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Alexander von Humboldt: „Indépendance des formations“, in: ders., Sämtliche Schriften digital, herausgegeben von Oliver Lubrich und Thomas Nehrlich, Universität Bern 2021. URL: <https://humboldt.unibe.ch/text/1822-Independance_des_formations-1> [abgerufen am 26.04.2024].

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Permalink:
https://humboldt.unibe.ch/text/1822-Independance_des_formations-1
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Titel Indépendance des formations
Jahr 1822
Ort Paris; Strasbourg
Nachweis
in: Georges Cuvier et al., Dictionnaire des sciences naturelles, 61 Bände, Strasbourg/Paris: F. G. Levrault/Le Normant 1816–1845, Band 23 (1822), S. 56–385.
Entsprechungen in Buchwerken
Alexandre de Humboldt, Essai géognostique sur le gisement des roches dans les deux hémisphères, Paris 1823, S. 1–379.
Sprache Französisch
Typografischer Befund Antiqua; Auszeichnung: Kursivierung, Kapitälchen; Fußnoten mit Ziffern; Besonderes: mathematische Sonderzeichen, Paragraphenzählung.
Identifikation
Textnummer Druckausgabe: IV.26
Dateiname: 1822-Independance_des_formations-1
Statistiken
Seitenanzahl: 330
Spaltenanzahl: 20
Zeichenanzahl: 753396

Weitere Fassungen
Indépendance des formations (Paris; Strasbourg, 1822, Französisch)
On Rock Formations (Edinburgh, 1824, Englisch)
On Rock Formations (Boston, Massachusetts, 1824, Englisch)
О волканическихъ областяхъ [O volkaničestkich oblastjach] (Sankt Petersburg, 1832, Russisch)
Description of the Muschelkalk and Quadersandstein (London, 1836, Englisch)
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INDÉPENDANCE DES FORMATIONS.

(Min.) Le mot formation 1 désigne, en géognosie, ou la manière dont une rochea été produite, ou un assemblage (système) de masses miné-rales qui sont tellement liées entre elles, qu’on les supposeformées à la même époque, et qu’elles offrent, dans les lieuxde la terre les plus éloignés, les mêmes rapports générauxde gisement et de composition. C’est ainsi que l’on attribuela formation de l’obsidienne et du basalte aux feux souterrains;c’est ainsi que l’on dit que la formation du thonschiefer de tran-sition renferme de la pierre lydienne, de la chiastolithe,de l’ampélite, et des couches alternantes de calcaire noir et deporphyre. La première acception du mot est plus conforme augénie de la langue; mais elle a rapport à l’origine des choses,à une science incertaine qui se fonde sur des hypothèsesgéogoniques. La seconde acception, aujourd’hui générale-ment reçue par les minéralogistes françois, a été empruntéeà la célèbre École de Werner: elle indique ce qui est, nonce que l’on suppose avoir été. Dans la description géognostique du globe on peut distinguerdifférens degrés d’agroupement des substances minérales, sim-ples ou composées, selon que l’on s’élève à des idées plus géné-rales. Des roches qui alternent les unes avec les autres, quis’accompagnent habituellement et qui offrent les mêmes rap-ports de gisement, constituent une même formation; la réu-nion de plusieurs formations constitue un terrain: mais cesmots de roches, de formations et de terrains sont employéscomme synonymes dans beaucoup d’ouvrages de géognosie.(Voyez Roche, Terrain.) La diversité des roches et la disposition relative des couchesqui forment la croûte oxidée du globe, ont, dès les tempsles plus reculés, fixé l’attention des hommes. Partout où l’ex-ploitation d’une mine étoit dirigée sur un dépôt de sel, dehouille ou de fer argileux, qui se trouvoit recouvert d’ungrand nombre de couches de nature différente, ce travailfit naître des idées plus ou moins précises sur le système de
1 Cet article est extrait d’un ouvrage inédit de M. de Humboldt,ayant pour titre: De la superposition des roches dans les deux hémi-sphères.
|57| roches propres à un terrain de peu d’étendue. Munis de cesconnoissances locales, remplis des préjugés qui naissent del’habitude, les mineurs d’un pays se répandirent dans despays voisins. Ils firent ce que les géognostes ont souvent faitde nos jours: ils jugèrent du gisement des roches dont ilsignoroient la nature, d’après des analogies incomplètes,d’après les idées étroites qu’ils s’étoient faites dans leur paysnatal. Cette erreur dut avoir une influence funeste sur lesuccès de leurs nouvelles recherches. Au lieu d’étudier laliaison de deux terrains contigus, en suivant quelque couchegénéralement répandue; au lieu d’agrandir et d’étendre,pour ainsi dire, le premier type de formations qui étoit restégravé dans leur esprit, ils se persuadèrent que chaque por-tion du globe avoit une constitution géologique entièrementdifférente. Cette opinion populaire très-ancienne a été adoptéeet soutenue, en différens pays, par des savans très-distingués;mais, dès que la géognosie s’est élevée au rang d’une science,que l’art d’interroger la nature a été perfectionné, et quedes voyages entrepris dans des contrées lointaines ont offertune comparaison plus exacte des divers terrains, de grandeset immuables lois ont été reconnues dans la structure duglobe et dans la superposition des roches. C’est alors que lesanalogies les plus frappantes de gisement, de composition etde corps organiques renfermés dans des couches contempo-raines, se sont manifestées dans les deux Mondes. A mesurequ’on s’habitue à considérer les formations sous un point devue plus général, leur identité même devient de jour en jourplus probable.
En effet, en examinant la masse solide de notre pla-nète, on s’aperçoit bientôt que quelques-unes de ces subs-tances que l’oryctognosie (ou minéralogie descriptive) nousa fait connoître isolément, se rencontrent dans des associa-tions constantes, et que ces associations, que l’on désigne sousle nom de roches composées, ne varient pas, comme les êtresorganisés, selon la différence des latitudes ou des bandesisothermes sous lesquelles on les trouve. Les géognostes quiont parcouru les pays les plus éloignés, n’ont pas sèulementrencontré dans les deux hémisphères la plupart des mêmessubstances simples, le quarz, le feldspath, le mica, le grenat |58| ou l’amphibole: ils ont aussi reconnu que les grandes massesde montagnes présentent presque partout les mêmes roches,c’est-à-dire les mêmes assemblages de mica, de quarz et defeldspath, dans le granite; de mica, de quarz et de grenats,dans le micaschiste; de feldspath et d’amphibole dans la syé-nite. Si quelquefois on a cru d’abord qu’une roche appartenoitexclusivement à une seule portion du globe, on l’a constam-ment trouvée, par des recherches ultérieures, dans lesrégions les plus éloignées de la première localité. On est tentéd’admettre que la formation des roches a été indépendantede la diversité des climats; que peut-être même elle leur estantérieure (Humboldt, Géographie des plantes, 1807, p. 115; Idem, Vues des Cordillères, tome 1.er, p. 122). Il y a identitéde roches là où les êtres organisés sont le plus diversementmodifiés. Mais cette identité de composition, cette analogie quel’on observe dans l’association de certaines substances miné-rales simples, pourroit être indépendante de l’analogie degisement et de superposition. On pourroit avoir rapportédes iles de l’Océan Pacifique, ou de la Cordillère des Andes,les mêmes roches que l’on observe en Europe, sans qu’ilfût permis d’en conclure que ces roches sont superposéesdans un ordre semblable, et qu’après la découverte d’uned’elles on puisse prédire avec quelque certitude quelles sontles autres roches qui se trouvent dans les mêmes lieux. C’està reconnoître ces analogies de gisement et de positions res-pectives, que doivent tendre les travaux des géognostes quise plaisent à étudier les lois de la nature inorganique. On atenté de réunir dans les tableaux suivans ce que nous savonsde plus certain sur la superposition des roches dans les deuxcontinens, au nord et au sud de l’équateur. Ces types deformations ne seront pas seulement étendus, mais aussi di-versement modifiés, à mesure que le nombre des voyageursexercés aux observations géognostiques se trouvera agrandi,et que des monographies complètes de divers cantons très-éloignés les uns des autres fourniront des résultats plusprécis. L’exposition des lois que l’on reconnoît dans la superpo-sition des roches, forme la partie la plus solide de la science |59| géognostique. On ne sauroit nier que les observations degisement présentent souvent de grandes difficultés, lors-qu’on ne peut parvenir au contact de deux formations voi-sines, ou que celles-ci n’offrent pas une stratification régulière,ou que leur gisement n’est pas uniforme, c’est-à-dire que lesstrates du terrain supérieur ne sont pas parallèles aux stratesdu terrain inférieur. Mais ces difficultés (et c’est là un desgrands avantages des observations qui embrassent une partieconsidérable de notre planète) diminuent en nombre ou dis-paroissent totalement par la comparaison de plusieurs terrainstrès-étendus. La superposition et l’âge relatif des roches sontdes faits susceptibles d’être constatés immédiatement, commela structure des organes d’un végétal, comme les proportionsdes élémens dans l’analyse chimique, ou l’élévation d’unemontagne au-dessus du niveau de la mer. La véritablegéognosie fait connoître la croûte extérieure du globetelle qu’elle existe de nos jours. C’est une science aussi sûreque peuvent l’être les sciences physiques descriptives. Aucontraire, tout ce qui a rapport à l’ancien état de notre pla-nète, à ces fluides qui, dit-on, tenoient toutes les substancesminérales en dissolution, à ces mers que l’on élève jusqu’auxsommets des Cordillères pour les faire disparoître dans lasuite, est aussi incertain que le sont la formation de l’at-mosphère des planètes, les migrations des végétaux, et l’ori-gine des différentes variétés de notre espèce. Cependantl’époque n’est pas très-éloignée où les géologues s’occupoientde préférence de ces problèmes presque impossibles à résou-dre, de ces temps fabuleux de l’histoire physique du monde. Pour faire mieux comprendre les principes d’après lesquelsest construit le tableau de la superposition des roches, nousdevons le faire précéder de quelques observations que fournitl’étude pratique des différens terrains. Nous commenceronspar rappeler qu’il n’est pas aisé de circonscrire les limitesd’une même formation. Le calcaire du Jura et le calcairealpin, très-séparés dans une région, paroissent parfois étroite-ment liés dans une autre. Ce qui annonce l’indépendance d’uneformation, comme l’a très-bien observé M. de Buch, c’est sasuperposition immédiate sur des roches de diverse natureet qui par conséquent doivent toutes être considérées comme |60| plus anciennes. Le grès rouge est une formation indépen-dante, parce qu’il est superposé indifféremment sur du cal-caire noir (de transition), sur du micaschiste ou du gra-nite primitifs; mais, dans une région où domine la grandeformation de syénite et de porphyre, ces deux roches alter-nent constamment. Il en résulte que la roche syénitiquey est dépendante du porphyre, et n’y recouvre presquenulle part seule le thonschiefer de transition ou le gneis pri-mitif. L’indépendance des formations n’exclut d’ailleurs au-cunement l’uniformité ou concordance de gisement; elle exclutplutôt le passage oryctognostique de deux formations super-posées. Les terrains de transition ont très-souvent la mêmedirection et la même inclinaison que les terrains primitifs;et cependant, quelque rapprochée que puisse être l’époquede leur origine, on n’en est pas moins fondé à considérerle micaschiste anthraciteux ou le grauwacke, alternant avecdu porphyre, comme deux formations indépendantes desgranites et des gneis primitifs qu’ils recouvrent. L’unifor-mité de gisement (Gleichförmigkeit der Lagerung) ne fait rienpréjuger contre l’indépendance des formations, c’est-à-diresur le droit que l’on a de regarder une roche comme une for-mation distincte. C’est parce que les formations indépendantessont placées indifféremment sur toutes les roches plus an-ciennes (la craie sur le granite, le grès rouge sur le mica-schiste primitif), que la réunion d’un grand nombre d’ob-servations faites sur des points très-éloignés devient éminem-ment utile dans la détermination de l’âge relatif des roches.Pour reconnoître que la syénite zirconienne est une rochede transition, il faut l’avoir vue placée sur des formationspostérieures à des calcaires noirs remplis d’orthocératites.Des observations faites sur les porphyres et syénites de la Hon-grie par M. Beudant, un des géologues les plus distingués denotre temps, peuvent jeter beaucoup de jour sur les forma-tions des Andes mexicaines. C’est ainsi qu’un nouveau végétaldécouvert dans l’Inde fait reconnoître l’affinité naturelleentre deux familles de plantes de l’Amérique équinoxiale. L’ordre que l’on a suivi dans le tableau des formations estcelui du gisement et de la position respective des roches. Jene prétends pas que ce gisement et cette position s’observent |61| dans toutes les régions de la terre; je les indique tels qu’ilsm’ont paru le plus probables d’après la comparaison d’ungrand nombre de faits que j’ai recueillis. C’est l’idée de l’àgerelatif qui m’a guidé dans ce travail, bien imparfait encore.Je l’ai commencé, long-temps avant mon voyage dans les Cor-dillères du Nouveau Continent, dès l’année 1792, où, sortantde l’École de Freyberg, j’étois chargé (comme Oberbergmeister)de la direction des mines dans les montagnes du Fichtelge-birge. La même roche peut varier de composition, des partiesintégrantes peuvent lui être soustraites, de nouvelles substancespeuvent s’y trouver disséminées, sans que pour cela, aux yeuxdu géognoste qui s’occupe de la superposition des terrains, laroche doive changer de dénomination. Sous l’équateur, commedans le nord de l’Europe, des strates d’une véritable syénite detransition perdent leur amphibole, sans que la masse devienneune autre roche. Les granites des bords de l’Orénoque pren-nent quelquefois de l’amphibole et ne cessent guère pourcela d’être du granite primitif, quoiqu’ils ne soient pas dela première ou plus ancienne formation. Ces faits ont étéreconnus par tous les géognostes expérimentés. Le caractèreessentiel de l’identité d’une formation indépendante est sonrapport de position, la place qu’elle occupe dans la sériegénérale des terrains. (Voyez le mémoire classique de M. de Buch, Ueber den Begriff einer Gebirgsart, dans Mag. derNaturf., 1810, p. 128—133.) C’est pour cela qu’un fragmentisolé, un échantillon de roche trouvé dans une collection,ne peuvent être déterminés géognostiquement, c’est-à-direcomme formation constituant une des nombreuses assisesdont se compose la croûte de notre planète. La chiastolithe,l’accumulation de carbone ou des nœuds de calcaire com-pacte dans les thonschiefer, le titane-nigrine et l’épidotedans les syénites (alternant avec un granite et des porphyres),des conglomérats ou poudingues enchâssés dans un mica-schiste anthraciteux, peuvent sans doute faire reconnoîtredes formations de transition; de même que, d’après les utilestravaux de M. Brongniart, des pétrifications de coquilles bienconservées indiquent quelquefois directement telle ou tellecouche de terrains tertiaires. Mais ces cas, où l’on est guidépar des substances disséminées ou par des caractères pure- |62| ment zoologiques, n’embrassent qu’un petit nombre deroches d’une origine récente; souvent des observations dece genre ne conduisent qu’à des faits négatifs. Les caractèrestirés de la couleur du grain et des petits filons de carbo-nate de chaux qui traversent les roches calcaires; ceux quefournissent la fissilité et l’éclat soyeux du thonschiefer, l’aspectet les ondulations plus ou moins marquées des feuillets dumica dans les micaschistes; enfin, la grandeur et la colo-ration des cristaux de feldspath dans les granites de diffé-rentes formations, peuvent, comme tout ce qui tient sim-plement à l’habitus des minéraux, induire en erreur l’ob-servateur le plus habile. Sans doute, les teintes blanches etles noires distinguent le plus souvent les calcaires primitifset de transition; sans doute, la formation du Jura, surtoutdans ses assises supérieures, est généralement divisée encouches minces, blanchâtres, à cassure matte, égale ouconchoïde, avec des cavités très-aplaties (flachmuschlig):mais dans les montagnes de calcaire de transition il y a desmasses isolées qui, par leur couleur et leur texture, se rap-prochent des caractères oryctognostiques de la formation du Jura; mais au sud des Alpes il y a des collines de terrainstertiaires où ce même calcaire fissile et mat du Jura trouveses analogues (quant à l’aspect) dans des formations placéesau-dessus de la craie, et qui ressemblent au calcaire que l’onrecherche pour les usages de la lithographie. Si l’on préfèrede donner aux formations des noms tirés de leurs seulscaractères oryctognostiques, les divers strates d’une mêmeroche composée, dont l’épaisseur est considérable et que l’onpoursuit très-loin dans le sens de sa direction (Streichungslinie),sembleroient souvent appartenir à des roches différentes,selon les points où l’on en prendroit des échantillons. Parconséquent on ne peut guère déterminer géognostiquementdans les collections que des suites de roches dont on connoît lasuperposition mutuelle. En énonçant ces idées sur le sens que l’on doit attacher aumot formations indépendantes, lorsqu’il s’agit du tableau deleur gisement, on est bien loin de méconnoître les éminensservices que l’examen oryctognostique le plus rigoureux,l’étude approfondie de la composition des roches, ont rendus |63| à la géognosie moderne, et nommément à la science dugisement ou de la position respective des formations. Quoi-que, d’après les découvertes de M. Haüy sur la nature in-time des substances inorganiques et cristallisées, il n’existepas, à proprement parler, un passage d’une espèce minéraleà une autre ( Cordier, sur les roches volcan., p. 33, et Ber-zelius, Nouv. Syst. de Minéral., pag. 119), les passages des masses ou pâtes de roches ne sont pas restreints aux forma-tions que l’on distingue généralement par le nom de rochescomposées. Celles que l’on croit simples, par exemple, lescalcaires de transition ou les calcaires secondaires, sont enpartie des variétés amorphes d’espèces minérales dont ilexiste un type cristallisé, en partie des agrégats d’argile,de carbone, etc., qui ne peuvent être soumis à aucunedétermination fixe. C’est sur les proportions variables deces mélanges hétérogènes que se fonde le passage des cal-caires marneux à d’autres formations schisteuses. ( Haüy, Tableau comparatif de la Cristallographie, p. XXVII, XXX.)Toutes les pâtes amorphes des roches, quelque homogènesqu’elles paroissent au premier aspect, les bases des porphyreset des euphotides (serpentines), comme ces masses noiresproblématiques qui constituent le basanite (basalte) des an-ciens, et qui ne sont pas toutes des grünstein surchargésd’amphibole, sont susceptibles d’être soumises à l’analyse mé-canique. M. Cordier a appliqué cette analyse d’une manièreingénieuse aux diabases (grünstein), aux dolérites, et àd’autres productions volcaniques plus récentes. L’examenoryctognostique le plus minutieux en apparence ne peut êtreindifférent au géognoste qui examine l’âge des formations.C’est par cet examen qu’on peut se former une juste idée dela manière progressive dont, par développement intérieur, c’est-à-dire par un changement très-lent dans les proportions desélémens de la masse, se fait le passage d’une roche à une rochevoisine. Les schistes de transition, dont la structure paroîtd’abord si différente de la structure des porphyres ou desgranites, offrent à l’observateur attentif des exemples frap-pans de passages insensibles à des roches grenues, porphy-roïdes ou granitoïdes. Ces schistes deviennent d’abord ver-dâtres et plus durs. A mesure que la pâte amorphe reçoit de |64| l’amphibole, elle passe à ces amphibolithes trappéennes qu’onconfondoit jadis avec le basalte. Ailleurs, le mica, d’abordcaché dans la pâte amorphe, se développe et se sépare enpaillettes distinctes et nettement cristallisées; en même tempsle feldspath et le quarz deviennent visibles; la masse paroîtgrenue à grains très-alongés: c’est un vrai gneis de transition.Peu à peu les grains perdent leur direction commune; lescristaux se groupent autour de plusieurs centres, la rochedevient un granite ou une syénite de transition. Ailleursencore le quarz seul se développe, il augmente et s’arronditen nœuds, et le schiste passe au grauwacke le mieux carac-térisé. A ces signes certains les géognostes qui ont étudiélong-temps la nature, reconnoissent d’avance la proximitédes roches grenues, granitoïdes et arénacées. Des passagesanalogues du micaschiste primitif à une roche porphyroïde,et le retour de cette roche au gneis, s’observent dans la Suisse orientale. (Voyez les développemens lumineux qu’ontdonnés M. de Raumer, Fragmente, p. 10 et 47; M. Léopoldde Buch, dans son Voyage de Glaris à Chiavenna, fait en 1803et inséré dans le Magaz. der Berl. Naturf., tom. 3, p. 115.)Mais ces passages ne sont pas toujours insensibles et pro-gressifs: souvent aussi les roches se succèdent brusquement,et d’une manière bien tranchée; souvent (par exemple,au Mexique, entre Guanaxuato et Ovexeras) les limites entreles schistes, les porphyres et les syénites sont aussi distinctesque les limites entre les porphyres et les calcaires; mais dansce cas même des bancs hétérogènes intercalés indiquent desrapports géognostiques avec les roches superposées. C’est ainsique le granite de transition de la formation syénitique offredes couches de basanite, en se chargeant d’amphibole: c’estainsi que ces mêmes granites passent quelquefois à l’euphotide.( Buch, Voyage en Norwége, tom. I, p. 138, tom. II, p. 83.) Il résulte de ces considérations, que l’analyse mécaniquedes pâtes amorphes, au moyen de demi-triturations et delavages (analyse dont M. Fleuriau de Bellevue a fait le pre-mier essai qui ait été couronné de succès, Journ. de Physique, tom. LI, p. 162), répand à la fois du jour, 1.° sur les grandscristaux qui s’isolent et se séparent des cristaux microsco-piques entrelacés dans la masse; 2.° sur les passages mutuels |65| de quelques roches superposées les unes aux autres; 3.° surles couches subordonnées qui sont de même nature qu’undes élémens de la masse amorphe. Tous ces phénomènessont produits, pour ainsi dire, par développement inté-rieur, par une variation quelquefois lente, quelquefois très-brusque, dans les parties constituantes d’une masse hétérogène.Des molécules cristallines, invisibles à l’œil, se trouventagrandies, dégagées du tissu serré de la pâte; insensiblementelles deviennent, par leur agroupement et leur mélangeavec de nouvelles substances, des bancs intercalés d’unepuissance considérable; souvent même elles deviennent denouvelles roches. Ce sont les bancs intercalés qui méritent surtout la plusgrande attention ( Leonhard, Kopp et Gærtner, Propæd. derMiner., p. 158). Lorsque deux formations se succèdent im-médiatement, il arrive que les couches de l’une commencentd’abord à alterner avec les couches de l’autre, jusqu’à ceque (après ces préludes d’un grand changement) la forma-tion la plus neuve se montre sans aucun mélange de couchessubordonnées. ( Buch, Geogn. Beob., tome I, p. 104, 156;Humboldt, Rel. hist., tome II, p. 140.) Les développemensprogressifs des élémens d’une roche peuvent par conséquentavoir une influence marquante sur la position respective desmasses minérales. Leurs effets sont du domaine de la géo-gnosie; mais, pour les découvrir et pour les apprécier, l’ob-servateur doit appeler à son secours les connoissances lesplus solides de l’oryctognosie, surtout celles de la cristallo-graphie moderne. En exposant les rapports intimes par lesquels nous voyonssouvent liés les phénomènes de composition aux phénomènesde gisement, je n’ai point eu l’intention de parler de la mé-thode purement oryctognostique, qui considère les rochesd’après la seule analogie de leur composition. ( Journal desmines, tome 34, n.° 199.) Ce sont là de véritables clas-sifications, dans lesquelles on fait abstraction de toute idéede superposition, mais qui n’en peuvent pas moins donnerlieu à des considérations intéressantes sur l’agroupementconstant de certains minéraux. Une classification purementoryctognostique multiplie les noms des roches plus que ne |66| l’exigent les besoins de la géognosie, lorsqu’elle s’occupe desgisemens seuls. Selon les changemens qu’éprouvent les rochesmélangées, un même strate de beaucoup d’étendue et d’unegrande épaisseur peut (nous devons le répéter ici) renfermerdes parties auxquelles l’oryctognoste, qui classe les rochesd’après leur composition, donnera des dénominations entiè-rement différentes. Ces remarques n’ont pas échappé au savantauteur de la Classification minéralogique des roches; elles de-voient se présenter à un géognoste expérimenté qui a si bienapprofondi la superposition des terrains qu’il a parcourus. «Il«ne faut pas confondre, dit M. Brongniart, dans son mémoire«récent sur le Gisement des Ophiolithes, les positions res-«pectives, l’ordre de superposition des terrains et des roches«qui les composent, avec des descriptions purement miné-«ralogiques (oryctognostiques). Leur confusion en jeteroit«nécessairement dans la science et en retarderoit les pro-«grès.» Le tableau que nous donnons à la fin de cet articlen’est aucunement ce que l’on appelle une classification desroches; on n’y trouve pas même réunies, sous le titre de sec-tions particulières (comme dans l’ancienne méthode géognos-tique de Werner, ou dans l’excellent Traité de Géognosie deM. d’Aubuisson), toutes les formations primitives de granite,toutes les formations secondaires de grès et de calcaire. Ona tâché, au contraire, de placer chaque roche comme elle setrouve dans la nature, selon l’ordre de sa superposition oude son âge respectif. Les différentes formations de granitesont séparées par des gneis, des micaschistes, des calcairesnoirs (de transition) et des grauwackes. Dans les roches detransition on a éloigné les formations des porphyres et dessyénites du Mexique et du Pérou, qui sont antérieuresau grauwacke et au calcaire à orthocératites, de la forma-tion, beaucoup plus récente, des porphyres et des syéniteszirconiennes de la Scandinavie. Dans les roches secondaireson a éloigné le grès à oolithes de Nebra, qui est postérieurau calcaire alpin ou zechstein, du grès rouge (grès houiller),qui appartient à une même formation avec le porphyre etle mandelstein secondaires. D’après le principe que noussuivons, les mêmes noms de roches se retrouvent plusieursfois dans le même tableau. Un micaschiste anthraciteux (de |67| transition) est séparé, par un grand nombre de formationsplus anciennes, du micaschiste antérieur au thonschieferprimitif. Au lieu d’une classification des roches granitiques, schis-teuses, calcaires et arénacées (agrégées), j’ai voulu pré-senter une esquisse de la structure géognostique du globe,un tableau dans lequel les roches superposées se succèdent,de bas en haut, comme dans ces coupes idéales que j’aidessinées, en 1804, à l’usage de l’École des mines de Mexico, et dont beaucoup de copies ont été répandues depuis monretour en Europe ( Bosquejo de una Pasigrafia geognostica,con tablas que enseñan la estratificacion y el parallelismo de lasrocas en ambos continentes, para el uso del Real Seminario deMineria de Mexico ). Ces tableaux pasigraphiques réunissoient,à mes propres observations faites dans les deux Amériques,ce qu’à cette époque on avoit recueilli de plus précis sur legisement des roches primitives, intermédiaires et secondaires,dans l’ancien continent. Elles offroient, avec le type que l’onpouvoit regarder comme le plus général, les types secon-daires, c’est-à-dire les couches que j’ai nommées parallèles. Cette même méthode a été suivie dans le travail que je publieaujourd’hui. Mes formations parallèles sont des équivalens géo-gnostiques; ce sont des roches qui se représentent les unesles autres (voyez le Traité de Géologie de M. d’Aubuisson , t. II,p. 255). En Angleterre et sur le continent de l’Europe opposé,il n’existe pas une identité de toutes les formations: il yexiste des équivalens ou des formations parallèles. Celle denos houilles situées entre les terrains de transition et le grèsrouge, la position du sel gemme qui se trouve sur le continentdans le calcaire alpin (zechstein), la position de nos oolithesdans le grès de Nebra et dans le calcaire du Jura peuvent guiderle géognoste dans le rapprochement des formations éloignées.On observe en Angleterre les houilles (coal-mesures) placéessur des formations de transition, par exemple, sur le calcaireou mountain-limestone du Derbyshire et de South-Wales, etsur le grès de transition ou old red sandstone de Herfordshire.J’ai cru reconnoître dans le magnesian-limestone, le red-marl,le lias et les oolithes blanches de Bath, les formations réunies decalcaire alpin (avec sel gemme), de grès à oolithes (bunte |68| sandstein) et de calcaire du Jura. En comparant les forma-tions de pays plus ou moins éloignés, celles de l’Angle-terre et de la France, du Mexique et de la Hongrie, dubassin secondaire de Santa-Fé de Bogota et de la Thuringe,il ne faut pas vouloir opposer à chaque roche une roche pa-rallèle; il faut se rappeler qu’une seule formation peut en représenter plusieurs autres. C’est ainsi que des bancs d’argileinférieurs à la craie peuvent, en France (cap la Hève,près de Caen), être séparés de la manière la plus tranchéedes couches calcaires oolithiques, tandis qu’en Suisse, en Allemagne et dans l’Amérique méridionale, ils ont pour équivalens des bancs de marnes subordonnés au calcaire du Jura. Les gypses qui, dans un district, ne sont quelquefoisque des couches intercalées dans le calcaire alpin ou legrès à oolithes, prennent, dans un autre district, toute l’ap-parence de formations indépendantes, et se trouvent placésentre le calcaire alpin et le grès à oolithes, entre ce grès etle muschelkalk (calcaire de Gœttingue). Le savant professeurd’Oxford, M. Buckland, dont les recherches étendues ontété également utiles aux géognostes de l’Angleterre et ducontinent, a publié récemment un tableau de formations pa-rallèles, ou, comme il les appelle aussi, equivalents of rocks, qui ne s’étend que du 44.e au 54.e degré de lat. bor., maisqui mérite la plus grande attention. ( On the structure of theAlps, and their relation with the rocks of England, 1821.) De même que dans l’histoire des peuples anciens il est plusfacile de vérifier la série des événemens dans chaque paysque de déterminer leur coïncidence mutuelle, de même aussion parviendra plutôt à connoître avec la plus grande exac-titude la superposition des formations dans des régions iso-lées, qu’à déterminer l’âge relatif ou le parallélisme des for-mations qui appartiennent à différens systèmes de roches.Même dans des pays peu éloignés les uns des autres, en France, en Suisse et en Allemagne, il n’est pas aisé de fixerl’ancienneté relative du muschelkalk, de la molasse d’Argovie et du quadersandstein du Harz, parce que l’on manque leplus souvent de roches généralement répandues, servant,selon l’expression heureuse de M. de Gruner, d’horizon géo-gnostique, et auxquelles on pourroit comparer les trois for- |69| mations que nous venons de nommer. Lorsque des roches nesont pas en contact immédiat, on ne peut juger de leurparallélisme que par leurs rapports d’âge avec d’autres forma-tions qui les unissent. Ces recherches de géognosie comparée occuperont encorelong-temps la sagacité des observateurs, et il n’est pas sur-prenant que ceux qui s’attendoient à retrouver chaque for-mation dans toute l’individualité de son gisement, de sastructure intérieure et de ses couches subordonnées, finissentpar nier toute analogie de superposition. J’ai eu l’avantagede visiter, avant mon voyage à l’équateur, une grande partiede l’Allemagne, de la France, de la Suisse, de l’Angle-terre, de l’Italie, de la Pologne et de l’Espagne. Pendant cescourses, mon attention étoit particulièrement fixée sur le gi-sement des formations, phénomène que je comptois discuterdans un ouvrage particulier. Arrivé dans l’Amérique du Sud,et parcourant d’abord en différentes directions le vaste terrainqui se prolonge de la chaîne côtière de Venezuela au bassinde l’Amazone, je fus singulièrement frappé de la confor-mité de superposition qu’offrent les deux continens. (Voyez ma première esquisse d’un tableau géologique de l’Amériqueéquinoxiale, dans le Journ. de phys., T. LIII, p. 30.) Desobservations postérieures, qui embrassoient les Cordillères du Mexique , de la Nouvelle-Grenade, de Quito et du Pérou, depuis le 21.e degré de latitude boréale jusqu’au12.e degré de latitude australe, ont confirmé ces premiersaperçus. Le type des formations s’est plutôt agrandi à mesyeux, qu’il ne s’est altéré dans ses parties les plus essen-tielles. Mais, en parlant des analogies que l’on observe dansle gisement des roches et de l’uniformité de ces lois qui nousrevèlent l’ordre de la nature, je puis citer un témoignagebien autrement imposant que le mien, celui du grand géo-gnoste dont les travaux ont le plus avancé la connoissancede la structure du globe. M. Léopold de Buch a poussé sesrecherches de l’archipel des îles Canaries jusqu’au-delà ducercle polaire, au 71.e degré de latitude. Il a découvert denouvelles formations placées entre les formations, ancienne-ment connues; et, dans les terrains primitifs comme dansles terrains de transition, dans les secondaires comme dans |70| les volcaniques, il a été frappé des grands traits qui carac-térisent le tableau des formations dans les régions les pluséloignées. Du scepticisme qui nie tout ordre dans le gisement desroches, il faut distinguer une opinion qui renaît, de temps entemps, parmi des observateurs très-expérimentés, et d’aprèslaquelle les formations de granite-gneis, de grauwacke, decalcaire alpin et de craie, uniformément superposées dansdifférens pays, ne correspondent guère entre elles par rap-port à l’âge des élémens homonymes de chaque série. On croitqu’une roche secondaire peut avoir été formée sur un pointdu globe, lorsque les roches de transition n’existoient pas en-core sur un autre point. Dans cette supposition, il ne s’agitpas de ces roches granitiques qui recouvrent un calcaire rem-pli d’orthocératites, et qui sont par conséquent postérieuresaux roches primitives. C’est un fait généralement reconnude nos jours, que des formations de composition analogue sesont répétées à des époques très-éloignées les unes des autres.Le doute que nous exposons, sans le partager nous-mêmes,porte sur un point beaucoup moins constaté, sur la questionde savoir si des micaschistes indubitablement placés dans unpays au milieu de roches primitives (au-dessous de cellesdans lesquelles la vie organique commence à paroître), sontplus neuves que les roches secondaires d’un autre pays.J’avoue que, dans la partie du globe que j’ai pu examiner,je n’ai rien vu qui semble confirmer cette opinion. Desroches grenues syénitiques répétées deux, peut-être mêmetrois fois, dans des terrains primitifs, intermédiaires (et se-condaires?) sont des phénomènes analogues qui nous sontdevenus familiers depuis quinze ans; mais la non-concordanced’âge des grands terrains homonymes ne me semble guèreprouvée jusqu’ici par des observations directes, faites sur lecontact de formations superposées. La craie ou le calcairedu Jura peut, d’un côté, couvrir immédiatement le gra-nite primitif, et de l’autre en être séparé par de nom-breuses roches secondaires et de transition: ces faits très-communs ne démontrent que la soustraction, l’absence, lenon-développement de plusieurs membres intermédiaires dela série géognostique. Le grauwacke peut, d’un côté, plonger |71| sous une roche feldspathique, par exemple, sous du granitede transition ou sous la syénite zirconienne, et, de l’autrecôté, être superposé à du calcaire noir rempli de madré-pores: ce gisement ne démontre que la position intermédiaired’une couche de grauwacke entre des roches calcaires et desroches feldspathiques de transition. Depuis que, par les tra-vaux importans de MM. Cuvier et Brongniart, l’examen ap-profondi des corps organisés fossiles a répandu comme unenouvelle vie dans l’étude des terrains tertiaires, la découvertedes mêmes fossiles dans des couches analogues de pays très-éloignés a rendu encore plus probable l’isochronisme de for-mations très-généralement répandues. C’est cet isochronisme seul, c’est cet ordre admirable desuccession, qu’il semble donné à l’homme de reconnoître avecquelque certitude. Les essais que des géologues hébraïzans ontfaits pour soumettre les époques à des mesures absolues dutemps, et pour lier la chronologie d’anciens mythes cosmo-goniques aux observations mêmes de la nature, n’ont pu êtrequ’infructueux. «On a voulu plus d’une fois, dit M. Ramond «dans un discours rempli de vues philosophiques, trouver«dans les monumens de la nature un supplément à nos«courtes annales. C’étoit pourtant assez des siècles histori-«ques pour nous apprendre que la succession des événemens«physiques et moraux ne se règle point sur la marche«uniforme du temps, et ne sauroit par conséquent en«donner la mesure. Nous voyons derrière nous une suite de«créations et de destructions par l’arrangement des couches«dont la croûte de la terre est formée. Elles font naître«l’idée d’autant d’époques distinctes; mais ces époques si«fécondes en événemens peuvent avoir été très-courtes, eu«égard au nombre et à l’importance des résultats. Entre les«créations et les destructions, au contraire, nous ne voyons«rien, quelle que puisse être l’immensité des intervalles. Là«où tout se perd dans le vague d’une antiquité indéterminée,«les degrés d’ancienneté n’ont plus de valeur appréciable,«parce que la succession des phénomènes n’a plus d’échelle«qui se rapporte à la division du temps.» ( Mémoires del’Institut pour l’année 1815, p. 47.) Dans la monographie géognostique d’un terrain de peu d’é- |72| tendue, par exemple, des environs d’une ville, on ne sauroitdistinguer assez minutieusement les différentes couches quicomposent les formations locales. Des bancs de sable et d’ar-gile, les sousdivisions des gypses, les strates de calcaire mar-neux et oolithique, désignés en Angleterre sous les nomsde Purbeck-Beds, Portland-Stone, Coral-Ray, Kelloway-Rock et Corn-Brash, acquièrent alors beaucoup d’impor-tance. De minces couches de terrains secondaires et tertiaires,renfermant des assemblages de corps fossiles très-caracté-ristiques, ont servi d’horizon au géognoste. On a pu, dansleur prolongement, rapporter à l’une d’elles ce qui setrouve placé au-dessus ou au-dessous dans l’ordre de la sérietotale. Les dénominations particulières par lesquelles ondistingue ces couches, offrent même beaucoup d’avantagedans une description géognostique, quelque bizarre ou im-propre que puisse être leur signification ou leur originepuisée dans le langage des mineurs. Mais, dès que l’on traite dugisement des roches sur une surface très-étendue, il est indis-pensable de considérer les formations ou agroupemens habi-tuels de certaines couches sous un point de vue plus général.C’est alors qu’il faut être plus sobre et plus circonspect dansla distinction des roches et dans leur nomenclature. L’ou-vrage de M. Freiesleben, sur les plaines de la Saxe, quiont plus de 700 lieues carrées ( Geogr. Beschr. des Kupfer-schiefergebirges, in 4 Th., 1807 — 1815), offre un beaumodèle de la réunion d’observations locales et de généra-lisations géognostiques. Ces généralisations, ces essais desimplifier le tableau des formations et de ne s’arrêter qu’àde grands traits caractéristiques, doivent être plus ou moinstimides, selon qu’on décrit le bassin d’un fleuve, une pro-vince isolée, un pays grand comme la France et l’Allemagne,ou un continent entier. Plus on approfondit l’étude des terrains, plus la liaisonentre des formations qui nous paroissent d’abord entièrementindépendantes, se manifeste par le grand phénomène d’alter-nance, c’est-à-dire par une succession périodique de couchesqui offrent de l’analogie dans leur composition, et quelque-fois même dans de certains corps fossiles. C’est ainsi quedans les montagnes de transition, par exemple, en Amérique |73| (à l’entrée des plaines de Calabozo), des bancs de grünsteinet d’euphotide; en Saxe (près de Friedrichswalde et Maxen),les schistes avec ampélites, les grauwackes, les porphyres, lescalcaires noirs et les grünstein, constituent, d’après leur alter-nance fréquente et répétée, une même formation. Souvent ilarrive que des bancs subordonnés ne paroissent qu’à la limiteextrême d’une formation, et prennent l’aspect d’une roche in-dépendante. Les marnes cuivreuses et bitumineuses (Kupfer-schiefer), qui se trouvent placées en Thuringe entre le cal-caire alpin (zechstein) et le grès rouge (rothes liegende),et qui sont devenues depuis des siècles l’objet de grandesexploitations, sont représentées dans plusieurs parties du Mexique, de la Nouvelle-Andalousie et de la Bavièreméridionale, par des couches multipliées d’argile marneuse,plus ou moins carburées, et enclavées dans le calcaire alpin.Des circonstances semblables donnent souvent à des gypses,à des grès, et à de petits bancs de calcaires compactes,l’apparence de formations particulières. On reconnoît leurdépendance ou leur subordination par leur association fré-quente avec d’autres roches, par leur manque d’étendueet d’épaisseur, ou par leur suppression totale fréquemmentobservée. Il ne faut point oublier (et ce fait m’a beaucoupfrappé dans les deux hémisphères) que les grandes formationsde calcaires, par exemple le calcaire alpin, ont leurs grès,comme les grès très-généralement répandus ont leurs bancscalcaires. De minces couches de grès, de calcaires et de gypsescaractérisent, sous toutes les zones, les dépôts de houille et desel gemme ou d’argile muriatifère (salzthon), dépôts isolésqui le plus souvent ne sont recouverts que de ces petites for-mations locales. C’est en négligeant ces considérations, quidevroient être familières à tout géognoste expérimenté, quel’on a rendu trop compliqué le type des grandes formationsindépendantes. Le phénomène de l’alternance se manifeste, ou localementdans des roches superposées plusieurs fois les unes aux au-tres et constituant une même formation complexe, oudans la suite des formations considérées dans leur ensemble.Ce sont ou des grünstein et des syénites, des schistes et descalcaires de transition, des couches de calcaires et de marne |74| qui alternent immédiatement, ou c’est tout un système demicaschistes et de roches feldspathiques grenues (granites,gneis et syénites) qui reparoît parmi les terrains de transi-tion et que séparent du système homonyme primitif les grau-wackes et les calcaires à orthocératites. La première con-noissance de ce fait, un des plus importans et des plus inatten-dus de la géognosie moderne, est due aux belles observationsde MM. Léopold de Buch, Brochant et Haussmann. Ce phé-nomène rapproche, non par rapport au temps ou à l’ancien-neté relative, mais par rapport à l’analogie de compositionet d’aspect, le terrain de transition du terrain primitif.De ce que, dans le premier, des roches grenues, dépourvuesentièrement de débris organiques, succèdent à des rochescompactes qui contiennent ces mêmes débris, de célèbresgéognostes ont conclu que cette alternance de roches coquil-lères et non coquillères pourroit bien s’étendre au-delà desterrains que nous appelons primitifs. On n’a pas seulementdemandé si des thonschiefer, des micaschistes et des gneis nesupportoient pas les granites que l’on a crus les plus anciens;on a aussi agité la question de savoir si des grauwackes etdes calcaires noirs à madrépores ne pourroient pas se retrou-ver sous ces mêmes granites. D’après cet aperçu, les rochesprimitives et de transition ne formeroient qu’un seul terrain,et les premières pourroient être regardées comme intercaléesdans un terrain postérieur au développement des êtres orga-nisés et qui pénètreroit à une profondeur inconnue dansl’intérieur du globe. J’avoue qu’aucune observation directen’a pu être citée jusqu’ici pour étayer ces suppositions. Lesfragmens de roches que j’ai vus enchâssés dans les laveslithoïdes des volcans du Mexique, de Quito et du Vésuve,et que l’on croit arrachés aux entrailles de la terre, semblentappartenir à des roches altérées de granite, de micaschiste,de syénite et de calcaire grenu, et non à des grauwackes età des calcaires à madrépores. On a conservé, dans le tableau des roches, les grandesdivisions connues sous le nom de terrains primitifs, intermé-diaires, secondaires et tertiaires. Les limites naturelles deces quatre systèmes de roches sont le thonschiefer avec am-pélite et pierre lydienne, alternant avec des calcaires com- |75| pactes et des grauwackes, la formation des houilles et les for-mations qui succèdent immédiatement à la craie. En géognosie,comme dans la botanique descriptive (phytographie), les sous-divisions ou les petits groupes des familles ont des caractèresplus tranchés que les grandes divisions ou les classes. C’est lecas de toutes les sciences dans lesquelles on s’élève de l’indi-vidu aux espèces, des espèces aux genres, et de ceux-ci à desdegrés d’abstraction encore supérieurs. Une méthode reposenécessairement sur des abstractions diversement graduées, etles passages deviennent plus fréquens à mesure que les carac-tères sont plus complexes. Les terrains intermédiaires de Werner, que M. de Buch a limités le premier avec la saga-cité qui le distingue ( Moll’s Jahrb., 1798, B. 2, p. 254),tiennent, par le thonschiefer ampéliteux, les syénites à zir-cons, les granites quelquefois dépourvus d’amphibole, etles micaschistes anthraciteux, aux terrains primitifs, tandisque les grauwackes à petits grains et les calcaires madrépo-riques et compactes les lient aux grès houillers et aux cal-caires des terrains secondaires. Des porphyres de formations très-différentes ont leur siégeprincipal parmi les roches de transition; mais ils débordent,pour ainsi dire, en masses considérables vers les terrains se-condaires, où ils se lient au grès houiller, tandis qu’ils nepénètrent dans le terrain primitif que comme des couchessubordonnées et de peu d’épaisseur. Le mouvement pro-gressif, ou, si j’ose me servir de ce mot impropre, l’étenduede l’oscillation de la serpentine et de l’euphotide, est très-différente. Ces roches de diallage, constituant plusieurs for-mations distinctes, rarement recouvertes, et d’un gisementdifficile à vérifier, s’arrêtent presque à la limite inférieuredes terrains secondaires; vers le bas elles percent bien avantdans les terrains primitifs au-delà du micaschiste. La craiesemble offrir une limite naturelle aux terrains tertiaires, queMM. Cuvier et Brongniart ont caractérisés les premiers, etavec justesse, comme des terrains entièrement différens desdernières formations secondaires, décrites par l’école de Freyberg ( Géogr. minér. des environs de Paris, p. 8 et 9).Frappé des rapports qui existent entre le terrain tertiaireet les couches sous la craie, M. Brongniart a même pro- |76| posé récemment de désigner les formations tertiaires sous lenom de terrains secondaires supérieurs. ( Sur le gisement desophiolithes, p. 37; comparez aussi les discussions géognosti-ques très-intéressantes que renferme le Traité des roches deM. de Bonnard, p. 138, 210 et 212.) La distinction des quatre terrains que nous venons denommer successivement, et dont trois sont postérieurs audéveloppement de la vie organique sur le globe, me paroîtdigne d’être conservée, malgré le passage de quelques forma-tions à des formations différentes, et malgré les doutes queplusieurs géognostes très-distingués ont fondés sur ces passages.La classification des terrains marque de grandes époques de lanature, par exemple, la première apparition de quelques ani-maux pélagiques (zoophytes, mollusques céphalopodes) et ladestruction simultanée d’une énorme masse de monocotylédo-nes; elle offre comme des points de repos à l’esprit, et tout ense rappelant que les formations mêmes sont bien plus impor-tantes que les grandes divisions, on a souvent lieu, en avan-çant des hautes montagnes vers les plaines, de reconnoîtrel’influence diverse que l’agroupement des roches primitiveset intermédiaires, celui des roches secondaires et tertiaires ontexercé sur l’inégalité et la configuration du sol. C’est à causede cette influence que l’aspect du paysage, la forme des mon-tagnes et des plateaux, le caractère de la végétation, varientmoins, lorsqu’on voyage parallèlement à la direction descouches, qu’en les coupant à angle droit ( Greenough, Crit.examinat. of Geologie, p. 38). Je continue, en suivant MM. de Buch, Freiesleben, Bro-chant, Beudant, Buckland, Raumer ( Geb. von Nieder-Schles., 1819) et d’autres géognostes célèbres, à grouper les forma-tions indépendantes d’après les divisions en terrains primitifs,de transition, secondaires, etc., sans m’appesantir sur l’im-propriété de la plupart de ces dénominations. Je continue deséparer l’argile (avec lignites) superposée à la craie, de cellequi est dessous, et la craie même, des formations secondairesplus anciennes. Mais ces distinctions par assises et par groupesd’assises, si utiles dans la description d’un terrain de peud’étendue, ne doivent pas empêcher le géognoste, lorsqu’iltente de s’élever à un point de vue plus général, de lier ces |77| argiles et la craie au calcaire du Jura, et de les regardercomme les derniers strates de cette grande formation com-posée de couches calcaires et marneuses. Les assises inférieuresde la craie (tuffeau) renferment des ammonites. Le calcairede la montagne de Saint-Pierre de Maestricht indique,comme l’ont déjà observé MM. Omalius et Brongniart ( Géogr.minér., p. 13), le passage de la craie à des calcaires secon-daires plus anciens. Près de Caen, selon les belles observa-tions de M. Prevost, les argiles sous la craie renferment cesmêmes lignites qui se trouvent, en plus grande masse, dansl’argile superposée à la craie; des cérites, qui rappellent lecalcaire grossier de Paris, se montrent, dans un calcaire àtrigonies, placés entre des argiles inférieures à la craie et lescouches oolithiques. Je n’insiste pas sur ces faits particuliers;je les cite seulement pour prouver, par un exemple frappant,comment, en rapprochant des faits observés sur différenspoints d’un même pays, le grand phénomène de l’alternance nous révèle des liaisons entre des formations qui, au premierabord, paroissent n’avoir presque rien de commun. C’est lepropre de ces couches qui alternent les unes avec les autres,de ces roches qui se succèdent en série périodique, d’offrir lescontrastes les plus marqués dans les deux couches qui se sui-vent immédiatement. En géognosie, comme dans les différentesparties de l’histoire naturelle descriptive, il faut reconnoîtrel’avantage des classifications, des coupes diversement gra-duées, sans jamais perdre de vue l’unité de la nature. Aussi,ceux qui ont avancé le plus la philosophie naturelle, ont eu àla fois et la tendance à généraliser et la connoissance exacted’une grande masse de faits particuliers. On a l’habitude de terminer la série des terrains par lesroches volcaniques, et de les faire succéder aux terrains se-condaires et tertiaires, même aux terrains de transport. Dansun tableau formé d’après le seul principe de l’ancienneté rela-tive, cet arrangement m’a paru peu convenable. Sans doute quedes laves lithoides se sont répandues sur les formations les plusrécentes, même sur des couches de galets. On ne sauroit nierqu’il n’existe des productions volcaniques de différentes épo-ques; mais, d’après ce que j’ai pu observer dans les Cordil-lères du Pérou, de Quito et du Mexique, dans une partie du |78| monde si célèbre par la fréquence des volcans, il m’a paruque le site principal des feux souterrains est dans les rochesde transition et au-dessous de ces roches. J’ai reconnu quetous les cratères enflammés ou éteints des Andes se sontouverts au milieu de porphyres trappéens ou trachytes ( Berl.Abhandl. der Kön. Acad., 1813, p. 131), et que ces trachytessont liés à la grande formation de porphyre et de syénite detransition. D’après cette remarque, il m’a paru plus naturelde faire suivre parallèlement, comme par bisection, lesterrains secondaires et volcaniques aux terrains de transi-tion. Par cette nouvelle disposition la formation des porphyreset des grauwackes, ou celle des porphyres, des syénites etdes granites de transition, se trouve liée à la fois, 1.° auxporphyres du grès rouge dans le terrain houiller secondaire,2.° aux trachytes ou porphyres trappéens qui sont dépour-vus de quarz et mêlés de pyroxènes. J’emploie à regret le motde terrain volcanique, non que je doute, comme ceux qui dé-signent les trachytes, les basaltes et les phonolithes (porphyr-schiefer) sous le nom de terrain trappéen, que tout ce quej’ai réuni dans le terrain volcanique ne soit produit oualtéré par le feu; mais parce que plusieurs roches, interca-lées entre les roches (primitives?), de transition et secon-daires, pourroient bien aussi être volcaniques. J’aurois de plusvoulu éviter toute idée (historique) de l’origine des chosesdans un tableau (statistique) de gisement ou de superposition.A Skeen, en Norwége, une syénite basaltique et poreuse,renfermant des pyroxènes, est placée, d’après l’observationde M. de Buch, entre le calcaire de transition et la syénitezirconienne. C’est une couche, non un filon (dyke); c’estun phénomène bien moins problématique que le basalte(urgrünstein? Buch, Geogn. Beob., T. I, p. 124, et Raumer, Granit des Riesengebirges, p. 70) renfermé dans le mica-schiste de Krobsdorf en Silésie. Les trachytes avec obsidiennedu Mexique sont intimement liés aux porphyres de transi-tion, qui alternent avec des syénites. Les mandelstein, ap-partenant au grès rouge, prennent, sur le continent del’Europe et dans l’Amérique équinoxiale, tout l’aspect d’unmandelstein de formation basaltique. M. Boué, dans sonintéressant Essai géologique sur l’Écosse, p. 126 — 162, a |79| décrit des roches pyroxéniques (dolérites) enclavées dans legrès rouge. Sans rien préjuger sur l’origine de ces masses,ni, en général, sur celle de toutes les roches primitives etde transition, nous désignons ici par le nom de terrainsvolcaniques la série la moins interrompue de roches altéréespar le feu. En faisant l’énumération des roches, je me suis servi desnoms le plus généralement employés par les géognostes de la France, de l’Allemagne, de l’Angleterre et de l’Italie; j’au-rois craint, en essayant de perfectionner la nomenclaturedes formations, d’ajouter de nouvelles difficultés à celles queprésente déjà la discussion des gisemens. J’ai cependant évitéavec soin les dénominations, trop long-temps conservées, de calcaire inférieur et supérieur; de gypse de première, seconde ou troisième formation; d’ancien ou de nouveau grès rouge, etc. Cesdénominations offrent sans doute un vrai caractère géognos-tique: elles ont rapport, non à la composition des roches,mais à leur âge relatif. Cependant, comme le type généraldes formations de l’Europe ne peut être modelé sur celui d’unseul canton, la nécessité d’admettre des formations parallèles(sich vertretende Gebirgsarten) rend les noms de premier ou second gypse, de grès ancien ou mitoyen, extrêmement vagueset obscurs. Dans un pays on est en droit de considérer unecouche de gypse ou de grès comme une formation particu-lière, tandis que dans un autre on doit la regarder commesubordonnée à des formations voisines. Les meilleures déno-minations sont sans doute les dénominations géographiques: elles font naître des idées de superposition très-précises. Lors-qu’on dit qu’une formation est identique avec le porphyre de Christiania, le lias de Dorsetshire, le grès de Nebra (buntersandstein), le calcaire grossier de Paris, ces assertions nelaissent, à un géognoste instruit, aucun doute sur la posi-tion que l’on veut assigner à la formation que l’on décrit.Aussi c’est comme par convention tacite que les mots: zech-stein de Thuringe, calcaire de Derbyshire, terrain de Paris, etc., se sont introduits dans le langage minéralogique; ilsrappellent un calcaire qui succède immédiatement au grèsrouge houiller, un calcaire de transition placé sous legrès houiller, enfin, des formations plus récentes que la |80| craie. Les seules difficultés que présente la multiplicité deces dénominations géographiques, consistent dans le choixdes noms et dans le degré de certitude que l’on a acquis surle gisement ou l’âge relatif de la roche à laquelle on rapporteles autres. Les géognostes anglois cherchent sur le continentleur lias et leur red-marl; les géognostes allemands leur buntesandstein et leur muschelkalk. Ces mots se trouvent associés dansl’esprit des voyageurs à des souvenirs de localités. Il ne s’agitpar conséquent, pour faire naître des idées précises, que dechoisir des localités assez généralement connues et qui sontcélèbres, soit par l’exploitation des mines, soit par des ou-vrages descriptifs. Pour diminuer les effets des vanités nationales, et pourrattacher les nouveaux noms à des objets plus importans,j’avois proposé, il y a long-temps (1795), les dénominationsde pierre calcaire alpine, et calcaire du Jura. Une partie des Hautes-Alpes de la Suisse, et la majeure partie du Jura,sont sans doute formées de ces deux roches: cependant lesnoms, aujourd’hui généralement reçus, de calcaire alpin(zechstein) et de calcaire du Jura, devroient être, à ce queje pense, modifiés ou entièrement abandonnés. Les assisesinférieures des montagnes du Jura, remplies de gryphites,appartiennent à une formation plus ancienne, peut-être auzechstein; et une très-grande partie du calcaire des Alpesde la Suisse n’est certainement pas du zechstein, mais,d’après MM. de Buch et Escher, du calcaire de transition.Il vaut donc mieux choisir les noms géographiques des rochesparmi les noms de montagnes isolées et dont toute la massevisible n’appartient qu’à une seule formation, que de lesemprunter, comme je l’ai fait à tort, à des chaînes entières.J’avois pensé, et beaucoup de géognostes ont partagé cetteopinion, que le calcaire du Jura (calcaire à cavernes de Franconie) étoit généralement placé, sur le continent, au-dessous du grès de Nebra (bunte sandstein), entre ce grèset le zechstein. Des observations postérieures ont prouvé quele nom de calcaire du Jura avoit été avec raison appliquéà des roches qui sont très-éloignées des montagnes de la Suisse occidentale; mais que la véritable place géognostiquede cette formation (lorsqu’il n’y a pas suppression des forma- |81| tions inférieures) se trouve bien au-dessus du grès de Nebra,entre le muschelkalk (ou le quadersandstein?) et la craie.Un nom géographique, justement appliqué à plusieurs rochesanalogues, nous rend attentif à leur identité de gisement;mais la place que des roches homonymes doivent occuperdans la série totale, n’est bien déterminée que lorsque lenom géographique a été choisi après avoir acquis une cer-titude entière sur leur gisement. Les géognostes se trouventencore dans une position semblable, en fixant l’âge relatifde la molasse d’Argovie (nagelfluhe) et du quadersandsteinde Pirna (grès blanc de M. de Bonnard), deux roches très-récentes, qui ont été très-bien étudiées séparément, maisdont les rapports entre elles et avec la craie et le calcairedu Jura n’ont été que très-récemment éclaircis. On peutêtre assez sûr d’avoir rencontré dans le nouveau continentdes roches identiques avec la molasse ou le quadersandstein,sans pouvoir prononcer pour cela sur leurs rapports avectoutes les autres roches secondaires ou tertiaires. Quand desformations ne se touchent pas immédiatement, et qu’ellesne sont pas recouvertes par des terrains d’un gisement connu,on ne peut juger de leur ancienneté relative que d’après desimples analogies. Les termes de la série géognostique sont ou simples ou com-plexes. Aux termes simples appartiennent la plupart des for-mations primitives: les granites, les gneis, les micaschistes, lesthonschiefer, etc. Les termes complexes se trouvent en plusgrand nombre parmi les roches de transition: c’est là quechaque formation comprend un groupe entier de roches quialternent périodiquement. Les termes de la série n’y sont pasdes calcaires de transition ou des grauwackes, constituantdes formations indépendantes: ce sont des associations de thon-schiefer, grünstein et grauwacke; de porphyre et grauwacke;de calcaire grenu stéatiteux et de poudingues à roches primi-tives; de thonschiefer et de calcaire noir. Lorsque ces asso-ciations sont formées de trois ou quatre roches qui alternent,il est difficile de leur donner des noms significatifs, des nomsqui indiquent toute la composition du groupe, tous les mem-bres partiels du terme complexe de la série. On peut alorsaider à fixer les groupes dans la mémoire, en rappelant les |82| roches qui y dominent sans manquer absolument dans lesgroupes voisins. C’est ainsi que le calcaire grenu stéatiteuxcaractérise la formation de la Tarantaise; le grauwacke,la grande formation de transition du Harz et des bords du Rhin; les porphyres métallifères riches en amphibole etpresque dépourvus de quarz, la formation du Mexique etde la Hongrie. Si les phénomènes d’alternance et d’agrou-pement atteignent leur maximum dans les terrains de tran-sition, ils ne sont pas entièrement exclus pour cela desterrains primitifs et secondaires. Dans l’un et l’autre deces terrains, des termes complexes sont mêlés aux termessimples de la série géognostique. Je citerai parmi les forma-tions secondaires le grès placé au-dessus du calcaire alpin(le grès de Nebra, le bunte sandstein), qui est une asso-ciation d’argile marneuse, de grès et d’oolithes; le calcairequi recouvre le grès rouge houiller (le zechstein ou alpen-kalkstein), qui est une association moins constante de cal-caire, de gypse (muriatifère), de stinkstein et de marnebitumineuse pulvérulente (asche des mineurs du Mansfeld).Dans les terrains primitifs nous trouvons les trois premierstermes de la série, les roches les plus anciennes, ou isolésou alternant deux à deux, selon qu’ils sont géognostique-ment plus rapprochés par leur âge relatif, ou bien alternanttous les trois. Le granite forme quelquefois avec le gneis,le gneis avec le micaschîste, des associations constantes. Cesalternances suivent des lois particulières: on voit (parexemple, au Brésil, et, quoique moins distinctement, dansla chaîne du littoral de Venezuela) le granite, le gneis etle micaschiste dans une triple association; mais je ne con-nois pas de granite alternant seul avec du micaschiste, dugneis et du micaschiste alternant seuls avec le thonschiefer. Il ne faut pas confondre, et j’ai souvent insisté sur cepoint dans cet article, des roches passant insensiblement àcelles qui sont en contact immédiat avec elles, par exemple,des micaschistes qui oscillent entre le gneis et le thonschiefer,avec des roches qui alternent les unes avec les autres, etqui conservent tous leurs caractères distinctifs de composi-tion et de structure. M. d’Aubuisson a fait voir, il y along-temps, combien l’analyse chimique rapproche le thon- |83| schiefer du mica. ( Journal de physique, T. 68, pag. 128; Traité de Géognosie, T. II, pag. 97.) Le premier, il estvrai, n’a pas l’éclat métallique du micaschiste; il renfermeun peu moins de potasse et plus de carbone; la silice nes’y réunit pas en nœuds ou lames minces de quarz commedans le micaschiste: mais on ne peut douter que des feuilletsde mica ne constituent la base principale du thonschiefer. Cesfeuillets sont tellement soudés ensemble, que l’œil ne peutles distinguer dans le tissu. C’est peut-être cette affinitémême qui empêche l’alternance des thonschiefer et desmicaschistes: car dans ces alternances la nature semblefavoriser l’association de roches hétérogènes; ou, pour meservir d’une expression figurée, elle se plaît dans les asso-ciations dont les roches alternantes offrent un grand con-traste de cristallisation, de mélange et de couleur. Au Mexique j’ai vu des grünstein vert-noirâtre alterner desmilliers de fois avec des syénites blanc-rougeâtre et quiabondent plus en quarz qu’en feldspath: il y a dans cegrünstein des filons de syénite, et dans la syénite des filonsde grünstein; mais aucune des deux roches ne passe àl’autre. ( Essai politique sur la Nouvelle Espagne, T. II, p. 523.) Elles offrent sur la limite de leur contact mutuel desdifférences aussi tranchées que les porphyres qui alternentavec les grauwackes ou avec les syénites, que les calcairesnoirs qui alternent avec les thonschiefer de transition, ettant d’autres roches de composition et d’aspect entièrementhétérogènes. Il y a plus encore: lorsque dans des terrainsprimitifs des roches plus rapprochées par la nature de leurcomposition que par leur structure ou par le mode de leuragrégation, par exemple, les granites et les gneis, ou lesgneis et les micaschistes, alternent, ces roches ne montrentguère cette même tendance de passer les unes aux autresqu’elles présentent isolément dans des formations non com-plexes. Nous avons déjà fait observer plus haut que sou-vent une couche β, devenant plus fréquente dans la roche α,annonce au géognoste voyageur qu’à la formation simple αva succéder une formation complexe dans laquelle α et βalternent. Plus tard il arrive que β prend un plus granddéveloppement; que α n’est plus une roche alternante, mais |84| une simple couche subordonnée à β, et que cette roche βse montre seule jusqu’à ce que par la fréquente apparitionde couches γ elle prélude à une formation complexe de βalternant avec γ. On peut substituer à ces signes les motsde granite, gneis et micaschiste; ceux de porphyre, grau-wacke et syénite; de gypse, marne et calcaire fétide (stink-stein). Le langage pasigraphique a l’avantage de généraliserles problèmes; il est plus conforme aux besoins de la phi-losophie géognostique, dont j’essaie de donner ici les premiersélémens, en tant qu’ils ont rapport à l’étude de la superpo-sition des roches. Or, si souvent entre des formations simpleset très-rapprochées dans l’ordre de leur ancienneté relative,entre les formations α, β, γ, se trouvent placées des for-mations complexes, αβ et βγ (c’est-à-dire α alternant avecβ, et β alternant avec γ); on observe aussi, quoique moinsfréquemment, qu’une des formations (par exemple, α)prend un accroissement si extraordinaire qu’elle enveloppela formation β, et que β, au lieu de se montrer commeune roche indépendante, placée entre α et γ, n’est plusqu’une couche dans α. C’est ainsi que dans la Silésie infé-rieure le grès rouge renferme la formation du zechstein;car le calcaire de Kunzendorf, rempli d’empreintes de pois-sons, et analogue à la marne bitumineuse et abondanteen poissons de Thuringe, est entièrement enveloppé dansle grès houiller. ( Buch, Beob., T. I, p. 104, 157; Id., Reisenach Norwegen, T. I, p. 158; Raumer, Gebirge von Nieder-Schlesien, p. 79.) M. Beudant ( Voy. min., T. III, p. 183)a observé un phénomène semblable en Hongrie. Dans d’au-tres régions, par exemple, en Suisse et à l’extrémité méri-dionale de la Saxe, le grès rouge disparoît entièrement,parce qu’il est remplacé et pour ainsi dire vaincu par unprodigieux développement de la grauwacke ou du calcairealpin. ( Freiesleben, Kupfersch., B. IV, 109.) Ces effetsde l’alternance et du développement inégal des roches sontd’autant plus dignes d’attention, que leur étude peut jeterdu jour sur quelques déviations apparentes d’un type desuperposition généralement reconnu, et qu’elle peut servir àramener à un type commun des séries de gisement obser-vées dans des pays très-éloignés. |85| Pour désigner les formations composées de deux rochesqui alternent les unes avec les autres, j’ai généralementpréféré les mots granite et gneis, syénite et grünstein, auxexpressions plus usitées de granite-gneis, syénite-grünstein.J’ai craint que cette dernière méthode de désigner des for-mations composées de roches alternantes, ne fît plutôtnaître l’idée d’un passage du granite au gneis, de la syéniteau grünstein. En effet, un géognoste dont les travaux surles trachytes de l’Allemagne n’ont pas été assez appréciés, M. Nose, s’étoit déjà servi des mots granite-porphyres et porphyre-granites, pour indiquer des variétés de structure et d’aspect,pour séparer les granites porphyroïdes des porphyres qui,par la fréquence des cristaux empâtés dans la masse, pré-sentent une structure d’agrégation, une véritable structuregranitique. En adoptant les dénominations de granite etgneis, de syénite et porphyre, de grauwacke et porphyre,de calcaire et thonschiefer, on ne laisse aucun doute surla nature des termes complexes de la série géognostique. Parmi les différentes preuves de l’identité des formationsdans les régions les plus éloignées du globe, une des plusfrappantes et que l’on doit aux secours de la zoologie, estl’identité des corps organisés enfouis dans des couches d’ungisement analogue. Les recherches qui conduisent à ce genrede preuves ont singulièrement exercé la sagacité des savans,depuis que MM. de Lamarck et Defrance ont commencéà déterminer les coquilles fossiles des environs de Paris, etque MM. Cuvier et Brongniart ont publié leurs mémorablestravaux sur les ossemens fossiles et les terrains tertiaires.Comme la plus grande masse des formations qui composentla croûte de notre planète ne renferme pas des dépouilles decorps organisés; que ces dépouilles sont très-rares dans lesterrains de transition, souvent brisés et difficiles à séparer dela roche dans les terrains secondaires très-anciens, l’étudeapprofondie des corps fossiles n’embrasse qu’une petite partiede la géognosie, mais une partie bien digne de l’attentiondu philosophe. Les problèmes qui se présentent sont nom-breux: ils ont rapport à la géographie des animaux dont lesraces sont éteintes, et qui par cette raison appartiennentdéjà à l’histoire de notre planète: ils nécessitent la discus- |86| sion des caractères zoologiques par lesquels on voudroit dis-tinguer les différentes formations superposées. Pour resterfidèle au but que je me suis proposé, de ne considérer, danscette Introduction au Tableau des roches, les objets que dansleur plus grande généralité, je vais citer les questions de zoologie géognostique qui paroissent les plus importantes dansl’état actuel de la science, et dont la solution a été tentéeavec plus ou moins de succès: Quels sont les genres et (sil’état de conservation et le peu d’adhérence à la masserocheuse permettent une détermination plus complète)quelles sont les espèces auxquelles on peut rapporter les dé-pouilles fossiles? Une détermination exacte des espèces enfait-elle reconnoître avec certitude qui sont identiquesavec les plantes et les animaux du monde actuel? Quels sontles classes, les ordres et les familles d’êtres organisés quioffrent le plus de ces analogies? Dans quel rapport le nom-bre des genres et des espèces identiques augmente-t-il avecla nouveauté des roches ou des dépôts terreux? L’ordre ob-servé dans la superposition des terrains intermédiaires,secondaires, tertiaires et d’alluvion, est-il partout en har-monie avec l’analogie croissante qu’offrent les types d’organi-sation? Ces types se succèdent-ils de bas en haut (en passantdes grauwackes et des calcaires noirs de transition, par legrès houiller, le calcaire alpin, le calcaire du Jura et lacraie, au gypse tertiaire, aux terrains d’eau douce et auxalluvions modernes) dans le même ordre que nous adoptonsdans nos systèmes d’histoire naturelle, en disposant lesêtres selon que leur structure devient plus compliquée, etqu’aux organes de la nutrition d’autres systèmes d’organesse trouvent ajoutés? La distribution des corps organisésfossiles indique-t-elle un développement progressif de la vievégétale et animale sur le globe; une apparition successivede plantes acotylédones et monocotylédones, de zoophytes,de crustacés, de mollusques (céphalopodes, acéphales,gastéropodes), de poissons, de sauriens (quadrupèdes ovi-pares), de plantes dicotylédones, de mammifères marins etde mammifères terrestres? En considérant les corps fossiles,non dans leur rapport avec telle ou telle roche dans laquelleon les a découverts, mais simplement sous le point de vue |87| de leur distribution climatérique, remarque-t-on une diffé-rence appréciable entre les espèces qui dominent dans l’an-cien et le nouveau continent, dans les climats tempérés et sousla zone torride, dans l’hémisphère boréal et dans l’hémisphèreaustral? Y a-t-il un certain nombre d’espèces tropicales quel’on trouve partout, et qui semblent annoncer qu’indépen-dantes d’une distribution de climats semblables aux climatsactuels, elles ont éprouvé, au premier âge du monde, lahaute température que la croûte crevassée du globe forte-ment échauffé dans son intérieur a donnée à l’atmosphèreambiante? Est-on sûr de distinguer par des caractères précisles coquilles d’eau douce et les coquilles marines? La déter-mination du genre suffit-elle? ou n’y a-t-il pas (comme parmiles poissons) quelques genres dont les espèces vivent à lafois dans les fleuves et les mers? Quoique dans quelques-unes des roches tertiaires les coquilles fluviatiles se trou-vent mélangées (par exemple à l’embouchure de nos ri-vières) avec les coquilles pélagiques, n’observe-t-on pas engénéral que les premières forment des dépôts particuliers,caractérisant des terrains dont l’étude avoit été négligéejusqu’ici, et qui sont d’une origine très-récente? A-t-onjamais découvert sous le calcaire du Jura, près des pois-sons réputés fluviatiles, dans le schiste bitumineux du cal-caire alpin, des coquilles d’eau douce? Des espèces iden-tiques de fossiles se trouvent-elles dans les mêmes formationssur différens points du globe? Peuvent-elles fournir des ca-ractères zoologiques pour reconnoître les diverses formationssuperposées? ou ne doit-on pas plutôt admettre que des espècesque le zoologiste est en droit de regarder comme identiques,d’après les méthodes adoptées, pénètrent à travers plusieursformations; qu’elles se montrent même dans celles qui nesont pas en contact immédiat? Les caractères zoologiquesne doivent-ils pas être tirés et de l’absence totale de certainesespèces, et de leur fréquence relative ou prédominance, enfinde leur association constante avec un certain nombre d’au-tres espèces? Est-on en droit de diviser une formation dontl’unité a été reconnue d’après des rapports de gisement etd’après l’identité des couches qui sont également intercaléesaux strates supérieurs et inférieurs, par la seule raison que les |88| premiers de ces strates renferment des coquilles d’eau douce,et les derniers des coquilles marines? L’absence totale decorps organisés dans certaines masses de terrains secondaire ettertiaire, est-elle un motif suffisant pour considérer cesmasses comme des formations particulières, si d’autres rap-ports géognostiques ne justifient pas cette séparation? Une partie de ces problèmes s’étoit présentée depuis long-temps aux naturalistes. Déjà Lister avoit avancé, il y aplus de cent cinquante ans, que chaque roche étoit carac-térisée par des coquilles fossiles différentes. ( Phil. Trans.,n.° 76, p. 2283.) Pour prouver que les coquilles de nosmers et de nos lacs sont spécifiquement différentes des co-quilles fossiles (lapides sui generis), il affirme «que les der-«nières, par exemple, celles des carrières de Northamp-«tonshire, portent tous les caractères de nos Murex, de nos«Tellines et de nos Trochus; mais que des naturalistes qui«ne sont pas accoutumés à s’arrêter à un aperçu vague et«général des choses, trouveront les coquilles fossiles spécifi-«quement différentes de toutes les coquilles du monde actuel.»Presque à la même époque, Nicolas Stenon ( De solido intrasolidum contento, 1669, p. 2, 17, 28, 63, 69, fig. 20—25)distingua le premier «les roches (primitives) antérieures«à l’existence des plantes et des animaux sur le globe et«ne renfermant par conséquent jamais des débris organi-«ques, et les roches (secondaires) superposées aux premières«et remplies de ces débris (turbidi maris sedimenta sibi invi-«cem imposita).» Il considéra chaque banc de roche secon-daire «comme un sédiment déposé par un fluide aqueux;»et exposant un système entièrement semblable à celui de Deluc «sur la formation des vallées par des affaissemens«longitudinaux, et sur l’inclinaison de couches d’abord toutes«horizontales,» il admet pour le sol de la Toscane, à la ma-nière de nos géologues modernes, «six grandes époques de«la nature (sex distinctæ Etruriæ facies, ex præsenti facie«Etruriæ collectæ), selon que la mer inonda périodiquement«le continent, ou qu’elle se retira dans ses anciennes limites.»Dans ces temps où l’observation de la nature fit naître en Italie les premières idées sur l’âge relatif et la succession descouches primitives et secondaires, la zoologie et la géognosie |89| ne pouvoient encore se prêter un secours mutuel, parceque les zoologistes ne connoissoient pas les roches, et queles géognostes étoient entièrement étrangers à l’histoire na-turelle des animaux. On se bornoit à des aperçus vagues,on regardoit comme spécifiquement identique tout ce quioffroit quelque analogie de forme; mais en même temps, etceci étoit un pas fait dans la bonne route, on étoit attentifaux fossiles qui prédominoient dans telle ou telle roche.C’est ainsi que les dénominations de calcaire à gryphites, de calcaire à trochites, de schistes à fougères, schistes à trilobites (Gryphiten- und Trochiten-Kalk; Kräuter- und Trilobiten-Schiefer), furent très-anciennement employées par les miné-ralogistes d’Allemagne. La détermination des genres caracté-risés par les dents, par les fossettes, par les lames saillanteset crénelées de la charnière, par les plis et les bourreletsde l’ouverture de la coquille, est bien plus difficile dans lesroches secondaires très-anciennes que dans les formationstertiaires, les premières étant généralement moins friableset plus adhérentes au test du corps fossile. Cette difficultéaugmente lorsqu’on veut distinguer les espèces; elle devientpresque insurmontable dans quelques roches calcaires detransition et dans le muschelkalk, qui renferme des co-quilles brisées. Si les caractères zoologiques d’un certainnombre de formations pouvoient être tirés de genres biendistincts, si les trilobites et les orthocératites appartenoientexclusivement aux terrains intermédiaires, les gryphites aucalcaire alpin (zechstein), les pectinites au bunte sandstein(grès de Nebra), les trochites et mytulites au muschelkalk,les tellines au quadersandstein, les ammonites et turritellesau calcaire du Jura et à ses marnes, les oursins ananchyteset les spatanges à la craie les cérites au calcaire grossier;la connoissance de ces genres seroit d’un secours aisé pourla détermination des roches: on n’auroit plus besoin d’exa-miner sur les lieux la superposition des formations; on re-connoîtroit ces dernières sans sortir de son cabinet, enne consultant que les collections. Mais il s’en faut de beau-coup que la nature ait rendu si facile à l’homme l’étude desmasses coquillères qui constituent la croûte de notre pla-nète. Les mêmes types d’organisation se sont répétés à des |90| époques très-différentes: les mêmes genres se retrouventdans les formations les plus distinctes. Il y a des orthocéra-tites dans les calcaires de transition, les calcaires alpins etle grès bigarré; des térébratulites dans le calcaire du Jura et dans le muschelkalk; des trilobites dans les thonschiefer detransition, dans le schiste bitumineux du zechstein, et, selonun excellent géognoste, M. de Schlottheim, même dans lecalcaire du Jura; il y a des pentacrinites dans le thonschieferde transition et dans le muschelkalk le plus moderne. Lesammonites pénètrent à travers beaucoup de formations cal-caires et marneuses, depuis les grauwackes ( Raumer, Ver-suche, p. 22; Schlottheim, Petrefactenkunde, p. 38) jusquedans les couches inférieures de la craie. Il y a des troncs demonocotylédones et dans le grès rouge, et dans les marnesdu gypse d’eau douce, formées à une époque où le mondeétoit déjà rempli de plantes dicotylédones. Mais, à une époque où les naturalistes ne s’arrêtent plus àdes notions vagues et incertaines, on a reconnu avec saga-cité que le plus grand nombre de ces fossiles (gryphites,térébratulites; ammonites, trilobites, etc.), enfouis dansdifférentes formations, ne sont pas spécifiquement les mêmes;qu’un grand nombre d’espèces qu’on a pu examiner avecprécision, varient avec les roches superposées. Les poissonsque l’on observe dans les schistes de transition (Glaris), dansles schistes bitumineux du zechstein, dans le calcaire du Jura, dans le calcaire tertiaire à cérite de Paris et de MonteBolca, et dans le gypse de Montmartre, sont des espècesdistinctes, en partie pélagiques, en partie fluviatiles. Est-on en droit de conclure de la réunion de ces faits, quetoutes les formations sont caractérisées par des espèces par-ticulières; que les coquilles fossiles de la craie, du muschel-kalk, du calcaire du Jura et du calcaire alpin, diffèrenttoutes entre elles? Je pense que ce seroit pousser l’induc-tion beaucoup trop loin, et M. Brongniart même, qui con-noît si bien la valeur des caractères zoologiques, restreintleur application absolue au cas «où la superposition (les«circonstances de gisement) ne s’y opposent pas.» Je pour-rois citer les cérites du calcaire grossier, qui se trouvent(près de Caen) au-dessous de la craie, et qui semblent |91| indiquer, comme la répétition des argiles avec lignitesen-dessus et au-dessous de la craie, une certaine connexitéentre des terrains qu’au premier coup d’œil on croiroit en-tièrement distincts. Je pourrois m’arrêter à d’autres espècesde coquilles qui appartiennent à la fois à plusieurs forma-tions tertiaires, et rappeler que si un jour, par des carac-tères peu sensibles et par de foibles nuances, on parvenoità séparer des espèces que l’on croit identiques aujourd’hui,la finesse même de ces distinctions ne rassureroit pas tropsur l’universalité, d’ailleurs si désirable, des caractères zoolo-giques en géognosie. Une autre objection, tirée de l’influenceque les climats exercent même sur les animaux pélagiques,me paroît plus importante encore. Quoique les mers, par descauses physiques très-connues, offrent, à de grandes profon-deurs, la même température sous l’équateur et sous la zonetempérée, nous voyons pourtant, dans l’état actuel de notreplanète, les coquilles des tropiques (parmi lesquelles les uni-valves dominent, comme parmi les testacés fossiles) différerbeaucoup des coquilles des climats septentrionaux. Le plusgrand nombre de ces animaux aiment les récifs et les bas-fonds:d’où il suit que les différences spécifiques sont souvent très-sensibles, sous un même parallèle, sur des côtes opposées. Or,si les mêmes formations se répètent et s’étendent, pour ainsidire, à de prodigieuses distances, de l’est à l’ouest et du nordau sud, d’un hémisphère dans l’autre, n’est-il pas probable,quelles que soient les causes compliquées de l’anciennetempérature de notre globe, que des variations de climatsont modifié, jadis comme de nos jours, les types d’organisa-tion, et qu’une même formation (c’est-à-dire une même rocheplacée, dans les deux hémisphères, entre deux formationshomonymes) a pu envelopper des espèces distinctes? Il ar-rive souvent sans doute que des couches superposées présen-tent un contraste de corps fossiles très-frappant. Mais peut-on conclure de là qu’après qu’un dépôt s’étoit formé, lesêtres qui habitoient alors la surface du globe, aient tousété détruits? Il est incontestable que des générations de typesdifférens se sont succédé les unes aux autres. Les ammo-nites, que l’on trouve à peine parmi les roches de transition,atteignent leur maximum dans les couches qui représentent |92| sur différens points du globe le muschelkalk et le calcairedu Jura; ils disparoissent dans les couches supérieures de lacraie et au-dessus de cette formation. Les échinites, très-rares dans le calcaire alpin et même dans le muschelkalk,deviennent au contraire très-communs dans le calcaire du Jura, dans la craie et les terrains tertiaires. Mais rien nenous prouve que cette succession de différens types organi-ques, cette destruction graduelle des genres et des espèces,coincide nécessairement avec les époques où chaque terrains’est formé. «La considération de similitude ou de différence«entre les débris organiques n’est pas d’une grande impor-«tance, dit M. Beudant ( Voyage min., T. III, p. 278),«lorsque l’on compare des dépôts qui se sont formés dans«des contrées très-éloignées les unes des autres: elle est de«beaucoup d’importance, si l’on compare des dépôts très-«rapprochés.» Tout en combattant les conclusions trop absolues qu’onpourroit être tenté de tirer de la valeur des caractères zoolo-giques, je suis loin de nier les services importans que l’étudedes corps fossiles rend à la géognosie, si l’on considère cettescience sous un point de vue philosophique. La géognosiene se borne pas à chercher des caractères diagnostiques; elleembrasse l’ensemble des rapports sous lesquels on peut con-sidérer chaque formation: 1.° son gisement; 2.° sa constitu-tion oryctognostique (c’est-à-dire, sa composition chimique,et le mode particulier d’agrégation plus ou moins cristallinede ses molécules); 3.° l’association des différens corps orga-nisés que l’on y trouve enfouis. Si la superposition des massesrocheuses hétérogènes nous révèle l’ordre successif de leurformation, comment ne pas nous intéresser aussi à connoîtrel’état de la nature organique aux différentes époques où lesdépôts se sont formés? On ne peut révoquer en doute que, surune surface de plusieurs milliers de lieues carrées (en Thu-ringe et dans toute la partie septentrionale de l’Allemagne),neuf formations superposées, celles de calcaire de transition,de grauwacke, de grès rouge, de zechstein avec schiste bitu-mineux (de gypse muriatifère), de grès à oolithes (de gypseargileux), de muschelkalk et de grès blanc (quadersand-stein), ont pu être reconnues comme distinctes, sans re- |93| courir aucunement à l’emploi de caractères zoologiques;mais il ne suit pas de là que la recherche la plus minu-tieuse de ces caractères, ou, pour mieux dire, que la connois-sance la plus intime des fossiles contenus dans chacune desformations ne soit indispensable pour offrir un tableaucomplet et vraiment géognostique. Il en est de l’étude desterrains comme de celle des êtres organisés. La botanique etla zoologie, considérées de nos temps sous un point de vueplus élevé, ne se bornent plus à la recherche de quelquescaractères extérieurs et distinctifs des espèces; ces sciencesapprofondissent l’ensemble de l’organisation végétale et ani-male. Les caractères tirés des formés de la coquille suffisentpour distinguer les diverses espèces d’acéphales testacés. Re-garderoit-on pour cela comme superflue la connoissance desanimaux qui habitent ces mêmes coquilles? Telle est la con-nexité des phénomènes et de leurs rapports naturels (de ceuxde la vie, comme de ceux qu’offrent les dépôts pierreuxformés à différentes époques), que, si l’on en néglige quelques-uns, on se forme non-seulement une image incomplète, maisle plus souvent une image infidèle. Dans le cas de la conformité de gisement, il peut y avoiridentité de masse (c’est-à-dire de composition minéralogique)et diversité de fossiles, ou diversité de masse et identité defossiles. Les roches β et β′ placées à de grandes distanceshorizontales entre deux formations identiques α et γ, ouappartiennent à une même formation, ou sont des forma-tions parallèles. Dans le premier cas, leur composition miné-rale est semblable; mais, à cause de la distance des lieux etdes effets climatériques, les débris organiques qu’elles ren-ferment, peuvent différer considérablement. Dans le secondcas, la composition minéralogique est différente, mais lesdébris organiques peuvent être analogues. Je pense que lesmots, formations identiques, formations parallèles, indiquent laconformité ou non-conformité de composition minéralogique,mais qu’ils ne font rien préjuger sur l’identité des fossiles.S’il est assez probable que des dépôts β et β′, placés à degrandes distances horizontales entre les mêmes roches α et γ,sont formés à la même époque, parce qu’ils renferment lesmêmes fossiles et une masse analogue, il n’est pas également |94| probable que les époques de formation sont très-éloignéesles unes des autres, lorsque les fossiles sont distincts. Onpeut concevoir que sous une même zone, dans un pays depeu d’étendue, des générations d’animaux se sont succédé,et ont caractérisé, comme par des types particuliers, les époques des formations; mais à de grands éloignemens hori-zontaux des êtres de formes très-diverses peuvent, sous diffé-rens climats, avoir occupé simultanément la surface du globeou le bassin des mers. Il y a plus encore: le gisement de βentre α et γ prouve que la formation de β est antérieure àcelle de γ, postérieure à celle de α; mais rien ne nousdonne la mesure absolue de l’intervalle entre les époques-limites, et différens dépôts (isolés) de β peuvent ne pas êtresimultanés. Il semble résulter des faits que le zèle et la sagacité desnaturalistes ont réunis depuis un petit nombre d’années, que,si l’on ne doit pas toujours s’attendre à trouver, comme leprétendoit Lister, dans chaque formation différente d’autresdépouilles de corps organisés, le plus souvent des formationsreconnues pour identiques par leur gisement et leur compo-sition renferment, dans les contrées les plus éloignées duglobe, des associations d’espèces entièrement semblables. M. Brongniart, dont les travaux, joints à ceux de MM. Lamarck, Defrance, Beudant, Desmarest, Prevost, Férussac, Schlott-heim, Wahlenberg, Buckland, Webster, Phillips, Greenough, Warburton, Sowerby, Brocchi, Soldani, Cortesi, et d’autresminéralogistes célèbres, ont tant avancé l’étude de la conchy-liologie souterraine, a fait voir récemment les analogies frap-pantes qu’offrent, sous le rapport des corps fossiles, certainsterrains d’Europe et de l’Amérique septentrionale. Il a essayéde prouver qu’une formation est parfois tellement déguisée,que ce n’est que par des caractères zoologiques que l’on peut lareconnoître ( Brongniart, Hist. nat. des crustacés fossiles, p. 57,62). Dans l’étude des formations, comme dans toutes les sciencesphysiques descriptives, ce n’est que l’ensemble de plusieurscaractères qui doit nous guider dans la recherche de la vérité.La description spécifique des débris de plantes et d’animauxrenfermés dans les divers terrains, nous en offre pour ainsidire la Flore ou la Faune. Or, dans le monde primordial, |95| comme dans celui d’aujourd’hui, la végétation et les pro-ductions animales des diverses portions du globe paroissentavoir été moins caractérisées par quelques formes isolées d’unaspect extraordinaire, que par l’association de beaucoup deformes spécifiquement différentes, mais analogues entre elles,malgré la distance des lieux. En découvrant une nouvelleterre près du détroit de Torres, il ne seroit pas aisé de dé-terminer, d’après un petit nombre de productions, si cetteterre est contigue à la Nouvelle-Hollande, ou à l’une des îlesMoluques ou à la Nouvelle-Guinée. Comparer des forma-tions sous le rapport des fossiles, c’est comparer des Flores et des Faunes de divers pays et de diverses époques; c’estrésoudre un problème d’autant plus compliqué qu’il est mo-difié à la fois par l’espace et le temps. Parmi les caractères zoologiques appliqués à la géognosie,l’absence de certains fossiles caractérise souvent mieux les for-mations que leur présence. C’est le cas des roches de transi-tion: on n’y trouve généralement que des madrépores, des en-crinites, des trilobites, des orthocératites et des coquilles dela famille des térébratules, c’est-à-dire des fossiles dont quel-ques espèces, non identiques, mais analogues, se rencontrentdans des couches secondaires très-modernes; mais ces rochesde transition sont privées de bien d’autres dépouilles de corpsorganisés, qui paroissent en abondance au-dessus du grès rouge.Le jugement que l’on porte sur l’absence de certaines es-pèces, ou sur l’absence totale des corps fossiles, peut cepen-dant être fondé sur une erreur qu’il sera utile de signalerici. En examinant en grand les formations coquillières, onobserve que les corps organisés ne sont pas toujours égale-ment distribués dans la masse; mais 1.