INDÉPENDANCE DES FORMATIONS. (Min.) Le mot formation désigne, en géognosie, ou la manière dont une roche a été produite, ou un assemblage (système) de masses minérales qui sont tellement liées entre elles, qu’on les suppose formées à la même époque, et qu’elles offrent, dans les lieux de la terre les plus éloignés, les mêmes rapports généraux de gisement et de composition. C’est ainsi que l’on attribue la formation de l’obsidienne et du basalte aux feux souterrains; c’est ainsi que l’on dit que la formation du thonschiefer de transition renferme de la pierre lydienne, de la chiastolithe, de l’ampélite, et des couches alternantes de calcaire noir et de porphyre. La première acception du mot est plus conforme au génie de la langue; mais elle a rapport à l’origine des choses, à une science incertaine qui se fonde sur des hypothèses géogoniques. La seconde acception, aujourd’hui généralement reçue par les minéralogistes françois, a été empruntée à la célèbre École de Werner: elle indique ce qui est, non ce que l’on suppose avoir été. Cet article est extrait d’un ouvrage inédit de M. de Humboldt, ayant pour titre: De la superposition des roches dans les deux hémisphères. Dans la description géognostique du globe on peut distinguer différens degrés d’agroupement des substances minérales, simples ou composées, selon que l’on s’élève à des idées plus générales. Des roches qui alternent les unes avec les autres, qui s’accompagnent habituellement et qui offrent les mêmes rapports de gisement, constituent une même formation; la réunion de plusieurs formations constitue un terrain: mais ces mots de roches, de formations et de terrains sont employés comme synonymes dans beaucoup d’ouvrages de géognosie. (Voyez Roche, Terrain.) La diversité des roches et la disposition relative des couches qui forment la croûte oxidée du globe, ont, dès les temps les plus reculés, fixé l’attention des hommes. Partout où l’exploitation d’une mine étoit dirigée sur un dépôt de sel, de houille ou de fer argileux, qui se trouvoit recouvert d’un grand nombre de couches de nature différente, ce travail fit naître des idées plus ou moins précises sur le système de roches propres à un terrain de peu d’étendue. Munis de ces connoissances locales, remplis des préjugés qui naissent de l’habitude, les mineurs d’un pays se répandirent dans des pays voisins. Ils firent ce que les géognostes ont souvent fait de nos jours: ils jugèrent du gisement des roches dont ils ignoroient la nature, d’après des analogies incomplètes, d’après les idées étroites qu’ils s’étoient faites dans leur pays natal. Cette erreur dut avoir une influence funeste sur le succès de leurs nouvelles recherches. Au lieu d’étudier la liaison de deux terrains contigus, en suivant quelque couche généralement répandue; au lieu d’agrandir et d’étendre, pour ainsi dire, le premier type de formations qui étoit resté gravé dans leur esprit, ils se persuadèrent que chaque portion du globe avoit une constitution géologique entièrement différente. Cette opinion populaire très-ancienne a été adoptée et soutenue, en différens pays, par des savans très-distingués; mais, dès que la géognosie s’est élevée au rang d’une science, que l’art d’interroger la nature a été perfectionné, et que des voyages entrepris dans des contrées lointaines ont offert une comparaison plus exacte des divers terrains, de grandes et immuables lois ont été reconnues dans la structure du globe et dans la superposition des roches. C’est alors que les analogies les plus frappantes de gisement, de composition et de corps organiques renfermés dans des couches contemporaines, se sont manifestées dans les deux Mondes. A mesure qu’on s’habitue à considérer les formations sous un point de vue plus général, leur identité même devient de jour en jour plus probable. En effet, en examinant la masse solide de notre planète, on s’aperçoit bientôt que quelques-unes de ces substances que l’oryctognosie (ou minéralogie descriptive) nous a fait connoître isolément, se rencontrent dans des associations constantes, et que ces associations, que l’on désigne sous le nom de roches composées, ne varient pas, comme les êtres organisés, selon la différence des latitudes ou des bandes isothermes sous lesquelles on les trouve. Les géognostes qui ont parcouru les pays les plus éloignés, n’ont pas sèulement rencontré dans les deux hémisphères la plupart des mêmes substances simples, le quarz, le feldspath, le mica, le grenat ou l’amphibole: ils ont aussi reconnu que les grandes masses de montagnes présentent presque partout les mêmes roches, c’est-à-dire les mêmes assemblages de mica, de quarz et de feldspath, dans le granite; de mica, de quarz et de grenats, dans le micaschiste; de feldspath et d’amphibole dans la syénite. Si quelquefois on a cru d’abord qu’une roche appartenoit exclusivement à une seule portion du globe, on l’a constamment trouvée, par des recherches ultérieures, dans les régions les plus éloignées de la première localité. On est tenté d’admettre que la formation des roches a été indépendante de la diversité des climats; que peut-être même elle leur est antérieure (Humboldt, Géographie des plantes, 1807, p. 115; Idem, Vues des Cordillères, tome 1.er, p. 122). Il y a identité de roches là où les êtres organisés sont le plus diversement modifiés. Mais cette identité de composition, cette analogie que l’on observe dans l’association de certaines substances minérales simples, pourroit être indépendante de l’analogie de gisement et de superposition. On pourroit avoir rapporté des iles de l’Océan Pacifique, ou de la Cordillère des Andes, les mêmes roches que l’on observe en Europe, sans qu’il fût permis d’en conclure que ces roches sont superposées dans un ordre semblable, et qu’après la découverte d’une d’elles on puisse prédire avec quelque certitude quelles sont les autres roches qui se trouvent dans les mêmes lieux. C’est à reconnoître ces analogies de gisement et de positions respectives, que doivent tendre les travaux des géognostes qui se plaisent à étudier les lois de la nature inorganique. On a tenté de réunir dans les tableaux suivans ce que nous savons de plus certain sur la superposition des roches dans les deux continens, au nord et au sud de l’équateur. Ces types de formations ne seront pas seulement étendus, mais aussi diversement modifiés, à mesure que le nombre des voyageurs exercés aux observations géognostiques se trouvera agrandi, et que des monographies complètes de divers cantons trèséloignés les uns des autres fourniront des résultats plus précis. L’exposition des lois que l’on reconnoît dans la superposition des roches, forme la partie la plus solide de la science géognostique. On ne sauroit nier que les observations de gisement présentent souvent de grandes difficultés, lorsqu’on ne peut parvenir au contact de deux formations voisines, ou que celles-ci n’offrent pas une stratification régulière, ou que leur gisement n’est pas uniforme, c’est-à-dire que les strates du terrain supérieur ne sont pas parallèles aux strates du terrain inférieur. Mais ces difficultés (et c’est là un des grands avantages des observations qui embrassent une partie considérable de notre planète) diminuent en nombre ou disparoissent totalement par la comparaison de plusieurs terrains très-étendus. La superposition et l’âge relatif des roches sont des faits susceptibles d’être constatés immédiatement, comme la structure des organes d’un végétal, comme les proportions des élémens dans l’analyse chimique, ou l’élévation d’une montagne au-dessus du niveau de la mer. La véritable géognosie fait connoître la croûte extérieure du globe telle qu’elle existe de nos jours. C’est une science aussi sûre que peuvent l’être les sciences physiques descriptives. Au contraire, tout ce qui a rapport à l’ancien état de notre planète, à ces fluides qui, dit-on, tenoient toutes les substances minérales en dissolution, à ces mers que l’on élève jusqu’aux sommets des Cordillères pour les faire disparoître dans la suite, est aussi incertain que le sont la formation de l’atmosphère des planètes, les migrations des végétaux, et l’origine des différentes variétés de notre espèce. Cependant l’époque n’est pas très-éloignée où les géologues s’occupoient de préférence de ces problèmes presque impossibles à résoudre, de ces temps fabuleux de l’histoire physique du monde. Pour faire mieux comprendre les principes d’après lesquels est construit le tableau de la superposition des roches, nous devons le faire précéder de quelques observations que fournit l’étude pratique des différens terrains. Nous commencerons par rappeler qu’il n’est pas aisé de circonscrire les limites d’une même formation. Le calcaire du Jura et le calcaire alpin, très-séparés dans une région, paroissent parfois étroitement liés dans une autre. Ce qui annonce l’indépendance d’une formation, comme l’a très-bien observé M. de Buch, c’est sa superposition immédiate sur des roches de diverse nature et qui par conséquent doivent toutes être considérées comme plus anciennes. Le grès rouge est une formation indépendante, parce qu’il est superposé indifféremment sur du calcaire noir (de transition), sur du micaschiste ou du granite primitifs; mais, dans une région où domine la grande formation de syénite et de porphyre, ces deux roches alternent constamment. Il en résulte que la roche syénitique y est dépendante du porphyre, et n’y recouvre presque nulle part seule le thonschiefer de transition ou le gneis primitif. L’indépendance des formations n’exclut d’ailleurs aucunement l’uniformité ou concordance de gisement; elle exclut plutôt le passage oryctognostique de deux formations superposées. Les terrains de transition ont très-souvent la même direction et la même inclinaison que les terrains primitifs; et cependant, quelque rapprochée que puisse être l’époque de leur origine, on n’en est pas moins fondé à considérer le micaschiste anthraciteux ou le grauwacke, alternant avec du porphyre, comme deux formations indépendantes des granites et des gneis primitifs qu’ils recouvrent. L’uniformité de gisement (Gleichförmigkeit der Lagerung) ne fait rien préjuger contre l’indépendance des formations, c’est-à-dire sur le droit que l’on a de regarder une roche comme une formation distincte. C’est parce que les formations indépendantes sont placées indifféremment sur toutes les roches plus anciennes (la craie sur le granite, le grès rouge sur le micaschiste primitif), que la réunion d’un grand nombre d’observations faites sur des points très-éloignés devient éminemment utile dans la détermination de l’âge relatif des roches. Pour reconnoître que la syénite zirconienne est une roche de transition, il faut l’avoir vue placée sur des formations postérieures à des calcaires noirs remplis d’orthocératites. Des observations faites sur les porphyres et syénites de la Hongrie par M. Beudant, un des géologues les plus distingués de notre temps, peuvent jeter beaucoup de jour sur les formations des Andes mexicaines. C’est ainsi qu’un nouveau végétal découvert dans l’Inde fait reconnoître l’affinité naturelle entre deux familles de plantes de l’Amérique équinoxiale. L’ordre que l’on a suivi dans le tableau des formations est celui du gisement et de la position respective des roches. Je ne prétends pas que ce gisement et cette position s’observent dans toutes les régions de la terre; je les indique tels qu’ils m’ont paru le plus probables d’après la comparaison d’un grand nombre de faits que j’ai recueillis. C’est l’idée de l’àge relatif qui m’a guidé dans ce travail, bien imparfait encore. Je l’ai commencé, long-temps avant mon voyage dans les Cordillères du Nouveau Continent, dès l’année 1792, où, sortant de l’École de Freyberg, j’étois chargé (comme Oberbergmeister) de la direction des mines dans les montagnes du Fichtelgebirge. La même roche peut varier de composition, des parties intégrantes peuvent lui être soustraites, de nouvelles substances peuvent s’y trouver disséminées, sans que pour cela, aux yeux du géognoste qui s’occupe de la superposition des terrains, la roche doive changer de dénomination. Sous l’équateur, comme dans le nord de l’Europe, des strates d’une véritable syénite de transition perdent leur amphibole, sans que la masse devienne une autre roche. Les granites des bords de l’Orénoque prennent quelquefois de l’amphibole et ne cessent guère pour cela d’être du granite primitif, quoiqu’ils ne soient pas de la première ou plus ancienne formation. Ces faits ont été reconnus par tous les géognostes expérimentés. Le caractère essentiel de l’identité d’une formation indépendante est son rapport de position, la place qu’elle occupe dans la série générale des terrains. (Voyez le mémoire classique de M. de Buch, Ueber den Begriff einer Gebirgsart, dans Mag. der Naturf., 1810, p. 128—133.) C’est pour cela qu’un fragment isolé, un échantillon de roche trouvé dans une collection, ne peuvent être déterminés géognostiquement, c’est-à-dire comme formation constituant une des nombreuses assises dont se compose la croûte de notre planète. La chiastolithe, l’accumulation de carbone ou des nœuds de calcaire compacte dans les thonschiefer, le titane-nigrine et l’épidote dans les syénites (alternant avec un granite et des porphyres), des conglomérats ou poudingues enchâssés dans un micaschiste anthraciteux, peuvent sans doute faire reconnoître des formations de transition; de même que, d’après les utiles travaux de M. Brongniart, des pétrifications de coquilles bien conservées indiquent quelquefois directement telle ou telle couche de terrains tertiaires. Mais ces cas, où l’on est guidé par des substances disséminées ou par des caractères purement zoologiques, n’embrassent qu’un petit nombre de roches d’une origine récente; souvent des observations de ce genre ne conduisent qu’à des faits négatifs. Les caractères tirés de la couleur du grain et des petits filons de carbonate de chaux qui traversent les roches calcaires; ceux que fournissent la fissilité et l’éclat soyeux du thonschiefer, l’aspect et les ondulations plus ou moins marquées des feuillets du mica dans les micaschistes; enfin, la grandeur et la coloration des cristaux de feldspath dans les granites de différentes formations, peuvent, comme tout ce qui tient simplement à l’habitus des minéraux, induire en erreur l’observateur le plus habile. Sans doute, les teintes blanches et les noires distinguent le plus souvent les calcaires primitifs et de transition; sans doute, la formation du Jura, surtout dans ses assises supérieures, est généralement divisée en couches minces, blanchâtres, à cassure matte, égale ou conchoïde, avec des cavités très-aplaties (flachmuschlig): mais dans les montagnes de calcaire de transition il y a des masses isolées qui, par leur couleur et leur texture, se rapprochent des caractères oryctognostiques de la formation du Jura; mais au sud des Alpes il y a des collines de terrains tertiaires où ce même calcaire fissile et mat du Jura trouve ses analogues (quant à l’aspect) dans des formations placées au-dessus de la craie, et qui ressemblent au calcaire que l’on recherche pour les usages de la lithographie. Si l’on préfère de donner aux formations des noms tirés de leurs seuls caractères oryctognostiques, les divers strates d’une même roche composée, dont l’épaisseur est considérable et que l’on poursuit très-loin dans le sens de sa direction (Streichungslinie), sembleroient souvent appartenir à des roches différentes, selon les points où l’on en prendroit des échantillons. Par conséquent on ne peut guère déterminer géognostiquement dans les collections que des suites de roches dont on connoît la superposition mutuelle. En énonçant ces idées sur le sens que l’on doit attacher au mot formations indépendantes, lorsqu’il s’agit du tableau de leur gisement, on est bien loin de méconnoître les éminens services que l’examen oryctognostique le plus rigoureux, l’étude approfondie de la composition des roches, ont rendus à la géognosie moderne, et nommément à la science du gisement ou de la position respective des formations. Quoique, d’après les découvertes de M. Haüy sur la nature intime des substances inorganiques et cristallisées, il n’existe pas, à proprement parler, un passage d’une espèce minérale à une autre ( Cordier, sur les roches volcan., p. 33, et Berzelius, Nouv. Syst. de Minéral., pag. 119), les passages des masses ou pâtes de roches ne sont pas restreints aux formations que l’on distingue généralement par le nom de roches composées. Celles que l’on croit simples, par exemple, les calcaires de transition ou les calcaires secondaires, sont en partie des variétés amorphes d’espèces minérales dont il existe un type cristallisé, en partie des agrégats d’argile, de carbone, etc., qui ne peuvent être soumis à aucune détermination fixe. C’est sur les proportions variables de ces mélanges hétérogènes que se fonde le passage des calcaires marneux à d’autres formations schisteuses. ( Haüy, Tableau comparatif de la Cristallographie, p. XXVII, XXX.) Toutes les pâtes amorphes des roches, quelque homogènes qu’elles paroissent au premier aspect, les bases des porphyres et des euphotides (serpentines), comme ces masses noires problématiques qui constituent le basanite (basalte) des anciens, et qui ne sont pas toutes des grünstein surchargés d’amphibole, sont susceptibles d’être soumises à l’analyse mécanique. M. Cordier a appliqué cette analyse d’une manière ingénieuse aux diabases (grünstein), aux dolérites, et à d’autres productions volcaniques plus récentes. L’examen oryctognostique le plus minutieux en apparence ne peut être indifférent au géognoste qui examine l’âge des formations. C’est par cet examen qu’on peut se former une juste idée de la manière progressive dont, par développement intérieur, c’està-dire par un changement très-lent dans les proportions des élémens de la masse, se fait le passage d’une roche à une roche voisine. Les schistes de transition, dont la structure paroît d’abord si différente de la structure des porphyres ou des granites, offrent à l’observateur attentif des exemples frappans de passages insensibles à des roches grenues, porphyroïdes ou granitoïdes. Ces schistes deviennent d’abord verdâtres et plus durs. A mesure que la pâte amorphe reçoit de l’amphibole, elle passe à ces amphibolithes trappéennes qu’on confondoit jadis avec le basalte. Ailleurs, le mica, d’abord caché dans la pâte amorphe, se développe et se sépare en paillettes distinctes et nettement cristallisées; en même temps le feldspath et le quarz deviennent visibles; la masse paroît grenue à grains très-alongés: c’est un vrai gneis de transition. Peu à peu les grains perdent leur direction commune; les cristaux se groupent autour de plusieurs centres, la roche devient un granite ou une syénite de transition. Ailleurs encore le quarz seul se développe, il augmente et s’arrondit en nœuds, et le schiste passe au grauwacke le mieux caractérisé. A ces signes certains les géognostes qui ont étudié long-temps la nature, reconnoissent d’avance la proximité des roches grenues, granitoïdes et arénacées. Des passages analogues du micaschiste primitif à une roche porphyroïde, et le retour de cette roche au gneis, s’observent dans la Suisse orientale. (Voyez les développemens lumineux qu’ont donnés M. de Raumer, Fragmente, p. 10 et 47; M. Léopold de Buch, dans son Voyage de Glaris à Chiavenna, fait en 1803 et inséré dans le Magaz. der Berl. Naturf., tom. 3, p. 115.) Mais ces passages ne sont pas toujours insensibles et progressifs: souvent aussi les roches se succèdent brusquement, et d’une manière bien tranchée; souvent (par exemple, au Mexique, entre Guanaxuato et Ovexeras) les limites entre les schistes, les porphyres et les syénites sont aussi distinctes que les limites entre les porphyres et les calcaires; mais dans ce cas même des bancs hétérogènes intercalés indiquent des rapports géognostiques avec les roches superposées. C’est ainsi que le granite de transition de la formation syénitique offre des couches de basanite, en se chargeant d’amphibole: c’est ainsi que ces mêmes granites passent quelquefois à l’euphotide. ( Buch, Voyage en Norwége, tom. I, p. 138, tom. II, p. 83.) Il résulte de ces considérations, que l’analyse mécanique des pâtes amorphes, au moyen de demi-triturations et de lavages (analyse dont M. Fleuriau de Bellevue a fait le premier essai qui ait été couronné de succès, Journ. de Physique, tom. LI, p. 162), répand à la fois du jour, 1.° sur les grands cristaux qui s’isolent et se séparent des cristaux microscopiques entrelacés dans la masse; 2. ° sur les passages mutuels de quelques roches superposées les unes aux autres; 3. ° sur les couches subordonnées qui sont de même nature qu’un des élémens de la masse amorphe. Tous ces phénomènes sont produits, pour ainsi dire, par développement intérieur, par une variation quelquefois lente, quelquefois trèsbrusque, dans les parties constituantes d’une masse hétérogène. Des molécules cristallines, invisibles à l’œil, se trouvent agrandies, dégagées du tissu serré de la pâte; insensiblement elles deviennent, par leur agroupement et leur mélange avec de nouvelles substances, des bancs intercalés d’une puissance considérable; souvent même elles deviennent de nouvelles roches. Ce sont les bancs intercalés qui méritent surtout la plus grande attention ( Leonhard, Kopp et Gærtner, Propæd. der Miner., p. 158). Lorsque deux formations se succèdent immédiatement, il arrive que les couches de l’une commencent d’abord à alterner avec les couches de l’autre, jusqu’à ce que (après ces préludes d’un grand changement) la formation la plus neuve se montre sans aucun mélange de couches subordonnées. ( Buch, Geogn. Beob., tome I, p. 104, 156; Humboldt, Rel. hist., tome II, p. 140.) Les développemens progressifs des élémens d’une roche peuvent par conséquent avoir une influence marquante sur la position respective des masses minérales. Leurs effets sont du domaine de la géognosie; mais, pour les découvrir et pour les apprécier, l’observateur doit appeler à son secours les connoissances les plus solides de l’oryctognosie, surtout celles de la cristallographie moderne. En exposant les rapports intimes par lesquels nous voyons souvent liés les phénomènes de composition aux phénomènes de gisement, je n’ai point eu l’intention de parler de la méthode purement oryctognostique, qui considère les roches d’après la seule analogie de leur composition. ( Journal des mines, tome 34, n.° 199.) Ce sont là de véritables classifications, dans lesquelles on fait abstraction de toute idée de superposition, mais qui n’en peuvent pas moins donner lieu à des considérations intéressantes sur l’agroupement constant de certains minéraux. Une classification purement oryctognostique multiplie les noms des roches plus que ne l’exigent les besoins de la géognosie, lorsqu’elle s’occupe des gisemens seuls. Selon les changemens qu’éprouvent les roches mélangées, un même strate de beaucoup d’étendue et d’une grande épaisseur peut (nous devons le répéter ici) renfermer des parties auxquelles l’oryctognoste, qui classe les roches d’après leur composition, donnera des dénominations entièrement différentes. Ces remarques n’ont pas échappé au savant auteur de la Classification minéralogique des roches; elles devoient se présenter à un géognoste expérimenté qui a si bien approfondi la superposition des terrains qu’il a parcourus. «Il ne faut pas confondre, dit M. Brongniart, dans son mémoire récent sur le Gisement des Ophiolithes, les positions respectives, l’ordre de superposition des terrains et des roches qui les composent, avec des descriptions purement minéralogiques (oryctognostiques). Leur confusion en jeteroit nécessairement dans la science et en retarderoit les progrès.» Le tableau que nous donnons à la fin de cet article n’est aucunement ce que l’on appelle une classification des roches; on n’y trouve pas même réunies, sous le titre de sections particulières (comme dans l’ancienne méthode géognostique de Werner, ou dans l’excellent Traité de Géognosie de M. d’Aubuisson), toutes les formations primitives de granite, toutes les formations secondaires de grès et de calcaire. On a tâché, au contraire, de placer chaque roche comme elle se trouve dans la nature, selon l’ordre de sa superposition ou de son âge respectif. Les différentes formations de granite sont séparées par des gneis, des micaschistes, des calcaires noirs (de transition) et des grauwackes. Dans les roches de transition on a éloigné les formations des porphyres et des syénites du Mexique et du Pérou, qui sont antérieures au grauwacke et au calcaire à orthocératites, de la formation, beaucoup plus récente, des porphyres et des syénites zirconiennes de la Scandinavie. Dans les roches secondaires on a éloigné le grès à oolithes de Nebra, qui est postérieur au calcaire alpin ou zechstein, du grès rouge (grès houiller), qui appartient à une même formation avec le porphyre et le mandelstein secondaires. D’après le principe que nous suivons, les mêmes noms de roches se retrouvent plusieurs fois dans le même tableau. Un micaschiste anthraciteux (de transition) est séparé, par un grand nombre de formations plus anciennes, du micaschiste antérieur au thonschiefer primitif. Au lieu d’une classification des roches granitiques, schisteuses, calcaires et arénacées (agrégées), j’ai voulu présenter une esquisse de la structure géognostique du globe, un tableau dans lequel les roches superposées se succèdent, de bas en haut, comme dans ces coupes idéales que j’ai dessinées, en 1804, à l’usage de l’École des mines de Mexico, et dont beaucoup de copies ont été répandues depuis mon retour en Europe ( Bosquejo de una Pasigrafia geognostica, con tablas que enseñan la estratificacion y el parallelismo de las rocas en ambos continentes, para el uso del Real Seminario de Mineria de Mexico ). Ces tableaux pasigraphiques réunissoient, à mes propres observations faites dans les deux Amériques, ce qu’à cette époque on avoit recueilli de plus précis sur le gisement des roches primitives, intermédiaires et secondaires, dans l’ancien continent. Elles offroient, avec le type que l’on pouvoit regarder comme le plus général, les types secondaires, c’est-à-dire les couches que j’ai nommées parallèles. Cette même méthode a été suivie dans le travail que je publie aujourd’hui. Mes formations parallèles sont des équivalens géognostiques; ce sont des roches qui se représentent les unes les autres (voyez le Traité de Géologie de M. d’Aubuisson , t. II, p. 255). En Angleterre et sur le continent de l’Europe opposé, il n’existe pas une identité de toutes les formations: il y existe des équivalens ou des formations parallèles. Celle de nos houilles situées entre les terrains de transition et le grès rouge, la position du sel gemme qui se trouve sur le continent dans le calcaire alpin (zechstein), la position de nos oolithes dans le grès de Nebra et dans le calcaire du Jura peuvent guider le géognoste dans le rapprochement des formations éloignées. On observe en Angleterre les houilles (coal-mesures) placées sur des formations de transition, par exemple, sur le calcaire ou mountain-limestone du Derbyshire et de South-Wales, et sur le grès de transition ou old red sandstone de Herfordshire. J’ai cru reconnoître dans le magnesian-limestone, le red-marl, le lias et les oolithes blanches de Bath, les formations réunies de calcaire alpin (avec sel gemme), de grès à oolithes (bunte sandstein) et de calcaire du Jura. En comparant les formations de pays plus ou moins éloignés, celles de l’Angleterre et de la France, du Mexique et de la Hongrie, du bassin secondaire de Santa-Fé de Bogota et de la Thuringe, il ne faut pas vouloir opposer à chaque roche une roche parallèle; il faut se rappeler qu’une seule formation peut en représenter plusieurs autres. C’est ainsi que des bancs d’argile inférieurs à la craie peuvent, en France (cap la Hève, près de Caen), être séparés de la manière la plus tranchée des couches calcaires oolithiques, tandis qu’en Suisse, en Allemagne et dans l’Amérique méridionale, ils ont pour équivalens des bancs de marnes subordonnés au calcaire du Jura. Les gypses qui, dans un district, ne sont quelquefois que des couches intercalées dans le calcaire alpin ou le grès à oolithes, prennent, dans un autre district, toute l’apparence de formations indépendantes, et se trouvent placés entre le calcaire alpin et le grès à oolithes, entre ce grès et le muschelkalk (calcaire de Gœttingue). Le savant professeur d’Oxford, M. Buckland, dont les recherches étendues ont été également utiles aux géognostes de l’Angleterre et du continent, a publié récemment un tableau de formations parallèles, ou, comme il les appelle aussi, equivalents of rocks, qui ne s’étend que du 44.e au 54.e degré de lat. bor., mais qui mérite la plus grande attention. ( On the structure of the Alps, and their relation with the rocks of England, 1821.) De même que dans l’histoire des peuples anciens il est plus facile de vérifier la série des événemens dans chaque pays que de déterminer leur coïncidence mutuelle, de même aussi on parviendra plutôt à connoître avec la plus grande exactitude la superposition des formations dans des régions isolées, qu’à déterminer l’âge relatif ou le parallélisme des formations qui appartiennent à différens systèmes de roches. Même dans des pays peu éloignés les uns des autres, en France, en Suisse et en Allemagne, il n’est pas aisé de fixer l’ancienneté relative du muschelkalk, de la molasse d’Argovie et du quadersandstein du Harz, parce que l’on manque le plus souvent de roches généralement répandues, servant, selon l’expression heureuse de M. de Gruner, d’horizon géognostique, et auxquelles on pourroit comparer les trois formations que nous venons de nommer. Lorsque des roches ne sont pas en contact immédiat, on ne peut juger de leur parallélisme que par leurs rapports d’âge avec d’autres formations qui les unissent. Ces recherches de géognosie comparée occuperont encore long-temps la sagacité des observateurs, et il n’est pas surprenant que ceux qui s’attendoient à retrouver chaque formation dans toute l’individualité de son gisement, de sa structure intérieure et de ses couches subordonnées, finissent par nier toute analogie de superposition. J’ai eu l’avantage de visiter, avant mon voyage à l’équateur, une grande partie de l’Allemagne, de la France, de la Suisse, de l’Angleterre, de l’Italie, de la Pologne et de l’Espagne. Pendant ces courses, mon attention étoit particulièrement fixée sur le gisement des formations, phénomène que je comptois discuter dans un ouvrage particulier. Arrivé dans l’Amérique du Sud, et parcourant d’abord en différentes directions le vaste terrain qui se prolonge de la chaîne côtière de Venezuela au bassin de l’Amazone, je fus singulièrement frappé de la conformité de superposition qu’offrent les deux continens. (Voyez ma première esquisse d’un tableau géologique de l’Amérique équinoxiale, dans le Journ. de phys., T. LIII, p. 30.) Des observations postérieures, qui embrassoient les Cordillères du Mexique , de la Nouvelle-Grenade, de Quito et du Pérou, depuis le 21.e degré de latitude boréale jusqu’au 12.e degré de latitude australe, ont confirmé ces premiers aperçus. Le type des formations s’est plutôt agrandi à mes yeux, qu’il ne s’est altéré dans ses parties les plus essentielles. Mais, en parlant des analogies que l’on observe dans le gisement des roches et de l’uniformité de ces lois qui nous revèlent l’ordre de la nature, je puis citer un témoignage bien autrement imposant que le mien, celui du grand géognoste dont les travaux ont le plus avancé la connoissance de la structure du globe. M. Léopold de Buch a poussé ses recherches de l’archipel des îles Canaries jusqu’au-delà du cercle polaire, au 71.e degré de latitude. Il a découvert de nouvelles formations placées entre les formations, anciennement connues; et, dans les terrains primitifs comme dans les terrains de transition, dans les secondaires comme dans les volcaniques, il a été frappé des grands traits qui caractérisent le tableau des formations dans les régions les plus éloignées. Du scepticisme qui nie tout ordre dans le gisement des roches, il faut distinguer une opinion qui renaît, de temps en temps, parmi des observateurs très-expérimentés, et d’après laquelle les formations de granite-gneis, de grauwacke, de calcaire alpin et de craie, uniformément superposées dans différens pays, ne correspondent guère entre elles par rapport à l’âge des élémens homonymes de chaque série. On croit qu’une roche secondaire peut avoir été formée sur un point du globe, lorsque les roches de transition n’existoient pas encore sur un autre point. Dans cette supposition, il ne s’agit pas de ces roches granitiques qui recouvrent un calcaire rempli d’orthocératites, et qui sont par conséquent postérieures aux roches primitives. C’est un fait généralement reconnu de nos jours, que des formations de composition analogue se sont répétées à des époques très-éloignées les unes des autres. Le doute que nous exposons, sans le partager nous-mêmes, porte sur un point beaucoup moins constaté, sur la question de savoir si des micaschistes indubitablement placés dans un pays au milieu de roches primitives (au-dessous de celles dans lesquelles la vie organique commence à paroître), sont plus neuves que les roches secondaires d’un autre pays. J’avoue que, dans la partie du globe que j’ai pu examiner, je n’ai rien vu qui semble confirmer cette opinion. Des roches grenues syénitiques répétées deux, peut-être même trois fois, dans des terrains primitifs, intermédiaires (et secondaires?) sont des phénomènes analogues qui nous sont devenus familiers depuis quinze ans; mais la non-concordance d’âge des grands terrains homonymes ne me semble guère prouvée jusqu’ici par des observations directes, faites sur le contact de formations superposées. La craie ou le calcaire du Jura peut, d’un côté, couvrir immédiatement le granite primitif, et de l’autre en être séparé par de nombreuses roches secondaires et de transition: ces faits trèscommuns ne démontrent que la soustraction, l’absence, le non-développement de plusieurs membres intermédiaires de la série géognostique. Le grauwacke peut, d’un côté, plonger sous une roche feldspathique, par exemple, sous du granite de transition ou sous la syénite zirconienne, et, de l’autre côté, être superposé à du calcaire noir rempli de madrépores: ce gisement ne démontre que la position intermédiaire d’une couche de grauwacke entre des roches calcaires et des roches feldspathiques de transition. Depuis que, par les travaux importans de MM. Cuvier et Brongniart, l’examen approfondi des corps organisés fossiles a répandu comme une nouvelle vie dans l’étude des terrains tertiaires, la découverte des mêmes fossiles dans des couches analogues de pays trèséloignés a rendu encore plus probable l’isochronisme de formations très-généralement répandues. C’est cet isochronisme seul, c’est cet ordre admirable de succession, qu’il semble donné à l’homme de reconnoître avec quelque certitude. Les essais que des géologues hébraïzans ont faits pour soumettre les époques à des mesures absolues du temps, et pour lier la chronologie d’anciens mythes cosmogoniques aux observations mêmes de la nature, n’ont pu être qu’infructueux. «On a voulu plus d’une fois, dit M. Ramond dans un discours rempli de vues philosophiques, trouver dans les monumens de la nature un supplément à nos courtes annales. C’étoit pourtant assez des siècles historiques pour nous apprendre que la succession des événemens physiques et moraux ne se règle point sur la marche uniforme du temps, et ne sauroit par conséquent en donner la mesure. Nous voyons derrière nous une suite de créations et de destructions par l’arrangement des couches dont la croûte de la terre est formée. Elles font naître l’idée d’autant d’époques distinctes; mais ces époques si fécondes en événemens peuvent avoir été très-courtes, eu égard au nombre et à l’importance des résultats. Entre les créations et les destructions, au contraire, nous ne voyons rien, quelle que puisse être l’immensité des intervalles. Là où tout se perd dans le vague d’une antiquité indéterminée, les degrés d’ancienneté n’ont plus de valeur appréciable, parce que la succession des phénomènes n’a plus d’échelle qui se rapporte à la division du temps.» ( Mémoires de l’Institut pour l’année 1815, p. 47.) Dans la monographie géognostique d’un terrain de peu d’étendue, par exemple, des environs d’une ville, on ne sauroit distinguer assez minutieusement les différentes couches qui composent les formations locales. Des bancs de sable et d’argile, les sousdivisions des gypses, les strates de calcaire marneux et oolithique, désignés en Angleterre sous les noms de Purbeck-Beds, Portland-Stone, Coral-Ray, Kelloway- Rock et Corn-Brash, acquièrent alors beaucoup d’importance. De minces couches de terrains secondaires et tertiaires, renfermant des assemblages de corps fossiles très-caractéristiques, ont servi d’horizon au géognoste. On a pu, dans leur prolongement, rapporter à l’une d’elles ce qui se trouve placé au-dessus ou au-dessous dans l’ordre de la série totale. Les dénominations particulières par lesquelles on distingue ces couches, offrent même beaucoup d’avantage dans une description géognostique, quelque bizarre ou impropre que puisse être leur signification ou leur origine puisée dans le langage des mineurs. Mais, dès que l’on traite du gisement des roches sur une surface très-étendue, il est indispensable de considérer les formations ou agroupemens habituels de certaines couches sous un point de vue plus général. C’est alors qu’il faut être plus sobre et plus circonspect dans la distinction des roches et dans leur nomenclature. L’ouvrage de M. Freiesleben, sur les plaines de la Saxe, qui ont plus de 700 lieues carrées ( Geogr. Beschr. des Kupferschiefergebirges, in 4 Th., 1807 — 1815), offre un beau modèle de la réunion d’observations locales et de généralisations géognostiques. Ces généralisations, ces essais de simplifier le tableau des formations et de ne s’arrêter qu’à de grands traits caractéristiques, doivent être plus ou moins timides, selon qu’on décrit le bassin d’un fleuve, une province isolée, un pays grand comme la France et l’Allemagne, ou un continent entier. Plus on approfondit l’étude des terrains, plus la liaison entre des formations qui nous paroissent d’abord entièrement indépendantes, se manifeste par le grand phénomène d’alternance, c’est-à-dire par une succession périodique de couches qui offrent de l’analogie dans leur composition, et quelquefois même dans de certains corps fossiles. C’est ainsi que dans les montagnes de transition, par exemple, en Amérique (à l’entrée des plaines de Calabozo), des bancs de grünstein et d’euphotide; en Saxe (près de Friedrichswalde et Maxen), les schistes avec ampélites, les grauwackes, les porphyres, les calcaires noirs et les grünstein, constituent, d’après leur alternance fréquente et répétée, une même formation. Souvent il arrive que des bancs subordonnés ne paroissent qu’à la limite extrême d’une formation, et prennent l’aspect d’une roche indépendante. Les marnes cuivreuses et bitumineuses (Kupferschiefer), qui se trouvent placées en Thuringe entre le calcaire alpin (zechstein) et le grès rouge (rothes liegende), et qui sont devenues depuis des siècles l’objet de grandes exploitations, sont représentées dans plusieurs parties du Mexique, de la Nouvelle-Andalousie et de la Bavière méridionale, par des couches multipliées d’argile marneuse, plus ou moins carburées, et enclavées dans le calcaire alpin. Des circonstances semblables donnent souvent à des gypses, à des grès, et à de petits bancs de calcaires compactes, l’apparence de formations particulières. On reconnoît leur dépendance ou leur subordination par leur association fréquente avec d’autres roches, par leur manque d’étendue et d’épaisseur, ou par leur suppression totale fréquemment observée. Il ne faut point oublier (et ce fait m’a beaucoup frappé dans les deux hémisphères) que les grandes formations de calcaires, par exemple le calcaire alpin, ont leurs grès, comme les grès très-généralement répandus ont leurs bancs calcaires. De minces couches de grès, de calcaires et de gypses caractérisent, sous toutes les zones, les dépôts de houille et de sel gemme ou d’argile muriatifère (salzthon), dépôts isolés qui le plus souvent ne sont recouverts que de ces petites formations locales. C’est en négligeant ces considérations, qui devroient être familières à tout géognoste expérimenté, que l’on a rendu trop compliqué le type des grandes formations indépendantes. Le phénomène de l’alternance se manifeste, ou localement dans des roches superposées plusieurs fois les unes aux autres et constituant une même formation complexe, ou dans la suite des formations considérées dans leur ensemble. Ce sont ou des grünstein et des syénites, des schistes et des calcaires de transition, des couches de calcaires et de marne qui alternent immédiatement, ou c’est tout un système de micaschistes et de roches feldspathiques grenues (granites, gneis et syénites) qui reparoît parmi les terrains de transition et que séparent du système homonyme primitif les grauwackes et les calcaires à orthocératites. La première connoissance de ce fait, un des plus importans et des plus inattendus de la géognosie moderne, est due aux belles observations de MM. Léopold