la plaine. Aussi Euler,en 1754, dans un Mémoire célèbre sur les réfractions de lalumière en passant par l’atmosphère, s’arrête à l’hypothèsed’une progression géométrique. En nommant h la différence |442| de hauteur de deux couches d’air, dans lesquelles un thermo-mètre à air marque 1 + T et 1 + T′, Euler trouve: \( \frac{1}{f}=\frac{T-T'}{h(1+T')} \) M. Oltmanns a réduit le thermomètre à air au thermomètrede mercure, en supposant que, depuis le terme de la glacefondante jusqu’au terme de l’eau bouillante, un volume d’airaugmenté de 1,375. Il trouve pour six de mes observations lesvaleurs suivantes du coefficient \( \frac{1}{f} \):
Pour le Pic de Ténériffe.......... = 0,000036563.
—— le Nevado de Toluca........ = 0,000039633.
—— la Sille de Caraccas......... = 0,000035506.
—— Pichincha.................. = 0,000036579.
—— le Fuerte de la Cuchilla..... = 0,000038344.
—— Le Chimborazo............. = 0,000035447.
Ces nombres résultant d’observations dans lesquelles les tem-pératures inférieures étoient peu différentes entre elles, offrentune harmonie très-grande. Cependant les écarts deviennentconsidérables à mesure que la température de la couche infé-rieure diminue beaucoup. Ainsi ces considérations confirmentle principe établi par l’auteur de la Mécanique céleste, que ledécroissement du calorique est compris entre les limites d’unedensité décroissante en progression géométrique et d’une densitédécroissante en arithmétique. Mais ce n’est qu’après avoir re-cueilli un grand nombre d’observations précises faites à destempératures très-bases, que l’on parviendra à la connoissancecomplète d’une loi aussi importante. Jusqu’à cette époque, ilsera prudent de considérer les résultats obtenus comme dépen-dans des températures normales des plaines au-dessus desquellesle décroissement a été observé. Partie astronomique. Après avoir examiné, dans la partie physique de ce Mémoire,tout ce qui peut modifier l’inflexion de la lumière; après avoirréuni tout ce que j’ai observé sur la constitution de l’atmosphèreéquinoxiale, il ne me reste plus qu’à résoudre, dans la troisièmeet dernière partie, la contradiction apparente qui existe entre la |443| Table de réfraction de Bouguer pour la zône torride, et entrela loi que suit le décroissement du calorique sous l’équateur. Bouguer se proposa un triple but dans ses recherches surles réfractions. Comme, avant Tycho, on avoit cru que lalumière des étoiles éprouvoit une autre réfraction dans l’airque la lumière du soleil et celle des planètes, de même, lorsdu départ des Académiciens français pour le Pérou, on re-gardait comme certain que les réfractions augmentoient à mesureque l’on s’élève au-dessus du niveau de l’Océan. Bouguer s’oc-cupa, pendant son voyage, à examiner, 1° l’influence de lahauteur sur l’inflexion de la lumière; 2° la différence de ré-fractions que présentent la zône torride et la zône tempérée;3° celle que l’on observe entre les réfractions moyennes dujour et celles de la nuit. Il n’y a que les deux derniers pro-blèmes qui nous intéressent en ce moment. Bouguer fit desobservations au bord de la mer dans l’île de St.-Domingue(à la Caye de St.-Louis et au Petit-Goave) et sur les côtes dela mer du Sud, à l’embouchure des rivières de Xama et desEmeraudes; le détail de ces diverses observations ne nous estpoint parvenu: aussi ne paroissent-elles avoir été qu’en très-petit nombre. Quelques-unes donnoient les mêmes réfractionsque l’on observe en France; mais l’astronome les regardacomme de simples anomalies: aussi ne crut-il être sûr que de 15ou 20″ sexagésimales. Il observa entre l’horizon et 12° de hau-teur apparente. Le travail principal fut fait à Quito à 2907mètres d’élévation. Par conséquent, pour reconnoître la ré-fraction supposée particulière à la zône torride, il fallut dégagerles résultats de la hauteur du lieu. Pour vaincre ces difficultés,ou plutôt pour assujétir les observations à l’hypothèse que lesseptièmes puissances des quantités inverses des pouvoirs ré-fringens sont en même raison que les distances au centre dela terre, le géomètre, plus intéressé à établir une théorie qu’àoffrir au public le simple résultat de ses observations, se permitd’altérer ces dernières; il les diminua (comme il s’énonce lui-même) pour mettre entre elles une certaine loi, et pour lesconcilier mieux les unes avec les autres. Des deux Tables deréfractions publiées dans les Mémoires de l’Académie, Bou-guer regarda comme plus exacte celle pour l’année 1749. Afinque l’on puisse réduire ces réfractions observées à Quito à cellesqui ont lieu dans des régions plus basses de l’atmosphère, Bouguer ajoute une colonne de différences correspondantesà chaque 1000 mètres d’abaissement. Il remarque qu’on ne doit |444| se fier à ces différences que pour des endroits qui ne sont quede 1500 mètres plus bas que la ville de Quito. Mais il oublieque la température moyenne varie considérablement jusqu’àcette hauteur, et qu’il n’est pas permis de négliger l’effet decette influence thermométrique. D’un autre côté, le manqued’accord