°, que des strates en-tièrement dépourvus de fossiles alternent avec d’autres stratesqui en fourmillent; 2.° que, dans une même formation, desassociations particulières de fossiles caractérisent certainsstrates qui alternent avec d’autres strates à fossiles distincts.Ce phénomène, observé depuis long-temps, se retrouve dansle muschelkalk et dans le calcaire alpin (zechstein), qu’unecouche de trochites sépare souvent du grès houiller ( Buch, Beob., T. I, p. 135, 146, 171); il est propre aussi au calcairedu Jura et à plusieurs formations tertiaires. En n’étudiant que |96| la craie des environs de Paris, on pourroit presque croire queles coquilles univalves manquent entièrement à cette forma-tion: cependant les univalves polythalames, les ammonites,comme nous l’avons rappelé déjà, sont très-communs en Angleterre, dans les couches les plus anciennes de la craie.Même en France (côte de Sainte-Catherine près de Caen)la craie tuffeau et la craie chloritée contiennent beaucoupde fossiles que l’on ne trouve pas dans la craie blanche( Brongniart, Caractères zool., p. 12). Comme dans différenspays les terrains ne se sont pas développés également, etque l’on peut prendre des lambeaux de formations pour desformations entières et complètes, celles qui sont dépourvuesde coquilles dans une région, peuvent en offrir dans uneautre. Cette considération est importante pour obvier à latendance assez générale de trop multiplier les formations;car, lorsque sur un même point du globe un terrain (parexemple de grès) abonde dans sa partie inférieure en corpsfossiles, et que sa partie supérieure en manque entière-ment, cette seule absence des fossiles ne justifie pas lascission du même terrain en deux formations distinctes. Dansla description géologique des environs de Paris, M. Brongniart a très-bien réuni les meulières sans coquilles avec celles quisont comme pétries de coquilles d’eau douce. Nous venons de voir qu’une formation peut renfermerdans différens strates des pétrifications spécifiquement diffé-rentes, mais que le plus souvent quelques espèces du strateinférieur se mêlent à la grande masse d’espèces hétérogènesqui se trouvent réunies dans le strate superposé. Lorsquecette différence porte sur des genres dont les uns sont descoquilles pélagiques, les autres des coquilles d’eau douce,le problème de l’unité ou de l’indivisibilité d’une formationdevient plus embarrassant. Il faut d’abord distinguer deuxcas: celui où quelques coquilles fluviatiles se trouventmêlées à une grande masse de coquilles marines, et celui oùdes coquilles marines et fluviatiles pourroient alterner couchepar couche. MM. Gilet de Laumont et Beudant ont faitdes observations intéressantes sur ce mélange de produc-tions marines et d’eau douce dans une même couche. M. Beudant a prouvé, par des expériences ingénieuses, com- |97| ment beaucoup de mollusques fluviatiles s’habituent gra-duellement à vivre dans une eau qui a toute la salure del’océan. Le même savant a examiné, conjointement avec M. Marcel de Serres, certaines espèces de paludines qui, préfé-rant les eaux saumâtres, se trouvent près de nos côtes,tantôt avec des coquilles pélagiques, tantôt avec des co-quilles fluviatiles. ( Journ. de phys., T. LXXXIII, p. 137, T. LXXXVIII, p. 211; Brongniart, Géogr. min., p. 27, 54,89.) A ces faits curieux se joignent d’autres faits, quej’ai publiés dans la Relation de mon Voyage aux régions équi-noxiales (T. I., p. 535 et T. II, p. 606), et qui semblentexpliquer ce qui s’est passé jadis sur le globe, d’après ce quenous observons encore aujourd’hui. Sur les côtes de laTerre-ferme, entre Cumana et Nueva-Barcelona, j’ai vu descrocodiles s’avancer loin dans la mer. Pigafetta a fait lamême observation sur les crocodiles de Bornéo. Au sudde l’île de Cuba, dans le golfe de Xagua, il y a des laman-tins dans la mer, sur un point où, au milieu de l’eau salée,jaillissent des sources d’eau douce. Lorsqu’on réfléchit surl’ensemble de ces faits, on est moins étonné du mélange dequelques productions terrestres avec beaucoup de produc-tions incontestablement marines. Le second cas que nousavons indiqué, celui de l’alternance, ne s’est jamais pré-senté, je crois, d’une manière aussi prononcée que l’alter-nance du thonschiefer et du calcaire noir dans un mêmeterrain de transition, ou (pour rappeler un fait qui a rap-port à la distribution des corps organisés) que l’alternancede deux grandes formations marines (calcaire à cérites et grèsde Romainville) avec deux grandes formations d’eau douce(gypse et meulières du plateau de Montmorency). Ce quel’observation attentive des superpositions a offert jusqu’ici, seréduit à des couches alternantes de gypse et de marne, placéesentre deux formations marines, et renfermant au centre(dans leur plus grande masse) des productions terrestres etd’eau douce, et vers les limites supérieure et inférieure, tantdans le gypse que dans les marnes, des productions marines:telle est la constitution géologique du gypse de Montmartre.La variation spécifique dans les pétrifications, le mélangeobservé à Pierrelaie, et le phénomène d’alternance que pré- |98| sente Montmartre, ne suffisent pas pour motiver le morcel-lement d’une même formation. Les marnes et le gypse, quirenferment des coquilles marines (n.° 26 de la troisième masse),ne peuvent être géognostiquement séparés des marnes et desgypses qui renferment des productions d’eau douce. AussiMM. Cuvier et Brongniart n’ont pas hésité de considérer l’en-semble de ces marnes et de ces gypses marins et d’eau doucecomme un même terrain. Ces savans ont même cité cetteréunion de couches alternantes comme un des exemples lesplus clairs de ce que l’on doit entendre par le mot formation. ( Géogr. minér., p. 31, 39, 189.) En effet, dans un mêmeterrain peuvent être renfermés différens systèmes de couches:ce sont des groupes, des sous-divisions, ou, comme disent lesgéognostes de l’école de Freiberg, des membres plus oumoins développés d’une même formation ( Freiesleben, Kupf.,T. I, p. 17, T. III, p. 1). Malgré le mélange de coquilles pélagiques et fluviatilesque l’on observe quelquefois au contact de deux formationsd’origine différente, on peut donner à l’une de ces forma-tions le nom de calcaire ou de grès marin, lorsqu’on ne veuttirer la dénomination des roches que des espèces qui consti-tuent la plus grande masse et le centre des couches. Cetteterminologie rappelle un fait qui a rapport, pour ainsi dire,à la géogonie, à l’ancienne histoire de notre planète: elle pré-cise (et peut-être un peu trop) l’alternance des eaux douceset des eaux salées. Je ne conteste pas l’utilité des dénominations grès ou calcaire marin pour des descriptions locales; mais,d’après les principes que je me suis proposé de suivre dansle tableau général des formations caractérisées d’après laplace qu’elles occupent comme termes d’une série, j’ai crudevoir l’éviter avec soin. Tous les terrains au-dessous dela craie et même au-dessous du calcaire à cérites (calcairegrossier du bassin de Paris) sont-ils, sans exception, des calcaires et des grès marins? Ou les monitors et les poissonsdes schistes cuivreux dans le calcaire alpin de Thuringe;les ichthyosaures de M. Home, placés au-dessous des ooli-thes d’Oxford et de Bath, dans le lyas de l’Angleterre (quisur le continent est représenté par une partie du calcaire du Jura); les crocodiles de Honfleur, enfouis dans des argiles |99| avec bancs calcaires au-dessus des oolithes de Dive et du cal-caire d’Isigny, par conséquent supérieurs au calcaire du Jura,prouvent-ils qu’il y a déjà au-dessous de la craie, entre ceterrain et le grès rouge, de petites formations d’eau douce,intercalées aux grandes formations marines? Les houilles àfougères sous le grès rouge et sous le porphyre secondaire nenous offrent-elles pas un exemple évident d’une très-ancienneformation non marine? Ces circonstances prescrivent, dansl’état actuel de la science, beaucoup de réserve, lorsqu’onse hasarde, d’après des caractères purement zoologiques, demorceler des terrains dont l’unité a paru constatée parl’alternance des mêmes couches et par d’autres phénomènesde gisement. ( Engelhard et Raumer, Geogn. Vers., p. 125 —133.) Cette réserve est d’autant plus nécessaire que, d’aprèsle témoignage d’un minéralogiste qui a long-temps approfondicette matière, M. Brongniart, «il existe une espèce detransition entre la formation du calcaire marin et du gypsed’eau douce qui suit ce calcaire, et que ces deux terrainsn’offrent pas cette séparation brusque qui se montre, sur lesmêmes lieux, entre la craie et le calcaire grossier, c’est-à-direentre deux formations marines. On ne peut douter, ajoutele même observateur, que les premières couches de gypsen’aient été déposées dans un liquide analogue à la mer, tan-dis que les suivantes ont été déposées dans un liquide ana-logue à l’eau douce.» ( Géogr. min., p. 168 et 193.) En énonçant les motifs qui m’empêchent de généraliserune terminologie fondée sur le contraste entre des produc-tions d’eau douce et des productions marines, je suis loinde contester l’existence d’une formation d’eau douce supé-rieure à toutes les autres formations tertiaires, et qui nerenferme que des bulimes, des limnées, des cyclostomes etdes potamides. Des observations récentes ont démontré com-bien cette formation est plus répandue qu’on ne l’avoitcru d’abord. C’est un nouveau et dernier terme à ajouter àla série géognostique. Nous devons la connoissance plus in-time de ce calcaire d’eau douce aux utiles travaux de M. Brongniart. Les phénomènes qu’offrent les formations d’eaudouce, dont l’existence n’étoit anciennement connue quepar les tuffs de la Thuringe et par le Travertin toujours re- |100| naissant des plaines de Rome ( Reuss, Geogn., T. II, p. 642; Buch, Geogn. Beob., T. II, p. 21—30), se lient de la ma-nière la plus satisfaisante aux lois admirables que M. Cuviera reconnues dans le gisement des os des quadrupèdes vivi-pares. ( Brongniart, Annales du Muséum, T. XV, p. 357, 581; Cuvier, Rech. sur les ossem. fossiles, T. I, p. LIV.) La distinction entre les coquilles fossiles fluviatiles et mari-nes est l’objet de recherches très-délicates: car il peut arriver,lorsque les dépouilles des corps organisés se détachent diffici-lement de la masse du calcaire siliceux qui les renferme, qu’onconfonde des ampullaires avec des natices, des potamidesavec des cérites. Dans la famille des conques on ne sépareavec certitude les cyclades et les cyrènes, des vénus et des lu-cines, que par l’examen des dents de la charnière. Le travailque M. de Férussac a entrepris sur les coquilles terrestres etfluviatiles, jettera beaucoup de jour sur cet objet important.D’ailleurs, lorsqu’on croit voir un genre de coquilles péla-giques au milieu d’un genre de coquilles d’eau douce, onpeut agiter la question, si effectivement les mêmes types gé-nériques ne peuvent se retrouver dans les lacs et dans les mers.On connoît déjà l’exemple d’un véritable mytilus fluviatile.Peut-être les ampullaires et les corbules offriront-ils des mé-langes analogues de formes marines et de formes d’eau douce.(Voyez un mémoire de M. Valenciennes, inséré dans mon Recueil d’obs. de zoologie et d’anatomie comparée, T. II, p. 218.) Il résulte de ces considérations générales sur les caractèreszoologiques et sur l’étude des corps fossiles, que, malgré lesbeaux et anciens travaux de Camper, de Blumenbach et de Sömmering, l’exacte détermination spécifique des espèces,et l’examen de leurs rapports avec des couches très-récenteset voisines de la craie, ne datent que de vingt-cinq ans. Jepense que cette étude des corps fossiles, appliquée à toutesles autres couches secondaires et intermédiaires par desgéognostes qui consultent en même temps le gisement et lacomposition minérale des roches, loin de renverser tout lesystème des formations déjà établies, servira plutôt à étayerce système, à le perfectionner, à en compléter le vaste ta-bleau. On peut envisager sans doute la science géognostiquedes formations sous des points de vue très-différens, selon |101| que l’on s’attache de préférence à la superposition des massesminérales, à leur composition (c’est-à-dire, à leur analysechimique et mécanique), ou aux fossiles qui se trouvent ren-fermés dans plusieurs de ces masses; cependant la sciencegéognostique est une. Les dénominations, géognosie de gise-ment ou de superposition, géognosie oryctognostique (analysantle tissu des masses), géognosie des fossiles, désignent, je nedirai pas, des embranchemens d’une même science, maisdiverses classes de rapports que l’on tâche d’isoler pour lesétudier plus particulièrement. Cette unité de la science, etle vaste champ qu’elle embrasse, avoient été très-bien reconnuspar Werner, le créateur de la géognosie positive. Quoiqu’il nepossédât pas les moyens nécessaires pour se livrer à une déter-mination rigoureuse des espèces fossiles, il n’a cessé, dans sescours, de fixer l’attention de ses élèves sur les rapports quiexistent entre certains fossiles et les formations de différensâges. J’ai été témoin de la vive satisfaction qu’il éprouva, lors-qu’en 1792 M. de Schlottheim, géognoste des plus distinguésde l’école de Freiberg, commença à faire de ces rapports l’objetprincipal de ses études. La géognosie positive s’enrichit de toutesles découvertes qui ont été faites sur la constitution minérale duglobe; elle fournit à une autre science, improprement appelée théorie de la terre, et qui embrasse l’histoire première descatastrophes de notre planète, les matériaux les plus précieux.Elle réfléchit plus de lumières sur cette science qu’elle n’enreçoit d’elle à son tour; et, sans révoquer en doute l’anciennefluidité ou le ramollissement de toutes les couches pierreuses(phénomène qui se manifeste par les corps fossiles, par l’as-pect cristallin des masses, par les cailloux roulés ou les frag-mens empâtés dans les roches de transition et les rochessecondaires), la géognosie positive ne prononce point sur lanature de ces liquides dans lesquels, dit-on, les dépôts sesont formés, sur ces eaux de granite, de porphyre et de gypse, que la géologie hypothétique fait arriver, marée par marée,sur un même point du globe. Dans le tableau des formations je n’ai point indiqué l’incli-naison des strates comme caractère géognostique. Nul doute quela discordance de deux roches (Ungleichförmigkeit der Lage-rung), c’est-à-dire, le manque de parallélisme dans leur direc- |102| tion et leur inclinaison, ne soit le plus souvent une preuve évi-dente de l’indépendance des formations; nul doute que lagrande inclinaison du terrain houiller (coal-measures), dugrès rouge et des roches de transition, si justement opposée en Angleterre par M. Buckland à l’horizontalité du calcaire ma-gnésien, du red-marl, du lyas et de toutes les couches plusmodernes encore, ne soit un phénomène très-digne d’atten-tion: mais, dans d’autres régions de la terre, sur le continentde l’Europe et dans l’Amérique équinoxiale, le calcaire alpinet le calcaire du Jura, qui représentent ces formations horizon-tales de l’Angleterre, sont très-inclinés aussi. En embrassantsous un même point de vue de vastes étendues du globe, les Alpes, les montagnes métallifères de la Saxe, les Apennins,les Andes de la Nouvelle-Grenade et les Cordillères du Mexi-que, on observe que l’inclinaison des strates n’augmente pasdu tout (comme on le répète encore souvent dans des ouvragestrès-estimés) selon l’âge des formations. Il y a quelquefois, etsur des étendues de terrain très-considérables, des couchespresque horizontales parmi les roches très-anciennes; et, quiplus est, ces phénomènes s’observent plutôt parmi les rochesprimitives que parmi les roches de transition, et dans lespremières plutôt parmi les gneis et les granites stratifiés queparmi les thonschiefer et les micaschistes. Il m’a paru, en gé-néral, que les roches les plus inclinées se trouvent (si l’on faitabstraction de couches très-rapprochées des hautes chaînes demontagnes) entre le micaschiste primitif et le grès rouge.L’horizontalité des strates n’est bien générale et bien prononcéequ’au-dessus de la craie, dans les terrains tertiaires, parconséquent dans des masses d’une épaisseur comparativementpeu considérable. Ce n’est point ici le lieu d’approfondir la question de savoirsi toutes les couches inclinées sont des couches relevées,comme le prétendoit Stenon dès l’année 1667, et comme lesemble prouver le phénomène local de galets ou fragmensaplatis placés parallèlement aux surfaces des couches inclinéesdans des conglomérats de transition (grauwacke) et dans lenagelfluhe, ou s’il est possible que des attractions que l’onsuppose avoir agi à la fois sur une grande partie de la surfacedu globe, ont produit dans nos plaines des strates inclinés dès |103| leur origine, semblables à ces lames superposées, et sans con-tredit primitivement inclinées, qui forment le clivage d’uncristal. Certains grès (Nebra) offrent un parallélisme très-régulier dans leurs feuillets les plus minces, coupant sous unangle de 20° à 35° les fissures de stratification horizontalesou inclinées. Sans vouloir tenter de résoudre ces problèmes,il me sera permis de réunir à la fin de cette introductionquelques faits qui se lient à l’étude des gisemens. Lorsqu’aumilieu de pays non montagneux, ou sur des plateaux noninterrompus par des vallées, où la roche reste constammentvisible, on voyage pendant huit à dix lieues dans une direc-tion qui coupe celle des couches à angle droit, et que l’ontrouve ces couches (de thonschiefer de transition) parallèlesentre elles, presque également inclinées de 50 à 60 degrés,vers le nord-ouest par exemple, on a de la peine à seformer une idée d’un relèvement ou d’un abaissement siuniformes, et des dimensions de la montagne ou du creux,qu’on doit admettre pour expliquer par une impulsion vio-lente et simultanée cette inclinaison des strates. En raison-nant sur l’origine des couches inclinées, il faut distinguerdeux circonstances très-différentes: leur position dans laproximité d’une haute chaîne de montagnes qui est traverséepar des vallées longitudinales ou transversales, et leur po-sition loin de toute chaîne de montagnes, au milieu desplaines ou de plateaux peu élevés. Dans le premier cas, leseffets du relèvement paroissent souvent incontestables, et lescouches inclinent assez généralement vers la chaîne, c’est-à-dire sur la pente septentrionale des Alpes au sud, sur la penteméridionale, mais beaucoup moins régulièrement, au nord( Buch, in Schr. Nat. Freunde, 1809, p. 103, 109, 179, 181; Bernouilli, Schweiz. Miner., p. 23); mais, à de grandes dis-tances de la chaîne, celle-ci paroît influer sur la seule direc-tion des couches, et non sur leur inclinaison. J’ai été, dès l’année 1792, très-attentif à ce parallélisme ouplutôt à ce loxodromisme des couches. Habitant des montagnesde roches stratifiées où ce phénomène est très-constant, exa-minant la direction et l’inclinaison des couches primitives etde transition, depuis la côte de Gênes, à travers la chaîne dela Bochetta, les plaines de la Lombardie, les Alpes du Saint- |104| Gothard, le plateau de la Souabe, les montagnes de Baireuth et les plaines de l’Allemagne septentrionale, j’avois été frappé,sinon de la constance, du moins de l’extrême fréquence desdirections hor. 3—4 de la boussole de Freiberg (du sud-ouestau nord-est). Cette recherche, que je croyois devoir con-duire les physiciens à la découverte d’une grande loi de lanature, avoit alors tant d’attraits pour moi, qu’elle est de-venue un des motifs les plus puissans de mon voyage à l’équa-teur. Lorsque j’arrivai sur les côtes de Venezuela, et que jeparcourus la haute chaîne du littoral, et les montagnes degranite-gneis qui se prolongent du Bas-Orénoque au bassindu Rio Negro et de l’Amazone, je reconnus de nouveau, dansla direction des couches, le parallélisme le plus surprenant.Cette direction étoit encore hor. 3—4 (ou N. 45° E.),peut-être parce que la chaîne du littoral de Venezuela nes’éloigne pas considérablement de l’angle que fait avec leméridien la chaîne centrale de l’Europe. J’ai énoncé lespremiers résultats que m’offroient les roches primitives etde transition de l’Amérique méridionale, dans un mémoirepublié par M. de Lamétherie, dans son Journal de Physique, T. 54, p. 46. J’y ai mêlé (comme cela arrive souvent auxvoyageurs, lorsqu’ils publient le résultat de leurs travauxpendant le cours même du voyage), à des observationstrès-précises sur la grande uniformité dans la directiondes couches (à l’isthme d’Araya, à la Silla de Caracas, au Cambury près Portocabello, sur les rives du Cassiquiare:voyez ma Relat. hist., T. I, p. 393, 542, 564, 578, T. II,p. 81, 99, 125, 141), des aperçus généraux que j’ai regardésdepuis comme vagues et moins exacts. Quatre années decourses dans les Cordillères ont rectifié mes idées sur unphénomène qui est beaucoup plus important qu’on ne l’avoitcru autrefois; et, de retour en Europe, je me suis empresséde consigner le résultat général de mes observations dansla Géographie des plantes, p. 116, et dans l’ Essai politique sur laNouvelle-Espagne, T. II, p. 520. L’indication de ce résultatétoit sans doute restée inconnue au savant auteur du Criticalexamination of Geology (p. 276), lorsqu’il a combattu les asser-tions publiées pendant mon absence, en 1799, par M. deLamétherie. |105| Il n’existe dans aucun hémisphère, parmi les roches, uneuniformité générale et absolue de direction; mais, dans desrégions d’une étendue très-considérable, quelquefois sur plu-sieurs milliers de lieues carrées, on reconnoît que la direction,plus rarement l’inclinaison, ont été déterminées par un sys-tème de forces particulier. On y découvre, à des distancestrès-grandes, un parallélisme de couches, une direction dont letype se manifeste au milieu des perturbations partielles, et quireste souvent le même dans les terrains primitifs et de tran-sition. Cette identité de direction s’observe plus fréquemmentloin des hautes chaînes alpines très-élevées, que dans ceschaînes mêmes, où les strates se trouvent contournés, redres-sés et brisés. Assez généralement, et ce fait avoit déjà frappéM. Palassou ( Essai sur la Min. des Pyrénées, 1781) et mêmeM. de Saussure ( Voyages dans les Alpes, §. 2302), la direc-tion de couches très-éloignées des chaînes principales suitla direction de ces chaînes de montagnes. Cette unifor-mité de parallélisme des couches (du nord-est au sud-ouest)a été observée dans une grande partie de l’Allemagne sep-tentrionale, au Fichtelgebirge, en Franconie et sur les bordsdu Rhin; en Belgique; aux Ardennes; dans les Vosges; dansle Cotentin; dans la Tarantaise; dans la majeure partie des Alpes de la Suisse et en Écosse. Je ne citerai que des géognostesmodernes, très-exercés à ce genre d’observations, et d’autantplus attentifs à la direction et à l’inclinaison des strates,que les assertions que j’avois émises sur un parallélisme ou loxodromisme à de grandes distances avoient excité de vivescontestations. «Qu’on vienne, dit M. Boué, examiner en«Écosse, la boussole à la main, la position des masses mi-«nérales, et qu’on sache s’arrêter aux faits généraux; l’on«s’apercevra que la direction des couches est constante et«correspond à celle des chaînes du sud-ouest au nord-est,«mais que l’inclinaison varie d’après des circonstances lo-«cales.» ( Raumer, Geogn. Versuche, p. 41, 44, 48; Id.,Fragmente, p. 58, 64. Goldfuss et Bischof, Fichtelg., T. I,p. 189. Omalius d’Halloy, dans le Journal des mines, 1808, p. 463. Brochant, Observ. géol. sur les terrains de transition, p. 14. Escher, dans l’Alpina, T. IV, p. 337; Gruner, dans l’Isis, 1805, Oct., p. 181. Bernoulli, Schweiz. Min., p. 19—24. Ebel, Alpen, |106| T. I, p. 220; T. II, p. 201, 215, 357. Boué, Géol. d’Écosse, p. 13.) Dans les Pyrénées la direction générale des stratesest, d’après les belles observations de MM. Palassou, Ra-mond, Charpentier et d’Aubuisson, comme la directiongénérale de la chaîne, N. 68° O., ou de l’est-sud-est àl’ouest-nord-ouest. ( Ramond, Pyrén., T. I, p. 57, T. II,p. 354; d’Aubuisson, Géologie, T. I, p. 342.) Cette mêmerégularité règne dans le Caucase. Aux États-unis de l’Amé-rique septentrionale, les roches primitives et intermédiairessont dirigées, d’après M. Maclure, comme la chaîne des Alleghanys, du nord-est au sud-ouest. Les directions du nordau sud ou du nord-nord-est au sud-sud-ouest prédominent en Suède et en Finlande. ( Haussmann, dans les Mémoires del’Académie de Munic, 1808, P. I, p. 147. Buch, Lappland, T. I, p. 277, 298. Hisinger, Min. Geogr. von Schweden, p.465. Engelhardt, Felsgebilde Russlands, p. 18.) Dans les Cor-dillères du Mexique on observe un type de direction très-général: les couches qui forment le plateau se dirigent dusud-est au nord-ouest, parallèlement à la direction de la chaîne d’Anahuac, tandis que l’axe volcanique (la ligne quipasse, entre les 18° 59′ et 19° 12′ de latitude, par le Picd’Orizaba, les deux volcans de la Puebla, le Nevado deToluca, le Pic de Tancitaro et le volcan de Colima, lignequi est en même temps le parallèle des plus grandes élévations)se prolonge de l’est à l’ouest, comme une crevasse qui tra-verse l’isthme mexicain d’une mer à l’autre. ( Essai politique, T. II, p. 253.) Comme nous ignorons les causes primordiales des phéno-mènes, la philosophie naturelle, dont la géognosie sera unjour une des parties les plus intéressantes, doît s’arrêter àla connoissance des lois; et, dans le phénomène qui nousoccupe, ces lois peuvent être soumises à des mesures exactes.Il ne faut point oublier que les lignes de direction des couches(Streichungslinien) rencontrent les méridiens, lorsqu’à degrandes distances ces couches sont, par exemple, uniformé-ment dirigées N. 45° E., comme les élémens d’une ligne loxo-dromique, sans être parallèles dans l’espace. La directiondes couches anciennes (primitives et de transition) n’est pasun petit phénomène de localité: c’est au contraire un phé- |107| nomène indépendant de la direction des chaînes secondaires,de leurs embranchemens et de la sinuosité de leurs vallées;un phénomène dont la cause a agi, d’une manière uni-forme, à de prodigieuses distances, par exemple, dans l’an-cien continent, entre les 43° et 57° de latitude, depuisl’Écosse jusqu’aux confins de l’Asie. Quelle est cette influenceapparente des hautes chaînes alpines sur des couches qui,quelquefois, en sont éloignées de plus de cent lieues? J’aide la peine à croire que la même catastrophe ait soulevéles montagnes et incliné les strates dans les plaines, de sorteque la tranche de ces strates, jadis tous horizontaux, au-jourd’hui tous inclinés de 50° à 60°, et formant la surface duglobe, se seroit trouvée à de grandes profondeurs. Les chaînesdes montagnes alpines ont-elles été soulevées? Sont-ellessorties (semblables à cette rangée de cimes volcaniques dansles plaines de Jorullo, entre la ville de Mexico et les côtesde la mer du Sud), sur des crevasses formées parallèlementà la direction de couches inclinées déjà préexistantes? En traçant le tableau géognostique des formations, j’ai dûm’abstenir de citer à chaque observation la source à laquelleje l’ai puisée. La géognosie positive est une science qui nedate que de la fin du dernier siècle, et il n’est pas facile,je pourrois ajouter, il n’est pas sans danger, de faire l’histoired’une science si moderne. Quoique dans le cours d’une vielaborieuse j’aie eu le bonheur de voir une plus grande éten-due de montagnes qu’aucun autre géognoste, le peu que j’aiobservé se perd dans la grande masse des faits que j’en-treprends d’exposer ici. Ce que ce Traité des formationsrenferme d’important, est dû aux efforts réunis de mes con-temporains. J’ai voulu présenter aux lecteurs, d’une ma-nière concise, l’enchaînement des découvertes qui ont étéfaites: j’ai cru pouvoir ajouter ce qui est seulement pro-bable à ce qui me paroît entièrement constaté. Si j’avoisatteint le but que je me suis proposé, les hommes supérieursqui en Allemagne, en France, en Angleterre, en Suède eten Italie, ont contribué à agrandir l’édifice de la sciencegéognostique, devroient reconnoître à chaque page les résul-tats de leurs travaux. J’ai rejeté dans des notes, à la fin dutableau, les citations des faits moins généralement connus, et je |108| n’ai nommé dans le tableau même que les savans qui ontbien voulu me communiquer des observations et des aperçusqu’ils n’ont point encore publiés. Les communications lespius nombreuses et les plus intéressantes de ce genre sontcelles que je dois, depuis quinze ans, à M. Léopold de Buch,avec lequel j’ai eu l’avantage de faire mes premières étudesminéralogiques sous un grand maître, et qui, sur une vasteétendue de terrains (entre les 28° et les 71° de latitude),a recueilli des matériaux précieux pour la géognosie, l’his-toire de l’atmosphère et la géographie des végétaux. J’ai faitusage, dans le cours de mon travail, de plusieurs notesinédites que ce savant a bien voulu me donner sur le tissucristallin des trachytes que j’ai rapportés des Cordillères, etsur l’ordre des formations en Suisse, en Angleterre, en Écosse, en Toscane et dans les environs de Rome. J’ai aussieu l’avantage de le consulter, pendant les différens séjoursqu’il a faits à Paris, sur ce qui me paroissoit douteux dansle gisement des formations. Toutes les observations relativesà la Hongrie sont tirées du Voyage minéralogique de M. Beu-dant, qui est sur le point de paroître, et dans lequel laplupart des questions de gisement sont traitées avec unegrande supériorité. Mon compatriote, M. de Charpentier,directeur des salines de Suisse, a bien voulu me communi-quer son excellente description des Pyrénées, travail le pluscomplet que l’on possède sur une grande chaîne de mon-tagnes. Plusieurs renseignemens sur les porphyres d’Europe sont tirés d’une notice que j’ai écrite, pour ainsi dire, sousla dictée de M. Werner, lorsque cet homme célèbre estvenu, pour quelques jours, de Carlsbad à Vienne (en 1811),pour s’entretenir avec moi sur la constitution géognostique dela Cordillère des Andes et du Mexique. C’est un devoir biendoux à remplir que de donner un témoignage public de re-connoissance à ceux dont la mémoire nous est chère. Je n’aipas tiré tout le parti que j’aurois voulu des travaux importansde MM. Maculloch, Jameson, Weawer, Berger, et d’autresmembres des Sociétés géologique et wernérienne, en Angleterre,parce que j’ai eraint de prononcer sur l’identité des forma-tions d’un pays que je ne connois pas, au nord des montagnesdu Derbyshire, et qui, dans ce moment, est exploré avectant de zèle et de succès. |109| En indiquant pour chaque formation les noms de quelques-uns des lieux où elles se trouvent (ce que les botanistes ap-pellent les habitations), je n’ai eu aucunement la prétentiond’étendre le domaine de la géographie minéralogique: je n’aivoulu que présenter des exemples de gisement bien observés.Les exemples ne sont pas toujours choisis parmi des contréesqui, par les descriptions de géognostes célèbres, sont devenues,pour ainsi dire, classiques. Il a fallu nommer quelquefois, dansl’autre hémisphère, des lieux qu’on ne trouve sur aucunede nos cartes. Allemont, Dudley, cap de Gates, Mansfield et Œningue sont plus connus des minéralogistes que les grandesprovinces métallifères d’Antioquia, des Guamalies et de Za-catecas. Pour faciliter ce genre de recherches, j’ai souventajouté, entre deux parenthèses, des renseignemens géogra-phiques, par exemple, Quindiu (Nouvelle-Grenade), Ticsan (Andes de Quito), Tomependa (plaines de l’Amazone). Acôté de l’indication des lieux où prédomine telle ou telleformation, j’ai tâché de faire connoître l’ordre entier desuperposition qui a été observé avec quelque certitude surdes points très-éloignés, par exemple, dans les Cordillères des Andes, en Norwége, en Allemagne, en Angleterre, en Hon-grie et au Caucase. Ces descriptions de coupes, qui présententdes matériaux pour la construction, si long-temps désirée,d’un Atlas géognostique, sont, pour ainsi dire, les piècesjustificatives d’un tableau général des roches; car la géo-gnosie, lorsqu’elle s’occupe de la série des formations, està la géographie minéralogique ce que l’hydrographie com-parée est à la topographie des grands fleuves, tracée isolé-ment. C’est de la connoissance intime des influences qu’exer-cent les inégalités du terrain, la fonte des neiges, les pluiespériodiques et les marées, sur la vîtesse, sur les sinuosités, surles étranglemens, sur les bifurcations et sur la forme desembouchures du Danube, du Nil, du Gange, de l’Amazone,que résulte une théorie générale des fleuves, ou, pour mieuxdire, un système de lois empiriques qui embrassent ce que l’ona trouvé de commun et d’analogue dans les phénomènes lo-caux et partiels. (Voyez quelques élémens de cette hydrogra-phie comparée, dans ma Relat. histor., T. II, p. 517—526 et657 — 664.) La géognosie des formations offre aussi des lois |110| empiriques, qui ont été abstraites d’un grand nombre de casparticuliers. Fondée sur la géographie minéralogique, elleen diffère essentiellement, et cette différence entre l’abstrac-tion et l’observation individuelle peut devenir, chez desgéognostes qui ne connoissent qu’un seul pays, la cause dequelques jugemens erronés sur la précision d’un tableau gé-néral des terrains. Les sciences physiques reposent en grande partie sur desinductions; et plus ces inductions deviennent complètes,plus aussi les circonstances locales qui accompagnent chaquephénomène, se trouvent exclues de l’énoncé des lois géné-rales. L’histoire même de la géognosie justifie cette asser-tion. Werner, en créant la science géognostique, a reconnu,avec une perspicacité digne d’admiration, tous les rapportssous lesquels il faut envisager l’indépendance des forma-tions primitives, de transition et secondaires. Il a indiqué cequ’il falloit observer, ce qu’il importoit de savoir: il a pré-paré, pressenti, pour ainsi dire, une partie des découvertesdont la géognosie s’est enrichie après lui, dans des pays qu’iln’a pu visiter. Comme les formations ne suivent pas les va-riations de latitude et de climats, et que des phénomènes,observés peut-être pour la première fois dans l’Himalaya ou dans les Andes, se retrouvent, et souvent avec l’asso-ciation de circonstances que l’on croiroit entièrement acci-dentelles, en Allemagne, en Écosse ou dans les Pyrénées;une très-petite portion du globe, un terrain de quelqueslieues carrées dans lequel la nature a réuni beaucoup de for-mations, peut (comme un vrai microcosme des philosophes an-ciens) faire naître, dans l’esprit d’un excellent observateur,des idées très-précises sur les vérités fondamentales de la géo-gnosie. En effet, la plupart des premiers aperçus de Werner,même ceux que cet homme illustre s’étoit formés avant l’année1790, étoient d’une justesse qui nous frappe encore aujour-d’hui. Les savans de tous les pays, même ceux qui ne montrentaucune prédilection pour l’école de Freiberg, les ont conservéscomme bases des classifications géognostiques. Cependant, ceque l’on savoit en 1790 des terrains primitifs, de transitionet secondaires, se fondoit presque entièrement sur la Thu-ringe, sur les montagnes métallifères de la Saxe et sur celles |111| du Harz, sur une étendue de pays qui n’a pas 75 lieues de lon-gueur. Les mémorables travaux de Dolomieu, les descriptionsdes Alpes de Saussure, furent consultés; mais ils ne purentexercer une grande influence sur les travaux de Werner.Sans doute, Saussure a donné des modèles inimitables d’exac-titude dans la topographie de chaque cime, de chaque vallon;mais cet intrépide voyageur, frappé et de la complicationque présentent les phénomènes de superposition et du désor-dre apparent qui règne toujours dans l’intérieur des hauteschaînes alpines, sembloit peu tenté de se livrer à des idéesgénérales sur la constitution géognostique d’un pays. Dans cepremier âge de la science, le type des formations étoit fondésur un petit nombre d’observations; il ressembloit trop à ladescription des lieux où il avoit pris naissance. On prenoitpour des formations indépendantes les masses minérales qui,dans d’autres pays, ne sont que des couches subordonnées ouaccidentelles; on ignoroit l’existence des formations quijouent un rôle important dans l’Amérique équatoriale, dansle nord et dans l’ouest de l’Europe; on méconnoissoit l’an-cienneté relative des porphyres, des syénites et des eupho-tides; on ne complétoit pas l’histoire des couches plus ré-centes par une détermination rigoureuse des corps orga-niques fossiles qu’elles renferment: on observoit avec unegrande précision le gisement des basaltes, des phonolithes(phorphyrschiefer) et des dolérites, qu’on avoit long-tempsconfondus avec les grünstein trappéens; mais on combattoitjusqu’à la possibilité de leur origine ignée, parce que, dansle pays où la géognosie moderne s’est formée, on n’étoitentouré que de quelques lambeaux de terrains volcaniques,et que l’on ne pouvoit examiner les rapports qui existententre les trachytes (trapporphyr), les basaltes, les lavesplus modernes, les scories et les ponces. Si le tableau desformations de Werner, malgré les livres qu’il consultoit,malgré la surprenante perspicacité avec laquelle il savoitdémêler la vérité dans les récits souvent confus des voya-geurs, étoit resté incomplet, ce savant ne s’affligeoit pasde voir ses travaux perfectionnés par d’autres mains. Il avoitenseigné le premier l’art de reconnoître et d’observer des formations. C’est par l’application de cet art que la géognosie |112| est devenue une science positive. Reconnoissant que sa véri-table gloire se fondoit plutôt sur la découverte des principesde la science, sur l’instrument qu’il falloit employer, quesur les résultats obtenus à telle ou telle époque, Werner nechérissoit pas moins ceux de ses élèves qui ne partageoientpas son opinion sur l’âge relatif et sur l’origine de plusieursterrains. Ce n’est qu’en soumettant à l’observation une plusgrande partie du globe, que le type des formations a puêtre à la fois agrandi et simplifié. On l’a rendu plus con-forme à la constitution géognostique des continens consi-dérés sous un point de vue général. Nous connoissons aujourd’hui d’une manière assez exacte legisement relatif de beaucoup de formations. 1.° Dans l’anciencontinent: dans les îles de la Grande-Bretagne, dans le nordde la France, et en Belgique, en Norwége, en Suède et en Finlande, en Allemagne, en Hongrie, en Suisse, dans les Pyrénées, en Lombardie, en Toscane et dans les environsde Rome; en Crimée et au Caucase (lat. 41° — 71° bor.;long. 40° or. — 12° oc.). 2.° Dans le nouveau continent: aux États-unis de l’Amérique septentrionale, entre la Virginie et le lac Ontario (lat. 36° — 43° bor.; long. oc. 78° — 86°);au Mexique, entre Veracruz, Acapulco et Guanaxuato (lat. 16° 50′ — 21° 1′ bor.; long. oc. 98° 29′ — 103°22′);dans l’île de Cuba (lat. 23° 9′ bor.); dans les Provinces-unies de Venezuela, entre la côte de Paria, Portocabello,le Haut-Orénoque et San Carlos del Rio Negro; dans les Andes de la Nouvelle-Grenade, de Popayan, de Pasto,de Quito et du Pérou; dans la vallée de la Rivière desAmazones et sur les côtes de la mer du Sud (lat. 10° 27′bor. à 12° 2′ austr.; long. oc. 66° 15′—82° 16′); au Brésil,entre Rio Janeiro et la limite occidentale de la provincede Minas Geraes (lat. 18° — 23° austr.; long. oc. 45° — 49°).A mesure que l’on s’élève à des idées plus générales, letableau des formations, tout en devenant plus vaste et(nous osons le croire) plus vrai, satisfait moins ceux quivoudroient y trouver fortement prononcés les traits indivi-duels, la physionomie locale de leur canton. Mais ces traitsindividuels, cette physionomie locale, ne peuvent y êtreconservés que comme de simples variations d’un type général, |113| comme des modifications particulières des grandes lois degisement. Quelque incomplète que soit encore la connois-sance de ces lois, c’est déjà un grand pas fait dans ce genrede recherches que d’avoir acquis, par les travaux réunis denos contemporains, la certitude qu’il en existe de constanteset d’immuables au milieu du conflit des perturbations locales.

Terrains primitifs.

Les plus anciennes formations de roches primitives quel’on a pu soumettre aux observations, sont, dans quelquesrégions du globe, le granite (une formation dans laquelle legranite n’alterne avec aucune autre roche); dans d’autresrégions, le granite-gneis (une formation granitique dans la-quelle des couches de granite alternent avec des couches degneis). On auroit de la peine à nommer un granite que lesgéognostes regardassent unanimement comme antérieur àtoutes les autres roches; mais cette incertitude tient à lanature même des choses, à l’idée que nous nous formons del’âge relatif et de la superposition des roches. On peut cons-tater par l’observation, que le granite du Saint-Gothard re-pose sur du micaschiste; que celui de Kielwig, en Norwége,repose sur du thonschiefer. Mais comment démontrer unfait négatif? comment prouver que, sous un granite que l’onappelle de première formation, il ne se trouve pas de nou-veau du gneis, ou quelque autre roche primitive? En tra-çant le tableau des connoissances que nous avons acquisessur la superposition des roches, nous devons nous abstenirde prononcer avec assurance sur la première assise de l’édificegéognostique. C’est ainsi (car il en est du temps comme del’espace) qu’à travers de longues migrations des peuples l’his-toire ne reconnoît pas avec certitude quels ont été les pre-miers habitans d’une contrée. I. Granite primitif. §. 1. Granite qui n’alterne pas avec le gneis. Comme ona récemment élevé des doutes très-fondés sur l’ancienneté |114| de beaucoup de formations de granite, on ne peut désignerla première des roches primitives que par des caractèresnégatifs. Il m’a paru que dans les deux hémisphères, surtoutdans le nouveau monde, le granite est d’autant plus ancien,qu’il n’est pas stratifié, qu’il est plus riche en quarz et moinsabondant en mica. Dans les hautes chaînes des montagnes (dansles Alpes de la Suisse et dans la Cordillère des Andes, entre Loxa et Zaulaca), le granite, par l’abondance et la directionuniforme des feuillets de mica, tend à devenir lamelleux;tandis que les granites qui percent la terre végétale dans lesplaines, présentent généralement, par leur texture plus uni-formément grenue, un contraste plus marqué avec le gneis.La grosseur du grain, la régularité de la cristallisation desparties constituantes, et la couleur rouge ou blanche dufeldspath, sont des phénomènes très-dignes d’attention, sil’on considère de grandes masses d’une roche, et si l’onfait abstraction des bancs subordonnés de granite à petitsgrains que l’on rencontre au milieu d’un granite à gros grains,et vice versa. Ces phénomènes désignent l’àge relatif d’uneformation dans une étendue de terrain plus ou moins circons-crite; mais on ne sauroit en déduire des caractères généraux,applicables à un continent entier. Dans les Cordillères, legranite à petits grains et à feldspath blanc et blanc jaunàtrem’a paru le plus ancien. L’absence, je ne dis pas de la tour-maline et du titane-rutile, mais de l’amphibole disséminé, dela stéatite, des grenats, de l’épidote, de l’actinote, de l’étain,du fer oligiste, remplaçant le mica (Gottesgabe dans le Haut-Palatinat); le manque de bancs subordonnés hétérogènes(grünstein, calcaire grenu) et de rognons à très-petits grainset fortement micacés, qui sont de formation contempo-raine et semblent comme enchâssés dans la masse principale;enfin, le manque de stratification dans les couches inférieu-res, et la structure non porphyroïde, paroissent caractériserles granites de première formation (côtes occidentales del’Amérique équinoxiale, Cascas, Santa et Guarmay dans le Bas-Pérou; rives du Cumbeima près Ibagué; Quilichao et Caloto dans les Andes de la Nouvelle-Grenade). Les granitesdes cataractes de l’Orénoque et des montagnes de la Parime renferment, comme ceux des Pyrénées et de la Haute-Égypte, |115| quelques couches dans lesquelles on reconnoît des cristaux iso-lés d’amphibole: ces roches appartiennent probablement à uneépoque un peu plus récente que le granite du Bas-Pérou.Quoique les granites les plus anciens n’offrent généralementpas de bancs subordonnés de calcaire primitif, la chauxcommence cependant déjà à se montrer, au sein des monta-gnes primitives (je n’ose dire au premier âge du monde),dans le feldspath et peut-être dans les tourmalines. Plus tardcette quantité de chaux augmente par l’addition de l’amphi-bole dans les couches syénitiques qui caractérisent les gra-nites les plus modernes. Granite et Gneis primitifs. §. 2. Cette formation, si bien caractérisée par M. de Rau-mer, offre des couches de granite et de gneis très-distinctes,à peu près contemporaines et alternant les unes avec les autres.Elle repose quelquefois (Riesengebirge) immédiatement surla formation précédente; d’autres fois (au sud-est de Rio-bamba, dans le royaume de Quito) elle est la plus anciennedes roches visibles. Ce retour périodique de couches hétéro-gènes se retrouve surtout dans les formations de transition,par exemple, dans celles de porphyre et syénite, de syéniteet grünstein. Je pense qu’il faut distinguer de la formationde granite et gneis, et les granites dont les couches passentsouvent et insensiblement au gneis, comme le granite dulittoral de Venezuela, et les gneis qui passent au granite(pente méridionale de la Jungfrau et du Titlis). Les bancssubordonnés au granite et gneis sont: les micaschistes, qui, àleur tour, renferment du calcaire grenu; les schistes am-phiboliques et chloriteux; le weisstein. Granite stannifère. §. 3. Généralement à parties constituantes très-désagrégées,le feldspath passant au caolin (Carlsbad, chemin d’Eiben-stock à Johann-Georgenstadt; et, d’après M. de Bonnard,probablement aussi les granites du département de la Haute-Vienne). On reconnoîtra peut-être dans la suite que plusieursde ces roches stannifères sont d’un âge plus récent encore,et qu’il faudroit les placer parmi les granites postérieurs au |116| gneis et antérieurs au micaschiste. Des caractères de nou-veauté semblent se retrouver même dans les granites du Fichtelgebirge, en Franconie, qui non-seulement sont très-régulièrement stratifiés, mais qui contiennent aussi des bancsd’urgrünstein (diabase primitive, paterlestein). Je ne connoispoint la formation alpine de granite stannifère dans les Andes: le granite qui constitue les sommets des Cordillères,est presque toujours recouvert de formations de porphyre detransition et de trachyte. Weisstein avec Serpentine. §. 4. Le weisstein (eurite), dans lequel domine le feldspathcompacte (partie nord-ouest de l’Erzgebirge), repose sur legranite ancien. Il est recouvert de gneis, quelquefois de mi-caschiste (Hartha), ou d’un schiste primitif auquel (Hermsdorf, Döbeln) le weisstein paroît passer insensiblement. Bancs subor-donnés: granite tantôt à grains très-gros (Penig), tantôt à petitsgrains, passant souvent au weisstein, et renfermant de la lépi-dolithe et de la parenthine lamelleuse; serpentine (Wald-heim). Le weisstein qui enchâsse quelquefois des grenats etde la cyanite, est en Saxe, d’après les observations de MM. Pusch, Raumer et Mohs, une formation indépendante, anté-rieure au gneis, et non un banc subordonné; en Silésie (En-gelsberg près Zobten, et Weiseritz près Schweidnitz), il neforme que des couches dans le granite et le gneis primitifs.Ce phénomène n’a rien qui puisse étonner le géognoste. Lesmicaschistes, les gneis et les porphyres se trouvent à la foiscomme roches indépendantes et comme bancs subordonnés.La serpentine de Buenavista dans les montagnes de l’Higue-rote, à l’ouest de Caracas, appartient proprement au gneistalqueux; mais il paroît que, dans le même groupe de mon-tagnes, il y a aussi de la serpentine liée à un weisstein quiest superposé à la formation de granite et gneis. La ser-pentine du weisstein est la plus ancienne des roches d’eupho-tides à très-petits grains, roches qui passent, pour ainsi dire,à travers toutes les formations suivantes jusqu’à la limitesupérieure des terrains de transition. |117| II. Gneis primitif. §. 5. Nous distinguons cette formation de gneis (Freiberg; Lyon, plateau entre Autun et la montagne d’Aussi; Arns-berg dans le Riesengebirge, Lödingen en Norwége, Gram-pians en Écosse), qui renferme des bancs subordonnés demicaschiste, de la formation, également importante, de gneiset micaschiste, dans laquelle des couches de gneis alternentavec des couches de micaschiste. Le gneis est, d’après MM. de Buch et Haussmann, la roche dominante en Scandinavie,où le granite ancien (antérieur au gneis) n’est presquenulle part visible. Les bancs subordonnés du gneis sont très-variés et fréquens; ils le sont cependant beaucoup moinslorsque le gneis ne passe pas au micachiste. Nous ne nomme-rons ici que les bancs les plus remarquables: quarz souventgrenatifère; feldspath plus ou moins décomposé et dépourvude potasse; porphyre, généralement rougeâtre, à base pétro-siliceuse, renfermant du feldspath, du quarz et du mica (lager-porphyr de la Halsbrücke, d’Ober-Frauendorf, de Liebstadt);calcaire grenu assez rarement (route du Simplom, mine du Kurprinz près de Freiberg); grenat commun, mêlé de calcairegrenu, de blende et de fer oxidulé (Schwarzenberg); micaschiste(Bergen en Norwége); syénite (Burkersdorf en Silésie); gra-nite à feldspath décomposé, mais non stannifère; serpentine(ophyolithe) formant, d’après M. Cordier, une couche d’uneétendue immense dans les départemens de la Haute-Vienne,du Lot et de l’Aveyron; amphibolite schistoïde ou hornblend-schiefer; grünstein, mêlé de fer magnétique (Taberg près Jonköping), de zircon, de zoïsite et de menakan (Priockter-halt, en Carinthie); fer magnétique en couches de 20 à 30toises d’épaisseur, souvent mêlé de calcaire grenu, d’ichthyo-phtalme, de spodumène, de trémolite, d’amianthe, d’actinoteet de bitume (Danemora, Gellivara et Kinsivara, en Suéde et en Laponie); pegmatite (Loch-Läggan en Écosse); gneisrenfermant des masses anguleuses de gneis d’une texturedifférente de celle de la roche principale (Rostenberg, en Norwége). Ce dernier phénomène (effet d’une cristallisationcontemporaine?) est beaucoup plus analogue aux granites |118| du Greiffenstein en Saxe, et du Pic Quairat dans les Pyré-nées, qu’au gneis de transition renfermant les poudinguesde la Valorsine. La grande formation de gneis primitif, très-riche en minérais d’argent et d’or, en Allemagne, dans quel-ques parties de la France, en Grèce et dans l’Asie mineure,a été désignée long-temps comme la roche la plus argentifèredu globe. On sait aujourd’hui, d’après des recherches faitesdans les deux Amériques et en Hongrie, que la grande massedes métaux précieux qui circulent dans les deux continens,est due à des formations de beaucoup postérieures au gneiset à toutes les autres formations primitives; qu’elle provientde roches de transition, de porphyres syénitiques et mêmede trachytes. Le gneis peu métallifère de la partie équi-noxiale du nouveau monde se montre sur une plus grandeétendue de terrain dans les montagnes qui courent de l’està l’ouest (chaîne du littoral de Caracas, cap Codera, etîles du lac de Tacarigua; Orénoque, Sierra de la Parime)et dans les régions basses éloignées de la chaîne des Andes(à l’est des montagnes du Brésil), que dans la crête élevéede cette chaîne même. Je n’ai pas vu le gneis (à la Sillade Caracas et au passage des Andes de Quindiu) à plusde 1300 et 1400 toises de hauteur au-dessus du niveau del’océan. Sur le dos des Cordillères, entre Ibague et Carthago (Nouvelle-Grenade ou Cundinamarca), comme au Paramode Chulucanas, en descendant vers l’Amazone, un granite denouvelle formation recouvre le gneis à 1800 toises de hau-teur. Si dans les montagnes de l’Europe le gneis, le mica-schiste et un granite de seconde formation constituent les plushautes cimes; dans les Andes, au contraire, les sommets lesplus élevés ne présentent que d’énormes accumulations deroches trachytiques. En suivant une même chaîne, un mêmealignement de montagnes, on voit les basses régions de granite-gneis et de gneis-micaschiste (province d’Oaxaca dans la Nou-velle-Espagne, où le gneis est aurifère; groupes primitifs de Quindiu; Almaguer, Guamote, au sud du Chimborazo; Sara-guru et Loxa, dans les Andes du Pérou) alterner avec les régionsélevées (2000 à 3300 toises) de trachytes. Ces derniers ter-rains, produits ou modifiés par le feu, recouvrent sansdoute et quelquefois immédiatement, sans que des forma- |119| tions porphyriques de transition soient interposées, le graniteet le gneis; cependant, là où j’ai pu voir les trachytes duroyaume de Quito (volcan de Tunguragua, ravin du Rio-Puela près de Penipe) reposer sur un schiste micacé ver-dâtre rempli de grenats et recouvrant à son tour un gra-nite un peu syénitique avec quarz et mica (noir!), cettesuperposition n’a aussi lieu qu’à la hauteur peu considérablede 1240 toises. Il résulte en général de mon nivellementbarométrique des Cordillères, que dans toute cette régiondes tropiques les granites et les gneis anciens, qu’il ne fautpas confondre avec des roches syénitiques et granitiques detransition, ne s’élèvent guère au-dessus de la hauteur qu’at-teignent les sommets des Pyrénées. Tous les massifs super-posés aux roches primitives, qui dépassent la limite desneiges perpétuelles (2300—2460 toises), et qui donnent aux Cordillères leur caractère de grandeur et de majesté, ne sontgénéralement dus ni à des formations primitives ni à desroches calcaires (il n’y a que le calcaire alpin des plateauxde Gualgayoc et de Guancavelica qui se trouve à 2100 et2300 toises), mais à des porphyres trachytiques, à des dolé-rites et des phonolithes. (Nous ignorons encore de quellesroches sont composés les sommets de l’Himalaya, les extré-mités de ces pics récemment mesurés par M. Webb.) Le gneisdes Cordillères abonde bien plus que le micaschiste en couchessubordonnées de calcaire grenu (micacé et rempli de pyrites).Aussi, dans l’Amérique équinoxiale, comme à l’extrémité laplus boréale de l’Europe et dans les Pyrénées, le grenat estle plus commun dans le gneis, et cette dernière roche necesse généralement de contenir des grenats que lorsqu’ellese rapproche du schiste micacé (montagne d’Avila, près de Caracas). Un véritable gneis, dépourvu de grenats, se montrecependant à l’ouest de Mariquita, entre Rio Quamo et lesmines de S. Ana (Nouvelle-Grenade). Au Brésil, d’aprèsl’observation de M. d’Eschwege, l’étain (zinnstein) est dissé-miné, non dans le granite, mais dans le gneis (bords du Rio-Paraopeba près de Villa-Ricca). Entre les deux grandes formations de gneis et de micaschisteprimitifs, nous placerons plusieurs formations parallèles: |120| |Spaltenumbruch|
  • Gneis et Micaschiste;
  • Granite postérieur au Gneiset antérieur au Micaschiste;
|Spaltenumbruch|
  • Syénite primitive?
  • Serpentine primitive?
  • Calcaire grenu.
Deux de ces formations sont peut-être aussi douteuses quel’est le porphyre primitif, considéré comme formation indé-pendante. Gneis et Micaschiste. §. 6. Des couches de gneis alternent avec des couches demicaschiste, de même que le gneis, dans la formation §. 2,alterne avec le granite. Ce ne sont pas des roches qui passentl’une à l’autre, mais des couches alternantes, très-nettementtranchées (Neisbach et Jauersberg en Silésie; Waltersdorf près Scheibenberg en Saxe). Dans les Cordillères de l’Amé-rique, et peut-être dans la plupart des grandes chaînes demontagnes de l’ancien continent, comme l’illustre Dolo-mieu me l’avoit fait observer en Suisse dès l’année 1795,les formations mixtes ou d’alternance périodique, de gneis etgranite, et de gneis et micaschiste, sont beaucoup plus fré-quentes que les formations simples, de granite, de gneis et demicaschiste. La formation indépendante de gneis-micaschisterepose tantôt sur la formation de gneiss (§. 5), tantôt immé-diatement sur le granite le plus ancien (§. 1). Dans ce der-nier cas elle doit être considérée comme une formation paral-lèle au gneis. Bancs subordonnés: calcaire grenu, schistesamphiboliques, grünstein, serpentine, et thonschiefer avecactinote. Ces bancs subordonnés se répètent plusieurs fois; car,dans toutes les formations d’alternance périodique, soit primi-tives, soit de transition (les granites et gneis, les gneis et mica-schistes, les syénites et grünstein, les porphyres et syénites,les porphyres et grauwacke, les calcaires noirs et schistesde transition), le retour périodique des masses s’étend jus-qu’aux bancs subordonnés. Cette grande loi géologique semanifeste dans toute la Cordillère des Andes, surtout dans lesmontagnes situées au sud et au sud-est du volcan de Tungu-ragua, au Condorasto, au Cuvillan et au Paramo del Hatillo,où (ce qui est très-rare dans cette région) le gneis-micaschistes’élève à plus de 2000 toises de hauteur, et renferme desfilons d’argent jadis très-célèbres (weissgültigerz et spröd- |121| glaserz, argent blanc et argent vitreux aigre). Ces gneis-micaschistes métallifères du Condorasto et de Pomallacta secachent vers le sud sous les formations de porphyres trachy-tiques des Andes de l’Assuay; ils reparoissent (à 1700 toisesde hauteur) entre les ruines du palais de l’Inca (Ingapilca)et la ferme de Turche, et ils se cachent de nouveau sous lesgrès de Cuença. Les forêts de Quinquina, à l’ouest de Loxa,couvrent aussi des montagnes de gneis alternant avec du mica-schiste. Dans le passage des Andes de Quindiu, entre lesbassins du Rio Cauca et du Rio Magdalena, la formation degneis-micaschiste repose (au-dessus de la station de la Pal-milla) immédiatement sur le granite ancien. Elle atteint uneénorme épaisseur, en s’élevant vers le Paramo de San-Juan.Les couches de micaschistes alternant avec le gneis y sonttoujours dépourvues de grenats; elles offrent, au Valle delMoral (à 1065 toises de hauteur), des filons remplis de soufre,exhalant des vapeurs sulfureuses dont la température s’élèveà 48° cent., l’air atmosphérique étant à 20°. Ce phénomèneest d’autant plus remarquable qu’au sud de l’équateur, dans lacélèbre montagne de soufre de Ticsan, j’ai trouvé le soufre dansdu quarz, subordonné comme couche au micaschiste primitif.Les couches de gneis de Quindiu contiennent des grenatsdisséminés et des bancs de caolin décomposé. Dans la chaînecôtière de Caracas, entre Turiamo et Villa de Cura, les for-mations de granite-gneis et de gneis-micaschiste occupent,dans une direction perpendiculaire à l’axe de la chaîne, unterrain de dix lieues de largeur; le gneis-micaschiste se cachevers les Llanos de Venezuela sous des schistes verts de transition.Près de la Guayra, au cap Blanc, cette formation renfermedes bancs subordonnés de chlorite schisteuse (avec grenatset sable magnétique), de hornblendschiefer et de grünsteinmêlé de quarz et de pyrites. Sur les côtes du Brésil, où plu-sieurs chaînes primitives se dirigent parallèlement aux Andesdu Pérou et du Chili dans le sens d’un méridien, des couchesde granite, de gneis et de micaschiste constituent une seuleformation et alternent en séries périodiques (Ilha Grande, au sud de Rio-Janeiro, près Villa d’Angra dos Reis, selonM. d’Eschwege). Les trois roches y sont contemporaines,comme les syénites qui alternent périodiquement, soit avecles thonschiefer, soit avec les grünstein de transition. |122| Granites postérieurs au Gneis, antérieurs au Micaschisteprimitif. §. 7. Je réunis ici plusieurs formations de granite à peuprès parallèles, placées entre le gneis et le micaschiste, tellesque le granite stannifère (hyalomicte, graisen) de Zinn-wald et d’Altenberg, en Saxe, qui paroît reposer sur legneis et qui abonde en tourmalines noires; la plupart despegmatites ou granites graphiques (schriftgranite), qui ren-ferment de la lépidolite (Rozena, en Moravie); les granitesavec épidote; les granites à bancs subordonnés de weissteinou eurite (Reichenstein en Silésie); les granites avec stéatiteet chlorite, contenant souvent de l’amphibole disséminée,et prenant l’aspect d’une syénite ou d’un schiste chloriteux(protogynes du Mont-Blanc et de presque toute la chaînedes Alpes entre le Mont-Cenis et le Saint-Gothard; pro-bablement aussi la roche du Rehberg au Harz); les granitesdes Pyrénées, si bien étudiés par M. de Charpentier, etrenfermant de nombreux bancs de gneis, de micaschisteet de calcaire grenu. Peut-être les granites d’Altenberg appartiennent-ils (c’est l’opinion de M. Beudant) auxassises inférieures de porphyres de transition; peut-être lesgranites des Pyrénées, qui enchâssent des amas d’urgrünstein(diabase primitive) sont-ils même postérieurs à la grandeformation de micaschiste (§. 11), comme aussi les granitesstannifères du Fichtelberg, qui renferment du grünstein(Ochsenkopf, Schnéeberg, en Franconie), et que nous avonsindiqués provisoirement au §. 3. Le même doute me restesur beaucoup de granites qui abondent en filons argentifères,sur tous les granites avec grenats, et sur les granites por-phyroïdes (à très-grands cristaux de feldspath rouge etblanc), qui sont souvent aussi régulièrement stratifiés quel’est le calcaire secondaire. Je n’ai point voulu citer ici lesamas d’étain de Geyer et de Schlackenwald, parce queles granites qui les renferment, ne sont que des couchesdans le gneis et le micaschiste: ce ne sont pas de véritablesroches, des formations indépendantes, comme les granitesde Carlsbad et du Fichtelgebirge. Dans l’Amérique équi-noxiale on peut rapporter avec quelque vraisemblance à la |123| formation de granite postérieure au gneis et antérieure aumicaschiste, les granites de la pente occidentale des Cordil-lères du Mexique (plateau du Papagallo et de la Moxonera),qui sont ou porphyroïdes, ou divisés en boules à couchesconcentriques. Ils enchâssent des bancs syénitiques liés à desfilons de basanite (urgrünstein compacte). Je les ai vus régu-lièrement stratifiés en couches de 7 à 8 pouces d’épaisseur, etaffectant, non une même inclinaison, mais une même direc-tion avec les couches du porphyre de transition et du cal-caire alpin superposées. On ne connoît point, il est vrai, lesroches que recouvre cette formation mexicaine de granite;c’est celle sur laquelle toutes les autres roches du Mexique sontplacées; mais les caractères de composition et de structurequ’elle offre en grand, et son analogie avec d’autres granitesstratifiés des hautes Andes du Pérou, me font croire qu’elleest d’un âge plus récent que la formation §. 1. Au graniteantérieur au micaschiste, mais postérieur au gneis, appartientplus positivement celui de la Garita del Paramo, au pied duvolcan éteint de Tolima (Andes de Quindiu); celui de la Sillade Caracas; les granites très-régulièrement stratifiés (sanspasser au gneiss) de Las Trincheras dans la chaîne côtière de Venezuela; les granites du groupe étendu des montagnes dela Parime, qui sont ou régulièrement stratifiés (détroit duBaraguan, vallée du Bas-Orénoque), ou passant à la pegmatite(Esmeralda et confluent de l’Ucamu, Haut-Orénoque), ouamphiboliques (cataractes d’Atures). Dans ce vaste groupegranitifère de la Sierra Parime, qui sépare le bassin du Bas-Orénoque de celui de l’Amazone, se répètent quelques phé-nomènes de la Finlande et de la Norwége: aucune autre masseminérale n’y paroît au jour que la roche granitique. Là oùj’ai côtoyé la Sierra Parime au nord, à l’ouest et au sud,j’ai observé, à quelques petites masses de grès près, uneabsence totale de formations secondaires, même de rochespostérieures à un granite de nouvelle formation. Ce granite,et le gneis qui le supporte, forment, là où de petites plainesséparent les montagnes entre elles, au milieu des forêtset d’une végétation vigoureuse, des bancs de rochers nus,dépourvus de terreau, ayant plus de 250,000 toises carrées,et s’élevant à peine de trois à quatre pouces au-dessus du |124| sol environnant. Dans l’hémisphère méridional je peux citercomme granites de nouvelle formation, la roche du Pareton (pente orientale des Andes du Pérou, entre Guancabamba et la rivière des Amazones), où le granite stéatiteux passe àla protogyne; le granite du Paramo de Pata grande et de Nunaguacu, stratifié et dépourvu d’amphibole; la roche de Yanta, stratifiée comme le granite de l’Ochsenkopf en Fran-conie, se cachant sous le micaschiste de Gualtaquillo etd’Aipata, et renfermant des cristaux disséminés d’amphibole,sans passer à la vraie syénite (Cordillères de Gueringa, àl’ouest de Guancabamba). On voit par ces exemples que,dans les Andes comme dans les Alpes, surtout à des hauteursconsidérables, une roche granitique couvre le gneis primitif.On se demande si les grünstein primitifs, qui forment des cou-ches dans les formations §§. 3, 5, 6, 7, renferment quelque-fois, comme le prétendent plusieurs géognostes, non-seule-ment de l’amphibole mêlé au feldspath compacte, mais aussidu pyroxène. M. de Charpentier a vu cette dernière subs-tance en grandes masses dans le calcaire primitif des Pyrénées.Il y a aussi du pyroxène-coccolithe dans l’urgrünstein du lac Champlain; je n’ai vu de véritables pyroxènes identiques avecceux des trachytes et de quelques porphyres de transitionde Quito que dans les grünstein et mandelstein de transitionde Parapara (montagnes de Venezuela). Syénite primitive? §. 8. La plupart des syénites de l’ancien et du nouveau con-tinent, que l’on considéroit autrefois comme des roches indé-pendantes et de formation primitive, sont ou des granites avecamphibole, c’est-à-dire des couches subordonnées aux granites§§. 7 et 11 (Syène, non Philæ, ou les premières cataractesmêmes de la Haute-Égypte, qui sont dans le gneis; Aturès oucataractes de l’Orénoque; vallée de Macara et Gualtaquillo,à la pente orientale des Andes du Pérou), ou des formationsde transition (Mont Sinaï, d’après les intéressantes observa-tions de M. Rozière; vallée de Plauen, près de Dresde; Guanaxuato, au Mexique), intimement liées aux porphyres,au grünstein et au thonschiefer de transition. Quelques véri-tables syénites ne me paroissent cependant offrir aucune trace |125| de cette liaison; elles constituent peut-être des formationsprimitives indépendantes: telles sont la syénite (beaucoup defeldspath lamellaire rougeâtre, peu d’amphibole, presque pasde quarz, pas de mica, pas de fer titané) du Cerro Munchique (Cordillère centrale des Andes du Popayan, à l’est de lamétairie du Cascabel), superposée au gneis, et en partie (?)recouverte de micaschiste primitif; la syenite du Paramo deYamoca (pente orientale des Andes du Pérou, près des vil-lages indiens de Colascy et de Chontaly), placée sur le gra-nite de Zaulaca et recouverte par le schiste du lac de Haca-tacumba. Comme ce schiste, à son tour, supporte un porphyrevert de transition, et que ce porphyre supporte un calcairegris-noirâtre, mais coquillier (San-Felipe, province de Jaende Bracamoros), il reste très-douteux si la syénite de Yamoca et le schiste de Hacatacumba ne sont pas aussi des roches detransition, et par conséquent plus neuves que les syénites du Cerro Munchique dans les Andes de Popayan. Les syénitescomposées de feldspath blanc et d’amphibole vert du pieddu Mont-Blanc (Cormayeux), et les syénites de Biela, liées àdes euphotides, sont-elles primitives? Serpentine primitive? §. 9. Les grandes formations d’euphotide (gabbro ou rochesserpentineuses) sont postérieures au thonschiefer primitif, etappartiennent en partie déjà aux roches de transition. Lapetite formation que nous désignons ici, est analogue à cellede Zœblitz en Saxe: elle repose sur du gneis et n’est recouvertepar aucune autre roche. Dans l’Amérique méridionale laserpentine (sans diallage métalloïde, mais avec grenats) desmontagnes de l’Higuerote (près San-Pédro, entre la ville de Caracas et les vallées d’Aragua) paroît analogue à celle de Saxe.Elle repose sur le gneis talqueux de Buenavista, qui passe,ce qui est assez rare dans ces contrées, à un micaschiste gre-natifère. Cependant, comme on ne voit aucune roche su-perposée à ces serpentines, leur âge reste un peu douteux.Ce qui me paroît prouver l’ancienneté des serpentines del’Higuerote, c’est qu’avant de paroître comme formationparticulière et indépendante, elles se montrent comme descouches subordonnées au gneis-micaschiste, à peu prèscomme les serpentines de la vallée d’Aoste. |126| Calcaire primitif. §. 10. Existe-t-il une formation indépendante de calcairegrenu parmi les roches primitives? Ou tous ces calcaires gre-nus, comme on l’a admis assez généralement jusqu’ici, nesont-ils que des bancs subordonnés au gneis, au micaschiste,aux granites de nouvelle formation, et au thonschiefer? Dansles Pyrénées (vallée de Vicdessos) M. de Charpentier regardele calcaire grenu, quelquefois noirâtre et mêlé de graphite,et renfermant de grandes masses de pyroxène (lherzolite,augitfels) et des couches de grünstein, comme une formationétendue et indépendante. Cette autorité est sans doute debeaucoup de poids. Au sud de l’équateur, sur le plateau de Quito (au Cebollar et aux bords du Rio Machangara, près Cuença; Portete, dans le Llano de Tarqui), on trouve placésur le micaschiste (de Guasunto et du Cañar) un calcaireblanc, à gros grain, ressemblant au plus beau marbre de Carare, et alternant avec des couches calcaires presquecompactes, rubanées et tellement translucides qu’on s’en sertdans les couvens et les chapelles en guise de glaces pour lesfenêtres. J’ai regardé long-temps ce calcaire grenu de Cuença,dépourvu de pétrifications, comme une formation primitiveet indépendante; mais il n’est couvert que de grès rougede Nabon, et une formation très-analogue (Tolonta prèsde Chillo), placée au milieu d’un terrain de trachytes et deporphyres de transition, rend très-douteux l’âge de la for-mation de Cuença. Les bancs de calcaires primitifs, subor-donnés aux roches de granite-gneis, sont beaucoup plus raresdans l’Amérique équinoxiale que dans les Pyrénées et les Alpes. En examinant avec soin les granites-gneis de la Parime, entre les 2.e et 8.e degrés de latitude boréale, jen’ai pas vu un seul de ces bancs. III. Micaschiste primitif. §. 11. Le micaschiste (schiste micacé, glimmerschiefer)repose le plus souvent sur le gneis, d’autres fois immédiate-ment sur le granite (§. 1), avec lequel il commence d’abordà alterner (Schnéeberg, en Saxe; Minas Geraes, au Brésil)avant de se montrer comme une formation indépendante.Il se distingue du gneis, lorsque les deux roches sont nette- |127| ment tranchées (ce qui est bien plus rare dans la hautechaîne des Alpes et des Cordillères du Pérou que dans lesplaines), par l’agrégation du mica, qui, dans le micaschiste,offre une surface continue. De toutes les formations primi-tives c’est celle qui, dans l’Europe centrale, est la plus dé-veloppée, et qui présente la plus grande variété de bancssubordonnés; l’hétérogénéité des couches augmente à mesureque l’on s’éloigne du granite. Les micaschistes des Pyrénées,que l’on considère comme bien décidément primitifs, ren-ferment souvent de la chiastolithe, et cette substance pénètrequelquefois jusque dans les bancs de thonschiefer et de cal-caire grenu intercalés. Couches subordonnées au micaschiste:schiste chloritique (chloritschiefer avec grenats); mélangeentrelacé de micaschiste et de calcaire grenu (Splügen, entre Glaris et Chiavenna; pic de Midi de Tarbes, dans les Pyré-nées); thonschiefer; calcaire grenu et dolomie avec trémolite(grammatite), épidote, talc, tourmaline, lépidolithe, am-phibole, fer magnétique et corindon; calcaire grenu ren-fermant du quarz (Pyrénées); dolomie mêlée de gypse pri-mitif (passage du Splügen dans les Alpes); quarz schistoideet micacé, gestellstein; grünstein et grünsteinschiefer, dia-base grenue et schisteuse (Montaña de Avila, Cabo blanco près Caracas); feldspath compacte vert-noirâtre (dichtergrünstein); pierre ollaire, topfstein (Ursern); schiste tal-queux (talkschiefer) avec grenats, cyanite, tourmaline etactinote; serpentine pure (Sillthal dans le Tyrol); serpen-tine mêlée de calcaire grenu, verde antico (montagnes de Caramanie; Reichenstein, Rörsdorf et Rothzeche, en Silésie);schiste amphibolique (Saint-Pierre, au sud du grand Saint-Bernard); amphibole commune en grandes masses (Schönberg,en Tyrol); syénite (Mittelwald, dans le Tyrol); couches degrenat avec fer oxidulé (Braunsberg près Freiberg, Frauen-berg près Ehrenfriedrichsdorf, en Saxe); grenat avec py-roxène-omphacite et amphibole (Gefrees et Schwarzenbach, pays de Bareuth; Saualpe en Carinthie); grenat actinoteet cyanite; fluate de chaux (Meffersdorf); bancs de mica-schiste renfermant des masses de gneis, peut-être d’une for-mation contemporaine (Toffle, en Norwége); bancs de plu-sieurs pieds d’épaisseur, composés d’un mélange intime de |128| feldspath compacte, de quarz et de mica (Kühlstad près Drontheim, en Norwége); micaschiste avec mica noir etcarburé (Sneehättan, en Norwége; Huffiner, dans le Va-lais). Je ne cite pas le gypse du Val Canaria près d’Airolo,que nous avons cru, M. Freiesleben et moi, en 1795, êtrede formation primitive intercalée au micaschiste, mais queMM. Brochant et Beudant (qui les ont étudiés tous deux sépa-rément avec soin) ont reconnu pour un gypse de transition su-perposé au micaschiste. Le micaschiste renferme souvent del’amphibole disséminé dans toute sa masse (Salzbourg; Saint-Gothard; Oberwiesenthal en Saxe; Sommerleiten près Bareuth). Les émeraudes de Sabara, dans la Haute-Égypte,retrouvées par l’intrépide voyageur M. Cailliaud, et cellesde Salzbourg, sont enchâssées dans la masse du micaschistemême, comme le sont, dans les deux continens, le grenat,la staurotide (Saint-Gothard; Sierra Nevada de Merida) etla cyanite (îles Shetland; Maniquarez, au nord de Cumana).Les émeraudes de Muzo, dans la Nouvelle-Grenade, m’ontparu former une couche dans un hornblendschiefer qui estsubordonné au micaschiste. Si l’on ne considère les forma-tions que sous le rapport de leur volume et de leur masse, ondoit admettre que le micaschiste, dans les chaînes des monta-gnes de l’Europe, joue un rôle presque aussi important que lefont, au Mexique et dans les Andes de Quito et du Pérou, lesporphyres de transition et les trachytes. Les masses continuesde micaschiste les plus considérables que j’aie vues dans l’Amé-rique équinoxiale, sont celles de la Cordillère du littoral de Vénézuela, où le granite-gneis domine depuis le cap Codera jusqu’à la Punta-Tucacas (à l’ouest de Portocabello), tandisque la même Cordillère est composée de micaschiste et mêmed’un micaschiste grenatifère vers l’est, dans les montagnes du Macanao de l’île de la Marguerite et dans toute la péninsuled’Araya. A l’ouest de Chuparipari, cette dernière rocheoffre de petites couches de quarz avec cyanite et titane rutile.Près de Caracas le calcaire grenu forme des couches, nondans le micaschiste, mais dans le gneis; au contraire, dansles montagnes du Tuy, c’est un micaschiste passant (commedans la vallée de Capaya) au schiste talqueux, qui renfermedes bancs de calcaire primitif et de petites couches de |129| zeichenschiefer (ampélite graphique). Au sud de l’Oré-noque, dans le groupe des montagnes de la Parime, sur 180lieues de longueur, je n’ai pas vu de véritable micaschistesuperposé au granite-gneis. Cette dernière formation sembleseule couvrir cette vaste contrée; mais le gneis y passe quel-quefois au micaschiste: il rend resplendissans, au lever etau coucher du soleil, les flancs de plusieurs montagnes éle-vées (pic Calitamini, Cerro Ucucuamo, entre les sourcesde l’Essequebo et du Rio-Branco), et a contribué par là aumythe du Dorado et des richesses de la Guyane espagnole.Dans les Cordillères des Andes, la formation indépendantede micaschiste m’a paru moins rare au nord qu’au sud del’équateur. Au Nevado de Quindiu (Nouvelle-Grenade)elle atteint une épaisseur de plus de 600 toises. En avançantde là par Quito et Loxa vers les Andes du Pérou, on voit sortirle micaschiste sous les trachytes et porphyres de transition de Popayan (au sud des volcans de Sotara et de Puracè); plusloin cette roche reste visible sur différens points, depuis l’Altodel Roble (arête qui partage les eaux entre l’océan Paci-fique et la mer des Antilles) jusqu’à la vallée de Quilquasè;elle se cache de nouveau par intervalles sous des porphyrestrachytiques, à base de phonolithe, et reparoît plusieurs fois,par exemple, entre Almaguer et le Rio Yacanacatu, entre Voisaco et le volcan de Pasto, entre Gansce et le volcan de Tunguragua, entre Guamote et Ticsan près d’Alausi (où lemicaschiste offre une immense couche de quarz renfermantdu soufre, et une autre couche (?) de gypse primitif), entre Guasunto et Popallacta; entre le Cañar et Burgay, à la partieméridionale du groupe trachytique de l’Assuay; enfin, entre Loxa et Gonzanama. C’est près de ce dernier lieu que, dansle ravin de Vinayacu, on trouve une couche de graphite la-mellaire dans un micaschiste qui est certainement primitif.En descendant de Loxa par le Paramo de Yamoca, versl’Amazone, entre les 4° et les 5½° de latitude australe,un granite de seconde formation est recouvert de micaschistedans la vallée de Pomahuaca; mais, en général, dans cettepartie des Cordillères ce n’est pas le micaschiste, mais la syé-nite et le thonschiefer primitifs qui ont pris un grand déve-loppement, partout où le sol n’est pas couvert de porphyres |130| et de trachytes. Dans la Nouvelle-Espagne, le micaschisteabonde (mines d’or de Rio San-Antonio) dans la provinced’Oaxaca: mais plus au nord (16—18° lat. bor.), sur la penteorientale des Cordillères entre Acapulco et Sumpango, legranite n’est pas même recouvert de gneis; il l’est immédiate-ment de calcaire alpin (Alto del Peregrino) et de porphyresde transition (la Moxonera, Acaguisotla). Cependant un mica-schiste, dépourvu de grenats et passant quelquefois au thon-schiefer, se montre dans les riches mines de Tehuilotepec etde Tasco (entre Chilpansingo et Mexico) sous le calcairealpin. Des filons d’argent rouge pénètrent de l’une de cesroches dans l’autre, malgré la grande distance qu’on doitadmettre entre l’âge de leur formation. Je ne connois dansles Andes aucun exemple d’une couche de porphyre dansle micaschiste, ou d’un passage de cette dernière roche àune roche porphyroïde; passage qui, selon l’importanteobservation de M. de Buch, a lieu dans les Alpes du Splügen,entre le village de ce nom et la vallée de Schams. Lesterrains primitifs dans lesquels abonde le micaschiste, sontceux qui offrent aux oryctognostes la plus grande variété desubstances cristallisées. Ces roches, si abondantes en po-tasse, rivalisent sous ce rapport avec les mandelstein (amyg-daloïdes) de transition et plusieurs roches volcaniques. Il esttrès-rare que l’on observe dans la nature un développementà peu près égal des trois formations de gneis, de micaschiste etde thonschiefer, et lorsque ce développement a eu lieu, c’estplutôt dans des montagnes de peu d’élévation et là où ellesse perdent vers les plaines, que dans les hautes chaînes des Andes, des Alpes, des Pyrénées et de la Norwége. Nullepart, peut-être, la suppression totale des formations micacéesou schisteuses n’est plus fréquente que dans les Cordillères duMexique et de l’Amérique méridionale. On y voit la série desroches primitives s’arrêter brusquement, soit au granite-gneis et à une syénite que je crois primitive, soit au gneis-micaschiste. Ce phénomène a même lieu là où il y a (Cor-dillère de la Parime) absence de trachytes et de tout phé-nomène volcanique. |131| Granite postérieur au Micaschiste, antérieur au Thonschiefer. §. 12. Un granite de nouvelle formation reposant sur lemicaschiste, auquel il appartient géognostiquement (Saint-Gothard, dans les Alpes; Reichenstein, en Silésie). Souventil est stratifié (Högholm, en Norwége, selon M. de Buch; Maifriedersdorf et Striegau en Silésie, selon M. Schulze),renferme des grenats et de l’amphibole, et passe á une rochesyénitique à très-gros grains. Le quarz y est remarquable parsa grande transparence, le feldspath par la grandeur de sescristaux. Ce granite est parfois stéatiteux; il indique leretour des roches schisteuses aux roches grenues et cristal-lisées. Le granite de Mittelwald, au nord de Brixen (pas-sage des Alpes du Brenner), repose sur une syénite primi-tive qui alterne plusieurs fois avec le micaschiste. Le graniteà topazes du Schneckenstein, en Saxe, que l’on a consi-déré long-temps comme une roche ou terrain particulier(topasfels), n’est probablement qu’un amas transversal dansle micaschiste. Je suppose l’existence d’une formation de gra-nite analogue à celle du Saint-Gothard (c’est-à-dire postérieureaux micaschistes) dans les Andes du Baraguan, de Quindiu et d’Hervéo, où plusieurs granites modernes viennent au joursur la crête des Cordillères, supportant des pics de trachytes.Est-ce à cette même formation qu’appartiennent le granitede Krieglach en Styrie, dans lequel la lasulithe (blauspath)remplace le feldspath commun, et la roche intéressante du Carnatic, dont nous devons la connoissance à M. le comtede Bournon ? Cette dernière est composée d’indianite, defeldspath et de corindon (avec grenats, épidote et fibrolite). Gneis postérieur au Micaschiste. §. 13. Une petite formation de gneis grenatifère, observéepar M. de Buch. Elle couvre le micaschiste (Bergen, Clas-sness et Klöwen, en Norwége), et renferme des bancs subor-donnés de calcaire grenu et même de micaschiste. Cette for-mation se retrouve dans les Pyrénées. Grünstein-Schiefer? §. 14. La diabase schistoïde (grünstein-schiefer) est placéeentre le gneis et le thonschiefer primitif (Siebenlehn, |132| Rosenthal), ou entre le micaschiste et le thonschiefer pri-mitif (Gersdorf et Rosswein, en Saxe); elle renferme desfilons argentifères très-anciens. On trouve aussi le grünstein-schiefer comme banc subordonné au micaschiste. C’est uneformation de feldspath compacte, dont l’indépendance meparoît assez douteuse. IV. Thonschiefer primitif. §. 15. Schiste primitif (schiste argileux, phyllade, urthon-schiefer), moins carburé et généralement à couleurs moinsfoncées que le thonschiefer de transition. Lorsqu’il passe aumicaschiste, le mica est fendu en grandes lames, tandis quele mica, en petites paillettes isolées, caractérise le thonschieferde transition. Bancs subordonnés: calcaire grenu bleuâtre;porphyre; chlorite schisteuse avec grenats et sphène dissé-minés; micaschiste (Klein-Kielvig, en Norwége); grünstein,mais beaucoup plus rare que dans le thonschiefer de transi-tion; grünstein-schiefer; quarz avec épidote; un mélange dediallage et de feldspath. Les bancs subordonnés au thonschieferprimitif sont moins fréquens que ceux du micaschiste, rochedans laquelle l’hétérogénéité des couches, l’abondance et lavariété des substances cristallisées ont atteint leur maximum, en passant du granite primitif aux roches de transition.Lorsqu’on considère en grand la différence des thonschieferprimitifs et des thonschiefer de transition, on peut indi-quer pour les premiers plusieurs caractères négatifs très-importans, tels que l’absence des nœuds ou bancs subor-donnés de calcaire compacte, l’absence de chiastolithe dissé-minée dans la masse, de feuillets de thonschiefer luisans etfortement chargés de carbone; enfin, l’absence de couchesfréquentes de grünstein (en boules), d’ampélite alumineuseet graphique (alaun- und zeichenschiefer), de pierre ly-dienne et de kieselschiefer: mais il ne faut point oublierque ces caractères généraux souffrent des exceptions par-tielles, dont le géognoste expérimenté est d’autant moinssurpris, que le thonschiefer de transition succède souventimmédiatement, selon l’àge relatif des formations, au thon-schiefer primitif. On trouve, dans le dernier, de la chiasto-lithe, aux sommets des Pyrénées et près de Kielvig en Nor- |133| wége. M. de Raumer y a vu, en Silésie (Rohrsdorf, Nieder-Kunzendorf), à la fois des bancs subordonnés de porphyre àbase feldspathique, de gneis-micaschiste, de calcaire grenu,d’ampélite et de pierre lydienne. Dans l’Amérique équinoxiale (chaîne du littoral de Vénézuela, isthme d’Araya, Cerro deChupariparu), j’ai observé, dans un thonschiefer qui passe aumicaschiste primitif et cyanitifère sur lequel il repose, à la foisdes couches de titane-rutile et d’ampélite luisante, traverséespar de petits filons d’alun natif. Il est quelquefois très-diffi-cile d’indiquer avec précision, où cessent les thonschieferprimitifs, où commencent ceux de transition. Les schistesbleu-noirâtre de Piedras Azules (entre Villa de Cura et Pa-rapara), à l’ancien rivage boréal des Llanos (ou steppes de Venezuela), ceux de Guanaxuato, au Mexique, dont lesstrates inférieurs passent au schiste talqueux et chloriteux(talk- et chloritschiefer), tandis que les strates supérieurssont chargés de carbone et enchâssent des bancs de syéniteserpentineuse, se trouvent sur cette limite de deux ter-rains contigus. Il n’est guères douteux que dans les deuxcontinens la plus grande masse de schistes ne soient des schistesde transition; mais en Amérique, surtout dans la région équi-noxiale, on est moins frappé de cette différence que de larareté absolue de tous les thonschiefer, en les comparantaux gneis-micaschistes. Le thonschiefer paroît manquer en-tièrement dans la Cordillère de la Parime, à travers laquellel’Orénoque s’est frayé un chemin: dans les Andes, commedans les Pyrénées, il n’occupe que des terrains de peud’étendue. Je l’ai trouvé au nord de l’équateur, suppor-tant les formations secondaires du plateau de Santa-Fé deBogota, entre Villeta et Mave; au sud de l’équateur,placé sur les micaschistes du Condorasto, et servant de baseaux porphyres de transition de l’Alto de Pilches, entre San-Luis et Pomallacta (Andes de Quito); sous la pierrecalcaire alpine de Hualgayoc, venant au jour à 2000 toisesde hauteur, dans le Paramo de Yanaguanga (crête des Andesdu Pérou); superposé immédiatement à du granite ancien,entre les villages indiens de San-Diego et de Cascas (penteoccidentale des Andes du Pérou). J’ignore si le thonschieferrecouvrant une syénite qui appartient au granite, aux |134| bords du lac de Hacatacumba et au Paramo de Yamoca (pente orientale des Andes du Pérou, province de Jaen deBracamoros), est véritablement de formation primitive. Lespassages insensibles que l’on observe quelquefois entre lesgranites, les gneis, les micaschistes et les thonschiefer, etqui trouvent leurs analogues dans les passages des syéniteset des serpentines aux grünstein de transition, ont faitcroire à plusieurs géognostes que ces quatre formations n’ensont qu’une seule. On voit en effet de vastes étendues depays dans lesquelles le gneis oscille perpétuellement entre legranite et le micaschiste, le micaschiste entre le gneis et lethonschiefer; mais ce phénomène n’est aucunement général.Il faut distinguer dans les deux hémisphères, 1.° des terrainsoù ces passages insensibles, ces oscillations entre des rochesvoisines, ont lieu fréquemment et d’une manière irrégu-lière; 2.° des terrains où des strates distincts de granite etde gneis, de gneis et de micaschiste, alternent et constituentdes formations complexes de granite et gneis, de gneis et mi-caschiste; 3.° des terrains où les formations simples de gra-nite, gneis, micaschiste et thonschiefer sont superposées sansalternance (avec ou sans passage au point du contact mutuel).Ce dernier cas n’exclut point, dans le gneis, par exemple,les couches de granite qui rappellent les roches de dessous,ni les couches de micaschiste, qui annoncent, pour ainsidire, d’avance les roches qui se trouveront superposées. Nous ferons suivre au thonschiefer quatre formations pa-rallèles: |Spaltenumbruch|
  • Roche de Quarz.
  • Granite-Gneis postérieur auThonschiefer.
|Spaltenumbruch|
  • Porphyre primitif?
  • Euphotide primitive.