de Buch, Brochant et Haussmann. Ce phénomène rapproche, non par rapport au temps ou à l’ancienneté relative, mais par rapport à l’analogie de composition et d’aspect, le terrain de transition du terrain primitif. De ce que, dans le premier, des roches grenues, dépourvues entièrement de débris organiques, succèdent à des roches compactes qui contiennent ces mêmes débris, de célèbres géognostes ont conclu que cette alternance de roches coquillères et non coquillères pourroit bien s’étendre au-delà des terrains que nous appelons primitifs. On n’a pas seulement demandé si des thonschiefer, des micaschistes et des gneis ne supportoient pas les granites que l’on a crus les plus anciens; on a aussi agité la question de savoir si des grauwackes et des calcaires noirs à madrépores ne pourroient pas se retrouver sous ces mêmes granites. D’après cet aperçu, les roches primitives et de transition ne formeroient qu’un seul terrain, et les premières pourroient être regardées comme intercalées dans un terrain postérieur au développement des êtres organisés et qui pénètreroit à une profondeur inconnue dans l’intérieur du globe. J’avoue qu’aucune observation directe n’a pu être citée jusqu’ici pour étayer ces suppositions. Les fragmens de roches que j’ai vus enchâssés dans les laves lithoïdes des volcans du Mexique, de Quito et du Vésuve, et que l’on croit arrachés aux entrailles de la terre, semblent appartenir à des roches altérées de granite, de micaschiste, de syénite et de calcaire grenu, et non à des grauwackes et à des calcaires à madrépores. On a conservé, dans le tableau des roches, les grandes divisions connues sous le nom de terrains primitifs, intermédiaires, secondaires et tertiaires. Les limites naturelles de ces quatre systèmes de roches sont le thonschiefer avec ampélite et pierre lydienne, alternant avec des calcaires compactes et des grauwackes, la formation des houilles et les formations qui succèdent immédiatement à la craie. En géognosie, comme dans la botanique descriptive (phytographie), les sousdivisions ou les petits groupes des familles ont des caractères plus tranchés que les grandes divisions ou les classes. C’est le cas de toutes les sciences dans lesquelles on s’élève de l’individu aux espèces, des espèces aux genres, et de ceux-ci à des degrés d’abstraction encore supérieurs. Une méthode repose nécessairement sur des abstractions diversement graduées, et les passages deviennent plus fréquens à mesure que les caractères sont plus complexes. Les terrains intermédiaires de Werner, que M. de Buch a limités le premier avec la sagacité qui le distingue ( Moll’s Jahrb., 1798, B. 2, p. 254), tiennent, par le thonschiefer ampéliteux, les syénites à zircons, les granites quelquefois dépourvus d’amphibole, et les micaschistes anthraciteux, aux terrains primitifs, tandis que les grauwackes à petits grains et les calcaires madréporiques et compactes les lient aux grès houillers et aux calcaires des terrains secondaires. Des porphyres de formations très-différentes ont leur siége principal parmi les roches de transition; mais ils débordent, pour ainsi dire, en masses considérables vers les terrains secondaires, où ils se lient au grès houiller, tandis qu’ils ne pénètrent dans le terrain primitif que comme des couches subordonnées et de peu d’épaisseur. Le mouvement progressif, ou, si j’ose me servir de ce mot impropre, l’étendue de l’oscillation de la serpentine et de l’euphotide, est trèsdifférente. Ces roches de diallage, constituant plusieurs formations distinctes, rarement recouvertes, et d’un gisement difficile à vérifier, s’arrêtent presque à la limite inférieure des terrains secondaires; vers le bas elles percent bien avant dans les terrains primitifs au-delà du micaschiste. La craie semble offrir une limite naturelle aux terrains tertiaires, que MM. Cuvier et Brongniart ont caractérisés les premiers, et avec justesse, comme des terrains entièrement différens des dernières formations secondaires, décrites par l’école de Freyberg ( Géogr. minér. des environs de Paris, p. 8 et 9). Frappé des rapports qui existent entre le terrain tertiaire et les couches sous la craie, M. Brongniart a même proposé récemment de désigner les formations tertiaires sous le nom de terrains secondaires supérieurs. ( Sur le gisement des ophiolithes, p. 37; comparez aussi les discussions géognostiques très-intéressantes que renferme le Traité des roches de M. de Bonnard, p. 138, 210 et 212.) La distinction des quatre terrains que nous venons de nommer successivement, et dont trois sont postérieurs au développement de la vie organique sur le globe, me paroît digne d’être conservée, malgré le passage de quelques formations à des formations différentes, et malgré les doutes que plusieurs géognostes très-distingués ont fondés sur ces passages. La classification des terrains marque de grandes époques de la nature, par exemple, la première apparition de quelques animaux pélagiques (zoophytes, mollusques céphalopodes) et la destruction simultanée d’une énorme masse de monocotylédones; elle offre comme des points de repos à l’esprit, et tout en se rappelant que les formations mêmes sont bien plus importantes que les grandes divisions, on a souvent lieu, en avançant des hautes montagnes vers les plaines, de reconnoître l’influence diverse que l’agroupement des roches primitives et intermédiaires, celui des roches secondaires et tertiaires ont exercé sur l’inégalité et la configuration du sol. C’est à cause de cette influence que l’aspect du paysage, la forme des montagnes et des plateaux, le caractère de la végétation, varient moins, lorsqu’on voyage parallèlement à la direction des couches, qu’en les coupant à angle droit ( Greenough, Crit. examinat. of Geologie, p. 38). Je continue, en suivant MM. de Buch, Freiesleben, Brochant, Beudant, Buckland, Raumer ( Geb. von Nieder-Schles., 1819) et d’autres géognostes célèbres, à grouper les formations indépendantes d’après les divisions en terrains primitifs, de transition, secondaires, etc., sans m’appesantir sur l’impropriété de la plupart de ces dénominations. Je continue de séparer l’argile (avec lignites) superposée à la craie, de celle qui est dessous, et la craie même, des formations secondaires plus anciennes. Mais ces distinctions par assises et par groupes d’assises, si utiles dans la description d’un terrain de peu d’étendue, ne doivent pas empêcher le géognoste, lorsqu’il tente de s’élever à un point de vue plus général, de lier ces argiles et la craie au calcaire du Jura, et de les regarder comme les derniers strates de cette grande formation composée de couches calcaires et marneuses. Les assises inférieures de la craie (tuffeau) renferment des ammonites. Le calcaire de la montagne de Saint-Pierre de Maestricht indique, comme l’ont déjà observé MM. Omalius et Brongniart ( Géogr. minér., p. 13), le passage de la craie à des calcaires secondaires plus anciens. Près de Caen, selon les belles observations de M. Prevost, les argiles sous la craie renferment ces mêmes lignites qui se trouvent, en plus grande masse, dans l’argile superposée à la craie; des cérites, qui rappellent le calcaire grossier de Paris, se montrent, dans un calcaire à trigonies, placés entre des argiles inférieures à la craie et les couches oolithiques. Je n’insiste pas sur ces faits particuliers; je les cite seulement pour prouver, par un exemple frappant, comment, en rapprochant des faits observés sur différens points d’un même pays, le grand phénomène de l’alternance nous révèle des liaisons entre des formations qui, au premier abord, paroissent n’avoir presque rien de commun. C’est le propre de ces couches qui alternent les unes avec les autres, de ces roches qui se succèdent en série périodique, d’offrir les contrastes les plus marqués dans les deux couches qui se suivent immédiatement. En géognosie, comme dans les différentes parties de l’histoire naturelle descriptive, il faut reconnoître l’avantage des classifications, des coupes diversement graduées, sans jamais perdre de vue l’unité de la nature. Aussi, ceux qui ont avancé le plus la philosophie naturelle, ont eu à la fois et la tendance à généraliser et la connoissance exacte d’une grande masse de faits particuliers. On a l’habitude de terminer la série des terrains par les roches volcaniques, et de les faire succéder aux terrains secondaires et tertiaires, même aux terrains de transport. Dans un tableau formé d’après le seul principe de l’ancienneté relative, cet arrangement m’a paru peu convenable. Sans doute que des laves lithoides se sont répandues sur les formations les plus récentes, même sur des couches de galets. On ne sauroit nier qu’il n’existe des productions volcaniques de différentes époques; mais, d’après ce que j’ai pu observer dans les Cordillères du Pérou, de Quito et du Mexique, dans une partie du monde si célèbre par la fréquence des volcans, il m’a paru que le site principal des feux souterrains est dans les roches de transition et au-dessous de ces roches. J’ai reconnu que tous les cratères enflammés ou éteints des Andes se sont ouverts au milieu de porphyres trappéens ou trachytes ( Berl. Abhandl. der Kön. Acad., 1813, p. 131), et que ces trachytes sont liés à la grande formation de porphyre et de syénite de transition. D’après cette remarque, il m’a paru plus naturel de faire suivre parallèlement, comme par bisection, les terrains secondaires et volcaniques aux terrains de transition. Par cette nouvelle disposition la formation des porphyres et des grauwackes, ou celle des porphyres, des syénites et des granites de transition, se trouve liée à la fois, 1.° aux porphyres du grès rouge dans le terrain houiller secondaire, 2.° aux trachytes ou porphyres trappéens qui sont dépourvus de quarz et mêlés de pyroxènes. J’emploie à regret le mot de terrain volcanique, non que je doute, comme ceux qui désignent les trachytes, les basaltes et les phonolithes (porphyrschiefer) sous le nom de terrain trappéen, que tout ce que j’ai réuni dans le terrain volcanique ne soit produit ou altéré par le feu; mais parce que plusieurs roches, intercalées entre les roches (primitives?), de transition et secondaires, pourroient bien aussi être volcaniques. J’aurois de plus voulu éviter toute idée (historique) de l’origine des choses dans un tableau (statistique) de gisement ou de superposition. A Skeen, en Norwége, une syénite basaltique et poreuse, renfermant des pyroxènes, est placée, d’après l’observation de M. de Buch, entre le calcaire de transition et la syénite zirconienne. C’est une couche, non un filon (dyke); c’est un phénomène bien moins problématique que le basalte (urgrünstein? Buch, Geogn. Beob., T. I, p. 124, et Raumer, Granit des Riesengebirges, p. 70) renfermé dans le micaschiste de Krobsdorf en Silésie. Les trachytes avec obsidienne du Mexique sont intimement liés aux porphyres de transition, qui alternent avec des syénites. Les mandelstein, appartenant au grès rouge, prennent, sur le continent de l’Europe et dans l’Amérique équinoxiale, tout l’aspect d’un mandelstein de formation basaltique. M. Boué, dans son intéressant Essai géologique sur l’Écosse, p. 126 — 162, a décrit des roches pyroxéniques (dolérites) enclavées dans le grès rouge. Sans rien préjuger sur l’origine de ces masses, ni, en général, sur celle de toutes les roches primitives et de transition, nous désignons ici par le nom de terrains volcaniques la série la moins interrompue de roches altérées par le feu. En faisant l’énumération des roches, je me suis servi des noms le plus généralement employés par les géognostes de la France, de l’Allemagne, de l’Angleterre et de l’Italie; j’aurois craint, en essayant de perfectionner la nomenclature des formations, d’ajouter de nouvelles difficultés à celles que présente déjà la discussion des gisemens. J’ai cependant évité avec soin les dénominations, trop long-temps conservées, de calcaire inférieur et supérieur; de gypse de première, seconde ou troisième formation; d’ancien ou de nouveau grès rouge, etc. Ces dénominations offrent sans doute un vrai caractère géognostique: elles ont rapport, non à la composition des roches, mais à leur âge relatif. Cependant, comme le type général des formations de l’Europe ne peut être modelé sur celui d’un seul canton, la nécessité d’admettre des formations parallèles (sich vertretende Gebirgsarten) rend les noms de premier ou second gypse, de grès ancien ou mitoyen, extrêmement vagues et obscurs. Dans un pays on est en droit de considérer une couche de gypse ou de grès comme une formation particulière, tandis que dans un autre on doit la regarder comme subordonnée à des formations voisines. Les meilleures dénominations sont sans doute les dénominations géographiques: elles font naître des idées de superposition très-précises. Lorsqu’on dit qu’une formation est identique avec le porphyre de Christiania, le lias de Dorsetshire, le grès de Nebra (bunter sandstein), le calcaire grossier de Paris, ces assertions ne laissent, à un géognoste instruit, aucun doute sur la position que l’on veut assigner à la formation que l’on décrit. Aussi c’est comme par convention tacite que les mots: zechstein de Thuringe, calcaire de Derbyshire, terrain de Paris, etc., se sont introduits dans le langage minéralogique; ils rappellent un calcaire qui succède immédiatement au grès rouge houiller, un calcaire de transition placé sous le grès houiller, enfin, des formations plus récentes que la craie. Les seules difficultés que présente la multiplicité de ces dénominations géographiques, consistent dans le choix des noms et dans le degré de certitude que l’on a acquis sur le gisement ou l’âge relatif de la roche à laquelle on rapporte les autres. Les géognostes anglois cherchent sur le continent leur lias et leur red-marl; les géognostes allemands leur bunte sandstein et leur muschelkalk. Ces mots se trouvent associés dans l’esprit des voyageurs à des souvenirs de localités. Il ne s’agit par conséquent, pour faire naître des idées précises, que de choisir des localités assez généralement connues et qui sont célèbres, soit par l’exploitation des mines, soit par des ouvrages descriptifs. Pour diminuer les effets des vanités nationales, et pour rattacher les nouveaux noms à des objets plus importans, j’avois proposé, il y a long-temps (1795), les dénominations de pierre calcaire alpine, et calcaire du Jura. Une partie des Hautes-Alpes de la Suisse, et la majeure partie du Jura, sont sans doute formées de ces deux roches: cependant les noms, aujourd’hui généralement reçus, de calcaire alpin (zechstein) et de calcaire du Jura, devroient être, à ce que je pense, modifiés ou entièrement abandonnés. Les assises inférieures des montagnes du Jura, remplies de gryphites, appartiennent à une formation plus ancienne, peut-être au zechstein; et une très-grande partie du calcaire des Alpes de la Suisse n’est certainement pas du zechstein, mais, d’après MM. de Buch et Escher, du calcaire de transition. Il vaut donc mieux choisir les noms géographiques des roches parmi les noms de montagnes isolées et dont toute la masse visible n’appartient qu’à une seule formation, que de les emprunter, comme je l’ai fait à tort, à des chaînes entières. J’avois pensé, et beaucoup de géognostes ont partagé cette opinion, que le calcaire du Jura (calcaire à cavernes de Franconie) étoit généralement placé, sur le continent, audessous du grès de Nebra (bunte sandstein), entre ce grès et le zechstein. Des observations postérieures ont prouvé que le nom de calcaire du Jura avoit été avec raison appliqué à des roches qui sont très-éloignées des montagnes de la Suisse occidentale; mais que la véritable place géognostique de cette formation (lorsqu’il n’y a pas suppression des formations inférieures) se trouve bien au-dessus du grès de Nebra, entre le muschelkalk (ou le quadersandstein?) et la craie. Un nom géographique, justement appliqué à plusieurs roches analogues, nous rend attentif à leur identité de gisement; mais la place que des roches homonymes doivent occuper dans la série totale, n’est bien déterminée que lorsque le nom géographique a été choisi après avoir acquis une certitude entière sur leur gisement. Les géognostes se trouvent encore dans une position semblable, en fixant l’âge relatif de la molasse d’Argovie (nagelfluhe) et du quadersandstein de Pirna (grès blanc de M. de Bonnard), deux roches trèsrécentes, qui ont été très-bien étudiées séparément, mais dont les rapports entre elles et avec la craie et le calcaire du Jura n’ont été que très-récemment éclaircis. On peut être assez sûr d’avoir rencontré dans le nouveau continent des roches identiques avec la molasse ou le quadersandstein, sans pouvoir prononcer pour cela sur leurs rapports avec toutes les autres roches secondaires ou tertiaires. Quand des formations ne se touchent pas immédiatement, et qu’elles ne sont pas recouvertes par des terrains d’un gisement connu, on ne peut juger de leur ancienneté relative que d’après de simples analogies. Les termes de la série géognostique sont ou simples ou complexes. Aux termes simples appartiennent la plupart des formations primitives: les granites, les gneis, les micaschistes, les thonschiefer, etc. Les termes complexes se trouvent en plus grand nombre parmi les roches de transition: c’est là que chaque formation comprend un groupe entier de roches qui alternent périodiquement. Les termes de la série n’y sont pas des calcaires de transition ou des grauwackes, constituant des formations indépendantes: ce sont des associations de thonschiefer, grünstein et grauwacke; de porphyre et grauwacke; de calcaire grenu stéatiteux et de poudingues à roches primitives; de thonschiefer et de calcaire noir. Lorsque ces associations sont formées de trois ou quatre roches qui alternent, il est difficile de leur donner des noms significatifs, des noms qui indiquent toute la composition du groupe, tous les membres partiels du terme complexe de la série. On peut alors aider à fixer les groupes dans la mémoire, en rappelant les roches qui y dominent sans manquer absolument dans les groupes voisins. C’est ainsi que le calcaire grenu stéatiteux caractérise la formation de la Tarantaise; le grauwacke, la grande formation de transition du Harz et des bords du Rhin; les porphyres métallifères riches en amphibole et presque dépourvus de quarz, la formation du Mexique et de la Hongrie. Si les phénomènes d’alternance et d’agroupement atteignent leur maximum dans les terrains de transition, ils ne sont pas entièrement exclus pour cela des terrains primitifs et secondaires. Dans l’un et l’autre de ces terrains, des termes complexes sont mêlés aux termes simples de la série géognostique. Je citerai parmi les formations secondaires le grès placé au-dessus du calcaire alpin (le grès de Nebra, le bunte sandstein), qui est une association d’argile marneuse, de grès et d’oolithes; le calcaire qui recouvre le grès rouge houiller (le zechstein ou alpenkalkstein), qui est une association moins constante de calcaire, de gypse (muriatifère), de stinkstein et de marne bitumineuse pulvérulente (asche des mineurs du Mansfeld). Dans les terrains primitifs nous trouvons les trois premiers termes de la série, les roches les plus anciennes, ou isolés ou alternant deux à deux, selon qu’ils sont géognostiquement plus rapprochés par leur âge relatif, ou bien alternant tous les trois. Le granite forme quelquefois avec le gneis, le gneis avec le micaschîste, des associations constantes. Ces alternances suivent des lois particulières: on voit (par exemple, au Brésil, et, quoique moins distinctement, dans la chaîne du littoral de Venezuela) le granite, le gneis et le micaschiste dans une triple association; mais je ne connois pas de granite alternant seul avec du micaschiste, du gneis et du micaschiste alternant seuls avec le thonschiefer. Il ne faut pas confondre, et j’ai souvent insisté sur ce point dans cet article, des roches passant insensiblement à celles qui sont en contact immédiat avec elles, par exemple, des micaschistes qui oscillent entre le gneis et le thonschiefer, avec des roches qui alternent les unes avec les autres, et qui conservent tous leurs caractères distinctifs de composition et de structure. M. d’Aubuisson a fait voir, il y a long-temps, combien l’analyse chimique rapproche le thonschiefer du mica. ( Journal de physique, T. 68, pag. 128; Traité de Géognosie, T. II, pag. 97.) Le premier, il est vrai, n’a pas l’éclat métallique du micaschiste; il renferme un peu moins de potasse et plus de carbone; la silice ne s’y réunit pas en nœuds ou lames minces de quarz comme dans le micaschiste: mais on ne peut douter que des feuillets de mica ne constituent la base principale du thonschiefer. Ces feuillets sont tellement soudés ensemble, que l’œil ne peut les distinguer dans le tissu. C’est peut-être cette affinité même qui empêche l’alternance des thonschiefer et des micaschistes: car dans ces alternances la nature semble favoriser l’association de roches hétérogènes; ou, pour me servir d’une expression figurée, elle se plaît dans les associations dont les roches alternantes offrent un grand contraste de cristallisation, de mélange et de couleur. Au Mexique j’ai vu des grünstein vert-noirâtre alterner des milliers de fois avec des syénites blanc-rougeâtre et qui abondent plus en quarz qu’en feldspath: il y a dans ce grünstein des filons de syénite, et dans la syénite des filons de grünstein; mais aucune des deux roches ne passe à l’autre. ( Essai politique sur la Nouvelle Espagne, T. II, p. 523.) Elles offrent sur la limite de leur contact mutuel des différences aussi tranchées que les porphyres qui alternent avec les grauwackes ou avec les syénites, que les calcaires noirs qui alternent avec les thonschiefer de transition, et tant d’autres roches de composition et d’aspect entièrement hétérogènes. Il y a plus encore: lorsque dans des terrains primitifs des roches plus rapprochées par la nature de leur composition que par leur structure ou par le mode de leur agrégation, par exemple, les granites et les gneis, ou les gneis et les micaschistes, alternent, ces roches ne montrent guère cette même tendance de passer les unes aux autres qu’elles présentent isolément dans des formations non complexes. Nous avons déjà fait observer plus haut que souvent une couche β, devenant plus fréquente dans la roche α, annonce au géognoste voyageur qu’à la formation simple α va succéder une formation complexe dans laquelle α et β alternent. Plus tard il arrive que β prend un plus grand développement; que α n’est plus une roche alternante, mais une simple couche subordonnée à β, et que cette roche β se montre seule jusqu’à ce que par la fréquente apparition de couches γ elle prélude à une formation complexe de β alternant avec γ. On peut substituer à ces signes les mots de granite, gneis et micaschiste; ceux de porphyre, grauwacke et syénite; de gypse, marne et calcaire fétide (stinkstein). Le langage pasigraphique a l’avantage de généraliser les problèmes; il est plus conforme aux besoins de la philosophie géognostique, dont j’essaie de donner ici les premiers élémens, en tant qu’ils ont rapport à l’étude de la superposition des roches. Or, si souvent entre des formations simples et très-rapprochées dans l’ordre de leur ancienneté relative, entre les formations α, β, γ, se trouvent placées des formations complexes, αβ et βγ (c’est-à-dire α alternant avec β, et β alternant avec γ); on observe aussi, quoique moins fréquemment, qu’une des formations (par exemple, α) prend un accroissement si extraordinaire qu’elle enveloppe la formation β, et que β, au lieu de se montrer comme une roche indépendante, placée entre α et γ, n’est plus qu’une couche dans α. C’est ainsi que dans la Silésie inférieure le grès rouge renferme la formation du zechstein; car le calcaire de Kunzendorf, rempli d’empreintes de poissons, et analogue à la marne bitumineuse et abondante en poissons de Thuringe, est entièrement enveloppé dans le grès houiller. ( Buch, Beob., T. I, p. 104, 157; Id., Reise nach Norwegen, T. I, p. 158; Raumer, Gebirge von Nieder- Schlesien, p. 79.) M. Beudant ( Voy. min., T. III, p. 183) a observé un phénomène semblable en Hongrie. Dans d’autres régions, par exemple, en Suisse et à l’extrémité méridionale de la Saxe, le grès rouge disparoît entièrement, parce qu’il est remplacé et pour ainsi dire vaincu par un prodigieux développement de la grauwacke ou du calcaire alpin. ( Freiesleben, Kupfersch., B. IV, 109.) Ces effets de l’alternance et du développement inégal des roches sont d’autant plus dignes d’attention, que leur étude peut jeter du jour sur quelques déviations apparentes d’un type de superposition généralement reconnu, et qu’elle peut servir à ramener à un type commun des séries de gisement observées dans des pays très-éloignés. Pour désigner les formations composées de deux roches qui alternent les unes avec les autres, j’ai généralement préféré les mots granite et gneis, syénite et grünstein, aux expressions plus usitées de granite-gneis, syénite-grünstein. J’ai craint que cette dernière méthode de désigner des formations composées de roches alternantes, ne fît plutôt naître l’idée d’un passage du granite au gneis, de la syénite au grünstein. En effet, un géognoste dont les travaux sur les trachytes de l’Allemagne n’ont pas été assez appréciés, M. Nose, s’étoit déjà servi des mots granite-porphyres et porphyregranites, pour indiquer des variétés de structure et d’aspect, pour séparer les granites porphyroïdes des porphyres qui, par la fréquence des cristaux empâtés dans la masse, présentent une structure d’agrégation, une véritable structure granitique. En adoptant les dénominations de granite et gneis, de syénite et porphyre, de grauwacke et porphyre, de calcaire et thonschiefer, on ne laisse aucun doute sur la nature des termes complexes de la série géognostique. Parmi les différentes preuves de l’identité des formations dans les régions les plus éloignées du globe, une des plus frappantes et que l’on doit aux secours de la zoologie, est l’identité des corps organisés enfouis dans des couches d’un gisement analogue. Les recherches qui conduisent à ce genre de preuves ont singulièrement exercé la sagacité des savans, depuis que MM. de Lamarck et Defrance ont commencé à déterminer les coquilles fossiles des environs de Paris, et que MM. Cuvier et Brongniart ont publié leurs mémorables travaux sur les ossemens fossiles et les terrains tertiaires. Comme la plus grande masse des formations qui composent la croûte de notre planète ne renferme pas des dépouilles de corps organisés; que ces dépouilles sont très-rares dans les terrains de transition, souvent brisés et difficiles à séparer de la roche dans les terrains secondaires très-anciens, l’étude approfondie des corps fossiles n’embrasse qu’une petite partie de la géognosie, mais une partie bien digne de l’attention du philosophe. Les problèmes qui se présentent sont nombreux: ils ont rapport à la géographie des animaux dont les races sont éteintes, et qui par cette raison appartiennent déjà à l’histoire de notre planète: ils nécessitent la discussion des caractères zoologiques par lesquels on voudroit distinguer les différentes formations superposées. Pour rester fidèle au but que je me suis proposé, de ne considérer, dans cette Introduction au Tableau des roches, les objets que dans leur plus grande généralité, je vais citer les questions de zoologie géognostique qui paroissent les plus importantes dans l’état actuel de la science, et dont la solution a été tentée avec plus ou moins de succès: Quels sont les genres et (si l’état de conservation et le peu d’adhérence à la masse rocheuse permettent une détermination plus complète) quelles sont les espèces auxquelles on peut rapporter les dépouilles fossiles? Une détermination exacte des espèces en fait-elle reconnoître avec certitude qui sont identiques avec les plantes et les animaux du monde actuel? Quels sont les classes, les ordres et les familles d’êtres organisés qui offrent le plus de ces analogies? Dans quel rapport le nombre des genres et des espèces identiques augmente-t-il avec la nouveauté des roches ou des dépôts terreux? L’ordre observé dans la superposition des terrains intermédiaires, secondaires, tertiaires et d’alluvion, est-il partout en harmonie avec l’analogie croissante qu’offrent les types d’organisation? Ces types se succèdent-ils de bas en haut (en passant des grauwackes et des calcaires noirs de transition, par le grès houiller, le calcaire alpin, le calcaire du Jura et la craie, au gypse tertiaire, aux terrains d’eau douce et aux alluvions modernes) dans le même ordre que nous adoptons dans nos systèmes d’histoire naturelle, en disposant les êtres selon que leur structure devient plus compliquée, et qu’aux organes de la nutrition d’autres systèmes d’organes se trouvent ajoutés? La distribution des corps organisés fossiles indique-t-elle un développement progressif de la vie végétale et animale sur le globe; une apparition successive de plantes acotylédones et monocotylédones, de zoophytes, de crustacés, de mollusques (céphalopodes, acéphales, gastéropodes), de poissons, de sauriens (quadrupèdes ovipares), de plantes dicotylédones, de mammifères marins et de mammifères terrestres? En considérant les corps fossiles, non dans leur rapport avec telle ou telle roche dans laquelle on les a découverts, mais simplement sous le point de vue de leur distribution climatérique, remarque-t-on une différence appréciable entre les espèces qui dominent dans l’ancien et le nouveau continent, dans les climats tempérés et sous la zone torride, dans l’hémisphère boréal et dans l’hémisphère austral? Y a-t-il un certain nombre d’espèces tropicales que l’on trouve partout, et qui semblent annoncer qu’indépendantes d’une distribution de climats semblables aux climats actuels, elles ont éprouvé, au premier âge du monde, la haute température que la croûte crevassée du globe fortement échauffé dans son intérieur a donnée à l’atmosphère ambiante? Est-on sûr de distinguer par des caractères précis les coquilles d’eau douce et les coquilles marines? La détermination du genre suffit-elle? ou n’y a-t-il pas (comme parmi les poissons) quelques genres dont les espèces vivent à la fois dans les fleuves et les mers? Quoique dans quelquesunes des roches tertiaires les coquilles fluviatiles se trouvent mélangées (par exemple à l’embouchure de nos rivières) avec les coquilles pélagiques, n’observe-t-on pas en général que les premières forment des dépôts particuliers, caractérisant des terrains dont l’étude avoit été négligée jusqu’ici, et qui sont d’une origine très-récente? A-t-on jamais découvert sous le calcaire du Jura, près des poissons réputés fluviatiles, dans le schiste bitumineux du calcaire alpin, des coquilles d’eau douce? Des espèces identiques de fossiles se trouvent-elles dans les mêmes formations sur différens points du globe? Peuvent-elles fournir des caractères zoologiques pour reconnoître les diverses formations superposées? ou ne doit-on pas plutôt admettre que des espèces que le zoologiste est en droit de regarder comme identiques, d’après les méthodes adoptées, pénètrent à travers plusieurs formations; qu’elles se montrent même dans celles qui ne sont pas en contact immédiat? Les caractères zoologiques ne doivent-ils pas être tirés et de l’absence totale de certaines espèces, et de leur fréquence relative ou prédominance, enfin de leur association constante avec un certain nombre d’autres espèces? Est-on en droit de diviser une formation dont l’unité a été reconnue d’après des rapports de gisement et d’après l’identité des couches qui sont également intercalées aux strates supérieurs et inférieurs, par la seule raison que les premiers de ces strates renferment des coquilles d’eau douce, et les derniers des coquilles marines? L’absence totale de corps organisés dans certaines masses de terrains secondaire et tertiaire, est-elle un motif suffisant pour considérer ces masses comme des formations particulières, si d’autres rapports géognostiques ne justifient pas cette séparation? Une partie de ces problèmes s’étoit présentée depuis longtemps aux naturalistes. Déjà Lister avoit avancé, il y a plus de cent cinquante ans, que chaque roche étoit caractérisée par des coquilles fossiles différentes. ( Phil. Trans., n.° 76, p. 2283.) Pour prouver que les coquilles de nos mers et de nos lacs sont spécifiquement différentes des coquilles fossiles (lapides sui generis), il affirme «que les dernières, par exemple, celles des carrières de Northamptonshire, portent tous les caractères de nos Murex, de nos Tellines et de nos Trochus; mais que des naturalistes qui ne sont pas accoutumés à s’arrêter à un aperçu vague et général des choses, trouveront les coquilles fossiles spécifiquement différentes de toutes les coquilles du monde actuel. Presque à la même époque, Nicolas Stenon ( De solido intra solidum contento, 1669, p. 2, 17, 28, 63, 69, fig. 20—25) distingua le premier «les roches (primitives) antérieures à l’existence des plantes et des animaux sur le globe et ne renfermant par conséquent jamais des débris organiques, et les roches (secondaires) superposées aux premières et remplies de ces débris (turbidi maris sedimenta sibi invicem imposita).» Il considéra chaque banc de roche secondaire «comme un sédiment déposé par un fluide aqueux; et exposant un système entièrement semblable à celui de Deluc «sur la formation des vallées par des affaissemens longitudinaux, et sur l’inclinaison de couches d’abord toutes horizontales,» il admet pour le sol de la Toscane, à la manière de nos géologues modernes, «six grandes époques de la nature (sex distinctæ Etruriæ facies, ex præsenti facie Etruriæ collectæ), selon que la mer inonda périodiquement le continent, ou qu’elle se retira dans ses anciennes limites. Dans ces temps où l’observation de la nature fit naître en Italie les premières idées sur l’âge relatif et la succession des couches primitives et secondaires, la zoologie et la géognosie ne pouvoient encore se prêter un secours mutuel, parce que les zoologistes ne connoissoient pas les roches, et que les géognostes étoient entièrement étrangers à l’histoire naturelle des animaux. On se bornoit à des aperçus vagues, on regardoit comme spécifiquement identique tout ce qui offroit quelque analogie de forme; mais en même temps, et ceci étoit un pas fait dans la bonne route, on étoit attentif aux fossiles qui prédominoient dans telle ou telle roche. C’est ainsi que les dénominations de calcaire à gryphites, de calcaire à trochites, de schistes à fougères, schistes à trilobites (Gryphiten- und Trochiten-Kalk; Kräuter- und Trilobiten- Schiefer), furent très-anciennement employées par les minéralogistes d’Allemagne. La détermination des genres caractérisés par les dents, par les fossettes, par les lames saillantes et crénelées de la charnière, par les plis et les bourrelets de l’ouverture de la coquille, est bien plus difficile dans les roches secondaires très-anciennes que dans les formations tertiaires, les premières étant généralement moins friables et plus adhérentes au test du corps fossile. Cette difficulté augmente lorsqu’on veut distinguer les espèces; elle devient presque insurmontable dans quelques roches calcaires de transition et dans le muschelkalk, qui renferme des coquilles brisées. Si les caractères zoologiques d’un certain nombre de formations pouvoient être tirés de genres bien distincts, si les trilobites et les orthocératites appartenoient exclusivement aux terrains intermédiaires, les gryphites au calcaire alpin (zechstein), les pectinites au bunte sandstein (grès de Nebra), les trochites et mytulites au muschelkalk, les tellines au quadersandstein, les ammonites et turritelles au calcaire du Jura et à ses marnes, les oursins ananchytes et les spatanges à la craie les cérites au calcaire grossier; la connoissance de ces genres seroit d’un secours aisé pour la détermination des roches: on n’auroit plus besoin d’examiner sur les lieux la superposition des formations; on reconnoîtroit ces dernières sans sortir de son cabinet, en ne consultant que les collections. Mais il s’en faut de beaucoup que la nature ait rendu si facile à l’homme l’étude des masses coquillères qui constituent la croûte de notre planète. Les mêmes types d’organisation se sont répétés à des époques très-différentes: les mêmes genres se retrouvent dans les formations les plus distinctes. Il y a des orthocératites dans les calcaires de transition, les calcaires alpins et le grès bigarré; des térébratulites dans le calcaire du Jura et dans le muschelkalk; des trilobites dans les thonschiefer de transition, dans le schiste bitumineux du zechstein, et, selon un excellent géognoste, M. de Schlottheim, même dans le calcaire du Jura; il y a des pentacrinites dans le thonschiefer de transition et dans le muschelkalk le plus moderne. Les ammonites pénètrent à travers beaucoup de formations calcaires et marneuses, depuis les grauwackes ( Raumer, Versuche, p. 22; Schlottheim, Petrefactenkunde, p. 38) jusque dans les couches inférieures de la craie. Il y a des troncs de monocotylédones et dans le grès rouge, et dans les marnes du gypse d’eau douce, formées à une époque où le monde étoit déjà rempli de plantes dicotylédones. Mais, à une époque où les naturalistes ne s’arrêtent plus à des notions vagues et incertaines, on a reconnu avec sagacité que le plus grand nombre de ces fossiles (gryphites, térébratulites; ammonites, trilobites, etc.), enfouis dans différentes formations, ne sont pas spécifiquement les mêmes; qu’un grand nombre d’espèces qu’on a pu examiner avec précision, varient avec les roches superposées. Les poissons que l’on observe dans les schistes de transition (Glaris), dans les schistes bitumineux du zechstein, dans le calcaire du Jura, dans le calcaire tertiaire à cérite de Paris et de Monte Bolca, et dans le gypse de Montmartre, sont des espèces distinctes, en partie pélagiques, en partie fluviatiles. Eston en droit de conclure de la réunion de ces faits, que toutes les formations sont caractérisées par des espèces particulières; que les coquilles fossiles de la craie, du muschelkalk, du calcaire du Jura et du calcaire alpin, diffèrent toutes entre elles? Je pense que ce seroit pousser l’induction beaucoup trop loin, et M. Brongniart même, qui connoît si bien la valeur des caractères zoologiques, restreint leur application absolue au cas «où la superposition (les circonstances de gisement) ne s’y opposent pas.» Je pourrois citer les cérites du calcaire grossier, qui se trouvent (près de Caen) au-dessous de la craie, et qui semblent indiquer, comme la répétition des argiles avec lignites en-dessus et au-dessous de la craie, une certaine connexité entre des terrains qu’au premier coup d’œil on croiroit entièrement distincts. Je pourrois m’arrêter à d’autres espèces de coquilles qui appartiennent à la fois à plusieurs formations tertiaires, et rappeler que si un jour, par des caractères peu sensibles et par de foibles nuances, on parvenoit à séparer des espèces que l’on croit identiques aujourd’hui, la finesse même de ces distinctions ne rassureroit pas trop sur l’universalité, d’ailleurs si désirable, des caractères zoologiques en géognosie. Une autre objection, tirée de l’influence que les climats exercent même sur les animaux pélagiques, me paroît plus importante encore. Quoique les mers, par des causes physiques très-connues, offrent, à de grandes profondeurs, la même température sous l’équateur et sous la zone tempérée, nous voyons pourtant, dans l’état actuel de notre planète, les coquilles des tropiques (parmi lesquelles les univalves dominent, comme parmi les testacés fossiles) différer beaucoup des coquilles des climats septentrionaux. Le plus grand nombre de ces animaux aiment les récifs et les bas-fonds: d’où il suit que les différences spécifiques sont souvent trèssensibles, sous un même parallèle, sur des côtes opposées. Or, si les mêmes formations se répètent et s’étendent, pour ainsi dire, à de prodigieuses distances, de l’est à l’ouest et du nord au sud, d’un hémisphère dans l’autre, n’est-il pas probable, quelles que soient les causes compliquées de l’ancienne température de notre globe, que des variations de climats ont modifié, jadis comme de nos jours, les types d’organisation, et qu’une même formation (c’est-à-dire une même roche placée, dans les deux hémisphères, entre deux formations homonymes) a pu envelopper des espèces distinctes? Il arrive souvent sans doute que des couches superposées présentent un contraste de corps fossiles très-frappant. Mais peuton conclure de là qu’après qu’un dépôt s’étoit formé, les êtres qui habitoient alors la surface du globe, aient tous été détruits? Il est incontestable que des générations de types différens se sont succédé les unes aux autres. Les ammonites, que l’on trouve à peine parmi les roches de transition, atteignent leur maximum dans les couches qui représentent sur différens points du globe le muschelkalk et le calcaire du Jura; ils disparoissent dans les couches supérieures de la craie et au-dessus de cette formation. Les échinites, trèsrares dans le calcaire alpin et même dans le muschelkalk, deviennent au contraire très-communs dans le calcaire du Jura, dans la craie et les terrains tertiaires. Mais rien ne nous prouve que cette succession de différens types organiques, cette destruction graduelle des genres et des