qui se trouve entre la Table de Bouguer pour Quitoet celle que le même géomètre donne pour des lieux situésau niveau de la mer, ne peut pas être attribué à la différencede température seule. En réduisant les réfractions de Quitoau niveau de la mer, on les trouve, au-dessous de 8° de hauteurapparente, trop fortes d’une minute sexagésimale. Cependant,la différence de température entre la ville de Quito et les côtes dela mer du Sud, ne diminueroit la réfraction que de 10 à 18″. Voiciune cause de plus pour soupçonner que le géomètre s’étoitarrêté, pour les réfractions dans la plaine, à des nombrestrop petits. En effet la Table construite pour Quito paroîts’accorder mieux avec l’état de l’atmosphère équinoxiale; dumoins quelques observations de β du Centaure que j’ai faitesà la ville de Mexico, où l’étoile passe par le méridien sousun angle apparent de 10° 12′, ne m’ont pas donné les diffé-rences aussi grandes que celles que j’ai trouvées en comparantmes résultats obtenus sur les côtes à ceux de Bouguer. Le Gentil, dans son voyage aux Indes, a repris le travailde ce dernier géomètre. Il a fait à Pondichéry, en 1769, ungrand nombre d’observations qui paroissent sûres à 10 ou 12″près. Il observa des réfractions entre l’horizon et 14° de hau-teur, de demi-degré en demi-degré. Sa Table de réfractionspour la côte de Coromandel est calculée sur douze observationsfaites à 10° et sur six observations faites à 6° de hauteurapparente. Le Gentil, malgré les chaleurs de Pondichéry,qui sont supérieures à celles de la côte de Quito, trouva lesréfractions pour la zône torride beaucoup plus grandes que Bouguer, et peu différentes de la Table de Bradley. Les diffé-rences entre les observations de Le Gentil et de Bouguer sontpar des angles de 88°,7° et 82° de distance zénithale à 166″,103″ et 32″ sexagésimales. Dans cet état de choses, un obser-vateur exercé, quoique muni d’instrumens d’un petit diamètre,pouvoit se flatter de prononcer sur un problème moins inté-ressant pour l’astronomie pratique que pour la théorie physiquedes réfractions horizontales. Pendant l’espace de cinq ans je me suis livré assidumentà des observations astronomiques dans les régions équinoxiales |445| du nouveau continent, je ne me doutois pas que l’erreur pûtêtre du côté de Bouguer. Je ne connoissois assez ni la théoriedes réfractions horizontales, ni le décroissement du caloriquedans le nord de l’Europe, pour savoir que les résultats quej’avois obtenus sous les tropiques étoient en contradiction di-recte avec la supposition d’une réfraction aussi foible. Je fiscependant, plutôt pour confirmer les résultats de Bouguer quepour les combattre, plusieurs observations de réfractions enmarquant soigneusement l’état du baromètre, du thermomètre,de l’hygromètre, et souvent même celui du cyanomètre. J’étoissûr du temps vrai à une seconde près, par le moyen d’un grandnombre de hauteurs correspondantes ou d’angles horairessimples pris dans des endroits dont j’avois exactement déter-miné la latitude. Incertain des résultats que j’obtiendrois, jepuis me flatter que ces résultats en obtiendront d’autant plusde confiance. De retour en Europe, commençant à con-noître les doutes qui enveloppoient les réfractions horizontalesde la zône torride, je priai M. Oltmanns, dont j’ai présentéplusieurs travaux à la Classe, de choisir, parmi mes obser-vations astronomiques, celles qui pourroient servir à résoudrele problème: il y en a joint d’autres faites par Borda et Pingré au Fort-Royal, et par Maskeline à la Barbade. Ces observa-tions n’avoient point été calculées par les astronomes qui lesont publiées. Toutes donnent une réfraction beaucoup plusforte que la Table de Bouguer. Les différences vont de 50″à 110″. Elles sont au moins six à huit fois plus grandes quel’on pourroit supposer le maximum de l’erreur de l’observation.Les angles ont été choisis au hasard dans mon Journal astro-nomique; ils paroissent sûrs à 6″ ou 7″ près. Les observationsont été faites dans les deux hémisphères pendant mon séjourà Cumana, à Carraccas, au port de la Trinité de Cuba, et à Acapulco sur les bords de la mer du Sud. En outre du soleil,j’ai observé les belles étoiles australes α de la Croix du Sudet β du Centaure. Les observations de Pingré et de Maskeline offrent sans doute un plus haut degré d’exactitude que lesmiennes. D’ailleurs, elles s’accordent avec les dernières, etprouvent qu’au-dessus de 88°, surtout au-dessus de 85° dedistance zénithale, les réfractions sont beaucoup plus régu-lières que les astronomes croient communément. J’ai réunidans le Tableau suivant mes observations rédigées par M. Olt-manns. Celles que j’ai faites à Carracas ont été calculées par cejeune géomètre, d’après une méthode qui lui est propre, et |446| qui se fonde sur la connoissance exacte de la longitude dulieu. J’avois pris à Carraccas quelques distances de la lune ausoleil; le dernier de ces astres étant très-bas, la méthode deM. Oltmanns a l’avantage qu’une petite erreur dans la recherchedu temps y influe peu sur l’exactitude du résultat.