La première de ces formations est très-peu connue en Eu-rope; la troisième paroît douteuse comme formation indé-pendante. Roche de quarz (avec masses de fer oligiste métalloïde). §. 16. C’est la grande formation qui embrasse l’Itacolumite,ou quarz élastique chloriteux (gelenkquarz, biegsamer sand-stein, chloritquarz) de M. d’Eschwege, et des couches de fer |135| oligiste micacé et spéculaire. Au sud de l’équateur, dansles montagnes du Brésil et dans les Cordillères des Andes,on trouve des masses de quarz, tantôt entièrement pur,tantôt mêlé de talc et de chlorite, qui, par l’énormeépaisseur de leurs couches et par l’étendue qu’elles occu-pent, méritent l’attention des géognostes. Ces roches dequarz m’ont paru offrir plusieurs formations d’une ancien-neté relative très-différente. Dans l’Amérique méridionale,les unes sont liées à un thonschiefer qui est décidémentprimitif; les autres, bien plus difficiles à saisir dans leursrapports de superposition, sont placées entre les porphyresde transition et le calcaire alpin; elles remplacent quelque-fois le grès rouge. Nous ne parlerons ici que des premières,en séparant les formations dont le gisement est exactementconnu, de celles qui offrent plus d’incertitude. Sur le pla-teau de Minas-Geraes près de Villa-Rica (selon les bellesobservations de M. d’Eschwege, directeur général des minesdu Brésil), un micaschiste qui renferme des bancs de cal-caire grenu, est recouvert d’un thonschiefer primitif. Surcette dernière roche repose, en stratification concordante,le quarz chloriteux (chloritquarz) qui constitue la masse du Pic d’Itacolumi, à 1000 toises de hauteur au-dessus du ni-veau de la mer. Cette formation quarzeuse renferme descouches alternantes, 1.° de quarz aurifère blanc, ou verdâtre,ou rubané, mêlé de talc-chlorite et offrant des strates de quarzflexible, que l’on a faussement attribuées jusqu’ici à l’hyalo-micte (greisen), ou à des couches de quarz dans le micaschiste;2.° de chlorite schisteuse; 3.° de quarz aurifère, mêlé detourmaline (schörlschiefer de Freiesleben); 4.° de fer oligistemétalloïde, mêlé de quarz aurifère (goldhaltiger eisenglim-merschiefer). Les couches de quarz chloriteux ont jusqu’à1000 pieds d’épaisseur. Toute cette formation est couverted’une brèche ferrugineuse extrêmement aurifère. C’est à ladestruction des couches que nous venons de nommer, et quisont liées géognostiquement les unes aux autres, que M. d’Esch-wege croit pouvoir attribuer les terrains de lavage qui ren-ferment à la fois l’or, le platine, le palladium et les diamans(Corrego das Lagens), l’or et les diamans (Tejuco), le pla-tine et les diamans (Rio Abaete). Le chloritschiefer décom- |136| posé, dont on tire les topazes et les euclases du Brésil, appar-tient à cette même formation. Quelquefois, dans les mon-tagnes de Minas-Geraes, la roche de quarz est d’une structureplus simple. Sans être compósée de couches alternantes, ellen’offre qu’une seule masse de quarz entrelacé avec du ferspéculaire granulaire ou dense (dichter eisenglanz; fer oli-giste non lamellaire, non micacé). Cette masse a jusqu’à1800 pieds d’épaisseur, et ne contient pas d’or disséminé.Elle est placée sur le thonschiefer primitif qui recouvreimmédiatement le gneis. On peut dire que c’est cette for-mation peu connue de quarz-Itacolumite qui a fourni, parsa décomposition (par les terrains meubles auxquels il adonné naissance), dans les années 1756 — 1764, annuelle-ment près de trente millions de francs en or. Elle succèdeimmédiatement au thonschiefer; mais, d’après les observa-tions faites jusqu’ici, il seroit difficile de la considérer avec lesschistes novaculaires (cos, wezschiefer), qui sont gris-verdâ-tre, gris de fumée, mêlés de beaucoup d’alumine, comme descouches subordonnées au thonschiefer. Le quarz-Itacolumite,par une affinité oryctognostique qui existe entre le talc et lachlorite, se rapproche du schiste talqueux (talkschiefer), quiabonde, dans tous les pays, en minéraux bien cristallisés, etqui, par la suppression des lames de talc, n’est quelquefoisque du quarz pur: aussi le schiste talqueux forme-t-il, dansles deux continens, des couches subordonnées au thonschieferet au micaschiste primitifs. J’ai trouvé une formation ana-logue à celle de Minas-Geraes, mais dépourvue de fer spé-culaire, à 1600 toises de hauteur au-dessus du niveau de lamer, dans les savanes de Tiocaxas (au sud du Chimborazo,entre Guamote et San-Luis) et à l’est du Paramo de Yamoca près de Hacatacumba (Andes de Quito). D’énormes massesde quarz y sont mêlées à quelques feuillets de mica, et su-perposées au thonschiefer primitif. L’indépendance des for-mations quarzeuses primitives, que nous indiquons ici, seramieux établie lorsqu’on les trouvera immédiatement super-posées, non toujours à la même roche (au thonschiefer),mais à différentes roches plus anciennes, par exemple, aumicaschiste, au gneis et au granite. C’est dans cette indé-pendance de gisement que s’observe la roche de quarz de |137| Contumaza, que je crois secondaire: elle recouvre d’abordle porphyre, puis (près de Cascas) le même granite quiforme les côtes de la Mer du Sud dans le Bas-Pérou. Uneobservation très-importante, que M. de Buch a faite dansle nord de la péninsule Scandinave, paroît justifier la placeque nous assignons, parmi les roches primitives, à la rochede quarz de l’hémisphère austral. Cet infatigable voyageur areconnu que, dans la région boréale de l’ancien monde, lethonschiefer primitif est remplacé quelquefois par une rochede quarz que colore le fer. Cette roche de quarz et le thon-schiefer sont par conséquent, en Norwége, des roches paral-lèles, des équivalens géognostiques. Il est bien remarquablede voir le soufre, l’or, le mercure et le fer oligiste métalloïde,liés dans l’Amérique méridionale à ces énormes amas de silice.Quel que soit l’intérêt qu’inspirent les métaux précieux, onne sauroit nier que l’abondance du soufre dans des terrainsprimitifs est, sous le rapport de l’étude des volcans et desroches à travers lesquelles le feu souterrain s’est frayé sonchemin, un phénomène bien plus important que l’abondancede l’or. Un peu au sud des hautes savanes de Tiocaxas et de Guamote (Cordillères de Quito), où nous venons de désignerla formation, peut-être indépendante, de quarz superposé authonschiefer, j’ai examiné la célèbre montagne de soufre deTicsan, qui est une couche de quarz (direction N. 18° E.; incli-naison 70 — 80° au NO.; épaisseur de la couche, 200 toises;hauteur au-dessus du niveau de la mer, 1250 toises) dans lemicaschiste. Au Brésil, la formation de quarz chloriteux (Itaco-lumite), superposée au thonschiefer primitif, renferme non-seulement de l’or, mais aussi du soufre. Des plaques de cetteroche, fortement chauffées, brûlent avec une flamme bleue.Un thonschiefer du même âge que celui sur lequel est super-posé le quarz chloriteux, renferme (Serra do Frio, près de S. Antonio Pereira) un banc de calcaire primitif mêlé demasses de soufre natif. L’or et le soufre se trouvent aussi (Andesde Caxamarca, au Pérou, entre Curimayo et Alto del Tual),sur la limite des porphyres de transition et des calcaires al-pins, dans des masses puissantes de quarz qui sont parallèlesau grès rouge. C’est à ces mêmes roches de quarz, ou plutôt àdes formations plus neuves encore, qu’appartient le grand |138| dépôt (quarzflötz) de mercure sulfuré de Guancavelica, tan-dis que le mercure de Cuença (partie méridionale du royaume de Quito), de même que celui du duché de Deux-ponts, appartient au grès rouge. Ces notions suffisent pourrépandre quelque jour sur les couches puissantes de quarzque nous avons observées, M. d’Eschwege et moi, dansl’hémisphère austral, et qu’on ne peut guère appeler desgrès quarzeux. Ces roches semblent passer, comme les for-mations calcaires, à travers les différens terrains primitifs,intermédiaires et secondaires. Plusieurs géognostes célèbresont déjà tenté d’introduire des roches de quarz, commeformations indépendantes, dans le type général des terrains.Le quarzgebirge de Werner est primitif et repose sur du gneis(Frauenstein, Oberschönau, en Saxe), dont peut-être il aété jadis recouvert. Des couches qui appartiennent essentiel-lement à une formation, se trouvent quelquefois à la limitesupérieure et inférieure de cette formation (exemples:schiste bitumineux sous le zechstein ou calcaire alpin; gypseau-dessus du zechstein; kieselschiefer, pierre lydienne ouampélite, au-dessus du thonschiefer de transition et dans cetteroche). Les petites masses de quarz primitif observées sur lacrête des montagnes de l’Europe ne peuvent être comparées,pour leur puissance et leur étendue, aux roches de quarzprimitives des Andes et du Brésil. Le granular-quarzrock (avec feldspath) des Hébrides de M. Jameson, les rochesquarzeuses et chloriteuses antérieures au grauwacke et liéesau grès rouge (primary red sandstone) de M. Maculloch,offrent quelques traits d’analogie géognostique avec lesmasses quarzeuses de l’Amérique équinoxiale; mais elles sontbeaucoup plus mélangées (moins simples de structure),et pourroient bien, d’après les discussions intéressantes deM. Boué, appartenir à d’anciennes roches de transition. Le trappsandstein ou quarzfels secondaire de quelques géognostesallemands entoure les basaltes, et est, à n’en pas douter,d’un âge beaucoup plus récent que la formation de quarz enmasse (extrêmement pur, non mélangé et non agrégé) qui,placé entre le porphyre de transition et le calcaire alpin,atteint, d’après mes observations à la pente occidentale des Andes du Pérou (Contumaza, Namas), l’énorme épaisseurde 6000 pieds. |139| Granite et Gneis postérieur au Thonschiefer. §. 17. Une formation de granite à petits grains, passantquelquefois à un gneis grenatifère et alternant avec lui.Cette formation intéressante (Kielvig, à l’extrémité septen-trionale de la Norwége, et îles Shetland) repose, selon M. de Buch, sur le thonschiefer primitif. Elle renferme del’amphibole et du diallage; elle manifeste par là son affinitéavec une des formations suivantes. On pourroit désigner lesformations de granite (§§. 4, 7, 12 et 17) par les noms degranite du weisstein, du gneis, du micaschiste et du thon-schiefer; mais ces dénominations feroient croire que cespetites formations sont nécessairement dans le weisstein,dans le gneis, dans le micaschiste et dans le thonschiefer:elles se trouvent simplement superposées aux roches dontelles paroissent dépendre. La présence de l’étain, du fermagnétique (?), de l’amphibole, de la diallage, du grenat,du talc et de la chlorite remplaçant le mica, comme la ten-dance de passer à la pegmatite (schriftgranit), caractérisentles granites de nouvelle formation. Porphyre primitif? §. 18. Existe-t-il une formation primitive et indépendantede porphyre? Il ne peut être question ici, ni des porphyresqui se trouvent comme des bancs subordonnés dans d’autresroches primitives (§§. 5 et 15), ni de ces gneis et micaschistesdes hautes Alpes qui deviennent grenus et prennent, parl’isolement des cristaux de feldspath, un aspect porphyroïde.J’hésite de placer parmi les roches primitives les porphyresde Saxe et de Silésie (duché de Schweidnitz), quoique lespremiers recouvrent immédiatement le gneis (entre Frei-berg et Tharandt). Ils sont quelquefois traversés par desfilons d’étain (Altenberg) et des minérais d’argent (Grund).Les porphyres de Silésie renferment de l’amphibole dissé-miné (Friedland): on les a crus jusqu’ici plus anciensque le thonschiefer primitif. Il est certain que les porphyresde Saxe sont en partie des porphyres de transition, enpartie des porphyres de grès rouge. Dans les Cordillères desAndes du Pérou, de Quito, de la Nouvelle-Grenade et |140| du Mexique, parmi cette innombrable variété de rochesporphyriques dont les masses atteignent 2500 à 3000 toisesd’épaisseur, je n’ai pas vu un seul porphyre qui me parûtdécidément primitif. La formation la plus ancienne que j’aieobservée, se trouve dans la vallée profonde de la Magdalena (entre Guambos et Truxillo, au Pérou): c’est un porphyre àbase argileuse, un peu décomposée, avec feldspath commun,non vitreux, sans amphibole, mais aussi sans quarz. Cetteformation, qui paroît distincte de tous les porphyres detransition et trachytiques de Quito et de la crête des Andesdu Pérou, vient au jour à 600 toises de hauteur au-dessusdu niveau de la mer; elle est placée immédiatement sur legranite, et recouverte, à la pente occidentale des Andes,d’une roche de quarz secondaire, à la pente orientale (vrai-semblablement) de grès rouge. V. Euphotide primitive postérieure au Thonschiefer. §. 19. Une formation placée à la limite des formationsprimitives et de transition. C’est le Gabbro de M. de Buch;l’Euphotide de M. Haüy; le Schillerfels de M. de Raumer;l’Ophiolithe de M. Brongniart. Cette roche a été désignéejadis sous les noms de serpentinite, granite serpentineux,granite de diallage, granitone, granito di gabbro, granito dell’Impruneta, serpentinartiger urgrünstein. Nous la caractéri-sons ici telle que M. de Buch l’a circonscrite le premier. Ellese trouve superposée (cap Nord de l’île Mageroe, en Norwége)à un schiste primitif, qui passe vers le haut à l’euphotide, versle bas au micaschiste. L’euphotide du Val Sesia recouvre aussi,selon M. Beudant, immédiatement le micaschiste primitif. Onpeut dire qu’en général l’euphotide ou gabbro est un mélangede diallage (smaragdite), de jade (saussurite, feldspath tenace)et de feldspath lamelleux. Quelquefois (Bergen, en Norwége)le jade manque entièrement; mais dans le verde di Corsica (Stazzona, au nord de Corte et S. Pietro di Rostino dans l’îlede Corse) l’euphotide n’est qu’un mélange de jade voisin dufeldspath compacte, et de diallage verte sans feldspath lamel-leux. Quoique, d’après les intéressantes observations rappor-tées par M. Haüy dans son Tableau comparatif, les diallagesmétalloïdes (schillerspath) vertes, à reflets satinés, et les |141| diallages grises passent progressivement (roches du Musinet près de Turin) les unes aux autres, on peut pourtant distin-guer ces substances par les caractères géognostiques qu’ellesoffrent le plus fréquemment en grand. L’euphotide à diallagegrise est beaucoup plus fréquente (un peu plus ancienne?)que l’euphotide à diallage verte. La serpentine est presquetoujours dans une liaison de gisement intime avec l’eupho-tide, dont elle ne semble être qu’une variété à très-petitsgrains, d’apparence homogène. Cette liaison se manifesteaussi en Hongrie (Dobschau), où M. Beudant a trouvé l’eu-photide grenue et schisteuse immédiatement superposée aumicaschiste primitif. La soude, d’après les travaux de Théo-dore de Saussure et de Klaproth, s’observe parmi les rochesprimitives dans le feldspath compacte du weisstein et dugrünsteinschiefer, dans le jade des euphotides, et dans la la-zulite (outre-mer) du Baldakschan. Cette dernière substanceparoît appartenir à une couche de calcaire primitif intercaléeau granite-gneis. Bancs subordonnés à l’euphotide: serpen-tine avec asbeste et diallage métalloïde; serpentine accom-pagnée de chrysoprase, opale et calcédoine (Kosemitz, en Silésie); calcaire grisâtre compacte, passant au calcaire àpetits grains (Alten, en Norwége). Ce calcaire rapprochel’euphotide de la Scandinavie, qui est le dernier membredes formations primitives, du terrain des roches intermédiairestrès-anciennes. Comme l’euphotide n’est souvent pas recou-verte, et que la superposition d’une roche sur une autretrès-ancienne ne nous éclaire pas sur l’époque de sa for-mation, il reste des doutes sur l’âge relatif de beaucoupd’euphotides. M. de Buch a vu celle du Haut-Valais (Saas, Mont-More) placée au-dessus du micaschiste; celle de Sestri,au nord du golfe de la Spezzia, sous le thonschiefer (de tran-sition?) de Lavagna. M. de Raumer, dans son excellent ou-vrage sur la Silésie inférieure, place le schillerfels du Zobten-berg parmi les formations primitives; M. Keferstein y rangel’euphotide du Harz (entre Neustadt et Oderkrug), qui ren-ferme du titane ferrifère (nigrine) disséminé. Je pense aussique les serpentines du Heideberg près de Zell, et celles quel’on trouve entre Wurlitz et Kotzau, où elles renferment dupyroxène-diopside, sont très-anciennes. Toutes ces serpentines |142| des montagnes de Bareuth m’ont paru intimement liées auschiste amphibolique (hornblendschiefer) et au schiste chlo-riteux (chloritschiefer). Elles offrent des propriétés magné-tiques très-remarquables, que j’ai fait connoître en 1796, etqui depuis ont été l’objet des recherches plus exactes de MM. Goldfuss, Bischof et Schneider. En jetant un coup d’œil gé-néral sur les euphotides des deux continens, on ne sauroitse refuser d’admettre plusieurs formations, d’un âge relatifassez distinct. Les euphotides que j’ai observées à l’île deCuba, à Guanaxuato, au Mexique, et à l’entrée des Llanos deVenezuela, sont liées soit à la syénite soit au calcaire noir, etme semblent bien décidément des euphotides de transition,de même que l’euphotide (serpentine stratifiée en couchesassez minces: direct. N. 52° E.; incl. 70° au NO.; épais-seur 10 toises) de la cime de la Bochetta de Gênes, que j’aiobservée en 1795 et 1805, et qui est intercalée à un thon-schiefer de transition qui alterne avec du calcaire noir. Leseuphotides de la Spezzia, de Prato et de tout le Siennois,que MM. de Buch et Brocchi considèrent comme de formationprimitive ou de formation de transition très-ancienne, pa-roissent à M. Brongniart, qui les a récemment examinéesavec beaucoup de soin, appartenir aux formations secon-daires, ou tout au plus aux formations de transition les plusrécentes. Les géognostes célèbres que je viens de nommer,sont assez d’accord sur le gisement immédiat de ces eupho-tides de l’Italie, c’est-à-dire sur la détermination oryctognos-tique des roches qui se trouvent au-dessous et au-dessus del’euphotide; mais ils diffèrent sur l’âge de formation quel’on doit assigner géognostiquement à ces roches en contactavec l’euphotide. C’est ainsi qu’en géographie on connoîtquelquefois avec précision le gisement d’un îlot, par rapportaux îles voisines; tandis que la longitude absolue de toutl’archipel, sa plus grande proximité de l’ancien ou du nou-veau continent, restent encore incertaines. Terrains de transition. Le terrain de transition réunit, d’après M. Werner, desroches qui offrent dans leur composition beaucoup d’analogie |143| avec celles des terrains primitifs, mais qui alternent avec desroches fragmentaires ou arénacées (clastiques, agrégées; rochesde transport). Quelques débris de corps organiques (des em-preintes de roseaux, de palmiers et de fougères arborescentes;des madrépores, pentacrinites, orthocératites, trilobites,hystérolithes, etc.) y paroissent de préférence, je ne diraipas dans les roches supérieures, ou les moins anciennes decet ordre, mais en général dans les roches non feldspathi-ques et dont la masse ne présente pas un aspect très-cristallin.Ce sont surtout les belles observations de MM. de Buch et Bro-chant qui ont étendu les limites des terrains de transition.Ces limites sont plus faciles à fixer vers le haut, où com-mencent les terrains secondaires, que vers le bas, où finissentles terrains primitifs. J’ai rappelé ailleurs comment, par lesmicaschistes anthraciteux et les thonschiefer verts, les rochesde transition se lient aux roches primitives; comment, parles porphyres à feldspath vitreux, elles se lient aux terrainsvolcaniques, et par les grauwackes à petits grains et les por-phyres abondant en cristaux de quarz, au grès rouge et auxporphyres des terrains secondaires. Dans les régions les pluséloignées les unes des autres, des roches analogues, des thon-schiefer talqueux, à feuillets fortement contournés, chargésde carbone, renfermant de l’ampélite (alaunschiefer) et dela pierre lydienne; des calcaires noirs alternant avec le thon-schiefer, des grauwackes, des porphyres et des syénites mé-langés de fer titané, se trouvent placés entre des rochesprimitives, c’est-à-dire entièrement dépourvues de tracesd’organisation et de masses arénacées, et la grande formationde houilles; mais la succession des roches homonymes de tran-sition varie même là où elles semblent toutes également dé-veloppées. Le plus grand nombre des formations de ce terrainsont composées de deux ou trois roches alternantes (calcairenoir compacte, grünstein et thonschiefer; grauwacke et por-phyre; calcaire grenu, grauwacke et micaschiste anthraciteux);et comme des membres partiels des groupes ou formationsd’une structure si compliquée passent d’un groupe a l’autre,d’excellens observateurs, MM. de Raumer, d’Engelhardt et Bonnard, ont été tellement frappés de ce phénomène deconnexité et d’alternance, qu’ils ne reconnoissent dans la |144| classe entière qu’une seule grande famille de roches. Si l’ouexamine les formations de transition d’après leur structureet leur composition oryctognostique, on y distingue cinqassociations très-marquées: les roches schisteuses; les rochesporphyritiques (feldspathiques ou syénitiques); les rochescalcaires grenues et compactes, avec gypse anhydre et selgemme; les roches d’euphotide, et les roches agrégées (grau-wacke et brèches calcaires). Sur quelques points du globe unseul de ces groupes ou de ces associations de roches cristalliséeset non cristallisées a pris un développement si extraordi-naire, que les autres groupes paroissent presque entière-rement supprimés. C’est ainsi que dominent dans les Cor-dillères du Mexique et de Quito, comme en Hongrie et dansplusieurs parties de la Norwége, les porphyres et les syé-nites de transition; dans la Tarantaise, les calcaires grenus ettalqueux; dans quelques régions des Alpes et de la Bochetta,les calcaires noirs presque compactes ou à très-petits grains;enfin, au Harz et sur les bords du Rhin, les grauwackes etthonschiefer de transition: mais cette épaisseur et cetteétendue qu’acquièrent les masses minérales, ne doivent pasguider le géognoste lorsqu’il discute l’âge relatif des formationspartielles. Une extrême variété de gisement ne s’observe passeulement dans les petites formations; aussi les grandes for-mations homonymes très-développées ne peuvent guère êtreenvisagées comme contemporaines, c’est-à-dire qu’elles n’of-rent pas le même gisement par rapport aux autres termes de lasérie des roches in termédiaires. Les porphyres de Guanaxuato,par exemple, sont superposés à un thonschiefer stéatiteux etchargé de carbone; ceux de la Hongrie, à un micaschiste tal-queux de transition renfermant des bancs de calcaire gris-noi-râtre. Les porphyres des Andes de Quito (et des îles Britan-niques?) recouvrent immédiatement des roches primitives,et sont par conséquent antérieurs à toute roche calcaire quirenferme des vestiges de corps organisés: au contraire, lesporphyres et syénites zirconiennes de Norwége, comme proba-blement aussi les porphyres du Caucase, si bien observés parMM. d’Engelhardt et Parrot, succèdent, selon l’âge de leurformation, au calcaire rempli d’orthocératites. Les plus grandesmasses de grauwacke (alternant avec le grauwackenschiefer) |145| se sont développées sans doute au milieu des schistes de tran-sition les plus anciens; mais on trouve aussi des bancs degrauwacke très-puissans, d’une origine beaucoup plus récente.En général, les cinq groupes de roches que nous venons dedistinguer d’après des rapports de composition ou des ca-ractères oryctognostiques, ne conservent pas partout lamême place dans la série des formations intermédiaires; ilsne se trouvent guère séparés dans la nature comme dans uneclassification oryctognostique des roches. On observe queles thonschiefer et les calcaires noirs, les thonschiefer et lesporphyres, les thonschiefer et les grauwackes, les porphyreset les syénites, les calcaires grenus et les micaschistes an-thraciteux, forment des associations géognostiques dans lescontrées les plus éloignées les unes des autres. C’est la cons-tance de ces associations binaires ou ternaires qui caractériseles terrains de transition, bien plus que l’analogie qu’offredans chaque groupe la succession des roches homonymes. En discutant les terrains primitifs où les formations sontplus simples, plus tranchées, sujettes à des alternances moinsfréquentes, j’ai pu essayer d’énumérer séparément les gra-nites qui succèdent aux gneis, les gneis qui succèdent auxmicaschistes. Il y a des granites et des gneis primitifs de dif-férens âges, comme dans les terrains de transition il y a desgrauwackes ou des calcaires noirs, semblables de composi-tion, mais très-éloignés les uns des autres, selon leur an-cienneté relative. Si dans ces derniers terrains le géognostene tente pas de nommer séparément les différentes couchesde grauwacke ou de calcaire, c’est parce que ces couches,isolément, n’ont pas de valeur comme termes de la série desroches intermédiaires; elles n’en ont qu’autant qu’elles fontpartie de certains groupes. Or, ce sont ces groupes mêmes,ces associations constantes de thonschiefer, grünstein etgrauwacke, de calcaire stéatiteux et grauwacke, de por-phyre et grauwacke, etc., qui sont les véritables termes dela série. Il en résulte que, d’après les principes que noussuivons dans l’arrangement des formations, on doit énumérerséparément non des masses isolées de calcaire, de grauwackeet de porphyre, qui se mêlent entre elles ou à d’autresroches, mais des groupes entiers et bien caractérisés, ceux, |146| par exemple, dans lesquels dominent les grauwackes et lesthonschiefer, ou les porphyres et les syénites. Parmi ces der-niers les uns sont postérieurs, les autres antérieurs à desroches qui renferment des débris d’êtres organisés. Dans lesterrains primitifs les termes de la série sont généralementsimples; dans les terrains de transition ils sont tous complexes,et c’est de cette complexité même que naît la difficulté d’étu-dier, par assises, un édifice dont on saisit avec peinel’ordonnance au milieu de l’entassement de tant de maté-riaux semblables. Pour justifier l’ordre que j’assigne auxdifférens terrains de transition, je commencerai par présenterdans le tableau suivant la succession des formations (en com-mençant par les plus anciennes) qui ont été observées dansplusieurs contrées et examinées avec soin. Je n’emploîrai quela description oréographique des géognostes habitués à suivreles mêmes principes dans la dénomination des roches. |Spaltenumbruch| 1. Andes de Quito et du Pérou. Porphyres de transition, non mé-tallifères, recouvrant immédiate-ment les roches primitives (granite,thonschiefer). Grünstein en boules (kugelge-stein). Calcaire noir, superposé au por-phyre. Je n’y ai pas vu de grauwacke;il est remplacé, dans les Andesde Quito et du Pérou, au sud del’équateur, par la grande formationde porphyre. 3. Montagnes du Mexique. Thonschiefer de transition, char-gé de carbone, renfermant des cou-ches de syénite et de serpentine.Les couches inférieures passent auschiste talqueux et reposent sur desroches primitives. Syénite alternant avec du grün-stein. |Spaltenumbruch| 2. Montagnes de Venezuela. Schistes verts stéatiteux de tran-sition, couvrant du gneis-mica-schiste primitif. Calcaire noir. Serpentine et grünstein (recou-verts d’amygdaloïde avec pyroxène). C’est la suite de roches que j’aiobservée au bord septentrional des Llanos de Calabozo. 4. Hongrie. Micaschiste de transition avec desbancs de calcaire noir superposéà des roches primitives. Porphyres et syénites de transi-tion. Couches subordonnées: mica-schiste de transition; calcaire grenublanc avec serpentine; masses degrünstein. Ces porphyres sont, commela plupart de ceux des Andes, im-médiatement recouverts par des tra-chytes syénitiques blancs et noirs.(Observations de M. Beudant.) |147| |Spaltenumbruch| Porphyre de transition, métalli-fère, placé immédiatement sur lethonschiefer de transition. Les cou-ches supérieures passent à la pho-nolithe. Telle est la série de roches de Guanaxuato. Dans le chemin de Mexico à Acapulco j’ai vu les por-phyres de transition reposer immé-diatement sur le granite primitif.Près de Totonilco ces porphyres sontcouverts de roches secondaires, telsque le calcaire alpin, le grès et legypse argileux. Je n’ose prononcersur les rapports d’âge entre les cal-caires de transition des mines duDoctor et de Zimapan, et les por-phyres de Guanaxuato et de Pachu-ca; mais, d’après MM. Sonneschmidt et Valencia, on voit suivre dans lesriches mines de Zacatecas, presquecomme à Guanaxuato, de bas enhaut, syénite et thonschiefer detransition (avec grünstein et pierrelydienne), grauwacke, porphyrenon métallifère. 5. Tarantaise. Une même formation, reposantimmédiatement sur le terrain pri-mitif, renferme du calcaire grenustéatiteux, du micaschiste avec gneiset du grauwacke anthraciteux. Cesdifférentes roches alternent plu-sieurs fois et offrent des bancs subor-donnés de serpentine, de grünstein,de quarz compacte et de gypse detransition. (Observations de M. Brochant de Villiers.) |Spaltenumbruch| 6. Suisse. Dans le passage des Alpes, de Chiavenna à Claris, d’après M. deBuch: Thonschiefer de transition, avecdes couches de calcaire gris, repo-sant sur du thonschiefer et du mi-caschiste primitifs. Serpentine avec grenats. Calcaire noir. Grauwacke. Thonschiefer alternant avec ducalcaire noir. Thonschiefer avec empreintes depoissons (presque secondaire). Dans les environs de Bex, d’aprèsM. de Charpentier: Grauwacke superposé au gneis(primitif?). Calcaire noir, renfermant des bé-lemnites, et alternant avec du thon-schiefer de transition. Calcaire argileux de transition,avec ammonites, offrant des couchessubordonnées de grauwacke, degypse anhydre et de sel gemme. M. de Buch, d’après des observa-tions géognostiques faites avant l’an-née 1804, assignoit aux formationsde transition de la Suisse occiden-tale, considérées sous un point devue général, et en passant des ro-ches inférieures aux roches supé-rieures, l’ordre suivant: Thonschiefer de transition. —Calcaire noir. — Muriacite salifèreet gypse. — Grauwacke. — Calcairenoir. — Thonschiefer, avec em-preintes de poissons. |148| |Spaltenumbruch| 7. Allemagne. Système de gisement en Saxe,entre Freiberg, Maxen et Meissen,d’après MM. de Raumer et Bonnard: Thonschiefer avec ampélite etpierre lydienne, alternant à la foisavec du grauwacke, du grünstein,du porphyre et du calcaire. Ce ter-rain repose sur le gneis primitif. Syénite et porphyre. Dans cetteformation, qui abonde aussi au Thüringerwald, selon l’excellentedescription de M. Heim, se trouventintercalés du granite et du gneis detransition. Le Harz et l’Allemagne occiden-tale (entre le Rhin et la Lahn) sontrecouverts d’une grande formationde thonschiefer, dans laquelle,comme par développement inté-rieur, se montrent des masses degrauwacke et grauwackenschiefer,de calcaire (souvent d’une couleurpeu foncée), de grünstein, de quarzet de porphyre. Cette dernière rochey est cependant plus rare que dansla formation indépendante de syé-nite et porphyre, que supporte dansd’autres contrées le thonschiefer detransition. 11. Caucase. Thonschiefer, peut-être déjà detransition. Calcaire noir avec ampélite. Porphyre de transition, alternantavec le thonschiefer. Ce porphyre,souvent colonnaire, avec feldspathvitreux, peu de quarz et peu de mica,ressemble dans les montagnes du |Spaltenumbruch| 8. Presqu’île du Cotentin et Bretagne. Thonschiefer vert, luisant, stéa-titeux (de transition), alternantquelquefois avec du grauwacke, avecdu calcaire noir et avec la rochede quarz. Syénite et granite. Thonschiefer de transition, re-couvrant quelquefois de nouveau lasyénite. (Observations de MM. Bron-gniart et d’Omalius d’Halloy.) 9. Isles Britanniques. Syénite et porphyre de transitionreposant sur des roches primitives.(Chaîne du Snowdon, Grampians, Ben-Nevis.) Thonschiefer de transition, avectrilobites, renfermant dans les cou-ches inférieures un aglomérat deroches primitives, semblable à celuide la Valorsine (Llandrindod, Kil-larney, cime du Snowdon). Grauwacke (May-hill et North-Wales). Calcaire de transition (Longhope, Dudley). Grauwacke, old red sandstone(Mitchel Dean de Herefordshire). Calcaire de transition, mountain-limestone (Derbyshire), recouvertpar la grande formation de houille.(Observations de M. Buckland, quisemble cependant regarder la syé-nite et une partie des porphyrescomme primitifs.) 10. Norwége. Cisement des roches près de Chris-tiania, d’après les observations deM. de Buch: |149| |Spaltenumbruch| Kasbek (comme font souvent lesporphyres des sommets mexicains)à du trachyte poreux. Gneis, syénite et granite de tran-sition en couches alternantes. Thonschiefer de transition, cou-vert d’un calcaire fétide, qui pa-roît secondaire. (Observations deMM. d’Engelhardt et Parrot.) |Spaltenumbruch| Thonschiefer de transition, al-ternant avec du calcaire noir, rem-pli d’orthocératites et reposant surdu gneis primitif. Grauwacke et kieselschiefer. Porphyre à cristaux de quarz,renfermant une couche de grünsteinporeux avec pyroxène. Syénite à zircons, et granite detransition, avec couches de porphyre. On reconnoît, dans ces différens types de superposition,recueillis en Europe, en Amérique et en Asie, au nord etau sud de l’équateur, que parmi les plus anciennes rochesde transition trois grandes formations, celle de calcaire grenuet talqueux, grauwacke avec anthracite et micaschiste, cellede syénite et porphyre (à cristaux d’amphibole et très-peu dequarz), et celle de thonschiefer, grauwacke et calcaire noir,occupent à peu près le même rang sur différens points du globe.Les calcaires micacés et poudingues à fragmens de roches pri-mitives de la Tarantaise; les porphyres et syénites du Pérou;le thonschiefer de transition avec grauwacke (Harz, Friedrichs-walde en Saxe, Aggerselv en Norwége, et Guanaxuato auMexique), sont peut-être d’une origine contemporaine. Enrangeant les roches comme termes d’une seule série, ilauroit fallu peut-être rappeler leur parallélisme de la manièresuivante: II (I ou III). Je distingue, comme termes de lasérie des roches de transition, six groupes qui me paroissentbien caractérisés par les roches qui y dominent, par leurgìsement et par l’étendue de leur masse. Ces groupes ougrandes formations sont: I. Calcaire grenu stéatiteux, mica-schiste de transition et grauwacke à fragmens primitifs.II. Porphyre (non métallifère) antérieur au calcaire à ortho-cératites, au thonschiefer et au micaschiste de transition.III. Thonschiefer renfermant des grauwackes, des calcaires,des porphyres et des grünstein. IV. Porphyres et syénites(métallifères) postérieurs au thonschiefer de transition, an-térieurs à un calcaire qui renferme des débris organiques.V. Porphyres, syénites et granites zirconiens (non métalli-fères), postérieurs au thonschiefer et au calcaire avec ortho- |150| cératites. VI. Euphotide de transition avec jaspe et serpen-tine. Presque chaque groupe est composé de roches alter-nantes, et plusieurs de ces roches, qu’on peut considérercomme de petites formations partielles, sont communes àtous les groupes. C’est cette communauté, cette alternance,ce retour périodique des mêmes masses, qui constituent l’u-nité apparente de la grande famille des terrains de transi-tion. Cependant chaque groupe a des roches qui prédominentet qui lui donnent un aspect particulier. Tels sont les cal-caires grenus et talqueux dans le premier groupe; les por-phyres non métallifères, abondant en amphibole et presquedépourvus de quarz, dans le second; les grauwacke dans letroisième; les roches serpentineuses dans le sixième. Le qua-trième et le cinquième groupes sont caractérisés, l’un par desporphyres et syénites métallifères; l’autre, par des graniteszirconiens. Mais ce sont là des caractères en partie oryctognos-tiques; la véritable base de la division que nous proposons pro-visoirement aux géognostes, sont la superposition et l’âge rela-tif, observés dans différentes parties du globe. Une partie desporphyres mexicains et péruviens du deuxième et même duquatrième groupe, semble avoir des rapports intimes avec lestrachytes, qui sont les plus anciennes parmi les roches volca-niques. Avant de décrire en détail les six grandes formations inter-médiaires, je développerai quelques considérations généralessur le terrain de transition, superposé le plus souvent engisement concordant au terrain primitif. La magnésie; le feroxidulé (magnétique), qui offre des rapports géognostiquessi frappans avec toutes les substances dans lesquelles dominela magnésie; le fer titané; le carbone et la chaux carbonatée,pénètrent à travers la plupart des formations de transition.M. Beudant a fait l’observation importante, que les syéniteset porphyres de Schemnitz, de Plauen et de Guanaxuato fonteffervescence avec les acides, tandis que les trachytes (por-phyres trachytiques) de la Hongrie n’offrent pas le mêmephénomène. Saussure et M. Brochant ont trouvé effervescensdes micaschistes de transition (à la Tête-Noire) et des quarzcompactes (dans la Tarantaise), là même où ces roches sonttrès-éloignées de bancs intercalés de calcaire grenu stéatiteux. |151| J’ai vu dans les Cordillères du Pérou (Paramo de Yamoca),comme dans le Thüringerwald-Gebirge (entre Lauenstein et Gräfenthal), un thonschiefer qui offroit d’abord tous lescaractères d’une roche primitive, mais qui peu à peu devenoiteffervescent, et dont les dernières couches présentoient desnœuds épars de calcaire compacte gris-noirâtre. La chauxcarbonatée, d’abord disséminée dans la masse entière, seconcentre progressivement pour donner à la roche une struc-ture glanduleuse, pour former des strates minces alternans,des bancs intercalés, et à la fin des roches calcaires grenuesou compactes, qui remplacent le thonschiefer, le micaschisteou l’euphotide, au sein desquels elles se sont développées.M. Steffens, dans son Traité d’Oryctognosie, a consigné desremarques ingénieuses sur le rôle important que le feldspathet l’amphibole jouent dans les terrains primitifs, dans les ter-rains intermédiaires ou de transition, et dans le grès rouge. Aumilieu du second de ces terrains le feldspath se montrejusque dans le calcaire compacte. On peut croire qu’enpassant du granite au thonschiefer, par les gneis et les mi-caschistes, cette substance reste cachée dans la pâte quin’est qu’homogène en apparence; car nous voyons le thon-schiefer de transition devenir quelquefois du porphyre,comme, par d’autres développemens intérieurs, par des accu-mulations de silice et de carbone, et par l’agrégation des élé-mens de l’amphibole, il devient du kieselschiefer, de l’an-thracite, du grünstein et de la syénite. Dans les porphyresde transition on distingue souvent deux sortes de feldspath,le commun, et le vitreux à cristaux très-effilés (Andes duPérou, vallée de Mexico). Ce dernier, qui est moins uneespèce minéralogique qu’un état particulier du feldspathcommun, appartient à la fois aux terrains de transition etaux véritables trachytes. La présence fréquente de l’amphi-bole et le manque de quarz cristallisé distinguent orycto-gnostiquement beaucoup de porphyres de transition de ceuxdes terrains primitifs. Ces derniers ne sont peut-être que descouches subordonnées à d’autres roches. L’amphibole, qui estpresque restreint aux bancs intercalés dans le terrain primitif,n’est nulle part plus abondant que dans les terrains de transi-tion et dans les terrains trachytiques. Parmi les premiers, les |152| grünstein et les syénites offrent, par des changemens de pro-portions dans les élémens du tissu cristallin, une espèce delutte entre le feldspath et l’amphibole. Le pyroxène, quel’on croit trop exclusivement caractériser les trachytes, lesbasaltes et les dolérites, est propre à plusieurs porphyres detransition des Andes et de la Hongrie. On le trouve aussi dansles couches bulleuses, noires et basaltiques, de la syénite zirco-nienne de Norwége. J’ai cru avoir reconnu dans quelquesporphyres de transition de l’Amérique équinoxiale des tracesd’olivine; mais ce n’étoient sans doute que des variétés moinsfoncées et verdâtres du pyroxène, dont on distinguoit àpeine les sommets dièdres, et dont je n’ai pu essayer la fusi-bilité au chalumeau. L’olivine appartient proprement auxformations basaltiques, et il est même encore douteux sielle se montre dans les trachytes. La tendance fréquente àla cristallisation, que l’on observe dans les terrains de tran-sition au milieu de roches à sédiment et de roches agrégées,est un phénomène si extraordinaire, que des géognostes cé-lèbres ont été tenté d’admettre que beaucoup de ces rochesqui paroissent agrégées (sous forme de brèches ou poudingues;de roches clastiques et arénacées; de grès de transition oud’agglomérats), bien loin de contenir des débris de rochespréexistantes, ne sont que l’effet d’une cristallisation confuse,mais contemporaine. Des masses que dans quelques strates ona prises pour des fragmens anguleux et nettement circons-crits, se fondent à peu de distance de là dans la pâte mêmede la roche; d’autres masses, qui ressemblent à des caillouxroulés, deviennent des nœuds fortement adhérens aux lamescontournées d’un schiste, s’alongent et s’évanouissent peu àpeu. Lorsque l’on compare certains granites et porphyres,des brèches calcaires, des grauwackes et des grès rouges, oncroit reconnoître dans des roches d’âge si différent, à de cer-tains indices de structure, le passage insensible d’une forma-tion contemporaine, d’une cristallisation simultanée, maistroublée par des attractions particulières, à une véritable agré-gation (agglutination) de débris de roches préexistantes. Soustoutes les zones il y a des granites à gros grains, dans lesquelsdes masses à petits grains très-micacés se trouvent concentréesçà et là, et qui paroissent, au premier coup d’œil, renfermer |153| des fragmens d’un granite plus ancien. Cette apparence est aussitrompeuse que celles de tant de porphyres, d’euphotides etde calcaires de transition, que les antiquaires et les mar-briers désignent sous le nom de brèches ou de roches régé-nérées. Les prétendus fragmens, souvent striés ou rubanés(dans le verde antico et les calcaires les plus recherchéscomme ornemens intérieurs des édifices), ne sont vraisem-blablement que des masses qui se sont consolidées les pre-mières dans un fluide fortement agité. L’eau congelée de nosfleuves, et divers mélanges de sels, dans nos laboratoires,présentent des phénomènes analogues. La manière dont lesfragmens réunis ou anguleux du grauwacke, ceux des pou-dingues calcaires à pâte grenue et à fragmens compactes, ceuxde certains grès rouges, paroissent quelquefois s’évanouir etse fondre dans la masse entière, est bien plus difficile àexpliquer dans l’état actuel de nos connoissances. On ne peutrévoquer en doute que l’alternance fréquente de strates visi-blement agrégés et de strates presque homogènes ou légère-ment noduleux, de même que le passage de ces masses lesunes dans les autres, ont été constatés par des observationstrès-précises; et M. de Bonnard, dans son Traité des terrains, a eu raison de dire «que ce phénomène est un des plus in-«compréhensibles de tous ceux qui peuvent nous frapper«dans l’étude de la géognosie.» Doit-on admettre, lorsqueles contours des fragmens enchâssés disparoissent presque enentier, qu’il n’y a eu qu’un très-petit intervalle de tempsentre la solidification des fragmens et celle de la pâte? Nousverrons plus tard que, dans le grès rouge, des cristaux de feld-spath naissent dans cette pâte même et la rapprochent duporphyre du grès rouge. ( Steffens, Geognostisch-geolog. Aufs., p. 13, 16, 23, 31. Freiesleben, Kupfersch., T. IV, p. 115.) I. Calcaire grenu talqueux, Micaschiste de transition,et Grauwacke avec anthracite. §. 20. C’est un même terrain, une même formation, qui em-brasse différentes roches calcaires, schisteuses et fragmen-taires, alternant les unes avec les autres. Cette formationn’est pas composée de trois roches isolées (comme l’est laformation de porphyre, de syénite et de grünstein), mais |154| de trois formations partielles, de trois séries ou systèmesde roches. Le type le plus compliqué de cet agroupementde roches presque contemporaines s’est développé au sud-estdes Alpes, dans la vallée de l’Isère, où il a été l’objet desrecherches approfondies de M. Brochant. Si presque tous lestermes de la série des roches intermédiaires sont complexes,ces termes ou grandes formations n’en varient pas moins, selonle degré de cette complexité, selon le nombre et la naturedes masses alternantes. Le terrain de la Tarantaise (c’est lenom sous lequel nous désignerons le terrain §. 20) offredans sa structure et sa composition (dans ses calcairesgrenus et talqueux, dans ses gneis et ses micaschistes) tel-lement l’apparence d’un terrain primitif, qu’on ne reconnoîtson âge relatif que par quelques débris de corps organiqueset par l’intercalation fréquente de couches arénacées (pou-dingues, brèches, grauwackes). Aussi, pendant long-tempsles géognostes, négligeant l’observation de l’alternance et del’unité de cette formation complexe, ont placé les poudinguesde la Valorsine parmi les roches primitives, et les ont consi-dérées comme un phénomène purement local. Des recherchesqui embrassent une plus grande partie du globe, nous ont ré-vélé beaucoup de faits analogues. Ces poudingues à fragmensprimitifs sont des grauwackes qui alternent avec des calcairesmicacés, ou avec les thonschiefer verts, ou avec des gneisde transition. On les observe dans les Alpes (Trient au Va-lais), dans la Tarantaise, en Irlande, dans les montagnes de Killarney et Saint-David; enfin, sur les côtes orientales del’Égypte, dans la vallée de Cosseir (Qozir). Les calcaires dela Tarantaise et du petit Saint-Bernard, qui renferment descristaux de feldspath disséminés, et qui constituent uneespèce de roche porphyroïde à base calcaire, se retrouventdans des formations analogues des Alpes de Carinthie. Cephénomène d’association de la chaux et du feldspath estd’autant plus remarquable que le feldspath lamelleux et lescalcaires grenus et compactes paroissent manifester partoutailleurs, dans leurs rapports géognostiques, une espèce derépulsion beaucoup plus prononcée que celle qu’on remarquedans quelques pays entre l’amphibole et le calcaire. Des mi-caschistes et des gneis de transition ont été regardés long-temps |155| comme exclusivement propres à la région sud-ouest des Alpes; mais ils se retrouvent dans les terrains de thonschieferet porphyre du Caucase, et dans le terrain de porphyre etsyénite de Saxe et de Hongrie. Cependant, en général, laformation qui fait l’objet de cet article, et qui est caractériséeà la fois par l’absence des porphyres et par la fréquence descalcaires grenus et talqueux, des quarz micacés et des anthra-cites, paroît avoir plus favorisé le développement des mica-schistes et des gneis de transition que les grandes formationsde porphyres et syénites, ou de thonschiefer et grauwacke.C’est au contraire dans ces deux dernières que se trouventplus abondamment les granites de transition, roches cristal-lines, grenues, non feuilletées, presque dépourvues de mica,et appartenant géognostiquement (lors même qu’elles nerenferment aucune trace d’amphibole) à la syénite, commeles micaschistes et les gneis de transition appartiennent auquarz micacé. Les syénites, soit qu’elles forment de simplescouches dans les thonschiefer verts, soit qu’elles constituentavec les porphyres une formation indépendante, préludentpour ainsi dire aux granites de transition; les quarz com-pactes, schisteux et mélangés de feuillets de mica (quarz duterrain calcaire anthraciteux, quarz du terrain de thon-schiefer et porphyre), préludent aux micaschistes et à cesgneis de transition que l’on a très-justement désignés commedes micaschistes porphyroïdes à cristaux (et nœuds) de feld-spath. Ce sont ces modes divers de développement des gra-nites au sein des roches syénitiques, des gneis et des mica-schistes au sein des roches quarzeuses, qui nous font concevoirpourquoi les gneis et micaschistes se trouvent associés (en-virons de Meissen en Saxe, et pente septentrionale du Cau-case) bien plus rarement au granite des terrains de transi-tion, que des terrains primitifs. On pourroit dire que lesgranites du premier de ces terrains ne sont que des bancsde syénite avec suppression d’amphibole, et que la plupartdes micaschistes de transition ne présentent que des modifi-cations (de certains états) d’un quarz micacé, dans lequel lemica devient plus abondant. Cependant ces changemens pardéveloppement intérieur ne se font pas toujours de la mêmemanière. Quelquefois aussi (vallée de Müglitz en Saxe) le |156| granite de transition naît immédiatement du thonschiefer,et les syénites de Meissen et de Prasitz passent à la fois augranite et au gneis intermédiaires. Voici les séries de roches calcaires, schisteuses et arénacéesalternantes, qui constituent la formation que nous plaçonsà la tête des terrains de transition. Calcaires grenus talqueux, souvent veinés, schisteux, fétides(comme le marbre grenu et blanc de l’île de Thasos), mêlésde grains ou nœuds de quarz, et renfermant (Sainte-Foix)des couches d’une serpentine de transition. Calcaire compacte jaunâtre, quelquefois gris et renfermant des cristaux de feld-spath (Bonhomme, Petit Saint-Bernard et vallée de la Ta-rantaise). Poudingues ou conglomérats calcaires à pâte grenueet à fragmens compactes (brèche tarentaise de Villette). Cestrois roches, qui forment une sous-division du groupe §. 20,alternent entre elles et avec les schistes de la série suivante.Les calcaires compactes de transition ressemblent quelque-fois au calcaire du Jura, d’autres fois ils passent au calcaireà petits grains. Le calcaire saccharoïde talqueux, souventblanc et veiné, prend l’aspect des beaux marbres primitifsdu Pentelique (Cipolino), de l’Hymette et du Caryste dansl’Eubée. Les débris de corps organisés manquent générale-ment dans la série calcaire; mais, comme nous le verronsbientôt, les roches de cette série alternent avec des schistesremplis d’empreintes de plantes monocotylédones. M. Bro-chant a même découvert une pétrification de nautile ou d’am-monite dans les poudingues calcaires de la Villette, entre Moutiers et Saint-Maurice. Thonschiefer de transition, ou rubanés, et offrant des lamesde calcaire interposées, ou onctueux, mélangés de talc fibreux(mine de Pesey), sans parties calcaires visibles, mais faisanteffervescence avec les acides. Ce thonschiefer renferme (Bon-neval) des couches subordonnées de grünstein. Quarz compactes, ou quarzites, sans mélange, ou micacés, etappartenant aussi bien aux calcaires grenus qu’au thonschieferde transition. C’est de l’accumulation du mica dans ces quarzcompactes que naissent les micaschistes de cette formation,et même les gneis; car souvent les quarz renferment un peude feldspath disséminé dans la masse. Les micaschistes, pas- |157| sant à des schistes noirs bitumineux, remplis d’empreintesvégétales (Montagny, Petit Saint-Bernard, Landry), sontassociés à des anthracites, et alternent (Moutiers) avec lescalcaires stéatiteux et des grauwackes ou poudingues à frag-mens primitifs. La pâte de ces conglomérats, qui enchâssentdu quarz, du granite et du gneis, n’est pas toujours de lanature du thonschiefer, comme dans les grauwackes du Harz(de la grande formation §. 22): le plus souvent elle res-semble au schiste micacé. Lorsque les fragmens deviennenttrès-rares dans la masse, on confond ces roches avec devrais micaschistes de transition. Dans ce terrain, composé de tant de couches périodi-quement alternantes, la série schisteuse avec anthraciteparoît un peu plus neuve, lorsqu’on a égard aux grandesmasses, que la série calcaire. Si, d’un côté, les gypses dela Tarantaise et de l’Allée-blanche, renfermant du muriatede soude, du soufre et de la chaux anhydrosulfatée, re-posent simplement sur les terrains de transition, sans enêtre bien visiblement recouverts, il n’en paroît pas moinscertain, d’après les discussions intéressantes de M. Brochant,que les gypses de Cogne, de Brigg et de Saint-Léonard, en Valais, sont intercalés dans le calcaire de transition même.Les grandes formations §§. 20 et 25 sont les seules des rochesintermédiaires dans lesquelles les porphyres et les syénites neparoissent pas s’être développés: ce sont celles aussi danslesquelles abondent le plus les calcaires saccharoïdes blancset les masses de talc. Le feldspath lamelleux qui pénètre dansles roches calcaires (calciphyres feldspathiques de M. Bron-gniart), semble n’appartenir qu’au terrain §. 20. Les anthra-cites sont communs à ce terrain et à la grande formation dethonschiefer et grauwacke, §. 22; mais ils sont moins fréquensdans cette dernière formation, où le carbone est plutôt dissé-miné dans la masse entière des thonschiefer, des lydiennes etdes calcaires, qu’il colore en noir, que concentré dans descouches particulières. L’anthracite, comme l’observe très-bienM. Breithaupt, est d’une formation plus ancienne que lahouille, et d’une formation plus récente que le graphite oufer carburé. Le carbone devient plus hydrogéné à mesurequ’il s’approche des roches secondaires. Ces roches sont dans |158| les mêmes rapports géognostiques avec la houille, que lesont l’anthracite avec les roches de transition, et le graphiteavec les roches primitives. Je ne connois dans les Andes aucune formation calcaire qui se rapproche de celles conte-nues dans le groupe §. 20. Seulement à Contreras, au piedoriental de la Cordillère de Quindiù (Nouvelle-Grenade) j’aivu un calcaire de transition non compacte, mais très-grenu,gris-bleuâtre, mêlé de grains de quarz, et enchâssant desmasses siliceuses qui ressemblent au pechstein. Ces massessont traversées par des filons de calcédoine. Le gisement dece calcaire de Contreras, au milieu d’un terrain de grès etde gypse secondaires, est difficile à déterminer. II. Porphyres et Syénites de transition recouvrant immédia-tement les roches primitives, Calcaire noir et Grünstein. §. 21. C’est la grande formation, dépourvue de grau-wacke, de l’Amérique méridionale. Elle offre des problèmesassez difficiles à résoudre, et embrasse les porphyres detransition des Andes de Popayan et de cette partie du Pérou que j’ai traversée en revenant de la rivière des Amazones aux côtes de la Mer du Sud. Avant de donner la descriptiondétaillée de cette formation, je jetterai un coup d’œil géné-ral sur les roches porphyroïdes de l’Amérique équinoxiale,roches qui ont été l’objet principal de mes recherches geo-gnostiques. Si en Allemagne et dans une grande partie del’Europe, comme l’observe très-bien M. Mohs, le grauwackecaractérise de préférence les terrains intermédiaires, onpeut, dans la région équinoxiale du nouveau continent, re-garder les porphyres comme le type principal de ces terrains.Aucune autre chaîne de montagnes ne renferme une plusgrande masse de porphyres que les Cordillères, qui s’éten-dent presque dans le sens d’un méridien, sur une longueurde 2500 lieues de l’un à l’autre hémisphère. Ces porphyres,en partie riches en minérais d’or et d’argent (§. 23), sontle plus souvent associés aux trachytes qui les surmontent età travers lesquels agissent èncore les forces volcaniques.Cette association de roches métallifères aux roches produitesou altérées par le feu étonneroit moins les géognostes d’Europe,si elle ne s’étendoit pas à l’or et à l’argent, mais seulement |159| au fer oligiste, au fer oxidulé, au fer titané et au cuivremuriaté. C’est un des phénomènes les plus frappans et lesplus contraires aux opinions qui ont été partagées long-tempspar les hommes les plus célèbres. Cependant, et il est néces-saire de bien préciser ce fait, il y a proximité dans le gise-ment, quelquefois analogie dans la composition, et non-identitéde formation. La méthode, que nous avons adoptée, de cir-conscrire les différens terrains d’après leur superposition et lanature des roches qui les recouvrent, servira, je m’en flatte,à jeter quelque lumière sur les rapports qu’on observe entreles porphyres de transition, les trachytes et les porphyres(secondaires) du grès rouge. J’indiquerai en même tempsles lieux où l’on n’a point encore découvert dans la naturedes limites aussi tranchées que semble l’exiger l’état actuelde nos divisions systématiques. Les porphyres de l’Amérique méridionale peuvent être con-sidérés de deux manières: selon leur position géographique,et selon la différence que présente l’âge de leur formation.En Europe, nous trouvons les porphyres et syénites de tran-sition (Saxe, Vosges, Norwége), généralement éloignés destrachytes (Siebengebirge près de Bonn, Auvergne); il arrivecependant aussi que les porphyres et les trachytes se trou-vent réunis (Hongrie), et alors les premiers sont quel-quefois métallifères. Dans l’Amérique méridionale les por-phyres et les trachytes sont tous accumulés sur une bandeétroite dans la partie la plus occidentale et la plus élevéedu continent, au bord de cet immense bassin de l’océanPacifique, qui est limité, du côté de l’Asie, par les volcans etles roches trachytiques des îles Kuriles, Japonoises, Philip-pines et Moluques. A l’est des Andes, dans toute la partieorientale de l’Amérique du Sud, sur une étendue de terrainde plus de 500,000 lieues carrées, soit dans les plaines,soit dans des groupes de montagnes isolées, on ne connoîtencore ni du porphyre de transition, ni du véritable basalteavec olivine, ni du trachyte, ni un volcan actif. Les phé-nomènes du terrain trachytique paroissent restreints à lacrête et à la lisière des Andes du Chili, du Pérou, de la Nouvelle-Grenade, de Sainte-Marthe et de Merida. J’énoncece fait d’une manière absolue, pour exciter les voyageurs à |160| l’éclaircir davantage ou à le réfuter. Dans cette même région,qui s’étend de la pente orientale des Andes vers les côtes de la Guiane et du Brésil, on a trouvé de l’or, du platine, du palla-dium, de l’étain et d’immenses amas de fer spéculaire et ma-gnétique; mais, au milieu de beaucoup d’indices d’argent sul-furé ou muriaté, on n’y a pas découvert un gîte de minérais quel’on puisse comparer pour la richesse aux gîtes du Pérou et du Mexique. Je n’ai même pas vu de porphyres de transition nide porphyres de grès rouge dans la chaîne côtière de Vene-zuela, dans la Sierra de la Parime, ni dans les plaines entrel’Orénoque, le Rio Negro et la rivière des Amazones. Je neconnois à l’est des Andes qu’un petit lambeau de terrain trachy-tique, près de Parapara (bord septentrional des Llanos de Ca-racas), où, dans un lieu infiniment intéressant pour la géogno-sie, de la phonolithe et du mandelstein avec pyroxène sontsuperposés à des serpentines et des thonschiefer de transition:mais ces phonolithes se trouvent sur la lisière de la Cordillèrede Caracas, qui se lie par Nirgua, Tocuyo et le Paramo deNiquitao aux Andes de Merida. M. d’Eschwege a trouvé au Brésil quelques porphyres intercalés par couches dans desformations primitives de granite-gneis; mais il pense que cevaste pays est également dépourvu de formations indépen-dantes de porphyre de transition, de trachyte, de basalte oude dolérite. En Amérique, la prodigieuse longueur du cours desfleuves et le nombre de leurs affluens facilitent, par l’examendes pierres roulées, la connoissance des contrées qu’on n’apu parcourir. Entre Carare et Honda j’ai ramassé, au mi-lieu d’un terrain de grès, des fragmens de trachytes quela rivière de la Magdeleine reçoit des Andes d’Antioquia etde Herveo (Nouvelle-Grenade). Quant à la nature des formations de porphyre accumuléesdans la bande occidentale et montagneuse de l’Amérique duSud et du Mexique, qui n’est qu’une prolongation de cettemême bande, nous y ferons connoître deux groupes biendistincts. Le premier (§. 21), non métallifère, reposeimmédiatement sur des roches primitives; le second (§. 23),souvent métallifère, repose sur un thonschiefer ou sur desschistes talqueux avec calcaire de transition: l’un et l’autre,par leur gisement et leur composition, se rapprochent quel- |161| quefois des porphyres trachytiques, comme les porphyres dugroupe §. 22 se rapprochent de ceux du grès rouge. En effet,les porphyres de transition des Andes du Pérou et du Mexique se trouvent souvent recouverts de trachytes, tandis que lesporphyres de quelques parties de l’Allemagne sont recou-verts de la formation secondaire du grès rouge, qui renfermeà son tour des porphyres et du mandelstein. Dans l’Amériqueéquinoxiale les limites entre les porphyres de transition et lesvéritables trachytes, reconnus pour être des roches volcani-ques, ne sont pas faciles à fixer. En s’élevant des porphyres quirenferment les riches mines d’argent de Pachuca, de Real delMonte et de Moran (porphyres dépourvus de quarz, souventabondans en amphibole et en feldspath commun), vers les tra-chytes blancs avec perlite et obsidienne de l’Oyamel et du Cerrode las Navajas (montagne des Couteaux, à l’est de Mexico); enpassant, dans les Andes de Popayan, des porphyres de transi-tion recouverts sur quelques points de calcaire noir à petitsgrains, aux trachytes ponceux qui entourent le volcan de Puracè, on trouve des roches porphyriques intermédiairesque l’on est tenté de regarder tantôt comme des porphyresde transition, tantôt comme des trachytes. Il y a plus encore:au milieu de ces porphyres du Mexique, si riches en minéraisd’or et d’argent, on observe des couches (Villalpando prèsde Guanaxuato) dépourvues d’amphibole, mais riches encristaux effilés de feldspath vitreux. On ne sauroit les distin-guer des phonolithes (porphyrschiefer) du Biliner-Stein en Bohême. Généralement, comme le savant professeur de mi-néralogie à Mexico, M. Andrès del Rio, un des élèves lesplus distingués de l’école de Werner, l’avoit observé avantmoi; généralement, les porphyres de transition de la Nouvelle-Espagne contiennent à la fois deux espèces de feldspath, lecommun et le vitreux. Il m’a paru que le dernier devientplus abondant dans les couches supérieures, à mesure quel’on approche des porphyres trachytiques. Dans la partie équinoxiale du nouveau continent on est toutaussi embarrassé de la liaison des porphyres souvent argenti-fères avec les trachytes qui renferment des obsidiennes, qu’onl’est en Europe de la liaison intime des dernières rochesde transition avec les plus anciennes roches secondaires, ou |162| de l’alternance des micaschistes de transition, qui ont toutel’apparence de roches primitives, avec les grauwackes et lesconglomérats très-anciens. La source de cet embarras n’estcependant pas la même. Il n’y a rien de bien étonnant de voirqu’à des roches fragmentaires ou remplies d’orthocératites, demadrépores et d’encrinites, puissent succéder de nouveau desroches dépourvues de débris organiques, et ressemblant à desgneis et à des micaschistes primitifs. Cette alternance, cetteabsence locale et périodique de la vie, se manifeste jusquedans les terrains secondaires et tertiaires: elle y paroît indi-quer différens états de la surface du globe ou du fond desbassins dans lesquels les dépôts pierreux se sont formés. Aucontraire, l’association des porphyres de transition et des tra-chytes, l’apparence fréquente du passage de ces roches lesunes aux autres, est un phénomène qui semble attaquer labase des idées géogoniques les plus généralement reçues.Faut-il considérer les trachytes, les perlstein et les obsi-diennes, comme étant de même origine que les thonschieferà trilobites et que les calcaires noirs à orthocératites? ou nedoit-on pas plutôt admettre que l’on a trop restreint ledomaine des forces volcaniques, et que ces porphyres, enpartie métallifères, dépourvus de quarz, mêlés d’amphibole,de feldspath vitreux et même de pyroxène, sont, sous le rap-port de l’âge relatif et de l’origine, liés aux trachytes, commeces trachytes, confondus jadis avec les porphyres de transitionsous le nom de porphyres trappéens, sont liés aux basalteset aux véritables coulées de laves que vomissent les volcansactuels? La première de ces hypothèses me paroît répugnerà tout ce que l’on a observé en Europe, à tout ce que j’ai purecueillir sur les obsidiennes et les perlstein au Pic de Téné-riffe, aux volcans de Popayan et de Quito. La seconde hypo-thèse paroîtra moins hardie, moins dénuée de vraisemblancepeut-être, lorsqu’on ne restreindra plus l’idée d’une actionvolcanique aux effets produits par les cratères de nos volcansenflammés, et que l’on envisagera cette action comme due àla haute température qui règne partout, à de grandes profon-deurs, dans l’intérieur de notre planète. On a vu dans les tempshistoriques, même dans ceux qui sont le plus rapprochés denous, sans flammes, sans éjection de scories, des roches de tra- |163| chytes s’élever du sein de la mer (archipel de la Grèce, îlesAçores et Aleutiennes); on a vu des boules de basalte, àcouches concentriques, sortir de la terre toutes formées, ets’amonceler en petits cônes (Playas de Jorullo au Mexique).Ces phénomènes ne font-ils pas deviner, jusqu’à un certainpoint, ce qui, sur une échelle beaucoup plus grande, a puavoir lieu jadis dans la croûte crevassée du globe, partoutoù cette chaleur intérieure, qui est indépendante de l’incli-naison de l’axe de la terre et des petites influences climaté-riques, a soulevé, par l’intermède de fluides élastiques, desmasses rocheuses plus ou moins ramollies et liquéfiées? Lorsqu’on parle de ces terrains de transition qui, dans les Andes du Mexique, de la Nouvelle-Grenade et du Pérou,semblent liés aux trachytes dont ils sont recouverts, on nepeut éviter de se livrer à des considérations sur l’origine desroches. C’est l’imperfection de notre classification des terrainsqui conduit à cette digression. Le mot roche volcanique an-nonce, comme je l’ai rappelé plus haut, un principe de divi-sion tout différent de celui que l’on suit en séparant lesroches primitives des roches secondaires. Dans le derniercas on indique un fait susceptible d’une observation directe.Sans remonter plus haut, en n’examinant que l’état actueldes choses, on peut décider si une association de roches estentièrement dépourvue de débris organiques, si aucun bancarénacé ou fragmentaire ne s’y trouve intercalé, ou si cesdébris et ces bancs y paroissent. Au contraire, en opposant lesterrains volcaniques aux terrains primitifs et secondaires, onagite une question entièrement historique; on engage le géo-gnoste, malgré lui, à prononcer, comme par exclusion, surl’origine des granites, des syénites et des porphyres. Cen’est plus l’observation directe de ce qui est, la présenceou le manque d’empreintes de corps organisés; c’est un rai-sonnement fondé sur des inductions et des analogies plus oumoins contestées, qui doit décider sur la volcanicité ou la non-volcanicité d’une formation. Entre les produits que leplus grand nombre des géognostes, je pourrois dire tous ceuxqui ont vu l’Italie, l’Auvergne, les Canaries et les Andes,considèrent comme décidément ignés (porphyres à based’obsidienne, porphyres semi-vitreux, porphyres trachyti- |164| ques), et les porphyres qui, par leur composition, par laprésence du quarz, par l’absence du feldspath vitreux, del’amphibole et du pyroxène, se rapprochent des porphyres dugrauwacke, se trouvent placées dans la Cordillère des Andes des couches dont la base passe à la phonolithe (à la base duporphyrschiefer), et dans lesquelles le feldspath vitreux,l’amphibole et quelquefois même le pyroxène remplacentprogressivement le feldspath commun. On ne sait alors oùfinissent les porphyres qu’on est convenu d’appeler de tran-sition, et où commencent les trachytes. Je ne doute pas que de nouveaux voyages, et l’examen ap-profondi des roches feldspathiques intermédiaires et de cellesque renferme le grès rouge, ne répandent plus de jour sur ceproblème intéressant; dans l’état actuel de nos connoissances,je me laisserai guider dans la séparation des porphyres et destrachytes des Andes, moins par des idées de composition,que par des idées de gisement. Il est extrêmement rarede rencontrer dans les véritables trachytes de l’Amériqueéquinoxiale du feldspath commun; mais le feldspath vitreux,l’amphibole et le pyroxène s’observent à la fois dans cesroches et dans les porphyres §§. 21 et 23, qui sont en partierecouverts d’un calcaire noir de transition et de grès rougesecondaire. On rencontre également peu de quarz dans lesporphyres de l’Amérique équinoxiale et dans les trachytes;cette substance caractérise, au contraire, la plupart des por-phyres de l’Europe, §§. 22 et 24. Son absence totale est ce-pendant si peu un indice certain d’une formation trachytique,qu’il se trouve, quoiqu’en petites masses, dans quelques tra-chytes des Dardanelles, de la Hongrie et du Chimborazo. M. de Buch a observé près des basaltes d’Antrim un porphyretrès-analogue à ceux du grès rouge et renfermant à la fois, etdu quarz et du feldspath commun disséminés, et des couchesintercalées de perlstein et d’obsidienne. Ce phénomène serépète aussi dans les trachytes des Monts Euganéens. Le micaet surtout les grenats paroissent, quoique très-rarement,dans les porphyres de transition des deux continens; maisils se montrent également dans les trachytes de l’ancienvolcan de Yanaurcu, au pied du Chimborazo et dans lesconglomérats trachytiques de l’Europe. Les porphyres, aussi |165| bien que les trachytes des Andes, offrent de superbes co-lonnes: la masse des trachytes colonnaires est quelquefoistellement compacte, qu’on a de la peine à y découvrir despores et des gerçures. Il résulte de ces données, que les caractères de compo-sition (caractères absolus et isolés, par lesquels on voudroitdistinguer les porphyres de transition et les trachytes des Cordillères) sont très-incertains: c’est l’ensemble de tousles caractères oryctognostiques, c’est le passage d’une rocheà l’état vitreux, ce sont l’obsidienne, le perlstein et lesmasses scorifiées qu’elle enchâsse, ce sont des rapports degisement, qui la font reconnoître comme trachyte. On se dé-cide d’ailleurs plus facilement à nommer certaines forma-tions des trachytes, qu’à prononcer sur l’origine prétendueneptunienne de quelques autres. Les trachytes et les por-phyres de transition peuvent être également superposés auxroches primitives; ce ne sont pas les ròches qui les suppor-tent, mais celles dont elles sont recouvertes, qui doiventguider le géognoste. Le plus souvent les trachytes et les por-phyres des Cordillères ne sont pas recouverts par d’autresformations; mais, partout où ce recouvrement a lieu et oùla roche superposée est indubitablement de transition, cettesuperposition seule décide, selon moi, le problème de classi-fication que l’on veut résoudre. Les trachytes ne servent debase qu’à d’autres produits ignés; très-rarement (Hongrie) àdes formations tertiaires identiques avec le terrain de Paris; plus rarement encore (archipel des Canaries, Andes de Quito)à de minces formations de gypse et d’oolithes intercalées ousuperposées aux tufs ponceux. Quelquefois les porphyres detransition de l’Amérique (et non les trachytes) sont recouvertsde calcaire noir à petits grains, de grès rouge ou de calcairealpin; et c’est lorsque ce recouvrement ne s’observe pas, qu’onest obligé d’avoir recours à la méthode peu sûre de l’induc-tion et des analogies. On risqueroit peut-être moins de sépa-rer ce que la nature a réuni par des liens assez étroits, si l’ondécrivoit provisoirement sous la dénomination vague de por-phyres amphiboliques (hornblendiges porphyrgebilde) l’ensem-ble de ces roches des Cordillères à structure porphyroïde(porphyres de transition et porphyres trappéens ou trachytes), |166| qui sont presque dépourvus de quarz, et qui abondent à lafois en amphibole et en feldspath lamelleux ou vitreux. Après avoir donné cet aperçu général des porphyres detransition des Andes, et de leur affinité géognostique avecles trachytes, je vais caractériser le groupe de porphyres quisont antérieurs au calcaire à entroques et à orthocératites,au thonschiefer et au micaschiste de transition. On peut dis-tinguer dans ce groupe équatorial, là où je l’ai observé avecsoin dans l’hémisphère boréal (Cordillères de Popayan et d’Al-maguer) et dans l’hémisphère austral (montagnes d’Ayavaca sur les limites des Andes de Quito et du Pérou), plusieursformations partielles; savoir:
  • Porphyres;
  • Grünstein et argiles ferrugineuses;
  • Syénites;
  • (Granites de transition?);
  • Calcaires chargés de carbone;
  • (Gypses de transition?).
Des porphyres dont l’aspect est souvent trachytique domi-nent dans ce groupe. Je n’y ai vu alterner ni les porphyres avecla syénite ou avec le calcaire de transition, ni la syénite avecle grünstein, comme c’est le cas (§§. 23 et 24) au Mexique etdans plusieurs parties de l’Europe. La syénite des Andes deBaraguan, de Chinche et de Huile (à l’est du Rio Cauca entre Quindiù et Guanacas, lat. bor. 2° 45′ à 4° 10′), est superposéeà des roches primitives, à du granite-gneis, peut-être mêmeà du micaschiste. C’est une formation partielle qui est paral-lèle aux porphyres de Popayan, recouverts de calcaire for-tement chargé de carbone. Cette syénite est composée debeaucoup d’amphibole et de feldspath commun blanc-rou-geâtre, contenant très-peu de mica noir et de quarz. Le feld-spath domine dans la masse; le quarz (ce qui est assez remar-quable dans une syénite) est translucide, gris-blanchâtreet constamment cristallisé, comme l’est le quarz des por-phyres d’Europe du groupe §. 24. L’agrégation des partiesest presque en plaques, de sorte que la syénite de transi-tion des Cordillères n’a pas la texture entièrement grenue,comme la syénite de Plauen près de Dresde; la texture(flasrige Structur) de cette roche se rapproche au contraire |167| de celle du gneis. Ce qui éloigne la syénite du Nevado deBaraguan, des granites avec amphibole (§. 7), ou d’une syé-nite que l’on pourroit croire primitive (§. 8), est son passageau trachyte et sa liaison avec les grünstein de transition quilui sont superposés, entre le Paramo d’Iraca et le Rio Paez (province de Popayan). Le quarz disparoît peu à peu danscette syénite de transition, l’amphibole devient plus abondant,et la roche prend la structure porphyroïde. On trouve alorsdans une pâte pétrosiliceuse (euritique), de couleur rou-geâtre ou gris-jaunâtre, très-peu de mica noir, beaucoupd’amphibole, et des cristaux épars, très-alongés, de feldspath,dont l’éclat est plutôt vitreux que nacré, et dont les lamespeu prononcées ont des gerçures longitudinales. Ce n’est plusune syénite, mais un trachyte dont des masses énormes etdiversement groupées s’élèvent, comme des châteaux forts,sur la crête des Andes. Ces passages me paroissent très-remar-quables et semblent fortifier les doutes qu’on peut avoir surl’origine de toutes les roches primitives grenues. Il est très-difficile, dans les contrées équatoriales, d’appliquer des nomsà un grand nombre de formations mêlées de feldspath etd’amphibole, parce que ces formations se trouvent sur lalimite entre les syénites de transition et les trachytes. Tantôtgrenues, tantôt porphyroïdes, elles ressemblent ou aux syé-nites du groupe §. 23 de Hongrie, ou aux trachytes du Drachenfels, près de Bonn, et du grand plateau de Quito.Comme on observe que les porphyres de transition de Popayan passent aussi aux trachytes, le parallélisme de formation entreles syénites et les porphyres du même groupe §. 21 se trouveconfirmé par les rapports géognostiques de deux roches avecune troisième. Quelquefois (pied du volcan de Puracé, prèsde Santa-Barbara) un granite de transition, très-abondant enmica, semble séparer les syénites qui enchâssent du quarz etdu feldspath commun à éclat nacré, des vrais trachytes, dontla pâte, vers le sommet des montagnes (à 2200 toises dehauteur), devient vitreuse et passe à l’obsidienne. Dans tout le groupe des syénites et des porphyres que j’aiexaminés dans la Cordillère des Andes (entre le Nevado deTolima et les villes de Popayan, d’Almaguer et de Pasto), leporphyre qui porte le plus décidément le caractère d’une |168| roche de transition, est celui qui entoure les basaltes de la Tetilla de Julumito (rive gauche du Rio Cauca à l’ouest de Popayan), et qui est recouvert (à Los Serillos) d’un calcairenoirâtre, passant du compacte au calcaire à petits grains, tra-versé de filons de spath calcaire blanc, et tellement surchargéde carbone, que dans quelques parties il tache fortement lesdoigts et que le carbone s’y trouve accumulé en poudre surles fissures de stratification. Cette accumulation de carbone,que l’on observe également dans les schistes anthraciteux etalumineux, et dans les lydiennes et le kieselschiefer, nelaisse aucun doute sur la question de savoir si le calcairenoirâtre de Los Serillos (près de Julumito), dans lequel jen’ai pu trouver aucune trace de débris organiques, est unvrai calcaire de transition. La lydienne que l’on observe dansles thonschiefer de transition de Naila et de Steben (mon-tagnes de Bareuth), offre aussi ce dépôt de poudre charbon-neuse entre ses fissures; et des échantillons qui ne tachentpas les doigts m’ont servi à exciter les nerfs d’une gre-nouille, en les employant dans le cercle galvanique conjoin-tement avec le zinc. Le calcaire noir de transition (neroantico), si célèbre parmi les anciens sous le nom de marmorLuculleum, contient aussi, d’après l’analyse de M. John, ¾ p. c.d’oxide de carbone, distribué comme principe colorant danstoute la masse de la roche. Un porphyre recouvert d’un cal-caire fortement carburé, noir-grisâtre, à grains fins, et peut-être dépourvu de pétrifications, est pour le géognoste, quimet plus d’importance au gisement qu’à la composition desterrains, un porphyre de transition, quelle que soit la natureoryctognostique de ses parties constituantes. Les trachytes,comme nous l’avons exposé plus haut, n’ont été trouvésrecouverts jusqu’ici que par d’autres roches volcaniques,par des tuffs ou par quelques formations tertiaires très-récentes. Le porphyre de transition de Popayan, auquelle calcaire noir est superposé, est assez régulièrement stra-tifié; il renferme peu d’amphibole, très-peu de quarz en petitscristaux implantés dans la masse, et un feldspath qui passedu commun au feldspath vitreux. Je n’y ai point vu de py-roxène, pas plus que dans les porphyres de Pisojè, qui for-ment, à la pente occidentale du volcan de Puracè, sur la rive |169| droite du Rio Cauca, une magnifique colonnade. Ce porphyrede Pisojè est divisé en prismes à 5—7 pans et de 18 pieds delong, prismes que j’ai pris de loin pour du basalte, et que l’onretrouve en Europe dans beaucoup de porphyres de transition,même dans ceux du grès rouge. Une rangée perpendiculairede ces colonnes est placée sur une rangée entièrement horizon-tale. Dans une pâte gris-verdâtre, vraisemblablement de feld-spath compacte coloré par l’amphibole, l’on observe très-peude cristaux d’amphibole visibles à l’œil nu, du mica noir, etbeaucoup de feldspath laiteux, non vitreux. Le quarz manquedans ces porphyres colonnaires, comme dans presque tous lesporphyres de transition et métallifères du Mexique. La rochede Pisojè étant géographiquement assez éloignée des porphyresde Julumito liés au calcaire de transition, il reste douteuxsi ellé n’appartient pas déjà à la formation de trachyte. Quantaux porphyres de transition de Julumito, on ne sait pas surquel terrain ils reposent; car, depuis Quilichao jusqu’à l’arêtede los Robles, qui est située à l’ouest du Paramo de Palitarà et du volcan de Puracé, et qui partage les eaux entre lamer du Sud et la mer des Antilles, on ne voit plus deroches primitives au jour. L’Alto de los Robles même estcomposé de schiste micacé (direction des couches N. 60° E.,comme le gneis-micaschiste des Andes de Quindiù, incl.50° au SO.). Cette roche primitive des Robles s’observeégalement près de Timbio et près des sources du Rio de lasPiedras (hauteur 1004 toises), sortant au-dessous des trachytesde Puracé et de Sotarà. Sur le schiste micacé reposent, commeje l’ai vu très-clairement dans les ravins entre le Rio Quil-quasé et le Rio Smita, les roches porphyriques du CerroBroncaso, et celles qui suivent vers le sud entre Los Robles et le Paramillo d’Almaguer. Aussi de grands blocs de quarzque l’on trouve épars au milieu de ces terrains de porphyreet de trachyte, annoncent partout la proximité du micaschiste. C’est ici que se présente la question importante de savoirsi les roches à structure porphyroïde, au sud de l’Alto delos Robles, formant la pente occidentale du volcan de Sotarà et des Paramos de las Papas et de Cujurcu (voyezma carte du Rio Grande de la Magdalena ), sont de véritablesporphyres de transition? Je vais exposer les faits tels que |170| je les ai observés. Les porphyres de Broncaso (lat. bor. 2° 17′,long. 79° 3′, en déduisant cette position des observationsastronomiques que j’ai faites à Popayan et à Almaguer)renferment beaucoup et de très-grands cristaux de feldspathblanc-laiteux, des cristaux effilés d’amphibole qui se croi-sent, comme le feldspath dans le porphyre appelé vulgaire-ment par les antiquaires serpentino verde antico ou porfidoverde (grün-porphyr de Werner), et un peu de quarztranslucide cristallisé. Souvent les cristaux d’amphibole etde feldspath partent d’un même point. Dans l’intérieur dufeldspath on trouve d’autres cristaux très-petits et noirs,que j’ai cru être plutôt du pyroxène que de l’amphibole.Le point central autour duquel se groupent les lames cristal-lisées du leucite (amphigène) est également, d’après M. deBuch, un cristal microscopique de pyroxène, et dans lesgrünstein porphyriques de Hongrie M. Beudant a trouvé desgrenats au milieu des cristaux d’amphibole. Des croisemenset des agroupemens bizarres de cristaux de feldspath communet d’amphibole caractérisent tous les porphyres entre le Cerro Broncaso et les vallées de Quilquasè et de Rio Smita,porphyres qui sont irrégulièrement stratifiés en stratificationnon concordante (bancs de 2 — 3 pieds; direction N. 53° O.,inclin. 40° au nord-est) avec les couches du micaschiste.Leur pâte diffère de celle des porphyres de Julumito: elleest d’un beau vert d’asperge, à cassure compacte ou écail-leuse, quelquefois assez tendre, offrant une raclure griseet prenant au souffle une couleur très-foncée; d’autres foiselle est dure et ressemble au jade ou à la phonolithe (kling-stein, base du porphyrschiefer), c’est-à-dire qu’elle appar-tient au feldspath compacte. Sur les bords du Rio Smita j’aivu dans ces porphyres, qui passent au porfido verde des anti-quaires, des couches presque dépourvues de cristaux dissé-minés: ce sont des masses de jade (saussurite) vert d’aspergeet vert poireau, presque semblables à celles qu’on trouvedans les roches d’euphotide de transition; elles sont traver-sées par une infinité de petits filons de quarz. Plus au sud,les porphyres verts à base de feldspath compacte conserventleurs cristaux épars de quarz, et ce caractère les éloignedu porphyrschiefer appartenant au terrain trachytique, dans |171| lequel le quarz est un phénomène isolé, d’une rareté extrême.En méme temps on commence à y trouver du mica noiret une variété de pyroxène, à surface très-éclatante, àcassure transversale conchoïde, et d’une couleur vert-olivesi peu foncée qu’on la prendroit presque pour l’olivine desbasaltes. Ce porphyre à mica noir remplit les vallées despetites rivières de San-Pedro, Guachicon et Putes; il secache quelquefois (vallée de la Sequia) sous des amas degrünstein en boules de 4—6 pouces de diamètre, et finitpar ne plus être stratifié, mais séparé, exactement comme legrünstein superposé, en boules qui se divisent par décomposi-tion en pièces séparées concentriques. Souvent les boules deporphyre, d’une extrême dureté, sont d’une compositionidentique avec le porphyre en masse. Leur noyau est solideet ne renferme ni quarz ni calcédoine: elles forment descouches particulières de six pieds d’épaisseur, et se trouventcomme implantées et fondues dans la roche non altérée pardes influences atmosphériques ou galvaniques. Cette structuren’est pas un effet de la décomposition, comme on l’a cru dequelques basaltes colonnaires qui se séparent en boules. Elleme paroît plutôt tenir à un arrangement primitif des molé-cules. Je crois que nulle part dans le monde on ne trouveune plus grande accumulation de roches à structure globuleuse que dans la Cordillère des Andes, surtout depuis Quilichao (entre Caloto et Popayan) jusqu’à la petite ville d’Almaguer. En descendant du Cerro Broncaso, et en traversant suc-cessivement (toujours dans la direction du nord au sud, etdans le chemin de Popayan à Almaguer) les vallées de Smita,de San Pedro et de Guachicon, on observe, au milieu d’unporphyre qui n’est pas divisé en boules, et qui renfermeplus d’amphibole et plus de pyroxène vert d’olive que defeldspath vitreux, un phénomène géognostique très-remar-quable. Des fragmens anguleux de gneis de 3 à 4 pouces carréssont empâtés dans la masse. C’est un gneis abondant en mica:c’est le phénomène que présentent les trachytes du Drachenfels (Siebengebirge sur les bords du Rhin) et, dans ses couchesinférieures, la phonolithe (porphyrschiefer) du Biliner Stein en Bohème. Non loin de là, dans la partie nord-est decette même vallée de Rio Guachicon (vallée de 400 toises de |172| profondeur, dans laquelle je me suis arrêté une journée en-tière), la roche porphyroïde a la structure la plus composéeque j’aie jamais trouvée dans les porphyres de transition etdans les trachytes porphyriques. On y observe à la fois descristaux de feldspath vitreux, d’amphibole, de mica noir,de quarz et de pyroxène, dont la couleur se rapproche decelle de l’olivine. Le quarz ne se présente qu’en de très-petites masses; mais il n’est certainement pas dû à des in-filtrations postérieures. Après avoir passé, plus au sud encore,l’arête qui sépare le Rio Guachicon du Rio Putès, les cinqsubstances disséminées dans la masse disparoissent presqueentièrement; la roche porphyroïde devient homogène, ex-trêmement dure, et de ce beau noir que l’on admire dansquelques lydiennes très-pures, ou dans la base du prétendujaspe porphyrique de l’Altaï, ou dans de certaines statueségyptiennes faussement appelées basaltes ou basanites. Je douteque ce soit du pechstein: c’est plutôt un feldspath com-pacte, coloré en noir par l’amphibole ou par quelque autresubstance. La cassure de cette pâte homogène est unie ouconchoïde, à grandes cavités aplaties; elle est sans éclat,presque entièrement matte. Je n’y ai reconnu que peu decristaux très-effilés de feldspath vitreux et des prismes hexaè-dres de pyroxène conchoïde (muschliger augit de Werner),qui ont la couleur noire du mélanite, et qui ressemblent,quant à l’éclat et à la cassure, au pyroxène du Heulenberg près de Schandau en Saxe. Je viens de décrire successivement les porphyres de Julu-mito, recouverts de calcaire noir et carburé; ceux de Pisojè,à feldspath non vitreux, et divisés en prismes; les porphyresverts renfermant du quarz, et fréquemment des cristauxcroisés d’amphibole du Cerro Broncaso et de la vallée deSmita; les roches porphyroïdes du Rio Guachicon, enchâs-sant des fragmens de gneis; enfin, celles du Rio Putès, dontla masse noire homogène et compacte n’offre que très-peude cristaux disséminés. Toutes ces roches appartiennent-ellesà une même formation, qui offre des caractères particuliersdans les diverses vallées de la Cordillère de Sotarà et de Cujurcù? On ne sauroit révoquer en doute que les frag-mens de gneis empâtés dans les roches qui avoisinent le Rio |173| Guachicon, ne caractérisent de véritables trachytes. Ce sont,pour ainsi dire, les précurseurs de ces trachytes et de ceténorme amas de ponces que j’ai trouvés, vingt lieues plus ausud, sur les rives du Mayo. Mais faut-il étendre cette dé-nomination de trachyte sur tous les porphyres qui se prolon-gent par le Cerro Broncaso vers les micaschistes de l’Alto delos Robles, et qui sont en partie couverts, non de dolérites,mais de grünstein de structure globuleuse, ressemblant entiè-rement au grünstein du terrain de transition en Allemagne?D’après ce que j’ai exposé plus haut sur le passage insensibledes porphyres métallifères du Mexique à des roches qui ren-ferment de l’obsidienne et du perlstein, et dont la volcanicitén’est presque plus contestée aujourd’hui, je ne sais pas com-ment décider une question si importante. Elle présente moinsun problème de gisement qu’un problème que j’appellerois his-torique, parce qu’il est l’objet de la géogonie, et qu’il tient auxidées que l’on se forme sur l’origine des divers dépôts rocheuxqui couvrent la surface du globe. Le géognoste a rempli satâche lorsqu’il a examiné les rapports de gisement et decomposition. Il n’est pas temps encore de prononcer sur desmasses qui semblent osciller entre les porphyres de transitionet ces trachytes exclusivement appelés porphyres volcaniques.Ce qui paroît difficile à débrouiller aujourd’hui, deviendraclair peut-être lorsque l’Amérique équinoxiale, libre, civi-lisée, plus accessible aux voyageurs, sera explorée par ungrand nombre d’hommes instruits; lorsque de nouvelles dé-couvertes auront fait concevoir que des effets volcaniques,lents et progressifs, ou brusques et tumultueux, ont puavoir lieu partout où des crevasses ont ouvert des commu-nications avec l’intérieur du globe dans lequel règne encoreaujourd’hui, d’après toutes les apparences, une températureextrêmement élevée. Nous avons déjà des preuves certainesque des roches presque identiques avec celles qui appar-tiennent au terrain trachytique ou qui surmontent ceterrain, sont intercalées dans de véritables porphyres detransition et dans des porphyres du grès rouge. Tous lesgéognostes connoissent les observations importantes, faitespar M. de Buch, près de Holmstrandt, dans le golfe de Christiania en Norwége. Un porphyre renfermant, outre le |174| feldspath commun (non vitreux), très-peu d’amphibole etde quarz, se trouve placé entre un calcaire à orthocératiteset une syénite à zircons. Personne ne s’est encore refusé àconsidérer ce porphyre comme une formation de transition;personne ne l’a appelé trachyte. Or, au milieu de ce por-phyre on voit, non un filon (dyke), mais une couche debasalte avec pyroxène. «Le porphyre de Holmstrandt, dit«M. de Buch, devient basalte par ces mêmes passages et«ces nuances insensibles que l’on trouve si communément«en Auvergne. Ce basalte est très-noir, presque à petits«grains, dépourvu de feldspath, mais rempli de pyroxène.«Quelquefois il devient bulleux, et prend un aspect rouge«et scorifié, au contact avec le porphyre.» Il ne seroit peut-être pas plus étrange de découvrir des fragmens de gneis enve-loppés dans ce basalte bulleux et scorifié, rempli de pyroxènes,que de les avoir observés dans les basaltes du Bärenstein (prèsd’Annaberg en Saxe) ou dans les trachytes de la vallée du RioGuachicon (dans l’Amérique méridionale). Quelle est l’originede cette couche basaltique, bulleuse, pyroxénique, de Holm-strandt? Est-elle, comme tout le porphyre, une couléevenue d’en-bas par des filons? La présence d’une masse quel’on croit d’origine ignée, offre-t-elle un motif suffisant pouradmettre que tout le terrain auquel cette masse appartientdoive être séparé des formations de transition et classé parmiles trachytes? J’en doute: les roches incontestablement vol-caniques du Rio Guachicon, enchâssant des fragmens de gneis,sont géognostiquement liées aux porphyres de transition,comme, sur d’autres points du globe, ceux-ci sont géognos-tiquement liés aux porphyres du grès rouge. Je sépare provisoirement toutes les roches porphyroïdesplacées au sud d’une arête composée de micaschiste (Alto delos Robles), de celles qui se trouvent au nord-ouest de cettearête, et qui, près de Julumito, sont recouvertes d’un cal-caire abondant en carbone. C’est à cette dernière classe, etpar conséquent au terrain de transition (§. 21) qui fait l’objetspécial de cet article, que je rapporte, avec plus de con-fiance peut-être, les porphyres de Voisaco (Andes de Pasto,lat. 1° 24′ bor.) et ceux d’Ayavaca (Andes du Pérou, lat.4° 38′ austr.). Voici les circonstances de gisement de ces |175| deux roches. Les porphyres et trachytes de Popayan, du Cerro Broncaso, du Rio Guachicon et du Rio Putès sont sépa-rés de ceux de la province de Pasto par un plateau de rochesprimitives, qui s’étend depuis Almaguer jusqu’au Tablon, aupied du Paramo de Puruguay. C’est au sud du Tablon querecommencent les porphyres: près du village indien de Voi-saco ils se distinguent par une polarité que nous avons trouvéesensible jusque dans les plus petits fragmens. On voit très-clairement que ces porphyres sont placés sur le micaschiste.Une masse gris-verdâtre enchâsse à la fois deux variétés defeldspath, le commun et le vitreux: phénomène que l’onrencontre souvent dans les porphyres de transition du Mexique (§. 23). Quelques cristaux aciculaires de pyroxène pénètrententre les feuillets du feldspath vitreux. Un rocher placé àl’entrée du village nous a offert en petit, à M. Bonpland etmoi, tous les phénomènes de la serpentine polarisante de Bareuth (§. 19) que j’avois découverte en 1796. Dans l’hémisphère austral, en suivant les Andes de Quito par Loxa à Ayavaca, on voit paroître alternativement au jourles roches primitives et les porphyres, phénomène que nousavons déjà signalé plus haut (§§. 5 et 6). Presque chaque foisque la masse des montagnes s’élève, les porphyres se montrent,et cachent aux yeux du voyageur le gneis et le micaschiste.A ces porphyres, qui offrent d’abord plus de feldspath com-mun que de feldspath vitreux, succèdent des trachytes, etces trachytes annoncent assez généralement deux phénomènescombinés, le voisinage de quelque volcan encore actif, etl’élévation rapidement croissante de la Cordillère, dontles sommets vont atteindre ou dépasser la limite des neigesperpétuelles (2460 toises sous l’équateur). J’ajouterai que lestrachytes recouvrent immédiatement ou les roches primitivesou les porphyres de transition, et que dans ceux-ci le feldspathvitreux, l’amphibole et quelquefois le pyroxène deviennentplus fréquens à mesure qu’ils se trouvent plus près des rochesvolcaniques. Tel est le type que suivent les phénomènes degisement dans la région équinoxiale du Mexique et de l’Amé-rique méridionale; type que j’ai reconnu surtout dans lescoupes que j’ai dessinées sur les lieux en 1801 et 1803. Les porphyres d’Ayavaca forment une partie de cet en- |176| chaînement général de roches feldspathiques. Sur les schistesmicacés de Loxa, où végètent les plus beaux arbres dequinquina que l’on connoisse jusqu’ici (Cinchona condami-nea), sont placés des porphyres qui remplissent tout le terraincompris entre les vallées du Catamayo et du Cutaco. Prèsde Lucarque et d’Ayavaca (hauteur 1407 toises), ces por-phyres se trouvent divisés en boules à couches concentriques,et des amas de ces boules reposent (vallée du Rio Cutaco;hauteur du fond de ce ravin, 756 toises) sur un porphyrequi renferme du feldspath commun et de l’amphibole, qui estrégulièrement stratifié, et dont la masse, très-dense, est tra-versée par une infinité de petits filons de spath calcaire, toutcomme le thonschiefer de transition en Europe est traversé pardes veines de quarz. Les mesures barométriques que j’ai faites,assignent à ces porphyres d’Ayavaca, que je ne crois pas êtredes trachytes, 4800 pieds d’épaisseur. Je ne cite pas, commeappartenant au groupe §. 21, les roches porphyroïdes vertes,dépourvues de quarz, renfermant très-peu d’amphibole etbeaucoup de feldspath commun laiteux, qui constituent les Andes de l’Assuay. Ils sont placés sur les micaschistes primitifsde Pomallacta, et j’ai eu occasion de les examiner dans leurénorme épaisseur depuis 1500 jusqu’à 2074 toises de hauteurau-dessus du niveau de l’océan. Ils sont généralement stratifiés;mais cette stratification, souvent très-régulière (N. 45° O.),s’observe aussi dans beaucoup de vrais trachytes du Chimborazo et du volcan enflammé de Tunguragua. En examinant avecsoin, dans les Cordillères des Andes, les différens états dufeldspath dans les porphyres de transition et dans les trachytes,j’ai vu que des roches décidément trachytiques en renfermentaussi qui n’est pas vitreux, mais feuilleté laiteux. J’incline àcroire que le porphyre de l’Assuay, groupe de montagnescélèbre par le passage qu’il offre entre Quito et Cuença,est du trachyte. J’ai discuté les roches qui constituent dans l’Amérique méri-dionale le groupe §. 21, la syénite du Baraguan, le granite detransition de Santa-Barbara, les porphyres de Julumito, lesgrünstein, et le calcaire noir et carburé: il me reste quelquesobservations à faire sur des membres moins importans de cegroupe. Des sources de muriate de soude que l’on trouve |177| entourées de syénite à une prodigieuse hauteur près de San-Miguel, à l’est de Tulua, dans la Cordillère du Baraguan,indiquent peut-être la liaison géognostique de quelque gypsede transition avec la syénite ou avec un calcaire noir analo-gue à celui des Serillos de Popayan. Mais dans ces contréesla hauteur seule n’est pas un motif pour exclure une forma-tion gypseuse du domaine des terrains secondaires. J’ai vusur le plateau de Santa-Fé de Bogota, à 1400 toises de hau-teur, la masse de sel gemme de Zipaquira reposer sur uncalcaire qui est décidément de formation secondaire. Il estplutôt probable que le gypse fibreux, mêlé d’argile, de Ticsan (Pueblo viejo dans le royaume de Quito, lat. 2° 13′ austr.),placé vis-à-vis la fameuse montagne de soufre (§§. 11 et 16),loin de toute roche secondaire, sur du micaschiste primitif,est un gypse de transition, analogue à ceux de Bedillac dans les Pyrénées et de Saint-Michel près Modane en Savoie. Les grünstein du groupe §. 21, qui paroissent couvrir lessyénites du Baraguan et des porphyres analogues à ceux de Julumito, abondent, au nord de Popayan, au pied des Paramos d’Iraca et de Chinche, surtout dans la vallée orien-tale du bassin du Rio Cauca (Curato de Quina major et Qui-lichao). Dans ce dernier endroit de riches lavages d’or s’o-pèrent entre des fragmens de grünstein (diabase de Bron-gniart, diorite de Haüy). Cette roche n’est décidément pasune dolérite: c’est un grünstein de transition semblable àcelui que l’on trouve intercalé au thonschiefer chargé decarbone du Fichtelgebirge (§. 22) et au micaschiste de Caracas (§. 11). Le grünstein de Quina major devient quel-quefois très-noir, très-homogène, sonore, fissile et stratifiécomme le schiste amphibolique des terrains primitifs (horn-blendschiefer). Il est rempli de pyrites, n’agit point surl’aimant, et prend à l’air une croûte jaunâtre, comme lebasalte. Près de Quilichao (entre les villes de Cali et de Popayan) il présente de grands cristaux d’amphibole dissé-minés dans la masse, et des filons qui sont remplis de pyroxènesd’une couleur vert d’olive très-peu foncée. J’ai pris, sur leslieux, ces pyroxènes pour l’olivine lamelleuse de M. Freies-leben. Les cristaux ne se trouvent pas disséminés dans lamasse, mais seulement tapissant des fentes: c’est comme |178| des filons de dolérite qui traversent le grünstein. Cettemême roche, quoique dépourvue de filons, se montre,comme nous l’avons dit plus haut, en boules aplaties au sudde Popayan et de l’Alto de los Robles, dans la vallée de la Sequia (entre le Cerro Broncaso et le Rio Guachicon); elle yrecouvre les porphyres verts du Rio Smita. La superposition dugrünstein est ici plus manifeste que dans le Curato de Quinamajor et dans les lavages d’or de Quilichao. Comme les por-phyres au nord de l’Alto de los Robles sont en partie (Julumito)couverts de calcaire noir de transition, et que ceux au con-traire que l’on observe au sud de Los Robles paroissentliés aux trachytes du Rio Guachicon, cette superpositionuniforme du grünstein sur l’un et l’autre de ces por-phyres est un phénomène de gisement qui mérite beau-coup d’attention. D’après les observations faites jusqu’ici dansles deux continens, les trachytes et les basaltes se trouventcouverts de dolérite (mélange intime de feldspath et depyroxène), mais non de grünstein (mélange intime de feld-spath et d’amphibole). Ne faut-il pas conclure de là, quetout ce qui est au-dessous des grünstein en boules de la Sequia et de Quilichao, est un porphyre de transition, et nonun trachyte? Ne doit-on pas, à cause de cette superpositionuniforme du grünstein, séparer les roches porphyroïdes du Rio Smita et du Cerro Broncaso, des porphyres trachytiques etplus décidément pyrogènes de la vallée du Guachicon, c’est-à-dire de ceux qui enchâssent des fragmens de gneis? Il y aune certaine probabilité qu’une roche recouverte de grün-stein est plutôt une formation de transition qu’une formationde trachyte: mais des terrains d’origine ignée peuvent êtred’un âge très-ancien. Pourquoi n’y auroit-il pas des massesde trachytes et de dolérites intercalées aux roches de transi-tion modernes? De plus, et j’adresse cette question aux savans minéralo-gistes qui se sont livrés plus spécialement à l’étude des ca-ractères oryctognostiques des roches, les grünstein sont-ilstoujours minéralogiquement (par leur composition) aussidifférens des dolérites qu’ils en sont le plus souvent éloignésgéognostiquement (par leur gisement)? Les cristaux qui seséparent du tissu d’une pâte et qui deviennent visibles à |179| l’œil nu, existent, à n’en pas douter, mêlés à d’autres subs-tances dans ce tissu même. Comme les basaltes renferment sou-vent à la fois (Saxe, Bohème, Rhönegebirge) de grands cris-taux disséminés de pyroxène et d’amphibole (basaltische horn-blende), on ne sauroit douter qu’outre le pyroxène, l’am-phibole n’entre aussi dans la masse de quelques basaltes.Pourquoi des mélanges analogues ne pourroient-ils avoir lieudans les pâtes des dolérites et des grünstein, dont on croit(pour me servir de la nomenclature mythologique générale-ment reçue) les uns d’origine volcanique, les autres d’ori-gine neptunienne? Le pyroxène en roche, qui, d’après M. de Charpentier, se trouve en stratification parallèle dans lecalcaire primitif des Pyrénées, renferme de l’amphiboledisséminé. On assure avoir reconnu des pyroxènes dans lesgrünstein qui forment de vraies couches au milieu des gra-nites du Fichtelgebirge en Franconie (§. 7). M. Beudant a vudes grünstein indubitablement pyroxéniques (par conséquentdes dolérites) dans les porphyres et syénites de transition de Hongrie (Tepla près de Schemnitz), comme dans le grèshouiller (secondaire) de Fünfkirchen. Les grünstein stratifiéset globulaires des environs de Popayan ne passent ni au mandel-stein, ni au porphyre syénitique. C’est une formation très-nettement tranchée, et qui est accompagnée ici, commepresque partout dans la Cordillère des Andes (où elle setient assez éloignée de la crête des volcans actifs), de massesénormes d’argile. Ces masses rappellent plus encore les ac-cumulations d’argile dans les terrains basaltiques du Mittel-gebirge en Bohème, que l’argile liée au gypse des grünstein(ophites de Palassou) dans les Pyrénées et dans le départe-ment des Landes. Elles rendent le passage des Cordillères,de Popayan à Quito, extrêmement pénible pendant la saisondes pluies. Les analogies que nous avons indiquées entre quelquesporphyres du groupe §. 21 et les trachytes ou autres rochesvolcaniques, se retrouvent dans le groupe mexicain §. 23 etmême dans les porphyres norwégiens du groupe §. 24; maisgénéralement (à l’exception des porphyres du Caucase) on neles observe presque pas dans les porphyres subordonnés authonschiefer de transition et aux grauwackes §. 22. Il y a plus |180| encore: au milieu des porphyres secondaires du grès rouge,les mandelstein et d’autres couches intercalées (Allemagne, Écosse, Hongrie) prennent aussi quelquefois l’aspect deroches pyrogènes. D’après ces divers rapports de gisementet de composition, je pense qu’on n’est point en droit,dans l’état actuel de nos connoissances, de nier entièrementl’existence des porphyres de transition dans les Cordillèresde l’Amérique méridionale, et de regarder toutes les rochesde syénites, de porphyres et de grünstein, que je viensde décrire, comme des trachytes. Les porphyres des grou-pes §§. 21 et 23 sont caractérisés dans l’Amérique méridio-nale et au Mexique par leur tendance constante à une stra-tification régulière; tendance très-rarement observée en Eu-rope, sur une grande étendue de terrain, dans les groupes§§. 22 et 24. La régularité de stratification est cependantbeaucoup plus grande dans les porphyres mexicains posté-rieurs au thonschiefer de transition que dans les porphyresdes Andes de Popayan, de Pasto et du Pérou, qui reposentimmédiatement sur les roches primitives. Cette dernièreformation (§. 21) ne m’a pas offert une seule couche subor-donnée de syénite, de grünstein, de calcaire et de man-delstein, comme on en trouve dans les groupes §§. 22 et 23. Dans la Nouvelle-Espagne, entre Acapulco et Tehuilotepec,j’ai vu des porphyres de transition, qui ne sont pas métalli-fères, reposer immédiatement sur du granite primitif (Altode los Caxones, Acaguisotla, et plusieurs points entre Sopi-lote et Sumpango); mais, comme plus au nord (près de Guanaxuato) des porphyres métallifères d’une compositionsemblable couvrent un thonschiefer de transition, il resteincertain, malgré la différence de gisement, si les uns etles autres n’appartiennent pas à un même terrain et à unterrain plus récent que le groupe §. 21. Un terme δ de lasérie géognostique peut suivre, immédiatement à β, là où γne s’est pas développé. C’est ainsi que le calcaire du Jura repose près de Laufenbourg immédiatement sur du gneis,parce que les termes intermédiaires de la série des forma-tions, les roches situées ailleurs (par exemple dans la valléedu Necker) entre le calcaire du Jura et le terrain primitif,s’y trouvent supprimés. Dans les Isles Britanniques, d’après les |181| observations du savant professeur Buckland et d’après cellesde MM. de Buch et Boué, la formation de syénite, grünstein etporphyre de transition (Ben Nevis, Grampians) repose aussi im-médiatement sur des roches primitives (micaschiste et urthon-schiefer). Elle paroît par conséquent appartenir au premiergroupe de porphyres dont je viens de tracer l’histoire (§. 21).Les porphyres du nord de l’Angleterre et ceux de l’Écossesont recouverts tantôt de grauwacke, tantôt de la formationhouillère; ils offrent une base feldspathique, et se trouventsouvent dépourvus de quarz, comme les porphyres de l’Amé-rique équinoxiale. On y a observé des grenats: ce phénomènese retrouve dans les porphyres de transition de Zimapan (Mexique), et dans ceux qui couronnent la fameuse montagnedu Potosi et qui appartiennent probablement aussi au groupe§. 23. Si le mandelstein d’Ilefeld fait partie, comme le croitM. de Raumer, du terrain de grès rouge, les porphyresgrenatifères du Netzberg (au Harz) sont probablement deformation secondaire. En Hongrie, les grenats se rencon-trent à la fois et dans les porphyres ou grünstein porphyri-ques du groupe §. 23, et dans les conglomérats du terraintrachytique. Il en résulte que les grenats pénètrent depuisles roches primitives (gneis, weisstein, serpentine), par lesporphyres de transition, jusque dans les trachytes et basaltesvolcaniques, et que, dans les zones les plus éloignées lesunes des autres, certains porphyres offrent des rapports très-multipliés avec les trachytes. J’ignore si la syénite titanifèrede Keilendorf en Silésie, qui repose immédiatement surle gneis et qui passe à un granite de transition à petits grainsdépourvu d’amphibole, appartient à l’ancienne formation dugroupe §. 21, ou si c’est un lambeau de la formation §. 23,placé accidentellement sur des roches primitives. Rien n’estplus difficile que de reconnoître avec certitude s’il y a eu sup-pression de quelques membres intermédiaires de la sériedes roches, ou si le contact immédiat que l’on observe, estcelui que l’on trouveroit partout ailleurs sur le globe, encomparant l’âge relatif ou le gisement des mêmes terrains. |182|
  • III. Thonschiefer de transition renfermant des grauwackes,des grünstein, des calcaires noirs, des syénites et desporphyres.