espèces, coincide nécessairement avec les époques où chaque terrain s’est formé. «La considération de similitude ou de différence entre les débris organiques n’est pas d’une grande importance, dit M. Beudant ( Voyage min., T. III, p. 278), lorsque l’on compare des dépôts qui se sont formés dans des contrées très-éloignées les unes des autres: elle est de beaucoup d’importance, si l’on compare des dépôts trèsrapprochés.» Tout en combattant les conclusions trop absolues qu’on pourroit être tenté de tirer de la valeur des caractères zoologiques, je suis loin de nier les services importans que l’étude des corps fossiles rend à la géognosie, si l’on considère cette science sous un point de vue philosophique. La géognosie ne se borne pas à chercher des caractères diagnostiques; elle embrasse l’ensemble des rapports sous lesquels on peut considérer chaque formation: 1. ° son gisement; 2. ° sa constitution oryctognostique (c’est-à-dire, sa composition chimique, et le mode particulier d’agrégation plus ou moins cristalline de ses molécules); 3. ° l’association des différens corps organisés que l’on y trouve enfouis. Si la superposition des masses rocheuses hétérogènes nous révèle l’ordre successif de leur formation, comment ne pas nous intéresser aussi à connoître l’état de la nature organique aux différentes époques où les dépôts se sont formés? On ne peut révoquer en doute que, sur une surface de plusieurs milliers de lieues carrées (en Thuringe et dans toute la partie septentrionale de l’Allemagne), neuf formations superposées, celles de calcaire de transition, de grauwacke, de grès rouge, de zechstein avec schiste bitumineux (de gypse muriatifère), de grès à oolithes (de gypse argileux), de muschelkalk et de grès blanc (quadersandstein), ont pu être reconnues comme distinctes, sans recourir aucunement à l’emploi de caractères zoologiques; mais il ne suit pas de là que la recherche la plus minutieuse de ces caractères, ou, pour mieux dire, que la connoissance la plus intime des fossiles contenus dans chacune des formations ne soit indispensable pour offrir un tableau complet et vraiment géognostique. Il en est de l’étude des terrains comme de celle des êtres organisés. La botanique et la zoologie, considérées de nos temps sous un point de vue plus élevé, ne se bornent plus à la recherche de quelques caractères extérieurs et distinctifs des espèces; ces sciences approfondissent l’ensemble de l’organisation végétale et animale. Les caractères tirés des formés de la coquille suffisent pour distinguer les diverses espèces d’acéphales testacés. Regarderoit-on pour cela comme superflue la connoissance des animaux qui habitent ces mêmes coquilles? Telle est la connexité des phénomènes et de leurs rapports naturels (de ceux de la vie, comme de ceux qu’offrent les dépôts pierreux formés à différentes époques), que, si l’on en néglige quelquesuns, on se forme non-seulement une image incomplète, mais le plus souvent une image infidèle. Dans le cas de la conformité de gisement, il peut y avoir identité de masse (c’est-à-dire de composition minéralogique) et diversité de fossiles, ou diversité de masse et identité de fossiles. Les roches β et β′ placées à de grandes distances horizontales entre deux formations identiques α et γ, ou appartiennent à une même formation, ou sont des formations parallèles. Dans le premier cas, leur composition minérale est semblable; mais, à cause de la distance des lieux et des effets climatériques, les débris organiques qu’elles renferment, peuvent différer considérablement. Dans le second cas, la composition minéralogique est différente, mais les débris organiques peuvent être analogues. Je pense que les mots, formations identiques, formations parallèles, indiquent la conformité ou non-conformité de composition minéralogique, mais qu’ils ne font rien préjuger sur l’identité des fossiles. S’il est assez probable que des dépôts β et β′, placés à de grandes distances horizontales entre les mêmes roches α et γ, sont formés à la même époque, parce qu’ils renferment les mêmes fossiles et une masse analogue, il n’est pas également probable que les époques de formation sont très-éloignées les unes des autres, lorsque les fossiles sont distincts. On peut concevoir que sous une même zone, dans un pays de peu d’étendue, des générations d’animaux se sont succédé, et ont caractérisé, comme par des types particuliers, les époques des formations; mais à de grands éloignemens horizontaux des êtres de formes très-diverses peuvent, sous différens climats, avoir occupé simultanément la surface du globe ou le bassin des mers. Il y a plus encore: le gisement de β entre α et γ prouve que la formation de β est antérieure à celle de γ, postérieure à celle de α; mais rien ne nous donne la mesure absolue de l’intervalle entre les époqueslimites, et différens dépôts (isolés) de β peuvent ne pas être simultanés. Il semble résulter des faits que le zèle et la sagacité des naturalistes ont réunis depuis un petit nombre d’années, que, si l’on ne doit pas toujours s’attendre à trouver, comme le prétendoit Lister, dans chaque formation différente d’autres dépouilles de corps organisés, le plus souvent des formations reconnues pour identiques par leur gisement et leur composition renferment, dans les contrées les plus éloignées du globe, des associations d’espèces entièrement semblables. M. Brongniart, dont les travaux, joints à ceux de MM. Lamarck, Defrance, Beudant, Desmarest, Prevost, Férussac, Schlottheim, Wahlenberg, Buckland, Webster, Phillips, Greenough, Warburton, Sowerby, Brocchi, Soldani, Cortesi, et d’autres minéralogistes célèbres, ont tant avancé l’étude de la conchyliologie souterraine, a fait voir récemment les analogies frappantes qu’offrent, sous le rapport des corps fossiles, certains terrains d’Europe et de l’Amérique septentrionale. Il a essayé de prouver qu’une formation est parfois tellement déguisée, que ce n’est que par des caractères zoologiques que l’on peut la reconnoître ( Brongniart, Hist. nat. des crustacés fossiles, p. 57, 62). Dans l’étude des formations, comme dans toutes les sciences physiques descriptives, ce n’est que l’ensemble de plusieurs caractères qui doit nous guider dans la recherche de la vérité. La description spécifique des débris de plantes et d’animaux renfermés dans les divers terrains, nous en offre pour ainsi dire la Flore ou la Faune. Or, dans le monde primordial, comme dans celui d’aujourd’hui, la végétation et les productions animales des diverses portions du globe paroissent avoir été moins caractérisées par quelques formes isolées d’un aspect extraordinaire, que par l’association de beaucoup de formes spécifiquement différentes, mais analogues entre elles, malgré la distance des lieux. En découvrant une nouvelle terre près du détroit de Torres, il ne seroit pas aisé de déterminer, d’après un petit nombre de productions, si cette terre est contigue à la Nouvelle-Hollande, ou à l’une des îles Moluques ou à la Nouvelle-Guinée. Comparer des formations sous le rapport des fossiles, c’est comparer des Flores et des Faunes de divers pays et de diverses époques; c’est résoudre un problème d’autant plus compliqué qu’il est modifié à la fois par l’espace et le temps. Parmi les caractères zoologiques appliqués à la géognosie, l’absence de certains fossiles caractérise souvent mieux les formations que leur présence. C’est le cas des roches de transition: on n’y trouve généralement que des madrépores, des encrinites, des trilobites, des orthocératites et des coquilles de la famille des térébratules, c’est-à-dire des fossiles dont quelques espèces, non identiques, mais analogues, se rencontrent dans des couches secondaires très-modernes; mais ces roches de transition sont privées de bien d’autres dépouilles de corps organisés, qui paroissent en abondance au-dessus du grès rouge. Le jugement que l’on porte sur l’absence de certaines espèces, ou sur l’absence totale des corps fossiles, peut cependant être fondé sur une erreur qu’il sera utile de signaler ici. En examinant en grand les formations coquillières, on observe que les corps organisés ne sont pas toujours également distribués dans la masse; mais 1. °, que des strates entièrement dépourvus de fossiles alternent avec d’autres strates qui en fourmillent; 2. ° que, dans une même formation, des associations particulières de fossiles caractérisent certains strates qui alternent avec d’autres strates à fossiles distincts. Ce phénomène, observé depuis long-temps, se retrouve dans le muschelkalk et dans le calcaire alpin (zechstein), qu’une couche de trochites sépare souvent du grès houiller ( Buch, Beob., T. I, p. 135, 146, 171); il est propre aussi au calcaire du Jura et à plusieurs formations tertiaires. En n’étudiant que la craie des environs de Paris, on pourroit presque croire que les coquilles univalves manquent entièrement à cette formation: cependant les univalves polythalames, les ammonites, comme nous l’avons rappelé déjà, sont très-communs en Angleterre, dans les couches les plus anciennes de la craie. Même en France (côte de Sainte-Catherine près de Caen) la craie tuffeau et la craie chloritée contiennent beaucoup de fossiles que l’on ne trouve pas dans la craie blanche ( Brongniart, Caractères zool., p. 12). Comme dans différens pays les terrains ne se sont pas développés également, et que l’on peut prendre des lambeaux de formations pour des formations entières et complètes, celles qui sont dépourvues de coquilles dans une région, peuvent en offrir dans une autre. Cette considération est importante pour obvier à la tendance assez générale de trop multiplier les formations; car, lorsque sur un même point du globe un terrain (par exemple de grès) abonde dans sa partie inférieure en corps fossiles, et que sa partie supérieure en manque entièrement, cette seule absence des fossiles ne justifie pas la scission du même terrain en deux formations distinctes. Dans la description géologique des environs de Paris, M. Brongniart a très-bien réuni les meulières sans coquilles avec celles qui sont comme pétries de coquilles d’eau douce. Nous venons de voir qu’une formation peut renfermer dans différens strates des pétrifications spécifiquement différentes, mais que le plus souvent quelques espèces du strate inférieur se mêlent à la grande masse d’espèces hétérogènes qui se trouvent réunies dans le strate superposé. Lorsque cette différence porte sur des genres dont les uns sont des coquilles pélagiques, les autres des coquilles d’eau douce, le problème de l’unité ou de l’indivisibilité d’une formation devient plus embarrassant. Il faut d’abord distinguer deux cas: celui où quelques coquilles fluviatiles se trouvent mêlées à une grande masse de coquilles marines, et celui où des coquilles marines et fluviatiles pourroient alterner couche par couche. MM. Gilet de Laumont et Beudant ont fait des observations intéressantes sur ce mélange de productions marines et d’eau douce dans une même couche. M. Beudant a prouvé, par des expériences ingénieuses, comment beaucoup de mollusques fluviatiles s’habituent graduellement à vivre dans une eau qui a toute la salure de l’océan. Le même savant a examiné, conjointement avec M. Marcel de Serres, certaines espèces de paludines qui, préférant les eaux saumâtres, se trouvent près de nos côtes, tantôt avec des coquilles pélagiques, tantôt avec des coquilles fluviatiles. ( Journ. de phys., T. LXXXIII, p. 137, T. LXXXVIII, p. 211; Brongniart, Géogr. min., p. 27, 54, 89.) A ces faits curieux se joignent d’autres faits, que j’ai publiés dans la Relation de mon Voyage aux régions équinoxiales (T. I., p. 535 et T. II, p. 606), et qui semblent expliquer ce qui s’est passé jadis sur le globe, d’après ce que nous observons encore aujourd’hui. Sur les côtes de la Terre-ferme, entre Cumana et Nueva-Barcelona, j’ai vu des crocodiles s’avancer loin dans la mer. Pigafetta a fait la même observation sur les crocodiles de Bornéo. Au sud de l’île de Cuba, dans le golfe de Xagua, il y a des lamantins dans la mer, sur un point où, au milieu de l’eau salée, jaillissent des sources d’eau douce. Lorsqu’on réfléchit sur l’ensemble de ces faits, on est moins étonné du mélange de quelques productions terrestres avec beaucoup de productions incontestablement marines. Le second cas que nous avons indiqué, celui de l’alternance, ne s’est jamais présenté, je crois, d’une manière aussi prononcée que l’alternance du thonschiefer et du calcaire noir dans un même terrain de transition, ou (pour rappeler un fait qui a rapport à la distribution des corps organisés) que l’alternance de deux grandes formations marines (calcaire à cérites et grès de Romainville) avec deux grandes formations d’eau douce (gypse et meulières du plateau de Montmorency). Ce que l’observation attentive des superpositions a offert jusqu’ici, se réduit à des couches alternantes de gypse et de marne, placées entre deux formations marines, et renfermant au centre (dans leur plus grande masse) des productions terrestres et d’eau douce, et vers les limites supérieure et inférieure, tant dans le gypse que dans les marnes, des productions marines: telle est la constitution géologique du gypse de Montmartre. La variation spécifique dans les pétrifications, le mélange observé à Pierrelaie, et le phénomène d’alternance que présente Montmartre, ne suffisent pas pour motiver le morcellement d’une même formation. Les marnes et le gypse, qui renferment des coquilles marines (n.° 26 de la troisième masse), ne peuvent être géognostiquement séparés des marnes et des gypses qui renferment des productions d’eau douce. Aussi MM. Cuvier et Brongniart n’ont pas hésité de considérer l’ensemble de ces marnes et de ces gypses marins et d’eau douce comme un même terrain. Ces savans ont même cité cette réunion de couches alternantes comme un des exemples les plus clairs de ce que l’on doit entendre par le mot formation. ( Géogr. minér., p. 31, 39, 189.) En effet, dans un même terrain peuvent être renfermés différens systèmes de couches: ce sont des groupes, des sous-divisions, ou, comme disent les géognostes de l’école de Freiberg, des membres plus ou moins développés d’une même formation ( Freiesleben, Kupf., T. I, p. 17, T. III, p. 1). Malgré le mélange de coquilles pélagiques et fluviatiles que l’on observe quelquefois au contact de deux formations d’origine différente, on peut donner à l’une de ces formations le nom de calcaire ou de grès marin, lorsqu’on ne veut tirer la dénomination des roches que des espèces qui constituent la plus grande masse et le centre des couches. Cette terminologie rappelle un fait qui a rapport, pour ainsi dire, à la géogonie, à l’ancienne histoire de notre planète: elle précise (et peut-être un peu trop) l’alternance des eaux douces et des eaux salées. Je ne conteste pas l’utilité des dénominations grès ou calcaire marin pour des descriptions locales; mais, d’après les principes que je me suis proposé de suivre dans le tableau général des formations caractérisées d’après la place qu’elles occupent comme termes d’une série, j’ai cru devoir l’éviter avec soin. Tous les terrains au-dessous de la craie et même au-dessous du calcaire à cérites (calcaire grossier du bassin de Paris) sont-ils, sans exception, des calcaires et des grès marins? Ou les monitors et les poissons des schistes cuivreux dans le calcaire alpin de Thuringe; les ichthyosaures de M. Home, placés au-dessous des oolithes d’Oxford et de Bath, dans le lyas de l’Angleterre (qui sur le continent est représenté par une partie du calcaire du Jura); les crocodiles de Honfleur, enfouis dans des argiles avec bancs calcaires au-dessus des oolithes de Dive et du calcaire d’Isigny, par conséquent supérieurs au calcaire du Jura, prouvent-ils qu’il y a déjà au-dessous de la craie, entre ce terrain et le grès rouge, de petites formations d’eau douce, intercalées aux grandes formations marines? Les houilles à fougères sous le grès rouge et sous le porphyre secondaire ne nous offrent-elles pas un exemple évident d’une très-ancienne formation non marine? Ces circonstances prescrivent, dans l’état actuel de la science, beaucoup de réserve, lorsqu’on se hasarde, d’après des caractères purement zoologiques, de morceler des terrains dont l’unité a paru constatée par l’alternance des mêmes couches et par d’autres phénomènes de gisement. ( Engelhard et Raumer, Geogn. Vers., p. 125 — 133.) Cette réserve est d’autant plus nécessaire que, d’après le témoignage d’un minéralogiste qui a long-temps approfondi cette matière, M. Brongniart, «il existe une espèce de transition entre la formation du calcaire marin et du gypse d’eau douce qui suit ce calcaire, et que ces deux terrains n’offrent pas cette séparation brusque qui se montre, sur les mêmes lieux, entre la craie et le calcaire grossier, c’est-à-dire entre deux formations marines. On ne peut douter, ajoute le même observateur, que les premières couches de gypse n’aient été déposées dans un liquide analogue à la mer, tandis que les suivantes ont été déposées dans un liquide analogue à l’eau douce.» ( Géogr. min., p. 168 et 193.) En énonçant les motifs qui m’empêchent de généraliser une terminologie fondée sur le contraste entre des productions d’eau douce et des productions marines, je suis loin de contester l’existence d’une formation d’eau douce supérieure à toutes les autres formations tertiaires, et qui ne renferme que des bulimes, des limnées, des cyclostomes et des potamides. Des observations récentes ont démontré combien cette formation est plus répandue qu’on ne l’avoit cru d’abord. C’est un nouveau et dernier terme à ajouter à la série géognostique. Nous devons la connoissance plus intime de ce calcaire d’eau douce aux utiles travaux de M. Brongniart. Les phénomènes qu’offrent les formations d’eau douce, dont l’existence n’étoit anciennement connue que par les tuffs de la Thuringe et par le Travertin toujours renaissant des plaines de Rome ( Reuss, Geogn., T. II, p. 642; Buch, Geogn. Beob., T. II, p. 21—30), se lient de la manière la plus satisfaisante aux lois admirables que M. Cuvier a reconnues dans le gisement des os des quadrupèdes vivipares. ( Brongniart, Annales du Muséum, T. XV, p. 357, 581; Cuvier, Rech. sur les ossem. fossiles, T. I, p. LIV.) La distinction entre les coquilles fossiles fluviatiles et marines est l’objet de recherches très-délicates: car il peut arriver, lorsque les dépouilles des corps organisés se détachent difficilement de la masse du calcaire siliceux qui les renferme, qu’on confonde des ampullaires avec des natices, des potamides avec des cérites. Dans la famille des conques on ne sépare avec certitude les cyclades et les cyrènes, des vénus et des lucines, que par l’examen des dents de la charnière. Le travail que M. de Férussac a entrepris sur les coquilles terrestres et fluviatiles, jettera beaucoup de jour sur cet objet important. D’ailleurs, lorsqu’on croit voir un genre de coquilles pélagiques au milieu d’un genre de coquilles d’eau douce, on peut agiter la question, si effectivement les mêmes types génériques ne peuvent se retrouver dans les lacs et dans les mers. On connoît déjà l’exemple d’un véritable mytilus fluviatile. Peut-être les ampullaires et les corbules offriront-ils des mélanges analogues de formes marines et de formes d’eau douce. (Voyez un mémoire de M. Valenciennes, inséré dans mon Recueil d’obs. de zoologie et d’anatomie comparée, T. II, p. 218.) Il résulte de ces considérations générales sur les caractères zoologiques et sur l’étude des corps fossiles, que, malgré les beaux et anciens travaux de Camper, de Blumenbach et de Sömmering, l’exacte détermination spécifique des espèces, et l’examen de leurs rapports avec des couches très-récentes et voisines de la craie, ne datent que de vingt-cinq ans. Je pense que cette étude des corps fossiles, appliquée à toutes les autres couches secondaires et intermédiaires par des géognostes qui consultent en même temps le gisement et la composition minérale des roches, loin de renverser tout le système des formations déjà établies, servira plutôt à étayer ce système, à le perfectionner, à en compléter le vaste tableau. On peut envisager sans doute la science géognostique des formations sous des points de vue très-différens, selon que l’on s’attache de préférence à la superposition des masses minérales, à leur composition (c’est-à-dire, à leur analyse chimique et mécanique), ou aux fossiles qui se trouvent renfermés dans plusieurs de ces masses; cependant la science géognostique est une. Les dénominations, géognosie de gisement ou de superposition, géognosie oryctognostique (analysant le tissu des masses), géognosie des fossiles, désignent, je ne dirai pas, des embranchemens d’une même science, mais diverses classes de rapports que l’on tâche d’isoler pour les étudier plus particulièrement. Cette unité de la science, et le vaste champ qu’elle embrasse, avoient été très-bien reconnus par Werner, le créateur de la géognosie positive. Quoiqu’il ne possédât pas les moyens nécessaires pour se livrer à une détermination rigoureuse des espèces fossiles, il n’a cessé, dans ses cours, de fixer l’attention de ses élèves sur les rapports qui existent entre certains fossiles et les formations de différens âges. J’ai été témoin de la vive satisfaction qu’il éprouva, lorsqu’en 1792 M. de Schlottheim, géognoste des plus distingués de l’école de Freiberg, commença à faire de ces rapports l’objet principal de ses études. La géognosie positive s’enrichit de toutes les découvertes qui ont été faites sur la constitution minérale du globe; elle fournit à une autre science, improprement appelée théorie de la terre, et qui embrasse l’histoire première des catastrophes de notre planète, les matériaux les plus précieux. Elle réfléchit plus de lumières sur cette science qu’elle n’en reçoit d’elle à son tour; et, sans révoquer en doute l’ancienne fluidité ou le ramollissement de toutes les couches pierreuses (phénomène qui se manifeste par les corps fossiles, par l’aspect cristallin des masses, par les cailloux roulés ou les fragmens empâtés dans les roches de transition et les roches secondaires), la géognosie positive ne prononce point sur la nature de ces liquides dans lesquels, dit-on, les dépôts se sont formés, sur ces eaux de granite, de porphyre et de gypse, que la géologie hypothétique fait arriver, marée par marée, sur un même point du globe. Dans le tableau des formations je n’ai point indiqué l’inclinaison des strates comme caractère géognostique. Nul doute que la discordance de deux roches (Ungleichförmigkeit der Lagerung), c’est-à-dire, le manque de parallélisme dans leur direction et leur inclinaison, ne soit le plus souvent une preuve évidente de l’indépendance des formations; nul doute que la grande inclinaison du terrain houiller (coal-measures), du grès rouge et des roches de transition, si justement opposée en Angleterre par M. Buckland à l’horizontalité du calcaire magnésien, du red-marl, du lyas et de toutes les couches plus modernes encore, ne soit un phénomène très-digne d’attention: mais, dans d’autres régions de la terre, sur le continent de l’Europe et dans l’Amérique équinoxiale, le calcaire alpin et le calcaire du Jura, qui représentent ces formations horizontales de l’Angleterre, sont très-inclinés aussi. En embrassant sous un même point de vue de vastes étendues du globe, les Alpes, les montagnes métallifères de la Saxe, les Apennins, les Andes de la Nouvelle-Grenade et les Cordillères du Mexique, on observe que l’inclinaison des strates n’augmente pas du tout (comme on le répète encore souvent dans des ouvrages très-estimés) selon l’âge des formations. Il y a quelquefois, et sur des étendues de terrain très-considérables, des couches presque horizontales parmi les roches très-anciennes; et, qui plus est, ces phénomènes s’observent plutôt parmi les roches primitives que parmi les roches de transition, et dans les premières plutôt parmi les gneis et les granites stratifiés que parmi les thonschiefer et les micaschistes. Il m’a paru, en général, que les roches les plus inclinées se trouvent (si l’on fait abstraction de couches très-rapprochées des hautes chaînes de montagnes) entre le micaschiste primitif et le grès rouge. L’horizontalité des strates n’est bien générale et bien prononcée qu’au-dessus de la craie, dans les terrains tertiaires, par conséquent dans des masses d’une épaisseur comparativement peu considérable. Ce n’est point ici le lieu d’approfondir la question de savoir si toutes les couches inclinées sont des couches relevées, comme le prétendoit Stenon dès l’année 1667, et comme le semble prouver le phénomène local de galets ou fragmens aplatis placés parallèlement aux surfaces des couches inclinées dans des conglomérats de transition (grauwacke) et dans le nagelfluhe, ou s’il est possible que des attractions que l’on suppose avoir agi à la fois sur une grande partie de la surface du globe, ont produit dans nos plaines des strates inclinés dès leur origine, semblables à ces lames superposées, et sans contredit primitivement inclinées, qui forment le clivage d’un cristal. Certains grès (Nebra) offrent un parallélisme trèsrégulier dans leurs feuillets les plus minces, coupant sous un angle de 20° à 35° les fissures de stratification horizontales ou inclinées. Sans vouloir tenter de résoudre ces problèmes, il me sera permis de réunir à la fin de cette introduction quelques faits qui se lient à l’étude des gisemens. Lorsqu’au milieu de pays non montagneux, ou sur des plateaux non interrompus par des vallées, où la roche reste constamment visible, on voyage pendant huit à dix lieues dans une direction qui coupe celle des couches à angle droit, et que l’on trouve ces couches (de thonschiefer de transition) parallèles entre elles, presque également inclinées de 50 à 60 degrés, vers le nord-ouest par exemple, on a de la peine à se former une idée d’un relèvement ou d’un abaissement si uniformes, et des dimensions de la montagne ou du creux, qu’on doit admettre pour expliquer par une impulsion violente et simultanée cette inclinaison des strates. En raisonnant sur l’origine des couches inclinées, il faut distinguer deux circonstances très-différentes: leur position dans la proximité d’une haute chaîne de montagnes qui est traversée par des vallées longitudinales ou transversales, et leur position loin de toute chaîne de montagnes, au milieu des plaines ou de plateaux peu élevés. Dans le premier cas, les effets du relèvement paroissent souvent incontestables, et les couches inclinent assez généralement vers la chaîne, c’est-àdire sur la pente septentrionale des Alpes au sud, sur la pente méridionale, mais beaucoup moins régulièrement, au nord ( Buch, in Schr. Nat. Freunde, 1809, p. 103, 109, 179, 181; Bernouilli, Schweiz. Miner., p. 23); mais, à de grandes distances de la chaîne, celle-ci paroît influer sur la seule direction des couches, et non sur leur inclinaison. J’ai été, dès l’année 1792, très-attentif à ce parallélisme ou plutôt à ce loxodromisme des couches. Habitant des montagnes de roches stratifiées où ce phénomène est très-constant, examinant la direction et l’inclinaison des couches primitives et de transition, depuis la côte de Gênes, à travers la chaîne de la Bochetta, les plaines de la Lombardie, les Alpes du Saint- Gothard, le plateau de la Souabe, les montagnes de Baireuth et les plaines de l’Allemagne septentrionale, j’avois été frappé, sinon de la constance, du moins de l’extrême fréquence des directions hor. 3—4 de la boussole de Freiberg (du sud-ouest au nord-est). Cette recherche, que je croyois devoir conduire les physiciens à la découverte d’une grande loi de la nature, avoit alors tant d’attraits pour moi, qu’elle est devenue un des motifs les plus puissans de mon voyage à l’équateur. Lorsque j’arrivai sur les côtes de Venezuela, et que je parcourus la haute chaîne du littoral, et les montagnes de granite-gneis qui se prolongent du Bas-Orénoque au bassin du Rio Negro et de l’Amazone, je reconnus de nouveau, dans la direction des couches, le parallélisme le plus surprenant. Cette direction étoit encore hor. 3—4 (ou N. 45° E.), peut-être parce que la chaîne du littoral de Venezuela ne s’éloigne pas considérablement de l’angle que fait avec le méridien la chaîne centrale de l’Europe. J’ai énoncé les premiers résultats que m’offroient les roches primitives et de transition de l’Amérique méridionale, dans un mémoire publié par M. de Lamétherie, dans son Journal de Physique, T. 54, p. 46. J’y ai mêlé (comme cela arrive souvent aux voyageurs, lorsqu’ils publient le résultat de leurs travaux pendant le cours même du voyage), à des observations très-précises sur la grande uniformité dans la direction des couches (à l’isthme d’Araya, à la Silla de Caracas, au Cambury près Portocabello, sur les rives du Cassiquiare: voyez ma Relat. hist., T. I, p. 393, 542, 564, 578, T. II, p. 81, 99, 125, 141), des aperçus généraux que j’ai regardés depuis comme vagues et moins exacts. Quatre années de courses dans les Cordillères ont rectifié mes idées sur un phénomène qui est beaucoup plus important qu’on ne l’avoit cru autrefois; et, de retour en Europe, je me suis empressé de consigner le résultat général de mes observations dans la Géographie des plantes, p. 116, et dans l’ Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, T. II, p. 520. L’indication de ce résultat étoit sans doute restée inconnue au savant auteur du Critical examination of Geology (p. 276), lorsqu’il a combattu les assertions publiées pendant mon absence, en 1799, par M. de Lamétherie. Il n’existe dans aucun hémisphère, parmi les roches, une uniformité générale et absolue de direction; mais, dans des régions d’une étendue très-considérable, quelquefois sur plusieurs milliers de lieues carrées, on reconnoît que la direction, plus rarement l’inclinaison, ont été déterminées par un système de forces particulier. On y découvre, à des distances très-grandes, un parallélisme de couches, une direction dont le type se manifeste au milieu des perturbations partielles, et qui reste souvent le même dans les terrains primitifs et de transition. Cette identité de direction s’observe plus fréquemment loin des hautes chaînes alpines très-élevées, que dans ces chaînes mêmes, où les strates se trouvent contournés, redressés et brisés. Assez généralement, et ce fait avoit déjà frappé M. Palassou ( Essai sur la Min. des Pyrénées, 1781) et même M. de Saussure ( Voyages dans les Alpes, §. 2302), la direction de couches très-éloignées des chaînes principales suit la direction de ces chaînes de montagnes. Cette uniformité de parallélisme des couches (du nord-est au sud-ouest) a été observée dans une grande partie de l’Allemagne septentrionale, au Fichtelgebirge, en Franconie et sur les bords du Rhin; en Belgique; aux Ardennes; dans les Vosges; dans le Cotentin; dans la Tarantaise; dans la majeure partie des Alpes de la Suisse et en Écosse. Je ne citerai que des géognostes modernes, très-exercés à ce genre d’observations, et d’autant plus attentifs à la direction et à l’inclinaison des strates, que les assertions que j’avois émises sur un parallélisme ou loxodromisme à de grandes distances avoient excité de vives contestations. «Qu’on vienne, dit M. Boué, examiner en Écosse, la boussole à la main, la position des masses minérales, et qu’on sache s’arrêter aux faits généraux; l’on s’apercevra que la direction des couches est constante et correspond à celle des chaînes du sud-ouest au nord-est, mais que l’inclinaison varie d’après des circonstances locales.» ( Raumer, Geogn. Versuche, p. 41, 44, 48; Id., Fragmente, p. 58, 64. Goldfuss et Bischof, Fichtelg., T. I, p. 189. Omalius d’Halloy, dans le Journal des mines, 1808, p. 463. Brochant, Observ. géol. sur les terrains de transition, p. 14. Escher, dans l’Alpina, T. IV, p. 337; Gruner, dans l’Isis, 1805, Oct., p. 181. Bernoulli, Schweiz. Min., p. 19—24. Ebel, Alpen, T. I, p. 220; T. II, p. 201, 215, 357. Boué, Géol. d’Écosse, p. 13.) Dans les Pyrénées la direction générale des strates est, d’après les belles observations de MM. Palassou, Ramond, Charpentier et d’Aubuisson, comme la direction générale de la chaîne, N. 68° O., ou de l’est-sud-est à l’ouest-nord-ouest. ( Ramond, Pyrén., T. I, p. 57, T. II, p. 354; d’Aubuisson, Géologie, T. I, p. 342.) Cette même régularité règne dans le Caucase. Aux États-unis de l’Amérique septentrionale, les roches primitives et intermédiaires sont dirigées, d’après M. Maclure, comme la chaîne des Alleghanys, du nord-est au sud-ouest. Les directions du nord au sud ou du nord-nord-est au sud-sud-ouest prédominent en Suède et en Finlande. ( Haussmann, dans les Mémoires de l’Académie de Munic, 1808, P. I, p. 147. Buch, Lappland, T. I, p. 277, 298. Hisinger, Min. Geogr. von Schweden, p. 465. Engelhardt, Felsgebilde Russlands, p. 18.) Dans les Cordillères du Mexique on observe un type de direction trèsgénéral: les couches qui forment le plateau se dirigent du sud-est au nord-ouest, parallèlement à la direction de la chaîne d’Anahuac, tandis que l’axe volcanique (la ligne qui passe, entre les 18° 59′ et 19° 12′ de latitude, par le Pic d’Orizaba, les deux volcans de la Puebla, le Nevado de Toluca, le Pic de Tancitaro et le volcan de Colima, ligne qui est en même temps le parallèle des plus grandes élévations) se prolonge de l’est à l’ouest, comme une crevasse qui traverse l’isthme mexicain d’une mer à l’autre. ( Essai politique, T. II, p. 253.) Comme nous ignorons les causes primordiales des phénomènes, la philosophie naturelle, dont la géognosie sera un jour une des parties les plus intéressantes, doît s’arrêter à la connoissance des lois; et, dans le phénomène qui nous occupe, ces lois peuvent être soumises à des mesures exactes. Il ne faut point oublier que les lignes de direction des couches (Streichungslinien) rencontrent les méridiens, lorsqu’à de grandes distances ces couches sont, par exemple, uniformément dirigées N. 45° E., comme les élémens d’une ligne loxodromique, sans être parallèles dans l’espace. La direction des couches anciennes (primitives et de transition) n’est pas un petit phénomène de localité: c’est au contraire un phénomène indépendant de la direction des chaînes secondaires, de leurs embranchemens et de la sinuosité de leurs vallées; un phénomène dont la cause a agi, d’une manière uniforme, à de prodigieuses distances, par exemple, dans l’ancien continent, entre les 43° et 57° de latitude, depuis l’Écosse jusqu’aux confins de l’Asie. Quelle est cette influence apparente des hautes chaînes alpines sur des couches qui, quelquefois, en sont éloignées de plus de cent lieues? J’ai de la peine à croire que la même catastrophe ait soulevé les montagnes et incliné les strates dans les plaines, de sorte que la tranche de ces strates, jadis tous horizontaux, aujourd’hui tous inclinés de 50° à 60°, et formant la surface du globe, se seroit trouvée à de grandes profondeurs. Les chaînes des montagnes alpines ont-elles été soulevées? Sont-elles sorties (semblables à cette rangée de cimes volcaniques dans les plaines de Jorullo, entre la ville de Mexico et les côtes de la mer du Sud), sur des crevasses formées parallèlement à la direction de couches inclinées déjà préexistantes? En traçant le tableau géognostique des formations, j’ai dû m’abstenir de citer à chaque observation la source à laquelle je l’ai puisée. La géognosie positive est une science qui ne date que de la fin du dernier siècle, et il n’est pas facile, je pourrois ajouter, il n’est pas sans danger, de faire l’histoire d’une science si moderne. Quoique dans le cours d’une vie laborieuse j’aie eu le bonheur de voir une plus grande étendue de montagnes qu’aucun autre géognoste, le peu que j’ai observé se perd dans la grande masse des faits que j’entreprends d’exposer ici. Ce que ce Traité des formations renferme d’important, est dû aux efforts réunis de mes contemporains. J’ai voulu présenter aux lecteurs, d’une manière concise, l’enchaînement des découvertes qui ont été faites: j’ai cru pouvoir ajouter ce qui est seulement probable à ce qui me paroît entièrement constaté. Si j’avois atteint le but que je me suis proposé, les hommes supérieurs qui en Allemagne, en France, en Angleterre, en Suède et en Italie, ont contribué à agrandir l’édifice de la science géognostique, devroient reconnoître à chaque page les résultats de leurs travaux. J’ai rejeté dans des notes, à la fin du tableau, les citations des faits moins généralement connus, et je n’ai nommé dans le tableau même que les savans qui ont bien voulu me communiquer des observations et des aperçus qu’ils n’ont point encore publiés. Les communications les pius nombreuses et les plus intéressantes de ce genre sont celles que je dois, depuis quinze ans, à M. Léopold de Buch, avec lequel j’ai eu l’avantage de faire mes premières études minéralogiques sous un grand maître, et qui, sur une vaste étendue de terrains (entre les 28° et les 71° de latitude), a recueilli des matériaux précieux pour la géognosie, l’histoire de l’atmosphère et la géographie des végétaux. J’ai fait usage, dans le cours de mon travail, de plusieurs notes inédites que ce savant a bien voulu me donner sur le tissu cristallin des trachytes que j’ai rapportés des Cordillères, et sur l’ordre des formations en Suisse, en Angleterre, en Écosse, en Toscane et dans les environs de Rome. J’ai aussi eu l’avantage de le consulter, pendant les différens séjours qu’il a faits à Paris, sur ce qui me paroissoit douteux dans le gisement des formations. Toutes les observations relatives à la Hongrie sont tirées du Voyage minéralogique de M. Beudant, qui est sur le point de paroître, et dans lequel la plupart des questions de gisement sont traitées avec une grande supériorité. Mon compatriote, M. de Charpentier, directeur des salines de Suisse, a bien voulu me communiquer son excellente description des Pyrénées, travail le plus complet que l’on possède sur une grande chaîne de montagnes. Plusieurs renseignemens sur les porphyres d’Europe sont tirés d’une notice que j’ai écrite, pour ainsi dire, sous la dictée de M. Werner, lorsque cet homme célèbre est venu, pour quelques jours, de Carlsbad à Vienne (en 1811), pour s’entretenir avec moi sur la constitution géognostique de la Cordillère des Andes et du Mexique. C’est un devoir bien doux à remplir que de donner un témoignage public de reconnoissance à ceux dont la mémoire nous est chère. Je n’ai pas tiré tout le parti que j’aurois voulu des travaux importans de MM. Maculloch, Jameson, Weawer, Berger, et d’autres membres des Sociétés géologique et wernérienne, en Angleterre, parce que j’ai eraint de prononcer sur l’identité des formations d’un pays que je ne connois pas, au nord des montagnes du Derbyshire, et qui, dans ce moment, est exploré avec tant de zèle et de succès. En indiquant pour chaque formation les noms de quelquesuns des lieux où elles se trouvent (ce que les botanistes appellent les habitations), je n’ai eu aucunement la prétention d’étendre le domaine de la géographie minéralogique: je n’ai voulu que présenter des exemples de gisement bien observés. Les exemples ne sont pas toujours choisis parmi des contrées qui, par les descriptions de géognostes célèbres, sont devenues, pour ainsi dire, classiques. Il a fallu nommer quelquefois, dans l’autre hémisphère, des lieux qu’on ne trouve sur aucune de nos cartes. Allemont, Dudley, cap de Gates, Mansfield et Œningue sont plus connus des minéralogistes que les grandes provinces métallifères d’Antioquia, des Guamalies et de Zacatecas. Pour faciliter ce genre de recherches, j’ai souvent ajouté, entre deux parenthèses, des renseignemens géographiques, par exemple, Quindiu (Nouvelle-Grenade), Ticsan (Andes de Quito), Tomependa (plaines de l’Amazone). A côté de l’indication des lieux où prédomine telle ou telle formation, j’ai tâché de faire connoître l’ordre entier de superposition qui a été observé avec quelque certitude sur des points très-éloignés, par exemple, dans les Cordillères des Andes, en Norwége, en Allemagne, en Angleterre, en Hongrie et au Caucase. Ces descriptions de coupes, qui présentent des matériaux pour la construction, si long-temps désirée, d’un Atlas géognostique, sont, pour ainsi dire, les pièces justificatives d’un tableau général des roches; car la géognosie, lorsqu’elle s’occupe de la série des formations, est à la géographie minéralogique ce que l’hydrographie comparée est à la topographie des grands fleuves, tracée isolément. C’est de la connoissance intime des influences qu’exercent les inégalités du terrain, la fonte des neiges, les pluies périodiques et les marées, sur la vîtesse, sur les sinuosités, sur les étranglemens, sur les bifurcations et sur la forme des embouchures du Danube, du Nil, du Gange, de l’Amazone, que résulte une théorie générale des fleuves, ou, pour mieux dire, un système de lois empiriques qui embrassent ce que l’on a trouvé de commun et d’analogue dans les phénomènes locaux et partiels. (Voyez quelques élémens de cette hydrographie comparée, dans ma Relat. histor., T. II, p. 517—526 et 657 — 664.) La géognosie des formations offre aussi des lois empiriques, qui ont été abstraites d’un grand nombre de cas particuliers. Fondée sur la géographie minéralogique, elle en diffère essentiellement, et cette différence entre l’abstraction et l’observation individuelle peut devenir, chez des géognostes qui ne connoissent qu’un seul pays, la cause de quelques jugemens erronés sur la précision d’un tableau général des terrains. Les sciences physiques reposent en grande partie sur des inductions; et plus ces inductions deviennent complètes, plus aussi les circonstances locales qui accompagnent chaque phénomène, se trouvent exclues de l’énoncé des lois générales. L’histoire même de la géognosie justifie cette assertion. Werner, en créant la science géognostique, a reconnu, avec une perspicacité digne d’admiration, tous les rapports sous lesquels il faut envisager l’indépendance des formations primitives, de transition et secondaires. Il a indiqué ce qu’il falloit observer, ce qu’il importoit de savoir: il a préparé, pressenti, pour ainsi dire, une partie des découvertes dont la géognosie s’est enrichie après lui, dans des pays qu’il n’a pu visiter. Comme les formations ne suivent pas les variations de latitude et de climats, et que des phénomènes, observés peut-être pour la première fois dans l’Himalaya ou dans les Andes, se retrouvent, et souvent avec l’association de circonstances que l’on croiroit entièrement accidentelles, en Allemagne, en Écosse ou dans les Pyrénées; une très-petite portion du globe, un terrain de quelques lieues carrées dans lequel la nature a réuni beaucoup de formations, peut (comme un vrai microcosme des philosophes anciens) faire naître, dans l’esprit d’un excellent observateur, des idées très-précises sur les vérités fondamentales de la géognosie. En effet, la plupart des premiers aperçus de Werner, même ceux que cet homme illustre s’étoit formés avant l’année 1790, étoient d’une justesse qui nous frappe encore aujourd’hui. Les savans de tous les pays, même ceux qui ne montrent aucune prédilection pour l’école de Freiberg, les ont conservés comme bases des classifications géognostiques. Cependant, ce que l’on savoit en 1790 des terrains primitifs, de transition et secondaires, se fondoit presque entièrement sur la Thuringe, sur les montagnes métallifères de la Saxe et sur celles du Harz, sur une étendue de pays qui n’a pas 75 lieues de longueur. Les mémorables travaux de Dolomieu, les descriptions des Alpes de Saussure, furent consultés; mais ils ne purent exercer une grande influence sur les travaux de Werner. Sans doute, Saussure a donné des modèles inimitables d’exactitude dans la topographie de chaque cime, de chaque vallon; mais cet intrépide voyageur, frappé et de la complication que présentent les phénomènes de superposition et du désordre apparent qui règne toujours dans l’intérieur des hautes chaînes alpines, sembloit peu tenté de se livrer à des idées générales sur la constitution géognostique d’un pays. Dans ce premier âge de la science, le type des formations étoit fondé sur un petit nombre d’observations; il ressembloit trop à la description des lieux où il avoit pris naissance. On prenoit pour des formations indépendantes les masses minérales qui, dans d’autres pays, ne sont que des couches subordonnées ou accidentelles; on ignoroit l’existence des formations qui jouent un rôle important dans l’Amérique équatoriale, dans le nord et dans l’ouest de l’Europe; on méconnoissoit l’ancienneté relative des porphyres, des syénites et des euphotides; on ne complétoit pas l’histoire des couches plus récentes par une détermination rigoureuse des corps organiques fossiles qu’elles renferment: on observoit avec une grande précision le gisement des basaltes, des phonolithes (phorphyrschiefer) et des dolérites, qu’on avoit long-temps confondus avec les grünstein trappéens; mais on combattoit jusqu’à la possibilité de leur origine ignée, parce que, dans le pays où la géognosie moderne s’est formée, on n’étoit entouré que de quelques lambeaux de terrains volcaniques, et que l’on ne pouvoit examiner les rapports qui existent entre les trachytes (trapporphyr), les basaltes, les laves plus modernes, les scories et les ponces. Si le tableau des formations de Werner, malgré les livres qu’il consultoit, malgré la surprenante perspicacité avec laquelle il savoit démêler la vérité dans les récits souvent confus des voyageurs, étoit resté incomplet, ce savant ne s’affligeoit pas de voir ses travaux perfectionnés par d’autres mains. Il avoit enseigné le premier l’art de reconnoître et d’observer des formations. C’est par l’application de cet art que la géognosie est devenue une science positive. Reconnoissant que sa véritable gloire se fondoit plutôt sur la découverte des principes de la science, sur l’instrument qu’il falloit employer, que sur les résultats obtenus à telle ou telle époque, Werner ne chérissoit pas moins ceux de ses élèves qui ne partageoient pas son opinion sur l’âge relatif et sur l’origine de plusieurs terrains. Ce n’est qu’en soumettant à l’observation une plus grande partie du globe, que le type des formations a pu être à la fois agrandi et simplifié. On l’a rendu plus conforme à la constitution géognostique des continens considérés sous un point de vue général. Nous connoissons aujourd’hui d’une manière assez exacte le gisement relatif de beaucoup de formations. 