LIEUX et ÉPOQUESde l’observation. hauteurs apparentes. réfractions observées. différence deces observationsavec latable de Bouguer.
Cumana, en oct. 1799. 5° 36′ 8′ 18″,3 + 0′ 36″,6
6° 22′ 6′ 40″,8 + 0′ 0″,2
6° 39′ 7′ 32″,7 + 1′ 8″,7
7° 54′ 5′ 46″,6 + 0′ 24″,0
septembre 1800. 1° 49′ 46″ 17′ 56″,4 + 1′ 20″,4
1° 24′ 51″ 19′ 53″,5 + 1′ 26″,5
Carraccas, 460 toises au-dessus de la mer...... 7° 2′ 6′ 53″ + 1′ 4″
6° 12′ 7′ 40″ + 1′ 11″
La Trinité de Cuba..... 8° 53′ 6′ 28″ + 2′ 0″
Acapulco, 1803........ 11° 13′ 5′ 42″ + 1′ 53″
13° 48′ 4′ 46″,4 + 1′ 43″,4
Fort-Royal, à la Mar-tinique. (Borda et Pingré.)............ 27° 44′ 2′ 4″,6 + 0′ 39″,6
23° 10′ 3′ 42″,5 + 1′ 57″,5
La Barbade. (Maskelyne). 0° 3′ 27′ 49″,3 + 0′ 49″,3
Depuis que j’ai été occupé de ces recherches, M. Delambre m’a appris qu’à l’occasion de sa Table de Bourges, il a recalculésoigneusement toutes les observations de Le Gentil; il les atrouvées non-seulement suffisamment bonnes, mais aussi, àquelques minutes près, conformes à la Théorie de Bradley,tandis que la Table que Duvaucel a calculée sur les obser-vations de Pondichéry est affectée d’une erreur constante.D’après l’harmonie des résultats que nous venons de réunir,il ne paroît plus douteux qu’en été la loi du décroissement ducalorique et les réfractions horizontales observées dans la zônetempérée, sont identiques avec celles que présente la zône torride. Mais le refroidissement des couches d’air superposées, étantplus lent pendant la nuit que pendant le jour, en hiver pluslent que pendant l’été, il reste un travail intéressant à faire,en observant les réfractions des mêmes étoiles à 84 ou 82° dedistance zénithale pendant les grandes chaleurs de l’été et pen- |447| dant les froids les plus rigoureux de l’hiver. Il seroit importantaussi de comparer les observations précises faites pendant lanuit et pendant le jour au soleil couchant et levant. Je n’ignorepas que Bouguer, dans son second Mémoire, rapporte avoirtrouvé que les réfractions au-dessus de 7 ou 8° de hauteurapparente, sont de \( \frac{1}{6} \) ou \( \frac{1}{7} \) plus fortes de nuit que de jour;mais cette assertion ne peut pas inspirer de la confiance, l’ob-servateur n’ayant pas appliqué aux résultats les corrections ther-mométriques. Il est plus que probable cependant qu’après avoirramené les réfractions presque horizontales à la même tempé-rature et à la même pression barométrique, on les trouveraun peu plus fortes pendant l’hiver et pendant la nuit. Possé-dant deux cercles répétiteurs, dont l’un, de Througton, est de5 décimètres et d’une belle exécution, nous comptions, M. Olt-manns et moi, nous livrer à ce travail, lorsque d’autres occu-pations nous ont forcés, non d’y renoncer, mais de le remettreà une époque plus favorable. Je me flatte que retournant unjour dans la zône torride, et muni d’instrumens plus parfaits,je pourrai, avec quelques succès, étudier les petites modifi-cations qu’éprouve l’inflexion du rayon lumineux dans sonpassage par l’air atmosphérique.