§. 22. C’est la grande formation de thonschiefer qui traverseles Pyrénées occidentales, les Alpes de la Suisse entre Ilantz et Glaris, et le nord de l’Allemagne depuis le Harz jusqu’en Belgique et aux Ardennes, et dans laquelle dominent le grau-wacke et les calcaires; ce sont les thonschiefer et gneis detransition du Cotentin, de la Bretagne et du Caucase; ce sontles roches schisteuses placées en Norwége au-dessous des por-phyres et syénites zirconiennes, c’est-à-dire, entre ces por-phyres et les roches primitives; ce sont les thonschiefer verts,avec calcaires noirs, serpentine et grünstein, de Malpasso dansla Cordillère de Venezuela, et les thonschiefer avec syé-nites de Guanaxuato au Mexique. Nous avons exposé plushaut le gisement de ces roches dans les différens pays quenous venons de nommer: il s’agit à présent de les considérerdans leur ensemble, et de séparer les résultats de la géo-gnosie des notions purement locales qu’offre la géographieminéralogique. Le groupe §. 22 repose, comme les deuxgroupes précédens, immédiatement sur le terrain primitif:il se distingue du premier (§. 20) par l’absence presquetotale des calcaires grenus stéatiteux; du second (§. 21), parla fréquence des thonschiefer et des grauwackes. Les forma-tions suivantes, intimement liées entre elles, appartiennentà ce groupe (§. 22), qui est un des mieux connus et desplus anciennement étudiés: Thonschiefer, avec des couches de quarz compacte, degrauwacke, de calcaire noir, de lydienne, d’ampélite car-burée, de porphyre, de grünstein, de granite à petits grains,de syénite et de serpentine; Grauwacke (et grès quarzeux); Calcaire noir. Ces roches, ou sont isolées, ou alternent les unes avec lesautres, ou forment des couches subordonnées. J’ai discuté plus haut (§. 15) les caractères qui distinguentassez généralement le thonschiefer primitif du thonschieferde transition: j’ai fait observer que les caractères tirés de |183| la composition minéralogique des roches n’ont pas la valeurabsolue qu’on a voulu quelquefois leur assigner; et que, pourles employer avec succès, il faut avoir recours en mêmetemps au gisement, à l’intercalation ou à l’absence de cou-ches fragmentaires (grauwackes, conglomérats), et aux débrisde corps organisés, qui manquent totalement aux terrainsprimitifs et que l’on commence à trouver dans les terrainsde transition. Les thonschiefer de ce dernier terrain se dis-tinguent par leur variabilité, par une tendance continuelle àchanger de composition et d’aspect; par le nombre des bancsintercalés; par des passages fréquens, tantôt brusques, tan-tôt insensibles et lents, à l’ampélite, au kieselschiefer, augrünstein, ou à des roches porphyroïdes et syénitiques. Sansdoute que ces changemens, ces effets d’un développementintérieur, se font aussi remarquer dans quelques rochesprimitives. M. de Charpentier observe que les granites-gneis des Pyrénées, qui renferment presque toujours unpeu d’amphibole disséminé dans la masse, sans être pourcela des syénites, et que l’on croit primitifs sans être desplus anciens, présentent un grand nombre de couchesétrangères, par exemple, des couches de micaschiste, degrünstein et de calcaire grenu. Dans cette même chaîne demontagnes, le micaschiste primitif contient de la chiasto-lithe disséminée, substance généralement plus commune dansle thonschiefer de transition. Les Alpes de la Suisse, surtoutle passage du Splügen, si bien décrit par M. de Buch, offrentun micaschiste du terrain primitif qui passe insensiblementà un porphyre dont la pâte de feldspath compacte enchâssedes cristaux de feldspath lamelleux et de quarz. Cependant,en général, ces changemens sont moins fréquens parmi lesformations primitives que parmi les formations de transition. Quelque intime que soit la liaison que l’on observe entreles roches qui constituent un même groupe, ou entre lesdifférens groupes de tout le terrain intermédiaire, on recon-noît pourtant, sur différens points du globe, un certaindegré d’indépendance, non-seulement entre les six groupesou termes de la série des roches de transition (par exemple,êntre les thonschiefer avec grauwacke et les porphyres etsyénites), mais aussi entre les membres partiels de chaque |184| groupe ou association de roches intermédiaires. Il en résulteque, pour bien saisir les traits qui caractérisent la constitu-tion géologique d’un pays, il faut étudier ces rapports isolé-ment (par exemple, ceux des grauwackes, des thonschieferet des calcaires que renferme le groupe §. 22), et fixer pourles divers terrains ou membres partiels d’une même associa-tion les degrés de dépendance ou d’indépendance qu’ils con-servent entre eux. Nous les voyons ou alterner périodique-ment, ou s’envelopper et se réduire les uns les autres (par unaccroissement inégal de volume) à l’état de simples couchessubordonnées, ou enfin se couvrir mutuellement comme fe-roient des roches primitives de différente formation. Il arrive en effet que les termes partiels d’un même groupe,α, β, γ, se succèdent quelquefois avec une certaine régula-rité en série périodique, α. β. γ. α. β. γ. α.... D’autres foisα prend un si grand développement que β et γ s’y trouventrenfermés comme de simples couches; d’autres fois encore α,β, γ sont simplement superposés les uns aux autres sans retourpériodique. Ce dernier cas n’exclut point la possibilité que β,avant de succéder à α, n’y paroisse d’abord comme unecouche subordonnée. Il arrive dans un même groupe toutce que l’on observe dans des termes non complexes dela série des terrains primitifs. On peut dire, comme nousl’avons fait observer plus haut, qu’une formation de calcairenoir, qui constitue de grandes masses de montagnes et quiest superposée à des masses également considérables de thon-schiefer de transition, prélude par des couches de calcairenoir intercalées au thonschiefer. Lorsque β et γ formentdes couches intercalées dans α, ces couches peuvent être sifréquemment répétées, qu’elles prennent, sur de grandesétendues de terrain, l’aspect de roches alternantes. C’est ainsique le thonschiefer intermédiaire, qui d’abord enveloppoitle grauwacke et le calcaire noir, et puis alternoit avec eux(gorge d’Aston dans les Pyrénées, Maxen en Saxe), finit parrecouvrir, et avec un grand accroissement de masse, ces rochesalternantes ou ces couches fréquemment intercalées. Il en estd’ailleurs de la régularité du type dans les formations partiellesde chaque groupe comme de la direction des strates ou del’angle que font ces strates avec le méridien. Au premier abord |185| tout paroît confus et contradictoire; mais, dès que l’on exa-mine avec soin une grande étendue de pays, on finit toujourspar reconnoître certaines lois de gisement ou de stratification.Si le type que l’on découvre dans la suite des formations par-tielles, paroît varier selon les lieux, c’est que le dévelop-pement de ces petites formations n’a pas été partout le même.Quelquefois (Caucase) le porphyre, le calcaire, la syéniteet le granite de transition, se sont développés à la fois au seindes thonschiefer de transition; d’autres fois on n’y trouve nile porphyre (Cotentin, Alpes de la Suisse), ni le grauwacke(chaîne du littoral de Venezuela), ni le granite et la syénitede transition (Pyrénées). L’association du thonschiefer detransition et du calcaire noir compacte est presque aussiconstante que celle du calcaire blanc et grenu avec le mica-schiste dans le terrain primitif. On trouve cependant aussi descalcaires de transition qui, n’étant associés ni au thonschieferni au grauwacke, paroissent remplacer géognostiquement lethonschiefer; mais je ne connois pas un seul point des deuxcontinens où l’on ait vu, sur une étendue un peu considé-rable, des thonschiefer de transition qui ne fussent pas liésau calcaire. Nous venons de voir que dans quelques parties du globe(Caucase et presqu’île du Cotentin) le thonschiefer intermé-diaire enveloppe ou les porphyres ou les syénites et les granites;dans d’autres parties (Norwége et Saxe, entre Friedrichs-walde, Maxen et Dohna), ces trois roches se trouvent, aprèsavoir préludé comme couches subordonnées au thonschiefer,superposées à celui-ci, soit isolément et formant des massesconsidérables, soit alternant entre elles. C’est seulementdans ces cas d’isolement ou d’alternance qu’un terrain indé-pendant de porphyre (Mexique), ou un terrain indépendant deporphyre et syénite (Norwége), semble surmonter le terraindes thonschiefer intermédiaires. Ce même isolement (sinoncette même indépendance) s’observe quelquefois dans lescalcaires de transition et, quoiqu’à un degré moins prononcé,dans les grauwackes. La syénite et le granite sont liés dans le terrain de transitionplutôt aux porphyres qu’au micaschiste et au gneis: dans cemême terrain on trouve des syénites sans granite; mais il est |186| beaucoup plus rare de trouver des syénites et des granites sansporphyre. Lorsque les membres partiels d’un groupe, α, β, γ,alternent en série périodique, et que par conséquent ils nesont ni intercalés les uns aux autres comme couches subor-données, ni superposés comme des roches ou formationsdistinctes, il est difficile de déterminer si β et γ sont d’uneformation plus récente que α: cependant, même dans le casd’une origine que l’on appelle contemporaine, l’examen atten-tif des terrains fait reconnoître de certaines prépondérances deformation. Généralement le grauwacke et le thonschiefer detransition sont plus anciens que les calcaires noirs, ou, pourm’appuyer d’une observation très-juste de M. de Charpentier,«généralement on observe que, malgré l’alternance dans la«partie du terrain intermédiaire qui est la plus rapprochée«du terrain primitif, c’est le grauwacke et le thonschiefer qui«dominent en grandes masses, et le calcaire leur est subor-«donné; tandis que, dans la partie plus moderne du terrain«de transition, c’est au contraire le calcaire qui est la roche«prépondérante, et le thonschiefer est seulement intercalé«au calcaire en couches plus ou moins épaisses.» Après avoir exposé les rapports d’âge et de gisement desroches qui constituent un même groupe, nous allons carac-tériser plus spécialement chacune des formations partielles. Thonschiefer, bleu noirâtre et carburé, ou verdâtre, onc-tueux et soyeux; tantôt terreux ou à feuillets très-épais,tantôt fissile et parfaitement feuilleté. Dans ses couches très-anciennes, qui passent au micaschiste de transition, il estondulé et n’offre que de grandes lames de mica fortementadhérentes. Dans les couches plus neuves, près du contactavec le grauwacke, il renferme de petites paillettes isoléesde mica, souvent aussi de la chiastolithe, de l’épidote etdes filets de quarz. Le thonschiefer de transition, caractérisépar son extrême variabilité, c’est-à-dire par sa tendance con-tinuelle à changer de composition et d’aspect, contient ungrand nombre de couches, dont quelques-unes, par leur répé-tition fréquente, semblent former des roches alternantes aveclui. Les effets les plus habituels de ce développement inté-rieur sont les bancs intercalés de grauwacke et de grauwackeschisteux; de calcaire généralement compacte et noir, ou gris- |187| noirâtre, quelquefois rougeâtre (Braunsdorf), et même grenuet blanc (Miltitz en Saxe), comme dans le groupe §. 20; de grünstein; de porphyre (Caucase; Saxe, près Friedrichswalde et Seidwitzgrund); de schiste alumineux, ou ampélite forte-ment carburée; de quarz compacte (quarzite; quarzfels de Hausmann), quelquefois avec de petits cristaux de feldspath(Kemielf en Finlande); de lydienne et kieselschiefer. Cesdeux dernières substances siliceuses se trouvent à la foisdans le thonschiefer, le grauwacke, le calcaire, et sous laforme de jaspe dans le porphyre: elles attestent par leurprésence l’affinité géognostique qui unit ces diverses rochesde transition. Le thonschiefer (§. 22) renferme moins habi-tuellement: des bancs intercalés de gneis (Lokwitzgrund et Neutanneberg); de micaschiste et granite (Krotte en Saxe; Fürstenstein en Silésie; Honfleur en Normandie; Monthermé dans les Ardennes); de granite et syénite (Caucase, Co-tentin, Calixelf en Norwége); d’argile schisteuse graphique (schwarze kreide: vallée de Castillon dans les Pyrénées; Ludwigstadt en Franconie); de schiste novaculaire (wetz-schiefer); de serpentine (Bochetta près de Gênes; Lovezara et deux autres points, plus au nord, vers Voltaggio:voyez §. 19); de feldspath compacte (vallée d’Arran dans les Pyrénées, Poullaouen en Bretagne), tantôt pur, noirâtre,gris-verdâtre ou vert d’olive, tantôt (Pyrénées, Harz, et partie orientale de la Haute-Égypte) mêlé de cristaux dis-séminés de feldspath lamelleux, d’amphibole, de schörl etde quarz. Lorsque le feldspath compacte est simplementmêlé d’amphibole, il forme le grünsteinschiefer de Werner,qui alterne avec le thonschiefer de transition (Ulleaborg en Suède) et se retrouve dans les terrains primitifs. Quoique,comme j’ai tâché de le prouver dans mon Mémoire sur leβασανίτης et λίθος Ἡρακλεία, publié en 1790, la majeurepartie des basaltes des anciens soit due à des roches syéni-tiques de transition, ou à des bancs de grünstein intercalésà des roches primitives, l’examen des statues égyptiennesconservées à Rome, à Naples, à Londres et à Paris, m’a cepen-dant fait naître l’idée que beaucoup de basaltes noirs et verts denos antiquaires ne sont que des masses de feldspath compactetirées de terrains intermédiaires, et colorées soit en noir soit en |188| vert par de l’amphibole, par de la chlorite, par du carboneou des oxides métalliques. Il n’y a que l’analyse chimique deces masses anciennes non mélangées qui pourra résoudre cettequestion d’archéologie minéralogique. M. Beudant a vu, dansle terrain de transition de la Hongrie, des grünstein porphy-roïdes se transformer en une pâte verte ou noire d’apparencehomogène. Cette pâte n’étoit plus qu’un feldspath compactecoloré par l’amphibole. Nous avons déjà fait observer plus haut que le thonschieferde transition forme de beaucoup plus grandes masses dans lemonde que le thonschiefer primitif. Ce dernier est générale-ment subordonné au micaschiste; comme formation indépen-dante il est aussi rare dans les Pyrénées et les Alpes que dans les Cordillères. Je n’ai même vu dans l’Amérique méridionale,entre les parallèles de 10° nord et 7° sud, de thonschiefer detransition que sur la pente australe de la chaîne du littoral de Venezuela, à l’entrée des Llanos de Calabozo. Ce bassin des Llanos, fond d’un ancien lac couvert de formations secondaires(grès rouge, zechstein et gypse argileux), est bordé par unebande de terrain intermédiaire de thonschiefer, de calcairenoir et d’euphotide, liée à des grünstein de transition. Sur lesgneis et micaschistes, qui ne constituent qu’une seule forma-tion entre les vallées d’Aragua et la Villa de Cura, reposenten gisement concordant, dans les ravins de Malpasso et de Piedras azules, des thonschiefer (direction N. 52° E.; inclin.70° vers le NO.), dont les couches inférieures sont vertes, stéa-titeuses et mêlées d’amphibole; les supérieures d’une couleurgris-perlée et bleu-noirâtre. Ces thonschiefer renferment(comme ceux de Steben en Franconie, du duché de Nassau et de la Peschels-Mühle en Saxe) des couches de grünstein,tantôt en masse, tantôt divisé en boules. Dans la Nouvelle-Espagne, le fameux filon de Guanaxuato,qui, de 1786 à 1803, a produit, année commune, 556,000marcs d’argent, traverse aussi un thonschiefer de transition.Cette roche, dans ses strates inférieurs, passe, dans lamine de Valenciana (à 932 toises de hauteur au-dessus duniveau de la mer), au schiste talqueux, et je l’ai décrite,dans mon Essai politique, comme placée sur la limite des ter-rains primitifs et intermédiaires. Un examen plus approfondi |189| des rapports de gisement que j’avois notés sur les lieux, lacomparaison des bancs de syénite et de serpentine que l’on apercés en creusant le tiro general, avec les bancs qui sont in-tercalés dans les terrains de transition de Saxe, de la Bochettade Gênes et du Cotentin, me donnent aujourd’hui la certi-tude que le thonschiefer de Guanaxuato appartient aux plusanciennes formations intermédiaires. Nous ignorons si sa stra-tification est parallèle et concordante avec celle des granites-gneis de Zacatecas et du Peñon blanco, qui probablement lesupportent; car le contact de ces formations n’a point été ob-servé; mais sur le grand plateau du Mexique presque toutesles roches porphyriques suivent la direction générale de lachaîne des montagnes (N. 40° — 50° O). Cette concordanceparfaite (Gleichförmigkeit der Lagerung) s’observe entre legneis primitif et les thonschiefer de transition de la Saxe (Friedrichswalde; vallées de la Müglitz, Seidewitz et Lock-witz): elle prouve que la formation du terrain intermédiairea succédé immédiatement à la formation des dernières cou-ches du terrain primitif. Dans les Pyrénées, comme l’observeM. de Charpentier, le premier de ces deux terrains se trouveen gisement différent (non parallèle), quelquefois en gise-ment transgressif (übergreifende Lagerung) avec le second.Je rappellerai à cette occasion que le parallélisme entre lastratification de deux formations consécutives, ou l’absence dece parallélisme, ne décide pas seul la question de savoir si lesdeux formations doivent être réunies ou non réunies dans unmême terrain primitif ou secondaire: c’est plutôt l’ensemble detous les rapports géognostiques qui décide le problème. Lethonschiefer de Guanaxuato est très-régulièrement stratifié(direct. N. 46° O.; incl. 45° au SO.), et la forme des valléesn’a aucune influence sur la direction et l’inclinaison desstrates. On y distingue trois variétés, qu’on pourroit désignercomme trois époques de formation: un thonschiefer argentéet stéatiteux passant au schiste talqueux (talkschiefer); unthonschiefer verdâtre, à éclat soyeux, ressemblant au schistechlorité; enfin, un thonschiefer noir, à feuillets très-minces,surchargé de carbone, tachant les doigts comme l’ampéliteet le schiste marneux du zechstein, mais ne faisant point effer-vescence avec les acides. L’ordre dans lequel j’ai nommé ces |190| variétés, est celui dans lequel je les ai observées de bas en hautdans la mine de Valenciana, qui a 263 toises de profondeurperpendiculaire; mais, dans les mines de Mellado, d’Animas et de Rayas, le thonschiefer surcarburé (hoja de libro) setrouve sous la variété verte et stéatiteuse, et il est probableque des strates qui passent au schiste talqueux, à la chloriteet à l’ampélite, alternent plusieurs fois les uns avec les autres. L’épaisseur de cette formation de thonschiefer de transi-tion, que j’ai retrouvée à la montagne de Santa-Rosa près de Los Joares, où les Indiens ramassent de la glace dans de petitsbassins creusés à mains d’hommes, est de plus de 3000 pieds.Elle renferme, en couches subordonnées, non-seulement de lasyénite (comme les thonschiefer de transition du Cotentin),mais aussi, ce qui est très-remarquable, de la serpentine etun schiste amphibolique qui n’est pas du grünstein. On atrouvé, en creusant en plein roc, dans le toit du filon, legrand puits de tirage de Valenciana (puits qui a coûté prèsde sept millions de francs), de haut en bas, sur quatre-vingt-quatorze toises de profondeur, les strates suivans: conglo-mérat ancien, représentant le grès rouge; thonschiefer detransition noir, fortement carburé, à feuillets très-minces;thonschiefer gris-bleuâtre, magnésifère, talqueux; schisteamphibolique, noir-verdâtre, un peu mêlé de quarz et depyrites, dépourvu de feldspath, ne passant pas au grünstein,et entièrement semblable au schiste amphibolique (horn-blendschiefer) qui forme des couches dans le gneis et lemicaschiste primitifs (§§. 5 et 11); serpentine vert de prasepassant au vert d’olive, à cassure inégale et à grain fin, inté-rieurement matte, mais éclatante sur les fissures, remplie depyrites, dépourvue de grenats et de diallage métalloïde(schillerspath), mélangée de talc et de stéatite; schiste am-phibolique; syénite, ou mélange grenu de beaucoup d’am-phibole vert-noirâtre, beaucoup de quarz jaunâtre et peude feldspath lamelleux et blanc. Cette syénite se fend en stratestrès-minces; le quarz et le feldspath y sont si irrégulièrementrépartis, qu’ils forment quelquefois de petits filons au milieud’une pâte amphibolique. De ces huit couches intercalées, dontla direction et l’inclinaison sont exactement parallèles à cellesde la roche entière, la syénite forme la couche la plus puissante. |191| Elle a plus de 30 toises d’épaisseur, et comme dans les travauxles plus profonds de la mine (planes de San-Bernardo) j’ai vu,à 170 toises au-dessous de la couche de syénite, reparoître unthonschiefer carburé, identique avec celui à travers lequelon a commencé à creuser le nouveau puits, il ne peut resterdouteux que l’amphibole schisteuse alternant deux fois avec laserpentine, et que la serpentine alternant probablement avecla syénite, ne forment des bancs subordonnés à la grande massede thonschiefer de Guanaxuato. La liaison que nous venonsde signaler entre des roches amphiboliques et la serpentine,se retrouve sur d’autres points du globe, dans des forma-tions d’euphotide de différens âges: par exemple, au Heide-berg près Zelle en Franconie (§. 19); à Kielwig, à l’extré-mité boréale de la Norwége; à Portsoy en Écosse, et à l’île de Cuba, entre Regla et Guanavacoa. Je n’ai rencontré ni des débris de corps organiques, nides couches de porphyres, de grauwacke et de lydienne,dans le thonschiefer de transition de Guanaxuato, qui est laroche la plus riche en minérai d’argent qu’on ait trouvée jus-qu’ici: mais ce thonschiefer est recouvert en gisement con-cordant, dans quelques endroits, de porphyres de transitiontrès-régulièrement stratifiés (los Alamos de la Sierra); end’autres endroits, de grünstein et de syénites alternant desmilliers de fois les uns avec les autres (entre l’Esperanza et Comangillas); en d’autres encore, ou d’un conglomérat cal-caire et d’une roche calcaire de transition gris-bleuâtre, unpeu argileuse et à petits grains (ravin d’Acabuca), ou degrès rouge (Marfil). Ces rapports du thonschiefer de Gua-naxuato avec les roches qu’il supporte, et dont quelques-unes(les syénites) préludent comme bancs subordonnés, suffisentpour le placer parmi les formations de transition; ils justifie-ront surtout ce résultat aux yeux des géognostes qui connois-sent les observations publiées récemment sur les terrainsintermédiaires de l’Europe. Quant à la pierre lydienne, il nepeut y avoir aucun doute que le thonschiefer de Guanaxuato ne la renferme sur quelques points non encore explorés; carj’ai trouvé cette substance fréquemment enchâssée en grosfragmens dans le conglomérat ancien (grès rouge) qui re-couvre le thonschiefer entre Valenciana, Marfil et Cuevas. |192| A dix lieues au sud de Cuevas, entre Queretaro et la Cuestade la Noria, au milieu du plateau mexicain, on voit sortir,sous le porphyre, un thonschiefer (de transition) gris-noi-râtre, peu fissile et passant à la fois au schiste siliceux (jaspeschistoïde, kieselschiefer) et à la lydienne. Tout près de la Noria beaucoup de fragmens de lydienne se trouvent éparsdans les champs. Les roches à filons argentifères de Zaca-tecas et une petite partie des filons de Catorce traversentaussi, d’après le rapport de deux minéralogistes instruits,MM. Sonneschmidt et Valencia, un thonschiefer de transi-tion qui renferme de véritables couches de pierre lydienneet qui paroît reposer sur des syénites. Cette superpositionprouveroit, d’après ce qui a été rapporté sur les couchespereées dans le grand puits de Valenciana, que les thon-schiefer mexicains constituent (comme au Caucase et dans le Cotentin) une seule formation avec les syénites et les eupho-tides de transition, et que peut-être ils alternent avec elles. Grauwacke. Ce nom bizarre, usité parmi les géognostes alle-mands et anglois, a été conservé, comme celui de thonschiefer,pour éviter une confusion de nomenclature si nuisible à lascience des formations. Il désigne, lorsqu’on le prend dansun sens plus général, tout conglomérat, tout grès, tout pou-dingue, toute roche fragmentaire ou arénacée du terrain detransition, c’est-à-dire, antérieure au grès rouge et au terrainhouiller. Le vieux grès rouge (old red sandstone du Here-fordshire) de M. Buckland, placé sous le calcaire de transi-tion (mountain limestone) de Derbyshire, est un grès duterrain intermédiaire, comme cet excellent géognoste l’atrès-bien indiqué lui-même dans son Mémoire sur la structuredes Alpes. Le nouveau conglomérat rouge (new red conglo-merate d’Exeter) est le grès rouge des minéralogistes fran-çois, ou todte liegende des minéralogistes allemands; c’est lepremier grès du terrain secondaire, c’est-à-dire le grès duterraìn houiller, qui est intimement lié au porphyre secon-daire, appelé pour cela porphyre du grès rouge. Lorsqu’onprend le mot grauwacke (traumates de M. d’Aubuisson, psam-mites anciens et mimophyres quarzeux de M. Brongniart)dans un sens plus étroit, on l’applique à des roches aréna-cées du terrain de transition, qui ne renferment que de |193| petits fragmens plus ou moins arrondis de substances sim-ples, par exemple, de quarz, de lydienne, de feldspath etde thonschiefer, non des fragmens de roches composées. Onexclut alors des grauwackes, et l’on décrit sous le nom de brèches ou conglomérats à gros fragmens primitifs (§. 20), lesdiverses agglutinations de morceaux de granite, de gneis etde syénite: on sépare également les poudingues calcaires danslesquels des fragmens arrondis de chaux carbonatée sontcimentés par une pâte de même nature. Toutes ces distinc-tions (si l’on en excepte certaines brèches calcaires danslesquelles le contenu et le contenant pourroient bien êtrequelquefois d’une origine contemporaine) ne sont pas d’unegrande importance pour l’étude des formations. Le grau-wacke grossier (grosskörnige grauwacke) passe peu à peuau conglomérat à gros fragmens; il alterne dans une mêmecontrée, non-seulement avec des couches de grauwacke àpetits grains, mais aussi avec d’autres dont la pâte est presquehomogène. Les poudingues et brèches à gros fragmens de rochesprimitives et composées (urfels-conglomerate de la Valorsine en Savoie, et de Salvan dans le Bas-Valais) sont de vérita-bles grauwackes; ce sont les couches les plus anciennes decette formation, couches dans lesquelles les fragmens àcontours distincts ne sont pas fondus dans la masse, et dontle ciment schisteux à feuillets courbes et ondulés ressembleau micaschiste, tandis que le ciment des grauwackes plusrécens du Harz, du duché de Nassau et du Mexique, ressembleau thonschiefer. En général, les conglomérats ou grauwackesdu groupe §. 20 offrent des fragmens de roches préexistantesd’un volume plus considérable et plus inégal que les grau-wackes du groupe §. 22. Lorsqu’on compare ceux-ci au calcaire de transition, onles trouve le plus souvent d’une origine antérieure; quel-quefois ils remplacent même le thonschiefer de transition.L’antériorité du grauwacke au calcaire se manifeste dansles Pyrénées et en Hongrie. Il paroît que dans ce dernierpays le thonschiefer intermédiaire n’a pu prendre un granddéveloppement; car, loin d’y être une formation indépen-dante qui renferme le grauwacke, c’est au contraire legrauwacke schisteux (grauwacken-schiefer), à paillettes de |194| mica agglutinées, qui y prend tous les caractères d’un vraischiste de transition. En Angleterre aussi, la grande masseisolée des montagnes calcaires (comtés de Derby, de Glo-cester et de Sommerset) est d’un âge plus récent que lagrande masse de grauwackes qui alternent avec quelquesstrates calcaires; mais, lorsqu’on examine en détail les pointsoù les différens membres du groupe §. 22 ont pris un déve-loppement extraordinaire, on reconnoît deux grandes forma-tions calcaires (transition-limestone de Longhope, et mountain-limestone du Derbyshire et de South-Wales), alternant avecdeux formations de grauwacke (greywacke de May-Hill et oldred sandstone de Mitchel-Dean en Herefordshire). Cet ordrede gisement, cette bisection des masses calcaires et aréna-cées se trouve répétée sur plusieurs points du globe. M. Beu-dant a reconnu, en Hongrie, le vieux grès rouge de l’Angle-terre dans le grès quarzeux de transition de Neusohl, quisurmonte des grauwackes à gros grains après y avoir étéintercalé: il croit reconnoître le mountain-limestone, placéentre le vieux grès rouge et le terrain houiller d’Angleterre,dans le calcaire intermédiaire du groupe de Tatra. Si l’Ol-denhorn et les Diablerets, comme il est très-probable, ap-partiennent au terrain de transition, il y a aussi en Suisse,au-dessus et au-dessous du grauwacke de la Dent de Cha-mossaire, deux grandes formations de calcaires noirs, que M. de Buch, depuis long-temps, a distingués sous les noms depremier et second calcaire de transition. En Norwége (Chris-tianiafiord) le grauwacke est décidément plus nouveau quele thonschiefer intermédiaire et le calcaire à orthocératites. Dans le centre de l’Europe, le grauwacke à très-petits grainsoffre quelquefois des fragmens de cristaux de feldspath lamel-leux qui lui donnent un aspect porphyroïde (Pont Pelissier près Servoz; Elm, dans le passage du Splügen; Neusohl, en Hong-rie); mais il ne faut pas confondre ces variétés d’une rochearénacée avec des bancs de porphyre intercalés. Nous verronsbientôt que, dans les deux continens, ces cristaux brisés defeldspath se retrouvent dans le grès rouge, et dans un con-glomérat feldspathique beaucoup plus récent. Dans l’hémi-sphère austral, le grauwacke forme, d’après M. d’Eschwege,la pente orientale des montagnes du Brésil. Aux États-unis |195| j’ai trouvé cette même roche (chaîne des Aleghanys) renfer-mant des bancs de lydienne et de calcaires noirs, entière-ment semblables à ceux du terrain de transition du Harz.M. Maclure a, le premier, déterminé les véritables limitesdes grauwackes depuis la Caroline jusqu’au lac Champlain.Dans le nord de l’Angleterre (Cumberland, Westmoreland)cette roche offre des couches de porphyres grenatifères. Calcaire de transition. Cette roche commence, ou par formerdes couches dans le grauwacke et le thonschiefer intermé-diaires, ou par alterner avec eux: plus tard, le thonschieferet le grauwacke schisteux disparoissent, et le calcaire su-perposé devient une formation simple, que l’on seroit tentéde croire indépendante, quoiqu’elle appartienne toujoursau groupe §. 22. Lorsqu’il y a alternance de schiste et decalcaire, cette alternance a lieu, ou par couches épaisses(cime de la Bochetta près de Gênes, et chemin entre Novi et Gavi), comme dans les formations composées de granite etgneis, de grauwacke et grauwacke schisteux, de syénite etgrünstein, de thonschiefer et porphyre; ou bien l’alternances’étend aux feuillets les plus minces des roches (calschistes),de sorte que chaque lame de schiste est soudée sur une lamecalcaire (vallées de Campan et d’Oueil, dans les Pyrénées;montagnes de Poinik en Hongrie). De même que dans les Pyrénées on trouve intercalés augranite-gneis et au micaschiste primitifs des calcaires quepar leur seul aspect on croiroit intermédiaires, savoir, descalcaires noir-grisâtre (Col de la Trappe) colorés par dugraphite, qui est la plus ancienne des substances carburées,des calcaires fétides, répandant l’odeur de l’hydrogène sul-furé, et des calcaires compactes remplis de chiastolithes: demême aussi les terrains de transition du groupe §. 22 présen-tent quelques exemples de calcaires blancs et grenus (Miltitz,en Saxe; vallées d’Ossan et de Soubie, dans les Pyrénées).En général, cependant, si l’on en excepte le groupe §. 20(celui dont la Tarantaise offre le type), les calcaires deformation intermédiaire sont ou compactes, ou passent augrenu à très-petits grains. Leurs teintes sont plus obscures(gris cendré, gris noir) que celles des calcaires primitifs.Le plus grand nombre des belles variétés de marbres rouges |196| (vallée de Luchon des Pyrénées), verts et jaunes, célèbresparmi les antiquaires sous les noms de marbre africain fleuri,noir de Lucullus, jaune et rouge antique, pavonazzo et brèchedorée, me semblent appartenir à des calcaires et conglomé-rats calcaires de transition. Nous avons vu plus haut quela chiastolithe du thonschiefer de transition se montre parexception dans le thonschiefer primitif: c’est d’une manièreanalogue que la trémolithe, si commune dans la dolomie etle calcaire blanc primitif, se trouve par exception (entre Giellebeck et Drammen en Norwége) dans le calcaire noir detransition. Certaines espèces minérales appartiennent sansdoute plus à tel âge qu’à tout autre; mais leurs rapports avec lesformations ne sont pas assez exclusifs pour en faire des carac-tères diagnostiques dans une science dans laquelle le gisementseul peut décider d’une manière absolue. Souvent des circons-tances locales ont singulièrement influé sur les liaisons quel’on observe entre les espèces minérales et les terrains. Dansles Pyrénées et surtout dans l’Amérique méridionale, lesgrenats disséminés sont propres au gneis, tandis que partoutailleurs ils semblent plutôt appartenir au micaschiste. Les calcaires de transition, là où ils forment de grandes massesisolées, abondent en silice; et tantôt (chaîne des Pyrénées)cette silice se trouve réunie en cristaux de quarz; tantôt(chaîne des Alpes) elle est mêlée à la masse entière, commeun sable très-fin. Dans la première de ces chaînes le cal-caire intermédiaire renferme, comme le calcaire primitif,des couches de grünstein (vallée de Saleix) et même de feld-spath compacte, deux roches qui généralement sont pluscommunes dans le thonschiefer intermédiaire. Les bancs degrünstein se trouvent aussi, d’après M. Mohs, dans le calcairede transition de la Styrie, et les mandelstein du mountain-limestone du Derbyshire (entre Sheffield et Castelton) ap-partiennent à un système de couches intercalées géognosti-quement analogues. Ces couches prennent souvent l’aspectde véritables filons. Le prodigieux développement que le calcaire intermédiaireatteint dans la haute chaîne des Alpes, pourroit faire croireque le groupe §. 22 renferme deux formations distinctes,dont l’une, plus ancienne, embrasse les schistes et les grau- |197| wackes avec des porphyres et des calcaires intercalés, etl’autre, d’un âge plus récent, les calcaires considérés commeroches indépendantes; mais cette séparation ne me paroî-troit pas suffisamment justifiée par la constitution géognos-tique des terrains. En Suisse, comme en Angleterre, degrandes masses calcaires alternent avec des roches fragmen-taires de transition, et ces mêmes calcaires, qu’on voudroitélever au rang de formations indépendantes, manifestentpar des bancs intercalés une liaison intime avec tous lesautres membres du groupe §. 22. Dans le calcaire intermé-diaire des Diablerets et de l’Oldenhorn, M. de Charpentier aobservé des couches de grauwacke schisteux. D’après ce mêmegéognoste expérimenté, le gypse muriatifère de Bex estsubordonné à un calcaire de transition qui repose sur dugrauwacke, et qui alterne à la fois avec cette dernière rocheet avec du thonschiefer de transition. Les assises inférieuresdu calcaire de transition sont très-noires et remplies de bé-lemnites; les assises supérieures sont argileuses et renfermentdes ammonites. Le gypse anhydre, dans lequel le sel gemmeest disséminé, appartient à ces assises supérieures; il offreà son tour des bancs subordonnés de gypse commun ouhydraté, de calcaire compacte, de thonschiefer, de grau-wacke et de brèches. C’est ainsi que chaque dépôt de sel, dehouille et de minérai de fer, dans les terrains intermédiaireet secondaire, renferme de petites formations locales, qu’il nefaut pas confondre avec les véritables termes de la sériegéognostique. D’après les observations de M. de Charpentier et M. Lardy, le gypse du terrain secondaire, en ne considé-rant que de grandes masses, est toujours hydraté (Thuringe),tandis que le gypse de transition (Bex) est anhydre ou hy-draté épigène. Les opinions des géognostes sont d’ailleursencore partagées sur l’âge du dépôt salifère de la Suisse. M. de Buch, dans ses lettres à M. Escher, publiées en 1809,semble placer le gypse muriatifère de Bex entre le grauwackede la Dent de Chamossaire et le conglomérat de Sepey: MM. de Bonnard et Beudant le regardent comme secondaire etappartenant soit au grès houiller soit au zechstein. Il nousavoit paru tel aussi, à M. Freiesleben et à moi, lorsque nousavons examiné ces contrées en 1795. |198| Dans la chaîne des Pyrénées, la limite entre les terrainsde transition (Pic long, 1668 toises; Pic d’Estals, 1550 toises)et les terrains de grès rouge (montagnes de Larry, 1100toises) et de calcaire alpin (Montperdu, 1747 toises) esttrès-nettement tracée. Partout où il y a du grès rouge, onpeut distinguer deux calcaires, un qui recouvre le grèsrouge et un qui le supporte. Le premier de ces calcaires,quelles que soient sa composition et sa couleur, est, pourle géognoste qui nomme les formations d’après le gisement,un calcaire alpin (zechstein); le second est un calcaire detransition. Dans la haute chaîne des Alpes, et nous revien-drons plus tard sur cet objet intéressant, le grès rouge n’estpas plus caractérisé qu’il ne l’est dans une grande partie dela Cordillère des Andes; on peut même révoquer en doutes’il y existe. Il est donc assez naturel que la limite entre lecalcaire alpin ou zechstein et le calcaire de transition leplus récent ne puisse pas y être reconnue avec certitude. Lescalcaires de la bande méridionale des Alpes, savoir, de la Dent du Midi de Saint-Maurice, de la Dent de Morcle, des Diablerets (si l’on en excepte la sommité très-coquillièreau nord-est de Bex), de l’Oldenhorn, du Gemmi, de la Jungfrau, du Titlis et du Tödi, sont aussi évidemment detransition, que les calcaires de Longhope, de Dudley ou de Derbyshire, en Angleterre; que ceux des vallées de Campan et de Luchon dans les Pyrénées; que ceux de Namur en Belgique, de Blankenbourg, d’Elbingerode, de Scharzfeld etdu Schnéeberg près de Vienne, en Allemagne. Cette évidenceest beaucoup moins grande pour la bande calcaire septentrio-nale des Alpes, pour la roche du Mole, de la Dent d’Oche,du Molesson, de la Tour d’Ay, de la Dent de Jament, du Stock-horn, du Glarnisch et du Sentis, que quelques géognostes célè-bres prennent pour du zechstein, d’autres pour la formationla plus récente des calcaires de transition. Les roches de labande méridionale et septentrionale des Alpes ont été sou-vent confondues sous une dénomination commune, celle de calcaire des hautes montagnes (Hochgebirgskalkstein); dénomi-nation qui seroit plus vague encore que celle de calcairealpin, si l’on y attachoit une idée de gisement géographique et si elle n’exprimoit que la position de certaines roches à |199| de très-grandes hauteurs. Le mot calcaire alpin, regardédans son origine comme synonyme de zechstein, indique un gisement géognostique, une formation placée, que ce soitdans les plaines ou dans des chaînes de montagnes très-élevées,immédiatement au-dessus du grès rouge. C’est un fait assezremarquable que le calcaire à encrinites (mountain-limestone),et même le conglomérat de transition (old red sandstone)qui supporte ce calcaire, contiennent, en Angleterre et en Écosse, quelques traces de houille qui diffère de l’anthracite. Les véritables variolithes (Durance, Mont-Rose), qui offrentdes nodules de feldspath compacte, disséminés dans un mé-lange intime presque homogène d’amphibole, de chlorithe (?)et de feldspath, appartiennent soit au groupe que nous venonsde décrire, soit au groupe suivant. Peut-être ne sont-elles quedes bancs intercalés à un grünstein porphyroïde, bancs danslesquels une portion du feldspath s’est dégagée du tissu de lamasse. On n’a long-temps connu ces variolithes que commegalets ou en gros fragmens détachés: il ne faut pas les con-fondre avec les variolithes à nœuds de spath calcaire (blat-tersteine), subordonnées au thonschiefer vert de transition,ni avec les variolithes qui naissent par infiltration dans lemandelstein du grès rouge. Quoique nous soyons bien loin encore de pouvoir compléterl’histoire de chaque terrain intermédiaire et secondaire parl’énumération des espèces de corps fossiles qui s’y trouvent,nous allons pourtant indiquer quelques-uns de ces débris or-ganiques qui semblent caractériser le groupe §. 22. Dans le thonschiefer et le grauwacke, surtout dans le grauwacke schis-teux: plantes monocotylédones (arundinacées ou bambou-sacées), antérieures peut-être aux animaux les plus anciens;entroques, corallites, ammonites (vallées de Castillon dansles Pyrénées; base de la montagne de Fis, en Savoie; duchéde Nassau et Harz, en Allemagne); hystérolithes, orthocé-ratites, beaucoup plus rares que dans le calcaire intermé-diaire; pectinites (Gerolstein, en Allemagne); trilobitesaveugles de M. Wahlenberg, dans lesquels on ne voitaucune trace d’yeux (Olstorp, en Suède); ogygies de M. Brongniart, dans lesquels les yeux ne sont pour ainsi direqu’indiqués par deux tubérosités sur le chaperon (Angers et |200| Amérique septentrionale); calymène de Tristan et calymènemacrophtalme de Brongniart (Bretagne, Cotentin). Dans lecalcaire, savoir, dans les couches plus anciennes: entroques,madrépores, bélemnites (Bex, en Suisse; Pic de Bedillac,dans les Pyrénées); quelques ammonites, jamais par bancs,mais isolés; des orthocératites, Asaphus Buchii, A. Haus-manni (pays de Galles, Suède); très-peu de coquilles bivalves.Dans les couches plus récentes du calcaire: Calymène Blu-menbachii (Dudley en Angleterre, et Miami dans l’Amé-rique du nord), Asaphus caudatus de Brongniart; des am-monites, des térébratules, des orthocératites, quelques gry-phites (Namur, Avesnes); des encrinites. En Allemagne, lecalcaire de transition est quelquefois (Eiffel et duché deBergen) tout pétri de coquilles. Le calcaire grenu de l’île deParos ( Link, Urwelt, pag. 2) doit, d’après un passage deXénophane de Colophon, conservé dans Origène ( Philoso-phumena, c. 14, T. I, p. 893, B. edit. Delarue ), renfermer desdébris organiques; mais il reste bien douteux, selon qu’onlit δάφνη ou ἀφύη, si ces débris sont du règne végétal (dubois de laurier), ou du règne animal (l’empreinte d’unanchois). Nous n’insistons pas sur cette détermination; caril seroit possible que le marbre de Paros fût aussi peu primitifque le marbre de Carare, sur lequel je partage les doutesde plusieurs géognostes célèbres. Le phénomène des grottesne s’oppose cependant pas à la haute antiquité des calcairesde l’Archipel: il y en a dans quelques pays (Silésie, près Kaufungen; Pyrénées, vallées de Naupounts et montagne deMeigut) qui paroissent appartenir au calcaire primitif.
  • IV et V. Porphyres, Syénites et Grünstein postérieurs auThonschiefer de transition, quelquefois même au calcairea orthocératites.
§. 23. Je réunis en deux groupes, qui peut-être n’en for-ment qu’un seul, les porphyres, les grünstein porphyriqueset les syénites que, dans les deux hémisphères, j’ai vus recou-vrir le thonschiefer de transition. Ces roches, par leur com-position et leurs rapports avec les trachytes qui leur sont im-médiatement superposés, offrent beaucoup d’analogie avec legroupe plus ancien §. 21. C’est dans ces porphyres et grün- |201| stein porphyriques que l’on a découvert, au nord de l’équa-teur, au Mexique et en Hongrie, d’immenses richesses deminérais d’or et d’argent; car, quoique la roche métallifèrede Schemnitz (saxum metalliferum de Born) soit peut-êtrepostérieure à des calcaires de transition renfermant quelquesfoibles débris organiques, ce gisement, d’après l’opinion d’ungéognoste célèbre, M. Beudant, est trop incertain, pourséparer des formations aussi étroitement unies que celles dela Nouvelle-Espagne et de la Hongrie. Les syénites à zircons,les granites de transition et les porphyres de Norwége, queMM. de Buch et Hausmann nous ont fait connoître, sontnon-seulement postérieurs (Stromsoë, Krogskoven) au grau-wacke et à un thonschiefer qui alterne avec le calcaire àorthocératites, mais ces roches recouvrent aussi (Skeen) im-médiatement un quarzite (quarzfels) qui représente le grau-wacke et qui repose sur un calcaire noir dépourvu de cou-ches alternantes de thonschiefer. Il résulte de ces considérations qu’on auroit des motifstrès-valables pour réunir les groupes §§. 23 et 24, en nedistinguant, parmi les porphyres de transition, que deuxformations indépendantes, antérieures et postérieures authonschiefer, et une troisième formation (§. 22) subor-donnée à cette roche. La propriété qu’ont certains por-phyres et syénites porphyriques d’être éminemment métal-lifères, ne doit pas s’opposer, je pense, à la réunion desroches du Mexique, de la Hongrie, de la Saxe et de la Norwége. Les minérais d’or et d’argent n’y forment pasdes couches contemporaines, mais des filons qui atteignentune puissance extraordinaire. Des porphyres de transition,dont on seroit tenté de placer plusieurs parmi les trachytes,parce qu’ils renferment de véritables couches de phonolitheavec feldspath vitreux, participent à cette richesse minéraleque parmi les terrains postérieurs aux terrains primitifs l’ona crue trop long-temps exclusivement propre aux thonschiefercarburé et micacé, au grauwacke et au calcaire de transition.Dans ces mêmes régions, il existe des groupes de porphyreset de syénites très-analogues, par leur composition minéra-logique et leur gisement, aux roches des plus riches minesde Schemnitz ou de la Nouvelle-Espagne, et qui néanmoins |202| se trouvent entièrement dépourvus de métaux. C’est presquele cas de tous les porphyres de transition (et des rochestrachytiques) de l’Amérique méridionale. Les grandes ex-ploitations du Pérou, celles de Hualgayoc ou Chota, etde Llauricocha ou Pasco, ne sont pas dans le porphyre, maisdans le calcaire alpin. Dans la république de Buénos-Ayres,le fameux Cerro del Potosi est composé de thonschiefer (detransition?) recouvert de porphyre qui contient des grenatsdisséminés. Si les grands dépôts argentifères et aurifères qui font de-puis des siècles la richesse de la Hongrie et de la Transyl-vanie, se trouvent uniquement au milieu des syénites etdes grünstein porphyriques, il ne faut point en conclurequ’il en est de même dans la Nouvelle-Espagne. Sans douteles porphyres mexicains ont offert des exemples isolés d’uneprodigieuse richesse. A Pachuca, le seul puits de tirage del’Encino a fourni pendant long-temps annuellement plus de30,000 marcs d’argent: en 1726 et 1727, les deux exploita-tions de la Biscaina et du Xacal ont donné ensemble 542,000marcs, c’est-à-dire presque deux fois autant qu’en ont donné,dans le même intervalle, toute l’Europe et toute la Russie asia-tique. Ces mêmes porphyres de Real del Monte, qui par leurscouches supérieures se lient aux trachytes porphyriques et auxperlites avec obsidiennes du Cerro de las Navajas, ont fournipar l’exploitation de la mine de la Biscaina au comte de Regla(de 1762 à 1781) plus de onze millions de piastres. Cependantces richesses sont encore inférieures à celles que l’on retire,dans le même pays, de formations de transition non porphyri-ques. La Veta negra de Sombrerete, qui traverse un calcairecompacte rempli de rognons de pierre lydienne, a offertl’exemple de la plus grande abondance de minérais d’argentqu’on ait observée dans les deux mondes: la famille de Fagoaga ou du marquis del Apartado en a retiré en peu de mois unprofit net de quatre millions de piastres. La mine de Valen-ciana, exploitée dans du schiste de transition, a été d’un pro-duit si constant que, jusqu’à la fin du dernier siècle, elle n’apas cessé de fournir annuellement, pendant quarante annéesconsécutives, au-delà de 360,000 marcs d’argent. En généraldans la partie centrale de la Nouvelle-Espagne, où les por- |203| phyres sont fréquens, ce n’est point cette roche qui fournitles métaux précieux aux trois grandes exploitations de Gua-naxuato, de Zacatecas et de Catorce. Ces trois districts demines, qui donnent la moitié de tout l’or et l’argent mexi-cain, sont situés entre les 18° et 23° de latitude boréale. Lesmineurs y travaillent sur des gites de minérais contenus presqueentièrement dans des terrains de thonschiefer intermédiaire,de grauwacke et de calcaire alpin: je dis, presque entière-ment; car la fameuse Veta madre de Guanaxuato, plus richeque le Potosi, et fournissant jusqu’en 1804, année com-mune, un sixième de l’argent que l’Amérique verse dans lacirculation du monde entier, traverse à la fois le thon-schiefer et le porphyre. Les mines de Belgrado, de San-Bruno et de Marisanchez, ouvertes dans la partie porphyri-tique au sud-est de Valenciana, ne sont que de très-peud’importance. D’autres exploitations, dirigées sur les por-phyres du groupe §. 23 (Real del Monte, Moran, Pachuca et Bolaños), ne fournissent aujourd’hui pas au-delà de 100,000marcs ou un vingt-cinquième de l’argent exporté (1803)du port de la Vera-Cruz. J’ai cru devoir consigner ici cesfaits, parce que la dénomination de porphyres métallifères,dont je me suis souvent servi dans mes ouvrages, peut donnerlieu à l’erreur de regarder les richesses métalliques du nouveaumonde comme dues en très-grande partie aux porphyres detransition. Plus on avance dans l’étude de la constitution duglobe sous les différens climats, plus on reconnoît qu’il existeà peine une roche antérieure au calcaire alpin, qui, dans decertaines contrées, n’ait été trouvée très-argentifère. Le phé-nomène de ces filons anciens dans lesquels se trouvent dépo-sées nos richesses métalliques (peut-être comme le fer oligistespéculaire et le muriate de cuivre sont déposés et remontentencore de nos jours dans les crevasses des laves), est un phé-nomène qui paroît pour ainsi dire indépendant de la naturespécifique des roches. Pour donner une idée précise de la composition du terrainde porphyre, syénite et grünstein, postérieur au thonschie-fer de transition, il est nécessaire, dans l’état actuel de lascience, de distinguer quatre formations partielles, savoir,celles |204|
  • de la région équinoxiale du nouveau continent,
  • de la Hongrie,
  • de la Saxe et
  • de la Norwége.
Malgré les rapports qui unissent ces formations partielles,chacune d’elles offre des différences assez remarquables. Nousles désignerons par des noms purement géographiques, selonles lieux qui en présentent les types les plus distincts, sans vou-loir indiquer par là qu’on ne puisse trouver la formation de Hongrie dans le nouveau continent, ou celle de Guanaxuato,avec toutes les circonstances qui l’accompagnent, dans quel-ques parties de l’Europe. A. Groupes de la région équinoxiale du nouveau continent. a. Dans l’hémisphère boréal. Ce qui caractérise en généralles porphyres, en partie très-métallifères, de l’Amérique équi-noxiale (ceux du groupe §. 23, comme ceux du groupe §. 21),c’est l’absence presque totale du quarz, la présence de l’am-phibole, du feldspath vitreux, et quelquefois du pyroxène.J’ai insisté sur ces caractères distinctifs dans tous les ouvragesque j’ai publiés depuis 1805; on les retrouve en grandepartie dans les porphyres ou grünstein porphyriques, égale-ment métallifères, de la Hongrie et de la Transylvanie. Lesporphyres mexicains, comme nous l’avons fait observer plushaut, présentent souvent à la fois deux variétés de feldspath,le commun et le vitreux; le premier résiste beaucoup moinsà la décomposition que le second. La forme de leurs cristaux,larges ou effilés, les fait reconnoître presque autant quel’éclat et la structure lamelleuse plus ou moins nettementprononcée. Le quarz, si parfois il se montre, n’est pointcristallisé, mais en petits grains informes: le pyroxène et legrenat, qui se trouvent également dans les grünstein porphy-riques de la Hongrie, sont très-rares. Le groupe argentifèremexicain abonde moins en amphibole: le mica, que l’onretrouve dans quelques trachytes, manque toujours dans lesporphyres de la Nouvelle-Espagne. La plupart de ces rochessont très-régulièrement stratifiées; et, qui plus est, la di-rection de leurs strates est souvent (entre la Moxonera et Sopilote au nord d’Acapulco; au Puerto de Santa Rosa |205| près de Guanaxuato) concordante avec la direction des rochesprimitives et intermédiaires auxquelles elles sont superposées.Dans la Nouvelle-Espagne, comme en Hongrie, le terraintrachytique est placé immédiatement sur les porphyres mé-tallifères: mais, dans le premier de ces pays, les porphyressont recouverts sur quelques points (Zimapan, Xaschi et Xacala) de calcaire gris-noirâtre de transition; sur d’autrespoints (Villalpando), de grès rouge; sur d’autres encore (entre Masatlan et Chilpanzingo, entre Amajaque et la Magdalena;entre San Francisco Ocotlan et la Puebla de los Angeles;entre Cholula et Totomehuacan), de calcaire alpin. Les porphyres de transition de la Hongrie, de la Saxe etde la Norwége ont une structure très-compliquée: ils alter-nent avec des syénites, des granites, des grünstein; et lorsqu’iln’y a pas d’alternance, ces trois dernières roches, et même desmicachistes ou des calcaires stéatiteux, se trouvent renfer-més, comme couches subordonnées, dans les porphyres. Lafréquence de ces bancs intercalés éloigne d’une manière très-prononcée les porphyres de la Hongrie ou de la Norwége des roches trachytiques; elle les éloigne aussi des porphyresde la Nouvelle-Espagne, qui leur ressemblent par leur com-position minéralogique (par la nature de leur pâte et descristaux enchâssés). La structure des porphyres mexicains estd’une grande simplicité: ils forment un immense terrain noninterrompu par des bancs intercalés. J’ai vu des syénites dansles thonschiefer de transition de Guanaxuato (§. 22); je les aivues, au-dessus de ce thonschiefer, alterner avec des grünstein:mais je n’ai vu ni syénite, ni micaschiste, ni grünstein, nicalcaire dans les porphyres de la Moxonera, de Pachuca, de Moran et de Guanaxuato. Ce n’est qu’à Bolaños que l’on trouvedu mandelstein dans le porphyre. Ce développement uni-forme et non interrompu des porphyres métallifères et nonmétallifères de la Nouvelle-Espagne est un phénomène très-frappant: il rend plus difficile la séparation systématiquedes terrains de porphyre et de trachyte, là où ces terrainsse supportent immédiatement. Lorsqu’on évalue l’épaisseurdes deux terrains réunis, c’est-à-dire, lorsqu’on s’élève descouches les plus basses d’un porphyre que l’on peut croirede transition, parce qu’il est recouvert de grandes formations |206| calcaires, analogues au zechstein (Guasintlan, à la penteoccidentale, et Venta del Encero, à la pente orientale dela Cordillère), jusqu’au sommet trachytique du grand volcande la Puebla (Popocatepetl), on trouve, d’après mes me-sures barométriques et trigonométriques, une épaisseur, noninterrompue par des roches intercalées, de plus de 13,000pieds (2233 toises). L’épaisseur des seules couches de por-phyre métallifère, en comptant depuis Guasintlan et Puentede Istla (où les porphyres se cachent sous les mandelsteinporeux de Guchilaque et de la vallée de Mexico) jusqu’àl’affleurement des filons argentifères de Cabrera (Real deMoran), est de 5000 pieds (817 toises). Ces dimensions ontété déterminées en comparant les hauteurs absolues des sta-tions; car, d’après l’inclinaison variable des couches, etd’après le rapport entre la direction des coupes et la direc-tion de la roche, il est probable que les épaisseurs apparentes (les différences entre le maximum et le minimum de hau-teurs) s’éloignent très-peu des épaisseurs véritables, qui sont lasomme des épaisseurs évaluées perpendiculairement aux fis-sures de stratification. Voici les circonstances locales, les plusintéressantes, du gisement des porphyres du Mexique entreles 17° et 21° de latitude boréale. α. Chemin d’Acapulco à Mexico. Le porphyre, à la penteoccidentale de la Cordillère d’Anahuac, ne descend que jus-qu’à la vallée du Rio Papagallo, un peu au nord de la Ventade Tierra colorada, à 230 toises de hauteur au-dessus du ni-veau de l’océan Pacifique. Sur la pente orientale de la Cor-dillère d’Anahuac, entre la vallée de Mexico et le port de la Vera-Cruz, je n’ai vu aucune trace de cette roche au-dessous de l’Encero, à 476 toises de hauteur. Le porphyre s’ycache sous un grès argileux qui enchâsse des fragmens d’amyg-daloïde trachytique. Les deux groupes principaux de por-phyres, dans le chemin d’Acapulco à Mexico, sont ceux dela Moxonera et de Zumpango. La vallée granitique du Papagallo est bordée au sud (Altodel Peregrino) par une formation de calcaire compacte(de 85 toises d’épaisseur), bleu-noirâtre, traversé par depetits filons blancs de spath calcaire. Elle est remplie degrandes cavernes, mais analogues plutôt au calcaire alpin |207| qu’au calcaire de transition. Au nord la vallée est bordéepar une masse de porphyre (Alto de la Moxonera et de Los Caxones) qui a 355 toises d’épaisseur. Ce porphyre estassez régulièrement stratifié (dir. N. 35° E., inclin. 40° auN. O.); quelquefois il est divisé en boules à couches con-centriques. Sa base est verdâtre et argileuse, enchâssant dufeldspath vitreux et des pyroxènes décomposés, qui ontpresque la couleur de l’olivine: point de quarz, point de mica,point de feldspath lamelleux. De grandes masses d’argileblanc-rougeâtre sont intercalées dans ce porphyre terreux;il repose immédiatement, comme le calcaire du Peregrino (dont les strates ont dir. N. 45° E.; incl. 60° au N. O.),sur le granite primitif. Ce dernier, qui a été décrit plus haut(§. 7), renferme, au pied de la colline porphyritique de LosCaxones, dans la vallée même du Papagallo, des filons d’am-phibolite noir et des boules de granite à couches concentriques,semblables à celles que j’ai observées au Fichtelgebirge prèsde Seissen. La plus grande masse de ce granite à gros grainsest très-régulièrement stratifiée (dir. N. 40° E.) et inclinéepar groupes d’une vaste étendue, le plus souvent au N. O.,quelquefois au S. E. Les cimes (porphyriques?) voisines(Cerros de las Caxas et del Toro) ont des formes bizarres;et si, à cause de la composition minéralogique du porphyrede la Moxonera et de l’Alto de los Caxones, et à cause deson isolement, on étoit tenté de le prendre pour du trachyte,le parallélisme de direction de ses strates avec ceux du cal-caire et du granite, et le recouvrement d’un porphyre très-semblable et très-voisin (Masatlan) par de puissantes forma-tions de calcaire secondaire, s’opposeroient à cette hypo-thèse. En descendant de la montagne porphyrique de LosCaxones, vers le sud, c’est-à-dire vers les côtes de l’océanPacifique, j’ai vu venir au jour alternativement: le granite pri-mitif de la vallée du Papagallo, le calcaire alpin de l’Alto delPeregrino, le granite primitif de la vallée du Camaron, lasyénite de l’Alto del Camaron, enfin le granite primitif del’Exido et des côtes d’Acapulco. La syénite du Camaron,renfermant des cristaux d’amphibole de huit lignes de long,ne me paroît pas liée aux porphyres mexicains. Ce n’estqu’un changement de composition dans la masse du granite, |208| qui, dans cette région, se mêle à l’amphibole, et devientporphyroïde sur tous les sommets des collines. Le second groupe de porphyre intermédiaire dont j’ai puexaminer la superposition avec soin, est celui de Zumpango.Ce groupe commence quelques lieues au nord de l’Alto delos Caxones, et supporte, en s’étendant vers Mescala, unvaste plateau composé de calcaire, de grès et de gypse (entre Masatlan et Chilpanzingo). C’est dans ce plateau, dont lahauteur absolue (c’est-à-dire, au-dessus du niveau de la mer)est de 700 toises, qu’un porphyre semblable par sa compo-sition à celui de la Moxonera supporte des terrains secon-daires d’une structure très-compliquée. En descendant del’Alto de los Caxones (haut. 585 toises) vers le nord, onvoit d’abord de nouveau reparoître au jour le granite primitifde la vallée du Papagallo; puis l’on découvre un lambeau decalcaire alpin, semblable à celui du Peregrino (lambeau de200 toises de large, qui se trouve superposé immédiatementau granite); puis paroît encore le granite, et enfin l’on atteintle groupe porphyrique de Zumpango, dans lequel se conservetrès-régulièrement la direction des strates, N. 30° à 45° E.,avec une inclinaison très-frequente au N. O. Ce porphyre, rempli de feldspath vitreux, dépourvu d’am-phibole, et recouvrant le granite primitif, sert d’abord debase (Acaguisotla) à une formation d’amygdaloïde brun-rou-geâtre, semi-vitreuse, presque sans cavités, renfermant desamandes de calcédoine décomposée, des lames de mica noiret du mélanite. Bientôt le mandelstein disparoît, et le por-phyre se montre de nouveau sur un espace de terrain consi-dérable, jusqu’à ce qu’il se cache sous le calcaire de Masatlan et de Chilpansingo, c’est-à-dire, sous deux formations po-reuses très-distinctes, dont la supérieure est blanchâtre, argi-leuse et friable, l’inférieure bleu-grisâtre, intimement mêléede spath calcaire grenu et en masse. Ces deux calcaires sem-blent, au premier abord, moins anciens que le calcaire alpindu Peregrino; mais ils n’appartiennent certainement pas àdes terrains tertiaires qui en Hongrie reposent sur des tra-chytes. Je n’y ai trouvé aucune trace de pétrifications: ilssont dirigés N. 35° E., et généralement inclinés de 40°, nonau N. O., mais au S. E. Cette uniformité de direction (non |209| d’inclinaison), observée parmi des roches qui paroissentd’un âge si différent, est un phénomène très-rare. Il ajoutepeut-être aux motifs que l’on a de ne pas considérer commedes trachytes les porphyres dont nous venons de faire con-noître le gisement. Les calcaires de Chilpansingo ont descavités qui varient de quatre lignes jusqu’à huit pouces dediamètre. La formation inférieure, qui est bleu-grisâtre,recouvre immédiatement le porphyre; elle perce quelque-fois la formation blanchâtre, et forme à la surface du sol depetits rochers cylindriques ou coralliformes de trois ouquatre pieds de haut, qui présentent l’aspect le plus bizarre.Ces circonstances de composition et de structure indiquentbeaucoup d’analogie entre le calcaire caverneux trouvé de-puis Masatlan et Petaquillas jusqu’à Chilpansingo, et les cou-ches inférieures du calcaire du Jura (höhlenkalk; schla-ckiger, blasiger kalkstein) qui, également caverneuses dansle Haut-Palatinat (entre Laber et Ettershausen) et en Franconie (entre Pegnitz et Muggendorf), donnent, par leursaspérités, à la surface du sol une physionomie particulière.Non loin de Zumpango le porphyre sort de nouveau au-dessous des calcaires caverneux de Chilpansingo, ou plutôtsous un conglomérat calcaire qui, renfermant à la fois degros fragmens de la formation bleue et de la formationblanche, recouvre cette dernière sur plusieurs points. Commedans les groupes de Los Caxones et de Zumpango les por-phyres s’élèvent à peu près au même niveau (560 et 585toises), on peut supposer, avec quelque probabilité, queles calcaires caverneux qu’ils supportent dans le plateau de Chilpansingo, ont 800 pieds d’épaisseur. En avançant au nord vers Sopilote, Mescala et Tasco, onperd de nouveau de vue le porphyre. Le granite primitifreparoît; mais bientôt il se trouve caché par un porphyredont la composition minéralogique offre des caractères très-remarquables: il est gris-bleuâtre, un peu argileux pardécomposition, et enchâsse de grands cristaux de feldspathjaune-blanchâtre (plutôt lamelleux que vitreux), du py-roxène presque vert-poireau et un peu de quarz non cris-tallisé. Ce porphyre stratifié est recouvert, vers le sud, dumême conglomérat calcaire qui abonde sur le plateau de |210| Chilpansingo; vers le nord (Sopilote, Estola, Mescala), d’uncalcaire compacte, grisâtre et traversé de filons de carbonatede chaux. Le calcaire d’Estola n’est pas spongieux ou bulleuxdans sa masse entière, comme la formation de Masatlan, maisil renferme de grandes cavernes isolées, comme le calcairedu Peregrino que nous avons décrit plus haut. Il ne m’est restéaucun doute, en voyageant dans ces montagnes, que les rochesde la Cañada de Sopilote et de l’Alto del Peregrino sont iden-tiques avec notre calcaire alpin (zechstein) de l’Europe, aveccelui qui succède, selon l’âge de sa formation, au grès rouge,ou, lorsque celui-ci manque, aux roches de transition. Prèsde Mescala, un peu au nord de Sopilote, de riches filons ar-gentifères, analogues aux filons de Tasco et de Tehuilotepec,traversent le calcaire alpin. Dans la vallée de Sopilote, laroche qui recouvre le porphyre du groupe de Zumpango,présente ces mêmes couches sinueuses et contournées que l’onvoit à l’Achsenberg, au bord du lac de Lucerne, et dansd’autres montagnes de calcaire alpin en Suisse. J’ai observé queles couches supérieures de la formation de Sopilote et de Mes-cala passent progressivement au gris-blanchâtre, et que, dé-pourvues de filons de spath calcaire, elles offrent une cassurematte, compacte ou conchoïde. Elles se divisent, presquecomme le calcaire de Pappenheim, en plaques très-minces.On diroit d’un passage du calcaire alpin au calcaire du Jura,deux formations qui se recouvrent immédiatement en Suisse,dans les Apennins et dans plusieurs parties de l’Amériqueéquinoxiale, mais qui, dans le Sud de l’Allemagne, sontséparées l’une de l’autre par plusieurs formations intercalées(par le grès de Nebra ou bunte sandstein, par le muschelkalket le grès blanc ou quadersandstein). Près du village de Sochipala, le calcaire alpin est couvertde gypse, et entre Estola et Tepecuacuilco, on voit sortirsous le calcaire alpin (dirigé tantôt N. 10° E. avec incl. 40°à l’est, tantôt N. 48° E. avec incl. 50° au sud-est) un por-phyre vert d’asperge à base de feldspath compacte, divisé enstrates très-minces, comme celui d’Achichintla, et presquedépourvu de cristaux disséminés. Cette roche ressemble auporphyre phonolitique (porphyrschiefer) du terrain de tra-chyte. Si l’on avance vers les mines de Tehuilotepec et de |211| Tasco, on trouve cette même roche recouverte d’un grèsquarzeux à ciment argilo-calcaire, et analogue au weissliegende (couche inférieure arénacée du zechstein) de la Thuringe. Ce grès quarzeux annonce de nouveau la proximitédu calcaire alpin: aussi, sur ce grès et peut-être immédiate-ment sur le porphyre (comme c’est le cas à Zumpango età l’Alto de los Caxones), on voit reposer, près du lac saléde Tuspa, une masse immense de calcaire alpin souvent ca-verneux, renfermant quelques pétrifications de trochus etd’autres coquilles univalves. Ce calcaire de Tuspa, indubitable-ment postérieur à tous les porphyres que je viens de décrire,renferme des couches de gypse spéculaire et des strates d'ar-gile schisteuse et carburée qu’il ne faut pas confondre avecdu grauwackeschiefer. Il est généralement gris-bleuâtre,compacte, et traversé par des filons de carbonate de chaux.Sur beaucoup de points, loin d’être caverneux, il fait pas-sage à une formation blanche, très-compacte, analogue aucalcaire de Pappenheim. J’ai été très-frappé de ces variationsde texture, que nous avons observées également, M. de Buch et moi, dans les Apennins (entre Fosombrono, Furli et Fuligno),et qui semblent prouver que, là où les membres intermédiairesde la série n’ont pu se développer, les formations de calcairealpin et de calcaire du Jura sont plus intimement liées qu’onne l’admet généralement. Les riches filons d’argent de Tasco,qui ont donné jadis 160,000 marcs d’argent par an, traversentà la fois le calcaire et un thonschiefer qui passe au micaschiste;car, malgré l’identité des formations calcaires, égalementargentifères, de Tasco et de Mescala, la première de cesformations, partout où elle a été percée dans les travaux desmines (Cerro de S. Ignacio), n’a pas été trouvée superposéeau porphyre comme le calcaire de Mescala, mais recouvrantune roche plus ancienne que le porphyre, un micaschiste(dir. N. 50° E.; incl. 40° — 60°, le plus souvent au N. O.,quelquefois au S. E.) dépourvu de grenats et passant au thon-schiefer primitif. J’ai dû entrer dans ces détails sur les ter-rains qui succèdent aux porphyres, parce que ce n’est qu’enfaisant connoître la nature des roches superposées qu’on peutmettre les géognostes en état de prononcer sur la place quedoivent occuper les porphyres mexicains dans l’ordre des for- |212| mations. L’esquisse d’un tableau géognostique n’a de valeurqu’autant qu’on rattache la roche qu’on veut faire connoître,à celles qui lui succèdent immédiatement au-dessus et au-dessous. Les seuls faits oryctognostiques peuvent être pré-sentés isolément: la géognosie positive est une science d’en-chaînemens et de rapports, et l’on ne peut, en décrivantune portion quelconque du globe, borner son horizon ets’arrêter à telle ou telle couche qu’on veut étudier de pré-férence. β. Plateau central. Vallée de Mexico; terrain entre Pachuca, Moran et La Puebla . Une énorme masse de porphyre de tran-sition s’élève à la hauteur moyenne de 1200 à 1400 toisesau-dessus du niveau de la mer. Elle est recouverte, dans lavallée de Mexico et au sud vers Cuernavaca et Guchilaque, demandelstein basaltique et celluleux (en mexicain tetzontli);vers l’est et le nord-est (entre Tlascala et Totonilco), de for-mations secondaires. Il est probable que le porphyre, quise cache d’abord sous le calcaire alpin de Mescala, puis dansles Llanos de San-Gabriel (près du pont d’Istla), sous desconglomérats trachytiques et sous un mandelstein poreux, estidentique avec celui qui reparoît, 15 lieues plus au nord et 800toises plus haut, sur les bords du lac de Tezcuco. C’est dansla belle vallée de Mexico que la roche porphyrique percel’amygdaloïde celluleuse dans les collines de Chapoltepec,de Notre-Dame de la Guadeloupe et du Peñol de los Baños.Elle présente plusieurs variétés très-remarquables: 1.° gris-rougeâtres, un peu argileuses, sans stratification distincte,renfermant en parties égales des cristaux d’amphibole etde feldspath commun (galerie creusée dans le rocher de Chapoltepec); 2.° noires ou gris-noirâtre (quelquefoisfendillées et bulleuses), stratifiées par couches de 3 — 4pouces d’épaisseur, à base de feldspath compacte, à cassurematte, unie ou imparfaitement conchoïde (ressemblant plusà la cassure de la lydienne qu’à celle du pechstein), renfer-mant de petits cristaux de feldspath vitreux et de pyroxènevert d’olive, presque dépourvues d’amphibole, souvent re-couvertes à leur surface de superbes masses de hyalithemamelonné ou verre de Müller (Peñol de los Baños, dir.N. 60° O., incl. 60° N. E.); 3.° rouges, terreuses, avec |213| beaucoup de grands cristaux de feldspath commun décomposé(salines du lac de Tezcuco, là où d’anciennes sculpturesaztèques couvrent le Peñol). Le porphyre de la vallée de Mexico offre non-seulement des sources d’eau potable quisont amenées à la ville par de longs et somptueux aqueducs,mais aussi des eaux thermales acidulées, les unes chaudes etles autres froides. On y trouve, et ce fait est bien remarqua-ble, comme dans le micaschiste primitif des environs d’Araya et de Cumana, du naphte et du pétrole (promontoire du Sanctuaire de Guadeloupe). Quoique ce porphyre sorte au-dessous de l’amygdaloïde poreuse, et qu’il se montre au jour(Cerro de las Cruces et Tiangillo, Cuesta de Varientos et Capulalpan, Cerro Ventoso et Rio Frio) dans tout le pour-tour circulaire du bassin de Tenochtitlan, fond d’un ancienlac en partie desséché, ce n’est que vers le nord-nord-estseulement (Pachuca, Real del Monte et Moran) qu’il a ététrouvé argentifère. De riches filons traversent, depuis la mine de San-Pedro àla cime du Cerro Ventoso (1461 toises) jusqu’au fond de l’an-cien puits de l’Encino (1170 toises) dans le Real de Pachuca,une masse de porphyre qui a plus de 1700 pieds d’épaisseur.Cette roche, que jadis on auroit appelée pétrosiliceuse ouhornsteinporphyr, est généralement gris-verdâtre, quelque-fois vert de prase, à cassure écailleuse, offrant des fragmensà bords aigus. Sa pâte est probablement un feldspath com-pacte, chargé de silice: elle renferme, non du quarz et dumica, mais des cristaux de feldspath commun et d’amphibole.La dernière substance n’est généralement pas très-abondante,et lorsque le porphyre est argileux ou plutôt terreux, on nereconnoît l’amphibole que par des taches à surface striée etd’un vert très-foncé. Les couches presque argileuses et plustendres (thonporphyr de Moran) paroissent inférieures auxcouches plus dures et plus tenaces. On trouve intercalés auxunes et aux autres des strates de phonolithe (klingstein) gris defumée ou vert-poireau, divisés en tables ou feuillets très-sono-res. Ce n’est cependant pas entièrement un porphyrschieferdu terrain trachytique; car la masse phonolithique n’offre pasdes cristaux effilés de feldspath vitreux, mais des cristauxde feldspath commun blanc grisâtre, constamment accom- |214| pagnés d’un peu d’amphibole. Tous ces porphyres argenti-fères de Moran et de Real del Monte sont très-régulière-ment stratifiés (direction générale, comme dans la valléede Mexico, N. 60° O., incl. 50° — 60° au N. E.): ils n’offrentdes divisions en colonnes informes que dans les Organosde Actopan (Cerro de Mamanchota, sommet 1527 toises)et les Monjas de Totonilco el Chico, si toutefois la rochedes Organos, dont la masse a 3000 pieds d’épaisseur, en necomptant que les porphyres visibles au-dessus des plaines voi-sines, est identique avec la roche de Moran. La dernièrerenferme un peu moins de cristaux d’amphibole; l’une etl’autre de ces roches ne sont ni fendillées ni poreuses, etc’est au pied des pics grotesques des Monjas que se trouventles riches filons de Totonilco el Chico. Jusque-là tous les porphyres argentifères de Pachuca et de Moran, que je viens de décrire, ne nous ont rien offert quiles éloigne du terrain de transition: ils sont même recouverts,entre les bains de Totonilco el Grande et la caverne de la Madre de Dios ou Roche percée, d’énormes masses de for-mations calcaires, de grès et de gypse. La formation calcaire,de 1000 pieds d’épaisseur, est gris-bleuâtre, compacte, nonporeuse, renfermant des filons de galène et des couches decalcaire blanc presque saccharin à gros grains. C’est pour lemoins la formation alpine (alpenkalkstein), si ce n’est pas uncalcaire de transition, et les rapports de gisement qu’on ob-serve entre cette roche calcaire et les porphyres de Moran etde la Magdalena semblent caractériser ceux-ci comme décidé-ment non trachytiques. En avançant à quatre ou cinq lieuesde distance des mines de Moran, par Omitlan, par les savanesde Tinaxas, et par une vaste forêt de chênes vers le Jacal,dont l’Oyamel ou la Montagne des Couteaux (Cerro de los Na-vajas) forme la pente occidentale, on entre dans un pays quioffre, dans sa composition géognostique, la trace très-récentedes feux souterrains. On trouve d’abord au pied de l’Oyamel un porphyre terreux blanc-grisâtre, renfermant des cristauxde feldspath vitreux, et présentant presque la même direc-tion (le même angle avec le méridien, N. 30° O.) queles porphyres argentifères, mais une inclinaison (75° auS. O.) diamétralement opposée. L’état de la végétation ne |215| permet pas de fixer les rapports de gisement entre les rochesde l’Oyamel et les porphyres de transition des mines d’ar-gent de Moran. Les premières, qui sont encore dépourvuesd’obsidienne, servent de base à une roche blanc-rougeâtre,à éclat émaillé, à cassure unie, quelquefois grenue, renfer-mant un peu de feldspath vitreux, et divisée en une infinitéde petites couches parallèles, souvent ondulées. Cette rocheest une perlite porphyrique lithoïde, ou plutôt un porphyretrachytique non spongieux, non fendillé, dont la base passeau perlstein. Un tel passage de la pâte pierreuse à une massecomposée de globules agglutinés, se manifeste même dans descouches qu’à leur seul aspect on croiroit d’abord composées defeldspath compacte ou d’un kieselschiefer terne et grisâtre. Auxcristaux effilés de feldspath vitreux, disséminés dans la pâte, nese trouvent mêlés ni le mica noir, ni le quarz, mélange quel’on observe dans la perlite de Tokai et de Schemnitz en Hongrie. L’abondance d’obsidienne que renferment les porphyres dela montagne des Couteaux, et qui les rapproche des perl-stein de Cinapecuaro, ne laisse pas de doute sur leur na-ture volcanique. Ils constituent des montagnes isolées, sou-vent jumelles, à couches perpendiculaires, rappelant, parleur aspect, les collines de basalte et de trachyte des MontsEuganéens. Ces masses volcaniques sont-elles sorties du seindes porphyres de transition de Moran, ou existe-t-il un passagedes unes aux autres? Les roches de l’Oyamel sont-elles seu-lement superposées aux porphyres métallifères, comme lesont les basaltes colonnaires de Regla? On se demande demême si les porphyres noirs, souvent bulleux, de la valléede Mexico (Peñol de los Baños), recouverts d’amygdaloïde,basaltiques et cellulaires, sont d’une origine différentedes porphyres qui se cachent (Totonilco el Grande) sousle calcaire alpin? Dans cette même vallée de Mexico (enavançant du lac de Tezcuco au nord vers Queretaro), onvoit sortir, à la Cuesta de Varientos, sous le mandelsteinvolcanique, un porphyre terreux, rouge-brunâtre, sansamphibole, mais abondant en cristaux effilés de feldspathvitreux. C’est sur la prolongation des strates de cette roched’un aspect trachytique que reposent les formations secon- |216| daires et tertiaires (calcaire du Jura, gypse et marnes avecossemens d’éléphans, à 1170 toises de hauteur), qui remplis-sent les bassins de l’Hacienda del Salto, de Batas et du Puertode los Reyes. Dix lieues plus loin, à Lira, on trouve desroches porphyriques à base semi-vitreuse et vert-olive, re-couvertes d’hyalithe mamelonnée et dépourvues de pyroxène.Ces roches enchâssent, outre un peu de feldspath, des grainsde quarz: elles offrent en même temps de petites couchesd’obsidienne intercalées. C’est, à n’en pas douter, un tra-chyte (roche à laquelle en Hongrie le quarz n’est pas non plusentièrement étranger). Or, comment distinguer les couchesde porphyre trachytique des porphyres de transition qui lessupportent immédiatement, lorsque les uns et les autres,au mélange près d’obsidienne et de perlite, ont une compo-sition minéralogique si analogue? Cette difficulté embarrasse encore plus le voyageur géo-gnoste, lorsqu’il sort de la vallée de Mexico, vers l’est, pourtraverser l’arête de montagnes sur laquelle s’élèvent les deuxvolcans de la Puebla, l’Iztaccihuatl ( Femme-blanche, 2456toises) et le Popocatepetl ( Montagne fumante, 2770 toises).Les roches porphyriques qu’on voit au jour près de laVenta de Cordova et de Rio frio, sont intimement liéesaux trachytes du Grand-Volcan encore enflammé. Elles sontrecouvertes de brèches ponceuses et de perlites avec obsi-dienne (entre Ojo del Agua et le fort de Perote), et servent debase (entre San Francisco Ocotlan, la Puebla de los Angeles, Totomehuacan, Tecali et Cholula; entre Venta de Soto, El Pizarro et Portachuelo) à une puissante formation calcaire,tantôt compacte et bleu-grisâtre, tantôt à petits grains etblanche ou à couleur mélangée. Ce calcaire (de transition oualpin?) n’est certainement pas tertiaire, comme le sont lesformations très-récentes de calcaire coquillier, de marnes etde gypse, que dans différentes parties du globe on voitplacées, par lambeaux, sur le terrain trachytique. M. Son-neschmidt a vu, près de Zimapan, Xaschi et Xacala, unvéritable calcaire de transition, gris-noirâtre et fortementcarburé, reposer sur des porphyres entièrement semblables àceux que nous venons de décrire dans le plateau central dela Nouvelle-Espagne. Quelques strates de ces porphyres de |217| Zimapan, de Xaschi et d’Ismiquilpan, renferment, commeles grünstein porphyriques et les perlites de la Hongrie, etcomme le porphyre superposé au thonschiefer (de transition?)de la fameuse montagne de Potosi, des grenats disséminésdans la masse. Ils sont traversés de filons qui présentent cettemagnifique variété d’opale jaune-orangé que nous avons faitconnoître, M. Sonneschmidt et moi, sous le nom d’opale defeu (feueropal), et qui a été retrouvée par M. Beudant parmi les trachytes de Telkebánya. J’ai vu enchâssés dansla pâte porphyrique de Zimapan, des globules rayonnés deperlite gris-bleuâtre, ressemblant par leur couleur à de lathermantide jaspoïde (porzellan-jaspis). On n’a point encoreéclairci les rapports de gisement entre ces porphyres, qu’oncroiroit trachytiques, et ceux qui supportent les grandes for-mations calcaires. Il est plus aisé de séparer les porphyresmétallifères des trachytes dans nos classifications artificiellesqu’à la vue même des montagnes. γ. Groupe de porphyres de Guanaxuato. C’est ce groupe quidétermine le plus clairement l’âge relatif, ou, pour m’ex-primer avec plus de précision, le maximum de l’anciennetédes porphyres mexicains, si toutefois ceux dont nous venonsd’indiquer les gisemens sont d’une même formation que lesporphyres de Guanaxuato. La superposition de ces porphyressur des roches appartenant au terrain intermédiaire est ma-nifeste. Près de la ferme de la Noria et dans la Cañada deQueretaro, un porphyre vert d’olive schisteux, rempli defeldspath vitreux en cristaux microscopiques, est superposéà un thonschiefer de transition qui renferme de la lydienne.Près de Guanaxuato, et surtout près de Santa Rosa de laSierra, cette superposition est également certaine. Les por-phyres de ce district ont en général un gisement concordant(une direction et une inclinaison parallèles) avec les stratesdu thonschiefer. Ils sont éminemment métallifères, et lefameux filon de Guanaxuato (Veta madre), faisant le mêmeangle avec le méridien que les filons de Zacatecas, de Tasco et de Moran (N. 50° O.), a été exploité successivement surune longueur de 12,000 toises et une largeur (puissance)de 20 à 25 toises. Il a fourni en 230 ans plus de 180 millionsde piastres, et il traverse à la fois le porphyre et le schiste |218| de transition. La première de ces roches forme, à l’est de Guanaxuato, des masses gigantesques qui se présentent deloin sous l’aspect le plus étrange, comme des murs et desbastions. Ces crêtes, taillées à pic et élevées de plus de 200toises au-dessus des plaines environnantes, portent le nom de buffas; elles sont dépourvues de métaux, paroissent soulevéespar des fluides élastiques, et sont regardées par les mineursmexicains, qui à Zacatecas les voient aussi placées sur unthonschiefer de transition éminemment métallifère, commeun indice naturel de la richesse de ces contrées. Lorsqu’onembrasse sous un même point de vue les porphyres de la Buffa de Guanaxuato, et ceux des mines jadis célèbres de Belgrado de San Bruno, de la Sierra de Santa Rosa et de Villalpando, on croit reconnoitre dans leurs strates les plusrécens des passages à des roches que l’on est généralementconvenu en Europe de placer parmi les trachytes. Dans les environs de Guanaxuato dominent les porphyresà pâte de feldspath compacte, vert de gris et vert d’olive,enchâssant du feldspath lamelleux (non vitreux), soit encristaux presque microscopiques (Buffa), soit en cristauxtrès-grands (Mines de San Bruno et du Tesoro). L’amphi-bole décomposé, qui teint probablement en vert la masse en-tière de ces roches, ne se distingue que par des taches in-formes. En s’élevant vers la Sierra (Puerto de Santa Rosa, Puerto de Varientos), le porphyre est souvent divisé enboules à couches concentriques: sa pâte devient vert-noi-râtre, semi-vitreuse (pechsteinporphyr), et renferme à lafois un peu de mica cristallisé et des grains de quarz. Prèsde Villalpando les filons aurifères traversent un porphyrevert de prase, à base de phonolithe, dans lequel on nereconnoît que quelques petits cristaux effilés de feldspathvitreux. C’est une roche qu’on a de la peine à distinguer duporphyrschiefer trachytique: je l’ai vue couverte et d’unporphyre terreux blanc-jaunâtre (mine de Santa-Cruz), etd’un conglomérat ancien (boca de la mina de Villalpando),qui représente évidemment le grès rouge et dont les cou-ches inférieures passent au grauwacke. Les porphyres de la région équinoxiale du Mexique ren-ferment, quoique bien rarement, outre quelques grenats |219| disséminés (Izmiquilpan et Xaschi), du mercure sulfuré (SanJuan de la Chica; Cerro del Fraile près de la Villa de San-Felipe; Gasave, à l’extrémité septentrionale de la vallée de Mexico); de l’étain (El Robedal, et la Mesa de los Hernandez);de l’alunite (Real del Monte, d’après M. Sonneschmidt).Cette dernière substance semble rapprocher encore davantageces roches porphyriques des véritables trachytes; quoique,dans l’Amérique méridionale (péninsule d’Araya, Cerro delDistiladero et de Chupariparu), j’aie vu un thonschiefer, quiappartient plutôt au terrain primitif qu’au terrain intermé-diaire, traversé par des filons, je ne dirai pas, d’alunite(alaunstein), mais d’alun natif dont les Indiens vendent aumarché de Cumana des morceaux de plus d’un pouce degrosseur. Le cinabre des porphyres de San-Juan de la Chica,les couches argileuses du Durasno, mêlées à la fois de houilleet de cinabre, et placées sur un porphyre très-amphibolique,sont des phénomènes bien dignes d’attention. Ceux des géo-gnostes qui mettent (comme moi) plus d’importance au gise-ment qu’à la composition oryctognostique des roches, rap-procheront sans doute les porphyres et argiles du Durasno desdépôts de mercure que présente dans les deux mondes la for-mation de grès rouge et de porphyre (duché de Deux-ponts,et Cuença, entre Quito et Loxa). Les dernières couches duterrain de transition se trouvent partout dans une liaison in-time avec les couches les plus anciennes du terrain secondaire. Le célèbre filon argentifère de Bolaños a offert sa plusgrande richesse dans une amygdaloïde intercalée au por-phyre. En Hongrie, en Angleterre, en Écosse et même en Allemagne, des roches d’amygdaloïde et de porphyres appar-tiennent à la fois aux grauwackes, aux thonschiefer et cal-caires de transition et au grès rouge ou grès houiller. Leporphyre métallifère de Guanaxuato recouvre simplementle thonschiefer: il n’y forme pas en même temps des couchesintercalées (comme dans le groupe §. 22); mais une syéniteanalogue à celle que l’on voit dans la mine de Valenciana,au milieu du thonschiefer intermédiaire, alterne des milliersde fois, sur une surface de plus de vingt lieues carrées, avecdu grünstein de transition, entre la mine de l’Esperanza et levillage de Comangillas. Dans cette région, la roche syénitique |220| est dépourvue de métaux; mais à Comanja elle est argenti-fère, comme elle l’est aussi en Saxe et en Hongrie. b. Dans l’hémisphère austral. Entre les 5° et 8° de latitude j’aivu des roches porphyritiques, intimement liées entre elles,couvrir les pentes orientales et occidentales des Andes duPérou. Ces roches reposent, soit sur un thonschiefer (detransition?) traversé par des filons argentifères (Mandor, ElPareton), soit, quand le thonschiefer manque, sur du gra-nite. Les unes sont ou divisées en colonnes gigantesques(Paramo de Chulucanas), ou très-régulièrement stratifiées(Sondorillo). Leur base noire est presque basaltique; ellesrenferment plus de pyroxène que de feldspath, et alternent(Quebrada de Tacorpo) avec des couches de jaspe et defeldspath compacte. Ce dernier, dépourvu de cristaux dis-séminés, est noir comme de la pierre lydienne, et rappelle,par sa couleur et son homogénéité, certains basanites desmonumens anciens. D’autres porphyres (N.tra S.ra del Car-men, au nord du village indien de San Felipe) ont uneapparence moins trachytique; ils offrent de riches filons ar-gentifères, et sont recouverts tantôt de couches de quarz detrois ou quatre toises de large, tantôt d’un calcaire (alpin?)compacte, bleu-noirâtre, traversé par de petits filons despath calcaire et rempli de coquilles pétrifiées (hystérolithes,anomies, cardium, et fragmens de grandes coquilles polytha-lames, qui sont plutôt des nautilites que des ammonites). Endescendant (toujours sur la pente orientale des Andes) vers Tomependa, aux bords de la rivière des Amazones, j’ai vuentre Sonanga et Chamaya, le grès ancien (todtes liegende)superposé à un porphyre terreux grisâtre, renfermant (commecelui de Pucara) beaucoup d’amphibole et un peu de feld-spath commun. Sur la pente occidentale des Andes, en ap-prochant des côtes de la mer du Sud, on trouve (entre Namas et Magdalena) des porphyres entièrement dépourvusd’amphibole, et supportant cette grande formation de quarzqui remplace dans cette région le grès rouge. J’ai indiquéplus haut (§. 18) que ce porphyre, loin d’être primitif, m’aparu le plus ancien des porphyres de transition. Ce résultatn’a pu être énoncé qu’avec doute; car, entre Ayavaca, Zaulaca, Yamoca (§. 8) et Namas (province de Jaen de Bra- |221| camoros et intendance de Truxillo), il est bien difficile dedéterminer avec certitude l’âge des granites, des syénites etdes thonschiefer sur lesquels reposent les porphyres inter-médiaires et les trachytes porphyriques. Lorsque les rap-ports de superposition ne sont pas entièrement connus, l’onne doit prononcer qu’avec réserve sur un terrain d’uneconstitution géognostique si compliquée. B. Groupe de la Hongrie. C’est le terrain de syénite et de grünstein porphyrique quirenferme la principale richesse minérale de la Hongrie etde la Transylvanie (Schemnitz, Kremnitz, Hochwiesen et Kœnigsberg; le Bannat, Kapnak et Nagyag). Nous faisonsconnoître ce terrain d’après les belles observations, encoreinédites, de M. Beudant. La formation de Hongrie est beau-coup moins simple que celle du Mexique, avec laquelle onlui trouve d’ailleurs de grandes analogies. Les roches quiconstituent sa masse principale, sont des roches porphyri-ques à base de feldspath compacte, colorée en vert: ellesrenferment, comme les porphyres de l’Amérique équinoxiale que j’ai fait connoître plus haut, de l’amphibole, et sontpresque dépourvues de quarz. Cette dernière substance nese montre que dans les couches subordonnées de syénite,de granite, de gneis et de grünstein compacte, auxquellespasse la roche porphyrique. Dans la Nouvelle-Espagne, lesporphyres à filons aurifères et argentifères ont une pâte enapparence homogène, le plus souvent foiblement colorée; en Hongrie, ce ne sont pas les vrais porphyres qui dominent,mais les grünstein porphyriques. D’après de simples considé-rations oryctognostiques, c’est-à-dire de composition, le ter-rain aurifère de Hongrie ressemble bien plus à la formationmexicaine d’Ovexeras, dans laquelle alternent des syéniteset des grünstein plus ou moins porphyriques, qu’à ces grandesmasses de porphyres que traversent les célèbres filons de Pachuca, Real del Monte, Moran et Guanaxuato (au sud-est de la mine de Belgrado); mais, considérées géognostique-ment, toutes ces roches de porphyre et de syénite, celles du Mexique et de la Hongrie, ne constituent qu’une seule for-mation, tantôt simple, tantôt composée (avec alternance). |222| Les roches porphyriques et syénitiques de Hongrie, lesplus compactes comme les plus mélangées, renferment ducarbonate de chaux, et font effervescence avec les acides.Ce caractère se retrouve dans les roches d’un gisement ana-logue du Mexique, mais non dans les trachytes qui leur sontsuperposés. Le feldspath vitreux est beaucoup plus rare dansles porphyres à base de grünstein de la Hongrie que dans lesporphyres mexicains: il ne se rencontre (Hochwiesen, Bleihütte) que dans les strates supérieurs et terreux, surtoutlà où commence le terrain trachytique. Le fer oxidulé abondelorsque l’amphibole se montre en cristaux très-distincts; legrenat (que nous avons déjà indiqué plus haut dans les por-phyres mexicains de Zimapan et dans ceux de Potosi, sur lerevers oriental des Andes du Pérou) pénètre jusqu’au milieudes prismes d’amphibole. Quoique dans la grande formationde syénites et de grünstein porphyriques de la Hongrie lesdiverses variétés de roches passent fréquemment les unes auxautres, on remarque pourtant en général le type suivant d’as-sociation et de superposition: la partie inférieure de tout lesystème est formée par des syénites à gros et à petits grains,passant à un granite talqueux (Hodritz) et au gneis; la partiemoyenne est composée tantôt de grünstein compacte, à pâtenoire presque dépourvue de cristaux disséminés, tantôt deroches porphyriques, à base de feldspath pur, ou à basemélangée de feldspath et d’amphibole, enchâssant des cris-taux de feldspath commun (lamelleux), de l’amphibole,un peu de mica et des grenats, très-rarement du quarz; lapartie supérieure offre des grünstein porphyriques terreuxet particulièrement aurifères. C’est seulement cette dernièreassise qui renferme quelquefois du feldspath vitreux, de lalaumonite, du mica et (comme dans l’Amérique équinoxiale)des filons de jaspe rouge. Dans les grünstein terreux qui sontd’une structure plus simple, parce qu’ils n’alternent pas avecdes syénites, des granites ou gneis de transition, on trouve(vallée de Glashütte) des masses compactes basaltiformes (di-visées en prismes) et un grünstein porphyrique noir à basede feldspath amphiboleux. Ce grünstein enchâsse des aiguillestrès-petites d’amphibole, des lamelles nombreuses de micanoir et des druses de quarz blanc et rouge. |223| Les couches subordonnées à la grande formation de syé-nite et grünstein porphyrique de Hongrie sont: des mica-schistes (vallée d’Eisenbach); du quarz compacte, tantôtfeuilleté et micacé, tantôt grenu, passant partiellement àun silex terne à cassure unie (bassin occidental de Schem-nitz); du calcaire stéatiteux, jaune de soufre, verdâtre ourougeâtre, avec grenats disséminés dans la masse, et accom-pagné de serpentine (Hodritz). Tout ce système de rochessyénitiques et porphyriques est très-distinctement stratifiéen Hongrie comme au Mexique; mais, dans le premier deces deux pays, la direction et l’inclinaison des strates nesont uniformes que dans un même groupe de montagnes.La nature du terrain sur lequel reposent les syénites et grün-stein porphyriques de la Hongrie, n’est pas facile à déter-miner avec certitude. M. Beudant les croit d’une formationplus récente que les grauwackes, qui ne se sont pas déve-loppés en Hongrie là où dominent les grünstein porphyri-ques. Des schistes talqueux, alternant avec des calcaires cris-tallins grisâtres, et appartenant probablement au terrain detransition le plus ancien, ont paru à ce savant géognoste,de même qu’à M. Becker, servir de base à la formation syéni-tique et porphyrique. Ce seroit une analogie de plus qu’of-friroit cette formation avec le terrain homonyme du Mexique.En Hongrie, comme dans le nouveau continent, les por-phyres, les syénites et les grünstein sont immédiatement re-couverts de trachytes et de conglomérats trachytiques avecobsidiennes et perlites. En Auvergne (Mont-d’or, Cantal);dans les îles de la Grèce (Argentiera, Milo, Santorino), visi-tées par un excellent observateur, M. Hawkins; à Unalaska,exploré récemment par M. de Chamisso et par l’expéditiondu capitaine Kotzebue, ces mêmes rapports de gisements’observent entre les trachytes et les porphyres de transition.A la montagne du Kasbek, dans la chaîne Caucasique, unporphyre intermédiaire, qui alterne avec de la syénite, dugranite, du gneis et du thonschiefer de transition, renfermeaussi du feldspath vitreux: il offre même dans quelquesstrates toutes les apparences d’un trachyte poreux. C’est ainsique sur les points les plus éloignés du globe, en Amérique,en Europe et en Asie, nous voyons osciller les porphyres |224| entre des roches de transition et des roches volcaniques très-anciennes. C. Groupe de la Saxe. Nous ne parlons point ici du porphyre qui forme avecle grünstein et le calcaire gris-noirâtre des couches subor-données (Friedrichswalde, Seidwitzgrund) dans le schiste detransition (§. 22), mais de la grande formation de syénite etporphyre que Werner désignoit par le nom de formation prin-cipale (Hauptniederlage). Ce savant illustre distinguoit quatreterrains de porphyres: le premier formant des couches (ouplutôt des filons?) dans le gneis et le micaschiste primitifs;le second alternant avec la syénite; le troisième appartenantau grès houiller, et renfermant des grünstein, des rétinites etdes amygdaloïdes agathifères; le quatrième intercalé à desroches trappéennes (volcaniques). Ces quatre terrains, dontle premier ne constitue vraisemblablement pas une formation indépendante, sont, comme je l’ai exposé ailleurs ( Voyage auxrégions équinoxiales, T. I, p. 155), les porphyres intercalésaux roches primitives, les porphyres de transition, les por-phyres secondaires et les trachytes (trapporphyre). La forma-tion principale de porphyre et de syénite de Saxe repose surdes schistes de transition (avec grauwacke), et par consé-quent, là où les thonschiefer ne se sont pas développés, surdes roches plus anciennes. La syénite qui alterne avec le por-phyre (Meissen, Leuben et Prasitz; Suhl) passe au granite etau gneis. Ce granite de transition est généralement à grosgrains, composé de feldspath rougeâtre, de quarz gris defumée, et de mica noir bien cristallisé (Dohna, Posewitz et Wesenstein). Le gneis de transition (Meissen) est plus rareque le granite, et forme des couches dans la syénite, commeen forment aussi le calcaire grenu et blanc (Naundorf) et ungrünstein qui passe au basalte (Wehnitz). La présence de laformation de syénite qui renferme, dans la vallée de Plauen (comme en Norwége), quelques cristaux disséminés de zircon,ne se manifeste souvent que par des bancs de granite; carla substitution, fréquente et locale, du mica à l’amphibole etde l’amphibole au mica, caractérise la formation syénitique,abondante en sphène brun (braunmenakanerz), qui est un |225| silicate de titane et de chaux. Le porphyre non stratifié de Saxe a généralement une base rouge, grisâtre et argileuse(thonporphyr, résultat d’une décomposition du feldspathcompacte); d’après M. Boué, quelquefois (vallée de Tharandt)cette base prend l’aspect du klingstein. Ce porphyre ne ren-ferme presque pas d’amphibole, et n’est point dépourvu dequarz comme ceux du Mexique et de la Hongrie. On y trouvedu feldspath commun, du quarz cristallisé en doubles pyra-mides hexaèdres, et quelquefois un peu de mica. Le groupede porphyres et syénites de Saxe est un peu métallifère; lasyénite stratifiée à bancs épais de Scharfenberg offre des filonsd’argent, et le porphyre d’Altenberg contient quelquefois del’étain. C’est dans la vallée de Plauen, près de Dresde, que setrouve la roche à laquelle Werner a donné, le premier, lenom de syénite, croyant par erreur que les obélisques égyp-tiens conservés à Rome contenoient tous de l’amphibole. M. Wad ( Foss. ægypt. Musei Borgiani, 1794, p. 6 et 48; Zoega, de Obeliscis, p. 648) a prouvé que ces obélisques, dont le plusbeau, minéralogiquement parlant, est celui de Piazza Navona,sont un véritable granite avec mica noir aggloméré, sansamphibole. En effet, il n’existe point à Syène de formationindépendante de syénite et de porphyre intermédiaires;mais le granite primitif, peut-être d’une formation pas très-ancienne, y renferme de l’amphibole (comme à l’Orénoque;au Spitzberg près Krummhübel en Silésie; près Wiborg en Finlande) disséminé dans des couches subordonnées, nonétendues et d’un prolongement peu régulier. Pour le géognosteclassificateur la roche de Syène est un granite qui contientde l’amphibole: ce n’est point de la syénite. Quelques frag-mens de cette roche, que l’on trouve isolés parmi les mo-numens égyptiens, ont trompé Werner par l’analogie oryc-tognostique qu’ils présentent avec la syénite de la vallée de Plauen. Des formations de porphyre et de syénite entièrementsemblables à celle de Saxe, et placées sur le schiste de tran-sition et le grauwacke, sont communes au Thüringerwald:d’après M. Boué, en Moravie (entre Blansko, Brünn et Znaim);d’après M. Rozière, dans la péninsule du Mont Sinaï. Ces |226| dernières méritent une attention particulière. Des rochesintermédiaires schisteuses et arénacées couvrent une partie del’Arabie pétrée. Au milieu de ces roches, qui renferment desconglomérats avec fragmens de granite et de porphyre (brècheuniverselle d’Égypte, dans le langage des antiquaires), sortentdes syénites, et des porphyres à base de feldspath compactesilicifère, enchâssant des cristaux de feldspath lamelleux,un peu d’amphibole et, d’après M. Burckhardt, du quarz. Lesporphyres sont généralement inférieurs à la syénite, et cettedernière, dont se composent probablement les tables de la loi que l’on croit enterrées à Djebel Mousa, est accompagnée degrünstein compacte noirâtre (golfe d’Akaba) et de grün-stein porphyrique. Tout ce terrain de l’Arabie pétrée, dontj’ai pu examiner de nombreux échantillons, ressemble de lamanière la plus frappante au terrain porphyrique et syénitiqued’Ovexeras et de Guanaxuato, au Mexique. En substituant avecM. Rozière le mot sinaïte à celui de syénite, on auroit donnéà la roche de transition qui est composée d’amphibole et defeldspath, et mêlée quelquefois d’un peu de quarz et de mica,un nom géographique plus exact, un nom qui (comme celuide calcaire du Jura) auroit rappelé non-seulement des rap-ports de composition, mais aussi des rapports de gisement. D. Groupe de la Norwége. §. 24. C’est le terrain décrit par deux géognostes célèbres,le professeur Haussmann et M. Léopold de Buch; c’est celuidans lequel la formation de granite postérieure à des rochescalcaires, remplies de débris de corps organisés, s’est le mieuxdéveloppée, et qui par conséquent a répandu le plus de joursur la véritable nature des roches de transition. On n’avoitd’abord regardé cette classe de roches que comme une asso-ciation de grauwacke, de schistes carburés et de calcairesnoirs: peu à peu l’on reconnut que la grande masse de por-phyres appelés long-temps porphyres primitifs appartenoit,soit au terrain de transition, soit même au grès rouge. Onréunissoit aux porphyres intermédiaires les syénites de Meissen;mais, quoique ces dernières perdent l’amphibole et passentinsensiblement au granite de transition (Dohna), la généra- |227| lité de ce phénomène, l’apparition nouvelle de roches gra-nitoïdes, entièrement analogues aux roches primitives, etrecouvrant à la fois des porphyres noirs avec pyroxène etdes calcaires à orthocératites, ne commença à bien fixer l’at-tention des géognostes que lorsque les rives du golfe de Chris-tiania furent décrites dans tous leurs merveilleux rapportsde superposition. Les zircons, qui ont donné tant de célébrité à la syénite de Holmstrand et de Stromsoë, se retrouvent abondamment dansles syénites du Groënland méridional (d’après M. Giesecke,près cap Comfort, à Kittiksut et à Holsteensberg): ils sont aussidisséminés en très-petites masses dans les syénites de Meissen et de la vallée de Plauen. Cette substance, dans d’autres loca-lités, appartient plutôt aux roches primitives (par exemple,au gneis); car, quoique le zircon, le fer titané, le sphène,l’épidote, le feldspath vitreux, le chiastolithe, la pierre ly-dienne, la diallage, l’amphibole et le pyroxène accompagnentde préférence certaines formations, il ne faut point considérerces associations comme des caractères d’une valeur absolue.L’accumulation des zircons dans les syénites de Christianiafiord est, sous le rapport des questions géogoniques, beaucoupmoins remarquable que la multiplicité de vacuoles, la struc-ture caverneuse et gercée de ces mêmes syénites de transition,qui sont liées à des porphyres basaltiques et pyroxéniques.Depuis que, par les analogies fréquentes que l’on a obser-vées entre le terrain de porphyre et de syénite de Christiania et les terrains de transition du Caucase, de la Hongrie, del’Allemagne, de la France occidentale, du Groënland et du Mexique, les géognostes ne sont plus étonnés de la succes-sion de roches feldspathiques et cristallisées aux grauwackeset aux calcaires pétris d’entroques et d’orthocératites, l’ap-parition de ces mêmes roches cristallines dans le plus ancienmembre de la série des roches secondaires commence à fixerleur attention. On a reconnu que, dans les deux mondes,des masses cristallines, composées de feldspath et d’amphi-bole, ou de feldspath et de pyroxène, oscillent entre leterrain volcanique, le terrain intermédiaire et le grès rouge.Ces oscillations, ces intercalations de roches problématiques,que l’on est tenté de regarder comme les effets d’une péné- |228| tration successive de bas en haut, prouvent la liaison intimequi existe entre les couches les plus récentes du terrainde transition et les plus anciennes couches des terrains secon-daires et volcaniques. Dans la partie méridionale du Tyrol,des masses de granite et de porphyre syénitique semblentmême déborder du grès rouge dans le calcaire alpin; etces phénomènes curieux d’alternance, liés à tant d’autresplus anciennement connus, semblent condamner à la fois etla séparation du grès houiller des porphyres du terrain in-termédiaire, et la dénomination historique et trop exclusivede terrains pyrogènes. La grande formation des porphyres, des syénites et des gra-nites de la Norwége, repose sur un terrain de schiste de tran-sition qui renferme des couches alternantes de calcaire noir,de pierre lydienne et peut-être même (car le gisement dansce point est moins évident) de granite. Le calcaire noir (Agger-selv, Saasen) est pétri d’orthocératites de plusieurs pieds delongueur, d’entroques, de madrépores, de pectinites et(quoique très-rarement) d’ammonites. Des filons de por-phyre et de grünstein porphyriques de 2 à 15 toises d’épais-seur traversent le thonschiefer et le calcaire (Skiallebjerg)et préludent pour ainsi dire aux masses analogues de por-phyres qui reposent, non immédiatement sur le thonschiefer,mais sur une roche arénacée (grauwacke) dont le thonschieferest recouvert. Entre Stromsoë, Maridal et Krogskovn, le grau-wacke, au lieu de se trouver en couches dans le thonschieferauquel il appartient (§. 22), en forme comme une assise su-périeure, de sorte que l’on y voit suivre de bas en haut:gneis primitif; thonschiefer de transition, alternant avec ducalcaire à orthocératites; grauwacke; porphyre avec descouches subordonnées de grünstein; granite; syénite à zir-cons, alternant avec quelques couches de porphyres. Près de Skeen et de Holmstrand le calcaire à orthocératites a pris untel développement, que le thonschiefer y manque entière-ment; le grauwacke y est remplacé par une roche de quarzmicacé. On y voit de bas en haut: du gneis primitif; ducalcaire de transition; la roche de quarz; le porphyre dontl’assise inférieure est du mandelstein; la syénite à zircons.Les porphyres de Christianiafiord, mélangés par infiltration |229| de carbonate de chaux, sont généralement brun-rougeâtre:ils offrent des cristaux quelquefois très-effilés de feldspathlamelleux, et sont presque dépourvus de quarz et d’amphibole.Le quarz cristallisé ne se montre qu’entre Angersklif et Revo.La pâte du porphyre devient parfois noire et boursouflée(Viig, Holmstrand). Dans cet état, la roche ressemble a dubasalte, comme la syénite de la péninsule du mont Sinaï,et renferme des cristaux de pyroxène. M. de Buch, auquelj’emprunte tous ces faits importans, observe que les cristauxde feldspath disparoissent à mesure que la masse prend uneteinte plus noire, phénomène que m’ont offert aussi plusieursporphyres de transition du Mexique. Le mandelstein, dontles cavités alongées sont remplies de carbonate de chaux, etqui forme l’assise inférieure des porphyres norwégiens de Skeen et de Klaveness, rappelle le mandelstein du porphyrede Bolaños (province mexicaine de la Nouvelle-Galice), quiest traversé par un des plus riches filons argentifères. Les syénites de Christianiafiord, toujours placés au-dessus desporphyres, quoique alternant d’abord avec eux, sont com-posés (Waringskullen, Hackedalen) de beaucoup de grandscristaux de feldspath rouge, et de peu d’amphibole en très-petits cristaux. Le mica et le quarz n’y sont qu’accidentels.Quelques vacuoles anguleuses de la syénite offrent des cristauxde zircons et d’épidote. Le titane ferrifère, commun dansles deux mondes aux roches d’euphotide primitive et auxtrachytes, se trouve parfois disséminé dans la masse dessyénites à zircons. VI. Euphotide de transition. §. 25. Il faut distinguer, comme parmi les syénites, entreles bancs intercalés et les formations indépendantes. Des cou-ches de serpentine se trouvent intercalées dans le weisstein(§. 4), dans le micaschiste primitif (§. 11) et dans le thon-schiefer de transition (§. 22). Quant aux terrains indépendansd’euphotide (gabbro), qui souvent sont d’une structure très-compliquée, on peut en compter pour le moins deux, mêmeen rejetant la formation non recouverte et assez douteuse de Zöblitz en Saxe. La première de ces formations indépen- |230| dantes se trouve (§. 19) sur la limite des terrains primitifset intermédiaires: c’est celle que M. de Buch a fait con-noitre en Norwége (Maggeroe, Alten), et M. Beudant en Hongrie (Dobschau). La seconde formation appartient auxterrains de transition les plus nouveaux; elle se trouve surla limite des roches intermédiaires et secondaires. On a re-gardé comme plus récente encore la serpentine liée à la for-mation d’ophite, observée par M. Palassou dans les Pyrénées (vallée de Baigorry, Riemont) et dans le département des Landes. Mais cet ophite est un grünstein, mélange intimede feldspath, d’épidote et d’amphibole, auquel sont intercalésdes bancs de serpentine (Pousac); il passe, par le changementdans la proportion des élémens, tantôt à la syénite, tantôtau granite graphique. M. Boué, qui a récemment examinécet ophite sur les lieux, le croit une formation de transition,recouverte de grès bigarré, d’argile et de gypse secondaire. Dans l’Amérique équinoxiale, la grande formation d’eupho-tide de transition (celle qui constitue le dernier membrede la série des roches intermédiaires) semble presque cons-tamment liée (comme dans le Piémont, entre le Mont Cervin et le Breuil) à des roches amphiboliques. Sur le bord sep-tentrional des Llanos de Venezuela, recouvertes de grèsrouge, entre Villa de Cura et Malpasso, on voit des massesconsidérables de serpentine reposer sur un thonschiefer vertet sur un calcaire de transition, quelquefois immédiatementsur le gneis primitif. Un grünstein à petits grains forme descouches à la fois dans le thonschiefer et dans la serpentine.Celle-ci est même quelquefois mêlée de feldspath et d’am-phibole. Les schistes verts et bleus, le grünstein, le calcairenoir, et la serpentine traversée par des filons de cuivre,ne forment qu’un seul terrain, qui est recouvert et intime-ment lié à des amygdaloïdes pyroxéniques et à de la pho-nolithe. J’ai décrit ce gisement remarquable des roches ser-pentineuses de Venezuela dans le 16.e chapitre de mon Voyageaux régions équinoxiales de l’Amérique. Dans l’île de Cuba la baie de la Havane sépare le calcairedu Jura d’une formation d’euphotide dont les couches lesplus basses alternent, non avec du grünstein, mais avecune véritable syénite de transition composée de beaucoup de |231| feldspath blanc, d’amphibole décomposé et d’un peu dequarz. Les strates alternans de la syénite et de la serpen-tine ont jusqu’à trois toises d’épaisseur; l’assise supérieurede cette formation mixte est de la serpentine, formantdes collines de 30 à 40 toises de hauteur, abondant endiallage métalloïde, et traversée de filons remplis de bellescalcédoines, d’améthystes et de minérais de cuivre. Cetteroche est confusément stratifiée (par groupes, N. 55° E.; incl.de 60° au S. O. ou N. 90 E.; incl. de 50° au N.); il en sort dessources de pétrole et d’eau chargée d’hydrogène sulfuré. A ce même terrain d’euphotide de transition (§. 25) sem-blent appartenir et la formation d’Écosse (Girvan et Bellan-traë), composée, d’après M. Boué, de serpentine, de rocheshypersthéniques et de syénite, et la célèbre formation du Florentin (Prato, Monteferrato), décrite par MM. Viviani, Bardi, Brocchi et Brongniart. L’hypersthène remplace sou-vent (Écosse, et Gernerode en Allemagne) la diallage.Quant aux euphotides du Florentin, elles ont été récemmentl’objet de discussions intéressantes. Elles renferment des litsde jaspe rougeâtre, quelquefois rubané, et paroissent super-posées, d’après M. Brocchi, comme celles de Styrie, à desgrauwackes et à des calcaires de transition. M. Brongniart pense que le terrain arénacé, ou, comme il le nomme, leterrain calcaréo-psammitique des Apennins, qui sert de baseaux euphotides jaspifères, est ou une roche secondaire très-ancienne, ou une roche de transition très-moderne. Cesavant a fait connoître la liaison intime qui existe entre laserpentine d’Italie et le terrain jaspique. Ce dernier terrainconstitue généralement l’assise inférieure des euphotides. Ici se termine la série des formations intermédiaires. Nousavons donné plus d’étendue à leur description, parce que,tout en essayant de les présenter d’après une nouvelle classi-fication par groupes, nous avons voulu fixer l’attention desgéognostes sur divers phénomènes de gisement qu’offrent lesmontagnes peu connues du Mexique et de l’Amérique du Sud.