1. ° Dans l’ancien continent: dans les îles de la Grande-Bretagne, dans le nord de la France, et en Belgique, en Norwége, en Suède et en Finlande, en Allemagne, en Hongrie, en Suisse, dans les Pyrénées, en Lombardie, en Toscane et dans les environs de Rome; en Crimée et au Caucase (lat. 41° — 71° bor.; long. 40° or. — 12° oc.). 2. ° Dans le nouveau continent: aux États-unis de l’Amérique septentrionale, entre la Virginie et le lac Ontario (lat. 36° — 43° bor.; long. oc. 78° — 86°); au Mexique, entre Veracruz, Acapulco et Guanaxuato (lat. 16° 50′ — 21° 1′ bor.; long. oc. 98° 29′ — 103°22′); dans l’île de Cuba (lat. 23° 9′ bor.); dans les Provincesunies de Venezuela, entre la côte de Paria, Portocabello, le Haut-Orénoque et San Carlos del Rio Negro; dans les Andes de la Nouvelle-Grenade, de Popayan, de Pasto, de Quito et du Pérou; dans la vallée de la Rivière des Amazones et sur les côtes de la mer du Sud (lat. 10° 27′ bor. à 12° 2′ austr.; long. oc. 66° 15′—82° 16′); au Brésil, entre Rio Janeiro et la limite occidentale de la province de Minas Geraes (lat. 18° — 23° austr.; long. oc. 45° — 49°). A mesure que l’on s’élève à des idées plus générales, le tableau des formations, tout en devenant plus vaste et (nous osons le croire) plus vrai, satisfait moins ceux qui voudroient y trouver fortement prononcés les traits individuels, la physionomie locale de leur canton. Mais ces traits individuels, cette physionomie locale, ne peuvent y être conservés que comme de simples variations d’un type général, comme des modifications particulières des grandes lois de gisement. Quelque incomplète que soit encore la connoissance de ces lois, c’est déjà un grand pas fait dans ce genre de recherches que d’avoir acquis, par les travaux réunis de nos contemporains, la certitude qu’il en existe de constantes et d’immuables au milieu du conflit des perturbations locales. Terrains primitifs. Les plus anciennes formations de roches primitives que l’on a pu soumettre aux observations, sont, dans quelques régions du globe, le granite (une formation dans laquelle le granite n’alterne avec aucune autre roche); dans d’autres régions, le granite-gneis (une formation granitique dans laquelle des couches de granite alternent avec des couches de gneis). On auroit de la peine à nommer un granite que les géognostes regardassent unanimement comme antérieur à toutes les autres roches; mais cette incertitude tient à la nature même des choses, à l’idée que nous nous formons de l’âge relatif et de la superposition des roches. On peut constater par l’observation, que le granite du Saint-Gothard repose sur du micaschiste; que celui de Kielwig, en Norwége, repose sur du thonschiefer. Mais comment démontrer un fait négatif? comment prouver que, sous un granite que l’on appelle de première formation, il ne se trouve pas de nouveau du gneis, ou quelque autre roche primitive? En traçant le tableau des connoissances que nous avons acquises sur la superposition des roches, nous devons nous abstenir de prononcer avec assurance sur la première assise de l’édifice géognostique. C’est ainsi (car il en est du temps comme de l’espace) qu’à travers de longues migrations des peuples l’histoire ne reconnoît pas avec certitude quels ont été les premiers habitans d’une contrée. I. Granite primitif. §. 1. Granite qui n’alterne pas avec le gneis. Comme on a récemment élevé des doutes très-fondés sur l’ancienneté de beaucoup de formations de granite, on ne peut désigner la première des roches primitives que par des caractères négatifs. Il m’a paru que dans les deux hémisphères, surtout dans le nouveau monde, le granite est d’autant plus ancien, qu’il n’est pas stratifié, qu’il est plus riche en quarz et moins abondant en mica. Dans les hautes chaînes des montagnes (dans les Alpes de la Suisse et dans la Cordillère des Andes, entre Loxa et Zaulaca), le granite, par l’abondance et la direction uniforme des feuillets de mica, tend à devenir lamelleux; tandis que les granites qui percent la terre végétale dans les plaines, présentent généralement, par leur texture plus uniformément grenue, un contraste plus marqué avec le gneis. La grosseur du grain, la régularité de la cristallisation des parties constituantes, et la couleur rouge ou blanche du feldspath, sont des phénomènes très-dignes d’attention, si l’on considère de grandes masses d’une roche, et si l’on fait abstraction des bancs subordonnés de granite à petits grains que l’on rencontre au milieu d’un granite à gros grains, et vice versa. Ces phénomènes désignent l’àge relatif d’une formation dans une étendue de terrain plus ou moins circonscrite; mais on ne sauroit en déduire des caractères généraux, applicables à un continent entier. Dans les Cordillères, le granite à petits grains et à feldspath blanc et blanc jaunàtre m’a paru le plus ancien. L’absence, je ne dis pas de la tourmaline et du titane-rutile, mais de l’amphibole disséminé, de la stéatite, des grenats, de l’épidote, de l’actinote, de l’étain, du fer oligiste, remplaçant le mica (Gottesgabe dans le Haut- Palatinat); le manque de bancs subordonnés hétérogènes (grünstein, calcaire grenu) et de rognons à très-petits grains et fortement micacés, qui sont de formation contemporaine et semblent comme enchâssés dans la masse principale; enfin, le manque de stratification dans les couches inférieures, et la structure non porphyroïde, paroissent caractériser les granites de première formation (côtes occidentales de l’Amérique équinoxiale, Cascas, Santa et Guarmay dans le Bas-Pérou; rives du Cumbeima près Ibagué; Quilichao et Caloto dans les Andes de la Nouvelle-Grenade). Les granites des cataractes de l’Orénoque et des montagnes de la Parime renferment, comme ceux des Pyrénées et de la Haute-Égypte, quelques couches dans lesquelles on reconnoît des cristaux isolés d’amphibole: ces roches appartiennent probablement à une époque un peu plus récente que le granite du Bas-Pérou. Quoique les granites les plus anciens n’offrent généralement pas de bancs subordonnés de calcaire primitif, la chaux commence cependant déjà à se montrer, au sein des montagnes primitives (je n’ose dire au premier âge du monde), dans le feldspath et peut-être dans les tourmalines. Plus tard cette quantité de chaux augmente par l’addition de l’amphibole dans les couches syénitiques qui caractérisent les granites les plus modernes. Granite et Gneis primitifs. §. 2. Cette formation, si bien caractérisée par M. de Raumer, offre des couches de granite et de gneis très-distinctes, à peu près contemporaines et alternant les unes avec les autres. Elle repose quelquefois (Riesengebirge) immédiatement sur la formation précédente; d’autres fois (au sud-est de Riobamba, dans le royaume de Quito) elle est la plus ancienne des roches visibles. Ce retour périodique de couches hétérogènes se retrouve surtout dans les formations de transition, par exemple, dans celles de porphyre et syénite, de syénite et grünstein. Je pense qu’il faut distinguer de la formation de granite et gneis, et les granites dont les couches passent souvent et insensiblement au gneis, comme le granite du littoral de Venezuela, et les gneis qui passent au granite (pente méridionale de la Jungfrau et du Titlis). Les bancs subordonnés au granite et gneis sont: les micaschistes, qui, à leur tour, renferment du calcaire grenu; les schistes amphiboliques et chloriteux; le weisstein. Granite stannifère. §. 3. Généralement à parties constituantes très-désagrégées, le feldspath passant au caolin (Carlsbad, chemin d’Eibenstock à Johann-Georgenstadt; et, d’après M. de Bonnard, probablement aussi les granites du département de la Haute- Vienne). On reconnoîtra peut-être dans la suite que plusieurs de ces roches stannifères sont d’un âge plus récent encore, et qu’il faudroit les placer parmi les granites postérieurs au gneis et antérieurs au micaschiste. Des caractères de nouveauté semblent se retrouver même dans les granites du Fichtelgebirge, en Franconie, qui non-seulement sont trèsrégulièrement stratifiés, mais qui contiennent aussi des bancs d’urgrünstein (diabase primitive, paterlestein). Je ne connois point la formation alpine de granite stannifère dans les Andes: le granite qui constitue les sommets des Cordillères, est presque toujours recouvert de formations de porphyre de transition et de trachyte. Weisstein avec Serpentine. §. 4. Le weisstein (eurite), dans lequel domine le feldspath compacte (partie nord-ouest de l’Erzgebirge), repose sur le granite ancien. Il est recouvert de gneis, quelquefois de micaschiste (Hartha), ou d’un schiste primitif auquel (Hermsdorf, Döbeln) le weisstein paroît passer insensiblement. Bancs subordonnés: granite tantôt à grains très-gros (Penig), tantôt à petits grains, passant souvent au weisstein, et renfermant de la lépidolithe et de la parenthine lamelleuse; serpentine (Waldheim). Le weisstein qui enchâsse quelquefois des grenats et de la cyanite, est en Saxe, d’après les observations de MM. Pusch, Raumer et Mohs, une formation indépendante, antérieure au gneis, et non un banc subordonné; en Silésie (Engelsberg près Zobten, et Weiseritz près Schweidnitz), il ne forme que des couches dans le granite et le gneis primitifs. Ce phénomène n’a rien qui puisse étonner le géognoste. Les micaschistes, les gneis et les porphyres se trouvent à la fois comme roches indépendantes et comme bancs subordonnés. La serpentine de Buenavista dans les montagnes de l’Higuerote, à l’ouest de Caracas, appartient proprement au gneis talqueux; mais il paroît que, dans le même groupe de montagnes, il y a aussi de la serpentine liée à un weisstein qui est superposé à la formation de granite et gneis. La serpentine du weisstein est la plus ancienne des roches d’euphotides à très-petits grains, roches qui passent, pour ainsi dire, à travers toutes les formations suivantes jusqu’à la limite supérieure des terrains de transition. II. Gneis primitif. §. 5. Nous distinguons cette formation de gneis (Freiberg; Lyon, plateau entre Autun et la montagne d’Aussi; Arnsberg dans le Riesengebirge, Lödingen en Norwége, Grampians en Écosse), qui renferme des bancs subordonnés de micaschiste, de la formation, également importante, de gneis et micaschiste, dans laquelle des couches de gneis alternent avec des couches de micaschiste. Le gneis est, d’après MM. de Buch et Haussmann, la roche dominante en Scandinavie, où le granite ancien (antérieur au gneis) n’est presque nulle part visible. Les bancs subordonnés du gneis sont trèsvariés et fréquens; ils le sont cependant beaucoup moins lorsque le gneis ne passe pas au micachiste. Nous ne nommerons ici que les bancs les plus remarquables: quarz souvent grenatifère; feldspath plus ou moins décomposé et dépourvu de potasse; porphyre, généralement rougeâtre, à base pétrosiliceuse, renfermant du feldspath, du quarz et du mica (lagerporphyr de la Halsbrücke, d’Ober-Frauendorf, de Liebstadt); calcaire grenu assez rarement (route du Simplom, mine du Kurprinz près de Freiberg); grenat commun, mêlé de calcaire grenu, de blende et de fer oxidulé (Schwarzenberg); micaschiste (Bergen en Norwége); syénite (Burkersdorf en Silésie); granite à feldspath décomposé, mais non stannifère; serpentine (ophyolithe) formant, d’après M. Cordier, une couche d’une étendue immense dans les départemens de la Haute-Vienne, du Lot et de l’Aveyron; amphibolite schistoïde ou hornblendschiefer; grünstein, mêlé de fer magnétique (Taberg près Jonköping), de zircon, de zoïsite et de menakan (Priockterhalt, en Carinthie); fer magnétique en couches de 20 à 30 toises d’épaisseur, souvent mêlé de calcaire grenu, d’ichthyophtalme, de spodumène, de trémolite, d’amianthe, d’actinote et de bitume (Danemora, Gellivara et Kinsivara, en Suéde et en Laponie); pegmatite (Loch-Läggan en Écosse); gneis renfermant des masses anguleuses de gneis d’une texture différente de celle de la roche principale (Rostenberg, en Norwége). Ce dernier phénomène (effet d’une cristallisation contemporaine?) est beaucoup plus analogue aux granites du Greiffenstein en Saxe, et du Pic Quairat dans les Pyrénées, qu’au gneis de transition renfermant les poudingues de la Valorsine. La grande formation de gneis primitif, trèsriche en minérais d’argent et d’or, en Allemagne, dans quelques parties de la France, en Grèce et dans l’Asie mineure, a été désignée long-temps comme la roche la plus argentifère du globe. On sait aujourd’hui, d’après des recherches faites dans les deux Amériques et en Hongrie, que la grande masse des métaux précieux qui circulent dans les deux continens, est due à des formations de beaucoup postérieures au gneis et à toutes les autres formations primitives; qu’elle provient de roches de transition, de porphyres syénitiques et même de trachytes. Le gneis peu métallifère de la partie équinoxiale du nouveau monde se montre sur une plus grande étendue de terrain dans les montagnes qui courent de l’est à l’ouest (chaîne du littoral de Caracas, cap Codera, et îles du lac de Tacarigua; Orénoque, Sierra de la Parime) et dans les régions basses éloignées de la chaîne des Andes (à l’est des montagnes du Brésil), que dans la crête élevée de cette chaîne même. Je n’ai pas vu le gneis (à la Silla de Caracas et au passage des Andes de Quindiu) à plus de 1300 et 1400 toises de hauteur au-dessus du niveau de l’océan. Sur le dos des Cordillères, entre Ibague et Carthago (Nouvelle-Grenade ou Cundinamarca), comme au Paramo de Chulucanas, en descendant vers l’Amazone, un granite de nouvelle formation recouvre le gneis à 1800 toises de hauteur. Si dans les montagnes de l’Europe le gneis, le micaschiste et un granite de seconde formation constituent les plus hautes cimes; dans les Andes, au contraire, les sommets les plus élevés ne présentent que d’énormes accumulations de roches trachytiques. En suivant une même chaîne, un même alignement de montagnes, on voit les basses régions de granitegneis et de gneis-micaschiste (province d’Oaxaca dans la Nouvelle-Espagne, où le gneis est aurifère; groupes primitifs de Quindiu; Almaguer, Guamote, au sud du Chimborazo; Saraguru et Loxa, dans les Andes du Pérou) alterner avec les régions élevées (2000 à 3300 toises) de trachytes. Ces derniers terrains, produits ou modifiés par le feu, recouvrent sans doute et quelquefois immédiatement, sans que des formations porphyriques de transition soient interposées, le granite et le gneis; cependant, là où j’ai pu voir les trachytes du royaume de Quito (volcan de Tunguragua, ravin du Rio- Puela près de Penipe) reposer sur un schiste micacé verdâtre rempli de grenats et recouvrant à son tour un granite un peu syénitique avec quarz et mica (noir!), cette superposition n’a aussi lieu qu’à la hauteur peu considérable de 1240 toises. Il résulte en général de mon nivellement barométrique des Cordillères, que dans toute cette région des tropiques les granites et les gneis anciens, qu’il ne faut pas confondre avec des roches syénitiques et granitiques de transition, ne s’élèvent guère au-dessus de la hauteur qu’atteignent les sommets des Pyrénées. Tous les massifs superposés aux roches primitives, qui dépassent la limite des neiges perpétuelles (2300—2460 toises), et qui donnent aux Cordillères leur caractère de grandeur et de majesté, ne sont généralement dus ni à des formations primitives ni à des roches calcaires (il n’y a que le calcaire alpin des plateaux de Gualgayoc et de Guancavelica qui se trouve à 2100 et 2300 toises), mais à des porphyres trachytiques, à des dolérites et des phonolithes. (Nous ignorons encore de quelles roches sont composés les sommets de l’Himalaya, les extrémités de ces pics récemment mesurés par M. Webb.) Le gneis des Cordillères abonde bien plus que le micaschiste en couches subordonnées de calcaire grenu (micacé et rempli de pyrites). Aussi, dans l’Amérique équinoxiale, comme à l’extrémité la plus boréale de l’Europe et dans les Pyrénées, le grenat est le plus commun dans le gneis, et cette dernière roche ne cesse généralement de contenir des grenats que lorsqu’elle se rapproche du schiste micacé (montagne d’Avila, près de Caracas). Un véritable gneis, dépourvu de grenats, se montre cependant à l’ouest de Mariquita, entre Rio Quamo et les mines de S. Ana (Nouvelle-Grenade). Au Brésil, d’après l’observation de M. d’Eschwege, l’étain (zinnstein) est disséminé, non dans le granite, mais dans le gneis (bords du Rio- Paraopeba près de Villa-Ricca). Entre les deux grandes formations de gneis et de micaschiste primitifs, nous placerons plusieurs formations parallèles: Gneis et Micaschiste; Granite postérieur au Gneis et antérieur au Micaschiste; Syénite primitive? Serpentine primitive? Calcaire grenu. Deux de ces formations sont peut-être aussi douteuses que l’est le porphyre primitif, considéré comme formation indépendante. Gneis et Micaschiste. §. 6. Des couches de gneis alternent avec des couches de micaschiste, de même que le gneis, dans la formation §. 2, alterne avec le granite. Ce ne sont pas des roches qui passent l’une à l’autre, mais des couches alternantes, très-nettement tranchées (Neisbach et Jauersberg en Silésie; Waltersdorf près Scheibenberg en Saxe). Dans les Cordillères de l’Amérique, et peut-être dans la plupart des grandes chaînes de montagnes de l’ancien continent, comme l’illustre Dolomieu me l’avoit fait observer en Suisse dès l’année 1795, les formations mixtes ou d’alternance périodique, de gneis et granite, et de gneis et micaschiste, sont beaucoup plus fréquentes que les formations simples, de granite, de gneis et de micaschiste. La formation indépendante de gneis-micaschiste repose tantôt sur la formation de gneiss (§. 5), tantôt immédiatement sur le granite le plus ancien (§. 1). Dans ce dernier cas elle doit être considérée comme une formation parallèle au gneis. Bancs subordonnés: calcaire grenu, schistes amphiboliques, grünstein, serpentine, et thonschiefer avec actinote. Ces bancs subordonnés se répètent plusieurs fois; car, dans toutes les formations d’alternance périodique, soit primitives, soit de transition (les granites et gneis, les gneis et micaschistes, les syénites et grünstein, les porphyres et syénites, les porphyres et grauwacke, les calcaires noirs et schistes de transition), le retour périodique des masses s’étend jusqu’aux bancs subordonnés. Cette grande loi géologique se manifeste dans toute la Cordillère des Andes, surtout dans les montagnes situées au sud et au sud-est du volcan de Tunguragua, au Condorasto, au Cuvillan et au Paramo del Hatillo, où (ce qui est très-rare dans cette région) le gneis-micaschiste s’élève à plus de 2000 toises de hauteur, et renferme des filons d’argent jadis très-célèbres (weissgültigerz et sprödglaserz, argent blanc et argent vitreux aigre). Ces gneismicaschistes métallifères du Condorasto et de Pomallacta se cachent vers le sud sous les formations de porphyres trachytiques des Andes de l’Assuay; ils reparoissent (à 1700 toises de hauteur) entre les ruines du palais de l’Inca (Ingapilca) et la ferme de Turche, et ils se cachent de nouveau sous les grès de Cuença. Les forêts de Quinquina, à l’ouest de Loxa, couvrent aussi des montagnes de gneis alternant avec du micaschiste. Dans le passage des Andes de Quindiu, entre les bassins du Rio Cauca et du Rio Magdalena, la formation de gneis-micaschiste repose (au-dessus de la station de la Palmilla) immédiatement sur le granite ancien. Elle atteint une énorme épaisseur, en s’élevant vers le Paramo de San-Juan. Les couches de micaschistes alternant avec le gneis y sont toujours dépourvues de grenats; elles offrent, au Valle del Moral (à 1065 toises de hauteur), des filons remplis de soufre, exhalant des vapeurs sulfureuses dont la température s’élève à 48° cent., l’air atmosphérique étant à 20°. Ce phénomène est d’autant plus remarquable qu’au sud de l’équateur, dans la célèbre montagne de soufre de Ticsan, j’ai trouvé le soufre dans du quarz, subordonné comme couche au micaschiste primitif. Les couches de gneis de Quindiu contiennent des grenats disséminés et des bancs de caolin décomposé. Dans la chaîne côtière de Caracas, entre Turiamo et Villa de Cura, les formations de granite-gneis et de gneis-micaschiste occupent, dans une direction perpendiculaire à l’axe de la chaîne, un terrain de dix lieues de largeur; le gneis-micaschiste se cache vers les Llanos de Venezuela sous des schistes verts de transition. Près de la Guayra, au cap Blanc, cette formation renferme des bancs subordonnés de chlorite schisteuse (avec grenats et sable magnétique), de hornblendschiefer et de grünstein mêlé de quarz et de pyrites. Sur les côtes du Brésil, où plusieurs chaînes primitives se dirigent parallèlement aux Andes du Pérou et du Chili dans le sens d’un méridien, des couches de granite, de gneis et de micaschiste constituent une seule formation et alternent en séries périodiques (Ilha Grande, au sud de Rio-Janeiro, près Villa d’Angra dos Reis, selon M. d’Eschwege). Les trois roches y sont contemporaines, comme les syénites qui alternent périodiquement, soit avec les thonschiefer, soit avec les grünstein de transition. Granites postérieurs au Gneis, antérieurs au Micaschiste primitif. §. 7. Je réunis ici plusieurs formations de granite à peu près parallèles, placées entre le gneis et le micaschiste, telles que le granite stannifère (hyalomicte, graisen) de Zinnwald et d’Altenberg, en Saxe, qui paroît reposer sur le gneis et qui abonde en tourmalines noires; la plupart des pegmatites ou granites graphiques (schriftgranite), qui renferment de la lépidolite (Rozena, en Moravie); les granites avec épidote; les granites à bancs subordonnés de weisstein ou eurite (Reichenstein en Silésie); les granites avec stéatite et chlorite, contenant souvent de l’amphibole disséminée, et prenant l’aspect d’une syénite ou d’un schiste chloriteux (protogynes du Mont-Blanc et de presque toute la chaîne des Alpes entre le Mont-Cenis et le Saint-Gothard; probablement aussi la roche du Rehberg au Harz); les granites des Pyrénées, si bien étudiés par M. de Charpentier, et renfermant de nombreux bancs de gneis, de micaschiste et de calcaire grenu. Peut-être les granites d’Altenberg appartiennent-ils (c’est l’opinion de M. Beudant) aux assises inférieures de porphyres de transition; peut-être les granites des Pyrénées, qui enchâssent des amas d’urgrünstein (diabase primitive) sont-ils même postérieurs à la grande formation de micaschiste (§. 11), comme aussi les granites stannifères du Fichtelberg, qui renferment du grünstein (Ochsenkopf, Schnéeberg, en Franconie), et que nous avons indiqués provisoirement au §. 3. Le même doute me reste sur beaucoup de granites qui abondent en filons argentifères, sur tous les granites avec grenats, et sur les granites porphyroïdes (à très-grands cristaux de feldspath rouge et blanc), qui sont souvent aussi régulièrement stratifiés que l’est le calcaire secondaire. Je n’ai point voulu citer ici les amas d’étain de Geyer et de Schlackenwald, parce que les granites qui les renferment, ne sont que des couches dans le gneis et le micaschiste: ce ne sont pas de véritables roches, des formations indépendantes, comme les granites de Carlsbad et du Fichtelgebirge. Dans l’Amérique équinoxiale on peut rapporter avec quelque vraisemblance à la formation de granite postérieure au gneis et antérieure au micaschiste, les granites de la pente occidentale des Cordillères du Mexique (plateau du Papagallo et de la Moxonera), qui sont ou porphyroïdes, ou divisés en boules à couches concentriques. Ils enchâssent des bancs syénitiques liés à des filons de basanite (urgrünstein compacte). Je les ai vus régulièrement stratifiés en couches de 7 à 8 pouces d’épaisseur, et affectant, non une même inclinaison, mais une même direction avec les couches du porphyre de transition et du calcaire alpin superposées. On ne connoît point, il est vrai, les roches que recouvre cette formation mexicaine de granite; c’est celle sur laquelle toutes les autres roches du Mexique sont placées; mais les caractères de composition et de structure qu’elle offre en grand, et son analogie avec d’autres granites stratifiés des hautes Andes du Pérou, me font croire qu’elle est d’un âge plus récent que la formation §. 1. Au granite antérieur au micaschiste, mais postérieur au gneis, appartient plus positivement celui de la Garita del Paramo, au pied du volcan éteint de Tolima (Andes de Quindiu); celui de la Silla de Caracas; les granites très-régulièrement stratifiés (sans passer au gneiss) de Las Trincheras dans la chaîne côtière de Venezuela; les granites du groupe étendu des montagnes de la Parime, qui sont ou régulièrement stratifiés (détroit du Baraguan, vallée du Bas-Orénoque), ou passant à la pegmatite (Esmeralda et confluent de l’Ucamu, Haut-Orénoque), ou amphiboliques (cataractes d’Atures). Dans ce vaste groupe granitifère de la Sierra Parime, qui sépare le bassin du Bas- Orénoque de celui de l’Amazone, se répètent quelques phénomènes de la Finlande et de la Norwége: aucune autre masse minérale n’y paroît au jour que la roche granitique. Là où j’ai côtoyé la Sierra Parime au nord, à l’ouest et au sud, j’ai observé, à quelques petites masses de grès près, une absence totale de formations secondaires, même de roches postérieures à un granite de nouvelle formation. Ce granite, et le gneis qui le supporte, forment, là où de petites plaines séparent les montagnes entre elles, au milieu des forêts et d’une végétation vigoureuse, des bancs de rochers nus, dépourvus de terreau, ayant plus de 250,000 toises carrées, et s’élevant à peine de trois à quatre pouces au-dessus du sol environnant. Dans l’hémisphère méridional je peux citer comme granites de nouvelle formation, la roche du Pareton (pente orientale des Andes du Pérou, entre Guancabamba et la rivière des Amazones), où le granite stéatiteux passe à la protogyne; le granite du Paramo de Pata grande et de Nunaguacu, stratifié et dépourvu d’amphibole; la roche de Yanta, stratifiée comme le granite de l’Ochsenkopf en Franconie, se cachant sous le micaschiste de Gualtaquillo et d’Aipata, et renfermant des cristaux disséminés d’amphibole, sans passer à la vraie syénite (Cordillères de Gueringa, à l’ouest de Guancabamba). On voit par ces exemples que, dans les Andes comme dans les Alpes, surtout à des hauteurs considérables, une roche granitique couvre le gneis primitif. On se demande si les grünstein primitifs, qui forment des couches dans les formations §§. 3, 5, 6, 7, renferment quelquefois, comme le prétendent plusieurs géognostes, non-seulement de l’amphibole mêlé au feldspath compacte, mais aussi du pyroxène. M. de Charpentier a vu cette dernière substance en grandes masses dans le calcaire primitif des Pyrénées. Il y a aussi du pyroxène-coccolithe dans l’urgrünstein du lac Champlain; je n’ai vu de véritables pyroxènes identiques avec ceux des trachytes et de quelques porphyres de transition de Quito que dans les grünstein et mandelstein de transition de Parapara (montagnes de Venezuela). Syénite primitive? §. 8. La plupart des syénites de l’ancien et du nouveau continent, que l’on considéroit autrefois comme des roches indépendantes et de formation primitive, sont ou des granites avec amphibole, c’est-à-dire des couches subordonnées aux granites §§. 7 et 11 (Syène, non Philæ, ou les premières cataractes mêmes de la Haute-Égypte, qui sont dans le gneis; Aturès ou cataractes de l’Orénoque; vallée de Macara et Gualtaquillo, à la pente orientale des Andes du Pérou), ou des formations de transition (Mont Sinaï, d’après les intéressantes observations de M. Rozière; vallée de Plauen, près de Dresde; Guanaxuato, au Mexique), intimement liées aux porphyres, au grünstein et au thonschiefer de transition. Quelques véritables syénites ne me paroissent cependant offrir aucune trace de cette liaison; elles constituent peut-être des formations primitives indépendantes: telles sont la syénite (beaucoup de feldspath lamellaire rougeâtre, peu d’amphibole, presque pas de quarz, pas de mica, pas de fer titané) du Cerro Munchique (Cordillère centrale des Andes du Popayan, à l’est de la métairie du Cascabel), superposée au gneis, et en partie (?) recouverte de micaschiste primitif; la syenite du Paramo de Yamoca (pente orientale des Andes du Pérou, près des villages indiens de Colascy et de Chontaly), placée sur le granite de Zaulaca et recouverte par le schiste du lac de Hacatacumba. Comme ce schiste, à son tour, supporte un porphyre vert de transition, et que ce porphyre supporte un calcaire gris-noirâtre, mais coquillier (San-Felipe, province de Jaen de Bracamoros), il reste très-douteux si la syénite de Yamoca et le schiste de Hacatacumba ne sont pas aussi des roches de transition, et par conséquent plus neuves que les syénites du Cerro Munchique dans les Andes de Popayan. Les syénites composées de feldspath blanc et d’amphibole vert du pied du Mont-Blanc (Cormayeux), et les syénites de Biela, liées à des euphotides, sont-elles primitives? Serpentine primitive? §. 9. Les grandes formations d’euphotide (gabbro ou roches serpentineuses) sont postérieures au thonschiefer primitif, et appartiennent en partie déjà aux roches de transition. La petite formation que nous désignons ici, est analogue à celle de Zœblitz en Saxe: elle repose sur du gneis et n’est recouverte par aucune autre roche. Dans l’Amérique méridionale la serpentine (sans diallage métalloïde, mais avec grenats) des montagnes de l’Higuerote (près San-Pédro, entre la ville de Caracas et les vallées d’Aragua) paroît analogue à celle de Saxe. Elle repose sur le gneis talqueux de Buenavista, qui passe, ce qui est assez rare dans ces contrées, à un micaschiste grenatifère. Cependant, comme on ne voit aucune roche superposée à ces serpentines, leur âge reste un peu douteux. Ce qui me paroît prouver l’ancienneté des serpentines de l’Higuerote, c’est qu’avant de paroître comme formation particulière et indépendante, elles se montrent comme des couches subordonnées au gneis-micaschiste, à peu près comme les serpentines de la vallée d’Aoste. Calcaire primitif. §. 10. Existe-t-il une formation indépendante de calcaire grenu parmi les roches primitives? Ou tous ces calcaires grenus, comme on l’a admis assez généralement jusqu’ici, ne sont-ils que des bancs subordonnés au gneis, au micaschiste, aux granites de nouvelle formation, et au thonschiefer? Dans les Pyrénées (vallée de Vicdessos) M. de Charpentier regarde le calcaire grenu, quelquefois noirâtre et mêlé de graphite, et renfermant de grandes masses de pyroxène (lherzolite, augitfels) et des couches de grünstein, comme une formation étendue et indépendante. Cette autorité est sans doute de beaucoup de poids. Au sud de l’équateur, sur le plateau de Quito (au Cebollar et aux bords du Rio Machangara, près Cuença; Portete, dans le Llano de Tarqui), on trouve placé sur le micaschiste (de Guasunto et du Cañar) un calcaire blanc, à gros grain, ressemblant au plus beau marbre de Carare, et alternant avec des couches calcaires presque compactes, rubanées et tellement translucides qu’on s’en sert dans les couvens et les chapelles en guise de glaces pour les fenêtres. J’ai regardé long-temps ce calcaire grenu de Cuença, dépourvu de pétrifications, comme une formation primitive et indépendante; mais il n’est couvert que de grès rouge de Nabon, et une formation très-analogue (Tolonta près de Chillo), placée au milieu d’un terrain de trachytes et de porphyres de transition, rend très-douteux l’âge de la formation de Cuença. Les bancs de calcaires primitifs, subordonnés aux roches de granite-gneis, sont beaucoup plus rares dans l’Amérique équinoxiale que dans les Pyrénées et les Alpes. En examinant avec soin les granites-gneis de la Parime, entre les 2.e et 8.e degrés de latitude boréale, je n’ai pas vu un seul de ces bancs. III. Micaschiste primitif. §. 11. Le micaschiste (schiste micacé, glimmerschiefer) repose le plus souvent sur le gneis, d’autres fois immédiatement sur le granite (§. 1), avec lequel il commence d’abord à alterner (Schnéeberg, en Saxe; Minas Geraes, au Brésil) avant de se montrer comme une formation indépendante. Il se distingue du gneis, lorsque les deux roches sont nettement tranchées (ce qui est bien plus rare dans la haute chaîne des Alpes et des Cordillères du Pérou que dans les plaines), par l’agrégation du mica, qui, dans le micaschiste, offre une surface continue. De toutes les formations primitives c’est celle qui, dans l’Europe centrale, est la plus développée, et qui présente la plus grande variété de bancs subordonnés; l’hétérogénéité des couches augmente à mesure que l’on s’éloigne du granite. Les micaschistes des Pyrénées, que l’on considère comme bien décidément primitifs, renferment souvent de la chiastolithe, et cette substance pénètre quelquefois jusque dans les bancs de thonschiefer et de calcaire grenu intercalés. Couches subordonnées au micaschiste: schiste chloritique (chloritschiefer avec grenats); mélange entrelacé de micaschiste et de calcaire grenu (Splügen, entre Glaris et Chiavenna; pic de Midi de Tarbes, dans les Pyrénées); thonschiefer; calcaire grenu et dolomie avec trémolite (grammatite), épidote, talc, tourmaline, lépidolithe, amphibole, fer magnétique et corindon; calcaire grenu renfermant du quarz (Pyrénées); dolomie mêlée de gypse primitif (passage du Splügen dans les Alpes); quarz schistoide et micacé, gestellstein; grünstein et grünsteinschiefer, diabase grenue et schisteuse (Montaña de Avila, Cabo blanco près Caracas); feldspath compacte vert-noirâtre (dichter grünstein); pierre ollaire, topfstein (Ursern); schiste talqueux (talkschiefer) avec grenats, cyanite, tourmaline et actinote; serpentine pure (Sillthal dans le Tyrol); serpentine mêlée de calcaire grenu, verde antico (montagnes de Caramanie; Reichenstein, Rörsdorf et Rothzeche, en Silésie); schiste amphibolique (Saint-Pierre, au sud du grand Saint- Bernard); amphibole commune en grandes masses (Schönberg, en Tyrol); syénite (Mittelwald, dans le Tyrol); couches de grenat avec fer oxidulé (Braunsberg près Freiberg, Frauenberg près Ehrenfriedrichsdorf, en Saxe); grenat avec pyroxène-omphacite et amphibole (Gefrees et Schwarzenbach, pays de Bareuth; Saualpe en Carinthie); grenat actinote et cyanite; fluate de chaux (Meffersdorf); bancs de micaschiste renfermant des masses de gneis, peut-être d’une formation contemporaine (Toffle, en Norwége); bancs de plusieurs pieds d’épaisseur, composés d’un mélange intime de feldspath compacte, de quarz et de mica (Kühlstad près Drontheim, en Norwége); micaschiste avec mica noir et carburé (Sneehättan, en Norwége; Huffiner, dans le Valais). Je ne cite pas le gypse du Val Canaria près d’Airolo, que nous avons cru, M. Freiesleben et moi, en 1795, être de formation primitive intercalée au micaschiste, mais que MM. Brochant et Beudant (qui les ont étudiés tous deux séparément avec soin) ont reconnu pour un gypse de transition superposé au micaschiste. Le micaschiste renferme souvent de l’amphibole disséminé dans toute sa masse (Salzbourg; Saint- Gothard; Oberwiesenthal en Saxe; Sommerleiten près Bareuth). Les émeraudes de Sabara, dans la Haute-Égypte, retrouvées par l’intrépide voyageur M. Cailliaud, et celles de Salzbourg, sont enchâssées dans la masse du micaschiste même, comme le sont, dans les deux continens, le grenat, la staurotide (Saint-Gothard; Sierra Nevada de Merida) et la cyanite (îles Shetland; Maniquarez, au nord de Cumana). Les émeraudes de Muzo, dans la Nouvelle-Grenade, m’ont paru former une couche dans un hornblendschiefer qui est subordonné au micaschiste. Si l’on ne considère les formations que sous le rapport de leur volume et de leur masse, on doit admettre que le micaschiste, dans les chaînes des montagnes de l’Europe, joue un rôle presque aussi important que le font, au Mexique et dans les Andes de Quito et du Pérou, les porphyres de transition et les trachytes. Les masses continues de micaschiste les plus considérables que j’aie vues dans l’Amérique équinoxiale, sont celles de la Cordillère du littoral de Vénézuela, où le granite-gneis domine depuis le cap Codera jusqu’à la Punta-Tucacas (à l’ouest de Portocabello), tandis que la même Cordillère est composée de micaschiste et même d’un micaschiste grenatifère vers l’est, dans les montagnes du Macanao de l’île de la Marguerite et dans toute la péninsule d’Araya. A l’ouest de Chuparipari, cette dernière roche offre de petites couches de quarz avec cyanite et titane rutile. Près de Caracas le calcaire grenu forme des couches, non dans le micaschiste, mais dans le gneis; au contraire, dans les montagnes du Tuy, c’est un micaschiste passant (comme dans la vallée de Capaya) au schiste talqueux, qui renferme des bancs de calcaire primitif et de petites couches de zeichenschiefer (ampélite graphique). Au sud de l’Orénoque, dans le groupe des montagnes de la Parime, sur 180 lieues de longueur, je n’ai pas vu de véritable micaschiste superposé au granite-gneis. Cette dernière formation semble seule couvrir cette vaste contrée; mais le gneis y passe quelquefois au micaschiste: il rend resplendissans, au lever et au coucher du soleil, les flancs de plusieurs montagnes élevées (pic Calitamini, Cerro Ucucuamo, entre les sources de l’Essequebo et du Rio-Branco), et a contribué par là au mythe du Dorado et des richesses de la Guyane espagnole. Dans les Cordillères des Andes, la formation indépendante de micaschiste m’a paru moins rare au nord qu’au sud de l’équateur. Au Nevado de Quindiu (Nouvelle-Grenade) elle atteint une épaisseur de plus de 600 toises. En avançant de là par Quito et Loxa vers les Andes du Pérou, on voit sortir le micaschiste sous les trachytes et porphyres de transition de Popayan (au sud des volcans de Sotara et de Puracè); plus loin cette roche reste visible sur différens points, depuis l’Alto del Roble (arête qui partage les eaux entre l’océan Pacifique et la mer des Antilles) jusqu’à la vallée de Quilquasè; elle se cache de nouveau par intervalles sous des porphyres trachytiques, à base de phonolithe, et reparoît plusieurs fois, par exemple, entre Almaguer et le Rio Yacanacatu, entre Voisaco et le volcan de Pasto, entre Gansce et le volcan de Tunguragua, entre Guamote et Ticsan près d’Alausi (où le micaschiste offre une immense couche de quarz renfermant du soufre, et une autre couche (?) de gypse primitif), entre Guasunto et Popallacta; entre le Cañar et Burgay, à la partie méridionale du groupe trachytique de l’Assuay; enfin, entre Loxa et Gonzanama. C’est près de ce dernier lieu que, dans le ravin de Vinayacu, on trouve une couche de graphite lamellaire dans un micaschiste qui est certainement primitif. En descendant de Loxa par le Paramo de Yamoca, vers l’Amazone, entre les 4° et les 5½° de latitude australe, un granite de seconde formation est recouvert de micaschiste dans la vallée de Pomahuaca; mais, en général, dans cette partie des Cordillères ce n’est pas le micaschiste, mais la syénite et le thonschiefer primitifs qui ont pris un grand développement, partout où le sol n’est pas couvert de porphyres et de trachytes. Dans la Nouvelle-Espagne, le micaschiste abonde (mines d’or de Rio San-Antonio) dans la province d’Oaxaca: mais plus au nord (16—18° lat. bor.), sur la pente orientale des Cordillères entre Acapulco et Sumpango, le granite n’est pas même recouvert de gneis; il l’est immédiatement de calcaire alpin (Alto del Peregrino) et de porphyres de transition (la Moxonera, Acaguisotla). Cependant un micaschiste, dépourvu de grenats et passant quelquefois au thonschiefer, se montre dans les riches mines de Tehuilotepec et de Tasco (entre Chilpansingo et Mexico) sous le calcaire alpin. Des filons d’argent rouge pénètrent de l’une de ces roches dans l’autre, malgré la grande distance qu’on doit admettre entre l’âge de leur formation. Je ne connois dans les Andes aucun exemple d’une couche de porphyre dans le micaschiste, ou d’un passage de cette dernière roche à une roche porphyroïde; passage qui, selon l’importante observation de M. de Buch, a lieu dans les Alpes du Splügen, entre le village de ce nom et la vallée de Schams. Les terrains primitifs dans lesquels abonde le micaschiste, sont ceux qui offrent aux oryctognostes la plus grande variété de substances cristallisées. Ces roches, si abondantes en potasse, rivalisent sous ce rapport avec les mandelstein (amygdaloïdes) de transition et plusieurs roches volcaniques. Il est très-rare que l’on observe dans la nature un développement à peu près égal des trois formations de gneis, de micaschiste et de thonschiefer, et lorsque ce développement a eu lieu, c’est plutôt dans des montagnes de peu d’élévation et là où elles se perdent vers les plaines, que dans les hautes chaînes des Andes, des Alpes, des Pyrénées et de la Norwége. Nulle part, peut-être, la suppression totale des formations micacées ou schisteuses n’est plus fréquente que dans les Cordillères du Mexique et de l’Amérique méridionale. On y voit la série des roches primitives s’arrêter brusquement, soit au granitegneis et à une syénite que je crois primitive, soit au gneismicaschiste. Ce phénomène a même lieu là où il y a (Cordillère de la Parime) absence de trachytes et de tout phénomène volcanique. Granite postérieur au Micaschiste, antérieur au Thonschiefer. §. 12. Un granite de nouvelle formation reposant sur le micaschiste, auquel il appartient géognostiquement (Saint- Gothard, dans les Alpes; Reichenstein, en Silésie). Souvent il est stratifié (Högholm, en Norwége, selon M. de Buch; Maifriedersdorf et Striegau en Silésie, selon M. Schulze), renferme des grenats et de l’amphibole, et passe á une roche syénitique à très-gros grains. Le quarz y est remarquable par sa grande transparence, le feldspath par la grandeur de ses cristaux. Ce granite est parfois stéatiteux; il indique le retour des roches schisteuses aux roches grenues et cristallisées. Le granite de Mittelwald, au nord de Brixen (passage des Alpes du Brenner), repose sur une syénite primitive qui alterne plusieurs fois avec le micaschiste. Le granite à topazes du Schneckenstein, en Saxe, que l’on a considéré long-temps comme une roche ou terrain particulier (topasfels), n’est probablement qu’un amas transversal dans le micaschiste. Je suppose l’existence d’une formation de granite analogue à celle du Saint-Gothard (c’est-à-dire postérieure aux micaschistes) dans les Andes du Baraguan, de Quindiu et d’Hervéo, où plusieurs granites modernes viennent au jour sur la crête des Cordillères, supportant des pics de trachytes. Est-ce à cette même formation qu’appartiennent le granite de Krieglach en Styrie, dans lequel la lasulithe (blauspath) remplace le feldspath commun, et la roche intéressante du Carnatic, dont nous devons la connoissance à M. le comte de Bournon ? Cette dernière est composée d’indianite, de feldspath et de corindon (avec grenats, épidote et fibrolite). Gneis postérieur au Micaschiste. §. 13. Une petite formation de gneis grenatifère, observée par M. de Buch. Elle couvre le micaschiste (Bergen, Classness et Klöwen, en Norwége), et renferme des bancs subordonnés de calcaire grenu et même de micaschiste. Cette formation se retrouve dans les Pyrénées. Grünstein-Schiefer? §. 14. La diabase schistoïde (grünstein-schiefer) est placée entre le gneis et le thonschiefer primitif (Siebenlehn, Rosenthal), ou entre le micaschiste et le thonschiefer primitif (Gersdorf et Rosswein, en Saxe); elle renferme des filons argentifères très-anciens. On trouve aussi le grünsteinschiefer comme banc subordonné au micaschiste. C’est une formation de feldspath compacte, dont l’indépendance me paroît assez douteuse. IV. Thonschiefer primitif. §. 15. Schiste primitif (schiste argileux, phyllade, urthonschiefer), moins carburé et généralement à couleurs moins foncées que le thonschiefer de transition. Lorsqu’il passe au micaschiste, le mica est fendu en grandes lames, tandis que le mica, en petites paillettes isolées, caractérise le thonschiefer de transition. Bancs subordonnés: calcaire grenu bleuâtre; porphyre; chlorite schisteuse avec grenats et sphène disséminés; micaschiste (Klein-Kielvig, en Norwége); grünstein, mais beaucoup plus rare que dans le thonschiefer de transition; grünstein-schiefer; quarz avec épidote; un mélange de diallage et de feldspath. Les bancs subordonnés au thonschiefer primitif sont moins fréquens que ceux du micaschiste, roche dans laquelle l’hétérogénéité des couches, l’abondance et la variété des substances cristallisées ont atteint leur maximum, en passant du granite primitif aux roches de transition. Lorsqu’on considère en grand la différence des thonschiefer primitifs et des thonschiefer de transition, on peut indiquer pour les premiers plusieurs caractères négatifs trèsimportans, tels que l’absence des nœuds ou bancs subordonnés de calcaire compacte, l’absence de chiastolithe disséminée dans la masse, de feuillets de thonschiefer luisans et fortement chargés de carbone; enfin, l’absence de couches fréquentes de grünstein (en boules), d’ampélite alumineuse et graphique (alaun- und zeichenschiefer), de pierre lydienne et de kieselschiefer: mais il ne faut point oublier que ces caractères généraux souffrent des exceptions partielles, dont le géognoste expérimenté est d’autant moins surpris, que le thonschiefer de transition succède souvent immédiatement, selon l’àge relatif des formations, au thonschiefer primitif. On trouve, dans le dernier, de la chiastolithe, aux sommets des Pyrénées et près de Kielvig en Norwége. M. de Raumer y a vu, en Silésie (Rohrsdorf, Nieder- Kunzendorf), à la fois des bancs subordonnés de porphyre à base feldspathique, de gneis-micaschiste, de calcaire grenu, d’ampélite et de pierre lydienne. Dans l’Amérique équinoxiale (chaîne du littoral de Vénézuela, isthme d’Araya, Cerro de Chupariparu), j’ai observé, dans un thonschiefer qui passe au micaschiste primitif et cyanitifère sur lequel il repose, à la fois des couches de titane-rutile et d’ampélite luisante, traversées par de petits filons d’alun natif. Il est quelquefois très-difficile d’indiquer avec précision, où cessent les thonschiefer primitifs, où commencent ceux de transition. Les schistes bleu-noirâtre de Piedras Azules (entre Villa de Cura et Parapara), à l’ancien rivage boréal des Llanos ( ou steppes de Venezuela), ceux de Guanaxuato, au Mexique, dont les strates inférieurs passent au schiste talqueux et chloriteux (talk- et chloritschiefer), tandis que les strates supérieurs sont chargés de carbone et enchâssent des bancs de syénite serpentineuse, se trouvent sur cette limite de deux terrains contigus. Il n’est guères douteux que dans les deux continens la plus grande masse de schistes ne soient des schistes de transition; mais en Amérique, surtout dans la région équinoxiale, on est moins frappé de cette différence que de la rareté absolue de tous les thonschiefer, en les comparant aux gneis-micaschistes. Le thonschiefer paroît manquer entièrement dans la Cordillère de la Parime, à travers laquelle l’Orénoque s’est frayé un chemin: dans les Andes, comme dans les Pyrénées, il n’occupe que des terrains de peu d’étendue. Je l’ai trouvé au nord de l’équateur, supportant les formations secondaires du plateau de Santa-Fé de Bogota, entre Villeta et Mave; au sud de l’équateur, placé sur les micaschistes du Condorasto, et servant de base aux porphyres de transition de l’Alto de Pilches, entre San-Luis et Pomallacta (Andes de Quito); sous la pierre calcaire alpine de Hualgayoc, venant au jour à 2000 toises de hauteur, dans le Paramo de Yanaguanga (crête des Andes du Pérou); superposé immédiatement à du granite ancien, entre les villages indiens de San-Diego et de Cascas (pente occidentale des Andes du Pérou). J’ignore si le thonschiefer recouvrant une syénite qui appartient au granite, aux bords du lac de Hacatacumba et au Paramo de Yamoca (pente orientale des Andes du Pérou, province de Jaen de Bracamoros), est véritablement de formation primitive. Les passages insensibles que l’on observe quelquefois entre les granites, les gneis, les micaschistes et les thonschiefer, et qui trouvent leurs analogues dans les passages des syénites et des serpentines aux grünstein de transition, ont fait croire à plusieurs géognostes que ces quatre formations n’en sont qu’une seule. On voit en effet de vastes étendues de pays dans lesquelles le gneis oscille perpétuellement entre le granite et le micaschiste, le micaschiste entre le gneis et le thonschiefer; mais ce phénomène n’est aucunement général. Il faut distinguer dans les deux hémisphères, 1.° des terrains où ces passages insensibles, ces oscillations entre des roches voisines, ont lieu fréquemment et d’une manière irrégulière; 2.° des terrains où des strates distincts de granite et de gneis, de gneis et de micaschiste, alternent et constituent des formations complexes de granite et gneis, de gneis et micaschiste; 3.° des terrains où les formations simples de granite, gneis, micaschiste et thonschiefer sont superposées sans alternance (avec ou sans passage au point du contact mutuel). Ce dernier cas n’exclut point, dans le gneis, par exemple, les couches de granite qui rappellent les roches de dessous, ni les couches de micaschiste, qui annoncent, pour ainsi dire, d’avance les roches qui se trouveront superposées. Nous ferons suivre au thonschiefer quatre formations parallèles: Roche de Quarz. Granite-Gneis postérieur au Thonschiefer. Porphyre primitif? Euphotide primitive. La première de ces formations est très-peu connue en Europe; la troisième paroît douteuse comme formation indépendante. Roche de quarz (avec masses de fer oligiste métalloïde). §. 16. C’est la grande formation qui embrasse l’Itacolumite, ou quarz élastique chloriteux (gelenkquarz, biegsamer sandstein, chloritquarz) de M. d’Eschwege, et des couches de fer oligiste micacé et spéculaire. Au sud de l’équateur, dans les montagnes du Brésil et dans les Cordillères des Andes, on trouve des masses de quarz, tantôt entièrement pur, tantôt mêlé de talc et de chlorite, qui, par l’énorme épaisseur de leurs couches et par l’étendue qu’elles occupent, méritent l’attention des géognostes. Ces roches de quarz m’ont paru offrir plusieurs formations d’une ancienneté relative très-différente. Dans l’Amérique méridionale, les unes sont liées à un thonschiefer qui est décidément primitif; les autres, bien plus difficiles à saisir dans leurs rapports de superposition, sont placées entre les porphyres de transition et le calcaire alpin; elles remplacent quelquefois le grès rouge. Nous ne parlerons ici que des premières, en séparant les formations dont le gisement est exactement connu, de celles qui offrent plus d’incertitude. Sur le plateau de Minas-Geraes près de Villa-Rica (selon les belles observations de M. d’Eschwege, directeur général des mines du Brésil), un micaschiste qui renferme des bancs de calcaire grenu, est recouvert d’un thonschiefer primitif. Sur cette dernière roche repose, en stratification concordante, le quarz chloriteux (chloritquarz) qui constitue la masse du Pic d’Itacolumi, à 1000 toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer. Cette formation quarzeuse renferme des couches alternantes, 1.° de quarz aurifère blanc, ou verdâtre, ou rubané, mêlé de talc-chlorite et offrant des strates de quarz flexible, que l’on a faussement attribuées jusqu’ici à l’hyalomicte (greisen), ou à des couches de quarz dans le micaschiste; 2. ° de chlorite schisteuse; 3. ° de quarz aurifère, mêlé de tourmaline (schörlschiefer de Freiesleben); 4. ° de fer oligiste métalloïde, mêlé de quarz aurifère (goldhaltiger eisenglimmerschiefer). Les couches de quarz chloriteux ont jusqu’à 1000 pieds d’épaisseur. Toute cette formation est couverte d’une brèche ferrugineuse extrêmement aurifère. C’est à la destruction des couches que nous venons de nommer, et qui sont liées géognostiquement les unes aux autres, que M. d’Eschwege croit pouvoir attribuer les terrains de lavage qui renferment à la fois l’or, le platine, le palladium et les diamans (Corrego das Lagens), l’or et les diamans (Tejuco), le platine et les diamans (Rio Abaete). Le chloritschiefer décomposé, dont on tire les topazes et les euclases du Brésil, appartient à cette même formation. Quelquefois, dans les montagnes de Minas-Geraes, la roche de quarz est d’une structure plus simple. Sans être compósée de couches alternantes, elle n’offre qu’une seule masse de quarz entrelacé avec du fer spéculaire granulaire ou dense (dichter eisenglanz; fer oligiste non lamellaire, non micacé). Cette masse a jusqu’à 1800 pieds d’épaisseur, et ne contient pas d’or disséminé. Elle est placée sur le thonschiefer primitif qui recouvre immédiatement le gneis. On peut dire que c’est cette formation peu connue de quarz-Itacolumite qui a fourni, par sa décomposition (par les terrains meubles auxquels il a donné naissance), dans les années 1756 — 1764, annuellement près de trente millions de francs en or. Elle succède immédiatement au thonschiefer; mais, d’après les observations faites jusqu’ici, il seroit difficile de la considérer avec les schistes novaculaires (cos, wezschiefer), qui sont gris-verdâtre, gris de fumée, mêlés de beaucoup d’alumine, comme des couches subordonnées au thonschiefer. Le quarz-Itacolumite, par une affinité oryctognostique qui existe entre le talc et la chlorite, se rapproche du schiste talqueux (talkschiefer), qui abonde, dans tous les pays, en minéraux bien cristallisés, et qui, par la suppression des lames de talc, n’est quelquefois que du quarz pur: aussi le schiste talqueux forme-t-il, dans les deux continens, des couches subordonnées au thonschiefer et au micaschiste primitifs. J’ai trouvé une formation analogue à celle de Minas-Geraes, mais dépourvue de fer spéculaire, à 1600 toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer, dans les savanes de Tiocaxas (au sud du Chimborazo, entre Guamote et San-Luis) et à l’est du Paramo de Yamoca près de Hacatacumba (Andes de Quito). D’énormes masses de quarz y sont mêlées à quelques feuillets de mica, et superposées au thonschiefer primitif. L’indépendance des formations quarzeuses primitives, que nous indiquons ici, sera mieux établie lorsqu’on les trouvera immédiatement superposées, non toujours à la même roche (au thonschiefer), mais à différentes roches plus anciennes, par exemple, au micaschiste, au gneis et au granite. C’est dans cette indépendance de gisement que s’observe la roche de quarz de Contumaza, que je crois secondaire: elle recouvre d’abord le porphyre, puis (près de Cascas) le même granite qui forme les côtes de la Mer du Sud dans le Bas-Pérou. Une observation très-importante, que M. de Buch a faite dans le nord de la péninsule Scandinave, paroît justifier la place que nous assignons, parmi les roches primitives, à la roche de quarz de l’hémisphère austral. Cet infatigable voyageur a reconnu que, dans la région boréale de l’ancien monde, le thonschiefer primitif est remplacé quelquefois par une roche de quarz que colore le fer. Cette roche de quarz et le thonschiefer sont par conséquent, en Norwége, des roches parallèles, des équivalens géognostiques. Il est bien remarquable de voir le soufre, l’or, le mercure et le fer oligiste métalloïde, liés dans l’Amérique méridionale à ces énormes amas de silice. Quel que soit l’intérêt qu’inspirent les métaux précieux, on ne sauroit nier que l’abondance du soufre dans des terrains primitifs est, sous le rapport de l’étude des volcans et des roches à travers lesquelles le feu souterrain s’est frayé son chemin, un phénomène bien plus important que l’abondance de l’or. Un peu au sud des hautes savanes de Tiocaxas et de Guamote (Cordillères de Quito), où nous venons de désigner la formation, peut-être indépendante, de quarz superposé au thonschiefer, j’ai examiné la célèbre montagne de soufre de Ticsan, qui est une couche de quarz (direction N. 18° E.; inclinaison 70 — 80° au NO.; épaisseur de la couche, 200 toises; hauteur au-dessus du niveau de la mer, 1250 toises) dans le micaschiste. Au Brésil, la formation de quarz chloriteux (Itacolumite), superposée au thonschiefer primitif, renferme nonseulement de l’or, mais aussi du soufre. Des plaques de cette roche, fortement chauffées, brûlent avec une flamme bleue. Un thonschiefer du même âge que celui sur lequel est superposé le quarz chloriteux, renferme (Serra do Frio, près de S. Antonio Pereira) un banc de calcaire primitif mêlé de masses de soufre natif. L’or et le soufre se trouvent aussi (Andes de Caxamarca, au Pérou, entre Curimayo et Alto del Tual), sur la limite des porphyres de transition et des calcaires alpins, dans des masses puissantes de quarz qui sont parallèles au grès rouge. C’est à ces mêmes roches de quarz, ou plutôt à des formations plus neuves encore, qu’appartient le grand dépôt (quarzflötz) de mercure sulfuré de Guancavelica, tandis que le mercure de Cuença (partie méridionale du royaume de Quito), de même que celui du duché de Deuxponts, appartient au grès rouge. Ces notions suffisent pour répandre quelque jour sur les couches puissantes de quarz que nous avons observées, M. d’Eschwege et moi, dans l’hémisphère austral, et qu’on ne peut guère appeler des grès quarzeux. Ces roches semblent passer, comme les formations calcaires, à travers les différens terrains primitifs, intermédiaires et secondaires. Plusieurs géognostes célèbres ont déjà tenté d’introduire des roches de quarz, comme formations indépendantes, dans le type général des terrains. Le quarzgebirge de Werner est primitif et repose sur du gneis (Frauenstein, Oberschönau, en Saxe), dont peut-être il a été jadis recouvert. Des couches qui appartiennent essentiellement à une formation, se trouvent quelquefois à la limite supérieure et inférieure de cette formation (exemples: schiste bitumineux sous le zechstein ou calcaire alpin; gypse au-dessus du zechstein; kieselschiefer, pierre lydienne ou ampélite, au-dessus du thonschiefer de transition et dans cette roche). Les petites masses de quarz primitif observées sur la crête des montagnes de l’Europe ne peuvent être comparées, pour leur puissance et leur étendue, aux roches de quarz primitives des Andes et du Brésil. Le granular-quarzrock (avec feldspath) des Hébrides de M. Jameson, les roches quarzeuses et chloriteuses antérieures au grauwacke et liées au grès rouge (primary red sandstone) de M. Maculloch, offrent quelques traits d’analogie géognostique avec les masses quarzeuses de l’Amérique équinoxiale; mais elles sont beaucoup plus mélangées (moins simples de structure), et pourroient bien, d’après les discussions intéressantes de M. Boué, appartenir à d’anciennes roches de transition. Le trappsandstein ou quarzfels secondaire de quelques géognostes allemands entoure les basaltes, et est, à n’en pas douter, d’un âge beaucoup plus récent que la formation de quarz en masse (extrêmement pur, non mélangé et non agrégé) qui, placé entre le porphyre de transition et le calcaire alpin, atteint, d’après mes observations à la pente occidentale des Andes du Pérou (Contumaza, Namas), l’énorme épaisseur de 6000 pieds. Granite et Gneis postérieur au Thonschiefer. §. 17. Une formation de granite à petits grains, passant quelquefois à un gneis grenatifère et alternant avec lui. Cette formation intéressante (Kielvig, à l’extrémité septentrionale de la Norwége, et îles Shetland) repose, selon M. de Buch, sur le thonschiefer primitif. Elle renferme de l’amphibole et du diallage; elle manifeste par là son affinité avec une des formations suivantes. On pourroit désigner les formations de granite (§§. 4, 7, 12 et 17) par les noms de granite du weisstein, du gneis, du micaschiste et du thonschiefer; mais ces dénominations feroient croire que ces petites formations sont nécessairement dans le weisstein, dans le gneis, dans le micaschiste et dans le thonschiefer: elles se trouvent simplement superposées aux roches dont elles paroissent dépendre. La présence de l’étain, du fer magnétique (?), de l’amphibole, de la diallage, du grenat, du talc et de la chlorite remplaçant le mica, comme la tendance de passer à la pegmatite (schriftgranit), caractérisent les granites de nouvelle formation. Porphyre primitif? §. 18. Existe-t-il une formation primitive et indépendante de porphyre? Il ne peut être question ici, ni des porphyres qui se trouvent comme des bancs subordonnés dans d’autres roches primitives (§§. 5 et 15), ni de ces gneis et micaschistes des hautes Alpes qui deviennent grenus et prennent, par l’isolement des cristaux de feldspath, un aspect porphyroïde. J’hésite de placer parmi les roches primitives les porphyres de Saxe et de Silésie (duché de Schweidnitz), quoique les premiers recouvrent immédiatement le gneis (entre Freiberg et Tharandt). Ils sont quelquefois traversés par des filons d’étain (Altenberg) et des minérais d’argent (Grund). Les porphyres de Silésie renferment de l’amphibole disséminé (Friedland): on les a crus jusqu’ici plus anciens que le thonschiefer primitif. Il est certain que les porphyres de Saxe sont en partie des porphyres de transition, en partie des porphyres de grès rouge. Dans les Cordillères des Andes du Pérou, de Quito, de la Nouvelle-Grenade et du Mexique, parmi cette innombrable variété de roches porphyriques dont les masses atteignent 2500 à 3000 toises d’épaisseur, je n’ai pas vu un seul porphyre qui me parût décidément primitif. La formation la plus ancienne que j’aie observée, se trouve dans la vallée profonde de la Magdalena (entre Guambos et Truxillo, au Pérou): c’est un porphyre à base argileuse, un peu décomposée, avec feldspath commun, non vitreux, sans amphibole, mais aussi sans quarz. Cette formation, qui paroît distincte de tous les porphyres de transition et trachytiques de Quito et de la crête des Andes du Pérou, vient au jour à 600 toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer; elle est placée immédiatement sur le granite, et recouverte, à la pente occidentale des Andes, d’une roche de quarz secondaire, à la pente orientale (vraisemblablement) de grès rouge. V. Euphotide primitive postérieure au Thonschiefer. §. 19. Une formation placée à la limite des formations primitives et de transition. C’est le Gabbro de M. de Buch; l’Euphotide de M. Haüy; le Schillerfels de M. de Raumer; l’Ophiolithe de M. Brongniart. Cette roche a été désignée jadis sous les noms de serpentinite, granite serpentineux, granite de diallage, granitone, granito di gabbro, granito dell’ Impruneta, serpentinartiger urgrünstein. Nous la caractérisons ici telle que M. de Buch l’a circonscrite le premier. Elle se trouve superposée (cap Nord de l’île Mageroe, en Norwége) à un schiste primitif, qui passe vers le haut à l’euphotide, vers le bas au micaschiste. L’euphotide du Val Sesia recouvre aussi, selon M. Beudant, immédiatement le micaschiste primitif. On peut dire qu’en général l’euphotide ou gabbro est un mélange de diallage (smaragdite), de jade (saussurite, feldspath tenace) et de feldspath lamelleux. Quelquefois (Bergen, en Norwége) le jade manque entièrement; mais dans le verde di Corsica (Stazzona, au nord de Corte et S. Pietro di Rostino dans l’île de Corse) l’euphotide n’est qu’un mélange de jade voisin du feldspath compacte, et de diallage verte sans feldspath lamelleux. Quoique, d’après les intéressantes observations rapportées par M. Haüy dans son Tableau comparatif, les diallages métalloïdes (schillerspath) vertes, à reflets satinés, et les diallages grises passent progressivement (roches du Musinet près de Turin) les unes aux autres, on peut pourtant distinguer ces substances par les caractères géognostiques qu’elles offrent le plus fréquemment en grand. L’euphotide à diallage grise est beaucoup plus fréquente (un peu plus ancienne?) que l’euphotide à diallage verte. La serpentine est presque toujours dans une liaison de gisement intime avec l’euphotide, dont elle ne semble être qu’une variété à très-petits grains, d’apparence homogène. Cette liaison se manifeste aussi en Hongrie (Dobschau), où M. Beudant a trouvé l’euphotide grenue et schisteuse immédiatement superposée au micaschiste primitif. La soude, d’après les travaux de Théodore de Saussure et de Klaproth, s’observe parmi les roches primitives dans le feldspath compacte du weisstein et du grünsteinschiefer, dans le jade des euphotides, et dans la lazulite (outre-mer) du Baldakschan. Cette dernière substance paroît appartenir à une couche de calcaire primitif intercalée au granite-gneis. Bancs subordonnés à l’euphotide: serpentine avec asbeste et diallage métalloïde; serpentine accompagnée de chrysoprase, opale et calcédoine (Kosemitz, en Silésie); calcaire grisâtre compacte, passant au calcaire à petits grains (Alten, en Norwége). Ce calcaire rapproche l’euphotide de la Scandinavie, qui est le dernier membre des formations primitives, du terrain des roches intermédiaires très-anciennes. Comme l’euphotide n’est souvent pas recouverte, et que la superposition d’une roche sur une autre très-ancienne ne nous éclaire pas sur l’époque de sa formation, il reste des doutes sur l’âge relatif de beaucoup d’euphotides. M. de Buch a vu celle du Haut-Valais (Saas, Mont-More) placée au-dessus du micaschiste; celle de Sestri, au nord du golfe de la Spezzia, sous le thonschiefer (de transition?) de Lavagna. M. de Raumer, dans son excellent ouvrage sur la Silésie inférieure, place le schillerfels du Zobtenberg parmi les formations primitives; M. Keferstein y range l’euphotide du Harz (entre Neustadt et Oderkrug), qui renferme du titane ferrifère (nigrine) disséminé. Je pense aussi que les serpentines du Heideberg près de Zell, et celles que l’on trouve entre Wurlitz et Kotzau, où elles renferment du pyroxène-diopside, sont très-anciennes. Toutes ces serpentines des montagnes de Bareuth m’ont paru intimement liées au schiste amphibolique (hornblendschiefer) et au schiste chloriteux (chloritschiefer). Elles offrent des propriétés magnétiques très-remarquables, que j’ai fait connoître en 1796, et qui depuis ont été l’objet des recherches plus exactes de MM. Goldfuss, Bischof et Schneider. En jetant un coup d’œil général sur les euphotides des deux continens, on ne sauroit se refuser d’admettre plusieurs formations, d’un âge relatif assez distinct. Les euphotides que j’ai observées à l’île de Cuba, à Guanaxuato, au Mexique, et à l’entrée des Llanos de Venezuela, sont liées soit à la syénite soit au calcaire noir, et me semblent bien décidément des euphotides de transition, de même que l’euphotide (serpentine stratifiée en couches assez minces: direct. N. 52° E.; incl. 70° au NO.; épaisseur 10 toises) de la cime de la Bochetta de Gênes, que j’ai observée en 1795 et 1805, et qui est intercalée à un thonschiefer de transition qui alterne avec du calcaire noir. Les euphotides de la Spezzia, de Prato et de tout le Siennois, que MM. de Buch et Brocchi considèrent comme de formation primitive ou de formation de transition très-ancienne, paroissent à M. Brongniart, qui les a récemment examinées avec beaucoup de soin, appartenir aux formations secondaires, ou tout au plus aux formations de transition les plus récentes. Les géognostes célèbres que je viens de nommer, sont assez d’accord sur le gisement immédiat de ces euphotides de l’Italie, c’est-à-dire sur la détermination oryctognostique des roches qui se trouvent au-dessous et au-dessus de l’euphotide; mais ils diffèrent sur l’âge de formation que l’on doit assigner géognostiquement à ces roches en contact avec l’euphotide. C’est ainsi qu’en géographie on connoît quelquefois avec précision le gisement d’un îlot, par rapport aux îles voisines; tandis que la longitude absolue de tout l’archipel, sa plus grande proximité de l’ancien ou du nouveau continent, restent encore incertaines. Terrains de transition. Le terrain de transition réunit, d’après M. Werner, des roches qui offrent dans leur composition beaucoup d’analogie avec celles des terrains primitifs, mais qui alternent avec des roches fragmentaires ou arénacées (clastiques, agrégées; roches de transport). Quelques débris de corps organiques (des empreintes de roseaux, de palmiers et de fougères arborescentes; des madrépores, pentacrinites, orthocératites, trilobites, hystérolithes, etc.) y paroissent de préférence, je ne dirai pas dans les roches supérieures, ou les moins anciennes de cet ordre, mais en général dans les roches non feldspathiques et dont la masse ne présente pas un aspect très-cristallin. Ce sont surtout les belles observations de MM. de Buch et Brochant qui ont étendu les limites des terrains de transition. Ces limites sont plus faciles à fixer vers le haut, où commencent les terrains secondaires, que vers le bas, où finissent les terrains primitifs. J’ai rappelé ailleurs comment, par les micaschistes anthraciteux et les thonschiefer verts, les roches de transition se lient aux roches primitives; comment, par les porphyres à feldspath vitreux, elles se lient aux terrains volcaniques, et par les grauwackes à petits grains et les porphyres abondant en cristaux de quarz, au grès rouge et aux porphyres des terrains secondaires. Dans les régions les plus éloignées les unes des autres, des roches analogues, des thonschiefer talqueux, à feuillets fortement contournés, chargés de carbone, renfermant de l’ampélite (alaunschiefer) et de la pierre lydienne; des calcaires noirs alternant avec le thonschiefer, des grauwackes, des porphyres et des syénites mélangés de fer titané, se trouvent placés entre des roches primitives, c’est-à-dire entièrement dépourvues de traces d’organisation et de masses arénacées, et la grande formation de houilles; mais la succession des roches homonymes de transition varie même là où elles semblent toutes également développées. Le plus grand nombre des formations de ce terrain sont composées de deux ou trois roches alternantes (calcaire noir compacte, grünstein et thonschiefer; grauwacke et porphyre; calcaire grenu, grauwacke et micaschiste anthraciteux); et comme des membres partiels des groupes ou formations d’une structure si compliquée passent d’un groupe a l’autre, d’excellens observateurs, MM. de Raumer, d’Engelhardt et Bonnard, ont été tellement frappés de ce phénomène de connexité et d’alternance, qu’ils ne reconnoissent dans la classe entière qu’une seule grande famille de roches. Si l’ou examine les formations de transition d’après leur structure et leur composition oryctognostique, on y distingue cinq associations très-marquées: les roches schisteuses; les roches porphyritiques (feldspathiques ou syénitiques); les roches calcaires grenues et compactes, avec gypse anhydre et sel gemme; les roches d’euphotide, et les roches agrégées (grauwacke et brèches calcaires). Sur quelques points du globe un seul de ces groupes ou de ces associations de roches cristallisées et non cristallisées a pris un développement si extraordinaire, que les autres groupes paroissent presque entièrerement supprimés. C’est ainsi que dominent dans les Cordillères du Mexique et de Quito, comme en Hongrie et dans plusieurs parties de la Norwége, les porphyres et les syénites de transition; dans la Tarantaise, les calcaires grenus et talqueux; dans quelques régions des Alpes et de la Bochetta, les calcaires noirs presque compactes ou à très-petits grains; enfin, au Harz et sur les bords du Rhin, les grauwackes et thonschiefer de transition: mais cette épaisseur et cette étendue qu’acquièrent les masses minérales, ne doivent pas guider le géognoste lorsqu’il discute l’âge relatif des formations partielles. Une extrême variété de gisement ne s’observe pas seulement dans les petites formations; aussi les grandes formations homonymes très-développées ne peuvent guère être envisagées comme contemporaines, c’est-à-dire qu’elles n’ofrent pas le même gisement par rapport aux autres termes de la série des roches in termédiaires. Les porphyres de Guanaxuato, par exemple, sont superposés à un thonschiefer stéatiteux et chargé de carbone; ceux de la Hongrie, à un micaschiste talqueux de transition renfermant des bancs de calcaire gris-noirâtre. Les porphyres des Andes de Quito (et des îles Britanniques?) recouvrent immédiatement des roches primitives, et sont par conséquent antérieurs à toute roche calcaire qui renferme des vestiges de corps organisés: au contraire, les porphyres et syénites zirconiennes de Norwége, comme probablement aussi les porphyres du Caucase, si bien observés par MM. d’Engelhardt et Parrot, succèdent, selon l’âge de leur formation, au calcaire rempli d’orthocératites. Les plus grandes masses de grauwacke (alternant avec le grauwackenschiefer) se sont développées sans doute au milieu des schistes de transition les plus anciens; mais on trouve aussi des bancs de grauwacke très-puissans, d’une origine beaucoup plus récente. En général, les cinq groupes de roches que nous venons de distinguer d’après des rapports de composition ou des caractères oryctognostiques, ne conservent pas partout la même place dans la série des formations intermédiaires; ils ne se trouvent guère séparés dans la nature comme dans une classification oryctognostique des roches. On observe que les thonschiefer et les calcaires noirs, les thonschiefer et les porphyres, les thonschiefer et les grauwackes, les porphyres et les syénites, les calcaires grenus et les micaschistes anthraciteux, forment des associations géognostiques dans les contrées les plus éloignées les unes des autres. C’est la constance de ces associations binaires ou ternaires qui caractérise les terrains de transition, bien plus que l’analogie qu’offre dans chaque groupe la succession des roches homonymes. En discutant les terrains primitifs où les formations sont plus simples, plus tranchées, sujettes à des alternances moins fréquentes, j’ai pu essayer d’énumérer séparément les granites qui succèdent aux gneis, les gneis qui succèdent aux micaschistes. Il y a des granites et des gneis primitifs de différens âges, comme dans les terrains de transition il y a des grauwackes ou des calcaires noirs, semblables de composition, mais très-éloignés les uns des autres, selon leur ancienneté relative. Si dans ces derniers terrains le géognoste ne tente pas de nommer séparément les différentes couches de grauwacke ou de calcaire, c’est parce que ces couches, isolément, n’ont pas de valeur comme termes de la série des roches intermédiaires; elles n’en ont qu’autant qu’elles font partie de certains groupes. Or, ce sont ces groupes mêmes, ces associations constantes de thonschiefer, grünstein et grauwacke, de calcaire stéatiteux et grauwacke, de porphyre et grauwacke, etc., qui sont les véritables termes de la série. Il en résulte que, d’après les principes que nous suivons dans l’arrangement des formations, on doit énumérer séparément non des masses isolées de calcaire, de grauwacke et de porphyre, qui se mêlent entre elles ou à d’autres roches, mais des groupes entiers et bien caractérisés, ceux, par exemple, dans lesquels dominent les grauwackes et les thonschiefer, ou les porphyres et les syénites. Parmi ces derniers les uns sont postérieurs, les autres antérieurs à des roches qui renferment des débris d’êtres organisés. Dans les terrains primitifs les termes de la série sont généralement simples; dans les terrains de transition ils sont tous complexes, et c’est de cette complexité même que naît la difficulté d’étudier, par assises, un édifice dont on saisit avec peine l’ordonnance au milieu de l’entassement de tant de matériaux semblables. Pour justifier l’ordre que j’assigne aux différens terrains de transition, je commencerai par présenter dans le tableau suivant la succession des formations (en commençant par les plus anciennes) qui ont été observées dans plusieurs contrées et examinées avec soin. Je n’emploîrai que la description oréographique des géognostes habitués à suivre les mêmes principes dans la dénomination des roches. 1. Andes de Quito et du Pérou. Porphyres de transition, non métallifères, recouvrant immédiatement les roches primitives (granite, thonschiefer). Grünstein en boules (kugelgestein). Calcaire noir, superposé au porphyre. Je n’y ai pas vu de grauwacke; il est remplacé, dans les Andes de Quito et du Pérou, au sud de l’équateur, par la grande formation de porphyre. 3. Montagnes du Mexique. Thonschiefer de transition, chargé de carbone, renfermant des couches de syénite et de serpentine. Les couches inférieures passent au schiste talqueux et reposent sur des roches primitives. Syénite alternant avec du grünstein. 2. Montagnes de Venezuela. Schistes verts stéatiteux de transition, couvrant du gneis-micaschiste primitif. Calcaire noir. Serpentine et grünstein (recouverts d’amygdaloïde avec pyroxène). C’est la suite de roches que j’ai observée au bord septentrional des Llanos de Calabozo. 4. Hongrie. Micaschiste de transition avec des bancs de calcaire noir superposé à des roches primitives. Porphyres et syénites de transition. Couches subordonnées: micaschiste de transition; calcaire grenu blanc avec serpentine; masses de grünstein. Ces porphyres sont, comme la plupart de ceux des Andes, immédiatement recouverts par des trachytes syénitiques blancs et noirs. (Observations de M. Beudant.) Porphyre de transition, métallifère, placé immédiatement sur le thonschiefer de transition. Les couches supérieures passent à la phonolithe. Telle est la série de roches de Guanaxuato. Dans le chemin de Mexico à Acapulco j’ai vu les porphyres de transition reposer immédiatement sur le granite primitif. Près de Totonilco ces porphyres sont couverts de roches secondaires, tels que le calcaire alpin, le grès et le gypse argileux. Je n’ose prononcer sur les rapports d’âge entre les calcaires de transition des mines du Doctor et de Zimapan, et les porphyres de Guanaxuato et de Pachuca; mais, d’après MM. Sonneschmidt et Valencia, on voit suivre dans les riches mines de Zacatecas, presque comme à Guanaxuato, de bas en haut, syénite et thonschiefer de transition (avec grünstein et pierre lydienne), grauwacke, porphyre non métallifère. 