|232| |Spaltenumbruch|
  • I. Grand dépôt de houille, grès rougeet porphyre secondaire. (Amygda-loïde, grünstein, rétinite.)
  • II. Zechstein (calcaire alpin, ma-gnesian limestone), quelquefoisintercalé au grès rouge. (Gypse hy-draté, sel gemme.)
  • III. Dépôts alternans, arénacés etcalcaires (marneux et oolithiques).placés entre le zechstein et la craie. Nous ne citerons ici que deux typestrès-analogues dans leurs rapportsgéognostiques, et en commençantchaque série par les roches les plusanciennes.
  • 1.er Type.
  • Grès bigarré (à oolithes), et argile avec gypse fibreux et traces de selgemme.
  • Muschelkalk (calcaire de Gœttingue).
  • Quadersandstein.
  • Calcaire du Jura en plusieurs assises:calcaire spongieux et caverneux;calcaire marneux avec ossemensd’ichthyosaures (lias); oolithes;calcaires à madrépores et à poly-piers (coral rag); calcaire à pois-sons et crabes fossiles.
  • Argile avec lignites.
  • Grès et sables verts (craie chloritéeou plänerkalk).
  • 2.e Type.
  • Red marl, terrain marneux avecgypse et sel gemme.
  • Terrain d’oolithes, dont l’assise infé-rieure est le lias.
  • Sables verts (green sand), qui repré-sentent la craie chloritée.
  • IV. Craie blanche et grise, ou craie-tuffeau.
|Spaltenumbruch|
  • I. Formations trachytiques.
  • Trachytes granitoïdes et syéni-tiques.
  • Trachytes porphyriques (feld-spathiques et pyroxéniques).
  • Phonolithes des trachytes.
  • Trachytes semi-vitreux.
  • Perlites avec obsidienne.
  • Meulières trachytiques cellu-leuses, avec nids siliceux.
  • (Conglomérats trachytiques etponceux, avec alunites, sou-fre, opale et bois opalisé.)
  • II. Formations basaltiques.
  • Basaltes avec olivine, pyroxèneet un peu d’amphibole.
  • Phonolithes des basaltes.
  • Dolérites.
  • Mandelstein celluleux.
  • Argile avec grenats-pyropes.
  • Cette dernière formation sem-ble liée à l’argile avec ligni-tes du terrain tertiaire surlequel se sont souvent répan-dues des coulées de basalte.
|233| |Spaltenumbruch|
  • Dépôts supérieurs à la craie. Leurordre de succession diffère selonl’alternance des formations par-tielles qui se trouvent plus oumoins développées. Nous présen-tons le type le plus compliqué etle mieux connu:
  • Argiles plastiques avec lignites, suc-cin et grès quarzeux. (Une forma-tion à peu près parallèle, peut-êtreplus neuve encore, est la formationde molasse et nagelfluhe d’Argovie avec lignites et ossemens fossiles).
  • Calcaire (grossier) de Paris. Lescouches supérieures et inférieuressont du grès.
  • Marnes et gypse à ossemens. Les as-sises inférieures sont du calcairesiliceux.
  • Grès et sables de Fontainebleau.
  • Terrain lacustre, ou d’eau douce, su-périeur. (Meulières siliceuses.Calcaire d’OEningen, peut-être liéà la molasse. Travertin.)
  • Dépôts d’alluvion.
|Spaltenumbruch|
  • (Conglomérats et scories basal-tiques.)
  • III. Laves sorties d’un cratèrevolcanique. (Laves anciennesà larges nappes, généralementabondantes en feldspath. Lavesmodernes à courans distincts etde peu de largeur. Obsidienneset ponces des obsidiennes.)
  • IV. Tuffs des volcans avec co-quilles.
    • [Dépôts de calcaire compacte,de marne, de gypse et d’ooli-thes superposés aux tuffs vol-caniques les plus modernes.Ces petites formations loca-les appartiennent peut-êtreaux terrains tertiaires. Pla-teau de Riobamba; Isles For-taventura et Lancerote.]
J’ai exposé plus haut les raisons pour lesquelles je fais suc-céder à la fois, comme par bisection, les terrains secon-daires et volcaniques aux terrains de transition. Ces derniersse lient, par leurs grauwackes et leurs porphyres, comme parune grande accumulation de carbone, au grès rouge, auxporphyres secondaires et aux dépôts de houilles; ils se lientpar leurs porphyres et syénites aux trachytes. Ces liaisonssont si intimes qu’on a souvent de la peine à séparer lesporphyres, les amygdaloïdes bulleuses et les roches pyroxé-niques appartenant au terrain de transition, soit des grèsrouges avec bancs intercalés de porphyre et de grünstein,soit des formations exclusivement volcaniques. Je me sers del’expression terrain exclusivement volcanique, pour rappeler que |234| hors de ce terrain il peut y avoir des roches d’origine ignée,mais que nulle part ailleurs on n’en trouve une suite moinsinterrompue et moins contestée. Terrains secondaires. Ces terrains se sont très-inégalement développés sur le globe,et la cause de cette inégalité de développement est un desproblèmes les plus intéressans de la géogonie ou géologiehistorique. Il est assez rare de trouver tous les membres dela série des formations secondaires et tertiaires réunis dansun même pays (Thuringe, Hanovre, Westphalie; Bavière; France septentrionale; centre et sud de l’Angleterre): sou-vent de grandes formations, par exemple, le grès rouge ou lecalcaire alpin, manquent entièrement; d’autres fois le secondest contenu dans le premier comme une couche subordonnée;d’autres fois encore tous les termes de la série géognostiqueentre le calcaire alpin et le Jura, ou ceux qui sont postérieursà la craie, se trouvent supprimés. Dans la péninsule Scandi-nave, sur les côtes de la Mer de Behring, et (si l’on exceptele grès des lignites que recouvrent les basaltes) même dansle Groënland, cette suppression s’étend sur tous les terrainssecondaires et tertiaires. On a cru long-temps que ce phéno-mène bizarre étoit exclusivement propre à la zone la plusboréale, surtout à celle qui est contenue entre les 60° et 70°de latitude; mais, dans un immense espace de la Sierra Parime,près de l’équateur, entre le bassin de l’Amazone et celui du Bas-Orénoque (lat. 2° — 8°, long. 65° — 70°), j’ai aussi vula formation primitive de granite-gneis non recouverte deterrains intermédiaires, secondaires et tertiaires. Lorsquel’absence des formations postérieures au développement desêtres organisés sur le globe n’est pas totale, ce sont plutôtles terrains calcaires que ceux de grès qui se trouvent sup-primés; car chaque formation non schisteuse a des brècheset des conglomérats à fragmens ou grains plus ou moinsgros, qui lui sont propres. Ces conglomérats sont de petitsdépôts partiels qu’il ne faut pas confondre avec les grandesformations indépendantes de grauwacke, de grès rouge, degrès bigarré et de quadersandstein. |235| I. Houille, Grès rouge et Porphyre secondaire (avec amyg-daloïde, grünstein et calcaires intercalés). §. 26. Le grès houiller et le porphyre constituent unemême formation (rothes todtes liegende), variable d’aspect,et d’une structure souvent très-compliquée. Des mandelsteincelluleux, du grünstein, des roches grenues feldspathiques etpyroxéniques, des rétinites (pechstein) et quelques calcairesfétides appartiennent à cette formation comme bancs inter-calés. Les minéralogistes anglois nomment nouveau conglomératrouge (new red conglomerate d’Exeter et Teignmouth) notreformation de grès rouge et de porphyre, pour la distinguerde leur grès rouge ancien (old red sandstone de Mitchel Dean,dans le Herefordshire), qui est une roche arénacée (grau-wacke) de transition, placée entre deux calcaires de transi-tion, ceux du Derbyshire et de Longhope. Cette nomencla-ture, que le savant professeur d’Oxford, M. Buckland, arécemment éclaircie, a été la cause de beaucoup de méprisesgéologiques. Il seroit, je crois, très-utile pour les progrès dela science des gisemens, que l’on abandonnât peu à peu cesdénominations vagues de grès anciens, intermédiaires et nou-veaux, de gypses et de grès inférieurs et supérieurs, de cal-caires de première, seconde et troisième formation. Elles n’ontqu’une vérité relative dans tel ou tel lieu; elles énumèrentce qui est numériquement variable, selon les alternances etles suppressions des différens termes de la série. Le terrain de transition n’offre pas seulement de l’anthra-cite; il offre déjà de la véritable houille. On en trouve depetits dépôts en Angleterre dans l’old red sandstone (Bristol),dont les couches inférieures passent d’un conglomérat fin etmarneux à un grauwacke très-compacte, et dans le moun-tain-limestone (Cumberland), qui est analogue au calcairede transition de Namur en Belgique et de Prague en Bohème. Mais le grand dépôt de houille (coal measures) setrouve, comme nous l’avons dit plus haut, sur la limite desroches intermédiaires et secondaires. A cause de cette posi-tion même, la houille est quelquefois (Angleterre, Hongrie, Autriche au sud du Danube, Belgique) mêlée de couchesarénacées liées à de véritables grauwackes; d’autres fois (et |236| c’est là le type le plus généralement reconnu sur le continentdepuis les observations de Fuchs et de Lehman, faites versl’an 1750), d’autres fois elle appartient à la grande formationde porphyre et de grès rouge. Dans le premier cas (Angle-terre), les dépôts de houille suivent l’inclinaison des roches detransition auxquelles (comme l’ont judicieusement prouvéMM. Conybeare et Phillips) ils sont plus particulièrementliés; on les trouve tout aussi inclinés que les calcaires noirset les grauwackes qu’ils surmontent. La série des forma-tions horizontales et secondaires ne paroît alors commencerqu’avec le calcaire magnésien, qui représente le zechsteinou calcaire alpin. Dans le second cas (Allemagne; est de France), le dépôt houiller accompagne le grès rouge et leporphyre, quels que puissent être les terrains primitifs ouintermédiaires sur lesquels ces deux roches sont immédiate-ment placées. Cette union constante avec des roches super-posées, et cette indifférence pour le terrain inférieur, sontles caractères géognostiques les plus sûrs de la dépendanceou de l’indépendance d’une formation. Souvent le grand dé-pôt de houille n’est ni recouvert de porphyre et de grèsrouge, ni mêlé de couches arénacées appartenant au terrainintermédiaire. Souvent il est placé dans des bassins entourésde collines de grès rouge et de porphyre, et n’offre dans sontoit que des couches alternantes d’argile schisteuse (schiefer-thon), tantôt gris-bleuâtre, tendres et remplies d’empreintesde fougères, tantôt compactes, carburées (brandschiefer) etpyriteuses. De minces strates de grès charbonneux (kohlen-schiefer), de grès quarzeux passant au quarz grenu, de con-glomérats à gros fragmens (steinkohlen-conglomerat) et decalcaire fétide, se rencontrent au milieu du schieferthonavant qu’on atteigne la houille. Ce sont de petites forma-tions locales que présentent également, et dans des circons-tances entièrement analogues, les dépôts d’argile muriatifère(salzthon), de sel gemme, de fer hydraté et de calamine,qui ne sont pas recouverts immédiatement par la grande for-mation de calcaire alpin. Malgré ces apparences d’isolementet d’indépendance, les houilles et le sel gemme n’en appar-tiennent pas moins, géognostiquement, les unes au grès rougeet l’autre au calcaire alpin ou zechstein. Les empreintes |237| de fougères, comme l’ont observé très-bien MM. Voigt et Brongniart, caractérisent l’époque des véritables houilles,tandis que les argiles des lignites en sont dépourvues. Dans la zone tempérée de l’ancien continent la houille des-cend jusque dans les lieux les plus bas du littoral. Près de New-castle-on-Tyne on trouve, au niveau et au-dessous du fondde la mer, cinquante-sept couches d’argile endurcie et deconglomérat, alternant avec vingt-cinq couches de houille.Au contraire, dans la région équinoxiale du nouveau conti-nent, j’ai vu la houille intercalée au grès rouge s’élever, dansle plateau de Santa-Fé de Bogota (Chipo entre Canoas etle Salto de Tequendama; montagne de Suba; Cerro de losTunjos), à 1360 toises de hauteur au-dessus du niveau del’océan. L’hémisphère austral offre aussi des houilles dansles hautes Cordillères de Huarocheri et de Canta: on m’amême assuré que près de Huanuco elles se trouvent (inter-calées au calcaire alpin?) très-près de la limite des neigesperpétuelles, à 2300 toises de hauteur, par conséquent au-dessus de toute végétation phanérogame. Les dépôts de houilleabondent hors des tropiques dans le Nouveau-Mexique, aucentre des plaines salifères du Moqui et de Nabajoa, et àl’est des montagnes rocheuses, comme aussi vers les sourcesdu Rio Sabina, dans cet immense bassin couvert de forma-tions secondaires que parcourent le Missoury et l’Arkansas.Des masses rhomboïdales fibreuses à éclat soyeux et colorantles doigts se trouvent enchâssées dans la houille compactedes deux continens; elles forment une espèce de brècheque les mineurs regardent comme renfermant des fragmensde bois charbonné. Quelquefois ces masses lustrées sont presqueincombustibles, et deviennent une espèce d’anthracite à tex-ture fibreuse (faserkohle d’Estner; mineralische holzkohle de Werner). On les trouve, selon les observations de MM. deBuch et Karsten, accumulées (Lagiewnick dans la haute Silésie)en bancs de 4 à 5 pouces d’épaisseur. Ce phénomène mériteune attention particulière; car les houilles qui enchâssentles fragmens à éclat soyeux, appartiennent au grès rouge lemieux caractérisé, et non aux lignites des argiles placéesimmédiatement au-dessous ou au-dessus de la craie. Dans la péninsule de la Crimée de vastes terrains présentent des alter- |238| nances sans nombre de couches d’argile schisteuse dépour-vues de houilles, de conglomérats, de grünstein et de cal-caires compactes. Est-ce là une formation de grès rouge,renfermant des roches amphiboliques et alternant avec lezechstein? Il est difficile d’assigner un type général à l’ordre desdifférentes assises qui constituent la grande formation §. 26.La houille paroît le plus souvent au-dessous du grès rouge;quelquefois elle est placée évidemment ou dans cette rocheou dans le porphyre. Le porphyre pénètre et déborde dedifférentes manières dans la formation du grès houiller: onle voit parfois recouvrir immédiatement la houille; plusgénéralement il surmonte le grès, et s’élève en dômes, encloches ou en rochers à pentes abruptes. Lorsque les terrainsde transition sont immédiatement recouverts de grès rouge(Saxe), il est souvent assez difficile de décider si les por-phyres que l’on rencontre dans la proximité des houilles sontdes porphyres de transition, ou s’ils appartiennent au grèsrouge. Il paroît d’ailleurs que les porphyres forment moins sou-vent de véritables couches, que des amas transversaux et entre-lacés (stehende Stöcke et Stockwerke) dans le terrain houiller.Ils varient beaucoup de couleur: ils sont violâtres, gris etbrun-rougeâtre ou tirant sur le blanc (Petersberg près de Halle, Giebichenstein, Wettin), infiltrés de chaux fluatée, nonstratifiés, divisés quelquefois en tables minces, et accompa-gnés de brèches porphyriques. La pâte de ces porphyres, quienchâssent, outre le feldspath lamelleux, quelquefois stéati-teux, du quarz noirâtre, un peu de mica brun et d’amphi-bole, est généralement formée par du feldspath compacte.Cette pâte passe au kaolin (Morl près Halle); d’autres foiselle devient noire et presque basaltique (Lobegün en Saxe, Schulzberg en Silésie), bulleuse et comme scorifiée (Pliz-grund près Schmiedsdorf en Silésie), ou passant à la phono-lithe (Zittau en Saxe). Dans les porphyres, les amygda-loïdes, les grünstein et les roches pyroxéniques du grès rouge,on remarque quelquefois (Saxe, Silésie, Palatinat, Écosse)ces mêmes analogies avec les roches exclusivement appeléesvolcaniques, qu’on trouve dans les porphyres et syénites duterrain intermédiaire (Hongrie, Norwége, Mexique, Pérou). |239| M. de Buch a vu en Silésie des porphyres du grès rougeabonder en cristaux d’amphibole (Reichmacher près Fried-land), ou enchâsser à la fois (Wildenberg près Jauer) duquarz et des cristaux effilés de feldspath vitreux. M. Boué observe que dans le grès rouge d’Écosse, qui, en général,est assez dépourvu de houille (à l’exception du comté deDumfries), les roches trapéennes intercalées ont des vacuolesà enduit lustré, et alongées. Ces mandelstein bulleux du grèsrouge prennent toute l’apparence de coulées volcaniques in-tercalées. L’Allemagne offre, à son extrémité septentrionale (île deRugen), de la craie et des terrains tertiaires; à son extrémitéméridionale, dans le Tyrol (vallée de l’Eisack, Collmann, Botzen, Pergine, Neumarkt), les porphyres du grès rouge.La composition de ces porphyres du Tyrol est identique aveccelle des porphyres du Mansfeld: ils renferment, outre lefeldspath, le mica noir et le quarz brun-de-girofle, un peud’amphibole. La couleur rouge de leur pâte pénètre quelque-fois jusque dans les cristaux de feldspath qu’ils enchâssent.Dans un voyage géognostique fait en 1795, j’ai trouvé cesporphyres assez régulièrement stratifiés, près de Botzen et de Brandsol (N. 25° O. incl. de 30° au S. E.). Ils offrent depetits dépôts de houille sur les bords de l’Adige, entre Saiss et S. Peter. Dans toutes les parties de l’Europe, les porphyres secon-daires offrent l’apparence d’un passage progressif au grès rouge.Quelques géognostes admettent que des cristaux isolés defeldspath se trouvent empâtés dans le ciment de la rochearénacée, ou qu’ils s’y sont développés; d’autres assurent (etavec plus de raison peut-être) que ces prétendus passagesdes porphyres aux brèches porphyriques et au grès rougene sont que l’effet d’une illusion produite par des porphyresrégénérés, c’est-à-dire, par des agglomérats qui se sont formés àune époque où les fragmens empâtés étoient encore dans unétat de ramollissement peu propre à conserver leurs contoursau milieu du ciment interposé. Une brèche porphyrique(trümmerporphyr) près de Duchs en Bohème, que nousavons décrite, M. Freiesleben et moi, en 1792, et dans la-quelle des grains informes de quarz sont mêlés à des cristaux |240| brisés de quarz et de feldspath, peut répandre quelque joursur un phénomène qui n’est point encore suffisamment éclairci.Il est bien remarquable, et cette observation a été faitedepuis long-temps, que les porphyres manquent au nord des Alpes de la Suisse et du Tyrol, tandis qu’ils sont très-com-muns à la pente méridionale des Alpes, entre le lac Mag-giore et la Carinthie. Le grès rouge est généralement composé de fragmens deroches qui tirent leur origine des montagnes les plus voisines.Dans l’Allemagne septentrionale, ces fragmens sont plus sou-vent le quarz, la lydienne, le silex (hornstein), le porphyre,la syénite et le thonschiefer, que le gneis, le granite et lemicaschiste. La couleur du grès rouge est très-variable: ellepasse du brun-rougeâtre au gris (graue liegende); elle estmême quelquefois mélangée par couches très-minces, commedans le grès bigarré. La teinte rouge de cette formation estdue, selon l’opinion de plusieurs géologues célèbres, aux partiesferrugineuses des porphyres voisins. Sans vouloir infirmer lajustesse de cette observation pour ce qui regarde une partie del’ancien continent, je dois pourtant énoncer quelques doutesrelativement à l’influence des porphyres sur la formationdu grès rouge dans les régions équinoxiales du nouveau con-tinent. Le grès des vastes steppes de Venezuela est brun-rou-geâtre, comme le todte liegende de Mansfeld; il ne renfermepas de fragmens de porphyre, et à plusieurs centaines delieues de distance on n’y connoît aucune couche de porphyreintermédiaire ou secondaire. Il en est de même des grèsrouges de Fünfkirchen et de Vasas en Hongrie, décrits parM. Beudant. Partout où, dans la formation §. 26, des conglomérats gros-siers alternent avec des roches arénacées à petits grains, cesderniers passent au grès houiller schisteux et fortement mi-cacé (sandsteinschiefer). Ces masses alternantes renfermentde l’argile schisteuse grise, verdâtre ou brune. Lorsque cetteargile est fortement carburée (kohlenschiefer) et bitumi-neuse, elle contient quelquefois (Suhl, Goldlauter) des mi-nérais argentifères (du cuivre gris, de la galène et des pyritescuivreuses). Elle offre des empreintes de poissons fossiles, etprend l’aspect du kupferschiefer appartenant au calcaire alpin. |241| D’un autre côté, la désagrégation de roches arénacées à petitsgrains forme des bancs de sable quarzeux et brunâtre (triebsand)au milieu des grès rouges les plus compactes (Walkenried et Bieber). Le ciment du grès houiller est quelquefois calcaire,et-les parties de chaux carbonatée deviennent si fréquentes,qu’elles donnent à la roche une apparence de calcaire grenuet arénacé (montagnes houillères sur les limites de la Hon-grie et de la Galicie). Ce sont là les grès calcarifères de M. Beudant, mêlés de grains verts chloriteux. Quant aux frag-mens enchâssés dans les grès rouges, ils sont ou anguleuxet fondus dans la masse, ou arrondis et aplatis comme lescailloux roulés de la nagelfluhe la plus récente. La forma-tion de grès rouge qui constitue la majeure partie de l’Ir-lande, et qui est si commune dans l’Allemagne septentrio-nale, dans la Forêt-noire et dans les Vosges, manque (demême que la formation des porphyres) presque entièrementdans les hautes Alpes de la Suisse. Le Niesen appartient pro-bablement déjà au grauwacke, et M. de Gruner croit que lesenvirons de Mels, Bregentz et Sonthofen offrent les seuls con-glomérats qui, par leur structure et leur gisement, se rap-prochent du grès rouge. Dans les hautes Alpes, comme dansplusieurs parties de la Silésie (Schweidnitz) et de la Hongrie (Dunajitz), le grès rouge enchâsse pour ainsi dire le cal-caire alpin et alterne avec lui: dans le cercle de Neustadt,en Saxe, le grès rouge manque entièrement. Les couches subordonnées au grès rouge ou alternant aveclui sont les suivantes: calcaires fétides et schistes fortementcarburés et bitumineux (kohlenschiefer de Freiesleben), quiannoncent la liaison intime du grès rouge avec le zechsteinet avec les schistes marno-bitumineux (kupferschiefer): grün-stein, mélange de feldspath et d’amphibole (Noyant et Figeac en France), quelquefois même pyroxénique (Écosse): man-delstein celluleux, quelquefois comme boursouflé, renfer-mant (Ihlefeld au Harz; rives de la Nahe, Oberstein et Kirn; Exeter, Heavitree) des agathes, de la calcédoine, de la preh-nite et de la chabasie, et pénétrant comme par des crevassesdans la masse du grès rouge (Planitz en Saxe): houilles alter-nant avec des argiles schisteuses à fougères; anthracites (Schön-feld entre Altenberg et Zinnwald) appartenant plus particu- |242| lièrement, d’après M. Beudant, au porphyre intercalé au grèsrouge qu’à cette dernière roche: porphyres alternant d’abordavec le grès rouge et puis le surmontant en grandes massesrocheuses: pechstein (quarz résinite ou rétinite). Le vrai gise-ment du pechstein en Saxe a été reconnu par MM. Jameson, Raumer, Przystanowsky et Schenk. Cette substance forme unporphyre à base semi-vitreuse, renfermant du feldspath sou-vent fendillé, et très-peu de mica, d’amphibole et de quarzcristallisé (vallée de Triebitch). Le pechstein enchâsse des frag-mens de gneis (Mohorn et Braunsdorf); il est traversé parde petits filons d’anthracite fibreuse (Planiz près Zwickau), etil alterne avec le porphyre commun du grès rouge. Ces por-phyres et ces rétinites reposent (Nieder-Garsebach) sur lasyénite de transition. M. Beudant, qui a récemment donnéune description détaillée de ce gisement, a reconnu que lepechstein de Herzogswalde est enclavé dans un dépôt aré-nacé à pâte d’argilolithe (thonstein), dépôt qui enchâsse desfragmens anguleux de gneis et de micaschiste, et qui appar-tient au grès rouge. Le pechstein de Grantola au lac Maggiore offre le même gisement: celui d’Écosse contient du naphte.Au Pérou il y a des pechstein (gris de fumée, presque dé-pourvus de feldspath, renfermant du mica cristallisé), dansle chemin de Couzco à Guamanga. Ils y forment des mon-tagnes entières; mais ce terrain, d’après les observations deM. de Nordenflycht, est subordonné, comme en Europe, auterrain porphyrique. Toute la formation §. 26, que nous décrivons, est généra-lement caractérisée par l’absence des coquilles fossiles. Sil’on en trouve quelques-unes, elles appartiennent aux couchescalcaires et aux schistes carburés (kohlenschiefer) qui sont in-tercalés au grès rouge, et non à la masse de celui-ci, quin’abonde dans les deux hémisphères (plaines de la Thuringe, Kiffhäuser, Tilleda; plaines de Venezuela entre Calabozo et Chaguaramas; plateau de Cuença, au sud de Quito) qu’entroncs de bois fossile et autres débris de monocotylédonées.M. Brongniart fils croit cependant que les impressions devrais palmiers manquent dans les houilles. Dans la région équinoxiale du nouveau continent j’ai eul’occasion d’observer le terrain de grès rouge au nord et au |243| sud de l’équateur sur six points différens; savoir: dans la Nouvelle-Espagne (de 1100 à 1300 toises de hauteur), dansles steppes ou Llanos de Venezuela (30—50 toises), dans la Nouvelle-Grenade (50—1800 toises), sur le plateau méri-dional de la province de Quito (1350—1600 toises), dans lebassin de Caxamarca au Pérou (1470 toises), et dans la valléeoccidentale de l’Amazone (200 toises). 1.° Nouvelle-Espagne. Les schistes et les porphyres de transi-tion de Guanaxuato (plateau d’Anahuac), dont nous avonsdonné plus haut (§§. 22, 23) une description détaillée, sont cou-verts d’une formation de grès rouge. Cette formation remplitles plaines de Celaya, de Salamanca et de Burras (900 toises);elle y supporte un calcaire assez analogue à celui du Jura etun gypse feuilleté. Elle remonte par la Cañada de Marfil auxmontagnes qui entourent la ville de Guanaxuato, et se montrepar lambeaux dans la Sierra de Santa Rosa près de Villal-pando (1330 toises). Ce grès mexicain offre la ressemblancela plus frappante avec le rothe todte liegende du Mansfeld en Saxe; il enchâsse des fragmens constamment anguleux delydienne, de syénite, de porphyre, de quarz et de silex(splittriger hornstein). Le ciment qui lie ces fragmens, estargilo-ferrugineux, très-tenace, brun-jaunâtre, souvent(près de la mine de Serena) rouge de brique. Des couchesde conglomérat grossier, renfermant des fragmens de deuxà trois pouces de diamètre, alternent avec un conglomérattrès-fin, quelquefois même (Cuevas) avec un grès à grainsde quarz uniformément arrondis. Les conglomérats gros-siers abondent plus dans les plaines et dans les ravins que surles hauteurs. Dans les couches les plus anciennes (mine de Rayas) j’ai cru voir un passage du grès rouge au grauwacke:les morceaux de syénite et de porphyre enchâssés deviennenttrès-petits; leurs contours sont peu distincts, et ils paroissentcomme fondus dans la masse. Il ne faut pas confondre ceconglomérat (frijolillo de Rayas) avec celui de la mined’Animas, qui est gris-blanchâtre et renferme des fragmensde calcaire compacte. Souvent dans le grès rouge de Gua-naxuato, comme dans celui d’Eisleben en Saxe, le ciment estsi abondant (chemin de Guanaxuato à Rayas et à Salgado),que l’on n’y distingue plus de fragmens empâtés. Des couches |244| argileuses de 3 à 4 toises d’épaisseur alternent alors avec leconglomérat grossier. Généralement, la grande formation degrès rouge, superposée au thonschiefer métallifère, ne paroît(Belgrado, Buffa de Guanaxuato) qu’adossée au porphyrede transition; mais à Villalpando on la voit clairement re-poser sur cette dernière roche. Je n’ai point trouvé de co-quilles pétrifiées, ni de traces de houille et de bois fossile,dans les grès rouges de Guanaxuato. Ces substances combusti-bles se trouvent fréquemment en d’autres parties de la Nou-velle-Espagne, surtout dans celles qui sont moins élevées au-dessus du niveau de la mer. On connoît la houille dans l’in-térieur du Nouveau-Mexique, non loin des rives du Riodel Norte. D’autres dépôts sont probablement cachés dansles plaines du Nuevo-Sant-Ander et du Texas. Au nord de Natchitoches, près de la houillère de Chicha, une colline isoléefait entendre de temps en temps, peut-être par l’inflammationdu gaz hydrogène mêlé à l’air atmosphérique, des détonationssouterraines. Le bois fossile est commun dans les grès rougesqui s’étendent vers le nord-est de la ville de Mexico. On letrouve également dans les immenses plaines de l’intendancede San-Luis Potosi, et près de la Villa de Altamira. La houilledu Durasno (entre Tierra-Nueva et San-Luis de la Paz) estplacée sous une couche d’argile renfermant du bois fossile,et sur une couche de mercure sulfuré qui recouvre le por-phyre. Appartient-elle à des lignites très-récens? ou nedoit-on pas plutôt admettre que ces substances combustiblesdu Durasno, ces argiles et ces porphyres semi-vitreux (pech-stein-porphyre), globuleux et couverts d’hyalithe mamelonnée,porphyres qui, dans d’autres parties du Mexique (San-Juande la Chica; Cerro del Fraile près de la Villa de San-Felipe)renferment des dépôts de mercure sulfuré, sont liés à lagrande formation du grès rouge? Il n’est pas douteux quecette formation ne soit tout aussi riche en mercure dans le nouveau continent, que dans l’Allemagne occidentale; ellel’est même là où manquent les porphyres (Cuença, plateaude Quito); et, si la réunion de filons d’étain à des filons decinabre, dans les porphyres de San-Felipe, paroît éloignerau premier abord les roches porphyriques qui abondent enmercure, de ceux du grès rouge, il faut se rappeler que les |245| thonschiefer et porphyres de transition (Hollgrund près Steben, Hartenstein) sont aussi en Europe quelquefois stan-nifères. Je place à la suite du grès houiller de Guanaxuato une for-mation un peu problématique, que j’ai déjà décrite, dans mon Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, sous le nom de lozero ou d’agglomérat feldspathique: c’est une roche arénacée,blanc-rougeâtre, quelquefois vert de pomme, qui se divise,semblable au grès à dalles (Leuben- ou Waldplattenstein de Suhl), en plaques très-minees (lozas): elle renferme des grainsde quarz, de petits fragmens de thonschiefer, et beaucoupde cristaux de feldspath en partie brisés, en partie restés in-tacts. Ces diverses substances sont liées ensemble dans le lozero du Mexique, comme dans la roche à aspect porphyrique de Suhl, par un ciment argilo-ferrugineux (Cañada de Serena etpresque toute la montagne de ce nom). Il est probable quela destruction du porphyre a eu la plus grande influence surla formation du grès feldspathique de Guanaxuato. Le minéra-logiste le plus exercé seroit tenté de le prendre au premierabord pour un porphyre à base argileuse ou pour unebrèche porphyrique. Autour de Valenciana le lozero formedes masses de 200 toises d’épaisseur: elles excèdent en élé-vation les montagnes formées par le porphyre intermédiaire.Près de Villalpando, un agglomérat feldspathique à très-petitsgrains alterne par couches d’un à deux pieds d’épaisseur,vingt-huit fois, avec de l’argile schisteuse brun-noirâtre.Partout j’ai vu reposer cet agglomérat ou lozero sur le grèsrouge, et à la pente sud-ouest du Cerro de Serena, endescendant vers la mine de Rayas, il m’a paru même assezévident que le lozero forme une couche dans le conglomératgrossier de Marfil. Je doute par conséquent que cette for-mation remarquable puisse appartenir à des conglomératstrachytiques ponceux, comme M. Beudant semble l’admettred’après l’analogie de quelques roches de Hongrie. Souventle ciment argileux devient si abondant que les parties en-châssées sont à peine visibles, et que la masse passe à l’ar-gilolithe (thonstein) compacte. Dans cet état le lozero offrela belle pierre de taille de Queretaro (carrières de Caretas et de Guimilpa), qui est si recherchée pour les construe- |246| tions. J’en ai vu des colonnes de quatorze pieds de haut etde deux pieds et demi de diamètre, rouge de chair, de briqueou de fleurs de pêcher. Ces belles couleurs, en contact avecl’atmosphère, passent au gris, probablement par l’action del’atmosphère sur le manganèse dendritiforme que renfermela roche dans ses fissures. La cassure des colonnes de Quere-taro est unie, comme celle de la pierre lithographique du Jura.Ce n’est qu’avec peine que l’on découvre dans ces argilolithesquelques fragmens extrêmement petits de thonschiefer, dequarz, de feldspath et de mica. Je ne déciderai pas si lescristaux non brisés du lozero ou grès feldspathique se sontdéveloppés dans la masse même, ou s’ils s’y trouvent acci-dentellement. Je me borne à rappeler ici qu’en Europe le grèsrouge et ses porphyres sont aussi quelquefois caractérisés parune suppression locale de cristaux et de fragmens enchâssés.Le lozero me paroît une formation de grès superposée, peut-être même subordonnée au grès rouge; et si l’ancien conti-nent ne nous offre pas une roche entièrement semblable,nous voyons du moins les premiers germes de ce genre destructure pseudo-porphyrique dans les bancs de grès à cris-taux de feldspath, brisés ou intacts, qu’enchâsse quelquefoisla grande formation de grès rouge du Mansfeld et du Thu-ringerwald. ( Freiesleben, Kupf., B. IV, p. 82, 85, 95, 194.) 2.° Venezuela. Dans l’Amérique méridionale, les immensesplaines de Venezuela (Llanos du Bas-Orénoque) sont engrande partie recouvertes de grès rouge et de terrains cal-caires et gypseux. Le grès rouge y est disposé en gisementconcave (muldenförmige Lagerung) entre les montagnes dulittoral de Caracas et celles de la Parime ou du Haut-Oré-noque. Il s’adosse au nord à des schistes de transition; ausud il repose immédiatement sur le granite primitif. C’estun conglomérat à fragmens arrondis de quarz, de pierre ly-dienne et de kieselschiefer, réunis par un ciment argilo-fer-rugineux, brun-olivâtre et extrêmement tenace. Ce cimentest quelquefois (près de Calabozo) d’un rouge si vif, que lesgens du pays l’ont cru mêlé de cinabre. Le conglomérat àgros grains y alterne avec un grès quarzeux à grains très-fins(Mesa de Paja). L’un et l’autre enchâssent de petites massesde fer brun et du bois pétrifié de monocotylédonées. Cette |247| formation arénacée est recouverte (Tisnao) par un calcairecompacte gris-blanchâtre, analogue au calcaire du Jura. Au-dessus de ce calcaire on trouve (Mesa de San-Diego et Ortiz)du gypse lamelleux alternant avec des couches de marne. Jen’ai vu de coquilles fossiles dans aucune de ces couches aréna-cées, calcaires, gypseuses et marneuses. Le ciment du conglo-mérat ne fait nulle part effervescence avec les acides; et parson gisement et sa composition le grès des steppes de Venezuela m’a paru très-éloigné du nagelfluhe (grès à lignites) du terraintertiaire, avec lequel il a une certaine analogie d’aspect parla forme arrondie des fragmens enchâssés. Ces formations aré-nacées et calcaires ne s’élèvent pas au-dessus de 30 à 50 toisesde hauteur absolue. Dans la partie orientale du Llano deVenezuela (près Curataquiche) on trouve dispersés, à la sur-face du sol, de beaux morceaux de jaspe rubané ou cailloux d’Égypte. Appartiennent-ils au grès rouge, ou sont-ils dus,comme près de Suez, à un terrain plus moderne? 3.° Nouvelle-Grenade. Une formation de grès d’une étendueprodigieuse couvre, presque sans interruption, non-seule-ment les plaines septentrionales de la Nouvelle-Grenade,entre Mompox, le canal de Mahates et les montagnes deTolu et de Maria, mais aussi le bassin du Rio de la Magda-lena (entre Teneriffe et Melgar) et celui du Rio Cauca (entre Carthago et Cali). Quelques fragmens épars de grèsschisteux et charbonneux (kohlenschiefer) que j’ai trouvés àl’embouchure du Rio Sinu (à l’est du golfe de Darien), ren-dent probable que cette formation s’étend même vers le RioAtrato et vers l’isthme de Panama. Elle s’élève à de grandeshauteurs, non sur le rameau intermédiaire ou central de laCordillère (Nevados de Tolima et de Quindiù), mais sur lesrameaux oriental (Paramos de Chingasa et de Suma Paz) etoccidental (montagnes entre le bassin du Rio Cauca et le terrainplatinifère du Choco). J’ai pu suivre ce grès de la Nouvelle-Grenade, sans le perdre de vue un seul instant, depuis la valléedu Rio Magdalena (Honda, Melgar, 130—188 t.), par Pandi,jusqu’au plateau de Santa-Fé de Bogota (1365 t.), et même jus-qu’au-dessus du lac de Guatavita et de la chapelle de Notre-Dame de Montserrate. Il s’adosse à la Cordillère orientale (cellequi sépare les affluens du Rio Magdalena des affluens du Meta |248| et de l’Orénoque) jusqu’à plus de 1800 toises de hauteur au-dessus du niveau de l’océan. J’insiste sur ces notions de géo-graphie minéralogique, parce qu’elles fournissent de nouvellespreuves de l’énorme épaisseur qu’atteignent les roches dansles régions équinoxiales de l’Amérique. Plusieurs terrainssecondaires (grès avec couches de houille, gypse avec selgemme, calcaire presque dépourvu de pétrifications), quedans le plateau de Santa-Fé de Bogota on seroit tenté deprendre pour un groupe de formations locales remplissant unbassin, descendent jusque dans des vallées dont le niveau estde 7000 pieds plus bas que ce plateau. En allant de Honda à Santa-Fé de Bogota, le grès est interrompu, près de Villeta,par des thonschiefer de transition; mais la position des sourcessalées de Pinceima et de Pizarà près de Muzo me porte à croirequ’aussi de ce côté-là, sur les rives du Rio Negro (entre lesschistes amphiboliques et carburés de Muzo, renfermant deséméraudes, et les schistes de transition avec filons de cuivrede Villeta), le grès houiller et le gypse muriatifère du pla-teau de Bogota et de Zipaquira se lient aux terrains homo-nymes qui remplissent le bassin du Rio Magdalena entre Honda et le détroit de Carare. Ce grès de la Nouvelle-Grenade (là où j’ai pu l’examinerentre les 4° et 9½° de lat. bor.) est composé de couchesalternantes de grès quarzeux et schisteux à petits grains,et de conglomérats qui enchâssent des fragmens anguleux(ayant 2 à 3 pouces de largeur) de pierre lydienne, dethonschiefer, de gneis et de quarz (Honda, Espinal). Le cimentest argileux et ferrugineux, quelquefois siliceux. Les couleursde la roche varient du gris-jaunâtre au rouge-brunâtre. Cettedernière couleur est due au fer: aussi trouve-t-on partoutde la mine de fer brun, très-compacte, enchâssée en nids,en petites couches et en filons irréguliers. Le grès est stra-tifié en bancs plus ou moins horizontaux. Quelquefois ces bancsinclinent par groupes et d’une manière assez constante. Prèsde Zambrano, sur la rive occidentale du Rio Magdalena, ausud de Teneriffe, la roche prend une structure globuleuse.J’y ai vu des boules de grès à très-petits grains de deux à troispieds de diamètre: elles se séparent en douze ou quinze couchesconcentriques. La pierre lydienne du plus beau noir, rare- |249| ment traversée de filets de quarz, est beaucoup plus abon-dante dans les conglomérats grossiers que ne le sont les fragmensde roches primitives. Partout le grès schisteux à petits grainsl’emporte, pour sa masse, sur les conglomérats à gros fragmens.Sur les hauteurs (au-dessus de 800 à 1000 toises) les derniersdisparoissent presque en entier. Le grès du plateau de Bogota et celui que l’on observe en montant aux deux chapellesplacées au-dessus de la ville de Santa-Fé, à 1650 et 1687 toisesd’élévation, sont uniformément composés de très-petits grainsquarzeux. On n’y remarque presque plus de fragmens delydienne; les grains de quarz se rapprochent tellement quela roche prend quelquefois l’aspect d’un quarz grenu. C’est cemême grès quarzeux qui forme le pont naturel d’Icononzo.Nulle part ces roches arénacées ne font effervescence avecles acides. Outre la mine de fer brun et (ce qui est assezcurieux) outre quelques nids de graphite très-pur, cetteformation renferme aussi, et à toutes les hauteurs, des cou-ches d’argile brune, grasse au toucher et non micacée. Cetteargile (Gachansipa, Chaleche, Montagne de Suba) devientquelquefois fortement carburée et passe au brandschiefer.Le sel purgatif d’Honda (sulfate de magnésie), si célèbredans ces contrées, se montre en efflorescence sur ces couchesargileuses (Mesa de Palacios près Honda). Nulle part le grèsne présente différentes couleurs mélangées par zones, ni cesmasses d’argile non continues et à forme lenticulaire qui ca-ractérisent le grès bigarré (bunte sandstein), c’est-à-dire, le grèsqui couvre le calcaire alpin ou zechstein. J’ai vu reposerimmédiatement la formation de grès que nous venons dedécrire, sur un granite rempli de tourmalines (Peñon deRosa au nord de Banco, vallée de la Magdalena; cascadede la Peña près Mariquita), sur le gneis (Rio Lumbi, prèsdes mines abandonnées de Sainte-Anne), sur le thonschieferde transition (entre Alto de Gascas et Alto del Roble aunord-ouest de Santa-Fé de Bogota). On ne connoît aucuneautre roche secondaire sous le grès de la Nouvelle-Grenade.Il renferme des cavernes (Facatativa, Pandi) et offre descouches puissantes, non de lignite, mais de houille feuilletéeet compacte, mêlée de jayet (pechkohle), entre la Palma et Guaduas (600 toises), près de Velez et la Villa de Leiva, |250| comme aussi dans le plateau de Bogota (Chipo près Canoas; Suba; Cerro de los Tunjos), à la grande hauteur de 1370toises. Les restes de corps organisés du règne animal sontextrêmement rares dans ce grès. Je n’y ai trouvé qu’une seulefois des trochilites (?) presque microscopiques dans une couched’argile intercalée (Cerro del Portachuelo, au sud d’Icononzo).Il se pourroit que ces houilles de Guaduas et de Canoas fus-sent un terrain plus récent, superposé au grès rouge; maisrien ne m’a paru annoncer cette superposition. La houillepiciforme (jayet, pechkohle) appartient sans doute de pré-férence aux lignites du grès tertiaire et des basaltes; maiselle forme aussi incontestablement de petites couches dansla houille schisteuse (schieferkohle) du terrain de porphyreet grès rouge. Les formations qui recouvrent le grès de la Nouvelle-Grenade, et qui le caractérisent, je crois, plus particulière-ment comme grès rouge dans la série des roches secondaires,sont le calcaire fétide (confluent du Caño Morocoy et du Rio Magdalena), et le gypse feuilleté (bassins du Rio Cauca près de Cali, et du Rio Bogota près de Santa-Fé). Dans cesdeux bassins du Cauca et du Bogota, dont la hauteur diffèrede près de 900 toises, on voit se succéder de bas en haut,très-régulièrement, les trois formations de grès houiller, degypse et de calcaire compacte. Les deux dernières ne sem-blent constituer qu’un même terrain qui représente le calcairealpin ou zechstein, et qui, généralement dépourvu de pétri-fications, renferme quelques ammonites à Tocayma (vallée du Rio Magdalena). Le gypse manque souvent; mais à la grandeélévation de 1400 toises (Zipaquira, Enemocon et Sesquiler)il est muriatifère, offrant dans l’argile (salzthon) des dépôtsde sel gemme qui, depuis des siècles, sont l’objet de grandesexploitations. D’après l’ensemble des observations que je viens de pré-senter sur le gisement du grès de la Nouvelle-Grenade, jen’hésite pas de regarder cette roche, qui a pris un dévelop-pement de cinq ou six mille pieds d’épaisseur, et qui vabientôt être examinée de nouveau par deux voyageurs très-instruits, MM. Boussingault et Rivero, comme un grès rouge(todtes liegende) et non comme un grès bigarré (grès de |251| Nebra). Je n’ignore pas que des couches fréquentes d’argileet de mine de fer brun appartiennent plus particulièrementau grès bigarré, et que les oolithes manquent souvent aussidans ce grès. Je n’ignore pas qu’en Europe le grès bigarré(placé au-dessus du zechstein) présente quelques traces dehouille, de petites couches de grès extrêmement quarzeux(quarz grenu) et du sel gemme, et que cette dernière subs-tance lui appartient même exclusivement en Angleterre.Toutes ces analogies me paroîtroient très-importantes, sides couches de conglomérat grossier alternant (dans lesbasses régions) avec des couches de grès à petits grains, sides fragmens anguleux de pierre lydienne, et même degneis et de micaschiste, enchâssés dans des conglomératsgrossiers, ne caractérisoient pas le grès de la Nouvelle-Gre-nade comme parallèle au grès rouge ou grès houiller, c’est-à-dire comme parallèle à celui qui supporte immédiatementle calcaire alpin (zechstein), renfermant le gypse et le selgemme. Lorsque le grès bigarré (nord de l’Angleterre et Wimmelburg en Saxe) présente quelquefois des fragmens degranite et de syénite, ces fragmens sont arrondis et simple-ment enveloppés d’argile; ils ne forment pas un conglomératcompacte et tenace à fragmens angulaires comme le grès rouge.Cette dernière roche abonde, dans le Mansfeld comme dansla Nouvelle-Grenade, en masses intercalées d’argile (Cres-feld, Eisleben, Rothenberg), et en petites couches de minede fer brun et rouge (Burgörner, Hettstedt). La structureglobuleuse qu’offre le grès de la vallée du Rio Magdalena seretrouve dans le grès houiller de la Hongrie (Klausenburg),dans le conglomérat blanchâtre de Saxe (weiss-liegendes de Helbra) qui lie le grès houiller au zechstein, et, selon desobservations que nous avons faites, M. Freiesleben et moi,en 1795, même près de Lausanne, dans la molasse d’2 (grès tertiaire à lignites). C’est l’ensemble des rapports degisement qui détermine l’âge d’une formation, ce n’est passa composition et sa structure seules. Les géognostes quiconnoissent les différens terrains de grès, non d’après deséchantillons de cabinet, mais par de fréquentes excursionsdans les montagnes, savent très-bien que, si (par la sup-pression du calcaire alpin, du muschelkalk, du calcaire du |252| Jura et de la craie) le grès rouge, le grès bigarré mêlé d’ar-gile, le quadersandstein qui n’est pas toujours blanc et très-quarzeux, et la molasse alternant avec des poudinguesgrossiers (nagelfluhe) étoient immédiatement superposés lesuns aux autres, on auroit de la peine à prononcer sur leslimites de ces quatre terrains arénacés, d’un âge si différent. Le grès rouge de la Nouvelle-Grenade semble plonger,dans la partie septentrionale du bassin du Rio Magdalena (entre Mahates, Turbaco et la côte de la mer des Antilles),sous un calcaire tertiaire rempli de madrépores et de coquillesmarines, et constituant, près du port de Carthagène des Indes,le Cerro de la Popa. Mais, lorsqu’on s’élève à la hauteur de1400 toises, la formation de calcaire et de gypse que supportele grès rouge, est couverte (Campo de Gigantes, à l’ouest deSuacha dans le bassin de Bogota) de dépôts d’alluvion danslesquels j’ai trouvé d’énormes ossemens de mastodontes.D’après la tendance, peut-être trop générale, de la géognosiemoderne à étendre le domaine des terrains intermédiaire ettertiaire aux dépens du terrain secondaire, on pourroit êtretenté de regarder le grès de Honda, le gypse avec sel gemmede Zipaquira, et le calcaire de Tocayma et de Bogota,comme des formations postérieures à la craie. Dans cette hy-pothèse, les houilles de Guaduas et de Canoas deviendroientdes lignites, et le sel gemme de Zipaquira, d’Enemocon,de Sesquiler et de Chamesa, entièrement dépourvu de débrisvégétaux, seroit une formation parallèle aux dépôts salifères(avec lignites) de la Galicie et de la Hongrie, que M. Beu-dant croit appartenir au terrain tertiaire. Mais l’aspect dupays; le manque presque total de corps organisés fossiles,observé jusqu’à 10,000 pieds de hauteur perpendiculaire; lapuissance de ces couches arénacées et calcaires, uniformé-ment répandues, dépourvues de rognons de silex et d’in-filtrations siliceuses, très-compactes, et nullement mélan-gées de sables et d’autres matières incohérentes, s’opposentà ces idées, j’aurois presque dit, à ces empiètemens duterrain tertiaire sur le terrain secondaire. L’ensemble desphénomènes que j’ai exposés me fait croire que le grès dela Nouvelle-Grenade, enchâssant des fragmens de lydienneet des roches primitives, est le véritable grès rouge de l’an- |253| cien continent. On ignore si ce grès, que j’ai vu monterjusqu’à 1700 toises de hauteur à la pente occidentale de la Cordillère de Chingasa (Cordillère qui sépare la ville de Santa-Fé de Bogota des plaines du Meta), dépasse le som-met de cette grande chaîne de montagnes, en se prolon-geant vers les plaines de Casanare. On pourroit le soup-çonner; car les dépôts de sel gemme et les sources de muriatede soude se suivent, en traversant la Cordillère orientale dela Nouvelle-Grenade, depuis Pinceima jusqu’aux Llanos duMeta (par Zipaquira, Enemocon, Tausa, Sesquiler, Gachita, Medina, Chita, Chamesa et El Receptor), du sud-ouest aunord-est, dans une même direction, sur une distance de plusde cinquante lieues. Dans toutes les régions du globe on ob-serve cette disposition des sources salées par bandes (ou cre-vasses?) plus ou moins prolongées. Lorsque des plaines sali-fères de Casanare on avance vers l’Orénoque, les formationssecondaires disparoissent peu à peu, et dans la Sierra Parime le granite-gneis se montre partout à découvert. Seulement surles bords de l’Orénoque, près des grandes cataractes d’Atures et de Maypures, on retrouve de petits lambeaux de conglo-mérat ancien superposés à la roche primitive. Ce conglomératenchâsse des grains de quarz et même (Isla del Guachaco)des fragmens de feldspath réunis par un ciment brun-olivâtreargileux et très-compacte. Le ciment, là où il abonde, offreune cassure conchoïde et passe au jaspe. Cette roche arénacée,que je crois appartenir au grès rouge des steppes de Vene-zuela, renferme des masses très-aplaties de mine de fer brun.Elle rappelle ces grès qui, dans la Haute-Égypte et en Nubie,reposent aussi immédiatement sur le granite-gneis des cata-ractes du Nil. 4.° Plateau de Quito. Dans l’hémisphère austral, les Cordillèresde Quito m’ont offert la formation de grès rouge la plusétendue de celles que j’ai observées jusqu’ici. Cette rochecouvre, à 1300 et 1500 toises de hauteur au-dessus duniveau de la mer, sur une longueur de vingt-cinq lieues,tout le plateau de Tarqui et de Cuença, devenu célèbrepar les opérations des astronomes françois. Elle s’élève dansle Paramo de Sarar jusqu’à 1900 toises, et l’épaisseur de samasse entière excède plus de 800 toises. Elle repose au nord |254| (Cañar, pente méridionale de l’Assuay) et au sud (Alto dePulla près Loxa) sur du schiste micacé primitif. La forma-tion de grès rouge de la province de Quito est colorée par dela mine de fer brun et jaune, dont elle renferme de nom-breux filons. Le grès est généralement très-argileux, à petitsgrains de quarz peu arrondis; mais quelquefois aussi il estschisteux, et alterne, comme dans la Thuringe, avec un con-glomérat qui enchâsse des fragmens de porphyre de trois,de cinq et même de neuf pouces de diamètre. On trouve danscette formation: des couches d’argile, tantôt brune (Tambo deBurgay et rives de Vinayacu), tantôt blanche et stéatiteuse,passant à l’argilolithe (thonstein) des porphyres du grès rouge(Rio Uduchapa et Cerro de Coxitambo), et se couvrant, aucontact avec l’air atmosphérique, de nitrate de potasse(Cumbe); des trones de bois pétrifié de monocotylédones (ravinde Silcayacu, où j’en ai vu des morceaux de 4 pieds de longet de 14 pouces d’épaisseur); du goudron minéral fluide et en-durci en asphalte à cassure conchoïde (Parche et Coxitambo);des silex (splittriger hornstein) passant au silex pyromaque ouà l’agathe (Delay); des filons de mercure sulfuré (Cerros deGuazun, et Upar au nord-est du village d’Azogues); des cou-ches de manganèse oxidé noirâtre et pulvérulent (à l’ouest dela ville de Cuença); du calcaire grenu et lamelleux (Portete,au bord occidental du Llano de Tarqui). Cette formationcalcaire, que dans ce pays on appelle très-improprementjaspe rubané, présente des couches alternantes de calcaireopaque et saccharoïde, semblable au marbre de Carare, et decalcaire fibreux et ondulé, en stries laiteuses. La masse entièreest diaphane comme le plus bel albâtre oriental (le marbrememphitique ou phengites des anciens). J’aurois été tenté deprendre cette roche de Tarqui, qui est recherchée par lesmarbriers comme l’albâtre de Florence et le marbre de Tolonta (entre Chillo et Quito), pour une variété de travertin ou for-mation d’eau douce, si au sud de Cuença, au bord du RioMachangara, elle ne m’avoit paru (d’après l’inclinaison deses couches) intercalée au grès rouge que je viens de dé-crire. Il faut toutefois distinguer de ce marbre translucideet rubané de Tarqui, le calcaire grenu et opaque du Ce-bollar, qui vient au jour un peu au nord de Cuença, et |255| qui, recouvert du grès rouge, est vraisemblablement (§. 10)superposé au micaschiste du Cañar. Dans les parties volca-niques des Andes, des plateaux ou bassins élevés sont rem-plis, les uns, de formations secondaires, couvrant des por-phyres de transition; les autres, de formations tertiaireset d’eau douce, superposées à des tuffs trachytiques. Ce n’estque lorsque des géognostes instruits se seront établis dansles grandes villes placées sur le dos des Cordillères, villes quideviendront les centres de la civilisation américaine, quel’on pourra prononcer avec certitude sur ces lambeaux deterrains calcaires, gypseux et arénacés, que l’on trouve entre1200 et 1600 toises de hauteur. 5.° Pérou. La formation de grès rouge de Cuença, qui estrecouverte sur plusieurs points de couches de gypse feuilleté(Muney, Juncay et Chalcay, à l’ouest de Nabon), se trouverépétée dans le Haut-Pérou, à 1460 toises de hauteur, dansle grand plateau de Caxamarca. Ce grès de Caxamarca estégalement argileux, dépourvu de coquilles et rempli deminérai de fer brun. Il m’a paru appuyé sur des porphyresd’un aspect trachytique (Cerros de Aroma et de Cundurcaga).Il supporte le calcaire alpin de Montan et de Micuipampa,qui est célèbre par ses richesses métalliques. Les eaux ther-males hydrosulfureuses qui sortent des grès de Cuença (lat.austr. 2° 53′) et de Tollacpoma près Caxamarca (lat. austr.7° 8′), ont presque la même température, 72° et 69° cent. L’analogie qu’offrent les grès rouges de la Nouvelle-Gre-nade, du Pérou et de Quito, avec les grès rouges du paysFüchsel (Historia terræ et maris ex historia Thuringiæ eruta)a donné la première description de la grande formationhouillère, doit frapper tous les géognostes expérimentés. Jen’insisterai pas sur les phénomènes si connus de l’alternancedes conglomérats grossiers et des grès à grains très-fins; nisur l’absence de tout fragment calcaire, fragmens dont onne trouve qu’un exemple très-rare dans des poudingues dugrès rouge des Pyrénées (vallée de Barillos); ni sur lescouches intercalées de houille, d’argile, de fer brun et decalcaire: je me bornerai à rappeler dans les grès rouges del’Allemagne les mines de mercure (Mörsfeld et Moschellands-berg dans le duché de Deux-ponts, comme Dombrava en |256| Hongrie); les bois pétrifiés de plantes monocotylédonées(Siebigkerode, Kelbra et Rothenburg, en Thuringe); lesagathes, les silex communs et les silex pyromaques (horn-et feuerstein) passant à la calcédoine (Kiffhäuser, Wie-derstädt, Goldlauter et Grossreina, en Saxe, dans le con-glomérat grossier du grès rouge; Oberkirchen et Tholey dansle duché de Deux-ponts; Netzberg près Ilefeld, au Harz,dans le mandelstein du grès rouge); du bitume minéral(Naundorf et Gnölzig dans le comté de Mansfeld). Tous cesphénomènes se retrouvent dans la partie de l’Amérique équi-noxiale que j’ai parcourue. 6.° Rives de l’Amazone. Le grand bassin de la rivière desAmazones offre, du moins dans sa partie occidentale, lesmêmes phénomènes que nous avons indiqués en traçant letableau géognostique des Llanos de Venezuela ou du bassinde l’Orénoque. Lorsqu’on descend du sommet des Andes gra-nitiques de Loxa par Guancabamba aux rives du Chamaya, ontrouve superposé aux porphyres de transition de Sonanga ungrès à ciment argileux, couvert (entre Sonanga et Guanca)d’un calcaire qui renferme du gypse et du sel gemme. Ce grèsde Chamaya remplit, à 190 et 260 toises de hauteur au-dessusdu niveau de l’océan, les plaines de Jaen de Bracamoros. Ilforme des collines à pentes abruptes, ressemblant à des forti-fications en ruines. On y distingue des couches à petits grainsarrondis de quarz, et des conglomérats grossiers, composés degalets de porphyre, de pierre lydienne et de quarz, de deuxà trois pouces de diamètre. Les conglomérats grossiers sontassez rares: ils forment cependant le pongo de Rentema, etd’autres digues rocheuses qui traversent le Haut-Maragnon et entravent la navigation du fleuve. Parmi les fragmens en-châssés dans le grès de Chamaya, je n’en ai jamais pu décou-vrir un seul qui fût de roche calcaire. Cette circonstance,la présence des lydiennes empâtées dans la masse, l’alternancedu grès à petits grains avec les conglomérats grossiers, partoutsi rares (Schochwitz en Saxe) dans le grès bigarré, enfin lasuperposition du zechstein et du gypse avec sel gemme au grèsde l’Amazone, me font admettre l’identité de cette formationet de celles de Cuença et de Caxamarca, malgré la différencede hauteur absolue de plus de 1000 toises. Nous avons déjà vu, |257| dans la Nouvelle-Grenade, le grès houiller descendre du grandplateau de Bogota aux plaines du Rio Magdalena. Une parti-cularité bien remarquable, et qui paroît, au premier abord,éloigner le grès de l’Amazone et du Chamaya du grès rougede l’Europe, est l’intercalation de quelques couches de sableà parties entièrement désagrégées. J’ai vu, entre Chamaya et Tomependa, des bancs de grès quarzeux, de trois à quatrepieds d’épaisseur, alterner avec des bancs de sable siliceux desept à huit pieds. Le parallélisme de ces couches peu incli-nées se soutient à de grandes distances. Je n’ignore pas quele mélange de sable et de grès solide caractérise plus particu-lièrement le grès bigarré, celui qui recouvre le zechstein(Wimmelburg et Cresfeld en Saxe), et le grès tertiaire au-dessus du gypse à ossemens (Fontainebleau près de Paris);mais MM. Voigt et Jordan ont aussi trouvé des bancs desable (triebsand) dans le grès rouge ou houiller (Röhrig prèsde Bieber, et le Kupferberg près Walkenried). On pourroitcroire que l’analogie que nous venons d’indiquer avec lesgrès et sables marins du terrain tertiaire, se trouve fortifiéejusqu’à un certain point par la fréquence des oursins pétri-fiés que nous avons vus épars à la surface du sol, à la fois surles plages de l’Amazone, à 195 toises, et près de Micuipampa,à plus de 1800 toises de hauteur; mais il se peut que, dans cesrégions si peu examinées jusqu’ici, des formations calcairestrès-neuves reposent sur le zechstein, et rien ne semble an-noncer que le grès de Chamaya, alternant à la fois avec desbancs de sable et des conglomérats à fragmens de porphyreet de pierre lydienne, soit un grès tertiaire semblable à celuidu terrain parisien. Je devrois peut-être placer immédiatement après le grèshouiller le zechstein ou calcaire alpin, parce que ces deuxroches ne constituent quelquefois qu’une seule formation;mais j’aime mieux décrire d’abord le terrain de quarz de Guan-gamarca (flözquarz), parce qu’il est parallèle au grès houiller.C’est un équivalent géognostique propre à l’hémisphère austral. Roche de quarz secondaire. §. 27. Cette formation remarquable et entièrement incon-nue aux géognostes de l’Europe domine, dans les Andes du |258| Pérou, entre les 7° et 8° de latitude australe. Je l’ai vue re-poser indifféremment sur des porphyres de transition (à lapente orientale des Cordillères, Cerro de N. S. del Carmen près S. Felipe, 982 toises; Paramo de Yanaguanga entre Micui-pampa et Caxamarca, 1900 toises: à la pente occidentale des Cordillères, Namas et Magdalena, 690 toises), et sur du gra-nite primitif (Chala, près des côtes de l’océan Pacifique, 212toises). Cette superposition sur des roches d’un âge très-diffé-rent prouve l’indépendance de la formation que nous faisonsconnoître. Elle est beaucoup moins développée à la pente orien-tale qu’à la pente occidentale des Andes. A la seconde, elleatteint une épaisseur de plusieurs milliers de pieds, comptéeperpendiculairement aux fentes de stratification: elle y rem-place le grès rouge, supportant immédiatement (villages in-diens de la Magdalena et de Contumaza) le zechstein ou cal-caire alpin. C’est, ou la plus récente des formations de tran-sition, ou la plus ancienne des formations secondaires: c’estun véritable quarz compacte ou grenu, non carié ou cellu-leux, le plus souvent blanc-grisâtre ou jaunâtre et opaque; iln’est mélangé ni de talc ni de mica. Cette formation est tantôtcompacte et à cassure écailleuse, comme le quarz en bancs(lagerquarz du granite-gneis primitif); tantôt à grains très-fins, semblable au quarz du terrain calcaire de transition dela Tarantaise. Ce n’est par conséquent ni une roche arénacée,ni une variété de ces grès quarzeux à ciment silicifère, danslesquels le ciment disparoît peu à peu, et qui appartiennentà la fois au grès bigarré (Detmold), au quadersandstein, au grèsvert (green sand), à l’argile plastique (trappsandstein) et auterrain tertiaire (forêt de Fontainebleau). Les ravins pro-fonds dont la pente des Cordillères est sillonnée, et le nombreimmense de blocs arrachés de leur gîte naturel, facilitentl’observation de cette formation de quarz, qui est très-homo-gène et dépourvue de coquilles, comme aussi de couches subor-données. Je l’ai examinée pendant plusieurs jours, croyanttrouver dans une roche recouverte de zechstein et remplaçantle grès rouge, des traces de ciment, de grains ou de fragmensaglutinés: toutes mes recherches ont été inutiles; nulle partje n’ai pu me convaincre que ce quarz compacte ou grenu fûtune roche arénacée ou fragmentaire. Elle est quelquefois |259| très-régulièrement séparée en bancs de huit pouces à deuxpieds d’épaisseur, dirigés (Aroma, Magdalena et Cascas)N. 53°—68° O., et inclinés de 70° à 80° au S. E. A la penteorientale des Andes, aux rives du Chamaya, une couche dequarz semblable à celle que je viens de décrire, paroît in-tercalée à une formation de calcaire compacte, bleu-grisâtre.Ce calcaire n’est pas une roche de transition (comme on pour-roit le croire à cause de la position du quarz compacte de Pesay et de Tines en Tarantaise, §. 20); le nombre et la na-ture de ses coquilles, comme la sinuosité de ses couches, sem-blent le rapprocher au contraire du zechstein ou calcairealpin. Il n’est pas extraordinaire de voir une roche siliceuse,qui supporte un calcaire, pénétrer dans celui-ci et y formerune couche intercalée. Cette pénétration s’observe aussiquelquefois, mais en filons (Cerro de N. S. del Carmen près San-Felipe), dans la formation sur laquelle repose la rochede quarz. Le calcaire alpin de San-Felipe recouvre cetteroche, et celle-ci est placée sur un porphyre vert de tran-sition, qui est traversé de filons de quarz de trois pieds d’é-paisseur. Il sera utile de rappeler, à la fin de cet article, qu’il nefaut pas confondre neuf formations de quarz et de grès quar-zeux des terrains primitif, intermédiaire, secondaire et ter-tiaire, dont seulement la seconde et la quatrième sont indé-pendantes, tandis que les autres ne forment que des bancssubordonnés: 1.° quarz (lagerquarz) des granites-gneis, desmicaschistes et des thonschiefer primitifs; 2.° quarz chloriteuxou talqueux de Minas-Geraes du Brésil et de Tiocaxas dans les Andes de Quito: formation indépendante primitive, succé-dant au thonschiefer (§. 16), ou le remplaçant, comme en Norwége; 3.° quarz compacte de transition, décrit par MM. Brochant, Haussmann et Léopold de Buch, et subordonné(§. 20) aux roches calcaires et schisteuses de la Tarantaise, de Kemi-Elf en Suède, et de Skeen en Norwége (§. 23); 4.°quarz secondaire (§. 27), parallèle au grès rouge, et péné-trant dans le calcaire alpin des Andes de Contumaza et de Huancavelica. A ces formations de quarz pur on peut joindreles masses entièrement quarzeuses, 5.° du grès bigarré; 6.°du quadersandstein; 7.° du grès vert ou grès secondaire à |260| lignites, placé entre le calcaire jurassique et la craie; 8.° dugrès appartenant au grès tertiaire à lignites (argile plastique)au-dessus de la craie; 9.° du grès de Fontainebleau. On dé-termine une roche avec d’autant plus de sûreté, que l’on asous les yeux le tableau des formations qui sont analoguespar leur composition, mais très-différentes par leur gisement. II. Zechstein ou calcaire alpin (magnesian limestone);Gypse hydraté; Sel gemme. §. 28. Le mot de zechstein n’est ordinairement appliqué parles mineurs et les géognostes d’Allemagne qu’à une seule assisede la formation que nous allons décrire: on distingue alorsle calcaire compacte (zechstein) du schiste cuivreux qu’ilrecouvre immédiatement, et des gypses et des calcaires fétidesqui lui sont superposés. J’appelle zechstein tout le groupedont cette roche est le représentant géognostique. C’est unegrande formation calcaire qui succède immédiatement au grèsrouge ou grès houiller, et qui est quelquefois si intimementliée avec ce grès qu’elle s’y trouve intercalée. La limite supé-rieure du zechstein est plus difficile à fixer: en Allemagne et dans plusieurs parties de la France orientale, cette rochese termine là où commence le grès bigarré ou grès à oolithes(bunte sandstein). En Angleterre, le magnesian limestone,représentant par sa position le zechstein, est recouvert d’uneformation marneuse et muriatifère (red marl), qui offre beau-coup d’analogie avec le grès bigarré d’Allemagne; car dans cedernier on rencontre aussi plus de couches d’argile et demarne que de véritable grès. Comme, d’un autre côté, le selgemme d’Angleterre appartient au red marl, tandis que lesel gemme de la majeure partie du continent appartient auzechstein, on peut admettre que, des deux formations, à peuprès parallèles, de red marl et de grès bigarré, renfermantdes marnes, des argiles et des oolithes, la première est plusintimement liée au zechstein, tandis que la seconde l’est plusau muschelkalk, et, quand celui-ci et le quadersandstein nese sont pas développés, au calcaire également marneux etoolithique du Jura. C’est peut-être d’après des inductionsanalogues que, dans son excellent Tableau des formationsd’Angleterre, publié en 1816, M. Buckland avoit réuni, dans |261| un même terrain, le magnesian limestone et le red marl ounew red sandstone. Quelque grande que soit l’importanceque nous attachons à ces affinités géognostiques, comme auxphénomènes d’alternance et de pénétration observés dans desroches qui se succèdent immédiatement, nous ne nous encroyons pas moins en droit de séparer les diverses formationsde grès rouge, de zechstein et de grès bigarré, là où, dansles deux hémisphères, nous les avons vues prendre un déve-loppement extraordinaire. Dans le cours de ce travail je me suis souvent servi, àl’exemple de beaucoup de géognostes célèbres, pour désignerle zechstein, du mot plus sonore de calcaire alpin, quoique jesache très-bien que, d’après les belles recherches de MM. deBuch et Escher, la majeure partie des calcaires qui consti-tuent les hautes Alpes de la Suisse, sont des calcaires detransition (§. 22). A une époque où l’on a tant embrouilléla géognosie par la création de dénominations vagues et quine sont adoptées que par un très-petit nombre de savans,je n’ai rien voulu changer à la nomenclature reçue, quelquevicieuse ou barbare qu’elle me parût. Les imperfections dulangage des géognostes ne sont dangereuses pour la science,que lorsqu’on ne définit pas avec clarté la position de chaqueformation et les limites entre lesquelles ces formations se trou-vent circonscrites. Dans la Bavière méridionale, dans le Tyrol,dans la Styrie et le pays de Salzbourg, les hautes Alpes deBenedictbaiern, de Chiemsée, de Hall, d’Ischel, de Gmünden et de l’Untersberg, sont très-probablement du zechstein. Au Montperdu, dans la chaîne des Pyrénées, cette roche, mêléede calcaire fétide, s’élève à plus de 1750 toises de hauteur.Dans les Andes du Pérou, le zechstein, très-distinct ducalcaire de transition, renferme des coquilles pétrifiées sur lacrête des montagnes entre Guambos et Montan, et près Mi-cuipampa (1400—2000 toises); entre Yauricocha et Pasco (2100 toises); près de Huancavelica, Acoria et Acobamba (2100—2207 toises). On voit par ces exemples que le zech-stein atteint au nord et au sud de l’équateur de très-grandesélévations. On le trouve bien certainement dans la régionalpine des Pyrénées, du Tyrol et des Andes; mais le mot calcaire alpin n’indique pas plus que toutes les Alpes calcaires |262| dans les deux mondes sont composées de zechstein, que lemot grès houiller n’annonce que les houilles appartiennentuniquement au grès rouge. La question de savoir quellescimes alpines de la Suisse et du Tyrol sont de zechstein,quelles cimes sont de calcaire de transition, est plutôt unequestion de géographie minéralogique, qu’un problème degéognosie générale. La science des formations se borne à décrireune roche placée dans la série des terrains secondaires, entrele grès houiller et le grès bigarré alternant avec des argiles:elle ne prononce pas sur ce grand nombre de roches dontle gisement n’offre aucun caractère diagnostique certain,par exemple, sur des roches calcaires non recouvertes etplacées immédiatement sur du micaschiste ou des grauwackes.Partout où le grès houiller manque, on ne peut juger del’âge des roches calcaires que d’après des analogies de com-position et de couches intercalées: on les rapproche de telou tel groupe, comme le botaniste rapproche préalablementde telle famille ou de tel genre connus, une plante dont iln’a pu examiner le fruit. Ces hésitations et ces doutes, loin deprouver l’incertitude des classifications, parlent plutôt enfaveur de la marche méthodique que doit suivre la géognosiepositive. Le zechstein, en le considérant dans sa plus grande géné-ralité, est tantôt (dans les montagnes les plus élevées) unterrain d’une grande simplicité, tantôt (dans les plaines) ilest composé de plusieurs petites formations partielles, quialternent les unes avec les autres (Thuringe; Figeac, Au-tun, Villefranche). Sa couleur est le plus souvent grisâtreet bleuâtre, quelquefois rougeâtre: il passe, et surtout dansles hautes régions, du compacte au grenu à très-petitsgrains, et dans ce cas il est traversé par de petits filons despath calcaire. Ces caractères de couleur et de cassure nesont cependant pas d’une grande importance; car, selonque la matière colorante (carbure d’hydrogène et fer) setrouve diversement répartie, le zechstein et le calcaire detransition prennent quelquefois des teintes semblables:le premier devient noirâtre, et le second blanc-grisâtre.C’est ainsi que la couleur noire se trouve (duché d’Anhalt-Dessau; Hettstädt; Osnabrück) jusque dans le muschelkalk. |263| M. Freiesleben observe très-bien que le zechstein n’estgénéralement pas mat, mais un peu brillant (schimmernd),à cause d’un mélange intime de petites lames de spath cal-caire. Cet éclat, bien moindre sans doute que dans les cal-caires de transition, se remarque non-seulement dans lesmontagnes très-élevées, mais jusque dans les zechstein desplaines. C’est là aussi que cette roche devient parfois grenueà petits grains (au Deister et près de Hameln; entre Bol-kenhayn et Waldenbourg, et près de Tarnowiz en Silésie).J’ai trouvé cette même tendance à la structure cristallinedans le zechstein du Mexique et dans celui des Llanos deVenezuela: elle n’est pas causée, comme dans le calcairedu Jura, par un entassement de débris organiques, et ceseroit à tort qu’on attribueroit cette tendance exclusive-ment au calcaire de transition. De petits filets de spathcalcaire blanc traversant un calcaire bleuâtre, passant ducompacte au grenu, caractérisent sans doute plutôt le ter-rain de transition que le zechstein des plaines; mais dansles deux continens ces petits filons se retrouvent aussi dansles calcaires des hautes montagnes calcaires que, par leurgisement et par leurs bancs intercalés de sel gemme et d’ar-gile bitumineuse, je crois appartenir au zechstein. D’ailleurs,dans toutes les formations supérieures au grès rouge, on observeque (par une action probablement galvanique) les calcairesgris-noirâtre perdent leur principe colorant dans le voisinagedes fentes de stratification. Cette décoloration a lieu dans lesroches restées en place. L’accumulation du carbone ne seconserve que dans le centre des couches, et l’on diroit quela pierre ait été exposée au contact de la lumière et del’oxigène de l’atmosphère. De toutes les formations secondaires le zechstein est celledont les diverses assises ont été le plus minutieusement étu-diées: c’est aussi celle qui a le plus contribué à faire naîtredans le Nord de l’Allemagne, dans cette terre classique de lagéognosie, les premières idées précises sur l’âge relatif des ter-rains et sur la régularité avec laquelle ils se succèdent. Commeles schistes bitumineux et cuivreux du zechstein sont unobjet très-important d’exploitation, il a fallu percer cinqformations, le muschelkalk, le gypse fibreux et argileux, |264| le grès bigarré ou oolithique, le gypse feuilleté et salifère,et le zechstein, pour parvenir à la couche argentifère placéeentre le zechstein et le grès rouge. On peut dire que les tra-vaux des mineurs sur les schistes bitumineux du Mansfeld,en Allemagne, et sur les roches de houille en Angleterre,ont singulièrement favorisé les progrès de la géognosie de gise-mens, dont Stenon a eu la gloire d’avoir indiqué, le pre-mier, les véritables principes. Le zechstein ou calcaire alpin, la plus ancienne des for-mations secondaires, renferme, comme couches subordon-nées: des argiles schisteuses, carburées et bitumineuses; dela houille; du sel gemme; du gypse; du calcaire fétide,compacte ou en parties désagrégées (asche); du calcairemagnésifère; du calcaire à gryphites; du calcaire ferrifère(eisenkalk); du calcaire celluleux à grains cristallins (rauch-wacke); du grès; de la calamine, du plomb, du fer hydratéet du mercure. Nous joindrons à ces indications les substancesqui se trouvent quelquefois disséminées dans le zechstein,sans y former des couches continues, telles que le soufre,le silex (hornstein) et le cristal de roche. On distinguefacilement dans l’ensemble de ces masses trois séries bitu-mineuses ou carburées, muriatifères et métalliques. Leschiste cuivreux, rempli de poissons pétrifiés; le calcairefétide, le sel gemme et le gypse, la calamine et le plombsulfuré sont les types les plus importans de ces trois séries:ils servent jusqu’a un certain point, par leur concomitancegéognostique, à reconnoître la formation que nous décrivons,lorsque les rapports de gisement sont douteux. Argiles ou marnes schisteuses, carburées ou bitumineuses. L’ac-cumulation de carbone qui caractérise les terrains de transi-tion, surtout ceux qui sont les plus modernes, atteint sonmaximum dans le grès rouge: le carbone ne s’y montre pluscomme graphite ou comme anthracite, mais comme houillebitumineuse. La formation de calcaire alpin, si intimementliée à celle du grès rouge ou grès houiller, participe jusqu’àun certain point à cette abondance de carbone hydrogéné:tantôt c’est toute la masse de la roche (Bavière méridio-nale, et Merlingen sur le lac de Thun; dans l’Amériqueméridionale, montagnes de la Nouvelle-Andalousie) qui |265| est pénétrée de parties bitumineuses; tantôt ce ne sont quedes couches d’argile et de marnes intercalées qui contien-nent le bitume. La plus célèbre de ces couches est le schistecuivreux (kupferschiefer) du Mansfeld, que l’on retrouvedans le nouveau monde, renfermant des poissons fossiles,près de Ceara (plaines du Brésil), près de Pasco (à 2000 toisesde hauteur; Andes du Pérou), près de Mondragon (plateaudu Potosi), et près du Pongo de Lomasiacu (rives de l’Ama-zone, province de Jaen). Le plus souvent il n’y a qu’uneseule couche de schiste cuivreux, et cette couche se trouvecomme repoussée vers la limite inférieure du zechstein.C’est cette position qui l’a fait prendre long-temps pourune formation indépendante placée entre le zechstein et legrès rouge. D’autres fois (Conradswalde, Prausnitz et Hasel,en Silésie) il y a plusieurs bancs qui alternent avec lescouches du zechstein et qui méritent également d’être ex-ploitées. Le cuivre et le plomb argentifères ne se trouventqu’accidentellement accumulés dans cette formation partielle,et j’ai vu dans les deux continens (Chiemsée et Wallersée dans la Bavière méridionale; mines de Tehuilotepec au Mexique, montagne du Cuchivano près Cumanacoa) cesmarnes cuivreuses du Mansfeld représentées par de petitescouches d’argile schisteuse carburée, brun-noirâtre, foi-blement chargée de bitume et remplie de pyrites. Ce phé-nomène paroît lier le zechstein des plaines à celui des hautesmontagnes, dont la superposition au grès houiller est moinsévidente. Dans les Andes de Montan (à 1600 toises dehauteur; Pérou septentrional) des argiles noires de cinqà dix-huit pouces d’épaisseur alternent avec le zechstein.Les argiles schisteuses et marneuses oscillent, du zechsteinou calcaire alpin, d’un côté vers le grès rouge et le cal-caire de transition, de l’autre vers le calcaire du Jura. Dansle grès rouge se trouve répété le schiste cuivreux et argen-tifère, mais avec une grande accumulation de carbone(Suhl et Goldlauter en Saxe). Dans le calcaire de transition(Schwatz en Tyrol) les argiles deviennent plus micacées etpassent au thonschiefer de transition, renfermant (Glaris),comme les schistes du zechstein (Eisleben) et comme ceuxdu grès rouge (mine de Saint-Jacques près Goldlauter), des |266| poissons pétrifiés. Dans le calcaire du Jura les marnes sontplus calcarifères, d’une teinte plus claire, blanchâtres ougris-bleuâtre. Malgré les analogies que présentent quelque-fois les argiles schisteuses fortement carburées du zechsteinavec celles du grès houiller, ce n’est pourtant que dans cesderniers, qui recouvrent immédiatement les houilles, qu’ontrouve des empreintes de véritables fougères du groupe despolypodiacées. Les schistes cuivreux ne présentent que deslycopodiacées, famille que Swartz, depuis long-temps, a sé-parée des fougères. Houille. Quoique, comme nous venons de l’indiquer, l’ac-cumulation du carbone caractérise particulièrement la forma-tion du grès rouge, de même le bitume caractérise la formationdu calcaire alpin: cette dernière offre cependant aussi destraces de véritable houille, soit en couches (entre Nalzon et Pereilles dans les Pyrénées; à Huanuco dans les Andes du Pérou,à 2000 et 2200 toises de hauteur), soit comme parties dissémi-nées dans le schiste cuivreux (Eisleben, Thalitter, en Saxe).C’est un fait bien remarquable et anciennement observé, quela houille piciforme (jayet) se montre de préférence sur lesempreintes du corps des poissons pétrifiés: elle remplace dansces empreintes organiques le sulfure de fer, et (entre Mörsfeld et Münsterappel, dans le duché de Deux-ponts) le mercurenatif et le cinabre. Les couches de houille mêlées de coquillesmarines et d’ambre (Hering et Miesbach en Tyrol; Entre-vernes sur le lac d’Annecy en Savoie) ne se trouvent pasdans le zechstein: ce sont des lignites qui appartiennent àdes formations beaucoup plus récentes. Ils sont superposésau zechstein dans des bassins isolés, et ont, comme toutes lesformations locales, leurs grès et leurs argiles. Sel gemme et argile muriatifère. Les masses de sel gemmedans le calcaire alpin ou zechstein sont moins subordonnées àdes couches de gypse lamelleux, qu’à une formation particu-lière d’argile, qui a été long-temps négligée par les géognosteset que j’ai fait connoître sous le nom de salzthon (argile muria-tifère). Elle caractérise, dans les deux continens, les dépôtsde sel gemme, de même que l’argile schisteuse (schieferthon)ou argile à fougères caractérise les dépôts de houilles. Cetteformation muriatifère, dans laquelle le gypse ne se trouve |267| pour ainsi dire qu’accidentellement, a été l’objet principal demes recherches dans les voyages que j’ai entrepris par ordredu Gouvernement prussien, pendant les années 1792 et 1793,dans les mines de sel gemme de la Suisse, de l’Allemagne méri-dionale et de la Pologne. Je l’ai retrouvée, avec toutes sesnuances d’analogie les plus petites, dans les Cordillères del’Amérique équatoriale, et l’on ne sauroit douter que sa con-noissance physionomique ne soit du plus grand intérêt pourceux qui travaillent à découvrir des dépôts de sel dans lespays que l’on en a cru dépourvus jusqu’à ce jour. Les couleurs de l’argile muriatifère sont généralement (Hall, Ischel, Aussee) le gris de fumée, le gris blanchâtre et le grisbleuâtre (Berchtolsgaden et Wieliczka); quelquefois cetteargile est brun-noirâtre, brun-rougeâtre (leberstein des mi-neurs du Tyrol et de la Styrie), et même rouge de brique. Onla trouve ou en masses très-puissantes, ou disséminée en petitesparties rhomboïdes, soit dans le sel gemme (Zipaquira, dans la Nouvelle-Grenade), soit dans un gypse (Neustadt an der Aisch,en Franconie; Reichenhall en Bavière) qui est subordonné aucalcaire alpin. Les couleurs de l’argile muriatifère sont beau-coup plus variées et plus mélangées que celles de l’argileschisteuse qui couvre les houilles. La première fait un peud’effervescence avec les acides; ses couleurs sont dues à lafois au carbone et à l’oxide de fer. Sur le plateau de Bogota je l’ai vue mêlée d’asphalte et tachant les doigts en noir. Elleabsorbe rapidement l’oxigène de l’atmosphère, tant sous descloches que dans ces grandes excavations circulaires (Sink-werke, Wöhre), qui sont destinées à être remplies d’eaudouce pour lessiver la roche salifère. Sa consistance est extrê-mement variable; elle s’élève du tendre à la dureté du schistecuivreux. Souvent des masses tenaces (schlief) paroissent mê-lées de silice et donnent feu avec l’acier; leurs pièces sépa-rées sont alors testacées et courbes (krummschalig abgeson-derte Stücke). Empâtées dans une argile friable, elles for-ment une espèce de brèche porphyroïde. L’argile muriati-fère n’offre ni les paillettes de mica, ni les empreintes defougères de l’argile schisteuse des houilles: on y trouve ce-pendant quelquefois (Hallstadt, Wieliczka) des coquilles pé-lagiques. |268| Le sel gemme se présente de deux manières, ou dissé-miné en parcelles plus ou moins visibles dans le salzthon,ou formant des couches épaisses alternant avec des couchesargileuses. Cette disposition différente détermine le maximum (Wieliczka) ou le minimum (Ischel) de richesse dans lesmines; elle décide si le sel doit être exploité en grandesmasses (lapidicinorum modo, dit Pline, cæditur sal nativum),ou en lessivant la roche par l’introduction des eaux doucesdans des chambres souterraines. Lorsque le muriate de soudegris de fumée est disséminé en grains arrondis ou en petiteslames, ou d’une manière insensible à l’œil, il n’en forme pasmoins des croûtes continues autour des pièces séparées dusalzthon. Il remplit toutes les fentes qui divisent les massesen fragmens polyédriques. Il en résulte des brèches argileuses(Haselgebirge) cimentées par du sel gemme. Quelquefois degrandes masses d’argile (Hall en Tyrol) sont absolument dé-pourvues de muriate de soude; on les croit lessivées parl’action des eaux qui circulent dans la terre, et ce phéno-mène curieux semble favoriser l’hypothèse la plus ancienne-ment adoptée sur l’origine des sources salées. Le gypse grenu, blanc-grisâtre, rarement anhydre (mu-riacite), se trouve par couches plus ou moins épaisses dansle salzthon; il y abonde plus que dans le sel gemme; tou-jours son volume est de beaucoup inférieur à celui de l’ar-gile. Quelquefois le gypse est mêlé de calcaire fétide et decristaux de chaux carbonatée magnésifère (rauten- ou bit-terspath). Lorsque le sel ne forme pas de véritables bancsou des masses cristallines continues, il se trouve dans l’argilecomme amas entrelacé (Stockwerk), c’est-à-dire, en petitsfilons qui se croisent, se renflent et se traînent dans tous lessens. Ses fibres sont perpendiculaires au mur et au toit desfilons (Berchtolsgaden). D’autres fois le sel est réparti parcouches très-minces, parallèles entre elles, variées de cou-leur, sinueuses, généralement verticales (Hallstadt et Hallein),rarement inclinées de moins de 30° (Aussee). Partout où legypse grenu manque entièrement dans le salzthon, on le trouveremplacé par des cristaux épars de gypse spéculaire. Toutecette formation salifère renferme quelquefois disséminéesdes pyrites, de la blende brune et de la galène. A Zipaquira, |269| dans l’Amérique méridionale (mine de Rute), les pyrites etla chaux carbonatée ferrifère forment des concrétions par-ticulières en sphéroïdes aplatis, de 18 à 20 pouces de dia-mètre: ces sphéroïdes sont empâtés dans le salzthon, et ontau centre des creux de 3 à 4 pouces, remplis de fer spathiquecristallisé. Je n’ai point observé ce phénomène singulier dansles mines de sel gemme d’Allemagne, de Pologne et d’Espagne,que j’ai visitées; mais la fréquence des pyrites dans l’argilemuriatifère jette quelque jour sur l’odeur d’hydrogène sul-furé qu’exhalent si souvent les sources salées. La galène nese montre qu’en parcelles dans le dépôt salifère de Hall en Tyrol; mais elle s’est développée en grandes masses dans lesmontagnes de sel gemme (rouge-blanc et gris-noirâtre) àtravers lesquelles se sont frayé un chemin, sur une distancede deux lieues, le Rio Guallaga et le Rio Pilluana (province péruvienne de Chachapoyas, sur la pente orientale des Andes). Les dépôts de sel dans les deux continens se trouvent gé-néralement à découvert, comme les formations d’euphotideet de serpentine. Quelquefois ils supportent de petites cou-ches de gypse et de calcaire fétide qui leur appartiennentexclusivement. Il n’est par conséquent pas facile de pro-noncer sur l’âge relatif des dépôts muriatifères. La formationprincipale (Hauptsalzniederlage) me paroît évidemment ap-partenir au zechstein ou calcaire alpin; mais cette assertionn’exclut pas la probabilité que d’autres formations partiellesse trouvent intercalées aux terrains de transition, peut-êtremême aux terrains tertiaires. Les houilles, les oolithes et leslignites se sont aussi développés à des époques très-différentesles uns des autres; et cependant les gîtes principaux de cestrois substances sont le grès rouge, le calcaire du Jura etl’argile plastique. Pour traiter cet objet dans sa plus grandegénéralité, je vais indiquer successivement, d’après l’étatactuel de nos connoissances, les diverses formations de selgemme dans le calcaire de transition, dans le zechstein et legrès bigarré avec argile. Le gypse anhydre de Bex, qui renferme du sel gemmedisséminé et de petites couches subordonnées de grauwacke,appartient, selon les observations de MM. de Buch et Char-pentier, au calcaire de transition, mais probablement aux |270| dernières couches des terrains intermédiaires. De ce même âgeparoissent être aussi le gypse salifère de Colancolan (à l’estd’Ayavaca, Andes du Pérou), mêlé, comme le calcaire detransition de Drammen (Norwége), de trémolithe asbestoïde;les petits dépôts de S. Maurice (Arbonne en Savoie), et,d’après M. Cordier, la montagne de sel de Cardona en Espagne.Le gypse anhydre caractérise particulièrement ces dépôts sali-fères du terrain de transition. Dans l’Allemagne méridionale,sur les bords du Necker (Sulz au-dessus de Heilbronn; Frie-drichshall, entre Kochendorf et Jaxtfeld; Wimpfen, au-dessous de Heilbronn), on a découvert par des sondes de245 et de 760 pieds de profondeur, du sel gemme dans lezechstein. Les beaux travaux de MM. Glenk et Langsdorf nelaissent pas de doute à ce sujet. A Sulz on a percé successi-vement le muschelkalk, la formation d’argile et de grès bi-garré, un zechstein poreux, mais de très-peu d’épaisseur,et le grès rouge, reposant sur