5. Tarantaise. Une même formation, reposant immédiatement sur le terrain primitif, renferme du calcaire grenu stéatiteux, du micaschiste avec gneis et du grauwacke anthraciteux. Ces différentes roches alternent plusieurs fois et offrent des bancs subordonnés de serpentine, de grünstein, de quarz compacte et de gypse de transition. (Observations de M. Brochant de Villiers.) 6. Suisse. Dans le passage des Alpes, de Chiavenna à Claris, d’après M. de Buch: Thonschiefer de transition, avec des couches de calcaire gris, reposant sur du thonschiefer et du micaschiste primitifs. Serpentine avec grenats. Calcaire noir. Grauwacke. Thonschiefer alternant avec du calcaire noir. Thonschiefer avec empreintes de poissons (presque secondaire). Dans les environs de Bex, d’après M. de Charpentier: Grauwacke superposé au gneis (primitif?). Calcaire noir, renfermant des bélemnites, et alternant avec du thonschiefer de transition. Calcaire argileux de transition, avec ammonites, offrant des couches subordonnées de grauwacke, de gypse anhydre et de sel gemme. M. de Buch, d’après des observations géognostiques faites avant l’année 1804, assignoit aux formations de transition de la Suisse occidentale, considérées sous un point de vue général, et en passant des roches inférieures aux roches supérieures, l’ordre suivant: Thonschiefer de transition. — Calcaire noir. — Muriacite salifère et gypse. — Grauwacke. — Calcaire noir. — Thonschiefer, avec empreintes de poissons. 7. Allemagne. Système de gisement en Saxe, entre Freiberg, Maxen et Meissen, d’après MM. de Raumer et Bonnard: Thonschiefer avec ampélite et pierre lydienne, alternant à la fois avec du grauwacke, du grünstein, du porphyre et du calcaire. Ce terrain repose sur le gneis primitif. Syénite et porphyre. Dans cette formation, qui abonde aussi au Thüringerwald, selon l’excellente description de M. Heim, se trouvent intercalés du granite et du gneis de transition. Le Harz et l’Allemagne occidentale (entre le Rhin et la Lahn) sont recouverts d’une grande formation de thonschiefer, dans laquelle, comme par développement intérieur, se montrent des masses de grauwacke et grauwackenschiefer, de calcaire (souvent d’une couleur peu foncée), de grünstein, de quarz et de porphyre. Cette dernière roche y est cependant plus rare que dans la formation indépendante de syénite et porphyre, que supporte dans d’autres contrées le thonschiefer de transition. 11. Caucase. Thonschiefer, peut-être déjà de transition. Calcaire noir avec ampélite. Porphyre de transition, alternant avec le thonschiefer. Ce porphyre, souvent colonnaire, avec feldspath vitreux, peu de quarz et peu de mica, ressemble dans les montagnes du 8. Presqu’île du Cotentin et Bretagne. Thonschiefer vert, luisant, stéatiteux (de transition), alternant quelquefois avec du grauwacke, avec du calcaire noir et avec la roche de quarz. Syénite et granite. Thonschiefer de transition, recouvrant quelquefois de nouveau la syénite. (Observations de MM. Brongniart et d’Omalius d’Halloy.) 9. Isles Britanniques. Syénite et porphyre de transition reposant sur des roches primitives. (Chaîne du Snowdon, Grampians, Ben-Nevis.) Thonschiefer de transition, avec trilobites, renfermant dans les couches inférieures un aglomérat de roches primitives, semblable à celui de la Valorsine (Llandrindod, Killarney, cime du Snowdon). Grauwacke (May-hill et North- Wales). Calcaire de transition (Longhope, Dudley). Grauwacke, old red sandstone (Mitchel Dean de Herefordshire). Calcaire de transition, mountainlimestone (Derbyshire), recouvert par la grande formation de houille. (Observations de M. Buckland, qui semble cependant regarder la syénite et une partie des porphyres comme primitifs.) 10. Norwége. Cisement des roches près de Christiania, d’après les observations de M. de Buch: Kasbek (comme font souvent les porphyres des sommets mexicains) à du trachyte poreux. Gneis, syénite et granite de transition en couches alternantes. Thonschiefer de transition, couvert d’un calcaire fétide, qui paroît secondaire. (Observations de MM. d’Engelhardt et Parrot.) Thonschiefer de transition, alternant avec du calcaire noir, rempli d’orthocératites et reposant sur du gneis primitif. Grauwacke et kieselschiefer. Porphyre à cristaux de quarz, renfermant une couche de grünstein poreux avec pyroxène. Syénite à zircons, et granite de transition, avec couches de porphyre. On reconnoît, dans ces différens types de superposition, recueillis en Europe, en Amérique et en Asie, au nord et au sud de l’équateur, que parmi les plus anciennes roches de transition trois grandes formations, celle de calcaire grenu et talqueux, grauwacke avec anthracite et micaschiste, celle de syénite et porphyre (à cristaux d’amphibole et très-peu de quarz), et celle de thonschiefer, grauwacke et calcaire noir, occupent à peu près le même rang sur différens points du globe. Les calcaires micacés et poudingues à fragmens de roches primitives de la Tarantaise; les porphyres et syénites du Pérou; le thonschiefer de transition avec grauwacke (Harz, Friedrichswalde en Saxe, Aggerselv en Norwége, et Guanaxuato au Mexique), sont peut-être d’une origine contemporaine. En rangeant les roches comme termes d’une seule série, il auroit fallu peut-être rappeler leur parallélisme de la manière suivante: II (I ou III). Je distingue, comme termes de la série des roches de transition, six groupes qui me paroissent bien caractérisés par les roches qui y dominent, par leur gìsement et par l’étendue de leur masse. Ces groupes ou grandes formations sont: I. Calcaire grenu stéatiteux, micaschiste de transition et grauwacke à fragmens primitifs. II. Porphyre (non métallifère) antérieur au calcaire à orthocératites, au thonschiefer et au micaschiste de transition. III. Thonschiefer renfermant des grauwackes, des calcaires, des porphyres et des grünstein. IV. Porphyres et syénites (métallifères) postérieurs au thonschiefer de transition, antérieurs à un calcaire qui renferme des débris organiques. V. Porphyres, syénites et granites zirconiens (non métallifères), postérieurs au thonschiefer et au calcaire avec orthocératites. VI. Euphotide de transition avec jaspe et serpentine. Presque chaque groupe est composé de roches alternantes, et plusieurs de ces roches, qu’on peut considérer comme de petites formations partielles, sont communes à tous les groupes. C’est cette communauté, cette alternance, ce retour périodique des mêmes masses, qui constituent l’unité apparente de la grande famille des terrains de transition. Cependant chaque groupe a des roches qui prédominent et qui lui donnent un aspect particulier. Tels sont les calcaires grenus et talqueux dans le premier groupe; les porphyres non métallifères, abondant en amphibole et presque dépourvus de quarz, dans le second; les grauwacke dans le troisième; les roches serpentineuses dans le sixième. Le quatrième et le cinquième groupes sont caractérisés, l’un par des porphyres et syénites métallifères; l’autre, par des granites zirconiens. Mais ce sont là des caractères en partie oryctognostiques; la véritable base de la division que nous proposons provisoirement aux géognostes, sont la superposition et l’âge relatif, observés dans différentes parties du globe. Une partie des porphyres mexicains et péruviens du deuxième et même du quatrième groupe, semble avoir des rapports intimes avec les trachytes, qui sont les plus anciennes parmi les roches volcaniques. Avant de décrire en détail les six grandes formations intermédiaires, je développerai quelques considérations générales sur le terrain de transition, superposé le plus souvent en gisement concordant au terrain primitif. La magnésie; le fer oxidulé (magnétique), qui offre des rapports géognostiques si frappans avec toutes les substances dans lesquelles domine la magnésie; le fer titané; le carbone et la chaux carbonatée, pénètrent à travers la plupart des formations de transition. M. Beudant a fait l’observation importante, que les syénites et porphyres de Schemnitz, de Plauen et de Guanaxuato font effervescence avec les acides, tandis que les trachytes (porphyres trachytiques) de la Hongrie n’offrent pas le même phénomène. Saussure et M. Brochant ont trouvé effervescens des micaschistes de transition (à la Tête-Noire) et des quarz compactes (dans la Tarantaise), là même où ces roches sont très-éloignées de bancs intercalés de calcaire grenu stéatiteux. J’ai vu dans les Cordillères du Pérou (Paramo de Yamoca), comme dans le Thüringerwald-Gebirge (entre Lauenstein et Gräfenthal), un thonschiefer qui offroit d’abord tous les caractères d’une roche primitive, mais qui peu à peu devenoit effervescent, et dont les dernières couches présentoient des nœuds épars de calcaire compacte gris-noirâtre. La chaux carbonatée, d’abord disséminée dans la masse entière, se concentre progressivement pour donner à la roche une structure glanduleuse, pour former des strates minces alternans, des bancs intercalés, et à la fin des roches calcaires grenues ou compactes, qui remplacent le thonschiefer, le micaschiste ou l’euphotide, au sein desquels elles se sont développées. M. Steffens, dans son Traité d’Oryctognosie, a consigné des remarques ingénieuses sur le rôle important que le feldspath et l’amphibole jouent dans les terrains primitifs, dans les terrains intermédiaires ou de transition, et dans le grès rouge. Au milieu du second de ces terrains le feldspath se montre jusque dans le calcaire compacte. On peut croire qu’en passant du granite au thonschiefer, par les gneis et les micaschistes, cette substance reste cachée dans la pâte qui n’est qu’homogène en apparence; car nous voyons le thonschiefer de transition devenir quelquefois du porphyre, comme, par d’autres développemens intérieurs, par des accumulations de silice et de carbone, et par l’agrégation des élémens de l’amphibole, il devient du kieselschiefer, de l’anthracite, du grünstein et de la syénite. Dans les porphyres de transition on distingue souvent deux sortes de feldspath, le commun, et le vitreux à cristaux très-effilés (Andes du Pérou, vallée de Mexico). Ce dernier, qui est moins une espèce minéralogique qu’un état particulier du feldspath commun, appartient à la fois aux terrains de transition et aux véritables trachytes. La présence fréquente de l’amphibole et le manque de quarz cristallisé distinguent oryctognostiquement beaucoup de porphyres de transition de ceux des terrains primitifs. Ces derniers ne sont peut-être que des couches subordonnées à d’autres roches. L’amphibole, qui est presque restreint aux bancs intercalés dans le terrain primitif, n’est nulle part plus abondant que dans les terrains de transition et dans les terrains trachytiques. Parmi les premiers, les grünstein et les syénites offrent, par des changemens de proportions dans les élémens du tissu cristallin, une espèce de lutte entre le feldspath et l’amphibole. Le pyroxène, que l’on croit trop exclusivement caractériser les trachytes, les basaltes et les dolérites, est propre à plusieurs porphyres de transition des Andes et de la Hongrie. On le trouve aussi dans les couches bulleuses, noires et basaltiques, de la syénite zirconienne de Norwége. J’ai cru avoir reconnu dans quelques porphyres de transition de l’Amérique équinoxiale des traces d’olivine; mais ce n’étoient sans doute que des variétés moins foncées et verdâtres du pyroxène, dont on distinguoit à peine les sommets dièdres, et dont je n’ai pu essayer la fusibilité au chalumeau. L’olivine appartient proprement aux formations basaltiques, et il est même encore douteux si elle se montre dans les trachytes. La tendance fréquente à la cristallisation, que l’on observe dans les terrains de transition au milieu de roches à sédiment et de roches agrégées, est un phénomène si extraordinaire, que des géognostes célèbres ont été tenté d’admettre que beaucoup de ces roches qui paroissent agrégées (sous forme de brèches ou poudingues; de roches clastiques et arénacées; de grès de transition ou d’agglomérats), bien loin de contenir des débris de roches préexistantes, ne sont que l’effet d’une cristallisation confuse, mais contemporaine. Des masses que dans quelques strates on a prises pour des fragmens anguleux et nettement circonscrits, se fondent à peu de distance de là dans la pâte même de la roche; d’autres masses, qui ressemblent à des cailloux roulés, deviennent des nœuds fortement adhérens aux lames contournées d’un schiste, s’alongent et s’évanouissent peu à peu. Lorsque l’on compare certains granites et porphyres, des brèches calcaires, des grauwackes et des grès rouges, on croit reconnoître dans des roches d’âge si différent, à de certains indices de structure, le passage insensible d’une formation contemporaine, d’une cristallisation simultanée, mais troublée par des attractions particulières, à une véritable agrégation (agglutination) de débris de roches préexistantes. Sous toutes les zones il y a des granites à gros grains, dans lesquels des masses à petits grains très-micacés se trouvent concentrées çà et là, et qui paroissent, au premier coup d’œil, renfermer des fragmens d’un granite plus ancien. Cette apparence est aussi trompeuse que celles de tant de porphyres, d’euphotides et de calcaires de transition, que les antiquaires et les marbriers désignent sous le nom de brèches ou de roches régénérées. Les prétendus fragmens, souvent striés ou rubanés (dans le verde antico et les calcaires les plus recherchés comme ornemens intérieurs des édifices), ne sont vraisemblablement que des masses qui se sont consolidées les premières dans un fluide fortement agité. L’eau congelée de nos fleuves, et divers mélanges de sels, dans nos laboratoires, présentent des phénomènes analogues. La manière dont les fragmens réunis ou anguleux du grauwacke, ceux des poudingues calcaires à pâte grenue et à fragmens compactes, ceux de certains grès rouges, paroissent quelquefois s’évanouir et se fondre dans la masse entière, est bien plus difficile à expliquer dans l’état actuel de nos connoissances. On ne peut révoquer en doute que l’alternance fréquente de strates visiblement agrégés et de strates presque homogènes ou légèrement noduleux, de même que le passage de ces masses les unes dans les autres, ont été constatés par des observations très-précises; et M. de Bonnard, dans son Traité des terrains, a eu raison de dire «que ce phénomène est un des plus incompréhensibles de tous ceux qui peuvent nous frapper dans l’étude de la géognosie.» Doit-on admettre, lorsque les contours des fragmens enchâssés disparoissent presque en entier, qu’il n’y a eu qu’un très-petit intervalle de temps entre la solidification des fragmens et celle de la pâte? Nous verrons plus tard que, dans le grès rouge, des cristaux de feldspath naissent dans cette pâte même et la rapprochent du porphyre du grès rouge. ( Steffens, Geognostisch-geolog. Aufs., p. 13, 16, 23, 31. Freiesleben, Kupfersch., T. IV, p. 115.) I. Calcaire grenu talqueux, Micaschiste de transition, et Grauwacke avec anthracite. §. 20. C’est un même terrain, une même formation, qui embrasse différentes roches calcaires, schisteuses et fragmentaires, alternant les unes avec les autres. Cette formation n’est pas composée de trois roches isolées (comme l’est la formation de porphyre, de syénite et de grünstein), mais de trois formations partielles, de trois séries ou systèmes de roches. Le type le plus compliqué de cet agroupement de roches presque contemporaines s’est développé au sud-est des Alpes, dans la vallée de l’Isère, où il a été l’objet des recherches approfondies de M. Brochant. Si presque tous les termes de la série des roches intermédiaires sont complexes, ces termes ou grandes formations n’en varient pas moins, selon le degré de cette complexité, selon le nombre et la nature des masses alternantes. Le terrain de la Tarantaise (c’est le nom sous lequel nous désignerons le terrain §. 20) offre dans sa structure et sa composition (dans ses calcaires grenus et talqueux, dans ses gneis et ses micaschistes) tellement l’apparence d’un terrain primitif, qu’on ne reconnoît son âge relatif que par quelques débris de corps organiques et par l’intercalation fréquente de couches arénacées (poudingues, brèches, grauwackes). Aussi, pendant long-temps les géognostes, négligeant l’observation de l’alternance et de l’unité de cette formation complexe, ont placé les poudingues de la Valorsine parmi les roches primitives, et les ont considérées comme un phénomène purement local. Des recherches qui embrassent une plus grande partie du globe, nous ont révélé beaucoup de faits analogues. Ces poudingues à fragmens primitifs sont des grauwackes qui alternent avec des calcaires micacés, ou avec les thonschiefer verts, ou avec des gneis de transition. On les observe dans les Alpes (Trient au Valais), dans la Tarantaise, en Irlande, dans les montagnes de Killarney et Saint-David; enfin, sur les côtes orientales de l’Égypte, dans la vallée de Cosseir (Qozir). Les calcaires de la Tarantaise et du petit Saint-Bernard, qui renferment des cristaux de feldspath disséminés, et qui constituent une espèce de roche porphyroïde à base calcaire, se retrouvent dans des formations analogues des Alpes de Carinthie. Ce phénomène d’association de la chaux et du feldspath est d’autant plus remarquable que le feldspath lamelleux et les calcaires grenus et compactes paroissent manifester partout ailleurs, dans leurs rapports géognostiques, une espèce de répulsion beaucoup plus prononcée que celle qu’on remarque dans quelques pays entre l’amphibole et le calcaire. Des micaschistes et des gneis de transition ont été regardés long-temps comme exclusivement propres à la région sud-ouest des Alpes; mais ils se retrouvent dans les terrains de thonschiefer et porphyre du Caucase, et dans le terrain de porphyre et syénite de Saxe et de Hongrie. Cependant, en général, la formation qui fait l’objet de cet article, et qui est caractérisée à la fois par l’absence des porphyres et par la fréquence des calcaires grenus et talqueux, des quarz micacés et des anthracites, paroît avoir plus favorisé le développement des micaschistes et des gneis de transition que les grandes formations de porphyres et syénites, ou de thonschiefer et grauwacke. C’est au contraire dans ces deux dernières que se trouvent plus abondamment les granites de transition, roches cristallines, grenues, non feuilletées, presque dépourvues de mica, et appartenant géognostiquement (lors même qu’elles ne renferment aucune trace d’amphibole) à la syénite, comme les micaschistes et les gneis de transition appartiennent au quarz micacé. Les syénites, soit qu’elles forment de simples couches dans les thonschiefer verts, soit qu’elles constituent avec les porphyres une formation indépendante, préludent pour ainsi dire aux granites de transition; les quarz compactes, schisteux et mélangés de feuillets de mica (quarz du terrain calcaire anthraciteux, quarz du terrain de thonschiefer et porphyre), préludent aux micaschistes et à ces gneis de transition que l’on a très-justement désignés comme des micaschistes porphyroïdes à cristaux (et nœuds) de feldspath. Ce sont ces modes divers de développement des granites au sein des roches syénitiques, des gneis et des micaschistes au sein des roches quarzeuses, qui nous font concevoir pourquoi les gneis et micaschistes se trouvent associés (environs de Meissen en Saxe, et pente septentrionale du Caucase) bien plus rarement au granite des terrains de transition, que des terrains primitifs. On pourroit dire que les granites du premier de ces terrains ne sont que des bancs de syénite avec suppression d’amphibole, et que la plupart des micaschistes de transition ne présentent que des modifications (de certains états) d’un quarz micacé, dans lequel le mica devient plus abondant. Cependant ces changemens par développement intérieur ne se font pas toujours de la même manière. Quelquefois aussi (vallée de Müglitz en Saxe) le granite de transition naît immédiatement du thonschiefer, et les syénites de Meissen et de Prasitz passent à la fois au granite et au gneis intermédiaires. Voici les séries de roches calcaires, schisteuses et arénacées alternantes, qui constituent la formation que nous plaçons à la tête des terrains de transition. Calcaires grenus talqueux, souvent veinés, schisteux, fétides (comme le marbre grenu et blanc de l’île de Thasos), mêlés de grains ou nœuds de quarz, et renfermant (Sainte-Foix) des couches d’une serpentine de transition. Calcaire compacte jaunâtre, quelquefois gris et renfermant des cristaux de feldspath (Bonhomme, Petit Saint-Bernard et vallée de la Tarantaise). Poudingues ou conglomérats calcaires à pâte grenue et à fragmens compactes (brèche tarentaise de Villette). Ces trois roches, qui forment une sous-division du groupe §. 20, alternent entre elles et avec les schistes de la série suivante. Les calcaires compactes de transition ressemblent quelquefois au calcaire du Jura, d’autres fois ils passent au calcaire à petits grains. Le calcaire saccharoïde talqueux, souvent blanc et veiné, prend l’aspect des beaux marbres primitifs du Pentelique (Cipolino), de l’Hymette et du Caryste dans l’Eubée. Les débris de corps organisés manquent généralement dans la série calcaire; mais, comme nous le verrons bientôt, les roches de cette série alternent avec des schistes remplis d’empreintes de plantes monocotylédones. M. Brochant a même découvert une pétrification de nautile ou d’ammonite dans les poudingues calcaires de la Villette, entre Moutiers et Saint-Maurice. Thonschiefer de transition, ou rubanés, et offrant des lames de calcaire interposées, ou onctueux, mélangés de talc fibreux (mine de Pesey), sans parties calcaires visibles, mais faisant effervescence avec les acides. Ce thonschiefer renferme (Bonneval) des couches subordonnées de grünstein. Quarz compactes, ou quarzites, sans mélange, ou micacés, et appartenant aussi bien aux calcaires grenus qu’au thonschiefer de transition. C’est de l’accumulation du mica dans ces quarz compactes que naissent les micaschistes de cette formation, et même les gneis; car souvent les quarz renferment un peu de feldspath disséminé dans la masse. Les micaschistes, passant à des schistes noirs bitumineux, remplis d’empreintes végétales (Montagny, Petit Saint-Bernard, Landry), sont associés à des anthracites, et alternent (Moutiers) avec les calcaires stéatiteux et des grauwackes ou poudingues à fragmens primitifs. La pâte de ces conglomérats, qui enchâssent du quarz, du granite et du gneis, n’est pas toujours de la nature du thonschiefer, comme dans les grauwackes du Harz (de la grande formation §. 22): le plus souvent elle ressemble au schiste micacé. Lorsque les fragmens deviennent très-rares dans la masse, on confond ces roches avec de vrais micaschistes de transition. Dans ce terrain, composé de tant de couches périodiquement alternantes, la série schisteuse avec anthracite paroît un peu plus neuve, lorsqu’on a égard aux grandes masses, que la série calcaire. Si, d’un côté, les gypses de la Tarantaise et de l’Allée-blanche, renfermant du muriate de soude, du soufre et de la chaux anhydrosulfatée, reposent simplement sur les terrains de transition, sans en être bien visiblement recouverts, il n’en paroît pas moins certain, d’après les discussions intéressantes de M. Brochant, que les gypses de Cogne, de Brigg et de Saint-Léonard, en Valais, sont intercalés dans le calcaire de transition même. Les grandes formations §§. 20 et 25 sont les seules des roches intermédiaires dans lesquelles les porphyres et les syénites ne paroissent pas s’être développés: ce sont celles aussi dans lesquelles abondent le plus les calcaires saccharoïdes blancs et les masses de talc. Le feldspath lamelleux qui pénètre dans les roches calcaires (calciphyres feldspathiques de M. Brongniart), semble n’appartenir qu’au terrain §. 20. Les anthracites sont communs à ce terrain et à la grande formation de thonschiefer et grauwacke, §. 22; mais ils sont moins fréquens dans cette dernière formation, où le carbone est plutôt disséminé dans la masse entière des thonschiefer, des lydiennes et des calcaires, qu’il colore en noir, que concentré dans des couches particulières. L’anthracite, comme l’observe très-bien M. Breithaupt, est d’une formation plus ancienne que la houille, et d’une formation plus récente que le graphite ou fer carburé. Le carbone devient plus hydrogéné à mesure qu’il s’approche des roches secondaires. Ces roches sont dans les mêmes rapports géognostiques avec la houille, que le sont l’anthracite avec les roches de transition, et le graphite avec les roches primitives. Je ne connois dans les Andes aucune formation calcaire qui se rapproche de celles contenues dans le groupe §. 20. Seulement à Contreras, au pied oriental de la Cordillère de Quindiù (Nouvelle-Grenade) j’ai vu un calcaire de transition non compacte, mais très-grenu, gris-bleuâtre, mêlé de grains de quarz, et enchâssant des masses siliceuses qui ressemblent au pechstein. Ces masses sont traversées par des filons de calcédoine. Le gisement de ce calcaire de Contreras, au milieu d’un terrain de grès et de gypse secondaires, est difficile à déterminer. II. Porphyres et Syénites de transition recouvrant immédiatement les roches primitives, Calcaire noir et Grünstein. §. 21. C’est la grande formation, dépourvue de grauwacke, de l’Amérique méridionale. Elle offre des problèmes assez difficiles à résoudre, et embrasse les porphyres de transition des Andes de Popayan et de cette partie du Pérou que j’ai traversée en revenant de la rivière des Amazones aux côtes de la Mer du Sud. Avant de donner la description détaillée de cette formation, je jetterai un coup d’œil général sur les roches porphyroïdes de l’Amérique équinoxiale, roches qui ont été l’objet principal de mes recherches geognostiques. Si en Allemagne et dans une grande partie de l’Europe, comme l’observe très-bien M. Mohs, le grauwacke caractérise de préférence les terrains intermédiaires, on peut, dans la région équinoxiale du nouveau continent, regarder les porphyres comme le type principal de ces terrains. Aucune autre chaîne de montagnes ne renferme une plus grande masse de porphyres que les Cordillères, qui s’étendent presque dans le sens d’un méridien, sur une longueur de 2500 lieues de l’un à l’autre hémisphère. Ces porphyres, en partie riches en minérais d’or et d’argent (§. 23), sont le plus souvent associés aux trachytes qui les surmontent et à travers lesquels agissent èncore les forces volcaniques. Cette association de roches métallifères aux roches produites ou altérées par le feu étonneroit moins les géognostes d’Europe, si elle ne s’étendoit pas à l’or et à l’argent, mais seulement au fer oligiste, au fer oxidulé, au fer titané et au cuivre muriaté. C’est un des phénomènes les plus frappans et les plus contraires aux opinions qui ont été partagées long-temps par les hommes les plus célèbres. Cependant, et il est nécessaire de bien préciser ce fait, il y a proximité dans le gisement, quelquefois analogie dans la composition, et non-identité de formation. La méthode, que nous avons adoptée, de circonscrire les différens terrains d’après leur superposition et la nature des roches qui les recouvrent, servira, je m’en flatte, à jeter quelque lumière sur les rapports qu’on observe entre les porphyres de transition, les trachytes et les porphyres (secondaires) du grès rouge. J’indiquerai en même temps les lieux où l’on n’a point encore découvert dans la nature des limites aussi tranchées que semble l’exiger l’état actuel de nos divisions systématiques. Les porphyres de l’Amérique méridionale peuvent être considérés de deux manières: selon leur position géographique, et selon la différence que présente l’âge de leur formation. En Europe, nous trouvons les porphyres et syénites de transition (Saxe, Vosges, Norwége), généralement éloignés des trachytes (Siebengebirge près de Bonn, Auvergne); il arrive cependant aussi que les porphyres et les trachytes se trouvent réunis (Hongrie), et alors les premiers sont quelquefois métallifères. Dans l’Amérique méridionale les porphyres et les trachytes sont tous accumulés sur une bande étroite dans la partie la plus occidentale et la plus élevée du continent, au bord de cet immense bassin de l’océan Pacifique, qui est limité, du côté de l’Asie, par les volcans et les roches trachytiques des îles Kuriles, Japonoises, Philippines et Moluques. A l’est des Andes, dans toute la partie orientale de l’Amérique du Sud, sur une étendue de terrain de plus de 500,000 lieues carrées, soit dans les plaines, soit dans des groupes de montagnes isolées, on ne connoît encore ni du porphyre de transition, ni du véritable basalte avec olivine, ni du trachyte, ni un volcan actif. Les phénomènes du terrain trachytique paroissent restreints à la crête et à la lisière des Andes du Chili, du Pérou, de la Nouvelle-Grenade, de Sainte-Marthe et de Merida. J’énonce ce fait d’une manière absolue, pour exciter les voyageurs à l’éclaircir davantage ou à le réfuter. Dans cette même région, qui s’étend de la pente orientale des Andes vers les côtes de la Guiane et du Brésil, on a trouvé de l’or, du platine, du palladium, de l’étain et d’immenses amas de fer spéculaire et magnétique; mais, au milieu de beaucoup d’indices d’argent sulfuré ou muriaté, on n’y a pas découvert un gîte de minérais que l’on puisse comparer pour la richesse aux gîtes du Pérou et du Mexique. Je n’ai même pas vu de porphyres de transition ni de porphyres de grès rouge dans la chaîne côtière de Venezuela, dans la Sierra de la Parime, ni dans les plaines entre l’Orénoque, le Rio Negro et la rivière des Amazones. Je ne connois à l’est des Andes qu’un petit lambeau de terrain trachytique, près de Parapara (bord septentrional des Llanos de Caracas), où, dans un lieu infiniment intéressant pour la géognosie, de la phonolithe et du mandelstein avec pyroxène sont superposés à des serpentines et des thonschiefer de transition: mais ces phonolithes se trouvent sur la lisière de la Cordillère de Caracas, qui se lie par Nirgua, Tocuyo et le Paramo de Niquitao aux Andes de Merida. M. d’Eschwege a trouvé au Brésil quelques porphyres intercalés par couches dans des formations primitives de granite-gneis; mais il pense que ce vaste pays est également dépourvu de formations indépendantes de porphyre de transition, de trachyte, de basalte ou de dolérite. En Amérique, la prodigieuse longueur du cours des fleuves et le nombre de leurs affluens facilitent, par l’examen des pierres roulées, la connoissance des contrées qu’on n’a pu parcourir. Entre Carare et Honda j’ai ramassé, au milieu d’un terrain de grès, des fragmens de trachytes que la rivière de la Magdeleine reçoit des Andes d’Antioquia et de Herveo (Nouvelle-Grenade). Quant à la nature des formations de porphyre accumulées dans la bande occidentale et montagneuse de l’Amérique du Sud et du Mexique, qui n’est qu’une prolongation de cette même bande, nous y ferons connoître deux groupes bien distincts. Le premier (§. 21), non métallifère, repose immédiatement sur des roches primitives; le second (§. 23), souvent métallifère, repose sur un thonschiefer ou sur des schistes talqueux avec calcaire de transition: l’un et l’autre, par leur gisement et leur composition, se rapprochent quelquefois des porphyres trachytiques, comme les porphyres du groupe §. 22 se rapprochent de ceux du grès rouge. En effet, les porphyres de transition des Andes du Pérou et du Mexique se trouvent souvent recouverts de trachytes, tandis que les porphyres de quelques parties de l’Allemagne sont recouverts de la formation secondaire du grès rouge, qui renferme à son tour des porphyres et du mandelstein. Dans l’Amérique équinoxiale les limites entre les porphyres de transition et les véritables trachytes, reconnus pour être des roches volcaniques, ne sont pas faciles à fixer. En s’élevant des porphyres qui renferment les riches mines d’argent de Pachuca, de Real del Monte et de Moran (porphyres dépourvus de quarz, souvent abondans en amphibole et en feldspath commun), vers les trachytes blancs avec perlite et obsidienne de l’Oyamel et du Cerro de las Navajas (montagne des Couteaux, à l’est de Mexico); en passant, dans les Andes de Popayan, des porphyres de transition recouverts sur quelques points de calcaire noir à petits grains, aux trachytes ponceux qui entourent le volcan de Puracè, on trouve des roches porphyriques intermédiaires que l’on est tenté de regarder tantôt comme des porphyres de transition, tantôt comme des trachytes. Il y a plus encore: au milieu de ces porphyres du Mexique, si riches en minérais d’or et d’argent, on observe des couches (Villalpando près de Guanaxuato) dépourvues d’amphibole, mais riches en cristaux effilés de feldspath vitreux. On ne sauroit les distinguer des phonolithes (porphyrschiefer) du Biliner-Stein en Bohême. Généralement, comme le savant professeur de minéralogie à Mexico, M. Andrès del Rio, un des élèves les plus distingués de l’école de Werner, l’avoit observé avant moi; généralement, les porphyres de transition de la Nouvelle- Espagne contiennent à la fois deux espèces de feldspath, le commun et le vitreux. Il m’a paru que le dernier devient plus abondant dans les couches supérieures, à mesure que l’on approche des porphyres trachytiques. Dans la partie équinoxiale du nouveau continent on est tout aussi embarrassé de la liaison des porphyres souvent argentifères avec les trachytes qui renferment des obsidiennes, qu’on l’est en Europe de la liaison intime des dernières roches de transition avec les plus anciennes roches secondaires, ou de l’alternance des micaschistes de transition, qui ont toute l’apparence de roches primitives, avec les grauwackes et les conglomérats très-anciens. La source de cet embarras n’est cependant pas la même. Il n’y a rien de bien étonnant de voir qu’à des roches fragmentaires ou remplies d’orthocératites, de madrépores et d’encrinites, puissent succéder de nouveau des roches dépourvues de débris organiques, et ressemblant à des gneis et à des micaschistes primitifs. Cette alternance, cette absence locale et périodique de la vie, se manifeste jusque dans les terrains secondaires et tertiaires: elle y paroît indiquer différens états de la surface du globe ou du fond des bassins dans lesquels les dépôts pierreux se sont formés. Au contraire, l’association des porphyres de transition et des trachytes, l’apparence fréquente du passage de ces roches les unes aux autres, est un phénomène qui semble attaquer la base des idées géogoniques les plus généralement reçues. Faut-il considérer les trachytes, les perlstein et les obsidiennes, comme étant de même origine que les thonschiefer à trilobites et que les calcaires noirs à orthocératites? ou ne doit-on pas plutôt admettre que l’on a trop restreint le domaine des forces volcaniques, et que ces porphyres, en partie métallifères, dépourvus de quarz, mêlés d’amphibole, de feldspath vitreux et même de pyroxène, sont, sous le rapport de l’âge relatif et de l’origine, liés aux trachytes, comme ces trachytes, confondus jadis avec les porphyres de transition sous le nom de porphyres trappéens, sont liés aux basaltes et aux véritables coulées de laves que vomissent les volcans actuels? La première de ces hypothèses me paroît répugner à tout ce que l’on a observé en Europe, à tout ce que j’ai pu recueillir sur les obsidiennes et les perlstein au Pic de Ténériffe, aux volcans de Popayan et de Quito. La seconde hypothèse paroîtra moins hardie, moins dénuée de vraisemblance peut-être, lorsqu’on ne restreindra plus l’idée d’une action volcanique aux effets produits par les cratères de nos volcans enflammés, et que l’on envisagera cette action comme due à la haute température qui règne partout, à de grandes profondeurs, dans l’intérieur de notre planète. On a vu dans les temps historiques, même dans ceux qui sont le plus rapprochés de nous, sans flammes, sans éjection de scories, des roches de trachytes s’élever du sein de la mer (archipel de la Grèce, îles Açores et Aleutiennes); on a vu des boules de basalte, à couches concentriques, sortir de la terre toutes formées, et s’amonceler en petits cônes (Playas de Jorullo au Mexique). Ces phénomènes ne font-ils pas deviner, jusqu’à un certain point, ce qui, sur une échelle beaucoup plus grande, a pu avoir lieu jadis dans la croûte crevassée du globe, partout où cette chaleur intérieure, qui est indépendante de l’inclinaison de l’axe de la terre et des petites influences climatériques, a soulevé, par l’intermède de fluides élastiques, des masses rocheuses plus ou moins ramollies et liquéfiées? Lorsqu’on parle de ces terrains de transition qui, dans les Andes du Mexique, de la Nouvelle-Grenade et du Pérou, semblent liés aux trachytes dont ils sont recouverts, on ne peut éviter de se livrer à des considérations sur l’origine des roches. C’est l’imperfection de notre classification des terrains qui conduit à cette digression. Le mot roche volcanique annonce, comme je l’ai rappelé plus haut, un principe de division tout différent de celui que l’on suit en séparant les roches primitives des roches secondaires. Dans le dernier cas on indique un fait susceptible d’une observation directe. Sans remonter plus haut, en n’examinant que l’état actuel des choses, on peut décider si une association de roches est entièrement dépourvue de débris organiques, si aucun banc arénacé ou fragmentaire ne s’y trouve intercalé, ou si ces débris et ces bancs y paroissent. Au contraire, en opposant les terrains volcaniques aux terrains primitifs et secondaires, on agite une question entièrement historique; on engage le géognoste, malgré lui, à prononcer, comme par exclusion, sur l’origine des granites, des syénites et des porphyres. Ce n’est plus l’observation directe de ce qui est, la présence ou le manque d’empreintes de corps organisés; c’est un raisonnement fondé sur des inductions et des analogies plus ou moins contestées, qui doit décider sur la volcanicité ou la non-volcanicité d’une formation. Entre les produits que le plus grand nombre des géognostes, je pourrois dire tous ceux qui ont vu l’Italie, l’Auvergne, les Canaries et les Andes, considèrent comme décidément ignés (porphyres à base d’obsidienne, porphyres semi-vitreux, porphyres trachytiques), et les porphyres qui, par leur composition, par la présence du quarz, par l’absence du feldspath vitreux, de l’amphibole et du pyroxène, se rapprochent des porphyres du grauwacke, se trouvent placées dans la Cordillère des Andes des couches dont la base passe à la phonolithe (à la base du porphyrschiefer), et dans lesquelles le feldspath vitreux, l’amphibole et quelquefois même le pyroxène remplacent progressivement le feldspath commun. On ne sait alors où finissent les porphyres qu’on est convenu d’appeler de transition, et où commencent les trachytes. Je ne doute pas que de nouveaux voyages, et l’examen approfondi des roches feldspathiques intermédiaires et de celles que renferme le grès rouge, ne répandent plus de jour sur ce problème intéressant; dans l’état actuel de nos connoissances, je me laisserai guider dans la séparation des porphyres et des trachytes des Andes, moins par des idées de composition, que par des idées de gisement. Il est extrêmement rare de rencontrer dans les véritables trachytes de l’Amérique équinoxiale du feldspath commun; mais le feldspath vitreux, l’amphibole et le pyroxène s’observent à la fois dans ces roches et dans les porphyres §§. 21 et 23, qui sont en partie recouverts d’un calcaire noir de transition et de grès rouge secondaire. On rencontre également peu de quarz dans les porphyres de l’Amérique équinoxiale et dans les trachytes; cette substance caractérise, au contraire, la plupart des porphyres de l’Europe, §§. 22 et 24. Son absence totale est cependant si peu un indice certain d’une formation trachytique, qu’il se trouve, quoiqu’en petites masses, dans quelques trachytes des Dardanelles, de la Hongrie et du Chimborazo. M. de Buch a observé près des basaltes d’Antrim un porphyre très-analogue à ceux du grès rouge et renfermant à la fois, et du quarz et du feldspath commun disséminés, et des couches intercalées de perlstein et d’obsidienne. Ce phénomène se répète aussi dans les trachytes des Monts Euganéens. Le mica et surtout les grenats paroissent, quoique très-rarement, dans les porphyres de transition des deux continens; mais ils se montrent également dans les trachytes de l’ancien volcan de Yanaurcu, au pied du Chimborazo et dans les conglomérats trachytiques de l’Europe. Les porphyres, aussi bien que les trachytes des Andes, offrent de superbes colonnes: la masse des trachytes colonnaires est quelquefois tellement compacte, qu’on a de la peine à y découvrir des pores et des gerçures. Il résulte de ces données, que les caractères de composition (caractères absolus et isolés, par lesquels on voudroit distinguer les porphyres de transition et les trachytes des Cordillères) sont très-incertains: c’est l’ensemble de tous les caractères oryctognostiques, c’est le passage d’une roche à l’état vitreux, ce sont l’obsidienne, le perlstein et les masses scorifiées qu’elle enchâsse, ce sont des rapports de gisement, qui la font reconnoître comme trachyte. On se décide d’ailleurs plus facilement à nommer certaines formations des trachytes, qu’à prononcer sur l’origine prétendue neptunienne de quelques autres. Les trachytes et les porphyres de transition peuvent être également superposés aux roches primitives; ce ne sont pas les ròches qui les supportent, mais celles dont elles sont recouvertes, qui doivent guider le géognoste. Le plus souvent les trachytes et les porphyres des Cordillères ne sont pas recouverts par d’autres formations; mais, partout où ce recouvrement a lieu et où la roche superposée est indubitablement de transition, cette superposition seule décide, selon moi, le problème de classification que l’on veut résoudre. Les trachytes ne servent de base qu’à d’autres produits ignés; très-rarement (Hongrie) à des formations tertiaires identiques avec le terrain de Paris; plus rarement encore (archipel des Canaries, Andes de Quito) à de minces formations de gypse et d’oolithes intercalées ou superposées aux tufs ponceux. Quelquefois les porphyres de transition de l’Amérique (et non les trachytes) sont recouverts de calcaire noir à petits grains, de grès rouge ou de calcaire alpin; et c’est lorsque ce recouvrement ne s’observe pas, qu’on est obligé d’avoir recours à la méthode peu sûre de l’induction et des analogies. On risqueroit peut-être moins de séparer ce que la nature a réuni par des liens assez étroits, si l’on décrivoit provisoirement sous la dénomination vague de porphyres amphiboliques (hornblendiges porphyrgebilde) l’ensemble de ces roches des Cordillères à structure porphyroïde (porphyres de transition et porphyres trappéens ou trachytes), qui sont presque dépourvus de quarz, et qui abondent à la fois en amphibole et en feldspath lamelleux ou vitreux. Après avoir donné cet aperçu général des porphyres de transition des Andes, et de leur affinité géognostique avec les trachytes, je vais caractériser le groupe de porphyres qui sont antérieurs au calcaire à entroques et à orthocératites, au thonschiefer et au micaschiste de transition. On peut distinguer dans ce groupe équatorial, là où je l’ai observé avec soin dans l’hémisphère boréal (Cordillères de Popayan et d’Almaguer) et dans l’hémisphère austral (montagnes d’Ayavaca sur les limites des Andes de Quito et du Pérou), plusieurs formations partielles; savoir: Porphyres; Grünstein et argiles ferrugineuses; Syénites; (Granites de transition?); Calcaires chargés de carbone; (Gypses de transition?). Des porphyres dont l’aspect est souvent trachytique dominent dans ce groupe. Je n’y ai vu alterner ni les porphyres avec la syénite ou avec le calcaire de transition, ni la syénite avec le grünstein, comme c’est le cas (§§. 23 et 24) au Mexique et dans plusieurs parties de l’Europe. La syénite des Andes de Baraguan, de Chinche et de Huile (à l’est du Rio Cauca entre Quindiù et Guanacas, lat. bor. 2° 45′ à 4° 10′), est superposée à des roches primitives, à du granite-gneis, peut-être même à du micaschiste. C’est une formation partielle qui est parallèle aux porphyres de Popayan, recouverts de calcaire fortement chargé de carbone. Cette syénite est composée de beaucoup d’amphibole et de feldspath commun blanc-rougeâtre, contenant très-peu de mica noir et de quarz. Le feldspath domine dans la masse; le quarz (ce qui est assez remarquable dans une syénite) est translucide, gris-blanchâtre et constamment cristallisé, comme l’est le quarz des porphyres d’Europe du groupe §. 24. L’agrégation des parties est presque en plaques, de sorte que la syénite de transition des Cordillères n’a pas la texture entièrement grenue, comme la syénite de Plauen près de Dresde; la texture (flasrige Structur) de cette roche se rapproche au contraire de celle du gneis. Ce qui éloigne la syénite du Nevado de Baraguan, des granites avec amphibole (§. 7), ou d’une syénite que l’on pourroit croire primitive (§. 8), est son passage au trachyte et sa liaison avec les grünstein de transition qui lui sont superposés, entre le Paramo d’Iraca et le Rio Paez (province de Popayan). Le quarz disparoît peu à peu dans cette syénite de transition, l’amphibole devient plus abondant, et la roche prend la structure porphyroïde. On trouve alors dans une pâte pétrosiliceuse (euritique), de couleur rougeâtre ou gris-jaunâtre, très-peu de mica noir, beaucoup d’amphibole, et des cristaux épars, très-alongés, de feldspath, dont l’éclat est plutôt vitreux que nacré, et dont les lames peu prononcées ont des gerçures longitudinales. Ce n’est plus une syénite, mais un trachyte dont des masses énormes et diversement groupées s’élèvent, comme des châteaux forts, sur la crête des Andes. Ces passages me paroissent très-remarquables et semblent fortifier les doutes qu’on peut avoir sur l’origine de toutes les roches primitives grenues. Il est trèsdifficile, dans les contrées équatoriales, d’appliquer des noms à un grand nombre de formations mêlées de feldspath et d’amphibole, parce que ces formations se trouvent sur la limite entre les syénites de transition et les trachytes. Tantôt grenues, tantôt porphyroïdes, elles ressemblent ou aux syénites du groupe §. 23 de Hongrie, ou aux trachytes du Drachenfels, près de Bonn, et du grand plateau de Quito. Comme on observe que les porphyres de transition de Popayan passent aussi aux trachytes, le parallélisme de formation entre les syénites et les porphyres du même groupe §. 21 se trouve confirmé par les rapports géognostiques de deux roches avec une troisième. Quelquefois (pied du volcan de Puracé, près de Santa-Barbara) un granite de transition, très-abondant en mica, semble séparer les syénites qui enchâssent du quarz et du feldspath commun à éclat nacré, des vrais trachytes, dont la pâte, vers le sommet des montagnes (à 2200 toises de hauteur), devient vitreuse et passe à l’obsidienne. Dans tout le groupe des syénites et des porphyres que j’ai examinés dans la Cordillère des Andes (entre le Nevado de Tolima et les villes de Popayan, d’Almaguer et de Pasto), le porphyre qui porte le plus décidément le caractère d’une roche de transition, est celui qui entoure les basaltes de la Tetilla de Julumito (rive gauche du Rio Cauca à l’ouest de Popayan), et qui est recouvert (à Los Serillos) d’un calcaire noirâtre, passant du compacte au calcaire à petits grains, traversé de filons de spath calcaire blanc, et tellement surchargé de carbone, que dans quelques parties il tache fortement les doigts et que le carbone s’y trouve accumulé en poudre sur les fissures de stratification. Cette accumulation de carbone, que l’on observe également dans les schistes anthraciteux et alumineux, et dans les lydiennes et le kieselschiefer, ne laisse aucun doute sur la question de savoir si le calcaire noirâtre de Los Serillos (près de Julumito), dans lequel je n’ai pu trouver aucune trace de débris organiques, est un vrai calcaire de transition. La lydienne que l’on observe dans les thonschiefer de transition de Naila et de Steben (montagnes de Bareuth), offre aussi ce dépôt de poudre charbonneuse entre ses fissures; et des échantillons qui ne tachent pas les doigts m’ont servi à exciter les nerfs d’une grenouille, en les employant dans le cercle galvanique conjointement avec le zinc. Le calcaire noir de transition (nero antico), si célèbre parmi les anciens sous le nom de marmor Luculleum, contient aussi, d’après l’analyse de M. John, ¾ p. c. d’oxide de carbone, distribué comme principe colorant dans toute la masse de la roche. Un porphyre recouvert d’un calcaire fortement carburé, noir-grisâtre, à grains fins, et peutêtre dépourvu de pétrifications, est pour le géognoste, qui met plus d’importance au gisement qu’à la composition des terrains, un porphyre de transition, quelle que soit la nature oryctognostique de ses parties constituantes. Les trachytes, comme nous l’avons exposé plus haut, n’ont été trouvés recouverts jusqu’ici que par d’autres roches volcaniques, par des tuffs ou par quelques formations tertiaires trèsrécentes. Le porphyre de transition de Popayan, auquel le calcaire noir est superposé, est assez régulièrement stratifié; il renferme peu d’amphibole, très-peu de quarz en petits cristaux implantés dans la masse, et un feldspath qui passe du commun au feldspath vitreux. Je n’y ai point vu de pyroxène, pas plus que dans les porphyres de Pisojè, qui forment, à la pente occidentale du volcan de Puracè, sur la rive droite du Rio Cauca, une magnifique colonnade. Ce porphyre de Pisojè est divisé en prismes à 5—7 pans et de 18 pieds de long, prismes que j’ai pris de loin pour du basalte, et que l’on retrouve en Europe dans beaucoup de porphyres de transition, même dans ceux du grès rouge. Une rangée perpendiculaire de ces colonnes est placée sur une rangée entièrement horizontale. Dans une pâte gris-verdâtre, vraisemblablement de feldspath compacte coloré par l’amphibole, l’on observe très-peu de cristaux d’amphibole visibles à l’œil nu, du mica noir, et beaucoup de feldspath laiteux, non vitreux. Le quarz manque dans ces porphyres colonnaires, comme dans presque tous les porphyres de transition et métallifères du Mexique. La roche de Pisojè étant géographiquement assez éloignée des porphyres de Julumito liés au calcaire de transition, il reste douteux si ellé n’appartient pas déjà à la formation de trachyte. Quant aux porphyres de transition de Julumito, on ne sait pas sur quel terrain ils reposent; car, depuis Quilichao jusqu’à l’arête de los Robles, qui est située à l’ouest du Paramo de Palitarà et du volcan de Puracé, et qui partage les eaux entre la mer du Sud et la mer des Antilles, on ne voit plus de roches primitives au jour. L’Alto de los Robles même est composé de schiste micacé (direction des couches N. 60° E., comme le gneis-micaschiste des Andes de Quindiù, incl. 50° auSO.). Cette roche primitive des Robles s’observe également près de Timbio et près des sources du Rio de las Piedras (hauteur 1004 toises), sortant au-dessous des trachytes de Puracé et de Sotarà. Sur le schiste micacé reposent, comme je l’ai vu très-clairement dans les ravins entre le Rio Quilquasé et le Rio Smita, les roches porphyriques du Cerro Broncaso, et celles qui suivent vers le sud entre Los Robles et le Paramillo d’Almaguer. Aussi de grands blocs de quarz que l’on trouve épars au milieu de ces terrains de porphyre et de trachyte, annoncent partout la proximité du micaschiste. C’est ici que se présente la question importante de savoir si les roches à structure porphyroïde, au sud de l’Alto de los Robles, formant la pente occidentale du volcan de Sotarà et des Paramos de las Papas et de Cujurcu (voyez ma carte du Rio Grande de la Magdalena ), sont de véritables porphyres de transition? Je vais exposer les faits tels que je les ai observés. Les porphyres de Broncaso (lat. bor. 2° 17′, long. 79° 3′, en déduisant cette position des observations astronomiques que j’ai faites à Popayan et à Almaguer) renferment beaucoup et de très-grands cristaux de feldspath blanc-laiteux, des cristaux effilés d’amphibole qui se croisent, comme le feldspath dans le porphyre appelé vulgairement par les antiquaires serpentino verde antico ou porfido verde (grün-porphyr de Werner), et un peu de quarz translucide cristallisé. Souvent les cristaux d’amphibole et de feldspath partent d’un même point. Dans l’intérieur du feldspath on trouve d’autres cristaux très-petits et noirs, que j’ai cru être plutôt du pyroxène que de l’amphibole. Le point central autour duquel se groupent les lames cristallisées du leucite (amphigène) est également, d’après M. de Buch, un cristal microscopique de pyroxène, et dans les grünstein porphyriques de Hongrie M. Beudant a trouvé des grenats au milieu des cristaux d’amphibole. Des croisemens et des agroupemens bizarres de cristaux de feldspath commun et d’amphibole caractérisent tous les porphyres entre le Cerro Broncaso et les vallées de Quilquasè et de Rio Smita, porphyres qui sont irrégulièrement stratifiés en stratification non concordante (bancs de 2 — 3 pieds; direction N. 53° O., inclin. 40° au nord-est) avec les couches du micaschiste. Leur pâte diffère de celle des porphyres de Julumito: elle est d’un beau vert d’asperge, à cassure compacte ou écailleuse, quelquefois assez tendre, offrant une raclure grise et prenant au souffle une couleur très-foncée; d’autres fois elle est dure et ressemble au jade ou à la phonolithe (klingstein, base du porphyrschiefer), c’est-à-dire qu’elle appartient au feldspath compacte. Sur les bords du Rio Smita j’ai vu dans ces porphyres, qui passent au porfido verde des antiquaires, des couches presque dépourvues de cristaux disséminés: ce sont des masses de jade (saussurite) vert d’asperge et vert poireau, presque semblables à celles qu’on trouve dans les roches d’euphotide de transition; elles sont traversées par une infinité de petits filons de quarz. Plus au sud, les porphyres verts à base de feldspath compacte conservent leurs cristaux épars de quarz, et ce caractère les éloigne du porphyrschiefer appartenant au terrain trachytique, dans lequel le quarz est un phénomène isolé, d’une rareté extrême. En méme temps on commence à y trouver du mica noir et une variété de pyroxène, à surface très-éclatante, à cassure transversale conchoïde, et d’une couleur vert-olive si peu foncée qu’on la prendroit presque pour l’olivine des basaltes. Ce porphyre à mica noir remplit les vallées des petites rivières de San-Pedro, Guachicon et Putes; il se cache quelquefois (vallée de la Sequia) sous des amas de grünstein en boules de 4—6 pouces de diamètre, et finit par ne plus être stratifié, mais séparé, exactement comme le grünstein superposé, en boules qui se divisent par décomposition en pièces séparées concentriques. Souvent les boules de porphyre, d’une extrême dureté, sont d’une composition identique avec le porphyre en masse. Leur noyau est solide et ne renferme ni quarz ni calcédoine: elles forment des couches particulières de six pieds d’épaisseur, et se trouvent comme implantées et fondues dans la roche non altérée par des influences atmosphériques ou galvaniques. Cette structure n’est pas un effet de la décomposition, comme on l’a cru de quelques basaltes colonnaires qui se séparent en boules. Elle me paroît plutôt tenir à un arrangement primitif des molécules. Je crois que nulle part dans le monde on ne trouve une plus grande accumulation de roches à structure globuleuse que dans la Cordillère des Andes, surtout depuis Quilichao (entre Caloto et Popayan) jusqu’à la petite ville d’Almaguer. En descendant du Cerro Broncaso, et en traversant successivement (toujours dans la direction du nord au sud, et dans le chemin de Popayan à Almaguer) les vallées de Smita, de San Pedro et de Guachicon, on observe, au milieu d’un porphyre qui n’est pas divisé en boules, et qui renferme plus d’amphibole et plus de pyroxène vert d’olive que de feldspath vitreux, un phénomène géognostique très-remarquable. Des fragmens anguleux de gneis de 3 à 4 pouces carrés sont empâtés dans la masse. C’est un gneis abondant en mica: c’est le phénomène que présentent les trachytes du Drachenfels (Siebengebirge sur les bords du Rhin) et, dans ses couches inférieures, la phonolithe (porphyrschiefer) du Biliner Stein en Bohème. Non loin de là, dans la partie nord-est de cette même vallée de Rio Guachicon (vallée de 400 toises de profondeur, dans laquelle je me suis arrêté une journée entière), la roche porphyroïde a la structure la plus composée que j’aie jamais trouvée dans les porphyres de transition et dans les trachytes porphyriques. On y observe à la fois des cristaux de feldspath vitreux, d’amphibole, de mica noir, de quarz et de pyroxène, dont la couleur se rapproche de celle de l’olivine. Le quarz ne se présente qu’en de trèspetites masses; mais il n’est certainement pas dû à des infiltrations postérieures. Après avoir passé, plus au sud encore, l’arête qui sépare le Rio Guachicon du Rio Putès, les cinq substances disséminées dans la masse disparoissent presque entièrement; la roche porphyroïde devient homogène, extrêmement dure, et de ce beau noir que l’on admire dans quelques lydiennes très-pures, ou dans la base du prétendu jaspe porphyrique de l’Altaï, ou dans de certaines statues égyptiennes faussement appelées basaltes ou basanites. Je doute que ce soit du pechstein: c’est plutôt un feldspath compacte, coloré en noir par l’amphibole ou par quelque autre substance. La cassure de cette pâte homogène est unie ou conchoïde, à grandes cavités aplaties; elle est sans éclat, presque entièrement matte. Je n’y ai reconnu que peu de cristaux très-effilés de feldspath vitreux et des prismes hexaèdres de pyroxène conchoïde (muschliger augit de Werner), qui ont la couleur noire du mélanite, et qui ressemblent, quant à l’éclat et à la cassure, au pyroxène du Heulenberg près de Schandau en Saxe. Je viens de décrire successivement les porphyres de Julumito, recouverts de calcaire noir et carburé; ceux de Pisojè, à feldspath non vitreux, et divisés en prismes; les porphyres verts renfermant du quarz, et fréquemment des cristaux croisés d’amphibole du Cerro Broncaso et de la vallée de Smita; les roches porphyroïdes du Rio Guachicon, enchâssant des fragmens de gneis; enfin, celles du Rio Putès, dont la masse noire homogène et compacte n’offre que très-peu de cristaux disséminés. Toutes ces roches appartiennent-elles à une même formation, qui offre des caractères particuliers dans les diverses vallées de la Cordillère de Sotarà et de Cujurcù? On ne sauroit révoquer en doute que les fragmens de gneis empâtés dans les roches qui avoisinent le Rio Guachicon, ne caractérisent de véritables trachytes. Ce sont, pour ainsi dire, les précurseurs de ces trachytes et de cet énorme amas de ponces que j’ai trouvés, vingt lieues plus au sud, sur les rives du Mayo. Mais faut-il étendre cette dénomination de trachyte sur tous les porphyres qui se prolongent par le Cerro Broncaso vers les micaschistes de l’Alto de los Robles, et qui sont en partie couverts, non de dolérites, mais de grünstein de structure globuleuse, ressemblant entièrement au grünstein du terrain de transition en Allemagne? D’après ce que j’ai exposé plus haut sur le passage insensible des porphyres métallifères du Mexique à des roches qui renferment de l’obsidienne et du perlstein, et dont la volcanicité n’est presque plus contestée aujourd’hui, je ne sais pas comment décider une question si importante. Elle présente moins un problème de gisement qu’un problème que j’appellerois historique, parce qu’il est l’objet de la géogonie, et qu’il tient aux idées que l’on se forme sur l’origine des divers dépôts rocheux qui couvrent la surface du globe. Le géognoste a rempli sa tâche lorsqu’il a examiné les rapports de gisement et de composition. Il n’est pas temps encore de prononcer sur des masses qui semblent osciller entre les porphyres de transition et ces trachytes exclusivement appelés porphyres volcaniques. Ce qui paroît difficile à débrouiller aujourd’hui, deviendra clair peut-être lorsque l’Amérique équinoxiale, libre, civilisée, plus accessible aux voyageurs, sera explorée par un grand nombre d’hommes instruits; lorsque de nouvelles découvertes auront fait concevoir que des effets volcaniques, lents et progressifs, ou brusques et tumultueux, ont pu avoir lieu partout où des crevasses ont ouvert des communications avec l’intérieur du globe dans lequel règne encore aujourd’hui, d’après toutes les apparences, une température extrêmement élevée. Nous avons déjà des preuves certaines que des roches presque identiques avec celles qui appartiennent au terrain trachytique ou qui surmontent ce terrain, sont intercalées dans de véritables porphyres de transition et dans des porphyres du grès rouge. Tous les géognostes connoissent les observations importantes, faites par M. de Buch, près de Holmstrandt, dans le golfe de Christiania en Norwége. Un porphyre renfermant, outre le feldspath commun (non vitreux), très-peu d’amphibole et de quarz, se trouve placé entre un calcaire à orthocératites et une syénite à zircons. Personne ne s’est encore refusé à considérer ce porphyre comme une formation de transition; personne ne l’a appelé trachyte. Or, au milieu de ce porphyre on voit, non un filon (dyke), mais une couche de basalte avec pyroxène. «Le porphyre de Holmstrandt, dit M. de Buch, devient basalte par ces mêmes passages et ces nuances insensibles que l’on trouve si communément en Auvergne. Ce basalte est très-noir, presque à petits grains, dépourvu de feldspath, mais rempli de pyroxène. Quelquefois il devient bulleux, et prend un aspect rouge et scorifié, au contact avec le porphyre.» Il ne seroit peutêtre pas plus étrange de découvrir des fragmens de gneis enveloppés dans ce basalte bulleux et scorifié, rempli de pyroxènes, que de les avoir observés dans les basaltes du Bärenstein (près d’Annaberg en Saxe) ou dans les trachytes de la vallée du Rio Guachicon (dans l’Amérique méridionale). Quelle est l’origine de cette couche basaltique, bulleuse, pyroxénique, de Holmstrandt? Est-elle, comme tout le porphyre, une coulée venue d’en-bas par des filons? La présence d’une masse que l’on croit d’origine ignée, offre-t-elle un motif suffisant pour admettre que tout le terrain auquel cette masse appartient doive être séparé des formations de transition et classé parmi les trachytes? J’en doute: les roches incontestablement volcaniques du Rio Guachicon, enchâssant des fragmens de gneis, sont géognostiquement liées aux porphyres de transition, comme, sur d’autres points du globe, ceux-ci sont géognostiquement liés aux porphyres du grès rouge. Je sépare provisoirement toutes les roches porphyroïdes placées au sud d’une arête composée de micaschiste (Alto de los Robles), de celles qui se trouvent au nord-ouest de cette arête, et qui, près de Julumito, sont recouvertes d’un calcaire abondant en carbone. C’est à cette dernière classe, et par conséquent au terrain de transition (§. 21) qui fait l’objet spécial de cet article, que je rapporte, avec plus de confiance peut-être, les porphyres de Voisaco (Andes de Pasto, lat. 1° 24′ bor.) et ceux d’Ayavaca (Andes du Pérou, lat. 4° 38′ austr.). Voici les circonstances de gisement de ces deux roches. Les porphyres et trachytes de Popayan, du Cerro Broncaso, du Rio Guachicon et du Rio Putès sont séparés de ceux de la province de Pasto par un plateau de roches primitives, qui s’étend depuis Almaguer jusqu’au Tablon, au pied du Paramo de Puruguay. C’est au sud du Tablon que recommencent les porphyres: près du village indien de Voisaco ils se distinguent par une polarité que nous avons trouvée sensible jusque dans les plus petits fragmens. On voit trèsclairement que ces porphyres sont placés sur le micaschiste. Une masse gris-verdâtre enchâsse à la fois deux variétés de feldspath, le commun et le vitreux: phénomène que l’on rencontre souvent dans les porphyres de transition du Mexique (§. 23). Quelques cristaux aciculaires de pyroxène pénètrent entre les feuillets du feldspath vitreux. Un rocher placé à l’entrée du village nous a offert en petit, à M. Bonpland et moi, tous les phénomènes de la serpentine polarisante de Bareuth (§. 19) que j’avois découverte en 1796. Dans l’hémisphère austral, en suivant les Andes de Quito par Loxa à Ayavaca, on voit paroître alternativement au jour les roches primitives et les porphyres, phénomène que nous avons déjà signalé plus haut (§§. 5 et 6). Presque chaque fois que la masse des montagnes s’élève, les porphyres se montrent, et cachent aux yeux du voyageur le gneis et le micaschiste. A ces porphyres, qui offrent d’abord plus de feldspath commun que de feldspath vitreux, succèdent des trachytes, et ces trachytes annoncent assez généralement deux phénomènes combinés, le voisinage de quelque volcan encore actif, et l’élévation rapidement croissante de la Cordillère, dont les sommets vont atteindre ou dépasser la limite des neiges perpétuelles (2460 toises sous l’équateur). J’ajouterai que les trachytes recouvrent immédiatement ou les roches primitives ou les porphyres de transition, et que dans ceux-ci le feldspath vitreux, l’amphibole et quelquefois le pyroxène deviennent plus fréquens à mesure qu’ils se trouvent plus près des roches volcaniques. Tel est le type que suivent les phénomènes de gisement dans la région équinoxiale du Mexique et de l’Amérique méridionale; type que j’ai reconnu surtout dans les coupes que j’ai dessinées sur les lieux en 1801 et 1803. Les porphyres d’Ayavaca forment une partie de cet enchaînement général de roches feldspathiques. Sur les schistes micacés de Loxa, où végètent les plus beaux arbres de quinquina que l’on connoisse jusqu’ici (Cinchona condaminea), sont placés des porphyres qui remplissent tout le terrain compris entre les vallées du Catamayo et du Cutaco. Près de Lucarque et d’Ayavaca (hauteur 1407 toises), ces porphyres se trouvent divisés en boules à couches concentriques, et des amas de ces boules reposent (vallée du Rio Cutaco; hauteur du fond de ce ravin, 756 toises) sur un porphyre qui renferme du feldspath commun et de l’amphibole, qui est régulièrement stratifié, et dont la masse, très-dense, est traversée par une infinité de petits filons de spath calcaire, tout comme le thonschiefer de transition en Europe est traversé par des veines de quarz. Les mesures barométriques que j’ai faites, assignent à ces porphyres d’Ayavaca, que je ne crois pas être des trachytes, 4800 pieds d’épaisseur. Je ne cite pas, comme appartenant au groupe §. 21, les roches porphyroïdes vertes, dépourvues de quarz, renfermant très-peu d’amphibole et beaucoup de feldspath commun laiteux, qui constituent les Andes de l’Assuay. Ils sont placés sur les micaschistes primitifs de Pomallacta, et j’ai eu occasion de les examiner dans leur énorme épaisseur depuis 1500 jusqu’à 2074 toises de hauteur au-dessus du niveau de l’océan. Ils sont généralement stratifiés; mais cette stratification, souvent très-régulière (N. 45° O.), s’observe aussi dans beaucoup de vrais trachytes du Chimborazo et du volcan enflammé de Tunguragua. En examinant avec soin, dans les Cordillères des Andes, les différens états du feldspath dans les porphyres de transition et dans les trachytes, j’ai vu que des roches décidément trachytiques en renferment aussi qui n’est pas vitreux, mais feuilleté laiteux. J’incline à croire que le porphyre de l’Assuay, groupe de montagnes célèbre par le passage qu’il offre entre Quito et Cuença, est du trachyte. J’ai discuté les roches qui constituent dans l’Amérique méridionale le groupe §. 21, la syénite du Baraguan, le granite de transition de Santa-Barbara, les porphyres de Julumito, les grünstein, et le calcaire noir et carburé: il me reste quelques observations à faire sur des membres moins importans de ce groupe. Des sources de muriate de soude que l’on trouve entourées de syénite à une prodigieuse hauteur près de San- Miguel, à l’est de Tulua, dans la Cordillère du Baraguan, indiquent peut-être la liaison géognostique de quelque gypse de transition avec la syénite ou avec un calcaire noir analogue à celui des Serillos de Popayan. Mais dans ces contrées la hauteur seule n’est pas un motif pour exclure une formation gypseuse du domaine des terrains secondaires. J’ai vu sur le plateau de Santa-Fé de Bogota, à 1400 toises de hauteur, la masse de sel gemme de Zipaquira reposer sur un calcaire qui est décidément de formation secondaire. Il est plutôt probable que le gypse fibreux, mêlé d’argile, de Ticsan (Pueblo viejo dans le royaume de Quito, lat. 2° 13′ austr.), placé vis-à-vis la fameuse montagne de soufre (§§. 11 et 16), loin de toute roche secondaire, sur du micaschiste primitif, est un gypse de transition, analogue à ceux de Bedillac dans les Pyrénées et de Saint-Michel près Modane en Savoie. Les grünstein du groupe §. 21, qui paroissent couvrir les syénites du Baraguan et des porphyres analogues à ceux de Julumito, abondent, au nord de Popayan, au pied des Paramos d’Iraca et de Chinche, surtout dans la vallée orientale du bassin du Rio Cauca (Curato de Quina major et Quilichao). Dans ce dernier endroit de riches lavages d’or s’opèrent entre des fragmens de grünstein (diabase de Brongniart, diorite de Haüy). Cette roche n’est décidément pas une dolérite: c’est un grünstein de transition semblable à celui que l’on trouve intercalé au thonschiefer chargé de carbone du Fichtelgebirge (§. 22) et au micaschiste de Caracas (§. 11). Le grünstein de Quina major devient quelquefois très-noir, très-homogène, sonore, fissile et stratifié comme le schiste amphibolique des terrains primitifs (hornblendschiefer). Il est rempli de pyrites, n’agit point sur l’aimant, et prend à l’air une croûte jaunâtre, comme le basalte. Près de Quilichao (entre les villes de Cali et de Popayan) il présente de grands cristaux d’amphibole disséminés dans la masse, et des filons qui sont remplis de pyroxènes d’une couleur vert d’olive très-peu foncée. J’ai pris, sur les lieux, ces pyroxènes pour l’olivine lamelleuse de M. Freiesleben. Les cristaux ne se trouvent pas disséminés dans la masse, mais seulement tapissant des fentes: c’est comme des filons de dolérite qui traversent le grünstein. Cette même roche, quoique dépourvue de filons, se montre, comme nous l’avons dit plus haut, en boules aplaties au sud de Popayan et de l’Alto de los Robles, dans la vallée de la Sequia (entre le Cerro Broncaso et le Rio Guachicon); elle y recouvre les porphyres verts du Rio Smita. La superposition du grünstein est ici plus manifeste que dans le Curato de Quina major et dans les lavages d’or de Quilichao. Comme les porphyres au nord de l’Alto de los Robles sont en partie (Julumito) couverts de calcaire noir de transition, et que ceux au contraire que l’on observe au sud de Los Robles paroissent liés aux trachytes du Rio Guachicon, cette superposition uniforme du grünstein sur l’un et l’autre de ces porphyres est un phénomène de gisement qui mérite beaucoup d’attention. D’après les observations faites jusqu’ici dans les deux continens, les trachytes et les basaltes se trouvent couverts de dolérite (mélange intime de feldspath et de pyroxène), mais non de grünstein (mélange intime de feldspath et d’amphibole). Ne faut-il pas conclure de là, que tout ce qui est au-dessous des grünstein en boules de la Sequia et de Quilichao, est un porphyre de transition, et non un trachyte? Ne doit-on pas, à cause de cette superposition uniforme du grünstein, séparer les roches porphyroïdes du Rio Smita et du Cerro Broncaso, des porphyres trachytiques et plus décidément pyrogènes de la vallée du Guachicon, c’està-dire de ceux qui enchâssent des fragmens de gneis? Il y a une certaine probabilité qu’une roche recouverte de grünstein est plutôt une formation de transition qu’une formation de trachyte: mais des terrains d’origine ignée peuvent être d’un âge très-ancien. Pourquoi n’y auroit-il pas des masses de trachytes et de dolérites intercalées aux roches de transition modernes? De plus, et j’adresse cette question aux savans minéralogistes qui se sont livrés plus spécialement à l’étude des caractères oryctognostiques des roches, les grünstein sont-ils toujours minéralogiquement (par leur composition) aussi différens des dolérites qu’ils en sont le plus souvent éloignés géognostiquement (par leur gisement)? Les cristaux qui se séparent du tissu d’une pâte et qui deviennent visibles à l’œil nu, existent, à n’en pas douter, mêlés à d’autres substances dans ce tissu même. Comme les basaltes renferment souvent à la fois (Saxe, Bohème, Rhönegebirge) de grands cristaux disséminés de pyroxène et d’amphibole (basaltische hornblende), on ne sauroit douter qu’outre le pyroxène, l’amphibole n’entre aussi dans la masse de quelques basaltes. Pourquoi des mélanges analogues ne pourroient-ils avoir lieu dans les pâtes des dolérites et des grünstein, dont on croit (pour me servir de la nomenclature mythologique généralement reçue) les uns d’origine volcanique, les autres d’origine neptunienne? Le pyroxène en roche, qui, d’après M. de Charpentier, se trouve en stratification parallèle dans le calcaire primitif des Pyrénées, renferme de l’amphibole disséminé. On assure avoir reconnu des pyroxènes dans les grünstein qui forment de vraies couches au milieu des granites du Fichtelgebirge en Franconie (§. 7). M. Beudant a vu des grünstein indubitablement pyroxéniques (par conséquent des dolérites) dans les porphyres et syénites de transition de Hongrie (Tepla près de Schemnitz), comme dans le grès houiller (secondaire) de Fünfkirchen. Les grünstein stratifiés et globulaires des environs de Popayan ne passent ni au mandelstein, ni au porphyre syénitique. C’est une formation trèsnettement tranchée, et qui est accompagnée ici, comme presque partout dans la Cordillère des Andes (où elle se tient assez éloignée de la crête des volcans actifs), de masses énormes d’argile. Ces masses rappellent plus encore les accumulations d’argile dans les terrains basaltiques du Mittelgebirge en Bohème, que l’argile liée au gypse des grünstein (ophites de Palassou) dans les Pyrénées et dans le département des Landes. Elles rendent le passage des Cordillères, de Popayan à Quito, extrêmement pénible pendant la saison des pluies. Les analogies que nous avons indiquées entre quelques porphyres du groupe §. 21 et les trachytes ou autres roches volcaniques, se retrouvent dans le groupe mexicain §. 23 et même dans les porphyres norwégiens du groupe §. 24; mais généralement (à l’exception des porphyres du Caucase) on ne les observe presque pas dans les porphyres subordonnés au thonschiefer de transition et aux grauwackes §. 22. Il y a plus encore: au milieu des porphyres secondaires du grès rouge, les mandelstein et d’autres couches intercalées (Allemagne, Écosse, Hongrie) prennent aussi quelquefois l’aspect de roches pyrogènes. D’après ces divers rapports de gisement et de composition, je pense qu’on n’est point en droit, dans l’état actuel de nos connoissances, de nier entièrement l’existence des porphyres de transition dans les Cordillères de l’Amérique méridionale, et de regarder toutes les roches de syénites, de porphyres et de grünstein, que je viens de décrire, comme des trachytes. Les porphyres des groupes §§. 21 et 23 sont caractérisés dans l’Amérique méridionale et au Mexique par leur tendance constante à une stratification régulière; tendance très-rarement observée en Europe, sur une grande étendue de terrain, dans les groupes §§. 22 et 24. La régularité de stratification est cependant beaucoup plus grande dans les porphyres mexicains postérieurs au thonschiefer de transition que dans les porphyres des Andes de Popayan, de Pasto et du Pérou, qui reposent immédiatement sur les roches primitives. Cette dernière formation (§. 21) ne m’a pas offert une seule couche subordonnée de syénite, de grünstein, de calcaire et de mandelstein, comme on en trouve dans les groupes §§. 22 et 23. Dans la Nouvelle-Espagne, entre Acapulco et Tehuilotepec, j’ai vu des porphyres de transition, qui ne sont pas métallifères, reposer immédiatement sur du granite primitif (Alto de los Caxones, Acaguisotla, et plusieurs points entre Sopilote et Sumpango); mais, comme plus au nord (près de Guanaxuato) des porphyres métallifères d’une composition semblable couvrent un thonschiefer de transition, il reste incertain, malgré la différence de gisement, si les uns et les autres n’appartiennent pas à un même terrain et à un terrain plus récent que le groupe §. 21. Un terme δ de la série géognostique peut suivre, immédiatement à β, là où γ ne s’est pas développé. C’est ainsi que le calcaire du Jura repose près de Laufenbourg immédiatement sur du gneis, parce que les termes intermédiaires de la série des formations, les roches situées ailleurs (par exemple dans la vallée du Necker) entre le calcaire du Jura et le terrain primitif, s’y trouvent supprimés. Dans les Isles Britanniques, d’après les observations du savant professeur Buckland et d’après celles de MM. de Buch et Boué, la formation de syénite, grünstein et porphyre de transition (Ben Nevis, Grampians) repose aussi immédiatement sur des roches primitives (micaschiste et urthonschiefer). Elle paroît par conséquent appartenir au premier groupe de porphyres dont je viens de tracer l’histoire (§. 21). Les porphyres du nord de l’Angleterre et ceux de l’Écosse sont recouverts tantôt de grauwacke, tantôt de la formation houillère; ils offrent une base feldspathique, et se trouvent souvent dépourvus de quarz, comme les porphyres de l’Amérique équinoxiale. On y a observé des grenats: ce phénomène se retrouve dans les porphyres de transition de Zimapan (Mexique), et dans ceux qui couronnent la fameuse montagne du Potosi et qui appartiennent probablement aussi au groupe §. 23. Si le mandelstein d’Ilefeld fait partie, comme le croit M. de Raumer, du terrain de grès rouge, les porphyres grenatifères du Netzberg (au Harz) sont probablement de formation secondaire. En Hongrie, les grenats se rencontrent à la fois et dans les porphyres ou grünstein porphyriques du groupe §. 23, et dans les conglomérats du terrain trachytique. Il en résulte que les grenats pénètrent depuis les roches primitives (gneis, weisstein, serpentine), par les porphyres de transition, jusque dans les trachytes et basaltes volcaniques, et que, dans les zones les plus éloignées les unes des autres, certains porphyres offrent des rapports trèsmultipliés avec les trachytes. J’ignore si la syénite titanifère de Keilendorf en Silésie, qui repose immédiatement sur le gneis et qui passe à un granite de transition à petits grains dépourvu d’amphibole, appartient à l’ancienne formation du groupe §. 21, ou si c’est un lambeau de la formation §. 23, placé accidentellement sur des roches primitives. Rien n’est plus difficile que de reconnoître avec certitude s’il y a eu suppression de quelques membres intermédiaires de la série des roches, ou si le contact immédiat que l’on observe, est celui que l’on trouveroit partout ailleurs sur le globe, en comparant l’âge relatif ou le gisement des mêmes terrains. III. Thonschiefer de transition renfermant des grauwackes, des grünstein, des calcaires noirs, des syénites et des porphyres. §. 22. C’est la grande formation de thonschiefer qui traverse les Pyrénées occidentales, les Alpes de la Suisse entre Ilantz et Glaris, et le nord de l’Allemagne depuis le Harz jusqu’en Belgique et aux Ardennes, et dans laquelle dominent le grauwacke et les calcaires; ce sont les thonschiefer et gneis de transition du Cotentin, de la Bretagne et du Caucase; ce sont les roches schisteuses placées en Norwége au-dessous des porphyres et syénites zirconiennes, c’est-à-dire, entre ces porphyres et les roches primitives; ce sont les thonschiefer verts, avec calcaires noirs, serpentine et grünstein, de Malpasso dans la Cordillère de Venezuela, et les thonschiefer avec syénites de Guanaxuato au Mexique. Nous avons exposé plus haut le gisement de ces roches dans les différens pays que nous venons de nommer: il s’agit à présent de les considérer dans leur ensemble, et de séparer les résultats de la géognosie des notions purement locales qu’offre la géographie minéralogique. Le groupe §. 22 repose, comme les deux groupes précédens, immédiatement sur le terrain primitif: il se distingue du premier (§. 20) par l’absence presque totale des calcaires grenus stéatiteux; du second (§. 21), par la fréquence des thonschiefer et des grauwackes. Les formations suivantes, intimement liées entre elles, appartiennent à ce groupe (§. 22), qui est un des mieux connus et des plus anciennement étudiés: Thonschiefer, avec des couches de quarz compacte, de grauwacke, de calcaire noir, de lydienne, d’ampélite carburée, de porphyre, de grünstein, de granite à petits grains, de syénite et de serpentine; Grauwacke (et grès quarzeux); Calcaire noir. Ces roches, ou sont isolées, ou alternent les unes avec les autres, ou forment des couches subordonnées. J’ai discuté plus haut (§. 15) les caractères qui distinguent assez généralement le thonschiefer primitif du thonschiefer de transition: j’ai fait observer que les caractères tirés de la composition minéralogique des roches n’ont pas la valeur absolue qu’on a voulu quelquefois leur assigner; et que, pour les employer avec succès, il faut avoir recours en même temps au gisement, à l’intercalation ou à l’absence de couches fragmentaires (grauwackes, conglomérats), et aux débris de corps organisés, qui manquent totalement aux terrains primitifs et que l’on commence à trouver dans les terrains de transition. Les thonschiefer de ce dernier terrain se distinguent par leur variabilité, par une tendance continuelle à changer de composition et d’aspect; par le nombre des bancs intercalés; par des passages fréquens, tantôt brusques, tantôt insensibles et lents, à l’ampélite, au kieselschiefer, au grünstein, ou à des roches porphyroïdes et syénitiques. Sans doute que ces changemens, ces effets d’un développement intérieur, se font aussi remarquer dans quelques roches primitives. M. de Charpentier observe que les granitesgneis des Pyrénées, qui renferment presque toujours un peu d’amphibole disséminé dans la masse, sans être pour cela des syénites, et que l’on croit primitifs sans être des plus anciens, présentent un grand nombre de couches étrangères, par exemple, des couches de micaschiste, de grünstein et de calcaire grenu. Dans cette même chaîne de montagnes, le micaschiste primitif contient de la chiastolithe disséminée, substance généralement plus commune dans le thonschiefer de transition. Les Alpes de la Suisse, surtout le passage du Splügen, si bien décrit par M. de Buch, offrent un micaschiste du terrain primitif qui passe insensiblement à un porphyre dont la pâte de feldspath compacte enchâsse des cristaux de feldspath lamelleux et de quarz. Cependant, en général, ces changemens sont moins fréquens parmi les formations primitives que parmi les formations de transition. Quelque intime que soit la liaison que l’on observe entre les roches qui constituent un même groupe, ou entre les différens groupes de tout le terrain intermédiaire, on reconnoît pourtant, sur différens points du globe, un certain degré d’indépendance, non-seulement entre les six groupes ou termes de la série des roches de transition (par exemple, êntre les thonschiefer avec grauwacke et les porphyres et syénites), mais aussi entre les membres partiels de chaque groupe ou association de roches intermédiaires. Il en résulte que, pour bien saisir les traits qui caractérisent la constitution géologique d’un pays, il faut étudier ces rapports isolément (par exemple, ceux des grauwackes, des thonschiefer et des calcaires que renferme le groupe §. 