le granite de la Bergstrasse etdu Schwarzwald. A Friedrichshall et à Wimpfen, d’après lesobservations judicieuses de M. de Schmitz, les couches supé-rieures au zechstein manquent entièrement, et l’on a trouvédans celui-ci, qui est gris-bleuâtre et que, par cette raison,on a souvent confondu avec le calcaire de transition, descouches alternantes de sel gemme, d’argile salifère, et degypse blanc et grisâtre. Dans le grand-duché de Bade, ledépôt salifère paroît recouvert (Heinsheim près Wimpfen,sur le Necker; Stein, Mühlbach et Beyerthal, dans la valléedu Rhin; Kandern, dans le Schwarzwald) des mêmes rochesdont on a reconnu la série à la saline de Sulz. Je crois pouvoir citer encore comme une preuve bien évi-dente du gisement de la grande formation de sel gemme dansle zechstein ou calcaire alpin, la partie septentrionale duplateau de Santa-Fé de Bogota, où la mine de Zipaquira (Rute, Chilco et Guasal) se trouve à 1380 toises d’élévationau-dessus du niveau de la mer. Ce dépôt salifère, de plus de130 toises d’épaisseur, est recouvert de grandes masses degypse grenu, gypse que l’on voit intercalé, sur plusieurspoints très-voisins de la mine, au zechstein supporté par legrès rouge ou houiller. Il n’y a que sept lieues de distancedepuis la mine de charbon de terre de Canoas et la mine |271| de sel gemme de Zipaquira. D’autres dépôts de houilles(Suba, Cerro de Tunjos) sont plus rapprochés encore, etl’on voit le grès rouge, qui est très-quarzeux, sortir immé-diatement sous l’argile salifère de Zipaquira. Dans le Salzbourg, en Tyrol et en Styrie, il ne m’estresté jamais aucun doute, depuis les premiers temps que j’aivisité ces contrées, sur la liaison intime du sel gemme avecle zechstein. Beaucoup de géognostes célèbres (MM. de Buch et Buckland) partagent cette opinion: mais il faut convenirque, partout où l’âge du calcaire n’est pas suffisamment ca-ractérisé par la présence du grès houiller, et partout où le recouvrement du dépôt salifère par des couches d’un âge connun’est pas évident, le résultat des observations ne peut offrirune entière conviction. Dans la mine de Hall près d’Ins-pruck, on voit (galerie de Mitterberg) le dépôt de selgemme immédiatement recouvert par la formation calcairequi constitue la chaîne septentrionale des Alpes du Tyrol.Ce calcaire passe du blanc grisâtre au gris bleuâtre; lesnuances plus obscures sont souvent fétides. Il est générale-ment compacte, quelquefois un peu grenu à petits grains, ettraversé par des veines de spath calcaire blanc. Ces veines sontconsidérées par quelques géognostes, et peut-être d’une ma-nière trop absolue, comme caractérisant le calcaire de tran-sition. La roche n’alterne nulle part ni avec le thonschieferintermédiaire, ni avec le grauwacke: elle forme (Wallersée)des couches sinueuses et arquées, comme le calcaire du lacde Lucerne. M. de Buch y a trouvé fréquemment des pétri-fications de turbinites très-petites. C’est le seul endroit en Europe où j’ai vu une grande formation calcaire recouvririmmédiatement le sel gemme. Je la crois du zechstein, d’aprèsdes analogies de position et de structure; je l’ai vue passerquelquefois (Schlossberg près Séefeld; Scharnitz) à un calcairecompacte ayant la cassure matte, égale ou conchoïde, à cavitéstrès-aplaties, semblable au calcaire lithographique de la for-mation du Jura (lias). Les poissons pétrifiés qu’on rencontreentre Séefeld et Schönitz dans une marne bitumineuse, éloi-gnent encore plus le calcaire de Hall des calcaires de transi-tion; cependant, pour le caractériser indubitablement commezechstein, il faudroit le voir reposer sur le grès rouge (todt- |272| liegende), qui, d’après les observations de MM. Uttinger et Keferstein, paroît superposé aux roches intermédiaires entrele Ratenberg et Hering, comme près des anciennes minesde Schwatz. A Hallstadt (Törringer Berg) et à Ischel, nousavons vu, M. de Buch et moi, le calcaire alpin analogue àcelui de Hall, mais avec des teintes plus claires, souventrougeàtres, et plus abondant en pétrifications, superposé augypse qui couvre les dépôts de sel gemme. Cette superposi-tion est moins évidente à Hallein (mine du Durrenberg) età Berchtesgaden: le gypse qui couvre l’argile salifère, secache sous une poudingue calcaire (nagelfluhe) du terraintertiaire. Les dépôts de Hallein et de Berchtesgaden m’ontparu, comme celui de Wieliczka en Pologne, non intercalésau zechstein, mais superposés à cette formation. Je les croispostérieurs à la grande formation de houille; mais le grèsrouge manque dans leur voisinage, et le calcaire du paysde Salzbourg est immédiatement superposé (vallée de Ramsau)au grauwacke. M. Buckland regarde les calcaires qui cou-vrent l’argile salifère à Hallstadt, et même à Bex, commeappartenant au lias, qui est l’assise inférieure du Jura. Après le sel gemme des gypses anhydres de transition etaprès celui du zechstein vient, selon l’âge des formations, lesel du grès bigarré, ou, comme on dit plus exactement, du terrain d’argile et de grès bigarré. Ce terrain arénacé, appelépar les géognostes anglois nouveau grès rouge et marne rouge(new red sandstone and red marl), renferme les dépôts desel (Northwich) de l’Angleterre: il en renferme aussi en Alle-magne, soit près de Tiede (entre Wolfenbüttel et Brunswick),où MM. Haussmann et Schulze ont trouvé de petites massesde sel disséminées dans l’argile rouge du grès bigarré ooli-thique; soit à Sulz (royaume de Wurtemberg), où, avantd’avoir atteint les sources salées dans le zechstein, on a ren-contré immédiatement sous le muschelkalk, à 460 pieds deprofondeur, des rognons ou nids de sel dans une argilemarneuse (red marl). Cette argile recouvre, dans uneépaisseur de 210 pieds, le grès bigarré auquel elle appar-tient. Comme tout près de SulzFriedrichshall et Wim-pfen) le sel gemme alterne avec des marnes et du gypse in-tercalés au zechstein, on ne peut douter de l’affinité géo- |273| gnostique qui existe entre les deux formations du zechsteinet du grès bigarré. Les marnes et argiles salifères avec gypsegrenu se trouvent placées tantôt entre le zechstein et le grès,tantôt dans l’une et l’autre de ces formations. C’est aussi auterrain d’argile et de grès bigarrés qu’appartiennent et le selgemme de Pampelune en Espagne, examiné par M. Dufour,et le riche dépôt découvert, en 1819, en Lorraine près de Vic. Ce terrain d’argile bigarrée de Vic renferme de petitescouches de muschelkalk, et est recouvert à son tour de cal-caire jurassique. L’influence qu’une connoissance plus appro-fondie du gisement des roches a eue dans ces derniers tempssur les découvertes du sel en Souabe, en France et en Suisse (Églisau, canton de Zuric), est un phénomène bien digne deremarque. Je doute qu’on ait jusqu’ici des preuves bien certaines dela présence du sel gemme dans le muschelkalk; car il ne fautpas, comme nous le verrons bientôt, déduire ce gisement dela seule présence des sources salées. Le muschelkalk, dansses couches inférieures, alterne avec la formation d’argile etde grès bigarré: comme il renferme aussi quelquefois (Sulz-bourg près Naumbourg) des marnes avec gypse fibreux, ilne seroit pas bien surprenant que l’on y découvrît quelquesdépôts salifères. Des traces de ces dépôts ont été observés,près de Kandern, dans le calcaire jurassique. Existe-t-il des couches de sel dans les terrains tertiairesau-dessus de la craie? Plusieurs phénomènes géognostiquespeuvent le faire supposer; et l’on devroit presque être surprisque les dernières irruptions de l’océan dans les continensn’aient pas produit sinon des couches de sel gemme, du moinsde l’argile salifère. Cependant, dans l’état actuel de nos con-noissances, le problème que nous agitons n’est pas suffisam-ment éclairci. M. Steffens regarde les gypses à boracites de Lunebourg et de Seegeberg (Holstein) comme supérieursà la craie. Le second de ces gypses contient de petites massesde sel gemme disséminées; le premier donne naissance à dessources salées très-riches et très-abondantes. D’autres géo-gnostes croient la formation gypseuse à boracites beaucoupplus ancienne que le gypse à ossemens du terrain tertiaire,et presque identique avec les gypses du zechstein et du grès |274| bigarré. Les immenses dépôts salifères de Wieliczka et de Bochnia, ceux qui s’étendent depuis la Galicie jusqu’à la Bukowine et en Moldavie, paroissent reposer immédiate-ment sur le grès houiller, renfermant à la fois (et ce fait estassez extraordinaire) du gypse anhydre, des tellines, descoquilles univalves cloisonnées, des fruits à l’état charbon-neux, des feuilles et des lignites; ces dépôts ne sont recou-verts que de sables et de grès micacés. M. Beudant, dansson important ouvrage sur la Hongrie, semble pencher versl’opinion que ces sables et ces grès sont analogues à la mo-lasse d’Argovie, et que toutes les formations salifères aveclignites de la Galicie pourroient bien être contemporainesavec l’argile plastique (grès à lignites) du terrain tertiaire,placée entre la craie et le calcaire grossier de Paris (cal-caire à cérites). Ces bois bitumineux de Wieliczka, exha-lant l’odeur de truffes, méritent sans doute beaucoup d’at-tention; et si l’on veut admettre qu’ils ne se sont mêlésqu’accidentellement au sel gemme et qu’ils sont venus descouches sablonneuses superposées, il faut encore en con-clure que le sel gemme et les sables sont d’une origine très-rapprochée. Mais la présence des lignites est-elle une preuvebien convaincante de la grande nouveauté d’une couche? J’endoute. Nous savons que des lignites et des empreintes defeuilles dicotylédones se trouvent bien au-dessous de la craie,et dans les couches inférieures du calcaire du Jura (calcaireà gryphées arquées; Le Vay, Issigny, près de Caen), et dansle quadersandstein, et dans les petites couches charbon-neuses et marneuses (lettenkohle) du muschelkalk, et dansle grès bigarré de l’Allemagne, auquel appartiennent aussiles schistes argentifères du Frankenberg (Hesse). Il faut dis-tinguer avec soin les bois siliceux et pétrifiés des vrais lignitesou bois bitumineux (braunkohle); et si l’on ne reconnoîtque bien rarement ceux-ci dans les argiles du grès bigarré,on les trouve bien moins encore dans le zechstein, dont lesmarnes cuivreuses renferment seulement des fruits pétrifiés.Dans la Toscane on voit les sources salées du Volterrannoissourdre, d’après M. Brongniart, de couches marneuses quialternent avec du gypse grenu (albâtre) et qui sont immé-diatement recouvertes d’un terrain tertiaire. Quoiqu’il pa- |275| roisse presque impossible de prononcer sur l’âge des formationsnon recouvertes, plusieurs rapports de gisemens que j’ai eu occa-sion d’observer dans le nouveau continent, me rendent pro-bable l’existence des dépôts de sel dans le terrain tertiaire. Jene citerai pas les montagnes de sel gemme dans les vastes plainesau nord-est du Nouveau-Mexique, que M. Jefferson a faitconnoître le premier, et qui paroissent liées au grès houiller;mais d’autres dépôts très-problématiques, savoir, les argilessalifères superposées à des conglomérats trachytiques de la Villa d’Ibarra (plateau de Quito, à 1190 toises de hauteur),les énormes masses de sel exploitées à la surface de la terre(déserts du Bas-Pérou et du Chili) dans les steppes de Buenos-Ayres et dans les plaines arides de l’Afrique, de la Perse etde la Transoxane. Près de Huaura (entre Lima et Santa, surles côtes de la mer du Sud) j’ai vu le porphyre trachytiquepercer les couches du sel gemme le plus pur. L’argile muria-tifère d’Araya (golfe de Cariaco), mêlée de gypse lenticulaire,paroît placée entre le calcaire alpin de Cumanacoa, et lecalcaire tertiaire du Barigon et de Cumana. Sur tous cespoints le sel est accompagné de pétrole et d’asphalte en-durci. En comparant les dépôts de sel gemme d’Angleterre30 toises), de Wieliczka (160 t.), de Bex (220 t.), de Berch-tolsgaden (330 t.), d’Aussee (450 t.), d’Ischel (496 t.), de Hallein (620 t.), de Hallstadt (660 t.), d’Arbonne en Savoie (750 t.?) et de Hall en Tyrol (800 t.), M. de Buch a judicieusement observé que la richesse des dépôts diminueen Europe avec la hauteur au-dessus du niveau de l’océan.Dans les Cordillères de la Nouvelle-Grenade, à Zipaquira,d’immenses couches de sel gemme, non interrompues parde l’argile, se trouvent jusqu’à 1400 toises d’élévation. Il n’ya que la mine de Huaura, sur les côtes du Pérou, qui m’aitparu encore plus riche: j’y ai vu exploiter le sel en dales,comme dans une carrière de marbre. En Thuringe, un des pays dans lesquels on a reconnu, lepremier, la succession et l’âge relatif des roches, on a crulong-temps que les sources salées sont plus fréquentes dansle gypse grenu du zechstein que dans le gypse fibreux et ar-gileux du grès bigarré, et on a regardé le premier comme |276| exclusivement salifère. Les cavernes naturelles du gypse infé-rieur (salzgyps et schlottengyps) ont même été considéréescomme des cavités jadis remplies de sel gemme. En hasar-dant ces hypothèses, fondées sur un trop petit nombre d’ob-servations, l’on a oublié que les dépôts de sel sont beaucoupmoins caractérisés par le gypse grenu que par une argile(salzthon) très-analogue à l’argile du gypse supérieur oufibreux. Les sources salées, ou jaillissent réunies par groupes,ou se succèdent par bandes (traînées) sinueuses et diverse-ment alignées. La direction de ces fleuves souterrains paroîtindépendante des inégalités de la surface du sol. Telle estla circulation des eaux dans l’intérieur du globe, que lesplus salées peuvent souvent être les plus éloignées du lieuoù elles dissolvent le sel gemme. Un haut degré de salurene prouve pas plus la proximité de cette cause, que laviolence des tremblemens de terre ne prouve la proximitédu feu volcanique. Les sources s’engoufrent tantôt dans descouches inférieures; tantôt, par des pressions hydrostati-ques, elles remontent vers les couches supérieures. Ce n’estpas leur position seule qui peut nous éclairer sur le gisementdes dépôts salifères. Nous connoissons des sources salées, en Allemagne, dans le grauwacke schisteux du terrain de tran-sition (Werdohl en Westphalie); dans le porphyre du grèsrouge (Creuznach); dans le grès rouge même (Neusalz-brunnen près Waldenburg); dans le gypse du zechstein(Friedrichshall près Heilbronn; Wimpfen sur le Necker; Durrenberg? en Thuringe); dans la formation d’argile etde grès bigarré (Dax, en France; Schönebeck, Stasfurth, Salzder Helden, en Allemagne), et dans le muschelkalk (Halle?en Saxe; Süldorf, Harzburg). On peut ajouter à cette énu-mération le calcaire du Jura (Butz, dans le Frickthal), etpeut-être la molasse (grès tertiaire à lignites) de Suisse (Eglisau; essais de sonde de M. Glenck). Dans la recherchedu sel gemme il ne faut pas confondre de véritables dépôtsavec ces petites masses que des sources très-salées peuventavoir déposées accidentellement, par évaporation, sur lesfentes des rochers. Gypse et calcaire fétide. Des formations de gypse postérieurau gypse de transition (§. 20) se montrent dans toutes les for- |277| mations calcaires au-dessus du grès rouge, dans le zechstein,dans le grès rouge même, dans le musckelkalk (très-rarement),dans le calcaire du Jura et dans le terrain tertiaire. Le gypse(unterer gyps, schlottengyps de Werner) qui appartient auzechstein, se trouve moins en couches très-étendues qu’en amasirréguliers; souvent (Thuringe) il est superposé au zechsteinet recouvert par le grès bigarré. Il est compacte ou grenu, etalterne avec le calcaire fétide (stinkstein), tandis que le gypsedu grès bigarré (oberer gyps, thongyps de Werner) est plutôtfibreux et mêlé d’argile. Ces caractères de structure et demélange ne sont cependant pas généraux. Nous avons rappeléplus haut que, dans les gypses salifères du zechstein, l’ar-gile (salzthon) prend un développement extraordinaire. D’unautre côté, le gypse fibreux et argileux du grès bigarré offreaussi quelquefois des masses grenues (albâtre de Reinbeck,en Saxe), des brèches de calcaire fétide, et des cavitésspacieuses (gypsschlotten): trois phénomènes qui caractéri-sent plus généralement le gypse du zechstein. Tous ces phénomènes prouvent l’intimité des rapports quilient les deux grandes formations salifères, le calcaire alpinet le grès bigarré avec argile. Sous la zone équinoxiale dunouveau continent j’ai vu de fréquens exemples de couchesde gypse intercalées ou superposées au zechstein: dans les Llanos de Venezuela (Ortiz, Mesa de Paja, Cachipo); dans laprovince de Quito (plateau de Cuença près Money et entre Chulcay et Nabon); dans le plateau de Bogota (Tunjuellos, Checua, et à plus de 1600 toises de hauteur au-dessus duniveau de la mer, à Cucunuva); dans les plaines de l’Ama-zone (Quebrada turbia près Tomependa); au Mexique, entre Chilpansingo et Cuernavaca (près de Sochipala), et dans lesmontagnes métallifères de Tasco et de Tehuilotepec. Les couches de calcaire fétide sont ou subordonnées augypse et à l’argile muriatifère que renferme le zechstein,ou elles se présentent comme le résultat d’une accumula-tion accidentelle de bitume dans la roche du zechstein même.Cette accumulation donne lieu à des sources de goudronminéral, et peut-être aussi à ces feux d’hydrogène qui sor-tent du calcaire alpin, en Europe, dans les Apennins (Pietra Mala, Barigazzo); en Amérique, dans les montagnes |278| de Cumanacoa (Cuchivano, lat. 10°6′). Le calcaire fétidese trouve aussi, mais beaucoup plus rarement, dans le grèsbigarré et dans le muschelkalk (couches à bélemnites de Gœttingue?). La cendre (asche) et le rauhkalk des mineursde Thuringe ne sont que des variétés pulvérulentes ou cris-tallines et poreuses du calcaire fétide appartenant au zech-stein. Comme le calcaire fétide est en Europe constammentdépourvu de pétrifications, je rappellerai ici que dans lesplaines de la Nouvelle-Grenade (vallée du Rio Magdalena,entre Morales et l’embouchure du Caño Morocoyo), M. Bonpland a trouvé, dans une variété de cette même roche,qui étoit noir-grisâtre, un peu brillante à l’extérieur, forte-ment bitumineuse et traversée de veines de spath calcaireblanc, des térébratulites et des pectinites. Calcaire magnésifère. Il faut distinguer, en géognosie, entreles couches intercalées au zechstein (gypse, sel gemme, sul-fure de plomb), dont la composition chimique diffère entiè-rement de celle de la roche principale, et les modifications par-tielles de cette même roche. Les modifications qui affectentla structure (le grain plus ou moins cristallin, la formeoolithique, la porosité) et le mélange (calcaire magnésifère,calcaire ferrifère), sont moins importantes qu’on ne pour-roit le supposer au premier abord. On en trouve des analo-gies dans des formations d’un âge très-différent: elles carac-térisent certains terrains dans des cantons de peu d’étendue;mais, lorsqu’on compare des régions très-éloignées, on voitqu’elles ne les caractérisent pas même autant que les couchesintercalées qui sont chimiquement hétérogènes. En Angle-terre, la grande masse de calcaire magnésifère (magnesianlimestone, red-land-limestone de M. Smith), souvent pétriede madrépores (Mendiphills près Bristol) et liée à une brèchecalcaire ou à des couches celluleuses (Yorckshire) sem-blables au rauchwacke, est sans doute parallèle au zech-stein; elle est placée entre les formations de houille et de selgemme: cependant, en Angleterre, comme dans quelquesparties du continent, d’après les recherches de MM. Buck-land, Brongniart, Beudant, Conybeare, Greenough et Phi-lipps, le mélange de magnésie et de chaux carbonatée,dont Arduin a reconnu l’existençe dans le Vicentin dès |279| l’année 1760, se rencontre également dans le grès bigarréavec argile (red-marl), dans le calcaire oolithique du Jura,dans la craie et dans le calcaire grossier (parisien) duterrain tertiaire. Peut-être même qu’en Hongrie et dansune partie de l’Allemagne les calcaires magnésifères appar-tiennent plutôt au grès bigarré et aux formations oolithi-ques du Jura qu’aux zechstein. Ces roches sont en généraljaune de paille (de Sunderland à Nottingham) ou blanc-rougeâtre, tantôt compactes, tantôt un peu grenues, nacréeset brillantes dans la cassure; quelquefois on les trouvecelluleuses et traversées par des veines de spath calcaire.Elles font une effervescence lente avec les acides, et, commela véritable dolomie des terrains primitifs, elles ne formentsouvent que de minces couches dans un calcaire non magné-sifère. Si, dans le magnesian limestone et dans le red-marlavec sel gemme, deux formations placées entre le dépôthouiller et le dépôt oolithique, on reconnoît en Angle-terre le zechstein et le grès bigarré du continent, il nefaut pas oublier qu’en Allemagne et en Hongrie le zech-stein est lié au grès rouge ou grès houiller, tandis qu’en Angleterre le dépôt de houille se trouve généralement engisement discordant avec le magnesian limestone, et qu’il yappartient presque encore au terrain de transition. Les troisgrands dépôts de houille, de sel et d’oolithes, qui servent,pour ainsi dire, de repaires au géognoste, lorsqu’il essaiede s’orienter dans un pays inconnu, sont partout placés demême; mais l’enchaînement mutuel des formations et ledegré de leur développement varient selon les localités.Lorsqu’en Angleterre, par la suppression du nouveau conglo-mérat rouge (todtes liegende), le calcaire magnésifère (zech-stein) repose immédiatement sur le dépôt de houilles (Dur-ham, Northumberland), la houille est regardée comme d’unequalité inférieure. Calcaire ferrifère, rauchwacke et calcaire à gryphites. Le cal-caire ferrifère (eisenkalk, zuchtwand) est une roche bru-nàtre ou jaune-isabelle, tantôt compacte, tantôt grenue etcaverneuse, pénétrée de fer spathique, formant des couchesdans l’assise supérieure du zechstein (Cammsdorf, Schmal-kalden, Henneberg). Elle est quelquefois traversée par les |280| schistes cuivreux, et prend un tel développement qu’elle rem-place toutes les assises inférieures du zechstein. Lorsqu’elledevient gris-noirâtre, chargée de bitume et caverneuse, onlui donne en Allemagne le nom de rauchwacke. Les cavitésdu rauchwacke sont anguleuses, longues et étroites, tapis-sées de cristaux de carbonate de chaux. Cette petite forma-tion partielle, que M. Karsten, dans sa Classification desRoches, avoit confondue avec la partie caverneuse et spon-gieuse du calcaire du Jura, est quelquefois magnésifère,imparfaitement oolithique (Cresfeld), et mêlée de quarzgrenu. La pierre fétide, le calcaire ferrifère et le rauch-wacke sont intimement liés entre eux. C’est au rauchwackeaussi qu’appartient en grande partie cet amas de gryphites(G. aculeatus) que l’on appelle calcaire à gryphées épineuses (gryphitenkalk), qui caractérise le zechstein et qui (commenous le verrons plus bas) forme une couche plus ancienneque le calcaire à gryphées arquées, qui est une des assises infé-rieures du calcaire du Jura. Grès. Partout où le zechstein ou calcaire alpin s’est déve-loppé seul en grandes masses, et n’est par conséquent pasintercalé au grès rouge, les couches de grès sont très-rares.J’en ai reconnu cependant quelques-unes dans les montagnesde Cumana (Impossible, Tumiriquiri). Ce grès intercalé auzechstein est extrêmement quarzeux, dépourvu de pétrifica-tions, et alterne avec des argiles brun-noirâtre. M. de Buch a observé un phénomène entièrement analogue en Suisse,dans le calcaire alpin du Molesson et dans celui du Jaunthal près de Fribourg. Dans les Cordillères du Pérou, près de Huancavelica, à plus de 2000 toises d’élévation au-dessusdu niveau de l’océan (mine de Santa-Barbara), une immensecouche de grès aussi quarzeux que le grès de Fontainebleau,et renfermant un dépôt de mercure, forme une couche dansle calcaire alpin. Même le zechstein de Thuringe offre quel-quefois de petites couches de grès, extrêmement quarzeuses,qui traversent le schiste cuivreux. Une marne arénacée(weissliegende) se trouve sur les limites du zechstein et dugrès rouge. Elle varie beaucoup dans sa composition, etrappelle les bancs de grès du Tumiriquiri dans l’Amériqueméridionale. Le weissliegende de Thuringe est généralement |281| calcarifère, et renferme des grès et des conglomérats siliceux.M. Freiesleben y a trouvé (Helbra) des concrétions globu-leuses semblables à celles que j’ai recueillies dans l’argilesalifère du zechstein de Zipaquira. Nous rappellerons, à cetteoccasion, que le calcaire alpin des Pyrénées n’est pas seule-ment mêlé de sable et de mica, mais qu’il renferme aussi desbancs de grès argileux. Plomb sulfuré, fer hydraté, calamine, mercure. Ces quatrepetites formations métalliques caractérisent le zechstein dansles deux hémisphères. La galène argentifère commence déjàà se montrer en petites masses dans le schiste cuivreux de la Thuringe: mais, en Silésie et en Pologne, elle forme (Tarno-witz, Bobrownik, Sacrau, Olkusz, Slawkow) des couchestrès-étendues dans le zechstein, par conséquent au-dessus duriche dépôt de houille de Ratibor et de Beuthen. Dans cesmêmes contrées les couches de fer hydraté (Radzionkau) etde calamine (Piekary), parallèles entre elles, sont d’une ori-gine plus récente que la couche de fer sulfuré argentifèrede Tarnowitz. Déjà dans le calcaire grenu et dépourvu decoquilles, qui couvre cette dernière couche, on trouve dis-séminé dans des cavités alongées de petites masses de ferbrun et de zinc oxidé concrétionné. Près d’Ilefeld au Harz tout le zechstein est imprégné de cette dernière substance.Quant aux couches de galène et de calamine du Sauer-land, de Brilon, d’Aix-la-chapelle et de Limbourg, ellessemblent, d’après les discussions judicieuses de MM. de Rau-mer et Nœggerath, malgré leur analogie apparente avec lesformations de la Haute-Silésie, appartenir aux terrains detransition les plus récens. On diroit que dans les deuxcontinens il existe une affinité géognostique (ou de gise-ment) bien remarquable entre les roches calcaires et leplomb sulfuré plus ou moins argentifère: nous voyons cedernier en Europe dans le calcaire intermédiaire (filons deSchwatz en Tyrol, et du mountain-limestone de Northum-berland, de Yorck et du Derbyshire), et dans le calcairealpin (couches de la Haute-Silésie et de la Pologne; magnesianlimestone de Durham). Sur le plateau de la Nouvelle-Espagne les minérais de plomb du district de Zimapan (Real del Cardo-nal, Lomo del Toro), de même que celles de Liñarès et du |282| Nouveau-Saint-Ander, appartiennent aussi à des calcaires quisont mêlés de pierre fétide et qui succèdent immédiatementà la formation houillère. La calamine se rencontre dans le calcaire magnésifère del’Angleterre (Mendiphills) comme dans le zechstein de la Haute-Silésie. Quant aux couches argileuses de fer hydraté,elles offrent, dans le calcaire alpin des Andes du Pérou,un caractère particulier; elles sont intimement mêlées d’ar-gent natif filiforme et de muriate d’argent. Ce mélange defer oxidé et d’argent, que nous avons fait connoître, M. Klaproth et moi, est connu sous le nom de pacos: il se trouvedans la partie équinoxiale des deux Amériques, remplissantla partie supérieure des filons, et présente dans cette posi-tion une analogie bien remarquable avec les masses terreuseset ochracées (non argentifères) que les mineurs de l’Europe désignent vulgairement par le nom de chapeau de fer desfilons (eiserne Hut). Le plus riche exemple que je connoissed’une couche de pacos dans le calcaire alpin, est le dépôt dela montagne de Yauricocha (Cerro de Bombon, Cordillèrepéruvienne de Pasco), situé à plus de 1800 toises de hauteurabsolue. Quoique les exploitations de ce gîte de fer oxidé,qui abonde en argent, n’aient généralement atteint jusqu’icique la profondeur de 15 à 20 toises, elles ont fourni, dans lesdernières vingt années du dix-huitième siècle, plus de cinqmillions de marcs d’argent. Aux yeux du géognoste expéri-menté ce gîte remarquable n’est qu’un développement par-ticulier des couches de fer hydraté que présente le zechsteinde la Haute-Silésie, et qui passent quelquefois (Pilatus et Wallensée en Suisse) au fer lenticulaire. La présence simultanée du mercure dans le grès houilleret dans le calcaire alpin ajoute aux rapports que nous avonsindiqués entre ces deux formations. En Carniole (Idria), leminérai de mercure se trouve, d’après MM. Héron de Ville-fosse et Bonnard, dans un schiste marneux semblable auxmarnes cuivreuses du Mansfeld. Au Pérou, près de Huan-cavelica, le cinabre est en partie disséminé dans le grès ex-trêmement quarzeux qui forme une couche (Pertinencias delBrocal, de Comedio et de Cochapata, mine de Santa-Barbara)dans le calcaire alpin; en partie il remplit des filons (mon- |283| tagne de Sillacasa) qui se réunissent en amas et traversentimmédiatement le calcaire alpin. Après avoir nommé cette grande variété de véritablescouches que renferme la formation dont nous tâchons de faireconnoître les rapports de gisement, de structure et de com-position, il me reste à indiquer les substances qui s’y trou-vent simplement disséminées. Je me bornerai à nommer lesilex, le cristal de roche et le soufre. Le silex commun (hornstein), très-rare dans le zechsteindes plaines (Thuringe), caractérise ce même terrain dans larégion alpine des Pyrénées, de la Suisse (Mont Bovon, la Rossinière), du Salzbourg et de la Styrie (au-dessus de Hall-stadt; Potschenberg; Goisern); il passe souvent au jaspe etau silex pyromaque (feuerstein). En Europe, le silex ducalcaire alpin ne se trouve que par rognons ou par nodulessouvent disposés sur une même ligne; mais, dans les Cor-dillères du Pérou, au milieu des riches mines d’argent de Chota (près de Micuipampa, lat. austr. 6° 43′ 38″), lesilex forme une couche d’une épaisseur prodigieuse. Lamontagne de Gualgayoc, qui s’élève comme un château fortsur un plateau de 1800 toises de hauteur, en est entière-ment composée. Le sommet de cette montagne est terminépar une innombrable quantité de petits rochers pointus,ayant chacun de larges ouvertures que le peuple appelle fenêtres (ventanillas). Le silex (panizo) de Gualgayoc est unhornstein écailleux, blanc-grisâtre, â cassure matte, souventunie, intimement mêlé de fer sulfuré. Il passe tantôt auquarz, tantôt à la pierre à fusil. Dans le premier cas il estcelluleux, à cavités irrégulières, tapissées de cristaux dequarz. De grandes masses de ce panizo, dans lequel des filonsd’argent gris et rouge et des filons de fer magnétique formentdes amas entrelacés d’une richesse extraordinaire, ressemblentau calcaire siliceux du terrain tertiaire de Paris; mais on voitclairement, dans plusieurs de ces mines (Choropampa, à l’estdu Purgatorio près du ravin de Chiquera), que ce hornsteinmétallifère est une couche de forme irrégulière, intercaléeau zechstein ou calcaire alpin. Il enchâsse de grandes massescalcaires, et alterne quelquefois (Socabon de Espinachi)avec cette même argile brun-noirâtre et schisteuse que l’on |284| trouve dans le calcaire alpin de Montan, et qui rend lesfilons entièrement stériles. Le hornstein est dépourvu descoquilles qui abondent dans la roche principale et qui rem-plissent même quelquefois les filons. Une énorme masse dematière siliceuse, qu’on trouve comme fondue au milieu d’uncalcaire secondaire, à couches arquées et renfermant desammonites de 8 — 10 pouces de diamètre, est sans douteun phénomène géognostique bien remarquable. Existe-t-il(environs de Florence) des rognons de silex corné dans lescalcaires de transition? De quel âge sont les calcédoineset les jaspes disséminés dans les Monti Madoni de Sicile? Le calcaire alpin de Cumanacoa (Amérique méridionale)renferme, comme celui de Grosörner (Thuringe), des cristauxde roche disséminés. Ces cristaux ne se trouvent pas dansdes cavités, mais enchâssés dans la roche, comme le feldspathl’est dans le porphyre, et comme le cristal de roche ou le bo-racite le sont dans des gypses modernes. Le soufre natif, que nous avons déjà vu dans le quarzgrenu du terrain primitif et dans le gypse de transition(Sublin près de Bex), reparoît dans le calcaire alpin (Py-rénées, près d’Orthès et près de la forge de Bielsa; Sicile, Val de Noto et Mazzara), et dans le gypse feuilleté (Nou-velle-Espagne, Pateje près Tecosautla) qui appartient àcette dernière formation. Cependant la majeure partie dusoufre dont abondent les régions équinoxiales de l’Amérique,se rencontre dans les trachytes porphyriques et dans les ar-giles du terrain pyrogène. Les opérations de Bouguer et de La Condamine ayant étéfaites dans une portion des Andes où dominent les forma-tions de trachytes, il s’est répandu en Europe, parmi beau-coup de fausses idées sur la structure des Cordillères, cellede l’absence des coquilles et des formations calcaires dansla région équinoxiale. Encore vers la fin du dix-huitièmesiècle, l’Académie des sciences invita M. de La Peyrouse (Voyage, T. I, p. 169) de rechercher, «s’il est vrai que«près de la ligne, ou plus que l’on s’en approche, les mon-«tagnes calcaires s’abaissent jusqu’à n’être plus qu’au niveau«de la mer.» Dans des ouvrages plus récens ( Greenough, Crit. examination of Geology, p. 288) on révoque en doute |285| l’existence des ammonites et des bélemnites dans l’Amériquedu Sud. En faisant connoître la superposition des rochesen différentes parties du nouveau continent, j’ai indiqué àquelle hauteur prodigieuse s’élèvent les couches coquillièresde zechstein dans les Cordillères du Pérou et de la Nouvelle-Grenade. Il ne faut pas croire que les grandes révolutionsqui ont enseveli les animaux pélagiques, se soient bornées àtel ou tel climat. Dans les régions les plus éloignées les unes des autres noustrouvons, dans la formation du zechstein ou calcaire alpin,des gryphites (G. aculeata), des entroques (formant d’aprèsl’observation curieuse de M. de Buch, dans beaucoup departies de l’Allemagne, une couche distincte sur la limitedu calcaire alpin et du grès houiller); des térébratulites(T. alatus, T. lacunosus, T. trigonellus); des pentacrinitesd’une grande longueur; un trilobite du schiste cuivreux,qui, génériquement, n’est peut-être point encore suffisam-ment examiné (T. bituminosus); des ammonites (plus raresque dans le muschelkalk et dans les marnes du calcairedu Jura); quelques orthocératites; des poissons qui avoientdéjà fixé l’attention des anciens ( Aristot., Mirab. auscultat.,ed. Beckmanniana, c. 75; Livius, lib. 42 ,c. 1); des ossemensde monitor, peut-être même (Tocayma et Cumanacoa dansl’Amérique méridionale) de crocodiles; des empreintes delycopodiacées et de bambusacées; point de vraies fougères,mais, ce qui est très-remarquable (marnes bitumineuses de Mansfeld), des feuilles de plantes dicotylédones analogues auxfeuilles du saule. On observe que les coquilles du calcairealpin (Ammonites ammonius, A. amaltheus, A. hircinus, Nautilitesovatus, Pectinites textorius, Pectinites salinarius, Gryphites gigas,G. aculeatus, G. arcuatus, Mytulites rostratus) sont moins dissé-minées dans la masse entière de la roche, comme c’est le casdans les deux formations du muschelkalk et du calcaire duJura, qu’accumulées sur certains points, et souvent à degrandes hauteurs. Sur des étendues de pays très-considéra-bles, le calcaire alpin paroît quelquefois dépourvu de dé-bris organiques. Nous avons indiqué dans les pages précédentes les forma-tions de l’Amérique équinoxiale qui appartiennent au zech- |286| stein. Ce sont, dans la chaîne du littoral de Caracas, lescalcaires de Punta Delgrada, de Cumanacoa et du Cocollar,renfermant, non du grauwacke, mais du grès quarzeux etdes marnes carburées; dans la Nouvelle-Grenade, le calcairede Tocayma et du plateau de Bogota, supportant le sel gemmede Zipaquira; dans les Andes de Quito et du Pérou, les cal-caires de la province de Jaen de Bracomoros, de Montan etde Micuipampa, placés sur le grès houiller et enchâssantd’énormes masses de silex; dans la Nouvelle-Espagne, lescalcaires du Peregrino, de Sopilote et de Tasco, entre Mexico et Acapulco. Plusieurs de ces masses calcaires d’une énormeépaisseur, et supportant des formations de gypse et de grès,sont superposées, non au grès houiller, mais à des porphyresde transition très-métallifères et liés, du moins en appa-rence, sur quelques points, à un terrain décidément tra-chytique. On observe, dans le nouveau continent commedans l’ancien, que, là où le calcaire alpin a pris un granddéveloppement, le grès houiller manque presque entière-ment, et vice versa. Cet antagonisme dans le développementde deux formations voisines m’a frappé surtout à Guaxanuato (plateau central du Mexique) et à Cuença (plateau centralde Quito), où abondent les grès houillers: il m’a frappédans les Cordillères de Montan (Pérou) et à Tasco (Nouvelle-Espagne), où abonde le calcaire alpin. Quand le grès houiller,nous le répétons ici, n’est point visible ou qu’il ne s’est pasdéveloppé, les limites entre le calcaire alpin et le calcairede transition sont très-difficiles à tracer. En excluant du ter-rain secondaire tous les calcaires bleu-grisâtre traversés pardes veines de spath calcaire blanc et par des couches d’argîleet de marnes, les formations de Cumanacoa, de Tasco et de Montan (Venezuela, Pérou et Mexique), comme celles desAlpes les plus septentrionales du Tyrol et du Salzbourg, de-viendroient des formations de transition. J’incline à croireque les formations que nous venons de nommer, de mêmeque celles du Mole, du Haacken et du Pilatus, sont les plusanciennes couches du zechstein, qui se lient au calcaire detransition de la Dent de Midi, de l’Oldenhorn et de l’Orteler.Beaucoup de roches se succèdent par un développement pro-gressif, et il paroît tout naturel que les dernières assises |287| d’une formation plus ancienne offrent une grande analogiede structure avec les premières assises de la formation su-perposée. On a récemment voulu placer parmi les couches interca-lées au zechstein ou calcaire alpin des grünstein et des do-lérites, que nous connoissons déjà comme subordonnées augrès houiller dans plusieurs parties de l’Europe; on a mêmeindiqué, comme superposé aux calcaires alpin et jurassique,des syénites, des porphyres et des granites secondaires. Cesont là les roches de la partie sud-est du Tyrol (vallées de Lavis et de Fassa; Recoaro) sur lesquelles le comte Marzari-Pencati a publié de si curieuses observations. Le gisementde ces substances étant encore un point de géologie très-contesté, je dois me borner ici à présenter les données duproblème et l’état d’une question si digne de l’attention desgéognostes. Déjà M. de Buch avoit remarqué, en 1798, qu’entre Per-gine et Trento (Lago di Colombo, Monte-Corno) le porphyrede transition (ou plutôt celui du grès rouge?) alterne avecle calcaire alpin du terrain secondaire. Ce calcaire est remplid’ammonites et de térébratulites. L’alternance est évidente,et les porphyres, si communs partout ailleurs dans le grèshouiller, débordent ici dans le calcaire alpin, de même quesur le revers oriental des Andes du Pérou (Chamaya) j’ai vudéborder dans cette même formation la roche de quarzcompacte qui représente le grès houiller. C’est une pénétration du terrain inférieur dans un terrain superposé: phénomènequi peut d’autant moins nous surprendre, qu’en Silésie, en Hongrie et dans plusieurs parties de l’Amérique équinoxiale le grès rouge ou grès houiller est intimement lié au zechstein.Les porphyres du Tyrol méridional s’élèvent (montagne deForna) jusqu’à 1500 toises de hauteur. ( Buch, Geogn. Beob., T. I, p. 303, 309, 315, 316.) M. de Marzari, dont les recher-ches ont commencé en 1806, croit avoir vu se succéder de basen haut, dans les environs de Recoaro, du micaschiste, de ladolérite (remplissant en même temps les filons qui traversentle micaschiste, et renfermant du pyroxène et du fer titané);du grès rouge avec houille et marnes bitumineuses; du zech-stein, dont les couches inférieures sont un calcaire à gry- |288| phites; une formation de porphyres syénitiques avec desamygdaloïdes intercalées. Dans la vallée de Lavis (Avisio),M. de Marzari indique, toujours de bas en haut, du grauwacke,du porphyre, du grès rouge, du calcaire alpin, du calcairedu Jura, du granite et des masses noires pyroxéniques dé-pourvues d’olivines. D’après l’intéressant mémoire publiépar M. Breislak, le granite secondaire placé sur le calcairealpin est entièrement semblable au plus beau granite d’Égypte:il renferme (Canzacoli delle coste, Pedrazzo) de grandes masses de quarz avec tourmaline; il rend grenu à son contact(à plusieurs toises de profondeur) le calcaire qui le supporte,et passe tantôt à une roche pyroxénique, tantôt à un porphyreà base feldspathique noire, tantôt à la serpentine. ( Marzari, Cenni geologici, 1819, p. 45; Id., Nuevo osservatore Vene-ziano, 1820, n.° 113 et 127; Breislak, Sulla giacitura dellerocce porfiritiche e granitose del Tirolo, 1821, p. 22, 25, 52; Marzari, Lettera al signor Cordier, 1822, p. 3; Maraschini, Obs. géogn. sur le Vicentin, 1822, p. 17.) Entre la Piave etl’Adige un mandelstein agathifère, qui rappelle ceux dugrès rouge, surmonte le calcaire alpin: c’est, dit-on, uneformation parallèle aux couches du granite secondaire. Unexcellent géognoste, M. Brocchi, qui a publié dès l’année1811 un mémoire sur la vallée de Fassa, n’a pas seulementvu des grünstein en partie pyroxéniques couvrir des calcairesqu’il croit de transition, mais qui passent dans leurs couchessupérieures au calcaire alpin avec silex; il a reconnu aussi cesgrünstein pyroxéniques comme alternant avec les calcaires(Melignon, Fedaja). Récemment M. de Marzari a annoncéavoir vu (Grigno de la Piave, Cimadasta) le granite et lemandelstein agathifère surmonter le terrain de craie, et seranger parmi les roches tertiaires. Je consigne ici des faits de gisement bien extraordinaires,et sur lesquels sans doute M. de Buch, qui a visité récemmentla vallée de Fassa, va répandre un nouveau jour. Les rapportsde gisement de ces contrées paroissent très-compliqués. Laroche dans laquelle les grünstein et les dolérites se trouventintercalés, est-elle bien certainement du zechstein, ou appar-tient-elle au terrain de transition? Ces grünstein et ces dolé-rites se trouvent-ils en couches ou en filons? Les roches feld- |289| spathiques grenues (appelées syénites et granites à trois élé-mens) sont-elles oryctognostiquement analogues aux rocheshomonymes de Christiania, ou sont-elles des trachytes? Enadmettant que la superposition des roches ait été observée avecprécision, et que les divers terrains aient été bien nommés, onverroit se répéter ici, dans des formations secondaires, les phé-nomènes que MM. de Buch et Haussmann ont fait connoître lespremiers dans la série des formations intermédiaires. L’alter-nance de roches sédimentaires, arénacées et cristallines,continueroit, comme par séries périodiques, jusque vers lesterrains les plus modernes. Nous savions déjà, par les bellesobservations de MM. Mac-Culloch et Boué, qu’en Écosse etdans plusieurs parties du continent des roches grenues, por-phyriques, syénitiques et pyroxéniques, pénètrent du terrainde transition dans le grès houiller. Le calcaire alpin est im-médiatement superposé à la formation de porphyre et degrès rouge; il est géognostiquement lié avec cette formation.D’après ces données il ne seroit pas très-surprenant, ceme semble, de voir intercalé au calcaire alpin ces mêmescouches cristallines (amphiboliques et feldspathiques) quel’on a déjà reconnues dans le grès houiller. La géognosie po-sitive doit offrir un enchaînement de faits bien observés etjudicieusement comparés entre eux. Elle n’enseigne pas quela répétition de certains types cristallins s’arrête nécessaire-ment au grès houiller. Les observations de M. de Marzari nerenverseront par conséquent aucune loi géognostique. Sielles sont confirmées par des recherches ultérieures, ellesagrandiront plutôt nos vues sur ce phénomène curieux d’al-ternance dans des formations les plus éloignées les unes desautres. Comme des filons remplis de grünstein, de syéniteset de masses pyroxéniques, traversent, dans plusieurs par-ties des deux continens, les granites primitifs, les thonschiefer,les porphyres de transition, les calcaires secondaires et mêmeles formations supérieures à la craie, plusieurs géognostescélèbres ont soupçonné que les roches problématiques desrives de l’Avisio (Lavis) pourroient bien être des massesvolcaniques, des coulées de laves venues d’en-bas (de l’in-térieur de la terre) par des crevasses. Ce soupçon paroîtfortifié par l’analogie des roches cristallines, que l’on assure |290| être indifféremment superposées à des formations d’un âgetrès-différent (au calcaire alpin, au calcaire du Jura et à lacraie); mais les grandes masses de quarz qui entrent dans lacomposition des roches appelées par MM. de Marzari et Breislak granites secondaires, semblent éloigner ces rochesproblématiques des productions modernes des volcans. Il fautespérer que des observations souvent répétées sur les lieuxvont bientôt lever tous ces doutes. L’incrédulité dédaigneuseest aussi funeste aux sciences qu’une trop grande facilité àadopter des faits incomplétement observés. Il faudra surtoutdistinguer entre des masses (trachytiques?) qui se sont ré-pandues sur des formations secondaires et qui seulement leursont superposées, et des masses (amphiboliques, pyroxéni-ques, syénitiques) qui pourroient leur être intercalées. Cettedifférence de gisement seule peut être l’objet d’une observa-tion directe; le problème de l’origine des couches cristal-lines superposées ou intercalées appartient à la géogonie.Beaucoup de roches très-anciennes ne sont peut-être aussique des nappes de matières fondues; et les questions géogo-niques auxquelles donnent lieu les roches de Fassa, peuventen partie s’appliquer aux porphyres et aux grünstein pyroxé-niques intercalés au grès houiller. Il faut décrire dans chaqueformation ce qu’elle renferme et ce qui la caractérise. Lagéognosie positive s’arrête à la connoissance des gisemens.
  • III. Dépôts arénacés et calcaires (marneux et oolithiques)placés entre le zechstein et la craie, et liés a ces deuxterrains.
En remontant depuis le terrain de transition par les rochessecondaires au terrain tertiaire, le phénomène de l’alter-nance entre des couches calcaires et arénacées devient deplus en plus frappant. On voit alterner d’abord des calcairesintermédiaires blancs et cristallins (Tarantaise), ou compacteset carburés, avec des grauwackes; puis se succèdent le grèsrouge, le calcaire alpin ou zechstein, le grès bigarré (redmarl), le muschelkalk (calcaire de Gœttingue), le quader-sandstein (grès de Königstein), le calcaire du Jura (formationoolithique), le grès vert ou grès secondaire à lignites (greensand), la craie, le grès tertiaire à lignites (argile plastique), |291| le calcaire parisien, etc. Je rappelle ici six alternances dedouze formations intermédiaires, secondaires et tertiaires(arénacées et calcaires), d’après leur ancienneté relative,comme si, dans un seul point de la terre, ces roches s’étoienttoutes simultanément développées. Par la suppression fré-quente de quelques-unes d’elles, surtout du grès bigarré, dumuschelkalk et du quadersandstein, le calcaire (oolithique)du Jura repose parfois immédiatement sur le calcaire alpin(Andes du Mexique et du Pérou, Pyrénées, Apennins). Les dépôts que nous réunissons dans cette troisième grandedivision (§§. 29—33), forment à peu près tout le terrain desédiment moyen de M. Brongniart. J’ai craint d’employer lesdénominations qui ont rapport à des limites si différemmenttracées par les géognostes modernes. M. Conybeare, dans l’ex-cellent ouvrage qu’il a récemment publié avec M. Philipps sur la Géologie de l’Angleterre, distingue les terrains en sur-moyens, moyens et sousmoyens (supermedial, medial et sub-medial). Tant de divisions systématiques ajoutent peut-êtreà la difficulté qu’offre déjà la synonymie des roches.
  • Argile et Grès bigarré (Grès a oolithes; Grès de Nebra;New red sandstone et Red marl) avec gypse et sel gemme.
§. 29. Le grès de Nebra ou grès bigarré (Thuringe) et lered marl de l’Angleterre (depuis les rives du Tees en Dur-ham jusqu’aux côtes méridionales du Devonshire) ne sontpas seulement des formations parallèles, c’est-à-dire, du mêmeâge et occupant la même place dans la série des roches: cesont des formations identiques. Le premier, assez pauvre enpétrifications (Strombites speciosus, Pectinites fragilis, Mytu-lites recens, Gryphites spiratus, Schl.), est un terrain composéde trois séries de couches alternantes; savoir: 1.° d’argiles;2.° de grès micacés et schisteux, avec masses de glaise à formesaplaties et lenticulaires (thongallen); 3.° d’oolithes générale-ment brun-rougeâtres. On trouve dans le grès bigarré ducontinent, en bancs subordonnés, du gypse (thongyps), quel-quefois lamelleux, le plus souvent fibreux, et dépourvu decalcaire fétide. Nous avons vu plus haut qu’en Allemagne et en France un grand nombre de sources salées coulent surces bancs d’argile et de gypse, et qu’à Thiede, entre Wolfen- |292| büttel et Brunswic, comme à Sulz près Heilbronn, de petitesmasses de sel gemme sont disséminées dans cette formation,qui, à Sulz, a été atteinte par la sonde après le muschelkalket avant le zechstein. Le red marl (red ground, red rock,red ford), si bien examiné par MM. Winch et Greenough,dépourvu de pétrifications et de bancs d’oolithes, et coupépar des fissures en masses rhomboïdales, est en Angleterre levéritable gîte du sel gemme: il se compose dans ses assisessupérieures d’argiles marneuses, de gypse (albâtre) et de sel(Witton près Northwich; Droitwich); dans ses assises infé-rieures, soit de conglomérats avec galets de roches primitiveset de transition, soit de grès à petits grains (entre Exeter et Exminster). Le sel gemme d’Angleterre, de Lorraine et du Wurtemberg, lie la formation de grès et d’argiles bigarrés,vers le bas, au zechstein et au calcaire alpin; vers le haut,dans le nord de l’Allemagne, cette formation passe au mu-schelkalk, dont les couches les plus anciennes sont un peuarénacées. On pourroit dire aussi que les oolithes du grès bi-garré (Eisleben, Endeborn, Bründel) et ses marnes préludent à la formation du Jura: mais ces oolithes brun-rougeâtresse perdent insensiblement en une roche arénacée; elles diffè-rent essentiellement des oolithes blanches et blanc-jaunâtresdu calcaire du Jura. Sur le continent, le grès bigarré est très-distinct du zechstein, malgré les traces de sel qui le lient àcette dernière formation: en Angleterre, le red marl, lecalcaire magnésien et les conglomérats d’Exeter et de Teign-mouth (Devonshire), qui, sous le nom de nouveau conglomératrouge, représentent le grès houiller du Mansfeld, sont aussiintimement liés entre eux que le sont les dépôts de houilleavec les roches de transition (mountain limestone et old redsandstone). En décrivant plus haut le grès rouge de la Nouvelle-Gre-nade, j’ai discuté les nuances de composition et de struc-ture qui distinguent cette formation houillère du grès bi-garré (bunte sandstein), par rapport aux couches intercaléesde sables, d’argiles schisteuses et de conglomérats à grosgrains. Ces conglomérats, qui caractérisent les assises infé-rieures du red marl, se retrouvent dans la chaine des Vosges.Les strates supérieurs du grès bigarré sont verts; on les croit |293| colorés par le nickel et le chrôme. Ils sont quelquefois mêlésde petites lames de baryte sulfatée (Mariaspring près Gœt-tingue). Couches subordonnées: 1.° Gypse argileux un peu chlo-riteux, avec des aragonites (Bastène près de Dax), avec descristaux de roche incolores (Langensalze, Wimmelburg), ourouges (Dax), et avec du soufre, disséminés (entre Gnölbzig et Naundorf); ce gypse a été regardé jadis comme une for-mation particulière placée entre le grès bigarré et le muschel-kalk (Cresfeld et Helbra en Saxe, Dölau en Franconie, Neu-land près Löwenberg en Silésie; Amajaque au Mexique): 2.°calcaires en lits minces, tantôt marneux, tantôt magnésifères:3.° argile imprégnée de goudron minéral (Kleinscheppenstedt près Brunswic): 4.° sables (triebsand) avec de grands chamiteset du bois pétrifié (Burgörner): 5.° grès extrêmement quarzeux,presque sans ciment visible, très-caractéristique tant pour legrès bigarré que pour l’argile plastique qui environne les cou-lées de basaltes: 6.° mine de fer brune souvent en géodes: 7.°traces de houilles, peut-être même de lignites, qu’il ne fautpoint confondre avec les dépôts analogues du quadersandsteinet des grès secondaires et tertiaires à lignites (au-dessous etau-dessus de la craie). On assure avoir trouvé des branchesd’arbre charbonisées dans les argiles avec gypse d’Oberwie-derstedt en Thuringe; aussi les schistes argentifères de Fran-kenberg (Hesse), qui ne sont que des phytolithes charbonisés,enduits et pénétrés de métaux, paroissent à plusieurs géo-gnostes appartenir au grès bigarré. M. Boué, dont les obli-geantes communications ont si souvent enrichi mes travaux,observe que le grès bigarré existe par lambeaux dans le sud-ouest de la France: il y est représenté par des marnes etdes gypses fibreux ou compactes (Cognac, S. Froult près Rochefort), et quelquefois immédiatement recouvert decalcaire jurassique et de craie grossière. Au pied des Pyrénées,entre S. Giron et Rimont, le grès bigarré a pris un dévelop-pement considérable. Comme dans la partie des Andes quej’ai parcourue, les formations du terrain secondaire, c’est-à-dire, celles qui sont supérieures au calcaire alpin, ne sesont presque pas développées, je ne crois avoir bien reconnule grès bigarré que dans les points suivans. |294| Au Mexique, en descendant des montagnes composées deporphyres intermédiaires et éminemment métallifères (Realdel Monte et de Moran) vers les bains chauds de Totonilcoel Grande, on trouve une formation puissante de calcairegris-bleuâtre, presque dépourvue de coquilles, générale-ment compacte, mais enchâssant des couches très-blancheset grenues à gros grains. Ce calcaire, célèbre par ses cavernes(Dantö ou la Montagne percée), et rempli de filons deplomb sulfuré, me paroît un terrain de transition. Il estcouvert d’une autre formation, gris-blanchâtre et entière-ment compacte, qui ressemble au zechstein. Sur cette der-nière repose le grès argileux (bunte sandstein), dont lesassises supérieures sont (près d’Amajaque) des argiles avecgypse feuilleté. Je pense que le grès enchâssant des massesaplaties d’argile (thongallen), près de La Veracruz, et renfer-mant (Acazonica) un beau gypse feuilleté, appartient aussi,comme le gypse d’Amajaque, au grès bigarré. Peut-être cetteformation de Veracruz fait-elle le tour des côtes orientales,et se lie-t-elle aux dépôts calcaires de Nuevo-Léon, richeen galènes foiblement argentifères. Dans les Llanos ou steppes de Venezuela, les gypses argileux(Cachipo, Ortiz) sont certainement postérieurs au grès houil-ler; mais, si le calcaire qui les sépare (entre Tisnao et Cala-bozo), loin d’être du zechstein, est, comme sa cassure unieet son aspect de calcaire lithographique sembleroient l’indi-quer, de formation jurassique, ces gypses des Llanos seroientplus modernes encore que ceux du grès bigarré. A Guire (côtes orientales de Cumana), un gypse blanc et grenu(jurassique?) contient de grandes masses de soufre. Les argilessalifères mêlées de gypses et de pétrole de la péninsule d’Araya,vis-à-vis l’île de la Marguerite, sont placées entre le zech-stein et un terrain tertiaire. Comme des gypses sont renfer-més dans ce dernier terrain (colline du château S. Antoine,à Cumana; plaines entre Turbaco et Carthagène des Indes),on pourroit croire que les argiles salifères d’Araya sont aussibeaucoup plus récentes que le red marl ou grès bigarré. Maisje n’ose prononcer avec certitude sur l’âge de ces forma-tions, dans l’absence de tant de roches que l’on trouveplacées ailleurs entre le zechstein et les terrains tertiaires. |295| Les gypses que j’ai examinés dans l’intérieur de la Nouvelle-Grenade (plateau de Bogota; Chaparal, à l’ouest de Contreras)m’ont tous paru de la formation du calcaire alpin. Lorsqu’on examine le terrain §. 29 dans des contrées siéloignées les unes des autres, on trouve la dénomination de grès bigarré tout aussi bizarre que la dénomination de grèsrouge. On peut substituer à la dernière celle de grès houiller,en rappelant un des résultats les plus généraux et les plus po-sitifs de la géognosie moderne. Il seroit à désirer qu’un géo-gnoste d’une grande autorité substituât un nom géographiqueà celui de grès bigarré ou grès à oolithes brunes. Je continueraijusque-là à me servir de la dénomination de grès de Nebra. Muschelkalk (Calcaire coquillier; Calcaire de Gœttingue). §. 30. Formation peu variable, et que la dénominationbeaucoup trop vague de calcaire coquillier a fait confondre,hors de l’Allemagne, avec les assises inférieures ou supé-rieures du calcaire jurassique (avec le lias ou le forest mar-bre et portlandstone). Elle est bien caractérisée par sa struc-ture plus simple, par la prodigieuse quantité de coquilles enpartie brisées qu’elle renferme, et par sa position au-dessusdu grès de Nebra (bunte sandstein) et au-dessous du qua-dersandstein qui la sépare du calcaire jurassique. Elle remplitune vaste partie de l’Allemagne septentrionale (Hanovre, Heinberg près de Gœttingue; Eichsfeld, Cobourg; Westphalie, Pyrmont et Bielfeld), où elle est plus puissante que le zech-stein ou calcaire alpin. Dans l’Allemagne méridionale elles’étend sur tout le plateau entre Hanau et Stutgard. En France,où, malgré les grands et utiles travaux de M. Omalius d’Halloy,les formations secondaires qui sont inférieures à la craie, ontété si long-temps négligées, MM. de Beaumont et Boué l’ontreconnue tout autour de la chaîne des Vosges. Le muschelkalka généralement des teintes pâles, blanchâtres, grisâtres oujaunâtres: sa cassure est compacte et matte; mais le mélangede petites lames de spath calcaire, provenant peut-être dedébris de pétrifications, le rend quelquefois un peu grenu etbrillant. Plusieurs couches sont marneuses, arénacées, oupassant à la structure oolithique (Séeberg près de Gotha; Weper près Gœttingue; Preussisch-Minden; Hildesheim). Des |296| hornstein, passant au silex pyromaque et au jaspe (Dransfeld, Kandern, Saarbrück), sont ou disséminés par nodules dansle muschelkalk, ou y forment de petites couches peu conti-nues. Les assises inférieures de cette formation alternent avecle grès bigarré (entre Bennstedt et Kelme), ou se lient in-sensiblement au grès, en se chargeant de sable, d’argile etmême (à l’est de Cobourg) de magnésie (bancs magnésifèresdu muschelkalk). Couches subordonnées. Les marnes et argiles, si fréquentesdans le calcaire jurassique, le grès bigarré et le zechstein,sont assez rares dans le muschelkalk. En Allemagne, cette rocherenferme du fer hydraté, un peu de gypse fibreux (Sulzbourg près Naumbourg), et de la houille (lettenkohle de Voigt;à Mattstedt et Eckardsberg près Weimar) mêlée de schistealumineux et de fruits (de conifères?) charbonnés. Plus leshouilles avancent vers le terrain tertiaire, plus elles se rap-prochent, du moins dans quelques-uns de leurs strates, del’état de lignite et de terre alumineuse. Pétrifications. D’après les recherches de M. de Schlott-heim, et en rejetant les couches qui n’appartiennent pas aumuschelkalk: Chamites striatus, Belemnites paxillosus, Ammo-nites amalteus, A. nodosus, A. angulatus, A. papyraceus, Nauti-lites binodatus, Buccinites gregarius, Trochilites lævis, Turbinitescerithius, Myacites ventricosus, Pectinites reticulatus, Ostracitesspondyloides, Terebratulites fragilis, T. vulgaris, Gryphitescymbium, G. suillus, Mytulites socialis, Pentacrinites vulgaris,Encrinites liliiformis, etc. Quelques couches isolées du calcairejurassique renferment peut-être plus de pétrifications encoreque le muschelkalk; mais dans aucune formation secondaireles débris de corps organisés n’abondent si uniformément quedans celle que nous venons de décrire. Une immense quan-tité de coquilles, en partie brisées, en partie bien conser-vées, mais adhérant fortement à la matière pierreuse (en-troques, turbinites, strombites, mytulites), est accumuléeen plusieurs strates de 20 à 25 millimètres d’épaisseur, quitraversent le muschelkalk. Beaucoup d’espèces se trouventréunies par familles (bélemnites, térébratulites, chamites).Entre ces strates éminemment coquilliers sont disséminésdes ammonites, des turbinites, quelques térébratulites avec |297| leur test nacré, le Gryphæa cymbium, et de superbes pen-tacrinites. Les coraux, les échinites et les pectinites sontrares. L’abondance des entroques dans le muschelkalk a faitdonner à cette formation, dans quelques parties de l’Alle-magne, le nom de calcaire à entroques (trochitenkalk). Commeune couche d’entroque caractérise souvent aussi le zechsteinet le sépare du grès houiller, cette dénomination peut faireconfondre deux formations très-distinctes. La dénominationde calcaire à gryphées (graphytenkalk du zechstein et ducalcaire du Jura), et toutes celles qui font allusion à descorps fossiles, sans indication d’espèces, exposent à ce mêmedanger. On assure que le muschelkalk renferme des osse-mens de grands animaux (quadrupèdes ovipares? Freies-leben, T. I, p. 74; T. IV, p. 24, 305) et d’oiseaux (ornitho-lithes du Heimberg: Blumenbach, Naturgesch., 3te Aufl.,p. 663); mais ces ossemens pourroient bien appartenir, demême que les dents de poisson, à des brèches ou à des marnessuperposées au muschelkalk. De célèbres géognostes anglois, MM. Buckland et Cony-beare, ont cru reconnoître, dans leur voyage en Allemagne,le muschelkalk de Werner comme identique avec le lias,qui est l’assise inférieure du calcaire jurassique. J’incline àcroire, malgré les oolithes gris-bleuâtres observées dans lemuschelkalk sur les bords du Weser, qu’il y a plutôt parallé-lisme qu’identité de formation. Le muschelkalk occupe lamême place que le lias: il abonde également en ammonites,térébratulites et encrinites; mais les espèces fossiles diffèrent,et sa structure est beaucoup plus simple et plus uniforme.Les strates du muschelkalk ne sont pas séparés par ces argilesbleues qui abondent dans les assises supérieures et inférieuresde la formation du lias. Les assises mitoyennes de cette der-nière formation ont une cassure matte et unie, et ressem-blent bien plus aux variétés lithographiques du calcaire du Juraqu’au muschelkalk de Gœttingue, de Jena et de l’Eichsfeld.M. d’Aubuisson croit que cette dernière formation est repré-sentée en Angleterre par le portlandstone, le cornbrash et leforestmarble: mais, quelque analogie que puissent offrir tousces lits de calcaire marneux pétris de coquilles en partie brisées(forestmarble), il faut se rappeler qu’ils alternent avec des |298| formations entièrement oolithiques, et qu’ils sont séparés dured marl par le lias, tout comme le calcaire oolithique duJura est séparé par le muschelkalk du grès bigarré. En France,M. Boué a reconnu le muschelkalk dans le plateau de Bour-gogne, près de Viteaux et de Coussy-les-Forges, près deDax dans la commune de S. Pan de Lon, etc. Je ne l’ai pointreconnu dans la partie équinoxiale de l’Amérique. Les cou-ches très-arénacées, remplies de madrépores et de coquillesbivalves des côtes de Cumana et de Carthagène des Indes,que j’ai voulu jadis y rapporter, sont probablement des ter-rains tertiaires. Quadersandstein (Grès de Königstein). §. 31. Formation très-distincte (rives de l’Elbe, au-dessusde Dresde entre Pirna, Schandau et Königstein; entre Nurem-berg et Weissenburg; Staffelstein en Franconie; Heuscheune, Adersbach; Teufelsmauer au pied du Harz; vallée de la Mo-selle et près de Luxembourg; Vic en Lorraine; Nalzen, dansle pays de Foy, et Navarreins, au pied des Pyrénées), ca-ractérisée par M. Hausmann, et confondue long-temps, soitavec les variétés quarzeuses du grès bigarré et du grès del’argile plastique (trappsandstein), soit avec le grès de Fon-tainebleau, supérieur au calcaire grossier de Paris: c’est legrès blanc de M. de Bonnard, le grès de troisième formationde M. d’Aubuisson. Préférant les dénominations géographi-ques, je nomme souvent cette formation grès de Königstein, le grès bigarré grès de Nebra, le muschelkalk calcaire de Gœttingue . Le quadersandstein a une couleur blanchâtre, jaunâtre ougrisâtre, à grains très-fins, agglutinés par un ciment argi-leux ou quarzeux presque invisible. Le mica y est peu abon-dant, toujours argentin et disséminé en paillettes isolées.Il est dépourvu, et de bancs intercalés d’oolithes, et de cesmasses aplaties ou lenticulaires d’argile (thongallen) qui ca-ractérisent le grès bigarré. Il n’est jamais schisteux; mais diviséen bancs peu inclinés, très-épais, qui sont coupés à angledroit par des fissures, et dont quelques-uns se décomposenttrès-facilement en un sable très-fin. Il renferme du ferhydraté (Metz) disposé par nodules. Les débris organiques |299| disséminés dans cette formation offrent, d’après MM. deSchlottheim, Haussmann et Raumer, un mélange extraor-dinaire de coquilles pélagiques très-analogues à celles dumuschelkalk, et de phytolithes dicotylédones. On y a trouvédes mytulites, des tellinites, des pectinites, des turritelles,des huîtres (pas d’ammonites, mais des cérites; Habel-schwerd, Alt-Lomnitz en Silésie), et en même temps desbois de palmier, des empreintes de feuilles appartenant à laclasse des dicotylédones et de petits dépôts de houille (Deister, Wefersleben près Quedlinbourg), très-bien décrits par MM. Rettberg et Schulze, et passant au lignite. Ces débris debois, d’un aspect bitumineux, ont sans doute de quoi noussurprendre dans une formation si éloignée de la grande for-mation de lignites qui est placée entre la craie et le calcairegrossier parisien; mais des observations récentes nous mon-trent des traces de véritables lignites jusque dans les calcairesà gryphées arquées au-dessous du lias (Le Vay, côtes deCaen) et jusque dans le grès bigarré. Les mauvaises houillesdu muschelkalk, par conséquent d’une formation plus an-cienne que le quadersandstein, passent aussi au lignite. Déjà M. de Raumer avoit reconnu que le quadersandsteinest séparé du grès bigarré par le muschelkalk (calcaire de Gœttingue); il est placé entre ce calcaire et le calcaire du Jura, et par conséquent inférieur aux grandes formationsoolithiques de l’Angleterre et du continent. Dans cette posi-tion nous ne pouvons guères le considérer, avec M. Keferstein (voyez son intéressant Essai sur la géographie minéralogiquede l’Allemagne, T. I, p. 12 et 48), comme parallèle à la mo-lasse d’Argovie (mergelsandstein), qui représente l’argileplastique (grès tertiaire à lignites) au-dessus de la craie. Lanature des débris végétaux que renferme le quadersandstein,et ses rapports avec le plänerkalk qui appartient aux assiseschloritées et arénacées de la craie, le font regarder par plu-sieurs géognostes célèbres comme d’une formation postérieureau calcaire jurassique: c’est ainsi que MM. Buckland, Cony-beare et Philipps le placent entre la craie et les dernièrescouches oolithiques. Mais, d’après les observations de M. Boué et de plusieurs autres géognostes célèbres d’Allemagne,le quadersandstein (grès de Königstein), alternant quelque- |300| fois avec des couches marneuses et des conglomérats, reposeimmédiatement sur le gneis près de Freiberg, sur le grèshouiller en Silésie et en Bohème; sur le grès bigarré (grèsde Nebra), près de Nuremberg, en Franconie; sur le mu-schelkalk (calcaire de Gœttingue), entre Hildesheim et Dick-holzen près de Helmstädt, et près de Schweinfurt sur le Mein. Il est recouvert de calcaire du Jura, et alterne avecles couches marneuses de ce calcaire, en Westphalie, entre Osnabrück, Bielfeld et Bückebourg. Calcaire du Jura (Lias, Marnes et grands dépôts oolithiques). §. 32. Formation très-complexe, composée de couchesalternantes de calcaires, marneuses et oolithiques, renfermantdu gypse et un peu de grès. Le mode d’alternances par-tielles, très-constant dans chaque localité, varie dans despays d’une étendue considérable; cependant sur les pointsles plus éloignés de l’Europe on reconnoît une analogie frap-pante entre les grandes divisions ou assises principales.Dans la série des formations les plus neuves du terrainsecondaire le calcaire du Jura (Jurassus) est placé entre lequadersandstein et la craie. Cette dernière y passe mêmeinsensiblement, et peut souvent être regardée, par l’ana-logie de ses fossiles, comme une continuation du calcairejurassique. La superposition de ce calcaire au quadersand-stein, si long-temps contestée, se montre en Allemagne,d’après M. de Schmitz, près de Wilsbourg; d’après M. Boué,prés Blumenroth, Staffelstein, et entre Osnabrück et Bücke-bourg. Lorsque les trois formations de quadersandstein,de muschelkalk et de grès bigarré ne se sont pas dévelop-pées simultanément, le calcaire jurassique, par la suppres-sion des membres intermédiaires de la série géognostique,recouvre immédiatement le zechstein ou calcaire alpin. Dansce cas (pente septentrionale des Pyrénées; Apennins, entre Fossombrono, Furli et Nocera; Cordillères du Mexique,entre Zumpango et Tepecuacuilco), on voit ce dernier passerinsensiblement à un calcaire blanchâtre, à cassure matte égale(ou conchoïde à cavités très-aplaties), qu’on ne sauroit dis-tinguer des couches compactes du calcaire du Jura dépour-vues d’oolithes. Ce passage, dont M. de Charpentier a aussi été |301| frappé dans le Midi de la France, mérite un examen très-attentif. Malgré la grande différence qui existe entre lesdébris fossiles du muschelkalk et du calcaire jurassique, lesdernières formations du terrain secondaire sont étroitementliées entre elles, et il ne faut pas être surpris que dans unesérie α, β, γ, δ, ε .... le terrain α (zechstein) fasse passageà ε (calcaire du Jura), à cause de la suppression fréquentedes termes β, γ et δ (c’est-à-dire, du grès bigarré, dumuschelkalk et du quadersandstein). Les formations aréna-cées β et δ alternent avec des argiles et des marnes plus oumoins abondantes, de sorte que, par un grand développe-ment de leurs couches désagrégées, celles-ci réduisent àl’état de simples bancs intercalés les assises pierreuses, etfinissent, comme c’est le cas dans l’Ouest de la France, parremplir tout l’intervalle entre α et ε. Le calcaire jurassique couvre, sans interruption, une grandeétendue de pays, depuis la chaîne des Alpes jusque dans lecentre de l’Allemagne, depuis Genève jusqu’à Streitberg et Muggendorf, en Franconie. Comme, vers le nord, il ren-ferme des cavernes à ossemens fossiles, cette formation asingulièrement fixé l’attention des géognostes allemands. M. Werner la croyoit identique avec le muschelkalk: j’ai re-connu, dès l’année 1795, qu’elle en différoit essentiellement,et j’ai proposé de la désigner par le nom de calcaire du Jura,à cause de l’analogie parfaite que présentent les montagnesoccidentales de la Suisse avec celles de la Franconie. Cette dé-nomination est aujourd’hui généralement reçue; mais il a étéconstaté que le calcaire du Jura, au lieu d’être placé sous legrès bigarré (comme je l’avois cru, par erreur, avec le plusgrand nombre des géognostes, en confondant ce grès avecla molasse d’Argovie et le grès de Dondorf et de Misselgau près Bareuth), est plus récent que le grès bigarré, que lemuschelkalk (Bindloch) et le quadersandstein (Schwandorf; Phantaisie (?); Nuremberg). Cette intercalation entre lequadersandstein et la craie, qui se fonde sur des observationsdirectes, explique très-bien le passage graduel (Montagne deS. Pierre près de Maestricht), de la craie tuffeau à la for-mation jurassique. Le nom de calcaire caverneux (höhlen-kalk), donné souvent à cette dernière, peut donner lieu à |302| des rapprochemens erronés. Il faudroit distinguer entre desformations dont la masse entière est spongieuse, caverneuseou criblée de trous, et des roches à cavernes. Plusieurs,sans être poreuses ou celluleuses, en renferment de très-vastes. Le calcaire de transition (mountain limestone de Derbyshire) mériteroit, en Angleterre et au Harz, presqueautant que celui du Jura, le nom de calcaire à cavernes. Aucontraire, le rauchkalk et le rauchwacke, qui forment lesassises moyennes du zechstein en Thuringe, et que l’on acrus à tort parallèles au calcaire du Jura, sont, comme cedernier, et dans des étendues de couches très-considérables,remplis de petites cavités de 2 — 10 lignes de diamètre, sansoffrir pour cela de véritables grottes. Le phénomène desgrottes et celui de la porosité (cavernosité générale) de lamasse ne se trouvent pas nécessairement réunis; ce sont desmodifications qui, loin de caractériser telle ou telle formation,se rencontrent dans des formations très-différentes. Quoique sur le continent les couches partielles qui com-posent le calcaire du Jura se soient très-inégalement déve-loppées, et que l’ordre de leur succession varie souvent, onremarque toujours un certain nombre d’assises distinctes etrépandues sur des étendues de terrain très-considérables.Nous les nommerons en commençant par les plus anciennes:calcaire marneux (et marnes calcaires très-dures), bleu-gri-sâtre, analogue (d’après MM. Boué et Buckland, Essai géogn.sur l’Écosse, pag. 201, et Struct. of the Alps, pag. 17) aulias de l’Angleterre, quelquefois traversé par des veines despath calcaire, rempli de gryphées arquées; oolithes gris-jaunâtres, alternant avec des marnes en partie bitumineuseset avec du gypse; calcaire compacte à cassure unie et matte,et oolithes blanches; couches remplies de madrépores ana-logues au calcaire à polypier de Normandie et au coral-ragde l’Angleterre; calcaire schisteux avec poissons et crustacés(Pappenheim et Solenhoffen). L’assise inférieure de cetteformation si complexe est particulièrement désignée, en France (Bourgogne) et dans l’Allemagne méridionale (Wur-temberg), sous le nom de calcaire à gryphites; mais quelquesgéognostes penchent même pour l’idée de séparer cette assisedu calcaire du Jura, en la regardant, avec MM. de Buch et |303| Brongniart, comme appartenant au zechstein, ou avec M. Keferstein, comme parallèle au muschelkalk. Ici se présentela question importante de savoir dans quel rapport de gise-ment et de composition se trouve le calcaire à gryphitesdu Jura avec celui qui porte le même nom dans le Nord del’Allemagne, et que M. Voigt a fait connoître dès l’année1792? Une grande analogie entre les couches les plus voi-sines de deux formations qui quelquefois se trouvent immé-diatement superposées l’une à l’autre, n’a sans doute riende bien surprenant: les mêmes espèces de gryphées pour-roient se rencontrer dans des formations très-distinctes et pluséloignées encore entre elles; mais la liaison géognostiqueobservée entre le calcaire à gryphées arquées, alternantavec les marnes, et les autres couches inférieures du Jura,me fait pencher pour l’opinion que ce calcaire, et le calcaireà gryphées épineuses (gryphitenkalk de Voigt), placé sousle grès bigarré, ne sont pas d’une même formation. M. Mérian,dans son excellente Monographie des environs de Bâle, énonceaussi cette opinion, et regarde avec M. Haussmann le grèsargileux de Rheinfelden, sur lequel repose le calcaire juras-sique, comme grès bigarré, tandis que M. de Buch ( Mérian, Umgeb. von Basel, p. 110) le prend pour le grès houiller, etsuppose que, par le non-développement du grès bigarré, lescouches oolithiques et lithographiques du Jura reposent,dans cette localité, immédiatement sur les couches à gryphitesqui appartiennent au zechstein. J’ai cru de mon devoird’exposer dans ce travail les opinions des plus célèbresgéognostes, lors même qu’elles sont opposées à celles aux-quelles je me suis arrêté. Ce qui est indubitable et ce que nous croyons utile de rap-peler de nouveau, c’est que le calcaire jurassique qui reposeprès de Laufenbourg sur du granite, au Schwarzwald sur legrès rouge ou houiller, et près de Genève sur le calcairealpin, est placé, dans le centre et le nord de l’Allemagne,sur le quadersandstein. La superposition d’une roche sur laformation la plus jeune détermine sa place comme termede la série géognostique. En Franconie et dans le Haut-Pala-tinat on ne voit généralement au jour que les assises supé-rieures du calcaire jurassique, qui sont en même temps les |304| plus compactes. Les marnes et les oolithes y sont beaucoupplus rares que dans la Suisse occidentale et en France (Caen, Lons-le-Saulnier). Entre Eichstädt et Ratisbonne on trouve,de bas en haut, d’après M. de Schmitz, du câlcaire entière-ment spongieux et bulleux; des couches grenues renfermantdes druses remplies de sable; du calcaire compacte et con-choïde avec des nodules de silex; du calcaire schisteuxet fissile, analogue à celui de Sohlenhofen et aux daleslithographiques du Heuberg près de Kolbingen. Ces assisesspongieuses, remplies de vacuoles (vallée du Laber près Berodhausen; Pegnitz, Creussen, Tumbach), que j’ai retrou-vées en Italie (vallée de la Brenta, entre Carpane et Primo-lano), à l’île de Cuba (entre le Potrero de Jaruco et le portdu Batabano), au Mexique (plateau de Chilpansingo), don-nent à la surface du sol, qui est hérissé de petits rocherspointus, un aspect très-particulier. Dans la France occidentale, une bande non interrompuede calcaire jurassique s’étend, d’après M. Boué, du S. E.au N. O., depuis Narbonne et Montpellier jusqu’à la Rochelle,séparant vers le nord les terrains de transition de la Vendée et le terrain primitif du Limousin. Sur les côtes de Nor-mandie, les assises marneuses et oolithiques ont pris un dé-veloppement beaucoup plus grand qu’en Allemagne. Nousciterons, d’après les recherches intéressantes de M. Prévost,les couches superposées entre Dieppe et le Cotentin, encommençant, comme toujours, par les couches les plus an-ciennes: 1.° calcaire à gryphées arquées et calcaire lithogra-phique (Le Vay, Issigny), renfermant quelques lignites etsuperposé au terrain de transition: 2.° argiles inférieures etoolithes (argile des Vaches-noires, alternant avec du lias àdébris d’ichthyosaures; oolithes grises de Dive, ferrugineuses,mêlées d’argile avec lignites et avec pétrifications nombreusesde madrépores, de modioles, de Gryphæa cimbium et d’am-monites; oolithes blanches): 3.° calcaire de Caen; les couchesinférieures avec des nodules de silex, avec peu de coquilles(ammonites, bélemnites), et avec quelques ossemens decrocodiles; les couches supérieures à polypiers (coral-rag) età trigonies renfermant des cérites entièrement analogues àcelles trouvées au-dessus de la craie; 4.° argiles supérieures |305| du cap la Hève, de couleur bleuâtre, avec lignites, débrisde crocodiles (Honfleur) et bancs calcaires moins développésqu’à Caen. On voit que dans cette partie de l’Europe leslignites percent à travers toutes les couches du calcaire juras-sique, et que cette formation, en faisant abstraction desargiles intercalées, se compose de trois grandes assises, savoir,de calcaire à gryphées arquées, d’oolithes, et de calcaire àpolypiers et à trigonies. En Angleterre, la formation du Jura, se prolongeant sansinterruption du Yorckshire au Dorsetshire, remplit toutl’espace entre le red marl (grès bigarré) et la craie; car onn’y connoît entre le calcaire du Jura et le red marl aucuneformation qui soit analogue de composition au muschelkalket au quadersandstein, deux roches qui souvent manquentégalement sur le continent. Les géognostes anglois et écossois,qui, dans ces derniers temps, ont étudié la charpente de leurpays avec un zèle infatigable, distinguent les assises du cal-caire jurassique par des dénominations en partie très-carac-téristiques, et dont plusieurs rappellent les subdivisions re-connues sur le continent: 1.° Lias, avec peu de silex, couvrantle red marl salifère, analogue au calcaire à gryphées arquéesdu continent; les deux tiers d’en-haut sont une masse argi-leuse bleue alternant avec des lits calcaires; vers le bas ceslits augmentent d’épaisseur, deviennent blancs et passent àdes couches lithographiques (ossemens d’ichthyosaures, prèsde vingt espèces d’ammonites, bélemnites). 2.° Système infé-rieur d’oolithes, savoir: oolithes mêlées de sable, terre àfoulon, grand banc oolithique (great oolithe) avec débris decoquilles, schiste oolithique de Stonesfield, forestmarble,cornbrash et kelloway-rock, calcaires coquilliers et arénacés.3.° Système moyen d’oolithes, savoir: argile d’Oxford (clunch-clay de M. Smith), sables et conglomérats calcaires (calca-reous grit), coral rag ou calcaire à polypiers, avec madré-pores et échinites. 4.° Système supérieur des oolithes, savoir:argile bleue de Kimmeridge, un peu bitumineuse, analogueaux argiles bleues du cap la Hève en Normandie, qui sontaussi supérieures au calcaire à polypier et aux oolithes; port-landstone, avec ammonites; purbeckstone, calcaire argileuxpétri de coquilles, alternant avec des marnes et des gypses. |306| J’ai suivi les divisions de MM. Smith, Philipps et Conybeare,qui diffèrent un peu de celles qu’a adoptées M. Buckland. Lestrois systèmes d’oolithes d’Angleterre sont séparés par desformations argileuses. Quant à la structure oolithique même,nous avons déjà fait observer plus haut qu’on en trouve destraces dans les formations les plus différentes: il y a quel-ques bancs d’oolithes, d’après MM. de Gruner et Escher ( Alpina, T. IV, p. 369), dans le calcaire de transition de la Suisse, dans le grès houiller ( Freiesleben, Kupfersch., B. IV,p. 123), dans le calcaire alpin ou zechstein (Hartlepool dansle Northumberland), dans le grès bigarré (Thuringe; Vic en Lorraine), et dans le muschelkalk. Couches subordonnées: hornstein (silex) en petits bancscontinus; calcaire magnésifère (Nice); calcaire fétide etgypse avec des traces de sel gemme (Kandern; voyez Mérian, Umgeb. von Basel, p. 36); grès argileux et micacé, quelque-fois siliceux, intercalé dans les assises à gryphites (Hem-miken, Waldburgstuhl; Lons-le-Saulnier); fer oxidé glo-buliforme (bohnenerz), à la fois dans le calcaire du Jura(Neufchâtel; Frickthal; Wartenberg en Souabe), et entrece calcaire et la molasse ou grès tertiaire à lignite (Arau, Baden); houille avec impressions de fougères (?) et mêlée depyrites (Neue Welt, Bretzweil). Pétrifications: après les formations supérieures à la craie,le calcaire du Jura est celle dont les débris fossiles ont étéle mieux déterminés en Angleterre, en France et dans la Suisse occidentale. Elle renferme, de même que des terrainsplus anciens encore (le quadersandstein et le zechstein avecschiste cuivreux), des coquilles pélagiques mêlées à dubois, à des ossemens de grands sauriens d’eau douce, et, sil’on ne s’est pas trompé dans la détermination zoologique, àdes ossemens de didelphes (marnes de Stonesfield). J’ignoresi le mélange de coquilles marines et fluviatiles, si évidentdans la plupart des formations tertiaires, a été observéavec certitude dans les terrains au-dessous de la craie. Làoù la formation jurassique est presque dépourvue de marneset d’oolithes (Franconie, Haut-Palatinat; Carniole, entre S. Sesanne et Triest), des couches très-puissantes sont en-tièrement dépourvues de pétrifications. Les débris de qua- |307| drupèdes ovipares, de poissons et de tortues, se trouventpresque dans toutes les assises, dans les plus récentes (pur-beckstone), comme dans les plus anciennes (lias): cepen-dant les dernières en offrent le plus; et il paroît qu’elles nerenferment que l’ichthyosaurus (proteosaurus de sir EverardHome) et le plesiosaurus, qui est un animal analogue, etnon les véritables crocodiles. Cette différence dans la distri-bution des reptiles a été également observée par M. Prévost sur les côtes occidentales de la France. Les ossemens de l’ich-thyosaurus s’y trouvent (principalement?) dans les couchescalcaires (lias) des argiles inférieures aux oolithes, tandisque les crocodiles ne se rencontrent qu’au-dessus des oolithes.En Angleterre on distingue, d’après MM. Smith, Philipps et Conybeare, parmi le nombre prodigieux de coquilles pétri-fiées dont on n’a encore pu reconnoître que le genre,les espèces suivantes: Ammonites giganteus, A. excavatus,A. Duncani, A. Banksii, A. angulatus, A. Grenoughi, Nau-tilus striatus, N. truncatus, Trochus dimidiatus, T. bicari-natus, Trigonia costata, T. clavellata, Terebratula intermedia,T. spinosa, T. digona, Ostrea gregaria, O. palmata, Modiolalævis, M. depressa, M. minima, Pentacrinites caput Medusæ,P. basaltiformis, etc. Quoique les espèces d’ammonites (aunombre de vingt), de bélemnites et de pentacrinites, dé-crites dans le lias, ne soient pas identiques avec celles dumuschelkalk, il me paroît toujours bien remarquable de voiraccumuler ces trois familles dans des roches d’un âge si rap-proché, entre les dernières assises du zechstein (calcairealpin) et les premières ou plus anciennes du calcaire juras-sique. MM. Prevost, Lamouroux et Brongniart vont enrichirla géognosie zoologique des recherches profondes qu’ils ontfaites sur les coquilles et les zoophytes trouvées sur les côtesde France, entre Dieppe et le Cotentin, en Franche-Comté eten Suisse. Nous nous contenterons, en attendant, de consi-gner ici les corps fossiles qu’offre le calcaire jurassique ducontinent, depuis Genève jusqu’en Franconie, d’après un tra-vail que j’ai fait sur les catalogues de M. de Schlottheim: Chamites jurensis, Belemnites giganteus, Ammonites planulatus,A. natrix, A. comprimatus, A. discus, A. Bucklandi, Myacitesradiatus, Tellinites solenoides, Donacites hemicardius, Pectinites |308| articulatus, P. æquivalvis, P. lens, Ostracites gryphæatus, O. crista-galli, Terebratulites lacunosus, T. radiatus, Gryphites arcuatus,Mytulites modiolatus, Echinites orificiatus, E. miliaris, Asteri-acites pannulatus, des Turritelles, des Hippurites (le Cornuco-piæ au cap Passaro en Sicile), Gryphites arcuatus, etc. Il est biendigne d’attention que cette gryphée arquée que M. Sowerby nomme Gryphites incurvus, et qui caractérise les assises infé-rieures de la formation jurassique en Suisse et sur les côtesoccidentales de la France, est aussi, après l’Ammonites Buck-landi et le Plagiostoma gigantea, la coquille qui caractérisele plus le lias en Angleterre. Les couches de calcaire blancet grenu que l’on trouve fréquemment dans cette formation(Neufchâtel, Monte Baldo), sont dues à des pétrificationsde madrépores. Nous avons déjà vu des poissons plus ou moins accumulés,mais appartenant à des genres très-distincts, dans le thon-schiefer de transition (Glaris), dans les schistes carburés dugrès rouge (Goldlauter et Allthal près de Kleinschmalkalden),dans le calcaire alpin et ses marnes cuivreuses, et même dansle muschelkalk (très-rarement, Esperstedt, Obhaussen): cesichthyolithes deviennent plus fréquens dans le calcaire juras-sique, surtout dans ses couches supérieures. De là elles pé-nètrent, au-dessus de la craie, dans le grès tertiaire à lignites(argile plastique), dans le calcaire grossier (Monte Bolca),le gypse à ossemens (Montmartre) et le calcaire d’eau douce(Œningen). J’indique dans l’ordre de leur âge relatif les for-mations qui offrent des phénomènes analogues, pour prévenirles erreurs qui naissent de l’ignorance de ces analogies. Un géognoste justement estimé, M. Buckland, incline à re-garder les calcaires fissiles de Pappenheim et de Sohlenhofen,célèbres par leurs empreintes de poissons et de crustacés,comme superposés au calcaire du Jura, et comme apparte-nant au calcaire grossier du terrain tertiaire: ces calcairesfissiles me paroissent au contraire entièrement analogues aupurbeckstone d’Angleterre, qui abonde aussi en pétrifica-tions de poissons, et qui forme, comme le calcaire de Pap-penheim, la couche la plus récente du terrain jurassique. J’aieu occasion d’examiner, en 1796, les belles carrières de Sohlenhofen, conjointement avec M. Schöpf, et nous avons |309| reconnu, en allant de Muggendorf par Ansbach à Pappen-heim, une liaison intime entre les diverses assises d’unemême formation. MM. de Buch, Boué et Beudant partagentcette opinion sur les ichthyolithes de Franconie. Dans le Vicentin le calcaire jurassique et le calcaire grossierparisien existent à la fois. L’un et l’autre y renferment despolypiers; cependant, dans un premier voyage fait en Italie (1795), j’ai cru que les longues bandes de coraux rameuxqui traversent, en formant des filons (entre l’hôtellerie du Monte di Diavolo et le lac Fimon à l’ouest de Lungara),le sommet du Monte di Pietra nera, appartiennent plutôt aucalcaire du Jura, peut-être à l’assise appelée en Angleterre coral-rag. Ces bandes de polypiers qui sont restés en place,ont deux pieds de largeur: elles offrent un aspect très-extraor-dinaire, et parcourent des masses calcaires presque dépour-vues de pétrifications, en se dirigeant très-régulièrement N.80° E., et en s’élevant comme un mur au-dessus de la sur-face du sol. M. Boué a aussi observé ces polypiers en place dans le calcaire jurassique (coral-rag) qui entoure le bassinde Vienne, et dont les assises inférieures renferment desnagelfluhe analogues au calcareous grit de la grande formationoolithique d’Angleterre (Filey dans le Yorkshire). Sous la zone équinoxiale de l’Amérique j’ai cru reconnoîtrela formation du Jura dans beaucoup de calcaires blanchâtres,en partie lithographiques, qui ont la cassure unie et matte,ou conchoïde à concavités très-aplaties. Ces calcaires sontceux de la caverne de Caripe (au sud-est de Cumana), dulittoral de Nueva Barcelona (Venezuela), de l’île de Cuba (entre la Havane et le Batabano; entre la Trinidad et la boca del Rio Guaurabo) et des montagnes centrales duMexique (plaines de Salamanca et défilé de Batas). Le cal-caire blanc de Caripe, qui ressemble entièrement à celuides cavernes de Gailenreuth en Franconie, est superposé aucalcaire alpin gris-bleuâtre de Cumanacoa. Le terrain juras-sique du littoral de Nueva Barcelona renferme de petitescouches de hornstein passant à un kieselschiefer noir (phé-nomène qui se répète près de Zacatecas au Mexique); il estrecouvert (Aguas calientes del Bergantin), comme le calcairealpin au sommet de l’Impossible, d’un grès très-quarzeux. On |310| pourroit croire que ce grès du Bergantin appartient aux assisesquarzeuses du grès vert ou grès secondaire à lignites; mais,comme il forme également des couches dans le calcaire alpin(Tumiriquiri), il reste bien douteux si les grès du Bergantin et du Tumiriquiri sont des formations différentes, ou sides couches toutes semblables pénètrent du calcaire alpindans le terrain jurassique. Ce terrain abonde moins quetoute autre formation secondaire en roches arénacées. Nousavons cependant cité plus haut des couches de grès dans lesmontagnes occidentales de la Suisse, à Waldburgstuhl, Ep-tigen, et Hemmiken près de Bâle. Dans les vastes steppesde Venezuela, près de Tisnao, le grès rouge supporte, à cequ’il m’a paru, immédiatement (comme au Schwarzwald en Souabe) un calcaire lithographique très-analogue au cal-caire du Jura. Ce gisement se trouve répété au Mexique,dans les plaines de Temascatio, au sud-ouest de Guanaxuato.A l’extrémité septentrionale de la vallée de Mexico (entrel’Hacienda del Salto, Batas et Puerto de Reyes), une forma-tion calcaire bleu-grisâtre, à cassure unie, renfermant dugypse et supportant une brèche calcaire, m’a paru appartenirau terrain jurassique, malgré la proximité des marnes ter-tiaires (Desague de Huehuetoque), dans lesquelles sont en-fouis des ossemens d’éléphans fossiles. Je pourrois citer aussile passage que l’on observe du calcaire alpin à un calcaireentièrement semblable à celui d’Arau et de Pappenheim, àla pente occidentale des Cordillères du Mexique, entre So-pilote, Mescala et les riches mines de Tehuilotepec; maisdans cette région le terrain du Jura est moins prononcé qu’àl’île de Cuba, qu’aux îlots du Cayman et dans les montagnesde Caripe près de Cumana. Nulle part, dans la partie dunouveau monde que j’ai parcourue, je n’ai vu le grès bi-garré, le muschelkalk ni le quadersandstein séparer le cal-caire alpin des formations que je viens de décrire. Dépourvuesd’oolithes, elles abondent aussi très-peu en pétrifications decoquilles et en couches marneuses. Leur cassure matte et unieleur donne tout l’aspect du calcaire jurassique de l’Allemagne et de la Suisse. Ces formations calcaires de l’Amérique, des Pyrénées et des Apennins, qui paroissent si étroitement liéesau calcaire alpin (zechstein), ne sont-elles que les assises |311| les plus récentes de ce dernier, et doit-on les séparer duvéritable calcaire jurassique, riche en coquilles, en oolitheset en marnes? Cette question importante ne peut être ré-solue qu’en multipliant les observations de gisement, quisont bien plus décisives que celles de composition et d’as-pect extérieur. Grès et Sables ferrugineux, et Grès et Sables verts, Grèssecondaire a lignites (Iron sand et Green sand). §. 33. Ce sont des grès et des sables avec lignites, placés au-dessous de la craie: ce sont deux formations arénacées,colorées par le fer, séparées par une couche d’argile (weald-clay) et superposées au calcaire du Jura (terrain d’oolithes).Elles atteignent en Angleterre jusqu’à mille pieds d’épais-seur, et se retrouvent dans toute la France occidentale, oùMM. Prevost et Boué en ont fait l’objet d’une étude appro-fondie. Les sables ferrugineux brun-jaunâtre alternent avec des grèssiliceux et de petits amas de mines de fer souvent exploitéesavec avantage: ils renferment des bois fossiles et des lignites(Bedfordshire, Dorsetshire). Les sables verts, colorés par un protoxide de fer, alternent avecdes grès calcaires et siliceux, avec des agglomérats, des marnesjaunâtres à cristaux de gypse, et même avec de petits bancsde calcaire compacte, qui ont été quelquefois confondus avecle portlandstone. On y trouve des nodules de hornstein et decalcédoine (Sarlat dans le Périgord), de petits dépôts de ferhydraté, une résine qui passe au succin (île d’Aix près de LaRochelle; Obora et Alstadt en Moravie), et un grand nombrede débris fossiles, dont plusieurs (cidaris, spatangus) ressem-blent à ceux de la craie. Les grès siliceux de cette formationrenferment des empreintes de feuilles dicotylédones. Vers lehaut le sable vert passe à une marne crayeuse (chalk marle de Surrey). La terre verte ou chloritée, qui caractérise la couchede sable la plus rapprochée de la craie, se retrouve dans desformations d’un âge très-différent, dans le grès houiller de la Hongrie (sur les frontières de la Galicie), dans le grès bi-garré et dans les gypses qui lui appartiennent, dans le qua-dersandstein et dans les couches inférieures du calcaire gros- |312| sier de Paris. D’après les belles recherches de M. Berthier sur les grains verts de la craie et du calcaire grossier, cesgrains sont un silicate de fer; mais il est probable que lesquantités de magnésie et de potasse varient dans les différensterrains, comme elles varient, d’après les analyses de Klap-roth et de Vauquelin, dans la terre verte de Vérone (talcchlorite zoographique de Haüy) et dans la chlorite terreuse.L’analogie qu’offrent quelquefois avec le quadersandstein del’Allemagne les bancs siliceux du grès vert (iron sand), soità l’état solide, soit dans un état de désagrégation, a portéplusieurs géognostes à confondre ces deux terrains. M. Boué,qui a exploré avec tant de fruit les gisemens de l’Écosse, del’Angleterre et de l’Allemagne, a reconnu le grès vert (toutsemblable à celui des environs d’Oxford) en France, le longde la Mayenne et du Loir, depuis la Ferté-Bernard jusqu’au-delà de la Flèche, dans le département de la Charente, dansle Mans, la Saintonge et le Périgord. C’est à cette même formation du §. 33 qu’appartiennentaussi les lignites de l’île d’Aix, sur lesquels M. Fleuriau deBellevue a fait de si intéressantes recherches. D’après ce savantgéologue, la forêt sous-marine des côtes de La Rochelle consiste en bois de dicotylédones aplatis, en partie pétrifiés,en partie bitumineux ou fragiles, quelquefois à l’état de jaïet.Ces bois sont pénétrés de pyrites, et percés par une multi-tude de tarets et de vers marins. Les trous résultant de cetteperforation sont remplis de quarz-agathe et de sulfure de fer.On trouve les troncs ou en couches horizontales, tantôt diri-gées parallèlement, tantôt accumulés en désordre. Les boisqui sont pétrifiés en entier ou seulement en partie, reposentsur un sable verdâtre: ceux qui sont à l’état fibreux etbitumineux, reposent sur des bancs d’argile plastique d’unbleu foncé. Ils sont entourés d’algues marines et de petitesbranches de lignites. Parmi ces masses d’algues on trouveune résine qui passe au succin; elle est friable et offre di-verses couleurs. Les troncs d’arbres entassés forment unebande d’une lieue et demie de largeur, depuis l’extrémiténord-ouest de l’île d’Oléron jusqu’à quatorze lieues dans l’in-térieur du continent, sur la rive droite de la Charente.Cette bande a plus de sept pieds d’épaisseur; elle est dirigée |313| de O. N. O. à E. S. E., èt se trouve à un mètre au-dessus duniveau des basses mers. Là où les lignites sont couverts parl’océan, ils sont incorporés (ainsi que des masses de succin-asphalte et de grands ossemens d’animaux marins) à un grèsgrossier qui repose sur l’argile plastique. Le gisement de cesdépôts est, de bas en haut (d’après un mémoire inédit de M. Fleuriau de Bellevue): 1.° calcaire compacte (lithographique)à cassure unie (La Rochelle, S. Jean d’Angely); 2.° couchesd’oolithes (pointe de Chatelaillon et Matha); 3.° lumachelleet bancs de polypiers avec empreintes de Gryphæa angustata (ces trois couches constituent la formation jurassique, dontle banc à polypiers représente le coral-rag): 4.° grande couchede lignite avec tourbes marines, succin-asphalte et argile plas-tique; 5.° sables ferrugineux et chloriteux; argile schisteuse;couches arénacées et calcaires avec trigonies et cérites; desfragmens de lignites. Au sud-ouest de la Charente, où man-quent les couches n.os 4 et 5, des bancs horizontaux d’un cal-caire très-blanc avec débris de coquilles (Saintonge) repo-sent immédiatement sur les oolithes de la formation jurassique,et représentent les assises inférieures de la craie. M. Boué avu se prolonger les traces des lignites depuis Rochefort par Périgueux jusqu’à Sarlat. Ces sables et argiles avec lignites du grès vert sont liées versle bas aux argiles bleues avec lignites du cap la Hève (prèsdu Havre); vers le haut ils préludent pour ainsi dire augrand dépôt de lignites du terrain tertiaire, c’est-à-dire auxlignites de l’argile plastique et de la molasse, qui sont supé-rieures à la craie. Comme la craie dans ces assises inférieures(craie chloritée entre Fécamp et Dives) renferme elle-mêmedes lignites, et que, sous de certains rapports, elle peut êtreregardée comme une continuation de la formation jurassique,les phénomènes que nous venons d’exposer sont bien dignesde l’attention des géognostes. Le plänerkalk de l’Allemagne,souvent mêlé de mica et de grains de quarz, forme une desassises supérieures du grès vert, représentant à la fois lacraie chloritée et une partie de la craie grossière ou craietuffeau. |314| IV. Craie. §. 34. A mesure que nous nous sommes éloignés du calcairealpin, nous avons vu les formations devenir plus complexes.Il est vrai que le muschelkalk et le quadersandstein ont unestructure assez simple; mais le calcaire du Jura et le grès vert,là où ils se sont bien développés, offrent une grande complica-tion de couches et de fréquentes alternances. Cette tendanceà une composition variée, à un agroupement de masses hété-rogènes (tendance qui atteint son maximum dans le terraintertiaire), se ralentit pour ainsi dire au terrain de craie.Placée entre le grès vert et l’argile plastique ou grès à lignitestertiaire, la craie, par une plus grande simplicité de struc-ture, contraste avec les formations complexes que nous ve-nons de nommer. Des couches argileuses (dief), calcaires etarénacées (tourtia), qui séparent la formation jurassique (ooli-thique) de celle de la craie, ne doivent pas se confondreavec cette dernière formation, quoique souvent aussi il nesoit pas facile de fixer les limites entre les marnes avec litsd’oolithes du terrain jurassique, les strates du grès vert, etces marnes crayeuses ou calcaires jaunâtres, presque com-pactes, qui semblent appartenir aux assises inférieures de lacraie. Ce dernier terrain se compose, d’après les recherches deMM. Omalius et Brongniart, de trois assises assez distinctes.L’inférieure est la craie chloritée ou glauconie crayeuse, friableet parsemée de grains verts; la moyenne est la craie tuffeau ou craie grossière, grisâtre, sableuse, renfermant des marneset, au lieu de silex pyromaques, des silex cornés, d’unecouleur peu foncée. L’assise supérieure est la craie blanche.Quelquefois les assises les plus anciennes prennent des cou-leurs gris-noirâtre, et deviennent ou très-compactes (envi-rons de Rochefort), ou grenues et friables (montagne de Saint-Pierre près de Maestricht). La craie chloritée passesouvent insensiblement au sable vert (green sand). La craieblanche est la plus pure des couches calcaires de différensâges: elle ne contient que quelques centièmes de magnésie;mais elle est mêlée d’une quantité de sable plus ou moinsgrande. La liaison du terrain de craie de Paris avec les autres |315| terrains secondaires (entre Gueret et Hirson) a été indiquéedans une coupe par M. Omalius (Bull. phil., 1814). Dans unnivellement barométrique, fait en 1805, de Paris à Naples,nous avons vu, M. Gay-Lussac et moi, sortir au jour, succes-sivement sous la craie, le calcaire du Jura, le calcaire alpin,le grès rouge, le gneis et le granite (entre Lucy-le-Bois, Aval-lon, Autun et montagne d’Aussy). La formation de craie,trop long-temps négligée, est beaucoup plus répandue qu’onne le pense généralement. On l’a reconnue dans plusieursparties de l’Allemagne, par exemple, dans le Holstein, en Westphalie (d’Unna à Paderborn), dans le pays d’Hanovre,au pied du Harz près Goslar, dans le Brandebourg près Prentzlow, et à l’île de Rugen. Souvent elle n’est reconnois-sable que par les corps fossiles que présentent les lambeauxde terrains marneux et arénacés. Elle ne renferme que peude couches hétérogènes, par exemple, des lits d’argile (Islede Wight; Anzin); des silex, soit en plaques ou en rognonsbien alignés, soit en petits filons (Isle de Thanet; Brighton),et caractérisant les assises supérieures de la craie. On y ren-contre aussi des pyrites globuleuses et de la strontiane sulfa-tée (Meudon). Pétrifications. Dans le bassin de la Seine on trouve, d’aprèsles observations de MM. Defrance et Brongniart, dans lescouches supérieures de la craie: beaucoup de bélemnites(Belemnites mucronatus) et d’oursins (Ananchites ovata, A. pus-tulosa, Galerites vulgaris, Spatangus cor anguinum, S. bufo);des huîtres (Ostrea vesicularis, O. serrata); des térébratules(Terebratula Defrancii, T. plicatilis, T. alata); des peignes(Pecten cretosus, P. quinque-costatus); le Catillus Cuvieri, des Alcyonium, des astéries, des millepores, etc. La craie tuffeauet glauconeuse renferme (environs du Havre, de Rouen et de Honfleur; Perte du Rhône près Bellegarde): Gryphaea columba,G. auricularis, G. aquila, Podopsis truncata, P. striata, Tere-bratula semiglobosa, T. gallina, Pecten intextus, P. asper, Ostreacarinata, O. pectinata, Cerithium excavatum, des trigonies,des crassatelles, des encrinites et des pentacrinites (Angle-terre), et, ce qui est très-remarquable, des nautilites et plu-sieurs ammonites (Nautilus simplex, Ammonites varians, A.Beudanti, A. Coupei, A. inflatus, A. Gentoni, A. rhotomagensis), |316| tandis que les couches supérieures de la craie, près de Paris,ne renferment (à l’exception du Trochus Basteroti) pas uneseule coquille univalve à spire simple et régulière. D’aprèsles recherches de MM. Buckland, Webster, Greenough, Phi-lipps et Mantell, comparées à celles de M. Brongniart, il existela plus grande analogie entre les débris organiques trouvés,en France et en Angleterre, dans les assises de la craie dumême âge. Ce sont partout les assises les plus anciennes quirenferment des ossemens de grands sauriens (monitor) et detortues de mer, des dents et des vertèbres de poissons (squales).Malgré les analogies que présentent les grès à lignites (sablesverts et argiles plastiques) au-dessous et au-dessus de la craie,cette formation pourtant appartient plutôt au terrain secon-daire qu’au terrain tertiaire, auquel plusieurs géognostescélèbres le rapportent. Aussi, selon M. Brongniart, les co-quilles de la formation crayeuse se rapprochent beaucoupplus de celles de la formation jurassique que des coquilles ducalcaire grossier, dont la craie est séparée géognostiquementde la manière la plus tranchée. Terrains tertiaires. Les considérations que j’ai exposées plus haut sur la liaisonintime entre les dernières assises du terrain de transition etles premières du terrain secondaire, peuvent s’appliqueren grande partie à la liaison que l’on observe entre les terrainssecondaires et tertiaires. Les roches de transition sont ce-pendant plus étroitement liées au terrain houiller que ne l’estla craie aux formations qui lui succèdent. Ce qu’il y a de plusimportant en géognosie, c’est de bien distinguer les forma-tions partielles; c’est de ne pas confondre ce que la nature anettement limité; c’est d’assigner à chaque terme de la sériegéognostique sa véritable position relative. Quant aux ten-tatives qui ont été faites récemment pour réunir plusieurs deces formations par groupes et par sections, elles ont eu lesort de toutes les généralisations diversement graduées. Lesopinions des géognostes sont restées plus partagées à l’égarddes grandes que des petites divisions. Presque partout lesmêmes formations ont été admises; mais on varie dans la |317| nomenclature des groupes qui doivent les réunir. C’est ainsique les botanistes s’accordent plus facilement sur la fixationdes genres que sur la répartition de ces mêmes genres entredes familles voisines. J’ai préféré de conserver dans le tableaudes formations les anciennes classifications les plus générale-ment reçues. Dans cette longue série de roches, dans cetassemblage de monumens de diverses époques, on distinguesurtout trois phénomènes bien marquans: la première lueurde la vie organique sur le globe, l’apparition de roches frag-mentaires, et la débâcle qui a enseveli l’ancienne végétationmonocotylédone. Ces phénomènes marquent l’époque desroches intermédiaires et celle du grès houiller, premierchaînon des roches secondaires. Malgré l’importance des phé-nomènes que nous venons de signaler, les roches d’une époqueont toujours quelque prototype dans les roches de l’époqueprécédente, et tout annonce l’effet d’un développementcontinu. Comme les noms, terrains de sédiment moyen, calcaire alpinnouveau, etc., sont employés dans beaucoup d’ouvrages géo-gnostiques modernes, sans que l’on désigne chaque fois indi-viduellement les roches que renferment ces terrains, il serautile de rappeler ici la synonymie de cette nomenclature desgisemens. M. Brongniart, distinguant entre primitif et primor-dial, comprend avec M. Omalius d’Halloy, sous la dénomina-tion de terrains primordiaux, toutes les roches primitives et in-termédiaires cristallines de l’école de Freiberg: il divise lesterrains secondaires (Flötzgebirge) en trois classes. Dans lapremière, celle de sédiment inférieur (Descr. géol. des environsde Paris, p. 8; Sur le gisement des ophiolithes, p. 36), sontcompris le mountain-limestone ou calcaire de transition, legrès rouge ou houiller, le calcaire alpin ou zechstein et lelias; dans la seconde, celle de sédiment moyen, le calcairedu Jura et la craie; dans la troisième, celle de sédimentsupérieur, toutes les couches qui sont plus neuves que lacraie. Le terrain de sédiment supérieur remplace par conséquentle terrain tertiaire, dénomination tout aussi impropre pourdésigner un quatrième terrain, succédant aux terrains primitif,intermédiaire et secondaire, que l’étoient les anciens noms de terrains à couches (roches secondaires) et de terrains à filons |318| (roches primitives et de transition). M. de Bonnard, dansson intéressant Aperçu géognostique des formations, exclut des terrains primordiaux les porphyres, les syénites de transitionet toutes les roches cristallines postérieures à celles qui ren-ferment quelques débris de corps organisés; il regarde, etnous préférons sa manière de voir, le mot primordial commesynonyme de primitif. Les terrains secondaires supérieurs de M. de Bonnard diffèrent beaucoup du terrain de sédiment supérieur de M. Brongniart: ce sont plutôt ceux que ce savant esti-mable appelle terrain de sédiment moyen. Toutes les formations,depuis la craie jusqu’au grès rouge, à l’exception des houilles,sont comprises dans l’ordre surmoyen de M. Conybeare, tandisque la liaison intime que l’on observe en Angleterre entreles dépôts de houilles et les roches qui les supportent, ontengagé M. Buckland ( Structure of the Alps, 1821, p. 8 et 17)à étendre les formations secondaires depuis la craie jusqu’aumountain limestone et à la grauwacke (old red sandstone).Il nomme notre zechstein avec dépôts salifères, calcaire alpinancien (elder alpine limestone); le lias, les oolithes, le sablevert et la craie, calcaire alpin nouveau (younger alpine lime-stone). Ces indications suffiront, je pense, pour l’intelligencede la synonymie des grandes divisions géognostiques. Le mélange fréquent de couches pierreuses et de terrainsmeubles ou masses désagrégées a fait confondre long-temps lesformations tertiaires, c’est-à-dire, celles qui sont postérieuresà la craie, avec les terrains d’alluvion et de transport, que Guet-tard (1746) avoit appelés la zone des sables. On a faussementconsidéré les formations tertiaires comme peu importantes,comme irrégulières dans leur stratification et restreintes àde petites étendues de pays. L’école de Freiberg ne plaçoitd’abord (1805) au-dessus du muschelkalk et de la craieque quatre formations, savoir: les sables et argiles avec li-gnites, déjà reconnues par Hollmann en 1760 ( Phil. Trans.,vol. LI, p. 505); le nagelfluhe calcaire, le travertin, et letuff d’eau douce ( Reuss, Geogn., T. II, p. 473, 630, 644). Bruguières avoit déjà observé que les meulières de Mont-morency ne renfermoient que des coquilles d’eau douce.Le gypse à ossemens de Montmartre, que Karsten croyoitencore analogue au gypse salifère du zechstein, avoit été |319| considéré par Lamanon et par M. Voigt (1799) comme undépôt d’eau douce. Werner le regarda (1806) comme en-tièrement différent des formations de gypse d’Allemagne, etcomme d’une époque beaucoup plus récente ( Freiesleben, Kupfersch., T. I, p. 174). Les observations recueillies parla Société géologique de Londres et la Société Wernérienne à Édimbourg, les utiles voyages de M. Omalius d’Halloy (1808) et de quelques géognostes italiens, avoient fourniune masse assez considérable de matériaux pour l’étude desterrains tertiaires; mais la connoissance plus approfondiedes différentes formations qui constituent ce terrain et quioffrent les mêmes caractères dans les pays les plus éloignés,ne date que de l’époque où a paru la Description géologiquedes environs de Paris, par MM. Brongniart et Cuvier (1.re édit.,1810; 2.e édition, 1822). C’est dans le bassin qui entourecette capitale, que toutes les formations tertiaires (à l’ex-ception peut-être du grès à lignites, qui ne s’y montre quecomme argile plastique) se trouvent le plus développées.Toutes celles qui manquent dans d’autres parties de l’Eu-rope, ou qui ne s’y rencontrent que par lambeaux, sontréunies sur les bords de la Seine. En caractérisant succinctement les termes de la série ter-tiaire, je profiterai à la fois du grand ouvrage de M. Brongniart,de celui que MM. Conybeare et Philipps viennent de faire pa-roître sur le sol de l’Angleterre, du Voyage géologique de M. Beudant en Hongrie, et des observations récentes de MM. Boué et Prevost, qui, en remplissant la lacune entre les formationstertiaires et oolithiques, ont rendu de grands services à lagéognosie positive. C’est par la comparaison de terrains très-éloignés les uns des autres, qu’on peut éviter, jusqu’à un certainpoint, de confondre le tableau général des gisemens avec ladescription géographique d’un bassin isolé. Il est assez remar-quable de voir que la dernière assise du grand édifice géognos-tique, celle dont l’époque de formation est le plus rapprochéede nos temps, ait été examinée si tard. Comme les couchesmeubles du terrain tertiaire renferment des coquilles fossilesdans un haut degré de conservation, c’est ce terrain aussiqui a donné lieu au perfectionnement de la conchyliologiesouterraine. La prédilection que dans divers pays on a donnée |320| à cette science, deviendra également utile à l’étude des for-mations secondaires et intermédiaires, si on ne néglige pasde combiner les caractères zoologiques avec ceux qu’offrentle gisement et l’âge relatif des roches. J’ai exposé plus haut les motifs pour lesquels j’ai cru devoiréviter les dénominations de premier, de deuxième et de troi-sième terrain marin, ou d’eau douce. J’ai substitué le plus sou-vent des noms géographiques à ces dénominations numéri-ques, très-susceptibles de faire naître des idées erronées. Lesformations les plus récentes sont celles dont les gisemensparoissent avoir été le plus modifiés par des circonstanceslocales. Une alternance périodique des matières calcaires etsiliceuses (l’argile même renferme près de 70 pour cent desilice) se manifeste jusque dans les strates qui appartiennentà une même formation. Les couches hétérogènes et les subdi-visions des terrains calcaires ou gypseux prennent, dans quel-ques pays, un accroissement si considérable qu’on les prendpour des terrains particuliers ou indépendans. Il en résulteque la succession et le parallélisme des roches tertiaires, si ré-centes et d’une structure si complexe, peut différer quelque-fois du type que nous leur assignons dans le tableau desformations. Argiles et Grès tertiaire a lignites (Argile plastique,Molasse et Nagelfluhe d’Argovie). §. 35. A l’entrée du terrain tertiaire, comme aussi au-dessous de la craie, entre cette roche et le calcaire juras-sique, nous trouvons des dépôts de lignites: c’est ainsi quesur la limite des terrains intermédiaires et secondaires nousavons vu placé un grand dépôt de houilles (coal-mesures).Les deux terrains secondaire et tertiaire commencent pardes amas de végétaux enfouis. A mesure que l’on avance dugrès houiller vers les formations plus récentes, on voit lesplantes monocotylédones peu à peu remplacées par des plantesdicotylédones; il y en a encore des premières (endogénitesde M. Adolphe Brongniart, mais non des fougères) au-dessusde la craie jusque dans le gypse à ossemens: cependant,en général, les dicotylédones (exogénites) dominent dans lesdépôts de lignites. Je suis moins surpris de ce mélange que de |321| l’uniformité de la végétation monocotylédone de l’ancienmonde, dont nous voyons les débris dans les terrains intermé-diaires et dans le grès houiller. Au milieu des forêts de l’Oré-noque, qui sont extrêmement riches en monocotylédones,la proportion de celles-ci aux dicotylédones est, quant à lamasse, c’est-à-dire au nombre des individus, comme 1 à 40.La proportion que présentent les terrains houilliers n’est doncpas tropicale. Auroit-elle été modifiée par la résistance inégalequ’opposent à la destruction les monocotylédones et les dico-tylédones? Nous réunirons dans le grès à lignites supérieur à la craie, les formations parallèles d’argiles plastiques, de marnes etsables avec lignites, de molasse et de nagelfluhe. Dans les environs de Londres et de Paris il n’y a qu’unlambeau de ce terrain, que l’on trouve beaucoup plus déve-loppé dans la France méridionale, en Suisse et en Hongrie.La craie, en France et en Angleterre, est recouverte d’unecouche d’argile plastique, sans coquilles et sans débris organi-ques, entièrement dépourvue de chaux, renfermant quelquessilex et de la sélénite. Une couche de sable sépare l’argileplastique des fausses glaises, qui sont plus siliceuses et noirâ-tres. Ces dernières renferment du lignite ou bois fossile bitu-mineux, provenant de plantes monocotylédones et dicotylé-dones; du vrai succin (d’après la découverte de M. Bequerel);du bitume, et (Soissonnois, Montrouge, Bagneux) un mé-lange de coquilles pélagiques et fluviatiles (cyrènes, céritesd’eau douce ou potamides, mélanies, limnées, paludines).Ce mélange ne s’observe ordinairement qu’à la limite supé-rieure de l’argile plastique et des lignites. Les coquilles ma-rines ressemblent, d’après M. Prevost, à celles du calcairegrossier. Couches intercalées: sables et grès avec coquilles,masses de calcaire concrétionné avec cristaux de strontianesulfaté. Fossiles, d’après MM. d’Audebard de Férussac et Brongniart: Planorbis rotundatus, Paludina virgula, P. unico-lor, Melanopsis buccinoidea, Nerita globulosa, Melania triticea,— Ceritium funatum, Ampullaria depressa, Ostrea bellovaca, etc. En Angleterre, l’argile plastique, qu’il ne faut pas con-fondre avec le London clay (représentant le calcaire grossierde Paris) ni avec l’ Oxford ou Clunch clay (de la formation |322| jurassique), abonde plus en sables qu’en argile: elle ren-ferme des lignites (Isle de Wight, Newhaven), et, ce quiest remarquable à cause de l’analogie de cette formation avecles molasses d’Argovie et de Hongrie, un grès friable (Stut-land en Dorsetshire). On y a trouvé, d’après MM. Webster et Buckland, des impressions de feuilles, des fruits de pal-mier, des cyclades (Cyclas cuneiformis, C. deperdita), desturritelles, des cérites (Ceritium melanoides, C. intermedium)et des huîtres (Ostrea pulchra, O. tenuis). Le terrain à succin de la Poméranie et de la Prusse, vraisem-blablement superposé à la craie, est composé d’argile, de li-gnites et de nodules de succin. Les corps organisés qu’il ren-ferme, ont été récemment examinés par M. Schweigger. Parson gisement, comme l’observe judicieusement M. Brongniart,il appartient à la formation §. 35. Les grès à lignites (molasse et macigno) sont répandus dansles plaines de la Hongrie, comme dans le grand bassin dela Suisse, entre les Alpes et le Jura, ou plutôt entre le lacd’Annecy et celui de Constance. La formation de Hongrie,que M. Beudant a fait connoître, est géognostiquement laplus importante, parce qu’on la voit superposée au calcairejurassique (Sari Sap aux environs de Gran, et bords du lacBalaton). Elle est immédiatement recouverte (près de Bude)de calcaires coquilliers analogues au calcaire grossier de Paris.Elle est composée de poudingues (nagelfluhe) et de brèchescalcaires qui alternent avec des grès micacés, friables, schis-teux, à petits grains anguleux de quarz, avec des sables et avecdes lits d’argile. Elle renferme de grands dépôts de lignites(Csolnok, au sud de Gran, Wandorf près de Œdenbourg),des sources de bitume, des minérais granuleux de fer hydraté,des coquilles d’eau douce et, au contact avec le calcaire gros-sier superposé, des coquilles marines. Le terrain arénacé de la Suisse, qui comprend la molasse et le nagelfluhe, se compose,d’après les nouvelles recherches de MM. de Charpentier et Lardy (en commençant par les couches inférieures), 1.° de calcaires sableux, un peu ferrugineux, passant souvent à unvéritable grès à ciment calcaire; 2.° de poudingue (nagelfluhe)enchâssant des fragmens calcaires et siliceux, toujours arron-dis et agglutinés par un ciment calcaire; 3.° de molasse ou grés |323| à petits grains de quarz et à ciment argileux ou marneux. Desfilons de spath calcaire traversent souvent le nagelfluhe, et lamolasse (grès fin et friable) alterne avec des lits de marnes.Le nagelfluhe qui empâte à la fois des galets de porphyre etde calcaire compacte (Rigi, Fribourg, Entlibuch), n’est pastoujours recouvert par la molasse; et M. de Buch a remarquédepuis long-temps qu’entre Habkern et le petit Emmethal lamolasse alterne plusieurs fois avec le nagelfluhe. Tout ce ter-rain, dont la surface est généralement à nu, git immédiate-ment, vers le nord (Arau, Porentruy, Boudry), sur le cal-caire jurassique; vers le sud, sur le calcaire alpin (environsde Genève et Teufenbachtobel, au sud-ouest du Rigi). D’aprèsl’inclinaison des couches quelques géognostes célèbres ont re-gardé long-temps le nagelfluhe comme antérieur au calcairealpin. M. Keferstein croit encore la molasse (mergelsandstein)inférieure à la craie, et même au calcaire jurassique. Un cal-caire fétide et bitumineux, un gypse fibreux et argileux, al-ternant avec des marnes qui renferment des ammonites, uncalcaire compacte brun-jaunâtre, et des lignites, forment descouches subordonnées à la molasse de la Suisse. Le dépôt delignites qu’on exploite près de S. Saphorin, entre Vevay et Lausanne, est recouvert de nagelfluhe; celui de Paudex estintercalé à la molasse. Tout ce terrain renferme, en Suisse,à la fois des coquilles marines (ammonites, cythérées, donax),des coquilles d’eau douce (lymnées, planorbes), des palma-cites à feuilles flabelliformes (Montrepos), et des ossemensde quadrupèdes (Aarberg, Estavayer, Kæpfnach sur les bordsdu lac de Zuric), ossemens qui, selon les recherches de M. Meisner, appartiennent à l’Anaplotherium, au Mastodon an-gustidens et au Castor. Dans la molasse de Cremin et Combre-mont une brèche coquillière marine repose sur un calcairebrun, rempli de planorbes. M. Brongniart, dès l’année 1817,a insisté sur l’analogie qu’offre l’argile plastique de Paris avecune partie de la formation de nagelfluhe et de molasse de Suisse, si long-temps confondue avec le grès bigarré d’Alle-magne. Ce savant pense aussi que les molasses qui renfermentdes ossemens de mastodontes et d’anthracoterium (Cadibonaprès de Savone) sont plus récentes encore que l’argile plas-tique; qu’elles sont peut-être ou liées au calcaire grossier qui |324| est souvent arénacé, ou parallèles au gypse de Montmartre. Lesossemens d’animaux vertébrés, trouvés rarement dans l’argileplastique de Paris et de Londres (près d’Auteuil et de Margate),n’ont point encore été déterminés zoologiquement, et jus-qu’ici M. Cuvier, dans la suite de ses importantes recherchessur le gisement des fossiles, n’a reconnu des débris de mam-mifères terrestres que dans les terrains postérieurs au calcairegrossier. Il se pourroit, d’après ces considérations, que lesmolasses ou grès à lignites de Hongrie fussent antérieurs àceux de la Suisse; mais, comme dans ce dernier pays lesformations de calcaire grossier (parisien) et de gypse à osse-mens ne se sont presque pas développées, et qu’en générall’alternance fréquente des roches tertiaires rend leur paral-lélisme un peu incertain, il se pourroit aussi que la longueépoque de la formation de molasse et de nagelfluhe en Suisse (celle des couches inférieures et supérieures, aréna-cées, marneuses, calcaires et gypseuses) eût été contempo-raine aux trois formations d’argile plastique, de calcairegrossier et de gypse des environs de Paris. Le terrain qui nous occupe est, selon les observations ré-centes de M. Boué, extrêmement développé dans le sud-ouest de la France, de Libourne à Agen, surtout au nord dela Dordogne et de la Gironde, où il repose sur la craie. Il yest composé (en commençant par les couches supérieures) degrès calcaires remplis de débris de coquilles et d’ossemensd’animaux vertébrés, de petites couches de fer globulaire,de marnes grises et verdâtres, de calcaires jaunâtres aveccérites. Des dépôts de lignites y ont été reconnus par M. Brongniart ( Descr. géol., art. II, §. 1); mais ils n’y sont pasnombreux, et la position de cette formation arénacée entrela craie et le calcaire grossier de Bordeaux la caractérisesuffisamment comme molasse. Le grès à lignites peut locale-ment être dépourvu de lignites, de même que le grès rougeou houiller est souvent dépourvu de houilles. Comme presquetoutes les formations secondaires ont leurs grès et leurs con-glomérats, il ne faut pas regarder comme appartenant à lamême formation §. 35 tous les nagelfluhe de l’Europe (pou-dingues polygéniques de la classification de M. Brongniart):îl y en a qui ne paroissent que des formations locales et peu |325| étendues; d’autres (Salzbourg et S. Gall?), selon l’observa-tion judicieuse de M. Boué, sont peut-être plus anciens quela craie et le calcaire du Jura. D’ailleurs l’analogie qu’offrentcertaines couches placées entre le quadersandstein et la craieavec celles qui sont placées entre la craie et le gypse à os-semens, est un phénomène bien digne de l’attention des géo-gnostes. D’immenses dépôts de sables, d’argile et de lignites avecmellite (Artern) et avec succin (bernstein de Muskau etbernerde de Zittau), couvrent une partie de l’Allemagne. Ony trouve des lits de grès extrêmement quarzeux (Carlsbad, Habichtswald, Meissner, Wilhelmshöhe près Cassel, Wolfs-eck), surtout là où des coulées de basaltes sont superposéesà l’argile avec lignites. A cause de cette proximité on adonné anciennement à ces grès, qu’on pourroit minéralo-giquement confondre avec les grès également quarzeux dugrès bigarré et avec ceux de Fontainebleau, la dénominationimpropre de grès trappéens (trapp-sandstein). Les sables àgrenats (granatensand), c’est-à-dire les argiles et marnes de Meronitz et de Podsedlitz en Bohème, qui renferment despyropes disséminés, appartiennent-ils à cette même forma-tion §. 35, ou, comme plusieurs phénomènes observés dansla Cordillère du Mexique et à l’île de la Graciosa (archipeldes Canaries) me le feroient supposer, appartiennent-ils àdes argiles basaltiques du terrain igné?
  • Calcaire de Paris (Calcaire grossier ou Calcaire a cérites),formation parallèle a l’Argile de Londres et au Calcairearénacé de Bognor.
§. 36. Cette formation très-compliquée, retrouvée en Hon-grie, en Italie et dans le nouveau continent, a été entièrementméconnue avant la publication de la Géographie minéralogiquedes environs de Paris. Le calcaire grossier, séparé par unecouche de sable de l’argile plastique, consiste, d’après M. Brongniart, dans le bassin de la Seine, de bancs minces ettrès-régulièrement alternans, de calcaires plus ou moinsdurs, et de marnes argileuses ou calcaires. Sur des étenduesde terrains très-considérables, les coquilles fossiles sont géné-ralement les mêmes dans les couches correspondantes, et |326| présentent, d’un système de couches à un autre système, desdifférences d’espèces assez notables. Ce phénomène d’unifor-mité dans la distribution des animaux caractérise surtoutle terrain tertiaire; on commence déjà à le reconnoîtredans les différens bancs qui composent, en Suisse et en Angle-terre, la formation jurassique. Les couches inférieures ducalcaire grossier de Paris sont chloriteuses (glauconeuses),arénacées, remplies de madrépores et de nummulites. Dansles couches moyennes on trouve beaucoup d’empreintes defeuilles et de tiges de végétaux (Endogenites echinatus, Fla-bellites parisiensis, Pinus Defrancii, d’après le travail de M. Adolphe Brongniart sur la Végétation fossile), des millio-lites, des ovulites, des cythérées, mais presque point de cé-rithes. Les couches supérieures offrent des lucines, des am-pullaires, des corbules striées, et une grande variété (prèsde soixante espèces) de cérithes; mais, en général, cettedernière assise est moins abondante en corps fossiles que lesassises moyenne et inférieure, dans lesquelles MM. Defrance et Brongniart ont recueilli près de 600 espèces de coquilles.Le fameux banc coquillier de Grignon et les fossiles du Falun de Tourraine appartiennent principalement aux assisesmoyennes. Dans celles-ci et dans le système des couches su-périeures les bancs calcaires sont quelquefois entièrementremplacés par des grès ou des masses de silex corné (horn-stein). Ce sont ces grès qui ont offert (entre Pierrelaie et Franconville près Beauchamp), à MM. Gillet de Laumont et Beudant, un mélange de coquilles marines avec des coquillesd’eau douce (limnées et paludines). Les fossiles du calcaireparisien, parmi lesquels on ne trouve jamais de bélemnites,d’orthocératites, de baculites ou d’ammonites, diffèrent en-tièrement de ceux de la craie. Les dépôts coquilliers qui représentent dans les différentesparties de l’Europe la formation que nous décrivons, sontles uns identiques de composition et d’aspect (plaines de Vienne décrites par M. Prevost; collines de Pest et de Teteny en Hongrie, décrites par M. Beudant), tantôt seulementanalogues par leur position géognostique et par les débrisfossiles qu’ils renferment (Angleterre). Les calcaires gros-siers de la Hongrie, pétris de cérithes, de turritelles, d’ampul- |327| laires, de vénus et de crassatelles, peu reconnoissables, parcequ’il n’en est resté que le moule, offrent jusqu’aux caractèresempyriques les plus minutieux auxquels on reconnoît le cal-caire parisien. Ils sont liés à des sables coquilliers (Czerhat, Raab), qui sont en partie mêlés de grains verts et qui ontbeaucoup d’analogie avec les dépôts coquilliers des plainesde la Lombardie. Les calcaires grossiers de la Dordogne et de la Gironde,géographiquement plus rapprochés du bassin de la Seine, nemontrent pas toujours cette ressemblance de composition quenous venons de signaler dans ceux de la Hongrie. Ils sont,d’après les observations récentes de M. Boué, composés dedeux assises bien distinctes. L’inférieure est peu coquillièreou à corps fossiles brisés; elle renferme du calcaire com-pacte blanc-jaunâtre, quelquefois tachant comme la craie,des marnes et des bancs de galets quarzeux. L’assise supé-rieure est un calcaire sableux, extrêmement coquillier, etressemblant presque quelquefois à une molasse brunâtre. En Angleterre, d’après les recherches de MM. Buckland, Webster et Sowerby, l’ argile de Londres (London clay) estnon-seulement, par sa superposition à l’argile plastique, une formation parallèle au calcaire de Paris; elle renferme aussipresque toutes les espèces de coquilles qui semblent appar-tenir plus particulièrement aux couches inférieures de cecalcaire. Dans le bassin de la Tamise, la formation que lesgéognostes anglois désignent communément sous le nom de London clay, n’est qu’un dépôt d’argile et de marnes brunâ-tres, renfermant du fer sulfuré et quelques lames de sélénite;mais, sur d’autres points de l’Angleterre, cette couche serapproche beaucoup plus, par sa composition minéralogique,du calcaire grossier. Elle présente, d’après MM. Conybeare et Philipps, sur les côtes de Sussex, à Bognor et près de Har-wich (Essex), des lits de calcaire compacte et sableux. On ya trouvé, outre les corps fossiles propres à la formation quilui est analogue dans le bassin de Paris, des empreintes depoissons, des ossemens de tortues et de crocodiles (Islington),une espèce d’ammonites (Ammonites acutus, à Minstercliff)et des lignites. Le Cerithium giganteum, assez commun dansl’argile de Londres, n’appartient en France qu’à l’assise in- |328| férieure du calcaire grossier, qui est d’ailleurs dépourvuede toute autre espèce de cérithes. Le London clay, dans le-quel on assure avoir trouvé du succin (Holderness dans le Yorckshire), paroît avoir des rapports plus intimes avecl’argile plastique (grès tertiaire à lignites) que le calcairegrossier de Paris. M. Brongniart rapporte à cette formation (§. 36) la ma-jeure partie des terrains calcaréo-trappéens du Vicentin (ValRonca, Montecchio maggiore, Monte Bolca), la colline dela Supergue de Turin, le cap S. Hospice près de Nice, la Grande-Terre de la Guadeloupe, etc. Les célèbres impres-sions de poissons de Monte Bolca, sur lesquelles M. de Blain-ville a entrepris un travail intéressant, ne se trouvent, d’a-près les recherches de M. Maraschini, pas proprement dansle calcaire grossier, mais (comme on le reconnoît surtoutà Novale et à Lugo près de Salceo) dans un calcaire fétideet schisteux, séparé du calcaire grossier par une couched’argile avec lignites. Cette position me semble lier les marnesbitumineuses (de Monte Bolca) avec empreintes de poissonset de feuilles aux marnes du gypse à ossemens de Montmartre. Dans l’Amérique équinoxiale, où je n’ai point reconnu lesformations de craie et de grès à lignites, les collines quibordent sur quelques points la Cordillère de Venezuela, ducôté de la mer (Castillo de San Antonio de Cumana, Cerrodel Barigon dans la péninsule d’Araya, Vigia de la Popa près du port de Carthagène des Indes), me paroissent ap-partenir au calcaire grossier. Ces collines sont composées,1.° d’un calcaire compacte et arénacé gris-blanchâtre, dont lescouches, tantôt horizontales, tantôt irrégulièrement incli-nées, ont cinq à six pouces d’épaisseur (quelques bancs sontpresque dépourvus de pétrifications, d’autres sont pétris demadrépores, de cardites, d’ostracites et de turbinites, etmêlés de gros grains de quarz); 2.° d’un grès calcaire, danslequel les grains de sable sont plus fréquens que les coquilles(plusieurs bancs de ce grès enchâssent, non des paillettesde mica, mais des rognons de mine de fer brun, et deviennentsi siliceux qu’ils ne font presque plus d’effervescence avecles acides, et que les corps fossiles y disparoissent entière-ment); 3.° de bancs d’argile endurcie avec sélénite. L’assise |329| calcaire, dont j’ai déposé de grands échantillons dans le ca-binet d’histoire naturelle de Madrid, offre (entre Punta Gorda et les ruines du château de Santiago d’Araya) une innom-brable quantité de solens, d’ampullaires, d’huîtres et de po-lypiers lithophytes, en partie disposés par familles. Cette for-mation tertiaire, composée de calcaires coquilliers, avecgrains de quarz, de marnes argileuses et de grès calcaire, setrouve géographiquement liée aux terrains tertiaires des îlesopposées aux côtes de Cumana, par exemple, de celles dela Guadeloupe et de la Martinique. Elle repose tantôt immé-diatement sur le calcaire alpin (Punta Delgada), tantôt surles argiles salifères d’Araya, dont j’ai parlé plus haut (§. 28,p. 275). Calcaire siliceux et Gypse a ossemens, alternant avec desmarnes (Gypse de Montmartre). §. 37. D’après les principes de classification que j’ai suivisdans ce travail, j’aurois pu séparer le calcaire siliceux(Champigny) du gypse alternant avec des marnes appeléesmarines et d’eau douce; mais, n’ayant pu, dans le cours demes voyages, faire des terrains supérieurs à la craie un objetparticulier de mes études, je n’ai rien voulu changer auxcoupes générales indiquées dans l’ouvrage de MM. Brongniart et Cuvier. Le calcaire siliceux du bassin de Paris, qui est tantôt tendreet blanc, tantôt grisâtre, à grains très-fins et caverneux, estcomme pénétré dans toute sa masse de silex ou matière quar-zeuse. Il est intimement lié, vers le haut, au gypse, par lesmarnes argileuses et gypseuses qui alternent également avecle calcaire siliceux et le gypse à ossemens (butte de la Briffede S. Denys; Crecy; Coulommiers); vers le bas, au calcairegrossier, dont les dernières couches offrent aussi quelquefoisdes infiltrations siliceuses: maîs les silex cornés du calcairegrossier renferment des coquilles marines, tandis que lescalcaires siliceux du terrain gypseux qui servent de meu-lières, présentent dans leurs bancs supérieurs des coquillesfluviatiles. J’ai déjà fait observer plus haut (§. 28, p. 283)que sur le dos des Cordillères du Pérou, à 1800 toises dehauteur, une formation calcaire très-ancienne (le calcaire |330| alpin) offre ce même phénomène curieúx d’infiltrations sili-ceuses. Des modifications analogues dans la composition desroches et dans le mélange chimique des matières ont eu lieuà des époques très-différentes. Les marnes calcaires qui al-ternent avec le calcaire siliceux de Paris, renferment une magnésite remarquable, que MM. Brongniart et Berthier ontfait connoître, et qui est un silicate de magnésie hydratépresque pur. Les infiltrations siliceuses de cette formationpassent quelquefois à une calcédoine divisée par plaques, età un hornstein mamelonné coloré en rouge, en violet et enbrun. Le terrain gypseux est composé, dans le bassin de Paris,de couches alternantes de marnes schisteuses et de gypsesaccharoïde compacte ou feuilleté. Il renferme au centreet dans sa plus grande masse des productions terrestres etd’eau douce, mais vers ses limites supérieures et inférieures,tant dans le gypse que dans les marnes, il offre des productionsmarines. L’assise inférieure de la formation gypseuse est carac-térisée par des silex ménilites et de gros cristaux de sélénitelenticulaires et jaunâtres. Les bancs de marnes deviennentplus rares vers le milieu, où l’on trouve plus particulière-ment la strontiane sulfatée et des squelettes de poissons.L’assise supérieure est caractérisée par la multitude d’osse-mens de mammifères terrestres qui sont aujourd’hui inconnussur le globe (Palœotherium crassum, P. medium, P. magnum,P. latum, P. curtum, Anaplotherium commune, A. secundarium,A. marinum, le Chaeropotame et l’Adapis de M. Cuvier);par des os d’oiseaux, de crocodiles, de tryonix, de poissonsd’eau douce: elle est recouverte de bancs de marnes calcaireset argileuses, renfermant, les uns du bois de palmier, desplanorbes, des limnées et des cythérées (Cytherea elegans);les autres, des cérites (Cerithium plicatum, C. cinctum), desvénus et de grandes huîtres très-épaisses (Ostrea hippopus, O.pseudochama, O. longirostris, O. cyatula). Une couche demarne verte sépare, vers la limite supérieure de la formationgypseuse, les coquilles d’eau douce des coquilles pélagiques.Vers le bas le gypse même (n.° 26 de la troisième masse de Montmartre) offre des fossiles marins. Quelquefois cette for-mation ne s’est pas développée en entier; les gypses man- |331| quent, et l’on ne reconnoît sa place que par des marnes vertesaccompagnées de strontiane. Comme le gypse à ossemens n’aencore été étudié qu’en très-peu d’endroits (bassin de Paris, Puy-en-Vélay, Aix en Provence), les caractères que nousattribuons à cette formation si importante pour la géogonieou pour l’histoire des anciennes révolutions de notre planète,ne sont vraisemblablement pas assez généraux. Grès et Sables supérieurs au gypse a ossemens (Grès de Fontainebleau). §. 38. Ce terrain est formé de deux assises: l’une, infé-rieure, sans coquilles; l’autre, supérieure, renfermant descoquilles marines. Des sables siliceux et des grès formentdes bancs très-épais, très-étendus, mais dont les surfaces nesont pas parallèles. Dans l’assise dépourvue de coquilles enplace (celles de Villers-Cotterets et de Thury paroissent à M. Brongniart usées, comme si elles avoient été roulées), ontrouve sur quelques points beaucoup de paillettes de mica,des rognons de fer brun disposés par lits, un peu de gypse,beaucoup de marnes argileuses et des infiltrations de chauxcarbonatée (forêt de Fontainebleau). Les assises supérieures,qui renferment des coquilles marines (Oliva mitreola, Ceri-thium cristatum, C. lamellosum, Corbula rugosa, Ostrea flabel-lula), passent quelquefois à un calcaire arénacé (Romain-ville, Montmartre). L’immense terrain tertiaire de l’Italie,celui des collines subapennines, avec ossemens de cétacés et Ostrea hippopus, qui s’étend depuis Asti en Piémont jusqu’à Monteleone en Calabre, et que M. Brocchi a si bien décrit,appartient en grande partie, d’après les discussions de MM.Prevost et Brongniart, aux grès et sables qui reposent surle gypse de Montmartre. Terrain lacustre avec Meulières poreuses, supérieur auGrès de Fontainebleau (Calcaire a lymnées). §. 39. C’est le grand terrain d’eau douce supérieur, com-posé sur quelques points de sables argilo-ferrugineux, demarnes et de meulières siliceuses, criblées de cavités (aveccoquilles, plateau de Montmorency; sans coquilles, La Ferté- |332| sous-Jouarre); sur d’autres, de silex, de marnes et de calcairescompactes (Château-Landon). Ces calcaires renferment despotamides, des lymnées, des planorbes, des bulimes, deshélix, et beaucoup d’empreintes de végétaux (Culmites ano-malus, Lycopodites squammatus, Chara medicaginula, NymphæaArethusæ de M. Brongniart fils). Nous renvoyons pour l’his-toire du grand terrain lacustre, qui a déjà été retrouvé danspresque toutes les parties de l’Europe, à la 2.e édition de la Description géologique des environs de Paris(art. VIII). Une contrée du globe où la plupart des formations ter-tiaires ont acquis un grand développement, et où, pourcette même cause, ces formations sont restées assez distinctes,nous a servi de type dans le tableau géognostique des forma-tions tertiaires; mais il ne faut point oublier que dans d’autrescontrées ce développement s’arrête à l’argile plastique ou aucalcaire grossier: alors le gypse de Montmartre et le grèsde Fontainebleau ne paroissent indiqués que par les placesqu’occupent les marnes et les sables. Le terrain tertiaireréunit des formations qui se confondent partout où ellesn’ont pas pris un égal accroissement, et où la fréquente alter-nance des marnes tend à masquer les limites des différentesassises. Il me resteroit à parler des dépôts d’alluvion, qui pré-sentent d’importans problèmes sur l’origine des sables dansles déserts et les steppes (provenant du grès rouge, du grèsbigarré, du quadersandstein, du terrain tertiaire?); mais cesdépôts si variés dans leur alternance, ne peuvent être l’objetd’un travail sur la superposition des roches. Terrains volcaniques. J’ai fait succéder, par des motifs que j’ai exposés plushaut, au terrain intermédiaire (Uebergangsgebirge), commepar mode de bisection, les formations secondaires et volca-niques. Cet arrangement offre l’avantage de rapprocher lesporphyres et les syénites de transition, avec leurs couches bul-leuses et pyroxéniques intercalées (§§. 23 et 24, Holmstrand en Norwége; Andes de Popayan; Cordillères du Mexique),des porphyres, des amygdaloïdes et des dolérites du grèsrouge (§. 26, Noyant et Figeac en France; Écosse), des tra- |333| chytes, des phonolithes et des basaltes du terrain exclusive-ment pyrogène. Dans un tableau de gisement, c’est déjàgagner beaucoup que de ne pas séparer ce qui se trouve liédans la nature par des affinités vraiment géognostiques. On peut considérer le groupe de roches que l’on réunitgénéralement dans le terrain volcanique, sous un doublepoint de vue, ou d’après une certaine conformité observéedans leur gisement et leur superposition, ou d’après les rap-ports de leur composition et de leur origine communes.Dans le premier cas, sans opposer le mode de formation destrachytes et des basaltes à celui des terrains primitifs et in-termédiaires, on examine la place que doivent occuper,comme termes de la série géognostique, les grands systèmesde roches composées de feldspath, de pyroxène, d’amphi-bole, d’olivine et de fer titané, que l’on trouve, au nord etau sud de l’équateur, non recouvertes et comme surajoutéesà d’autres terrains plus anciens, dans des circonstances en-tièrement analogues. Cette manière d’envisager et de classerles roches volcaniques est la plus conforme aux besoins dela géognosie positive. On réunit les roches trachytiques etbasaltiques, non d’après leur composition minéralogique etla conformité apparente de leur origine, mais d’après leuragroupement et leur position; on les distribue parmi lesautres roches d’après leur âge relatif, comme on a fait,dans les terrains primitifs et intermédiaires, avec les diffé-rentes formations de calcaires grenus (§§. 10 et 20), d’eupho-tides (§§. 19 et 25) et de porphyres (§§. 18, 22, 23 et 26).Dans le second cas, on isole, sous la dénomination de terrainvolcanique, tout ce que l’on croit être incontestablementd’une origine ignée; on oppose les termes de la série pyro-gène à d’autres séries de roches que l’on dit être d’une origineaqueuse. Par là on sépare d’une manière absolue ce qui offredans la nature des passages graduels; au lieu d’explorer legisement, ou de placer les roches dans l’ordre de leur succes-sion, on s’attache de préférence aux questions historiquessur le mode de leur formation. J’avoue, et l’on ne sauroit se prononcer avec assez de fran-chise sur les premiers fondemens d’une science; j’avoue queces classifications, d’après les diverses hypothèses que l’on |334| se forme sur l’origine des choses, ne me paroissent pas seu-lement vagues et arbitraires, mais aussi très-nuisibles auxprogrès de la géognosie de gisement; elles préjugent, d’unemanière arbitraire et surtout trop absolue, ce qui est pourle moins encore extrêmement douteux. En divisant, d’aprèsun usage suranné, les formations en primitives, intermédiaires,secondaires, tertiaires et volcaniques, on admet, pour ainsi dire,un double principe de division, celui de l’âge relatif ou dela succession des formations, et celui de leur origine. Si l’ondistingue entre des nappes de laves et des roches, ou bienentre des roches volcaniques, des roches d’une origine neptu-nienne, et des matières formées par une prétendue liquéfac-tion aquoso-ignée, on attribue tacitement aux granites, auxporphyres et aux syénites intermédiaires, aux dolérites et auxamygdaloïdes du grès rouge, un mode de formation diamé-tralement opposé à celui d’une fusion ignée. D’après cettemanière de procéder, qui appartient plutôt à la géogonie qu’à la géognosie positive, on considère tout ce qui n’est pascompris dans le terrain volcanique, dans les roches de trachyteet de basalte qui surmontent les autres terrains, commeformé par la voie humide, ou comme précipité d’une solutionaqueuse. Il est presque inutile, dans l’état actuel des sciencesphysiques, de rappeler combien l’hypothèse d’une solutionaqueuse est peu applicable aux granites et aux gneis, auxporphyres et aux syénites, aux euphotides et aux jaspes. Je nehasarderai pas de prononcer ici sur les circonstances qui peu-vent avoir accompagné la première formation de la croûteoxidée de notre planète; mais je n’hésite pas à me ranger ducôté des géognostes qui conçoivent plutôt la formation desroches cristallines siliceuses par le feu que par une solutionaqueuse, à la manière des travertins et d’autres calcaires la-custres. Les mots laves et roches volcaniques sont d’ailleurs aussivagues que l’est le mot volcan, qui désigne tantôt une mon-tagne terminée par une bouche ignivome, tantôt la causesouterraine de tout phénomène volcanique. Les trachytes quisurmontent le dos des Cordillères, appartiennent indubitable-ment aux roches pyrogènes, et cependant le mode de leurformation n’est pas celui des courans de laves postérieurs aucreusement des vallées. L’action du feu volcanique par un |335| cône isolé, par le cratère d’un volcan moderne, diffère né-cessairement de l’action de ce feu à travers l’ancienne croûtecrevassée de notre planète. En considérant les phénomènes volcaniques dans leur plusgrande généralité, en réunissant ce qui a été observé dans lesdifférentes parties du globe, on voit différer ces phénomènesentre eux, même de nos jours, de la manière la plus frap-pante. Ce ne sont pas les volcans de la Méditerranée, lesseuls que l’on a étudiés avec soin, qui peuvent servir de typeau géognoste et lui présenter la solution des grands problèmesgéogoniques. L’élévation absolue des bouches ignivomes,variant depuis cent à deux mille neuf cent cinquante toises(Stromboli et Cotopaxi), influe non-seulement sur la fré-quence des éruptions, elle modifie aussi la nature des massesrejetées. Quelques volcans n’agissent plus que par leursflancs, quoiqu’ils offrent encore un cratère à leur sommet(Pic de Ténériffe); d’autres ont des éruptions latérales (j’enai trouvé à Antisana dans les Andes de Quito, à 2140toises de hauteur), sans que leur cime ait jamais été percée;d’autres encore, également creux dans leur intérieur, commel’indiquent beaucoup de phénomènes (dôme trachytique du Chimborazo, 3350 toises), n’offrent aucune ouverture per-manente au sommet et sur leur flanc (le Yana-Urcu,petit cône d’éruption, est placé dans le plateau de Calpi même), et n’agissent pour ainsi dire que dynamiquement,en ébranlant les terrains d’alentour, en fracturant les cou-ches et en changeant la surface du sol. Rucu-Pichincha (2490 toises), qui a été l’objet particulier de mes recherches,n’a jamais jeté un courant de laves postérieur au creusementdes vallées actuelles, pas plus que Capac-Urcu (près Rio-bamba nuevo), qui, avant l’écroulement de sa cime, a étéplus élevé que le Chimborazo. Le grand volcan mexicain de Popocatepetl (2771 toises), au contraire, a eu des épanche-mens de laves sous la forme de bandes étroites, tout commeles petits volcans de l’Auvergne et de l’Italie méridionale.Les îles qui sortent (dans quelques parages presque périodi-quement) du fond des mers, ne sont pas, comme on le ditsouvent par erreur, des amas de scories semblables au Montenovo de Pouzzole; ce sont des masses rocheuses soulevées, et |336| dans lesquelles le cratère ne s’ouvre que postérieurement àleur soulèvement. ( Relat. histor. de mon Voyage aux régionséquin., T. I, p. 171, et Essai politique, T. I, p. 254.) Au Mexique, dans l’intérieur des terres, sur un plateau trachy-tique à plus de trente-six lieues de distance de la mer,et loin de tout volcan brûlant, des montagnes de 1600 piedsde hauteur sont sorties (29 Septembre 1759) sur une cre-vasse, et ont jeté des laves qui enchâssent des fragmens gra-nitiques. Tout à l’entour, un terrain de quatre milles carréss’est soulevé en forme de vessie, et des milliers de petitscônes (hornitos de Jorullo), composés d’argile et de boulesde basaltes à couches concentriques, ont hérissé cette sur-face bombée. Tous les volcans brûlans et toutes les cimes dela Nouvelle-Espagne qui s’élèvent au-dessus de la limite desneiges perpétuelles, se trouvent sur une zone étroite (Paral-lèle des grandes hauteurs, entre les 18° 59′ et 19° 12′ de lati-tude), qui est perpendiculaire à la grande chaîne des mon-tagnes. C’est comme une crevasse de 137 lieues de long, quis’étend depuis les côtes de l’océan Atlantique jusqu’à cellesde la Mer du Sud, et qui semble se prolonger encore 120lieues plus loin, vers l’archipel de Revillagigedo, couvertde tuffs ponceux. Ces alignemens des volcans, ces soulèvemens à traversdes fentes continues, ces bruits souterrains (bramidos y true-nos subteraneos de Guanaxuato, en 1784) qui se sont fait en-tendre au milieu d’un terrain de schistes et de porphyresde transition, rappellent, dans les forces encore actives du nouveau monde, les forces qui, dans les temps les plus re-culés, ont soulevé les chaînes de montagnes, crevassé lesol, et fait faillir des sources de terres liquéfiées (laves,roches volcaniques fluides) au milieu de strates plus ancien-nement consolidés. Même de nos jours ces terres liquéfiéesne sortent pas constamment des mêmes ouvertures de l’ori-fice d’une montagne (cratère au sommet d’un volcan) ou deson flanc déchiré; quelquefois (Islande, plateau de Quito) laterre s’ouvre dans les plaines, et l’on en voit sortir ou desnappes de laves qui s’entrecroisent, se refoulent et se sur-montent, ou de petits cônes d’une matière boueuse (moyade Pelileo et de Riobamba viejo, 4 Février 1797) qui semble |337| avoir été un trachyte ponceux, et qui, combustible et tachantles doigts en noir, est mêlé de carbure d’hydrogène. (Humb., Essai politique sur la Nouv. Espagne, T. I, p. 47, 254. Id., Relat. historique, T. I, p. 129, 148, 154, 315; T. II, p. 16,20, 23. Klaproth, Chem. Unterr. der Min., T. IV, p. 289.) Les roches que l’on a l’habitude de réunir sous le nom desubstances du terrain (exclusivement) volcanique, ont étéenvisagées jusqu’ici beaucoup plus d’après les rapports orycto-gnostiques et chimiques de leur composition, ou d’aprèsceux de leur origine, que d’après les rapports géognos-tiques de leur gisement et de leur âge relatif. Le feu desvolcans a agi à toutes les époques, lors de la première oxi-dation de la croûte du globe, à travers les roches de tran-sition, les terrains secondaires et tertiaires. A l’exceptionde quelques roches lacustres ou d’eau douce, les roches vol-caniques sont les seules dont la formation continue, pourainsi dire, sous nos yeux. Si les laves des mêmes volcans(sources intermittentes de terres liquéfiées) varient à diversesépoques de leurs éruptions, on conçoit combien des matièresvolcaniques qui, pendant des milliers d’années, se sont pro-gressivement élevées vers la surface de notre planète, dansdes circonstances de mélange, de pression, de refroidisse-ment, si différentes, doivent offrir à la fois de contrastes etd’analogies. Il y a des trachytes, des phonolithes, des ba-saltes, des obsidiennes et des perlites de différens âges,comme il y a différentes formations de granites, de gneis,de micaschistes, de calcaires, de grauwacke, de syénites etde porphyres. Plus on approche des temps modernes, plusles formations volcaniques paroissent isolées, surajoutées,étrangères au sol sur lequel elles se sont répandues. Unelongue intermittence de la source semble produire, mêmedans les volcans actuels, une grande variété dans les produits,et s’opposer à l’agroupement de matières analogues. Dans lesformations de transition (Andes de la Nouvelle-Grenade etdu Pérou; Cordillères du Mexique) les différens termes dela série géognostique se lient les uns aux autres; ils se mon-trent dans cette dépendance mutuelle que l’on observe entreles porphyres et les syénites, entre les thonschiefer, lesgrünstein et les calcaires de transition, entre les serpentines, |338| les jaspes et les euphotides. Dans ce dédale de formationsvolcaniques de différens âges on n’a reconnu jusqu’à présentque quelques lois de gisement qui paroissent, sinon géné-rales, du moins en harmonie avec des phénomènes observésdans les deux continens sur une grande étendue de terrain.Ce sont ces rapports de gisement seuls qui peuvent être dis-cutés ici; tout ce qui regarde la composition des roches vol-caniques, l’analyse mécanique de leur tissu et leurs classifi-cations oryctognostiques, objets importans traités dans deuxmémoires célèbres de M. Fleurian de Bellevue et de M. Cor-dier ( Journ. de physique, T. LI, LX et LXXXIII ), n’est pasdu domaine de la géognosie des formations. On peut sansdoute indiquer certains caractères par lesquels des rochesressemblent d’une manière plus évidente aux productionsdes volcans modernes: mais la couleur noire; la porosité àcellules alongées, couvertes d’un enduit lustré; la propriétéde faire des gelées avec les acides; l’absence du quarz, dufeldspath commun et des filons métalliques (aurifères et ar-gentifères); la présence du pyroxène, du fer titané, dufeldspath vitreux et fendillé, et des alcalis, ne peuvent plus,dans l’état actuel de nos connoissances, être considérées commedes caractères généraux des roches volcaniques. (Voyez plushaut, §§. 21, 23, 26.) Les masses volcaniques, ou regardées comme telles (roches empyrodoxes de M. Mohs, Charakter der Classen, 1821, p. 177),se trouvent ou par filons (dykes, dans toutes les formations,depuis le granite primitif jusqu’à la craie et les formationstertiaires; Écosse, Allemagne, Italie), ou en couches inter-calées (calcaires et porphyres de transition; grès rouge),ou superposées, surajoutées à des terrains d’âges très-diffé-rens. Le contraste entre les roches volcaniques ou empyro-doxes intercalées, et les roches qui les renferment, estd’autant plus frappant que les dernières sont indubitablementnon volcaniques, calcaires (Derbyshire) ou fragmentaires(grauwacke, grès houiller). Lorsque des masses empyro-doxes se trouvent, ou comme couches subordonnées, entreles strates de roches intermédiaires cristallines (porphyreset syénites), ou comme filons traversant les strates de rochesprimitives (granite-gneis), ces roches primitives et intermé- |339| diaires feldspathiques peuvent avoir, selon l’opinion de quel-ques géognostes, la même origine ignée que la masse descouches intercalées ou des filons (mandelstein, dolérites,basaltes), sans que les époques de formation et les circons-tances dans lesquelles les forces volcaniques ont agi, aientété identiques. Les limites entre les filons et les bancs inter-calés trappéens, pyroxéniques ou porphyriques, ne sont pastoujours si tranchées qu’on pourroit le croire d’après les dé-finitions que l’on a coutume de donner des gîtes particuliersdes minérais. Plusieurs de ces bancs ne sont que des amasentrelacés et formés par la réunion d’un grand nombre defilons. Lorsque ceux-ci suivent dans une grande épaisseur(voyez mes coupes du célèbre filon de Guanaxuato) la direc-tion et l’inclinaison des strates de la roche, ils prennenttout l’aspect d’une couche. Nous insistons sur ces remarques,parce que la nouvelle géogonie a une tendance à faire monter,de bas en haut, des masses liquéfiées à travers des crevasses,tandis que l’ancienne géogonie expliquoit tout par des pré-cipitations, par des mouvemens dans un sens opposé. Onpeut croire que ces directions doivent avoir été différentesselon la nature des matières qui se sont consolidées, selonqu’elles étoient cristallines et siliceuses, calcaires ou frag-mentaires. La géognosie positive a profité de ces discussionssur l’origine ignée ou neptunienne des roches: mais elle rendles classifications indépendantes des résultats géogoniques;elle ne sépare pas les masses intercalées des terrains danslesquels on les trouve, et elle ne laisse réunies, dans la divi-sion des roches dont nous nous occupons ici sous le nomde terrain volcanique, que des formations superposées, sur-ajoutées à des formations primitives, intermédiaires, secon-daires et tertiaires. La place que doit occuper une roche δ dans la série géo-gnostique, est déterminée par la roche la plus récente, γ, qu’elle recouvre, et par la roche la plus ancienne, ε, dont elleest recouverte. Si δ est superposé à ε, il est tout naturel qu’onle trouve aussi placé sur les roches plus anciennes α, β, γ,qui sont les termes précédens de la série. L’application dece principe très-simple de la géognosie de gisement exigebeaucoup de circonspection, lorsqu’il s’agit de roches tra- |340| chytiques, basaltiques et phonolithiques. Un même courantde laves, une même nappe de masses pyroxéniques répanduesà la fois sur du granite, sur du micaschiste et sur un terraind’eau douce, offrent sans doute des preuves incontestablesd’une origine postérieure aux formations tertiaires les plusmodernes: mais l’âge d’une formation volcanique est plusdifficile à déterminer quand il n’y a pas continuité de masse,et quand on confond, sous une dénomination générale, desmatières qui se sont épanchées latéralement, avec d’autresqui ont percé de bas en haut, par soulèvement, à traversdes roches préexistantes. Là où des trachytes et des basaltesse trouvent réunis, la formation la plus récente sur laquellesont appuyés les basaltes, ne fixe pas nécessairement l’âge destrachytes: l’une et l’autre de ces roches ont, sans doute, étéproduites d’une manière différente et non simultanée. Il sepourroit même que, dans une région de peu d’étendue, di-verses masses trachytiques isolées, mais d’une compositionanalogue, ne fussent pas d’une même formation, les unes sor-tant d’une syénite de transition, les autres de roches primi-tives. Le plus souvent l’accumulation des conglomérats trachy-tiques masque à tel point le gisement des trachytes, que l’onne peut deviner leur superposition. C’est ainsi que l’on croitles trachytes du Siebengebirge, près de Bonn, sortis du grau-wacke, et ceux d’Auvergne sortis d’un plateau de granite quipourroit bien déjà appartenir au terrain intermédiaire. Demême qu’il faut distinguer entre les véritables coulées basalti-ques avec olivine et les masses pyroxéniques noires, bulleuses,intercalées aux trachytes et à quelques porphyres de transi-tion, de même aussi il ne faut pas confondre les véritablestrachytes (Drachenfels, Chimborazo, Antisana) avec deslaves feldspathiques (leucostiniques) qui ont coulé par bandesétroites (ancien cratère de la Solfatare près Naples) et quipeuvent se répandre sur des conglomérats tuffacés. ( Dolomieu,dans le Journ. des mines, n.os 41, 42 et 69; Nose, Niederrh.Reise, T. II, p. 428; Spallanzani, Voy. dans les deux Siciles,T. III, p. 196; Ramond, Nivell. géogn. de l’ Auvergne, p. 11,91; Buch, Geogn. Beob., T. II, p. 178, 205; Id., dans les Mém. de l’ Acad. de Berlin, 1812, p. 129 — 154; Beudant, Voy.en Hongrie, T. III, p. 508 — 513, 521 — 527 et 530 — 544.) |341| En Hongrie, le terrain trachytique paroît s’être forméentre l’époque des terrains secondaires et celle des terrainstertiaires. M. Beudant, qui a donné sur les roches de tra-chyte le traité le plus complet que nous possédions, les a vuesreposer sur des grünstein (Kremnitz, Dregely, Matra) et surdes calcaires de transition (Glashütte, Neusohl). Les con-glomérats trachytiques recouvrent aussi en Hongrie des grau-wackes schisteux, et même un calcaire magnésifère, qui pa-roît appartenir à la formation du Jura. Dans cette partieorientale de l’Europe, le grès à lignites, le calcaire grossier etd’autres roches tertiaires sont superposés à leur tour à cesconglomérats. Des superpositions semblables de grès, de gypseet de calcaires d’une origine très-récente, ont été observéespar M. de Buch et par moi aux îles Canaries et dans les Cordillères des Andes. D’après un excellent observateur,M. Breislak ( Atlas géol., pl. 39), les trachytes des Monts Euga-néens reposent (Schivanoja, près de Castelnuovo) sur le cal-caire du Jura; mais dans la région du monde la plus abon-dante en roches trachytiques, dans la partie occidentale dunouveau continent, tant au nord qu’au sud de l’équateur, jen’ai vu nulle part les trachytes se faire jour à travers desformations si modernes. Les résultats de gisement les plus importans qu’ont offertsmes voyages dans la zone volcanique des Andes (1801 — 1804),se réduisent aux faits suivans. Toutes les cimes les plusélevées des Cordillères sont des trachytes. Les volcans actuelsagissent tous par des ouvertures formées dans le terrain tra-chytique. Ce terrain embrasse par zones une grande partiedes Cordillères; mais il s’étend rarement vers les plaines, etles volcans encore enflammés, loin d’être solitaires ou associéspar groupes de forme irrégulière plus ou moins circulaire,comme en Europe ( Ramond, Niv., p. 45; Humb., Rel. hist.,T. II, p. 16), se suivent, à la manière des volcans éteints del’Auvergne et des cratères brûlans de l’île de Java, par files,tantôt dans une série, tantôt sur deux lignes parallèles. Ceslignes sont dirigées généralement (montagnes de Guatimala,de Popayan, de los Pastos, de Quito, du Pérou et du Chili) dans le sens de l’axe des Cordillères, quelquefois(Mexique) elles font avec cet axe un angle de 70°. Là |342| même où les trachytes, par leur accumulation, ne couvrentpas le sol entier, ils se trouvent comme éparpillés en pe-tites masses sur le dos et la crête des Andes, s’élevant enforme de rochers pointus au sein des roches primitives etde transition. Les trachytes et les basaltes se montrent rare-ment réunis, et ces deux systèmes de roches semblent serepousser mutuellement. De véritables basaltes avec olivinene forment pas des couches intercalées dans le trachyte; maislorsqu’ils se trouvent rapprochés des trachytes (entre Quito et la Villa de Ibarra; Julumito à l’ouest de Popayan; valléede Santiago dans la Nouvelle-Espagne; Cerros de las Cuevas et de Canoas près du volcan de Jorullo), ce sont les basalteset les mandelstein qui recouvrent ces derniers. Les rochestrachytiques ont leur siége principal dans le terrain de tran-sition, dans les grandes formations de syénites et de por-phyres (§§. 21 et 23), antérieures et postérieures aux grau-wackes et aux thonschiefer, surtout dans la première de cesformations, qui recouvre immédiatement les roches primi-tives. Lorsque, dans les Andes, les trachytes paroissent cou-vrir des granites avec amphibole, ou des gneis et des mica-schistes verts et stéatiteux, il reste douteux si ces dernièresroches, loin d’être primitives, n’appartiennent pas plutôt auterrain de transition. On peut regarder comme égalementproblématique, si ces apparences de recouvremens, ces super-positions des roches trachytiques sur des formations préexis-tantes ne sont pas plutôt de simples appositions, et si le tra-chyte (Extentam tumefecit humum, ceu spiritus oris Tendere vesi-cam solet, aut direpta bicornis Terga capri; tumor ille loci per-mansit, et alti Collis habet speciem, longoque induruit ævo, ditOvide, Metamorph., lib. IX, du cône soulevé de Trécènedans l’Argolide), si le trachyte, dis-je, en soulevant et enbrisant l’ancienne croûte du globe, n’est pas sorti perpendi-culairement sous la forme de cloches (Chimborazo), ou biensous celle de châteaux forts en ruines (sommet des Cordil-lères du Pérou, entre Loxa et Caxamarca). Les trachytesdes Andes et du Mexique, qui renferment du perlite etde l’obsidienne, ne sont généralement recouverts que pard’autres roches volcaniques (phonolithes, basaltes, mandel-stein, conglomérats et tuffs ponceux). Quelquefois de pe- |343| tites formations locales, calcaires et gypseuses, que l’on peutappeler tertiaires, parce qu’elles sont certainement posté-rieures à la craie, surmontent les trachytes; mais vers le basces mêmes trachytes des Cordillères, surtout lorsqu’ils nesont pas recouverts, sont géognostiquement liés de la manièrela plus intime avec les porphyres poreux et fendillés duterrain de transition: porphyres dépourvus de quarz et ren-fermant du pyroxène et du feldspath vitreux, quelquefoisriches en filons argentifères et supportant sur d’autres pointsdes formations secondaires, même du calcaire de transition,noir et carburé (voyez plus haut, p. 151, 158 — 181, 205 —213). Cette liaison pourra motiver un jour, dans nos mé-thodes, la suppression du terrain volcanique, en tant qu’onle considère comme opposé, par le mode de sa formation etde son origine, aux roches de tous les autres terrains. Il y ades roches volcaniques dans le terrain de transition et dansle grès rouge, comme il y a des roches fragmentaires, agglo-mérées, remaniées par les eaux, dans le terrain volcanique.Ce dernier mot, pour lui donner un sens précis, seroit lemieux appliqué aux seules productions des volcans qui ontagi postérieurement à l’existence de nos vallées. Quoique, d’après les observations faites dans les deuxcontinens, les trachytes et d’autres roches analogues quiparoissent dus à la même action des forces volcaniques, etdans lesquels le feldspath compacte ou vitreux domine surl’amphibole et le pyroxène, se trouvent principalement dansle terrain de transition et sur les limites de ce terrain et desroches secondaires les plus anciennes, on ne peut étendrecette conclusion aux basaltes, qui sont souvent enclavés dansle granite primitif (Schneekoppe en Silésie; Roche rouge, prèsde Serassac dans le Vélay), et qui sont peut-être antérieurs àcertaines formations de trachytes? Dans une contrée très-cir-conscrite, dans un même agroupement de roches volcaniques,les trachytes grenus ou porphyres trachytiques, qu’il ne fautpas confondre avec des roches fragmentaires ou des conglo-mérats de trachytes beaucoup plus modernes, sont générale-ment d’une formation plus ancienne que les basaltes qui lesrecouvrent en coulées ou en larges nappes. Au contraire, lesbasaltes, postérieurs aux conglomérats trachytiques et pon- |344| ceux, sont le plus souvent antérieurs aux conglomérats et tuffsbasaltiques; mais, nous le répétons, dès que nous devons com-parer des lambeaux épars d’un terrain de trachytes, dephonolithes ou de basaltes, lambeaux non recouverts etgisant dans des formations granitiques, intermédiaires ousecondaires, ces roches de trachytes, de basaltes et de pho-nolithes ne peuvent plus être rangées comme termes d’unemême série géognostique. Ce qui sort du granite le plusancien, peut être postérieur à une roche analogue qui s’estfait jour à la fois à travers des roches de transition. L’oryc-tognosie ou minéralogie descriptive, qui analyse le tissudes substances volcaniques, parviendra à les classer d’aprèsles principes que M. Cordier a si bien établis dans son mé-moire sur la composition des roches pyrogènes de tous les âges; mais la géognosie, qui ne considère que l’âge relatif et lesgisemens, sera forcée de compter un grand nombre de roches incertæ sedis, même lorsqu’une plus vaste partie de la terreaura été examinée avec soin. Cette incertitude ne tient pasà l’imperfection des méthodes, mais à l’impossibilité de com-parer, sous le rapport de leur succession ou de l’époque deleur origine, des masses rocheuses éparses et non recouvertes.L’historien de la nature, comme celui des révolutions dugenre humain, recueille, compare et discute tous les faits;mais il ne peut coordonner par séries ceux qui ne présententaucun caractère chronologique. Dans cet état des choses, loin de mêler des considérationsoryctognostiques aux classifications de la géognosie positive, ilme paroît convenable de ranger les roches volcaniques d’aprèsle type de gisement que l’on observe le plus généralement dansles deux hémisphères, là où le plus grand nombre de ces rochesse trouve agroupé. La grande masse des substances dans les-quelles le feldspath prédomine (trachytes, leucostines), serasuivie, comme dans les tableaux oryctognostiques, de la grandemasse des substances dans lesquelles prédomine le pyroxène(basaltes, dolérites); mais cette harmonie apparente entredes méthodes fondées sur deux principes différens, celui dela composition et celui de l’ordre des gisemens, disparoîtdès que l’on examine les formations partielles ou in tercalées.Le géognoste distingue alors entre les phonolithes des trachytes |345| et les phonolithes des basaltes; il place des leucostines compactesdans le terrain pyroxénique, comme il indique une forma-tion de dolérites (mélange de feldspath et de pyroxène, danslequel la dernière substance est la plus fréquente) au milieudes leucostines ou trachytes. C’est d’après ces principes quej’ai esquissé la distribution des roches volcaniques, dont le ta-bleau a été placé à la fin des terrains de transition (p. 232).Cette distribution se fonde sur les observations vraiment géo-gnostiques publiées par MM. Léopold de Buch, Breislak, Boué et Beudant, et sur celles que j’ai eu occasion de faire moi-même en Italie, au Pic de Ténériffe, dans les Cordillères dela Nouvelle-Grenade, de Quito et du Mexique. J’ajouteraià la nomenclature des terrains l’indication succincte desgisemens les plus intéressans de l’ Amérique équinoxiale. I. Formations trachytiques, comprenant les trachytes grenus (granitoïdes et syénitiques); les trachytes porphyriques ouporphyres trachytiques, en partie pyroxéniques, en partiecelluleux, avec nids siliceux (meulières trachytiques ouporphyres molaires de M. Beudant); les trachytes semi-vitreux; les perlites avec obsidienne, et les phonolithes des trachytes. Onpeut ajouter à cette série les conglomérats trachytiques et pon-ceux, avec alunite, soufre, opale et bois opalisé; car chaqueterrain volcanique, comme chaque roche intermédiaire etsecondaire, a ses conglomérats, c’est-à-dire, ses roches frag-mentaires, dont elle a fourni les premiers élémens. Les tra-chytes (granites chauffés en place des anciens minéralogistes,porphyres trappéens, beaucoup de laves pétrosiliceuses de Dolomieu, domites de MM. de Buch et Ramond, nécroli-thes de M. Brocchi, leucostine granulaire de M. Cordier)n’offrent généralement, dans l’ancien continent, que peu detraces de stratification; mais dans les Cordillères des Andes ils sont souvent très-régulièrement stratifiés (Chimborazo,N. 60° E.; Assuay, N. 15° E.), mais variant par groupe etde direction et d’inclinaison, comme font les phonolithes duterrain basaltique (Mittelgebirge en Bohème). La structureen colonnes (prismes de 4 à 7 pans) est très-commune dansles trachytes porphyriques des Cordillères, non-seulementdans les roches noires à base de rétinite (pechstein) avec |346| feldspath vitreux et pyroxène (Passuchoa, près de la ville de Quito, au sud des collines de Poingasi; Faldas de Pichincha; Paramos de Chulucanas, Aroma et Cunturcaga, dans les Andesdu Pérou, entre Loxa et Caxamarca); mais aussi dans lestrachytes gris-verdâtre du Chimborazo (prismes minces de50 pieds de long; hauteur du plateau, 2180 toises), commedans les trachytes granitoïdes de Pisojè, au pied du volcande Puracè. Ces derniers sont gris-verdâtre, renferment dumica noir, du feldspath commun et un peu d’amphibole,et leur ressemblance avec les graniti colonnari des MontsEuganéens les éloigne beaucoup (p. 169) des porphyres duterrain de transition. La structure globulaire (en sphéroïdesà couches concentriques) paroît plutôt appartenir aux for-mations basaltiques qu’aux véritables trachytes. Les teintespâles dominent dans les trachytes des Cordillères, et les massesnoires de cette roche m’ont paru en général postérieures auxmasses blanches, grises et rouges. La même différence degisement paroît avoir lieu en Hongrie. Les trachytes noirsprennent quelquefois (Rucu-Pichincha près de Quito, sur-tout à l’arête de Tablahuma, 2356 toises) tout l’aspect dubasalte; mais l’olivine y manque toujours, et l’on n’y recon-noît que de petits cristaux de pyroxène qui pénètrent jusquedans l’intérieur des cristaux du feldspath vitreux. Dans les Andes, comme dans l’ancien continent, chaque cône oudôme trachytique (les premiers ne paroissent que des dômesou cloches percées à leur sommet et couvertes sur leursflancs d’éjections ponceuses et scorifiées) présente des rochesentièrement différentes dans leur composition, selon que l’undes élémens prédomine dans le tissu cristallin. Le mica noirest le plus commun dans les trachytes du Cotopaxi (entre le Nevado de Quelendaña et le ravin de Suniguaicu, 2263 t.),volcan qui abonde en même temps en masses vitreuses et enobsidiennes; l’amphibole domine dans les trachytes souventnoirs de Pichincha et d’Antisana; le pyroxène dans la régioninférieure et moyenne du Chimborazo, dont les trachytesrenferment quelquefois des pyrites, du quarz, et deux va-riétés de feldspath, le vitreux et le commun. L’ancien volcande Yana-Urcu, adossé au Chimborazo (du côté du village de Calpi), est dépourvu de pyroxène et contient de grands |347| cristaux d’amphibole. Dans les trachytes du Nevado de To-luca (Mexique) et d’Antisana on observe souvent, commedans les trachytes du Puy-de-Dôme, des parties bulleuses etscorifiées à cellules lustrées, enchâssées dans des masses com-pactes et terreuses. Les phonolithes des trachytes sont pluscaractérisés dans le volcan de Pichincha (Pic des Ladrillos et Guagua-Pichincha), de même qu’à la pente orientale du Chim-borazo, près de Yanacoche (hauteur, 2300 t.). A Antisana (Machay de San-Simon) et au nord de la Villa de Ibarra (Azufral de Cuesaca, plateau de Quito) les trachytes à base defeldspath compacte, mêlé d’amphibole, renferment du soufrenatif, comme le trachyte du Puy-de-Dôme et des bords dela Dordogne ( Ramond, Niv. géogn., p. 75, 86). Il ne fautpas confondre cette formation de soufre natif avec cellesdes solfatares ou cratères éteints, des mandelstein celluleux(entre Pate et Tecosautla au Mexique) et des argiles du ter-rain basaltique (province de los Pastos). L’épaisseur des cou-ches de trachytes est telle que sur le plateau de Quito elleatteint indubitablement et en masses continues (Chimborazo, Pichincha) 14,000 à 18,000 pieds. Comme très-peu de vol-cans des Andes ont donné de véritables coulées de laveslithoïdes, les trachytes y sont presque partout à découvert.Il n’y a que les conglomérats trachytiques, et des formationsproblématiques argileuses (tepetate), dont nous parleronsbientôt, qui les cachent quelquefois à l’examen des géo-gnostes. J’ai trouvé du feldspath commun et laiteux dans les tra-chytes poreux, légers et blancs, du Cerro de Santa Polonia (1532 toises, près de Caxamarca, Andes du Pérou); à la cimedu Cofre de Perote au Mexique (le Peña del Nauhcampate-petl, 2098 toises), dans un trachyte gris-rougeâtre, abondanten cristaux aciculaires d’amphibole et très-régulièrement stra-tifié (N. 28° E. avec 30° au N. O.); au volcan encore actif de Tunguragua, au sud de Quito (Cuchilla de Guandisava,1658 t.), dans des trachytes rouge-de-brique et celluleux;enfin, à la base du Chimborazo, près du petit volcan éteintde Yana-Urcu (1700 t.), dans des trachytes noirs et vitreux.M. de Buch, qui a examiné avec soin ces dernières roches,y a même reconnu à la fois des cristaux de feldspath vitreux |348| et de feldspath commun, phénomène que j’ai trouvé répétédans plusieurs porphyres de transition du Mexique. Les petits cristaux aciculaires d’amphibole sont quelquefoisplacés comme par files sur plusieurs lignes parallèles, et affec-tent tous la même direction (vallée du Cer au Cantal; tra-chytes gris-blanchâtre de Riobamba viejo, avec rhombes defeldspath décomposé en une terre jaunâtre). Le mica est beaucoup plus rare dans les trachytes du Mexique et des Andes que dans ceux du Siebengebirge, des Gleichen en Styrie, près de Radkersburg, et de Hongrie:j’en ai trouvé cependant de belles tables noires hexagones,tant à la base du volcan de Pichincha (près de Javirac ou du Panecillo de Quito, 1600 t.), que dans les trachytes semi-vitreux gris-bleuâtre de Cotopaxi, et dans les trachytesrouges et poreux du Nevado de Toluca (sommet du Fraile,2372 toises). Le titane ferrifère ne manque pas dans les trachytes de Quito et du Mexique; mais les lames de fer oligiste spécu-laire, également communs dans les trachytes et les laves del’Italie et de la France, sont assez rares dans les roches vol-caniques fendillées de l’Amérique équinoxiale. En considérant les trachytes des Cordillères sous un pointde vue général, il n’y a pas de doute qu’on ne les trouvecaractérisés par une absence de quarz en cristaux et en grains.Ce caractère, comme nous l’avons vu plus haut, s’étend mêmesur la plupart des porphyres métallifères de l’Amérique équi-noxiale (§§. 23 et 24), qui semblent liés aux trachytes; maisl’une et l’autre de ces roches offrent des exceptions frappantesà une loi que l’on auroit pu croire générale. Ces exceptionsprouvent de nouveau que le géognoste ne doit pas attacherune grande importance à la présence ou à l’absence de cer-taines substances disséminées dans les roches. La plus grandemasse du Chimborazo est formée par un trachyte semi-vitreux,vert-brunâtre (à base cireuse, comme de résinite), dépourvud’amphibole, abondant en pyroxène, très-compacte, tabu-laire, ou divisé en colonnes minces, irrégulières et tétraèdres.Ce trachyte renferme, comme couche intercalée, un bancrouge pourpré, celluleux, à cristaux de feldspath à peinevisibles, et parsemé de nodules alongés de quarz blanc. Plus |349| haut (à 3016 toises de hauteur, où nous vîmes descendre lemercure dans le baromètre à 13 pouces 11 \( \frac{2}{10} \) lignes), lequarz disparoît, et l’arête de rocher sur laquelle nous mar-châmes étoit couverte d’une traînée de masses rouges, bul-leuses, désagrégées et assez semblables aux amygdaloïdes dela vallée de Mexico. Ces masses, les plus élevées de cellesqu’on a recueillies jusqu’ici à la surface de la terre, étoientrangées en file, et pourroient faire croire à l’existence d’unepetite bouche près du sommet du Chimborazo, bouche quis’est vraisemblablement refermée, comme celles de l’Epomeo,à l’île d’Ischia, et de Guambalo et d’Igualata, entre Mocha et Penipe (province de Quito). Sur le plateau central du Mexique les trachytes de Lira enchâssent à la fois du quarzlaiteux, de l’obsidienne et de l’hyalithe. M. Beudant a aussireconnu récemment des cristaux de quarz dans les trachytesporphyriques (à globules vitro-lithoïdes), dans les trachytesmeulières et les perlites de Hongrie ( Voy. en Hongrie, T. III,p. 346, 365, 519, 575). Le même phénomène se trouve ré-pété dans quelques trachytes de l’Auvergne (Puy Baladou; Cantal, Col de Caboe), des Dardanelles et du Kamtschatka.Lorsqu’on se rappelle qu’il y a, d’après l’analyse de M. Vau-quelin, 92 pour cent de silice dans les trachytes du Sarcouy,que tous les basaltes et les laves en abondent, il faut plutôtêtre surpris que cette substance disséminée dans des silicatesde fer et d’alumine n’ait pu se réunir plus souvent sans mé-lange en cristaux ou grains de quarz pur. Ce n’est que ladifficulté opposée à la concentration de la silice autour d’unnoyau qui caractérise une grande partie des roches volcani-ques. (Voyez plus haut, p. 164.) Le pyroxène a été regardé jusqu’ici comme extrêmementrare dans les trachytes d’Europe. La couche de pyroxèneque M. Weiss a découverte entre Muret et Thiezac (au-dessusd’Aurillac en Auvergne; Buch, über Trapp-Porphyr, p. 135),semble plutôt appartenir à une formation basaltique super-posée au trachyte. Mais en Hongrie ( Beudant, T. III, p. 317,519), comme dans la Cordillère des Andes, le pyroxène setrouve assez souvent dans les trachytes porphyroïdes: il yremplace l’amphibole (Chimborazo, Tunguragua, base duvolcan de Pasto, région moyenne du volcan de Puracè, près |350| de Popayan). L’espèce de répulsion qu’on croit observerentre le pyroxène et l’amphibole, est d’autant plus frappanteque dans le terrain basaltique ces deux substances se trouventassez souvent réunies (Rhönegebirge en Allemagne). Les tra-chytes du Mexique m’ont paru assez généralement dépourvusde pyroxène. Le grenat, que nous avons déjà vu dans les porphyres detransition du Potosi et d’Izmiquilpan, reparoît, quoiquetrès-rarement, dans les trachytes des Andes: j’en ai trouvédans le volcan de Yana-Urcu (trachyte noir); M. Beudant ena recueilli dans les perlites lithoïdes d’Hongrie. Je doute aujourd’hui de l’existence de l’olivine dans leterrain trachytique des Cordillères: ce que j’avois pris pourcette substance, étoient des grains de pyroxène d’une teintetrès-peu foncée. L’olivine appartient peut-être exclusivementaux terrains basaltiques et à quelques laves lithoïdes. M. deBuch l’a reconnue parmi les éjections du volcan de Jorullo,qui forment un tissu à petit grain d’olivine, de feldspathvitreux et de mica jaune. Il n’y a aucune trace d’amphiboleni de pyroxène, quoique ce volcan se soit fait jour à traversun terrain de trachyte. M. Beudant doute aussi de la pré-sence de l’olivine dans les trachytes de Hongrie, même dansceux du groupe de Vihorlet. Lorsque des chimistes se serontoccupés plus spécialement des trachytes des Cordillères, quioffrent une si grande variété de roches, on y découvrira pro-bablement aussi de l’acide muriatique (comme au Sarcouy en Auvergne) et du mica commun mélangé de titane oxidé,comme au Vésuve. ( Soret, Sur les axes de double réfraction, 1821, p. 59.) Les observations que l’on peut faire sur le gisement desroches volcaniques, offrent plus d’intérêt encore que l’étudede leur composition. Les trachytes du volcan éteint de Tolima (§. 7) semblent sortir d’un granite postérieur au gneisprimitif. J’ai vu paroître (Alto del Roble) le micaschiste(p. 129) sous les trachytes des volcans encore brûlans de Popayan. Les granites à travers lesquels les dômes trachyti-ques du Baraguan et de Herveo (Ervè) se sont fait jour, sontpeut-être d’un âge plus récent que le micaschiste. L’obser-vation de gisement la plus importante que j’aie faite dans |351| l’immense plateau entièrement trachytique de Quito (espècede volcan polystome), a rapport aux trachytes de Tungu-ragua. Après avoir cherché en vain, pendant plus de sixmois, quelque trace de roches vulgairement appelées d’ori-gine neptunienne, j’ai trouvé, près du pont de cordage de Penipe (Rio Puela, 1240 toises), sous les trachytes noirs semi-vitreux, souvent colonnaires, du cône encore enflammé de Tunguragua, un micaschiste verdâtre, à surface striée etsoyeuse, renfermant des grenats et ressemblant aux mica-schistes du terrain primitif (voyez plus haut, p. 119). Cetteroche repose sur un granite syénitique, composé de beau-coup de feldspath verdâtre lamelleux et à gros grains, depeu de quarz blanc, de tables hexagones de mica noir, et dequelques cristaux effilés d’amphibole. La cassure du graniteoffre un aspect stéatiteux, et prend, au souffle, une teintevert-d’asperge. Ces syénites et ces micaschistes avec grenatsrappellent ceux que MM. de Buch et Escolar ont découvertsdans l’archipel des Canaries, en blocs, au milieu des ter-rains trachytiques de Fortaventura et de Palma. (Humboldt, Rel. hist., T. I, p. 640.) Il est très-certain que les roches de Penipe, qui n’appartiennent peut-être qu’au terrain de tran-sition, sont en place; qu’elles viennent au jour sous un véri-table trachyte grenu, et non sous une roche fragmentaire,sous un conglomérat trachytique, comme c’est le cas à Vic,à Aurillac et à S. Sigismond ( Buch, Trapp-Porphyr, p. 141):mais, sans percer une galerie dans le flanc de Tunguragua, ilest impossible de décider s’il y a superposition, si le trachyterecouvre le micaschiste sur une grande étendue, comme lacraie recouvre le calcaire du Jura, ou si le trachyte, enbrisant les roches plus anciennes et en s’élevant perpendi-culairement, s’est simplement incliné vers les bords sur lemicaschiste adjacent. Autour du cône trachytique de Cayambe on trouve aussi du micaschiste avec épidote, et un granite quiabonde en mica brun et jaune. Plus au nord, dans les Cor-dillères du Popayan, en montant au village de Puracè, j’aivu, sous le grand volcan de ce nom, près de Santa-Barbara,le trachyte semi-vitreux appuyé sur une syénite porphyrique(avec feldspath commun): cette syénite est bien visible-ment superposée sur un granite de transition abondant en |352| mica (p. 167). Au pied des volcans mexicains encore actifs(le Popocatepetl et le Jorullo), nous n’avons pas été assezheureux, M. Bonpland et moi, de découvrir des roches degranite, de micaschiste ou de syénite en place; mais nousavons vu enchâssées, au milieu des laves lithoïdes noires etbasaltiques de Jorullo, des fragmens anguleux blancs oublanc-verdâtre de syénite, composés de peu d’amphibole etde beaucoup de feldspath lamelleux. Là où ces masses ontété crevassées par la chaleur, le feldspath est devenu filan-dreux, de sorte que les bords de la fente sont réunis dansquelques endroits par les fibres alongées de la masse. Dansl’Amérique du Sud, entre Almaguer et Popayan, au pieddu Cerro Broncaso, j’ai trouvé de véritables fragmens degneis compactes dans un trachyte abondant en pyroxène(p. 171). Ces phénomènes, auxquels je pourrois en ajouterbeaucoup d’autres, prouvent que les formations trachytiquessont sorties au-dessous de la croûte granitique du globe. Les obsidiennes dont nous avons rapporté, M. Sonneschmidt et moi, de si curieuses variétés en Europe, m’ont paru ap-partenir, dans les Cordillères, à deux sections bien distinctesdu terrain trachytique, aux véritables trachytes noirs (Cerrodel Quinche, au nord de Quito) et blancs (Cerro de lasNovajas ou Oyamel, au nord-est de Mexico), et à la perlite(Cinapecuaro, entre Mexico et Valladolid). Il faut distin-guer de ces deux formations les obsidiennes des courans delaves modernes (Pic de Ténériffe), formant la partie supé-rieure de ces courans. Les fragmens de roches vomis par lecratère de Cotopaxi, et remplis de rognons d’obsidienne, pa-roissent arrachés aux parois du cratère; mais les morceauxd’obsidienne lancés par le volcan de Sotara, près de Popayan,à des distances de plusieurs lieues, méritent plus d’attention.Les champs de los Serillos, des Uvales et de Palacè, en sontcouverts. On les trouve disséminés comme des fragmens desilex; ils reposent sur des roches basaltiques, auxquelles ce-pendant ils sont entièrement étrangers. Ces obsidiennes de Popayan ont souvent la forme de larmes ou même de boulesà surface tuberculeuse: elles offrent, ce que je n’ai vu nullepart ailleurs, toutes les nuances de couleurs, depuis le noirfoncé, jusqu’à celle d’un verre artificiel entièrement inco- |353| lore. Elles sont quelquefois mêlées de fragmens d’émauxlancés par le même volcan de Sotara, et que l’on seroittenté de prendre pour de la porcelaine de Réaumur . La pâtedes trachytes semi-vitreux gris-bleuâtre et à cassure con-choïde (volcan de Puracè, près Popayan, dans la plainedu Cascajal, à 2274 toises de hauteur), passe sans doutequelquefois à l’obsidienne; mais les grandes masses de véri-tables obsidiennes, disposées par couches ou par rognons àcontours bien prononcés, se trouvent dans d’autres variétésde trachytes. Nous avons déjà décrit plus haut les roches du Cerro de las Navajas (§. 23), où se trouvent les obsidienneschâtoyantes, striées et argentées (plateadas), généralementdisséminées par fragmens, mais formant quelquefois aussi descouches dans un trachyte blanc. Des couches analogues, maisd’une épaisseur de 14 à 16 pouces, sont intercalées aux tra-chytes noirs pyroxéniques du Cerro del Quinchè (plateau de Quito). Elles offrent des obsidiennes noir-verdâtre et vei-nées de bandes rouge-de-brique. Près de l’Hacienda de Lira,au nord de Queretaro (plateau du Mexique, 995 toises),j’ai trouvé dans des trachytes vert-d’olive et à base de réti-nite (trachytes qui renferment à la fois du feldspath vitreuxet des grains de quarz disséminés), des couches d’obsidiennenoire de trois pouces d’épaisseur. Sur d’autres points duplateau de la Nouvelle-Espagne; à Cinapecuaro, au pieddu Cerro Ucareo (dans le chemin de Valladolid de Mechoa-can à Toluca, hauteur 968 toises), et entre Ojo del agua et El Pinal (dans le chemin de la Puebla de los Angeles à Perote, hauteur 1180 toises), les obsidiennes se trouvent parrognons dans un perlite (perlstein) à éclat émaillé, composé depetits globules semi-vitreux blanc-grisâtre. Je n’y ai pas vude mica, mais des infiltrations d’hyalithe et quelques petitscristaux de feldspath filandreux, presque ponceux. A Cina-pecuaro, le perlite forme de petites collines coniques, en-tourées de pics de basaltes et de dômes trachytiques. Laroche est très-régulièrement stratifiée (N. 22° E., incl. de80° au Nord-ouest): on la prendroit de loin pour un grèsschisteux. L’obsidienne noire, vert-noirâtre et vert-grisâtre,s’y trouve par nids ou rognons de deux à cinq pouces d’é-paisseur, de sorte que, par la juxtaposition de ces rognons, |354| le perlite paroît quelquefois enchâssé dans une véritableroche d’obsidienne. Dans les plaines orientales du Mexique,entre Acaxete, Ojo del agua et El Pinal, l’obsidienne estmoins abondante, mais souvent rubanée comme du jaspe.Le perlite y renferme beaucoup de tables hexagones de micanoir; il est souvent fibreux et passe à ce que M. Beudant appelle (T. III, p. 364, 389) perlite ponceux. En général, les obsidiennes du Mexique et des Andesde Quito offrent, et souvent sur une plus grande échelle,les mêmes phénomènes de composition que l’on observe dansceux de Lipari et de Volcano, et que quelques géognostesont attribués jadis à une dévitrification (glastinisation). On ytrouve enchâssés de petits cristaux de feldspath vitreux; desmasses polyèdres de perlstein remplissant entièrement lesvacuoles dans lesquelles on les suppose formés; des agrégationsde grains cendrés, d’un aspect terreux et distribués par zonesparallèles souvent interrompues; enfin, des fragmens de tra-chyte brun-rougeâtre, à demi-fondus, placés tous d’un mêmecôté, à l’extrémité de vacuoles très-alongées et parallèlesentre elles. M. de Buch, qui a fait un examen particulierdes substances volcaniques recueillies dans la région équi-noxiale du nouveau monde, observe que les masses de per-lites, tantôt sphéroïdales, tantôt octogones dans leur coupe,ont constamment au centre un cristal très-petit de feldspathvitreux ou d’amphibole, et que la position de ce cristal adéterminé la forme de tout le système. ( Buch, dans les SchriftenNaturf. Freunde, 1809, p. 301. Humboldt, Rel. hist., T. I,p. 161.) M. Beudant a trouvé des grenats rouges dans lesperlites rétinitiques de Hongrie (Vissegrad), qui ressemblentau pechstein-porphyr du terrain de transition: j’en ai vud’également rouges au sommet du volcan de Puracè, dans untrachyte bleuâtre, semi-vitreux, à cassure conchoïde, dé-pourvu de mica et d’amphibole, mais enchâssant, outre lepyroxène et le feldspath vitreux, des points cendrés sembla-bles à ceux que l’on remarque dans les obsidiennes de Lipari et du Cerro de las Navajas. La présence des grenats dans desroches généralement mêlées d’amphibole reçoit quelque im-portance par les observations ingénieuses de M. Berzelius ( Nouv. Système de minéralogie, p. 301) sur les affinités chi- |355| miques du grenat et de l’amphibole renfermant des silicatesd’alumine et d’oxidule de fer. C’est dans les obsidiennes quej’ai rapportées de la Nouvelle-Espagne, que M. Collet-Des-cotils a trouvé le premier exemple de la présence simultanéede deux alcalis dans une même substance minérale. Cephénomène a été observé depuis dans quelques variétés defeldspath, de wernerite, de sodalite, de chabasie et d’éléo-lithe (pierre grasse de Haüy). J’ai observé que beaucoupd’obsidiennes noires et rouges du Quinchè et du Cerro delas Navajas ont des pôles magnétiques, tout comme les por-phyres (de transition?, p. 175), de Voisaco et comme unbeau groupe de trachytes colonnaires du Chimborazo (hau-teur 2100 toises). Ces trachytes étoient gris-verdâtre et en-châssoient quelques cristaux de feldspath lamelleux et laiteux. La dernière assise du terrain trachytique est formée pardes conglomérats ou débris agglutinés et remaniés par leseaux. Ces conglomérats couvrent d’immenses surfaces, nonau pied des Cordillères, mais sur leurs flancs et sur des plateauxde 1200 à 1600 toises de hauteur. Dans une région où presquetous les volcans actifs s’élèvent au-dessus de la limite des neigesperpétuelles, et où les eaux, lentement infiltrées dans descavernes, et les neiges qui se fondent au moment de l’érup-tion, causent d’affreux ravages, l’étendue et l’épaisseur desterrains de transport et des roches fragmentaires régénéréesdoit nécessairement être en rapport avec les forces quiamènent encore de nos jours ces masses désagrégées. Lesconglomérats sont tantôt friables et tuffacés (base de Coto-paxi et de l’Altar), tantôt compactes et endurcies commele grès (base de Pichincha). Les ponces en masses pulvé-rulentes et en blocs de 25 à 30 pieds de longueur formentla partie la plus intéressante de ces conglomérats du terraintrachytique. Nous ferons observer, à cette occasion, que lemot pierre-ponce est très-vague en minéralogie: il ne désignepas un fossile simple, comme le font les dénominations de cal-cédoine ou de pyroxène; il indique plutôt un certain état, une forme capillaire ou filandreuse sous laquelle se présen-tent des substances diverses, rejetées par les volcans. Lanature de ces substances est aussi différente que l’épaisseur,la ténacité, la flexibilité et le parallélisme ou la direction |356| de leurs fibres (Humboldt, Relat. hist., T. I, p. 162). Ilexiste des ponces noires d’une contexture bulleuse, à fibrescroisées; on y reconnoît beaucoup de pyroxène, et ellesparoissent dues à des laves basaltiques scorifiées (plaine quientoure le cratère de Rucu-Pichincha; tuff du Pausilippe près de Naples). Quelques volcans rejettent des trachytesblancs, composés de feldspath compacte, de beaucoup d’am-phibole, de très-peu de mica, et dont une partie est devenuefibreuse (Rucu-Pichincha et Cotopaxi, sur le plateau de Quito; volcan de Cumbal près Chilanquer, dans le plateaude los Pastos; Sotara près de Popayan; Popocatepetl à l’estde Mexico). Souvent, dans des trachytes assez compactes etd’un tissu non fibreux, les fragmens rhomboïdaux du feld-spath deviennent creux et comme filandreux (plateau de Quito et du Mexique). Quelques variétés de perlstein offrentune texture fibreuse (plaine de la Nouvelle-Espagne, entre la Venta del Ojo del agua et la Venta de Soto; vallée de Gran et de Glashütte, en Hongrie). Enfin, des obsidiennes noir-verdâtre ou gris de fumée alternent avec des couches depierre ponce à fibres asbestoïdes blanc-verdâtre, rarementparallèles entre elles, quelquefois cependant perpendicu-laires aux couches de l’obsidienne et semblables à une écumefilamenteuse de verre (Plaine des Genêts, au Pic de Ténériffe).Ces dernières variétés ont fait naître chez quelques géologuesl’idée que toutes les ponces étoient dues à la fusion et augonflement des laves vitreuses; on confondoit les obsidiennesponceuses (asclérines de M. Cordier) avec les véritablesponces à fibres parallèles (pumites légères de M. Cordier),caractérisées par de grandes tables hexagones de mica, etprobablement dues à un mode d’action particulier que le feudes volcans exerce sur les trachytes blancs (granites des Isles Ponces de Dolomieu). Un savant qui a profondémentétudié les roches trachytiques de l’Europe, a confirmé cesaperçus. «La ponce, dit M. Beudant, dans l’état actuel de«la science, ne peut pas même être regardée comme une«espèce distincte de roche: c’est un état celluleux et fila-«menteux, sous lequel plusieurs roches des terrains trachy-«tiques et volcaniques sont susceptibles de se présenter.»( Voyage minéral., T. III, p. 389.) |357| Les immenses carrières souterraines de pierre-ponce ex-ploitées au pied du Cotopaxi, entre la ville de Tacunga (Llactacunga) et le village indien de San-Felipe (plateau de Quito, hauteur 1482 toises), m’ont paru les plus instructivespour décider la question du gisement de cette substance dansun terrain de rapport. Elles avoient déjà fait naître chez Bouguer ( Figure de la terre, p. LXVIII ), dans un temps oùla géognosie n’existoit presque pas, plusieurs questions inté-ressantes sur l’origine des ponces. Les petites collines de Guapulo et de Zumbalica, qui s’élèvent jusqu’à 80 toises dehauteur, paroissent au premier abord entièrement forméesd’une roche blanche fibreuse, à couches horizontales et àfibres perpendiculaires: on pourroit en tirer des blocs dé-pourvus de fentes de plus de 60 pieds de longueur. Enexaminant ces prétendues couches de plus près, on voit quece sont des masses de quatre pouces à trois pieds d’épais-seur, enchâssées dans une terre blanche argileuse. Ellesne forment pas, à proprement parler, un conglomérat; lesblocs ne sont que déposés dans l’argile, et recouverts defragmens menus de ponces (de 8 à 9 toises d’épaisseur) quisont divisés en bancs horizontaux. Ces blocs de poncesblanches, quelquefois bleuâtres, sont arrondis vers les bords;ils renferment du mica jaune et noir, des cristaux effilésd’amphibole (non de pyroxène) et un peu de feldspath vi-treux. J’incline à croire que les collines de Zumbalica, quiressemblent beaucoup à celles de Sirok en Hongrie ( Beudant, Voy. minér., T. II, p. 22), ne sont pas les parois intérieuresd’un ancien volcan écroulé: les grands blocs, qui ressemblentà des couches fracturées, sont géognostiquement liés aux petitsfragmens des assises supérieures; les uns et les autres ontsans doute été déposés par les eaux, quoique dans des cir-constances bien différentes de celles qui accompagnent leséruptions actuelles de Cotopaxi. L’aspect de tout le paysd’alentour nous prouve l’ancienne sphère d’activité de cevolcan, qui a une hauteur de 2952 toises et un volume énorme.A l’ouest du volcan, depuis l’Alto de Chisinche jusqu’à Tacunga, sur plus de quarante lieues carrées, tout le sol estcouvert de pierre-ponce et de trachytes scorifiés. Il est bien remarquable que le mode d’action volcanique |358| propre à produire des ponces soit restreint, pour ainsi dire,à un certain nombre de montagnes ignivomes. L’Altar ou Capac-Urcu, anciennement plus élevé que le Chimborazo, estplacé dans la plaine de Tapia, vis-à-vis du volcan encoreactif de Tunguragua. Le premier a vomi une immense quan-tité de ponces, le second n’en produit pas du tout. Cettemême différence existe entre les deux volcans voisins de laville de Popayan, le Puracè et le Sotarà. Celui-ci a rejetéà la fois des obsidiennes et des ponces, tout comme levolcan de Cotopaxi. A Rucu-Pichincha, où je suis parvenujusqu’à une des tours trachytiques (hauteur 2491 toises)qui dominent l’immense cratère du volcan, j’ai trouvé beau-coup de ponces, et pas d’obsidiennes: aussi les ponces de Sotarà et de Cotopaxi, qui renferment, outre le feldspathvitreux et un peu d’amphibole, de grandes tables hexagonesde mica, ne sont certainement pas dues à l’obsidienne; ellesdiffèrent entièrement de ces ponces vitreuses et capillairesque j’ai vues couvrir la pente du Pic de Ténériffe. Les superbes opales de Zimapan, au Mexique, ne parois-sent pas appartenir, comme celles de Hongrie, aux conglo-mérats trachytiques, mais à des trachytes porphyriques quirenferment des globules rayonnés de perlite gris-bleuâtre.(§. 23.) II. Formations basaltiques, comprenant les basaltes avecolivine, pyroxène et un peu d’amphibole; les phonolithes dubasalte, les dolérites, l’amygdaloïde celluleuse, les argiles avecgrenats-pyropes, et les roches fragmentaires basaltiques (con-glomérats et scories). Le terrain basaltique se lie d’un côtéaux trachytes, dans lesquels le pyroxène devient progressi-vement plus abondant que le feldspath ( Cordier, sur lesmasses des Roches volcaniques, p. 25), en partie et, je crois,d’une manière plus intime, aux laves des volcans qui ontcoulé sous forme de courans. Les phonolithes appartiennentà la fois au terrain trachytique et au terrain basaltique.Je doute qu’un véritable basalte avec olivine se trouve in-tercalé comme couche subordonnée au trachyte. La phono-lithe, qui forme de ces couches dans les trachytes des Cor-dillères et de l’Auvergne, n’est que superposée aux basaltes. |359| Lorsqu’elle ne s’élève pas en pics isolés dans les plaines, ellecouronne généralement les collines basaltiques. L’amphiboleet le pyroxène se trouvent disséminés dans les trachytes etles basaltes; la première de ces substances appartient peut-être même plus particulièrement aux formations trachytiques.L’olivine caractérise les formations basaltiques, les laves très-anciennes de l’Europe et les laves très-modernes (courant de1759) du volcan de Jorullo au Mexique. Lorsqu’on ne considère que sous le rapport du volume lesgroupes de roches trachytiques et basaltiques répandues dansles deux continens, on observe que les grandes masses de cesgroupes se trouvent très-éloignées les unes des autres. Les paysqui abondent le plus en basaltes (la Bohème, la Hesse) n’ontpas de trachytes, et les Cordillères des Andes, trachytiquessur d’immenses étendues, sont souvent entièrement dépourvuesde basaltes. Ni le Chimborazo, ni le Cotopaxi, ni l’Antisana,ni le Pichincha, n’offrent de véritables roches basaltiques;tandis que ces roches, caractérisées par l’olivine, séparéesen belles colonnes de trois pieds d’épaisseur, se rencontrentsur le même plateau de Quito, mais loin de ces volcans àl’est de Guallabamba, dans la vallée du Rio Pisque. Près de Popayan les basaltes ne recouvrent pas les dômes trachytiquesde Sotarà et de Puracè; ils se trouvent isolés sur la rive oc-cidentale du Cauca, dans les plaines de Julumito. Au Mexi-que, le grand terrain basaltique du Valle de Santiago (entre Valladolid et Guanaxuato), est très-éloigné des volcans tra-chitiques du Popocatepetl et de l’Orizava. Tous ces basaltesque nous venons de nommer (Guallabamba, Julumito et Santiago) reposent probablement aussi, à de grandes pro-fondeurs, sur un sol trachytique; mais nous ne considéronsici que l’isolement, la séparation des montagnes de basalteset de trachytes. En général, dans les Cordillères du Mexique, de la Nou-velle-Grenade, de Quito et du Pérou, les formations trachy-tiques l’emportent, pour la masse, de beaucoup sur les for-mations basaltiques; ces dernières peuvent même être consi-dérées comme très-rares, en les comparant à celles qui tra-versent l’Allemagne de l’est à l’ouest, entre les parallèles de50° et de 51°. Cette même prépondérance du terrain trachy- |360| tique sur le terrain basaltique s’observe en Hongrie. «Partout,«dit M. Beudant avec beaucoup de justesse, partout où les«masses de trachyte se sont développées sur une grande«échelle, on ne trouve que des lambeaux peu considérables«de basalte, et réciproquement, dans les lieux où le ter-«rain basaltique est extrêmement développé, il n’existe que«peu ou même point du tout de trachyte.» ( Voyage minér.en Hongrie, t. III, p. 500, 587 — 589.) On diroit que cesdeux terrains se repoussent; et comme les cratères des vol-cans encore actifs se sont constamment ouverts dans les tra-chytes, il ne faut pas être surpris que ces volcans et leurslaves restent aussi éloignés des basaltes anciens. (Humboldt, Rel. histor., t. I, p. 154.) Malgré cet antagonisme, ou plutôt cette inégalité de dé-veloppement, que nous avons déjà remarqué dans les gra-nites et les gneis-micaschistes, dans les calcaires et les schis-tes de transition, dans le grès rouge et le zechstein ou cal-caire alpin, les trachytes et les basaltes offrent sur d’autrespoints du globe les affinités géognostiques les plus intimes.Si les grandes masses basaltiques (Hesse; Forez, Vélay et Vi-varais; Écosse; Veszprim et lac Balaton) restent géographi-quement éloignées des grandes masses de trachytes (Sieben-gebirge; Auvergne; montagnes de Matra, Vihorlet et To-kay; Cordillère occidentale des Andes de Quito), des lam-beaux du terrain basaltique ne s’en trouvent pas moins pourcela superposés à ces mêmes trachytes. ( Buch, Briefe aus Au-vergne, p. 289; Id., Trapp-Porphyr, p. 137 — 141. Ramond, Niv. géologique, p. 18, 60 — 73.) Les Monts Euganéens (ba-saltes du Monte Venda près des cônes trachytiques de MontePradio, Monte Ortone et Monte Rosso), les penchans desmontagnes qui constituent le groupe du Mont Dore, lesenvirons de Guchilaque au Mexique (Cerro del Marquès,1537 toises) et de Xalapa (Cerro de Macultepec, 788 toises),présentent des exemples frappans de cette réunion des deuxterrains feldspathiques et pyroxéniques. Tantôt ce sont desbuttes de basalte prismatique qui sortent du terrain de tra-chyte; tantôt ce sont de larges coulées de basaltes, souventinterrompues et formant des gradins et des plateaux, quisillonnent et recouvrent ce terrain. |361| Il résulte de ces observations, que les plus grandes massesde basaltes gisent immédiatement dans les formations pri-mitives intermédiaires et secondaires, tandis que d’autresmasses beaucoup moins considérables, d’un tissu entièrementidentique, et présentant le plus souvent l’apparence d’an-ciennes coulées de laves lithoïdes, sont superposées au ter-rain trachytique. Les uns et les autres enveloppent quelque-fois des fragmens de granite, de gneis ou d’une syénite très-abondante en feldspath. Ce même phénomène, comme nousl’avons vu tantôt, s’observe (volcan de Jorullo) dans deslaves récentes et d’une époque connue; mais ces indices in-contestables d’une fluidité ignée ne nous autorisent pas à ad-mettre que les montagnes coniques de basaltes, disperséesdans des plaines ou couronnant la crête des montagnes pri-mitives, se soient toutes formées comme les nappes de ba-salte qui couvrent les trachytes, ou comme les laves lithoïdesbasaltiques (avec olivine) de quelques volcans très-modernes.Le mélange des matières qui constituent les roches volcani-ques se fait dans l’intérieur du globe, et probablement àd’immenses profondeurs. Des matières analogues et compo-sées des mêmes élémens peuvent venir au jour (paroîtreà la surface du globe) par des voies très-différentes, tantôtpar soulèvement (en cloches, en dômes ou en buttes coni-ques), tantôt par des crevasses longitudinales, formées dansla croûte du globe, tantôt par des ouvertures circulaires ausommet d’une montagne. La géognosie des volcans distingueces modes de formations, et si elle s’oppose à confondre sousle nom de laves toutes les roches des terrains trachytiqueset basaltiques, c’est parce qu’elle se refuse à admettre queles dômes du Puy de Cliersou, du grand Sarcouy et du Chim-borazo, de même que toutes les montagnes coniques de ba-saltes, soient des portions de courans de laves. Des volcans,en partie très-modernes, ont jeté des laves feldspathiques(Ischia, Solfatare de Pouzzole) et pyroxéniques avec olivine(Jorullo), qui ressemblent aux trachytes et aux basaltes lesplus anciens. Souvent des masses volcaniques (laves feldspa-thiques et pyroxéniques; trachytes; basaltes en cônes isolés),considérées minéralogiquement, sont les mêmes; on peutsupposer que les circonstances dans lesquelles elles ont été |362| produites dans l’intérieur du globe, différoient très-peu;mais, ce qui les éloigne géognostiquement les unes des autres,c’est la différence marquante dans le mode de leur apparitionà la surface du sol. Parmi le grand nombre d’observations curieuses que pré-sentent les environs du nouveau volcan de Jorullo au Mexique,aucune ne me paroît plus importante et plus inattendue quecelles qui concernent la double origine des masses basalti-ques. On y voit à la fois de petits cônes de basaltes, composésde boules à couches concentriques, et un promontoire delaves basaltiques, lithoïdes et compactes dans l’intérieur,spongieuses à la surface. Ce courant de laves est une massenoire à très-petits grains, renfermant, non de l’amphiboleou du pyroxène, mais indubitablement de l’olivine (péri-dote granuliforme de Haüy) et de petits cristaux de feldspathvitreux. M. de Buch a reconnu, dans des fragmens que j’airapportés, outre l’olivine disséminée (vert d’olive clair, con-choïde et à pièces séparées grenues), quelques tables hexa-gones de mica jaune de laiton. C’est dans ces laves que sontempâtés les fragmens anguleux et crevassés de syénite grani-tique dont j’ai parlé plusieurs fois; elles tirent probablementleur origine d’un terrain de transition placé sous le trachyte.Des morceaux extrêmement petits de trachyte grisâtre, avecfeldspath vitreux et cristaux effilés d’amphibole, que nousavons été assez heureux de trouver sur le bord du cratèreau milieu des scories, prouvent même que l’éruption a agià la fois à travers la syénite et le trachyte superposé. Leslaves s’élèvent jusqu’à 678 pieds d’épaisseur; et comme ellesse sont épanchées non latéralement, mais du cratère duvolcan actuel, c’est en suivant leur courant vers le S. S. E.que nous avons pu, M. Bonpland et moi, pénétrer, nonsans quelque danger, dans l’intérieur du cratère encorebrûlant pour y recueillir de l’air. Il ne faut pas confondreavec ce courant de laves lithoïdes basaltiques, qui ne sontpas des scories entassées comme au Monte Novo de Pouzzole,les basaltes en boules (Kugelbasalt) qui composent les petitscônes appelés par les indigènes fours (hornitos), à causede leur forme, et parce qu’ils dégagent par des crevassesdes filets de vapeurs aqueuses, mêlées d’acides sulfureux. Il |363| ne peut rester aucun doute, même à l’observateur le moinsaccoutumé à l’aspect de terrains bouleversés par le feu desvolcans, que tout le sol du Mal-pais, qui a pour le moins1,800,000 toises carrées, n’ait été soulevé. Là où ce terrainsoulevé est contigu à la plaine des Playas de Jorullo, quin’a éprouvé aucun changement et dont il a fait partie jadis,il y a (à l’est de San-Isidoro) un saut brusque de vingt-cinq à trente pieds de hauteur perpendiculaire. Les couchesnoirâtres et argileuses de Mal-pais y paroissent comme frac-turées, et offrent, dans une coupe dirigée du N. E. auS. O., des fentes de stratification horizontales et ondulées.Après avoir passé ce saut ou gradin, on s’élève, sur unterrain bombé en forme de vessie, vers la crevasse sur la-quelle sont sortis les grands volcans, dont un seul, celui dumilieu (El volcan grande de Jorullo ), est encore enflammé. Laconvexité de ce terrain est, dans quelques endroits, de 78,en d’autres de 90 toises; c’est-à-dire que le pied du grandvolcan, ou plutôt la portion centrale de la plaine du Mal-pais , où s’élève brusquement (près de l’ancienne Haciendade San-Pedro de Jorullo) le Grand Volcan, est à peu prèsde 510 pieds plus élevé que le bord du Mal-pais près dupremier saut ou gradin. Toute cette pente du sol bombé est sidouce, qu’elle peut échapper à l’attention de ceux qui ne sontpas pourvus d’instrumens propres à la mesurer. C’est, commedisent très-bien les indigènes, un terrain creux, une tierrahueca. Cette opinion est confirmée par le bruit que fait uncheval en marchant, par la fréquence des crevasses, pardes affaissemens partiels, et par l’engouffrement des rivièresde Cuitimba et de San-Pedro, qui se perdent à l’est duvolcan et reparoissent au jour, comme des eaux thermalesde 52° cent., au bord occidental du Mal-pais. Ce sont lesbancs d’argile noire ou brun-jaunâtre qui ont été soulevéseux-mêmes: la surface du sol n’est couverte que de quel-ques cendres volcaniques, et aucun entassement de scoriesou de déjections sorties d’un cratère n’a causé la convexitédu Mal-pais . Sur ce terrain soulevé (Sept. 1759) sont sortisplusieurs milliers de petits cônes ou buttes basaltiques àsommets très-convexes (les fours ou hornitos). Ils sont tousisolés et disséminés, de manière que, pour s’approcher du |364| pied du grand volcan, on passe par des ruelles tortueuses(los callejones del Mal-pais ). Leur élévation est de 6 à 9 pieds.La fumée sort généralement un peu au-dessous de la pointedu cône, et reste visible jusqu’à 50 pieds de hauteur. D’au-tres filets de fumée sortent des larges crevasses qui traversentles ruelles; ils sont dus au sol même de la plaine soulevée.En 1780, la chaleur des hornitos étoit encore si grandequ’on pouvoit allumer un cigarre en l’attachant à uneperche et en le plongeant à deux ou trois pouces de pro-fondeur dans une des ouvertures latérales. Les cônes (hor-nitos) sont uniformément composés de sphéroïdes de basaltes,souvent aplatis de huit pouces à trois pieds de diamètre,et enchâssés dans une masse d’argile à couches diversementcontournées. L’aspect de ces cônes est absolument le mêmeque celui des buttes coniques de basalte globuleux (Kugel-basalt-Kuppen) que l’on voit si fréquemment en Saxe, surles frontières du Haut-Palatinat et de la Franconie, et sur-tout dans le Mittelgebirg de la Bohème: la différence neconsiste que dans les dimensions des buttes. Cependant en Bohème nous en avons aussi trouvé, M. Freiesleben et moi,qui étoient parfaitement isolées et n’avoient que 15 à 20pieds de hauteur. Le noyau des boules est dans les hornitos,comme dans les basaltes globulaires anciens, un peu plusfrais et plus compacte que les couches concentriques quienveloppent le noyau, et dont j’ai pu compter souvent 25à 28. La masse entière de ces basaltes, constamment tra-versée par des vapeurs acidules et chaudes, est extrêmementdécomposée. Elles n’offrent souvent qu’une argile noire etferrugineuse, à taches jaunes et peut-être trop grandes pourêtre attribuées à la décomposition de l’olivine. En approchantl’oreille d’un de ces cônes, on entend un bruit sourd quiparoît celui d’une cascade souterraine; il est peut-être causépar les eaux du Rio Cuitamba qui s’engouffrent dans le Mal-pais . Voilà donc bien certainement des sphéroïdesaplatis de basalte, agglomérés en buttes coniques, qui ont étésoulevés de terre de mémoire d’hommes, et qui ne sontpar conséquent ni des lambeaux d’anciens courans de laves,ni le résultat d’une décomposition de prismes basaltiquesarticulés, ni celui d’un entassement fortuit de déjections d’un |365| cratère éloigné. Il est probable que c’est la force élastique desvapeurs qui a couvert de ces hornitos, en forme d’ampoules,la plaine bombée du Mal-pais, tout comme la surface d’unfluide visqueux se couvre de bulles par l’action des gaz quitendent à se dégager. La croûte qui forme les petits dômesdes hornitos est si peu solide, qu’elle s’enfonce sous les piedsde devant d’un mulet que l’on force d’y monter. Les faits que je viens d’exposer me paroissent d’autantplus importans pour la géognosie, qu’il existe dans les ter-rains basaltiques les plus anciens une grande analogie entreles buttes isolées de basaltes globuleux et les buttes de basaltescolonnaires. Depuis long-temps des géologues célèbres ontcombattu l’hypothèse qui considère tant de montagnes ba-saltiques, d’une forme si régulière et d’un agroupement symé-trique, comme des restes d’un courant, d’une coulée delaves, qui a avancé progressivement sur un terrain incliné.Il faut distinguer, dans les plaines de Jorullo, trois grandsphénomènes: le soulèvement général du Mal-pais, hérisséde plusieurs milliers de petits cônes basaltiques; l’entassementdes scories et d’autres matières incohérentes dans les collinesles plus éloignées du grand volcan, et les laves lithoïdes quece volcan a vomies sous la forme ordinaire d’un courant.L’intérieur du cratère du Vésuve offroit, au mois d’Août 1805,époque où je l’ai visité plusieurs fois, conjointement avecMM. de Buch et Gay-Lussac, cette même différence entre lefond du cratère soulevé, c’est-à-dire plus ou moins bombé,selon que l’on s’approchoit de l’époque de la grande érup-tion, et les cônes de scories désagrégées qui se forment autourde plusieurs soupiraux enflammés. Ce sont ces accumula-tions de matières incohérentes seules qui ressemblent au Monte Novo de Pouzzole. La croûte de laves qui constitue lefond des cratères, s’élève ou s’abaisse comme un planchermobile. ( Buch, geogn. Beob., T. II, p. 124.) Au Vésuve, cefond étoit tellement bombé (en 1805), que sa partie centraledépassoit le niveau du bord méridional du volcan. L’intumes-cence que l’on observe périodiquement dans les cratères acces-sibles des volcans enflammés, au fond de la vallée circulaireou alongée qui termine leurs sommets, présente une analogiefrappante avec le terrain soulevé du Mal-pais de Jorullo: il en |366| présente vraisemblablement aussi avec ces îlots volcaniquesqui paroissent comme des roches noires au-dessus de la sur-face de l’Océan, avant de se crevasser et de lancer des flam-mes. Il paroît que M. d’Aubuisson n’a pas eu occasion deconsulter les coupes que j’ai publiées du volcan de Jorullo (Humboldt, Essai politique, T. I, p. 253. Id., Nivellementbarom. des Andes, n.° 370 — 374. Id., Vues des Cordillères, p. 242, pl. 43. Id., Atlas géographique et physique du Voyage auxrég. équin., pl. 28 et 29), lorsque, dans son intéressant Traitéde géognosie, T. I, p. 264, il suppose que j’ai confondu unterrain soulevé avec un entassement de déjections dont l’é-paisseur augmente à mesure qu’on approche de la bouchevolcanique. La composition du basalte, ou plutôt la fréquence plus oumoins grande de certaines substances cristallisées, disséminéesdans les basaltes, varie dans les différentes parties de l’Amé-rique équinoxiale, comme dans celles de l’Europe. L’olivine,si commune dans les basaltes d’Allemagne, de France etd’Italie, est très-rare, d’après MM. Macculloch et Boué, dansl’ouest de l’Écosse et le nord de l’Irlande. L’amphibole abondeen grands cristaux, en Saxe (Oberwiesenthal et Carlsfeld),en Bohème, dans le pays de Fulde et en Hongrie (Medwe),tandis qu’elle manque le plus souvent dans les basaltes d’Au-vergne et des Canaries. Le feldspath vitreux et l’olivine setrouvent presque constamment associés dans le terrain basal-tique du Mexique et de la Nouvelle-Grenade; souvent (Vallede Santiago, Alberca de Palangeo) l’amphibole et le py-roxène manquent: d’autres fois (Cerro del Marquès, au-dessusde San-Augustin de las Cuevas; Chichimequillo près Silao)le basalte renferme à la fois de l’olivine, du feldspath vitreux,de l’amphibole et du pyroxène. Dans la belle vallée de San-tiago (Nouvelle-Espagne) l’hyalite est si commune que, parune prédilection bien difficile à expliquer, les fourmis enrecueillent partout où le basalte se décompose, et la trans-portent dans leurs nids. Je n’ai jamais vu de très-grandesmasses d’olivine dans la Cordillère des Andes: celles de l’Eu-rope appartiennent plus particulièrement aux brèches basal-tiques (Weissenstein près de Cassel; Kapfenstein en Styrie). Les formations d’argiles et de marnes que nous avons indi- |367| quées dans le tableau précédent comme appartenant au ter-rain volcanique, méritent beaucoup d’attention dans la Cor-dillère des Andes, dans l’archipel des îles Canaries et dansle Mittelgebirge de la Bohème (Trzeblitz, Hruvka). Dans cestrois régions, que j’ai visitées successivement, l’argile ne m’apoint paru accidentellement englobée dans la masse liquide,comme c’est le cas quelquefois dans l’argile plastique (grès àlignites, §. 35) au-dessus de la craie, ou dans les calcairessecondaire et tertiaire (calcaire du Jura et calcaire grossier)du Vicentin, que j’ai trouvés enchâssés par fragmens anguleuxdans le basalte, et qui pénètrent tellement dans les basaltesque ces derniers même font effervescence avec les acides.Les marnes argileuses des Cordillères (Cascade de Regla et chemin de Regla à Totomilco el grande; Guchilaque, au nordde Cuernavaca; Cubilete près Guanaxuato) et celles de l’îlede la Graciosa (près Lancerote) alternent avec les couches debasaltes, et sont peut-être d’une formation contemporaine,comme les argiles schisteuses qui alternent avec le calcairealpin (Humboldt, Relat. hist., T. I, p. 88). Leur positionmême semble prouver qu’ils ne sont pas dus à la décomposi-tion des basaltes. On y trouve souvent des cristaux de pyro-xène et des grenats-pyropes. Je ne déciderai pas si les massesd’argile qui entourent, dans les Andes de la Nouvelle-Grenade (entre Popayan, Quilichao et Almaguer), ces immenses amasde boules de dolérites et de grünstein à feldspath vitreux etfendillé, appartiennent aux formations de basaltes, ou auxsyénites et porphyres du terrain de transition; mais, ce quiest indubitable, c’est que les bancs d’argile (tepetate), quirendent stérile une partie de la belle province de Quito, sontsortis du flanc des volcans, non mêlés à des matières en fusion,mais suspendus dans l’eau. Les inondations qui accompagnenttoujours les éruptions du Cotopaxi, de Tunguragua et d’au-tres volcans encore enflammés des Andes, ne sont pas dues,comme au Vésuve ( Mémoires de l’Académie, 1754, p. 18),aux torrens d’eaux pluviales que répandent les nuages qui seforment pendant l’éruption (par le dégagement de la vapeurd’eau dans le cratère): elles sont principalement le résultatde la fonte des neiges et des lentes infiltrations qui ont lieusur la pente des volcans, dont la hauteur dépasse 2460 toises |368| (celle de la limite des neiges perpétuelles). Les secousses deviolens tremblemens de terre, qui ne sont pas toujours suiviesd’éruptions de flammes, ouvrent des cavernes remplies d’eau,et ces eaux entraînent des trachytes broyés, des argiles, desponces et d’autres matières incohérentes. C’est là peut-êtrece que l’on pourroit appeler des éruptions boueuses, si cettedénomination ne rapprochoit pas trop un phénomène d’inon-dation des phénomènes essentiellement volcaniques. Lorsque(le 19 Juin 1698) le Pic du Carguairazo s’affaissa, plus dequatre lieues carrées d’alentour furent couvertes de boues argi-leuses, que dans le pays l’on appelle lodazales. De petits pois-sons, connus sous le nom de preñadillas (Pimelodes cyclopum),et dont l’espèce habite les ruisseaux de la province de Quito,se trouvoient enveloppés dans les éjections liquides du Car-guairazo. Ce sont là les poissons que l’on dit lancés par lesvolcans, parce qu’ils vivent par milliers dans des lacs souter-rains, et parce que, au moment des grandes éruptions, ilssortent par des crevasses, entraînés par l’impulsion de l’eauboueuse qui descend sur la pente des montagnes. Le volcanpresque éteint d’Imbaburu a vomi, en 1691, une si grandequantité de preñadillas, que les fièvres putrides, qui régnoientà cette époque, furent attribuées aux miasmes qu’exhaloientles poissons. (Humboldt, Recueil d’obs. de zoologie et d’ana-tomie comparée, T. I, p. 22, et T. II, p. 150.) La dolérite du terrain basaltique ( D’Aubuisson, Journ. desmines, T. XVIII, p. 197; Leonhard et Gmelin, vom Dolerit,p. 17 — 35) est très-rare dans les Cordillères, qui abondentplutôt en roches trachytiques dans lesquelles le feldspathprédomine sur le pyroxène. Je pense cependant qu’une dolé-rite que j’ai trouvée dans le chemin d’Ovexeras aux sourceschaudes de Comangillo près de Guanaxuato, appartient auxbasaltes de la Caldera et d’Aguas buenas, et non à de véri-tables trachytes. Il y a de même quelque incertitude sur legisement des phonolithes, lorsqu’elles se trouvent isolées ouéloignées de montagnes basaltiques et trachytiques. Cet iso-lement caractérise les phonolithes du Peñon, qui formentun écueil dans le Rio Magdalena, et qui paroissent immédia-tement superposées au granite de Banco; les phonolithes quej’ai vues percer la couche de sel gemme de Huaura (Bas- |369| Pérou, près des côtes de la mer du Sud); enfin celles quis’élèvent au bord septentrional des steppes de Calabozo (Cerro de Flores). Les dernières sont géognostiquement liéesà de l’amygdaloïde pyroxénique, alternant avec un grünsteinde transition (Humboldt, Rel. hist., T. I, p. 154). Les amyg-daloïdes celluleuses (tezontli), renfermant du feldspath vi-treux, des pyroxènes et de la lithomarge, sont le plus ré-pandues sur le plateau central de la Nouvelle-Espagne. Ellessont tantôt recouvertes par des basaltes, tantôt elles forment(Cuesta de Capulalpan) des boules de deux à trois piedsd’épaisseur, réunies en cônes ou buttes hémisphériques etsuperposées à des porphyres de transition. III. Laves sorties d’un cratère sous forme de courans. Laveslithoïdes feldspathiques, semblables aux trachytes. Laves basal-tiques. Obsidiennes des laves. Ponces vitreuses des obsidiennes. Nous avons déjà rappelé plus haut combien les véritablescourans de laves sont rares dans les Cordillères. Celles quej’ai vues sont dues à des éruptions latérales d’Antisana, du Popocatepetl et du Jorullo. Beaucoup de courans ( Mal-pais )sont sortis de bouches volcaniques qui se sont refermées depuiset qu’il est impossible de reconnoître aujourd’hui. D’autrescourans dirigés sur un même point, se confondent les uns avecles autres: ils se présentent en larges nappes, semblables à desroches pyroxéniques beaucoup plus anciennes. Dans les lavesde la vallée de Tenochtitlan (entre San Augustin de las Cuevas et Coyoacan) l’amphibole est beaucoup moins rare que dansles laves d’Europe. Un minéralogiste mexicain très-instruit,M. Bustamante, les a soumises récemment avec succès à l’a-nalyse mécanique, d’après la méthode ingénieuse exposée parM. Cordier. ( Semanario de Mexico, 1820, n.° XX, p. 80—90.) IV. Tufs des volcans, souvent pétris de coquilles. V. Formations locales calcaires et gypseuses superposéesaux tufs volcaniques, au terrain basaltique (mandelstein) ouaux trachytes. Je compte parmi ces formations très-modernes,dans le plateau de Quito, les gypses feuilletés de Pululagua,le gypse argileux et fibreux de Yaruquies, les argiles schis-teuses carburées et vitrioliques de San-Antonio, les argilessalifères (?) de la Villa de Ibarra, les sables avec lignites du |370| Llano de Tapia (au pied du Cerro del Altar), et les tufscalcaires (caleras) de Agua santa. Dans les îles Canaries, desformations calcaires oolithiques et gypseuses sont aussi subor-données aux tufs volcaniques (Lancerote et Fortaventura).On ne peut indiquer l’âge relatif de ces petits dépôts en lescomparant à la craie ou aux formations tertiaires les plusmodernes (§§. 37 — 39): nous les avons placés ici selon l’ordrede leur gisement au-dessus des roches volcaniques. En Hon-grie, d’après l’intéressante observation de M. Beudant, ungrès à lignite (§. 35), superposé au conglomérat trachytique(Dregely), au conglomérat ponceux (Palojta) et même autrachyte (Tokai), est recouvert, à son tour, ou de calcairegrossier (§. 36) du terrain tertiaire, ou de calcaire d’eaudouce, ou enfin de coulées basaltiques. Telles sont les formations principales du terrain pyrogène,dues à des soulèvemens, ou à un épanchement latéral, ou àde simples éjections. Nous nous bornons à l’indication desfaits, sans aborder des problèmes dont les données sont en-core trop imparfaitement connues. Nous craindrions qu’onn’appliquât avec raison à la géognosie ce que Montaigne ditd’un certain genre de philosophie: «elle vient de ce que«nous avons l’esprit curieux et de mauvais yeux.»

TABLEAUDES FORMATIONS OBSERVÉES DANS LES DEUXHÉMISPHÈRES (1822).

[Des chiffres romains précèdent les noms des formations qui, rarement supprimées etpar conséquent le plus généralement répandues, peuvent servir d’horizon géognostique.On a indiqué en même temps les §§. et les pages où se trouvent les descriptions.]
  • Introduction renfermant quelques principes de philosophiegéognostique, pag. 56 — 113.
Terrains primitifs.
  • Vues générales, p. 113.
  • I. Granite primitif, §. 1, pag. 113—115.
    • Granite et Gneis primitifs, §. 2, p. 115.
    • Granite stannifère, §. 3, p. 115—116.
    • Weisstein avec Serpentine, §. 4, p. 116.
|371|
  • II. Gneis primitif, §. 5, p. 117—120.
    • Gneis et Micaschiste, §. 6, p. 120—121.
    • Granites postérieurs au Gneis, antérieurs au Micaschisteprimitif, §. 7, p. 122—124.
    • Syénite primitive? §. 8, p. 124—125.
[Les cinq dernières formations, placées entre le gneis et le micaschiste primitifs,sont des formations parallèles.]
    • Serpentine primitive? §. 9, p. 125.
    • Calcaire primitif? §. 10, p. 126.
  • III. Micaschiste primitif, §. 11, p. 126—130.
    • Granite postérieur au Micaschiste, antérieur au Thon-schiefer, §. 12, p. 131.
    • Gneis postérieur au Micaschiste, §. 13, p. 131.
    • Grünstein-Schiefer? §. 14, p. 131—132.
  • IV. Thonschiefer primitif, §. 15, p. 132—134.
    • Roche de Quarz primitive (avec masses de fer oligiste mé-talloïde), §. 16, p. 134—138.
    • Granite et Gneis postérieur au Thonschiefer, §. 17, p. 139.
    • Porphyre primitif? §. 18, p. 139—140.
  • V. Euphotide primitive, postérieure au Thonschiefer, §. 19,p. 140—142.
[Les quatre dernières formations sont des formations parallèles entre elles, quel-quefois même au Thonschiefer primitif.] Terrains de transition.
  • Vues générales, p. 142, 146 et 149—153. Types de su-perpositions locales, p. 146—149.
  • I. Calcaire grenu talqueux, Micaschiste de transition, etGrauwacke avec Anthracite, §. 20, p. 153—158.
  • II. Porphyres et Syénites de transition, recouvrant immédia-tement les roches primitives, calcaire noir et Grün-stein, §. 21, p. 158—181.
  • III. Thonschiefer de transition, renfermant des Grauwackes,des Grünstein, des Calcaires noirs, des Syénites et desPorphyres, §. 22, p. 182—200.
  • IV et V. Porphyres, Syénites et Grünstein postérieurs auThonschiefer de transition, quelquefois même au Cal-caire a orthocératites, §§. 23, 24, p. 200—229.
  • VI. Euphotide de transition, §. 25, p. 229.
|372| |Spaltenumbruch| Terrains secondaires.
  • Vues générales, p. 234.
  • I. Grand dépôt de Houille,Grès rouge et Porphyre secon-daire (avec Amygdaloïde,Grünstein et Calcaires inter-calés), §. 26, p. 235—257.
  • Roche de Quarz secondaire, §.27, p. 257—260.
[Cette dernière formation est parallèle augrès houiller.]
  • II. Zechstein ou Calcaire alpin (Magnesian limestone); Gypsehydraté; Sel gemme, §. 28,p. 260—290.
Les cinq formations suivantes, très-iné-galement développées, peuvent être comprisessous le nom général de
  • III. Dépôts arénacés et calcaires (marneux et oolithiques), pla-cés entre le zechstein et lacraie, et liés à ces deux ter-rains, p. 290.
  • Argile et Grès bigarré (Grès àoolithes; Grès de Nebra; Newred sandstone et red marl) avecGypse et sel gemme, §. 29, p.291—295.
  • Muschelkalk (Calcaire coquil-lier; Calcaire de Gœttingue),§. 30, p. 295—298.
  • Quadersandstein (Grès de Kœ-nigstein), §. 31, p. 298—300.
  • Calcaire du Jura (Lias, Marneset grands dépôts oolithiques,§. 32, p. 300—311.
|Spaltenumbruch| Terrains (exclusivement) volcaniques.
  • Vues générales, p. 332—345.
  • I. Formations trachytiques, p. 345—358.
  • Trachytes granitoïdes et syé-nitiques.
  • Trachytes porphyriques (feld-spathiques et pyroxéniques).
  • Phonolithes des Trachytes.
  • Trachytes semi-vitreux.
  • Perlites avec obsidienne.
  • Trachytes meulières, cellu-leuses avec nids siliceux.
    • (Conglomérats trachyti-ques et ponceux, avec alu-nites, soufre, opale et boisopalisé).
  • II. Formations basaltiques, p. 358—368.
  • Basaltes avec olivine, py-roxène et un peu d’amphibole.
  • Phonolithes des basaltes.
  • Dolérites.
  • Mandelstein celluleux.
  • Argile avec grenats-pyropes.
    • (Cette petite formationsemble liée à l’argile aveclignites du terrain tertiai-re sur lequel se sont sou-vent répandues des cou-lées de basalte.)
|373| |Spaltenumbruch|
  • Grès et Sables ferrugineux, etGrès et Sables verts, Grès se-condaire a lignites (Ironsandet Greensand), §. 33, p. 311—313.
  • IV. Craie, §. 34, p. 314—316.
Terrains tertiaires.
  • Vues générales, p. 316—320.
  • I. Argiles et Grès tertiaire alignites (Argile plastique, Mo-lasse, et Nagelfluhe d’Argovie),§. 35, p. 320—325.
  • II. Calcaire de Paris (Calcairegrossier ou Calcaire à cérites,formation parallèle à l’argilede Londres et au Calcaire aré-nacé de Bognor), §. 36, p. 325—329.
  • III. Calcaire siliceux, Gypse aossemens, alternant avec desmarnes (Gypse de Montmar-tre), §. 37, p. 329—331.
  • IV. Grès et sables supérieursau gypse a ossemens (Grès deFontainebleau), §. 38, p. 331.
  • V. Terrain lacustre avec meu-lières poreuses, supérieur augrès de Fontainebleau (Cal-caire à lymnées), §. 39, p. 331.
|Spaltenumbruch|
  • Conglomérats et scories ba-saltiques.
  • III. Laves sorties d’un cratèrevolcanique (Laves ancien-nes, larges nappes, généra-lement abondantes en feld-spath. Laves modernes àcourans distincts et de peude largeur. Obsidiennes deslaves et Ponces des obsidien-nes), p. 369.
  • IV. Tufs des volcans aveccoquilles, p. 369.
    • (Dépôts de calcaire com-pacte, de marne, d’argi-les avec lignites, de gyp-se et d’oolithes, superpo-sés aux tufs volcaniquesles plus modernes. Ces pe-tites formations localesappartiennent peut-êtreaux terrains tertiaires. Plateau de Riobamba;îles de Fortaventura et Lancerote).

Pour s’élever à des idées plus générales, et pour mieuxcomprendre les rapports de superposition indiqués dans le ta-bleau des roches, on peut se servir d’une méthode pasigra-phique, dont il sera utile de rappeler ici les principes fon-damentaux. Cette méthode est double: elle est ou figurative |374| (graphique, imitative), représentant les couches superpo-sées par des parallélogrammes placés les uns sur les autres;ou algorithmique, indiquant la superposition des roches etl’âge de leur formation, comme des termes d’une série. La première méthode est celle que j’ai suivie dans les Tables de pasigrafia geognostica, que je traçai, en 1804,pour l’usage de l’école des mines de Mexico; c’est celle quel’on désigne assez généralement sous le nom de coupes desterrains. Elle offre l’avantage de parler plus vivement auxyeux, et d’exprimer simultanément dans l’espace deux sériesou systèmes de roches qui couvrent une même formation.Elle offre des moyens faciles pour indiquer les équivalensgéognostiques ou roches parallèles, de même que le cas où,par la suppression locale de la formation β, la formation αsupporte immédiatement γ. Deux roches parallèles, parexemple, le thonschiefer et la roche de quarz (page 137),superposées toutes les deux à du micaschiste primitif, sontreprésentées dans la méthode figurative par deux parallélo-grammes de même hauteur placés sur un troisième. Lesnoms des roches sont inscrits dans les parallélogrammes, ou,comme on le verra plus bas, on caractérise ceux-ci, en lescouvrant de hachures ou d’une espèce de réseau différemmentmodifié, selon que les roches représentées graphiquement pas-sent ou ne passent pas les unes aux autres. Par la suppres-sion locale du grès de Nebra (grès bigarré) et du calcairede Gœttingue (muschelkalk), le calcaire du Jura peut reposerd’une part immédiatement (pages 300 et 310) sur le calcairealpin (zechstein), tandis que d’un autre côté on voit suivre,de bas en haut, le calcaire alpin, le muschelkalk, le grèsbigarré et le calcaire du Jura. Ces rapports de gisement se-ront exprimés dans une coupe idéale, en retranchant de lapartie inférieure du parallélogramme qui représente le cal-caire jurassique, d’un seul côté, un quadrilatère représentantles deux formations du muschelkalk et du grès bigarré. La seconde méthode, qui procède par séries et qu’onpourroit appeler algorithmique, indique les roches, nond’une manière imitative, non par l’étendue figurée, maispar une notation spéciale. Toute la géognosie de gisemensétant un problème de séries ou de succession, simple ou pé- |375| riodique, de certains termes, les diverses formations superpo-sées peuvent être exprimées par des caractères généraux,par exemple, par les lettres de l’alphabet. Ces notations,appliquées à différentes parties de la physique générale 1 dans lesquelles on examine la juxtaposition des choses, nesont pas des jeux de l’esprit. Dans la géognosie positive,elles ont le grand avantage de fixer l’attention sur les rap-ports les plus généraux de position relative, d’alternance et de suppression de certains termes de la série. Plus on fera abs-traction de la valeur des signes (de la composition et de lastructure des roches), mieux on saisira, par la concision d’unlangage pour ainsi dire algébrique, les rapports les plus com-pliqués du gisement et du retour périodique des formations.Les signes α, β, γ, ne seront plus pour nous du granite,du gneis et du micaschiste; du grès rouge, du zechstein etdu grès bigarré; de la craie, du grès tertiaire à lignites, etdu calcaire parisien: ce ne seront que des termes d’unesérie, de simples abstractions de l’entendement. Nous sommesloin de prétendre que le géognoste ne doive pas étudier,jusque dans ses rapports les plus intimes, la compositionminéralogique et chimique des roches, la nature de leurtissu cristallin ou de leurs masses; nous voulons seulementqu’on fasse abstraction de ces phénomènes lorsqu’il ne s’agitque de la succession et de l’âge relatif. Si les lettres de l’alphabet représentent ces roches super-posées, des deux séries,
  • α, β, γ, δ .....
  • α, αβ, β, βγ, γ, δ ....,
la première indique la succession des formations simpleset indépendantes: granite, gneis, micaschiste, thonschiefer
1 Avant la grande découverte de la pile de Volta, j’avois, dans monouvrage sur l’ Irritation de la fibre nerveuse, indiqué par une notationparticulière quels étoient les cas où, dans une chaîne de métaux hété-rogènes et de parties humides interposées, l’excitation musculaire avoitlieu, quels étoient les cas où le courant galvanique étoit arrêté. Lasimple inspection des séries et de la position respective des termes(élémens de la pile) pouvoit faire juger du résultat de l’expérience.(Humboldt, Versuche über die gereizte Muskel- und Nervenfaser, T. I.p. 236.)
|376| ou muschelkalk, grès de Königsstein (quadersandstein), cal-caire jurassique et grès vert à lignites (sous la craie). Laseconde indique l’alternance de formations simples avec desformations complexes: granite, granite-gneis, gneis, gneis-micaschiste, micaschiste, thonschiefer (pag. 113, 115); ou,pour donner un exemple tiré de terrains de transition (p. 120et 145), calcaire à orthocératites, calcaire alternant avec duschiste, schiste de transition seul, schiste et grauwacke,grauwacke seul, porphyre de transition..... Dans les forma-tions complexes, c’est-à-dire, dans celles qui offrent l’alter-nance périodique de plusieurs couches, on distingue quel-quefois trois roches différentes, qui ne passent pas les unesaux autres dans le même groupe,
  • ou α, β, αβγ, γ ....
  • αβγ, αβδ, βαε .....,
selon que dans le terrain de transition des couches alter-nantes de granite, de gneis et de micaschiste; dans le terrainde transition, des couches alternantes de grauwacke, deschiste et de calcaire, ou de grauwacke, de schiste et de por-phyre, ou de schiste, de grauwacke et de grünstein, consti-tuent une même formation. Dans le terrain de transition,comme nous l’avons exposé plus haut, le thonschiefer ou legrauwacke seuls ne sont pas les termes de la série. Cestermes sont tous complexes; ce sont des groupes, et le grau-wacke appartient à la fois à plusieurs de ces groupes. Ilen résulte, que le terme formation de grauwacke n’a rapportqu’à la prédominance de cette roche dans son associationavec d’autres roches. Tous les terrains offrent l’exemple de formations indépen-dantes qui préludent comme couches subordonnés. Si αβγ, ouαβ, βγ indiquent des formations complexes de granite, gneiset micaschistes, ou de granite et gneis, de thonschiefer etporphyre, de porphyre et syénite, de marnes et de gypse,c’est-à-dire, des formations dans lesquelles des couches dedeux et même de trois roches alternent indéfiniment; α+β,β+γ, indiqueront que le gneis fait simplement une couchedans le granite, le porphyre dans le schiste, etc. Alors
  • α, α+β, β, β+γ, γ ....
exprime le phénomène curieux de formations qui préludent, |377| qui s’annoncent d’avance comme des bancs subordonnés.Ces bancs rappellent tantôt des termes qui précèdent (ro-ches de dessous), tantôt les termes qui suivent (roches dedessus). Ainsi nous aurons:
  • α, β, β+α, β, β+γ, γ ....
Les porphyres et syénites grenues du terrain de transitionpénètrent dans le grès rouge et y forment des couches subor-données. Si le gisement des formations de la vallée de Fassa est tel qu’on l’a récemment annoncé (pag. 288), un termeprécédent (la syénite) déborde jusque dans le calcaire alpinou zechstein; c’est le cas dans la série:
  • α, β+α, γ+α, δ ....
Lorsqu’on veut appliquer la notation pasigraphique jus-qu’aux élémens des roches composées, cette notation peutindiquer aussi comment, par l’augmentation progressive d’undes élémens de la masse, surtout par l’isolement des cris-taux, il se forme des couches par une espèce de développe-ment intérieur:
  • abc, abc2, abc3 .... abc+b.
Nous avons préféré, dans ce cas particulier (bancs de feld-spath dans le granite, bancs de quarz dans le micaschiste oudans le gneis, bancs d’amphibole dans la syénite, bancs depyroxène dans une dolérite de transition), les lettres de l’al-phabet romain à celles de l’alphabet grec, pour ne pas con-fondre les élémens d’une roche (feldspath, quarz, mica,amphibole, pyroxène) avec les roches qui entrent dans lacomposition des formations complexes. Jusqu’ici nous avons montré comment, en faisant entière-ment abstraction de la composition et des propriétés physi-ques des roches, la notation pasigraphique peut réduire à unegrande simplicité les problèmes de gisement les plus compli-qués. Cette notation indique comment les mêmes couchessubordonnées (le sel gemme dans le zechstein et dans le redmarl, §§. 28 et 29; les houilles dans le grès rouge, le zech-stein et le muschelkalk) passent à travers plusieurs forma-tions superposées les unes aux autres:
  • α+μ, β+μ, γ, δ+μ ....
Elle rappelle aussi le retour des formations feldspathiques etcristallines dans les terrains de transition et de grès rouge |378| (Norwége, Écosse); retour qui est analogue à celui du gra-nite après le gneis et après le micaschiste primitif:
  • α, β, α, γ, δ ..... κ, λ, α, β ...
Les premiers termes de la série reparoissent, même aprèsun long intervalle, après le grauwacke et le calcaire à or-thocératites, c’est-à-dire, après les roches fragmentaires et coquillières. En terminant cet ouvrage, je vais montrer que, si l’ondonne moins de généralité à la notation et si on la modified’après quelques considérations physiques (de structure etde composition), on peut, par le moyen de douze signesgéognostiques, présenter les phénomènes de gisemens les plusimportans des terrains primitifs, intermédiaires, secondaireset tertiaires. Ces douze signes embrassent sept séries de ro-ches, savoir: les micaschistes (et leurs modifications d’uncôté en granite et gneis, de l’autre en thonschiefer), leseuphotides, les amphiboliques (grünstein, syénites), les por-phyres, les calcaires et les roches fragmentaires. On y aajouté des caractères pour les grands dépôts de houilles etde sel gemme, qui servent à orienter les géognostes, leurposition indiquant celle du grès rouge et du calcaire alpin. Tableau et valeur des signes.
  • α, Granite.
  • β, Gneis.
  • γ, Micaschiste.
  • δ, Thonschiefer.
On a employé les quatre premières lettresde l’alphabet pour désigner les quatre formations primitivesles plus anciennes. Comme ces formations passent graduel-lement les unes aux autres, on a choisi des lettres qui sesuccèdent immédiatement dans l’ordre alphabétique. Le gra-nite passe au gneis, le gneis au micaschiste, celui-ci authonschiefer. D’autres formations (porphyre, grünstein, eu-photide) paroissent pour ainsi dire isolées, souvent comme surajoutées aux terrains plus anciens; aussi les a-t-on repré-sentées par des lettres qui ne se succèdent pas immédiate-ment entre elles, et qui ne font pas suite aux lettres α, β,γ, δ. C’est par ce moyen que les formations qui se lientmoins aux autres que quelquefois (euphotide et grünstein) |379| elles se lient entre elles, se distinguent dans l’écriture pasi-graphique d’une manière aussi tranchée que dans la nature. ο, Ophiolithes, euphotide, gabbro et serpentine; en géné-ral toutes les formations abondantes en diallage. ς, syénite, grünstein; en général toutes les formations abon-dantes en amphibole. π, Porphyre. On voit quelquefois π passer à ς, et ς passerà ο. τ, Formations calcaires et gypseuses (τιτανος). Si l’on veutindividualiser davantage les formations calcaires, on peutdistinguer les primitives (τ), et celles qui renferment desdébris organiques (τ´); on peut même, par des exposans,indiquer séparément le calcaire de transition (τt), le calcairealpin ou zechstein (τa), le calcaire de Gœttingue ou muschel-kalk (τm), le calcaire du Jura ou la grande formation ooli-thique (τo), la craye (τc), le calcaire grossier parisienp) etc. κ, Roches fragmentaires, arénacées, agrégées, conglomérats,grauwacke, grès, brèches, roches clastiques de M. Bron-gniart (κλαςμα). L’accentuation (κ´) indique comme dans τ, que le grès estcoquillier. On peut distinguer les grauwackes ou roches frag-mentaires de transition (κg); le grès rouge (κa), renfermantle grand dépôt de houille (anthrax); le grès bigarré ougrès de Nebran); le grès de Königstein ou quadersand-stein (κq); le grès vert ou grès tertiaire à lignites sous lacraie (κl); le grès plus abondant en lignites au-dessus dela craie (κ2l); le grès de Fontainebleauf), etc. Une bonnenotation doit avoir l’avantage de pouvoir modifier la valeurdes signes selon que l’on s’arrête à des divisions diverse-ment graduées. Les exposans font allusion aux noms desroches. ξ, Houille, dont le plus grand dépôt se trouve à l’entréedu terrain secondaire: le même signe accentué (ξ´) indiqueles lignites, dont le grand dépôt est placé à l’entrée du ter-rain tertiaire et qui sont quelquefois des houilles coquil-lières. (ξυλον). ϑ, Sel gemme, dont la formation principale se trouvetantôt dans le calcaire alpin, tantôt dans le red marl ou |380| grès bigarré. Ne pouvant employer la première lettre dumot grec ἁλς (elle indique déjà le granite), j’ai fait allusionà ϑαλαςςα. ‖, La division des formations, anciennement reçue, en ter-rain primitif, intermédiaire, secondaire, etc., est indiquéepar deux barres perpendiculaires. Lorsque les séries géognosti-ques ont des termes très-nombreux, ce signe offre commedes points de repos. Le géognoste expérimenté sait d’avanceoù est placée la première roche de transition, le grès houiller,ou la craie. L’accentuation d’un caractère (δ´, τ´, κ´) rap-pelle en général qu’une roche renferme des débris de co-quilles, qu’elle n’est pas primitive. Voici quelques exemples de l’emploi de ces douze signespasigraphiques des roches:
  • α, γ+π, δτ´, κ´, π, σ, α.
Le terrain de transition commence après γ+π (le mica-schiste avec des bancs de porphyre primitif). C’est presquela suite des formations de Norwége (page 148). On voitsuivre une formation complexe de thonschiefer et de cal-caire (noir) avec débris de coquilles, du grauwacke, unporphyre, de la syénite et da granite. Les termes δτ´ et κ´,qui précèdent π, ς, α, caractérisent ces trois roches commedes roches de transition. En Angleterre, où le terrain inter-médiaire offre deux formations calcaires bien distinctes (cellede Dudley et du Derbyshire), on voit se succéder:
  • β, σπ, δ´, κg, τ´, κg, τ´, ξ, κa, τa, κn+ϑ, τo, κl. τc, κ2l ....
Le terrain de transition commence avec la formation de syé-nite et porphyre (Snowdon) placée sur un gneis qu’on croitprimitif; puis se suivent: un thonschiefer avec trilobites, legrauwacke de May-Hill, le calcaire de transition de Long-hope, le old red sandstone de Mitchel Dean, le mountainlimestone du Derbyshire, la grande formation de houille,le new red conglomerate qui représente le grès rouge, lecalcaire magnésifère, le red marl avec sel gemme, le cal-caire oolithique, le grès secondaire à lignites (greensand),la craie, le grès tertiaire à lignites ou argile plastique, etc.Sur le continent, les formations secondaires, si elles s’étoienttoutes développées, se succéderoient de la manière suivante:
  • τ´, κg ‖ πκa + ξ, τa+ϑ, κn, τm, κq, τo, κl, τc ‖ κ2l....
|381| En comparant ce type avec celui de l’Angleterre,
  • ξ, κa, τa, κn+ϑ, τo, κl, τc.....
on voit qu’entre les oolithes (τo) et le red marl ou grèsde Nebra (κn) il y a, en Angleterre, deux formations suppri-mées, savoir, le muschelkalk et le quadersandstein; les houilles(ξ), le sel gemme (ϑ) et les oolithes (κo) servent de termesde comparaison, d’horizon géognostique. Mais, sur le con-tinent, ξ et ϑ sont liés au grès rouge et au calcaire alpin,tandis qu’en Angleterre ces dépôts sont plutôt liés aux ro-ches de transition et au red marl. Quelquefois τa est subor-donné (pag. 259), intercalé à κa: ces deux termes de la série(le calcaire alpin et le grès rouge) n’en forment alors qu’unseul. L’incertitude de savoir si un calcaire est alpin (zech-stein) ou de transition, naît généralement de la suppressiondu grès rouge et du dépôt de houille que renferme ce grès.Des deux séries,
  • τ, κ+ξ, τ ...,
  • τ, κ, τ ...,
la première seule offre la certitude que le dernier τ est ducalcaire alpin. Dans la seconde série, les deux calcaires etla roche fragmentaire qui les sépare pourroient être detransition. La liaison intime de la craie avec le calcaire duJura est évidente, d’après l’alternance des couches (τo, κl,τc, κ2l,), et d’après l’analogie des grès à lignites au-dessouset au-dessus de la craie. Pour réunir les principaux phénomènes de gisement desroches dans les terrains primitifs, intermédiaires, secondaireset tertiaires, j’offre la série suivante:
  • α, αβ, β+π, βγ, γ+τ, α, γ, δ, α, β, δ, ο ‖ κg, τ´, δτ´,δ´, δ´ + π, γ, τ´, σπ, σ + α, σπ, ο ‖ πκa + ξ, τa+ϑ, κn,τm, κq, τo, κl, τc ‖ κ2l, τp ....
Il seroit inutile de donner l’explication de ces caractères;elle résulte de leur comparaison avec le tableau de forma-tion. Je me borne à fixer l’attention du lecteur sur l’accu-mulation des porphyres (π), sur les limites des terrains detransition et secondaires, sur la position des formations d’eu-photide (ο), sur les grands dépôts de houille et des lignites(ξ), et sur le retour (presque périodique) des formations |382| feldspathiques, des granites, gneis et micaschistes (α, β, γ)de transition. Comme la notation que je présente ici peutêtre diversement graduée, en accentuant les caractères, enles réunissant comme des coefficiens dans les formationscomplexes, ou en ajoutant des exposans, je doute que lesnoms des roches rangées par séries les unes à côté des au-tres puissent parler aussi vivement aux yeux que la notationalgorithmique. Dans la méthode figurative ou graphique, celle qui repré-sente les formations par des parallélogrammes superposésles uns aux autres, on peut aussi indiquer les rapports decomposition et de structure par des caractères qui couvrent,comme un réseau, toute la surface des parallélogrammes.En alongeant les parties grenues du granite et en divisantle parallélogramme en couches assez épaisses, on obtient lecaractère du gneis. En rendant le tissu feuilleté onduleuxet en l’interrompant par des nœuds (de quarz), le caractèredu gneis se change en celui de micaschiste. De la mêmemanière, la syénite sera représentée par le signe de graniteauquel on ajoute des points noirs (l’amphibole). Ces carac-tères passent les uns aux autres, comme les roches qu’ils in-diquent. En les réunissant dans des coupes, j’ai formé surles lieux des dessins très-détaillés des vallées de Mexico et de Totonilco, des environs de Guanaxuato, et du cheminde Cuernavaca à la mer du Sud; dessins qui ont l’avan-tage de ne pas exiger l’emploi des couleurs. Je n’entreraipas dans un plus grand détail sur les caractères que l’onpeut employer. Ces caractères peuvent être diversementmodifiés: il n’y a d’essentiel que la concision de la notationet l’esprit des méthodes pasigraphiques. NOTES. §. 1. Léopold de Buch, Geogn. Beobacht., Tome I, page 16, 23; Id.,Reise nach Norwegen, II, p. 188; Id., dans Gilbert’s Annalen, 1820,Avril, p. 130. Leonhard, Taschenbuch, 1814, p. 17. Freiesleben, Bemer-kungen über den Harz, I, p. 142. Leonhard, Kopp et Gærtner, Pro-pædeutik, p. 159. Bonnard, Essai géogn. sur l’Erzgebirge, p. 18, 48; Id., Aperçu géogn. des terrains, p. 32. D’Aubuisson, Traité de géogn., II, 12. Jameson, Syst. of Miner., III, 107. Goldfuss et Bischof, Beschreibung des Fichtelgebirges, I, 145; II, 38. Boué, Géologied’Écosse, p. 16, 348; Geol. Trans., II, 158. Edinb. Phil. Trans., |383| VII, 350. Beudant, Voyage minér. et géol. en Hongrie, III, 19, 27. Humboldt. Essai sur la géogr. des plantes, p. 122; Id., Relat. histor. devoy. aux rég. équin., II, 100, 299, 507. §. 2. Raumer, Geb. von Nieder-Schlesien, p. 10. §. 3. Bonnard, Erzgeb., p. 62, 118. Goldfuss, Fichtelg., I, 145, 148,172; II, 32. §. 4. Pusch, dans Leonh., Taschenb., 1812, p. 42. Raumer, Fragm., p. 33, 36, 70. Bonnard, Erzgeb., p. 104, 121. Maineke et Keferstein,dans Leonh., Taschenb., 1820, p. 103. §. 5. Buch, Beob., I, 33, Id., Norw., I, 197, 358, II, 240; Id. dans Mag. naturf. Freunde, 1809, p. 46. D’Aubuisson, Géogn., II, 60—66;II, 183, 187. Blöde, dans Leonh. Taschenb., 1812, p. 17. Humboldt, Nivell. géogn. des Andes, dans son Recueil d’observ. astron., I, 310. §. 6. Bonnard, Erzgeb., p. 72. Humboldt, Rel. hist., I, 556, II, 139. §. 7. Goldfuss, Fichtelgeb., I, 172 — 174. Bonnard, Terrains, p. 34,40, 82, 66; Id. Roches, p. 34. Humboldt, Rel. hist., I, 610; II, 142,233, 491, 569, 715. §. 8. Burckhardt, Travels in Syria, p. 142. D’Aubuisson, Géogn., II, 19. §. 9. Steffens , Oryktognosie, I, 270. Boué, Écosse, p. 55. Humboldt, Rel. hist., II, 40. §. 10. Beudant, Hongrie, II, 213. Bonnard, Terrains, p. 79. §. 11. Buch, Geogn. Beob., I, 45, 51, 124, 257; Id., Norwegen, I,191, 209, 219; Id., dans Nat. Mag., 1809, p. 115. Cordier, dans Journ.des mines, XVI, 254. Bonnard, Terrains, p. 46. D’Aubuisson, Géogn., II, 78 — 93; Id. dans Journal de physique, 1807, p. 402. Eschwege, Journal von Brasilien, II, 14. Freiesleben, Geogn. Beytrag zur Kennt-niss des Kupfersch., V, 257. Goldfuss, Fichtelg., p. 9. §. 12. Buch, Norwegen, I, 272, 413. §. 13. Buch, Geogn. Beobacht., I, 30; Id., Norwegen, II, 27, 31. Raumer, Geogn. Versuche, p. 50. §. 14. Freiesleben, Harz, II, 66. Bonnard, Erzgeb., p. 109 — 133. §. 15. Beudant, Hongrie, II, 84, III, 30, 40. Buch, Norwegen, II,83, 87; Id., dans Mag. naturf. Fr., 1810, p. 147. Boué, Écosse, p. 386. §. 16. Eschwege, Journ. von Brasilien, I, 25, 34, 36, 38. §. 17. Eschwege, Bras., II, 241. §. 18. Bonnard, Terrains, p. 56. §. 19. Buch, dans Mag. nat. Fr., 1810, p. 137; Id. Geogn. Beob., I, 68, 71: Id., Norwegen, I, 479, II, 29, 84, 87, 135. Esmark, dansPfaff, Nord. Arch., III, 199. Saussure, Voyages dans les Alpes, §. 1362. Journ. de phys., XXXV, 298. Targieni Tozzetti, Viaggi, II, 433. Brocchi, Bibl. ital., IX, 76, 356. Beudant, Hongrie, III, 49. §. 20. Brochant, Observ. géol. sur les terrains de transition de laTarantaise, p. 16, 19, 31, 33, 37, 39, 44, 50, 53; Id., Mémoiresur les gypses anciens, p. 12 — 46. Buch, dans Mag. nat. Fr., 1809,p. 181; Id. dans Leonhard’s Taschenb., 1811, p. 335. Raumer, Frag-mente, p. 10, 24. D’Aubuisson, Journ. des mines, n.° 128, p. 161. §. 21. Beudant, Hongrie, III, 96, 133, 199. Raumer, Nieder-Schle-sien, p. 72. |384| §. 22. Charpentier, Description géogn. des Pyrénées (manuscrit);§§. 35, 66, 89, 100, 105, 141 — 167; Id., Mém. sur le gisement desgypses de Bex, dans Naturw. Anzeiger der Schweiz. Gesellsch., 1819,n.° 9, p. 65. Raumer, Fragmente, p. 10, 32, 74; Id., Versuche, p. 41. Buch, Norwegen, II, 281; Id. dans Mag. nat. Fr., 1809, p. 175. Mei-necke et Keferstein, Taschenb., p. 63. Haussmann, Nord. Beytr., II,77, IV, 653; Id., Reise durch Scandinavien, II, 239. Engelhardt, Fels-gebäude Russlands, I, 37. Keferstein, Teutschland geognostisch darge-stellt, I, 136. Eschwege, Brasil., II, 258. Maclure, Géol. des Etats-Unis, p. 24. Brongniart, Notice sur l’histoire géogn. du Cotentin, p. 17; Id. Crustacés fossiles, p. 46 — 63. Beudant, Hongrie, III, 76, 578. Saussure, Alpes, §. 501. Wahlenberg, dans Acta Soc. Upsal., VIII,p. 19. Link, Urwelt, p. 2. Castelazo, de la riqueza de la Veta Biscaina (Mexico, 1820), p. 9. Humboldt, Essai polit. sur la Nouvelle-Espagne, II, 534, 537, 519—526. §§. 23 et 24. Del Rio dans la Gazeta de Mexico, XI, 416. Humboldt, Essai polit., II, 494, 521, 581, 583. Beudant, Hongrie, II, 157, III,67 — 124, 148. Boué, Écosse, p. 147. Burckhardt, Travels in Syria, 1822, p. 493, 567. Raumer, Fragm., p. 24 — 26, 37, 48. Haussmann,dans Moll’s Neuem Jahrb., I, 34. Buch, Norw., I, 96—144. §. 25. Boué, Écosse, p. 94, 358. Palassou, Supplément aux Mémoirespour servir à l’hist. nat. des Pyrénées, p. 139 — 153. Brongniart, surles Ophiolithes, p. 26, 46, 56, 59, 61. §. 26. Beudant, Hongrie, II, 575 — 580, 584—594, III, 171, 184,194, 204. Geol. Trans., IV, p. 9. Annales des mines, III, p. 45 et 568. Steffens, Geogn. Aufsätze, p. 11. Buch, Beob., I, p. 104, 157. Heim, Geogn. Beytr. zur Kenntn. des Thüring. Waldes, II, 5te Abth., 236. Conybeare and Philipps Geol. of England, I, 298, 312, 324—370. §. 27. Humboldt, Géogr. des plantes, p. 128; Id., Essai politique, II, 589. §. 28. Escher, dans Leonh. Taschenb., 1804, p. 347; Id. dans NeueZürcher Zeitung, 1821, n.° 60, p. 237. Uttinger, dans Leonh. Taschenb., 1819, p. 42. Keferstein, Teutschland, III, 259, 263, 273, 340, 372,390, 407. Mohs, dans Moll’s Ephem., 1807, p. 161. Lupin, ib., 1809,p. 359. Ramond, Voy. au sommet du Mont-perdu, p. 15, 26. Traill, dans Geol. Trans., III, 138. Bibl. univ., XIX, 38. Buckland, On the struc-ture of the Alps, p. 9. Buch, Geog. Beob., I, 153 — 171, 194, 216, 256. Freiesleben, Kupfersch., IV, 284. Tondi, dans Lucas, Tabl. méth. des esp.min., II, 243. Haussmann, Nord. Beytr., IV, 88. Jenaer litter. Zeit., 1813, p. 100. Steffens Geogn. Aufs., p. 49. Beudant, Hongrie, III,231—237. Conybeare and Philipps, England, I, 301. Marzari Pencati, Cenni geologici, p. 21. Breislak, Sulla giacitura di alcune rocce porfi-ritiche e granitose, p. 25 — 35. §. 29. Conybeare and Philipps, Engl., I, 61, 269. Freiesleben, Kupfersch., I, 90 — 188, IV, 276 — 284. §. 30. Freiesleben, Kupfersch., I, 65, 89, IV, 295—317. Raumer, Versuche, p. 112— 115. §. 31. Haussmann, Nord. Beytr., 1806, St. 1, p. 73, 98. Freiesleben, Kupfersch., I, 102—107, IV, 283, 293. Conybeare and Philipps, Engl., I, 122. Raumer, Nieder-Schlesien, p. 121, 123, 153. |385| §. 32. Humboldt, über die unterird. Gasarten, p. 39. Karsten, Min.Tab. p. 63 — 65. Buch, Landek., p. 7; Id., dans Helvet. Alm., 1818,p. 42. Gilb. Annalen, 1806, St. 5, p. 35. Escher, Naturw. Anzeiger derSchweiz. Ges., Jahrg. IV, p. 29. Charbaut, Mém. sur la géologie desenvirons de Lons-le-Saunier, p. 7, 9, 24, 27. Mérian, Beschaffenheit derGebirgsbild. von Basel, p. 23, 36, 46, 88. §. 33. Conybeare and Philipps, Engl., I, 127 — 164. §. 34. Brongniart et Cuvier, Descr. géol. des environs de Paris, 1821,p. 10—17, 68—101. Steffens, Geogn. Aufs., p. 121. Raumer, Vers., p. 85, 116. Conybeare and Philipps, Engl., I, 60 — 126. §. 35. Bonnard, Terrains, p. 226. Brongniart, Descr. géol., p. 17—28,102—122. Conybeare and Philipps, Engl., I, 37 — 57. Raumer, Vers., p. 120 — 122. Beudant, Hongrie, III, 242 — 264. Lardy, dans la Bibl.univ., Mars 1822, p. 180, 183. Keferstein, Teutschland, I, 46. Freies-leben, Kupfersch., V, 255. Adolphe Brongniàrt, Classific. des végétauxfossiles, p. 54. §. 36. Beudant, Hongrie, III, 264 — 282. Brongniart, Descr. géol., p. 29 — 38, 123 — 203. §. 37. Raumer, Vers., p. 123 — 125. Brongniart, Descr. géol., p.38 — 50, 203 — 263. §. 38. Raumer, Vers., p. 125. D’Aubuisson, Géognosie, II, 414,417. Brongniart, Descr. géol., p. 50 — 56, 264 — 274. Bonnard, Ter-rains, p. 217. §. 39. Brongniart, Descr. géol., p. 57 — 60, 275 — 320. Beudant, Hongrie, III, 282 — 288. §. 40. Buch, Geogn. Beob., II, 172 — 190. Id., dans Mag. nat. Fr., 1809, p. 299 — 303; Id., dans Mém. de Berlin, 1812, p. 129 — 154. Fleuriau de Bellevue, Journ. de phys., LI et LX. Cordier, Mém. surles substances minérales, dites en masse, qui entrent dans la composi-tion des roches volcaniques, p. 17 — 69. Bustamente sobre las lavas delPadregul de San Augustin de la Cuevas, dans le Seman. de Mexico, 1820, p. 80. Leonhard, Propædeutik, p. 168 — 175. Ramond, Nivelle-ment barométrique et géognostique de l’Auvergne, p. 32—45. Breislak, Introd. à la géologie, I, 234, 261, 316. Heim, Thüringer-Wald, p.229. Singer, dans Karsten’s Archiv für Bergbaukunde, III, 88. Robi-quet, dans Annales de physique et de chimie, XI, 206. Nose, Nieder-rheinische Reise, II, p. 428. Boué, Écosse, p. 219 — 287. Beudant, Hongrie, III, 298—644. 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