22), et fixer pour les divers terrains ou membres partiels d’une même association les degrés de dépendance ou d’indépendance qu’ils conservent entre eux. Nous les voyons ou alterner périodiquement, ou s’envelopper et se réduire les uns les autres (par un accroissement inégal de volume) à l’état de simples couches subordonnées, ou enfin se couvrir mutuellement comme feroient des roches primitives de différente formation. Il arrive en effet que les termes partiels d’un même groupe, α, β, γ, se succèdent quelquefois avec une certaine régularité en série périodique, α. β. γ. α. β. γ. α.... D’autres fois α prend un si grand développement que β et γ s’y trouvent renfermés comme de simples couches; d’autres fois encore α, β, γ sont simplement superposés les uns aux autres sans retour périodique. Ce dernier cas n’exclut point la possibilité que β, avant de succéder à α, n’y paroisse d’abord comme une couche subordonnée. Il arrive dans un même groupe tout ce que l’on observe dans des termes non complexes de la série des terrains primitifs. On peut dire, comme nous l’avons fait observer plus haut, qu’une formation de calcaire noir, qui constitue de grandes masses de montagnes et qui est superposée à des masses également considérables de thonschiefer de transition, prélude par des couches de calcaire noir intercalées au thonschiefer. Lorsque β et γ forment des couches intercalées dans α, ces couches peuvent être si fréquemment répétées, qu’elles prennent, sur de grandes étendues de terrain, l’aspect de roches alternantes. C’est ainsi que le thonschiefer intermédiaire, qui d’abord enveloppoit le grauwacke et le calcaire noir, et puis alternoit avec eux (gorge d’Aston dans les Pyrénées, Maxen en Saxe), finit par recouvrir, et avec un grand accroissement de masse, ces roches alternantes ou ces couches fréquemment intercalées. Il en est d’ailleurs de la régularité du type dans les formations partielles de chaque groupe comme de la direction des strates ou de l’angle que font ces strates avec le méridien. Au premier abord tout paroît confus et contradictoire; mais, dès que l’on examine avec soin une grande étendue de pays, on finit toujours par reconnoître certaines lois de gisement ou de stratification. Si le type que l’on découvre dans la suite des formations partielles, paroît varier selon les lieux, c’est que le développement de ces petites formations n’a pas été partout le même. Quelquefois (Caucase) le porphyre, le calcaire, la syénite et le granite de transition, se sont développés à la fois au sein des thonschiefer de transition; d’autres fois on n’y trouve ni le porphyre (Cotentin, Alpes de la Suisse), ni le grauwacke (chaîne du littoral de Venezuela), ni le granite et la syénite de transition (Pyrénées). L’association du thonschiefer de transition et du calcaire noir compacte est presque aussi constante que celle du calcaire blanc et grenu avec le micaschiste dans le terrain primitif. On trouve cependant aussi des calcaires de transition qui, n’étant associés ni au thonschiefer ni au grauwacke, paroissent remplacer géognostiquement le thonschiefer; mais je ne connois pas un seul point des deux continens où l’on ait vu, sur une étendue un peu considérable, des thonschiefer de transition qui ne fussent pas liés au calcaire. Nous venons de voir que dans quelques parties du globe (Caucase et presqu’île du Cotentin) le thonschiefer intermédiaire enveloppe ou les porphyres ou les syénites et les granites; dans d’autres parties (Norwége et Saxe, entre Friedrichswalde, Maxen et Dohna), ces trois roches se trouvent, après avoir préludé comme couches subordonnées au thonschiefer, superposées à celui-ci, soit isolément et formant des masses considérables, soit alternant entre elles. C’est seulement dans ces cas d’isolement ou d’alternance qu’un terrain indépendant de porphyre (Mexique), ou un terrain indépendant de porphyre et syénite (Norwége), semble surmonter le terrain des thonschiefer intermédiaires. Ce même isolement (sinon cette même indépendance) s’observe quelquefois dans les calcaires de transition et, quoiqu’à un degré moins prononcé, dans les grauwackes. La syénite et le granite sont liés dans le terrain de transition plutôt aux porphyres qu’au micaschiste et au gneis: dans ce même terrain on trouve des syénites sans granite; mais il est beaucoup plus rare de trouver des syénites et des granites sans porphyre. Lorsque les membres partiels d’un groupe, α, β, γ, alternent en série périodique, et que par conséquent ils ne sont ni intercalés les uns aux autres comme couches subordonnées, ni superposés comme des roches ou formations distinctes, il est difficile de déterminer si β et γ sont d’une formation plus récente que α: cependant, même dans le cas d’une origine que l’on appelle contemporaine, l’examen attentif des terrains fait reconnoître de certaines prépondérances de formation. Généralement le grauwacke et le thonschiefer de transition sont plus anciens que les calcaires noirs, ou, pour m’appuyer d’une observation très-juste de M. de Charpentier, «généralement on observe que, malgré l’alternance dans la partie du terrain intermédiaire qui est la plus rapprochée du terrain primitif, c’est le grauwacke et le thonschiefer qui dominent en grandes masses, et le calcaire leur est subordonné; tandis que, dans la partie plus moderne du terrain de transition, c’est au contraire le calcaire qui est la roche prépondérante, et le thonschiefer est seulement intercalé au calcaire en couches plus ou moins épaisses.» Après avoir exposé les rapports d’âge et de gisement des roches qui constituent un même groupe, nous allons caractériser plus spécialement chacune des formations partielles. Thonschiefer, bleu noirâtre et carburé, ou verdâtre, onctueux et soyeux; tantôt terreux ou à feuillets très-épais, tantôt fissile et parfaitement feuilleté. Dans ses couches trèsanciennes, qui passent au micaschiste de transition, il est ondulé et n’offre que de grandes lames de mica fortement adhérentes. Dans les couches plus neuves, près du contact avec le grauwacke, il renferme de petites paillettes isolées de mica, souvent aussi de la chiastolithe, de l’épidote et des filets de quarz. Le thonschiefer de transition, caractérisé par son extrême variabilité, c’est-à-dire par sa tendance continuelle à changer de composition et d’aspect, contient un grand nombre de couches, dont quelques-unes, par leur répétition fréquente, semblent former des roches alternantes avec lui. Les effets les plus habituels de ce développement intérieur sont les bancs intercalés de grauwacke et de grauwacke schisteux; de calcaire généralement compacte et noir, ou grisnoirâtre, quelquefois rougeâtre (Braunsdorf), et même grenu et blanc (Miltitz en Saxe), comme dans le groupe §. 20; de grünstein; de porphyre (Caucase; Saxe, près Friedrichswalde et Seidwitzgrund); de schiste alumineux, ou ampélite fortement carburée; de quarz compacte (quarzite; quarzfels de Hausmann), quelquefois avec de petits cristaux de feldspath (Kemielf en Finlande); de lydienne et kieselschiefer. Ces deux dernières substances siliceuses se trouvent à la fois dans le thonschiefer, le grauwacke, le calcaire, et sous la forme de jaspe dans le porphyre: elles attestent par leur présence l’affinité géognostique qui unit ces diverses roches de transition. Le thonschiefer (§. 22) renferme moins habituellement: des bancs intercalés de gneis (Lokwitzgrund et Neutanneberg); de micaschiste et granite (Krotte en Saxe; Fürstenstein en Silésie; Honfleur en Normandie; Monthermé dans les Ardennes); de granite et syénite (Caucase, Cotentin, Calixelf en Norwége); d’argile schisteuse graphique (schwarze kreide: vallée de Castillon dans les Pyrénées; Ludwigstadt en Franconie); de schiste novaculaire (wetzschiefer); de serpentine (Bochetta près de Gênes; Lovezara et deux autres points, plus au nord, vers Voltaggio: voyez §. 19); de feldspath compacte (vallée d’Arran dans les Pyrénées, Poullaouen en Bretagne), tantôt pur, noirâtre, gris-verdâtre ou vert d’olive, tantôt (Pyrénées, Harz, et partie orientale de la Haute-Égypte) mêlé de cristaux disséminés de feldspath lamelleux, d’amphibole, de schörl et de quarz. Lorsque le feldspath compacte est simplement mêlé d’amphibole, il forme le grünsteinschiefer de Werner, qui alterne avec le thonschiefer de transition (Ulleaborg en Suède) et se retrouve dans les terrains primitifs. Quoique, comme j’ai tâché de le prouver dans mon Mémoire sur le βασανίτης et λίθος Ἡρακλεία, publié en 1790, la majeure partie des basaltes des anciens soit due à des roches syénitiques de transition, ou à des bancs de grünstein intercalés à des roches primitives, l’examen des statues égyptiennes conservées à Rome, à Naples, à Londres et à Paris, m’a cependant fait naître l’idée que beaucoup de basaltes noirs et verts de nos antiquaires ne sont que des masses de feldspath compacte tirées de terrains intermédiaires, et colorées soit en noir soit en vert par de l’amphibole, par de la chlorite, par du carbone ou des oxides métalliques. Il n’y a que l’analyse chimique de ces masses anciennes non mélangées qui pourra résoudre cette question d’archéologie minéralogique. M. Beudant a vu, dans le terrain de transition de la Hongrie, des grünstein porphyroïdes se transformer en une pâte verte ou noire d’apparence homogène. Cette pâte n’étoit plus qu’un feldspath compacte coloré par l’amphibole. Nous avons déjà fait observer plus haut que le thonschiefer de transition forme de beaucoup plus grandes masses dans le monde que le thonschiefer primitif. Ce dernier est généralement subordonné au micaschiste; comme formation indépendante il est aussi rare dans les Pyrénées et les Alpes que dans les Cordillères. Je n’ai même vu dans l’Amérique méridionale, entre les parallèles de 10° nord et 7° sud, de thonschiefer de transition que sur la pente australe de la chaîne du littoral de Venezuela, à l’entrée des Llanos de Calabozo. Ce bassin des Llanos, fond d’un ancien lac couvert de formations secondaires (grès rouge, zechstein et gypse argileux), est bordé par une bande de terrain intermédiaire de thonschiefer, de calcaire noir et d’euphotide, liée à des grünstein de transition. Sur les gneis et micaschistes, qui ne constituent qu’une seule formation entre les vallées d’Aragua et la Villa de Cura, reposent en gisement concordant, dans les ravins de Malpasso et de Piedras azules, des thonschiefer (direction N. 52° E.; inclin. 70° vers le NO.), dont les couches inférieures sont vertes, stéatiteuses et mêlées d’amphibole; les supérieures d’une couleur gris-perlée et bleu-noirâtre. Ces thonschiefer renferment (comme ceux de Steben en Franconie, du duché de Nassau et de la Peschels-Mühle en Saxe) des couches de grünstein, tantôt en masse, tantôt divisé en boules. Dans la Nouvelle-Espagne, le fameux filon de Guanaxuato, qui, de 1786 à 1803, a produit, année commune, 556,000 marcs d’argent, traverse aussi un thonschiefer de transition. Cette roche, dans ses strates inférieurs, passe, dans la mine de Valenciana (à 932 toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer), au schiste talqueux, et je l’ai décrite, dans mon Essai politique, comme placée sur la limite des terrains primitifs et intermédiaires. Un examen plus approfondi des rapports de gisement que j’avois notés sur les lieux, la comparaison des bancs de syénite et de serpentine que l’on a percés en creusant le tiro general, avec les bancs qui sont intercalés dans les terrains de transition de Saxe, de la Bochetta de Gênes et du Cotentin, me donnent aujourd’hui la certitude que le thonschiefer de Guanaxuato appartient aux plus anciennes formations intermédiaires. Nous ignorons si sa stratification est parallèle et concordante avec celle des granitesgneis de Zacatecas et du Peñon blanco, qui probablement le supportent; car le contact de ces formations n’a point été observé; mais sur le grand plateau du Mexique presque toutes les roches porphyriques suivent la direction générale de la chaîne des montagnes (N. 40° — 50° O). Cette concordance parfaite (Gleichförmigkeit der Lagerung) s’observe entre le gneis primitif et les thonschiefer de transition de la Saxe (Friedrichswalde; vallées de la Müglitz, Seidewitz et Lockwitz): elle prouve que la formation du terrain intermédiaire a succédé immédiatement à la formation des dernières couches du terrain primitif. Dans les Pyrénées, comme l’observe M. de Charpentier, le premier de ces deux terrains se trouve en gisement différent (non parallèle), quelquefois en gisement transgressif (übergreifende Lagerung) avec le second. Je rappellerai à cette occasion que le parallélisme entre la stratification de deux formations consécutives, ou l’absence de ce parallélisme, ne décide pas seul la question de savoir si les deux formations doivent être réunies ou non réunies dans un même terrain primitif ou secondaire: c’est plutôt l’ensemble de tous les rapports géognostiques qui décide le problème. Le thonschiefer de Guanaxuato est très-régulièrement stratifié (direct. N. 46° O.; incl. 45° auSO.), et la forme des vallées n’a aucune influence sur la direction et l’inclinaison des strates. On y distingue trois variétés, qu’on pourroit désigner comme trois époques de formation: un thonschiefer argenté et stéatiteux passant au schiste talqueux (talkschiefer); un thonschiefer verdâtre, à éclat soyeux, ressemblant au schiste chlorité; enfin, un thonschiefer noir, à feuillets très-minces, surchargé de carbone, tachant les doigts comme l’ampélite et le schiste marneux du zechstein, mais ne faisant point effervescence avec les acides. L’ordre dans lequel j’ai nommé ces variétés, est celui dans lequel je les ai observées de bas en haut dans la mine de Valenciana, qui a 263 toises de profondeur perpendiculaire; mais, dans les mines de Mellado, d’Animas et de Rayas, le thonschiefer surcarburé (hoja de libro) se trouve sous la variété verte et stéatiteuse, et il est probable que des strates qui passent au schiste talqueux, à la chlorite et à l’ampélite, alternent plusieurs fois les uns avec les autres. L’épaisseur de cette formation de thonschiefer de transition, que j’ai retrouvée à la montagne de Santa-Rosa près de Los Joares, où les Indiens ramassent de la glace dans de petits bassins creusés à mains d’hommes, est de plus de 3000 pieds. Elle renferme, en couches subordonnées, non-seulement de la syénite (comme les thonschiefer de transition du Cotentin), mais aussi, ce qui est très-remarquable, de la serpentine et un schiste amphibolique qui n’est pas du grünstein. On a trouvé, en creusant en plein roc, dans le toit du filon, le grand puits de tirage de Valenciana (puits qui a coûté près de sept millions de francs), de haut en bas, sur quatre-vingtquatorze toises de profondeur, les strates suivans: conglomérat ancien, représentant le grès rouge; thonschiefer de transition noir, fortement carburé, à feuillets très-minces; thonschiefer gris-bleuâtre, magnésifère, talqueux; schiste amphibolique, noir-verdâtre, un peu mêlé de quarz et de pyrites, dépourvu de feldspath, ne passant pas au grünstein, et entièrement semblable au schiste amphibolique (hornblendschiefer) qui forme des couches dans le gneis et le micaschiste primitifs (§§. 5 et 11); serpentine vert de prase passant au vert d’olive, à cassure inégale et à grain fin, intérieurement matte, mais éclatante sur les fissures, remplie de pyrites, dépourvue de grenats et de diallage métalloïde (schillerspath), mélangée de talc et de stéatite; schiste amphibolique; syénite, ou mélange grenu de beaucoup d’amphibole vert-noirâtre, beaucoup de quarz jaunâtre et peu de feldspath lamelleux et blanc. Cette syénite se fend en strates très-minces; le quarz et le feldspath y sont si irrégulièrement répartis, qu’ils forment quelquefois de petits filons au milieu d’une pâte amphibolique. De ces huit couches intercalées, dont la direction et l’inclinaison sont exactement parallèles à celles de la roche entière, la syénite forme la couche la plus puissante. Elle a plus de 30 toises d’épaisseur, et comme dans les travaux les plus profonds de la mine (planes de San-Bernardo) j’ai vu, à 170 toises au-dessous de la couche de syénite, reparoître un thonschiefer carburé, identique avec celui à travers lequel on a commencé à creuser le nouveau puits, il ne peut rester douteux que l’amphibole schisteuse alternant deux fois avec la serpentine, et que la serpentine alternant probablement avec la syénite, ne forment des bancs subordonnés à la grande masse de thonschiefer de Guanaxuato. La liaison que nous venons de signaler entre des roches amphiboliques et la serpentine, se retrouve sur d’autres points du globe, dans des formations d’euphotide de différens âges: par exemple, au Heideberg près Zelle en Franconie (§. 19); à Kielwig, à l’extrémité boréale de la Norwége; à Portsoy en Écosse, et à l’île de Cuba, entre Regla et Guanavacoa. Je n’ai rencontré ni des débris de corps organiques, ni des couches de porphyres, de grauwacke et de lydienne, dans le thonschiefer de transition de Guanaxuato, qui est la roche la plus riche en minérai d’argent qu’on ait trouvée jusqu’ici: mais ce thonschiefer est recouvert en gisement concordant, dans quelques endroits, de porphyres de transition très-régulièrement stratifiés (los Alamos de la Sierra); en d’autres endroits, de grünstein et de syénites alternant des milliers de fois les uns avec les autres (entre l’Esperanza et Comangillas); en d’autres encore, ou d’un conglomérat calcaire et d’une roche calcaire de transition gris-bleuâtre, un peu argileuse et à petits grains (ravin d’Acabuca), ou de grès rouge (Marfil). Ces rapports du thonschiefer de Guanaxuato avec les roches qu’il supporte, et dont quelques-unes (les syénites) préludent comme bancs subordonnés, suffisent pour le placer parmi les formations de transition; ils justifieront surtout ce résultat aux yeux des géognostes qui connoissent les observations publiées récemment sur les terrains intermédiaires de l’Europe. Quant à la pierre lydienne, il ne peut y avoir aucun doute que le thonschiefer de Guanaxuato ne la renferme sur quelques points non encore explorés; car j’ai trouvé cette substance fréquemment enchâssée en gros fragmens dans le conglomérat ancien (grès rouge) qui recouvre le thonschiefer entre Valenciana, Marfil et Cuevas. A dix lieues au sud de Cuevas, entre Queretaro et la Cuesta de la Noria, au milieu du plateau mexicain, on voit sortir, sous le porphyre, un thonschiefer (de transition) gris-noirâtre, peu fissile et passant à la fois au schiste siliceux (jaspe schistoïde, kieselschiefer) et à la lydienne. Tout près de la Noria beaucoup de fragmens de lydienne se trouvent épars dans les champs. Les roches à filons argentifères de Zacatecas et une petite partie des filons de Catorce traversent aussi, d’après le rapport de deux minéralogistes instruits, MM. Sonneschmidt et Valencia, un thonschiefer de transition qui renferme de véritables couches de pierre lydienne et qui paroît reposer sur des syénites. Cette superposition prouveroit, d’après ce qui a été rapporté sur les couches pereées dans le grand puits de Valenciana, que les thonschiefer mexicains constituent (comme au Caucase et dans le Cotentin) une seule formation avec les syénites et les euphotides de transition, et que peut-être ils alternent avec elles. Grauwacke. Ce nom bizarre, usité parmi les géognostes allemands et anglois, a été conservé, comme celui de thonschiefer, pour éviter une confusion de nomenclature si nuisible à la science des formations. Il désigne, lorsqu’on le prend dans un sens plus général, tout conglomérat, tout grès, tout poudingue, toute roche fragmentaire ou arénacée du terrain de transition, c’est-à-dire, antérieure au grès rouge et au terrain houiller. Le vieux grès rouge (old red sandstone du Herefordshire) de M. Buckland, placé sous le calcaire de transition (mountain limestone) de Derbyshire, est un grès du terrain intermédiaire, comme cet excellent géognoste l’a très-bien indiqué lui-même dans son Mémoire sur la structure des Alpes. Le nouveau conglomérat rouge (new red conglomerate d’Exeter) est le grès rouge des minéralogistes françois, ou todte liegende des minéralogistes allemands; c’est le premier grès du terrain secondaire, c’est-à-dire le grès du terraìn houiller, qui est intimement lié au porphyre secondaire, appelé pour cela porphyre du grès rouge. Lorsqu’on prend le mot grauwacke (traumates de M. d’Aubuisson, psammites anciens et mimophyres quarzeux de M. Brongniart) dans un sens plus étroit, on l’applique à des roches arénacées du terrain de transition, qui ne renferment que de petits fragmens plus ou moins arrondis de substances simples, par exemple, de quarz, de lydienne, de feldspath et de thonschiefer, non des fragmens de roches composées. On exclut alors des grauwackes, et l’on décrit sous le nom de brèches ou conglomérats à gros fragmens primitifs (§. 20), les diverses agglutinations de morceaux de granite, de gneis et de syénite: on sépare également les poudingues calcaires dans lesquels des fragmens arrondis de chaux carbonatée sont cimentés par une pâte de même nature. Toutes ces distinctions (si l’on en excepte certaines brèches calcaires dans lesquelles le contenu et le contenant pourroient bien être quelquefois d’une origine contemporaine) ne sont pas d’une grande importance pour l’étude des formations. Le grauwacke grossier (grosskörnige grauwacke) passe peu à peu au conglomérat à gros fragmens; il alterne dans une même contrée, non-seulement avec des couches de grauwacke à petits grains, mais aussi avec d’autres dont la pâte est presque homogène. Les poudingues et brèches à gros fragmens de roches primitives et composées (urfels-conglomerate de la Valorsine en Savoie, et de Salvan dans le Bas-Valais) sont de véritables grauwackes; ce sont les couches les plus anciennes de cette formation, couches dans lesquelles les fragmens à contours distincts ne sont pas fondus dans la masse, et dont le ciment schisteux à feuillets courbes et ondulés ressemble au micaschiste, tandis que le ciment des grauwackes plus récens du Harz, du duché de Nassau et du Mexique, ressemble au thonschiefer. En général, les conglomérats ou grauwackes du groupe §. 20 offrent des fragmens de roches préexistantes d’un volume plus considérable et plus inégal que les grauwackes du groupe §. 22. Lorsqu’on compare ceux-ci au calcaire de transition, on les trouve le plus souvent d’une origine antérieure; quelquefois ils remplacent même le thonschiefer de transition. L’antériorité du grauwacke au calcaire se manifeste dans les Pyrénées et en Hongrie. Il paroît que dans ce dernier pays le thonschiefer intermédiaire n’a pu prendre un grand développement; car, loin d’y être une formation indépendante qui renferme le grauwacke, c’est au contraire le grauwacke schisteux (grauwacken-schiefer), à paillettes de mica agglutinées, qui y prend tous les caractères d’un vrai schiste de transition. En Angleterre aussi, la grande masse isolée des montagnes calcaires (comtés de Derby, de Glocester et de Sommerset) est d’un âge plus récent que la grande masse de grauwackes qui alternent avec quelques strates calcaires; mais, lorsqu’on examine en détail les points où les différens membres du groupe §. 22 ont pris un développement extraordinaire, on reconnoît deux grandes formations calcaires (transition-limestone de Longhope, et mountainlimestone du Derbyshire et de South-Wales), alternant avec deux formations de grauwacke (greywacke de May-Hill et old red sandstone de Mitchel-Dean en Herefordshire). Cet ordre de gisement, cette bisection des masses calcaires et arénacées se trouve répétée sur plusieurs points du globe. M. Beudant a reconnu, en Hongrie, le vieux grès rouge de l’Angleterre dans le grès quarzeux de transition de Neusohl, qui surmonte des grauwackes à gros grains après y avoir été intercalé: il croit reconnoître le mountain-limestone, placé entre le vieux grès rouge et le terrain houiller d’Angleterre, dans le calcaire intermédiaire du groupe de Tatra. Si l’Oldenhorn et les Diablerets, comme il est très-probable, appartiennent au terrain de transition, il y a aussi en Suisse, au-dessus et au-dessous du grauwacke de la Dent de Chamossaire, deux grandes formations de calcaires noirs, que M. de Buch, depuis long-temps, a distingués sous les noms de premier et second calcaire de transition. En Norwége (Christianiafiord) le grauwacke est décidément plus nouveau que le thonschiefer intermédiaire et le calcaire à orthocératites. Dans le centre de l’Europe, le grauwacke à très-petits grains offre quelquefois des fragmens de cristaux de feldspath lamelleux qui lui donnent un aspect porphyroïde (Pont Pelissier près Servoz; Elm, dans le passage du Splügen; Neusohl, en Hongrie); mais il ne faut pas confondre ces variétés d’une roche arénacée avec des bancs de porphyre intercalés. Nous verrons bientôt que, dans les deux continens, ces cristaux brisés de feldspath se retrouvent dans le grès rouge, et dans un conglomérat feldspathique beaucoup plus récent. Dans l’hémisphère austral, le grauwacke forme, d’après M. d’Eschwege, la pente orientale des montagnes du Brésil. Aux États-unis j’ai trouvé cette même roche (chaîne des Aleghanys) renfermant des bancs de lydienne et de calcaires noirs, entièrement semblables à ceux du terrain de transition du Harz. M. Maclure a, le premier, déterminé les véritables limites des grauwackes depuis la Caroline jusqu’au lac Champlain. Dans le nord de l’Angleterre (Cumberland, Westmoreland) cette roche offre des couches de porphyres grenatifères. Calcaire de transition. Cette roche commence, ou par former des couches dans le grauwacke et le thonschiefer intermédiaires, ou par alterner avec eux: plus tard, le thonschiefer et le grauwacke schisteux disparoissent, et le calcaire superposé devient une formation simple, que l’on seroit tenté de croire indépendante, quoiqu’elle appartienne toujours au groupe §. 22. Lorsqu’il y a alternance de schiste et de calcaire, cette alternance a lieu, ou par couches épaisses (cime de la Bochetta près de Gênes, et chemin entre Novi et Gavi), comme dans les formations composées de granite et gneis, de grauwacke et grauwacke schisteux, de syénite et grünstein, de thonschiefer et porphyre; ou bien l’alternance s’étend aux feuillets les plus minces des roches (calschistes), de sorte que chaque lame de schiste est soudée sur une lame calcaire (vallées de Campan et d’Oueil, dans les Pyrénées; montagnes de Poinik en Hongrie). De même que dans les Pyrénées on trouve intercalés au granite-gneis et au micaschiste primitifs des calcaires que par leur seul aspect on croiroit intermédiaires, savoir, des calcaires noir-grisâtre (Col de la Trappe) colorés par du graphite, qui est la plus ancienne des substances carburées, des calcaires fétides, répandant l’odeur de l’hydrogène sulfuré, et des calcaires compactes remplis de chiastolithes: de même aussi les terrains de transition du groupe §. 22 présentent quelques exemples de calcaires blancs et grenus (Miltitz, en Saxe; vallées d’Ossan et de Soubie, dans les Pyrénées). En général, cependant, si l’on en excepte le groupe §. 20 (celui dont la Tarantaise offre le type), les calcaires de formation intermédiaire sont ou compactes, ou passent au grenu à très-petits grains. Leurs teintes sont plus obscures (gris cendré, gris noir) que celles des calcaires primitifs. Le plus grand nombre des belles variétés de marbres rouges (vallée de Luchon des Pyrénées), verts et jaunes, célèbres parmi les antiquaires sous les noms de marbre africain fleuri, noir de Lucullus, jaune et rouge antique, pavonazzo et brèche dorée, me semblent appartenir à des calcaires et conglomérats calcaires de transition. Nous avons vu plus haut que la chiastolithe du thonschiefer de transition se montre par exception dans le thonschiefer primitif: c’est d’une manière analogue que la trémolithe, si commune dans la dolomie et le calcaire blanc primitif, se trouve par exception (entre Giellebeck et Drammen en Norwége) dans le calcaire noir de transition. Certaines espèces minérales appartiennent sans doute plus à tel âge qu’à tout autre; mais leurs rapports avec les formations ne sont pas assez exclusifs pour en faire des caractères diagnostiques dans une science dans laquelle le gisement seul peut décider d’une manière absolue. Souvent des circonstances locales ont singulièrement influé sur les liaisons que l’on observe entre les espèces minérales et les terrains. Dans les Pyrénées et surtout dans l’Amérique méridionale, les grenats disséminés sont propres au gneis, tandis que partout ailleurs ils semblent plutôt appartenir au micaschiste. Les calcaires de transition, là où ils forment de grandes masses isolées, abondent en silice; et tantôt (chaîne des Pyrénées) cette silice se trouve réunie en cristaux de quarz; tantôt (chaîne des Alpes) elle est mêlée à la masse entière, comme un sable très-fin. Dans la première de ces chaînes le calcaire intermédiaire renferme, comme le calcaire primitif, des couches de grünstein (vallée de Saleix) et même de feldspath compacte, deux roches qui généralement sont plus communes dans le thonschiefer intermédiaire. Les bancs de grünstein se trouvent aussi, d’après M. Mohs, dans le calcaire de transition de la Styrie, et les mandelstein du mountainlimestone du Derbyshire (entre Sheffield et Castelton) appartiennent à un système de couches intercalées géognostiquement analogues. Ces couches prennent souvent l’aspect de véritables filons. Le prodigieux développement que le calcaire intermédiaire atteint dans la haute chaîne des Alpes, pourroit faire croire que le groupe §. 22 renferme deux formations distinctes, dont l’une, plus ancienne, embrasse les schistes et les grauwackes avec des porphyres et des calcaires intercalés, et l’autre, d’un âge plus récent, les calcaires considérés comme roches indépendantes; mais cette séparation ne me paroîtroit pas suffisamment justifiée par la constitution géognostique des terrains. En Suisse, comme en Angleterre, de grandes masses calcaires alternent avec des roches fragmentaires de transition, et ces mêmes calcaires, qu’on voudroit élever au rang de formations indépendantes, manifestent par des bancs intercalés une liaison intime avec tous les autres membres du groupe §. 22. Dans le calcaire intermédiaire des Diablerets et de l’Oldenhorn, M. de Charpentier a observé des couches de grauwacke schisteux. D’après ce même géognoste expérimenté, le gypse muriatifère de Bex est subordonné à un calcaire de transition qui repose sur du grauwacke, et qui alterne à la fois avec cette dernière roche et avec du thonschiefer de transition. Les assises inférieures du calcaire de transition sont très-noires et remplies de bélemnites; les assises supérieures sont argileuses et renferment des ammonites. Le gypse anhydre, dans lequel le sel gemme est disséminé, appartient à ces assises supérieures; il offre à son tour des bancs subordonnés de gypse commun ou hydraté, de calcaire compacte, de thonschiefer, de grauwacke et de brèches. C’est ainsi que chaque dépôt de sel, de houille et de minérai de fer, dans les terrains intermédiaire et secondaire, renferme de petites formations locales, qu’il ne faut pas confondre avec les véritables termes de la série géognostique. D’après les observations de M. de Charpentier et M. Lardy, le gypse du terrain secondaire, en ne considérant que de grandes masses, est toujours hydraté (Thuringe), tandis que le gypse de transition (Bex) est anhydre ou hydraté épigène. Les opinions des géognostes sont d’ailleurs encore partagées sur l’âge du dépôt salifère de la Suisse. M. de Buch, dans ses lettres à M. Escher, publiées en 1809, semble placer le gypse muriatifère de Bex entre le grauwacke de la Dent de Chamossaire et le conglomérat de Sepey: MM. de Bonnard et Beudant le regardent comme secondaire et appartenant soit au grès houiller soit au zechstein. Il nous avoit paru tel aussi, à M. Freiesleben et à moi, lorsque nous avons examiné ces contrées en 1795. Dans la chaîne des Pyrénées, la limite entre les terrains de transition (Pic long, 1668 toises; Pic d’Estals, 1550 toises) et les terrains de grès rouge (montagnes de Larry, 1100 toises) et de calcaire alpin (Montperdu, 1747 toises) est très-nettement tracée. Partout où il y a du grès rouge, on peut distinguer deux calcaires, un qui recouvre le grès rouge et un qui le supporte. Le premier de ces calcaires, quelles que soient sa composition et sa couleur, est, pour le géognoste qui nomme les formations d’après le gisement, un calcaire alpin (zechstein); le second est un calcaire de transition. Dans la haute chaîne des Alpes, et nous reviendrons plus tard sur cet objet intéressant, le grès rouge n’est pas plus caractérisé qu’il ne l’est dans une grande partie de la Cordillère des Andes; on peut même révoquer en doute s’il y existe. Il est donc assez naturel que la limite entre le calcaire alpin ou zechstein et le calcaire de transition le plus récent ne puisse pas y être reconnue avec certitude. Les calcaires de la bande méridionale des Alpes, savoir, de la Dent du Midi de Saint-Maurice, de la Dent de Morcle, des Diablerets (si l’on en excepte la sommité très-coquillière au nord-est de Bex), de l’Oldenhorn, du Gemmi, de la Jungfrau, du Titlis et du Tödi, sont aussi évidemment de transition, que les calcaires de Longhope, de Dudley ou de Derbyshire, en Angleterre; que ceux des vallées de Campan et de Luchon dans les Pyrénées; que ceux de Namur en Belgique, de Blankenbourg, d’Elbingerode, de Scharzfeld et du Schnéeberg près de Vienne, en Allemagne. Cette évidence est beaucoup moins grande pour la bande calcaire septentrionale des Alpes, pour la roche du Mole, de la Dent d’Oche, du Molesson, de la Tour d’Ay, de la Dent de Jament, du Stockhorn, du Glarnisch et du Sentis, que quelques géognostes célèbres prennent pour du zechstein, d’autres pour la formation la plus récente des calcaires de transition. Les roches de la bande méridionale et septentrionale des Alpes ont été souvent confondues sous une dénomination commune, celle de calcaire des hautes montagnes (Hochgebirgskalkstein); dénomination qui seroit plus vague encore que celle de calcaire alpin, si l’on y attachoit une idée de gisement géographique et si elle n’exprimoit que la position de certaines roches à de très-grandes hauteurs. Le mot calcaire alpin, regardé dans son origine comme synonyme de zechstein, indique un gisement géognostique, une formation placée, que ce soit dans les plaines ou dans des chaînes de montagnes très-élevées, immédiatement au-dessus du grès rouge. C’est un fait assez remarquable que le calcaire à encrinites (mountain-limestone), et même le conglomérat de transition (old red sandstone) qui supporte ce calcaire, contiennent, en Angleterre et en Écosse, quelques traces de houille qui diffère de l’anthracite. Les véritables variolithes (Durance, Mont-Rose), qui offrent des nodules de feldspath compacte, disséminés dans un mélange intime presque homogène d’amphibole, de chlorithe (?) et de feldspath, appartiennent soit au groupe que nous venons de décrire, soit au groupe suivant. Peut-être ne sont-elles que des bancs intercalés à un grünstein porphyroïde, bancs dans lesquels une portion du feldspath s’est dégagée du tissu de la masse. On n’a long-temps connu ces variolithes que comme galets ou en gros fragmens détachés: il ne faut pas les confondre avec les variolithes à nœuds de spath calcaire (blattersteine), subordonnées au thonschiefer vert de transition, ni avec les variolithes qui naissent par infiltration dans le mandelstein du grès rouge. Quoique nous soyons bien loin encore de pouvoir compléter l’histoire de chaque terrain intermédiaire et secondaire par l’énumération des espèces de corps fossiles qui s’y trouvent, nous allons pourtant indiquer quelques-uns de ces débris organiques qui semblent caractériser le groupe §. 22. Dans le thonschiefer et le grauwacke, surtout dans le grauwacke schisteux: plantes monocotylédones (arundinacées ou bambousacées), antérieures peut-être aux animaux les plus anciens; entroques, corallites, ammonites (vallées de Castillon dans les Pyrénées; base de la montagne de Fis, en Savoie; duché de Nassau et Harz, en Allemagne); hystérolithes, orthocératites, beaucoup plus rares que dans le calcaire intermédiaire; pectinites (Gerolstein, en Allemagne); trilobites aveugles de M. Wahlenberg, dans lesquels on ne voit aucune trace d’yeux (Olstorp, en Suède); ogygies de M. Brongniart, dans lesquels les yeux ne sont pour ainsi dire qu’indiqués par deux tubérosités sur le chaperon (Angers et Amérique septentrionale); calymène de Tristan et calymène macrophtalme de Brongniart (Bretagne, Cotentin). Dans le calcaire, savoir, dans les couches plus anciennes: entroques, madrépores, bélemnites (Bex, en Suisse; Pic de Bedillac, dans les Pyrénées); quelques ammonites, jamais par bancs, mais isolés; des orthocératites, Asaphus Buchii, A. Hausmanni (pays de Galles, Suède); très-peu de coquilles bivalves. Dans les couches plus récentes du calcaire: Calymène Blumenbachii (Dudley en Angleterre, et Miami dans l’Amérique du nord), Asaphus caudatus de Brongniart; des ammonites, des térébratules, des orthocératites, quelques gryphites (Namur, Avesnes); des encrinites. En Allemagne, le calcaire de transition est quelquefois (Eiffel et duché de Bergen) tout pétri de coquilles. Le calcaire grenu de l’île de Paros ( Link, Urwelt, pag. 2) doit, d’après un passage de Xénophane de Colophon, conservé dans Origène ( Philosophumena, c. 14, T. I, p. 893, B. edit. Delarue ), renfermer des débris organiques; mais il reste bien douteux, selon qu’on lit δάφνη ou ἀφύη, si ces débris sont du règne végétal (du bois de laurier), ou du règne animal (l’empreinte d’un anchois). Nous n’insistons pas sur cette détermination; car il seroit possible que le marbre de Paros fût aussi peu primitif que le marbre de Carare, sur lequel je partage les doutes de plusieurs géognostes célèbres. Le phénomène des grottes ne s’oppose cependant pas à la haute antiquité des calcaires de l’Archipel: il y en a dans quelques pays (Silésie, près Kaufungen; Pyrénées, vallées de Naupounts et montagne de Meigut) qui paroissent appartenir au calcaire primitif. IV et V. Porphyres, Syénites et Grünstein postérieurs au Thonschiefer de transition, quelquefois même au calcaire a orthocératites. §. 23. Je réunis en deux groupes, qui peut-être n’en forment qu’un seul, les porphyres, les grünstein porphyriques et les syénites que, dans les deux hémisphères, j’ai vus recouvrir le thonschiefer de transition. Ces roches, par leur composition et leurs rapports avec les trachytes qui leur sont immédiatement superposés, offrent beaucoup d’analogie avec le groupe plus ancien §. 21. C’est dans ces porphyres et grünstein porphyriques que l’on a découvert, au nord de l’équateur, au Mexique et en Hongrie, d’immenses richesses de minérais d’or et d’argent; car, quoique la roche métallifère de Schemnitz (saxum metalliferum de Born) soit peut-être postérieure à des calcaires de transition renfermant quelques foibles débris organiques, ce gisement, d’après l’opinion d’un géognoste célèbre, M. Beudant, est trop incertain, pour séparer des formations aussi étroitement unies que celles de la Nouvelle-Espagne et de la Hongrie. Les syénites à zircons, les granites de transition et les porphyres de Norwége, que MM. de Buch et Hausmann nous ont fait connoître, sont non-seulement postérieurs (Stromsoë, Krogskoven) au grauwacke et à un thonschiefer qui alterne avec le calcaire à orthocératites, mais ces roches recouvrent aussi (Skeen) immédiatement un quarzite (quarzfels) qui représente le grauwacke et qui repose sur un calcaire noir dépourvu de couches alternantes de thonschiefer. Il résulte de ces considérations qu’on auroit des motifs très-valables pour réunir les groupes §§. 23 et 24, en ne distinguant, parmi les porphyres de transition, que deux formations indépendantes, antérieures et postérieures au thonschiefer, et une troisième formation (§. 22) subordonnée à cette roche. La propriété qu’ont certains porphyres et syénites porphyriques d’être éminemment métallifères, ne doit pas s’opposer, je pense, à la réunion des roches du Mexique, de la Hongrie, de la Saxe et de la Norwége. Les minérais d’or et d’argent n’y forment pas des couches contemporaines, mais des filons qui atteignent une puissance extraordinaire. Des porphyres de transition, dont on seroit tenté de placer plusieurs parmi les trachytes, parce qu’ils renferment de véritables couches de phonolithe avec feldspath vitreux, participent à cette richesse minérale que parmi les terrains postérieurs aux terrains primitifs l’on a crue trop long-temps exclusivement propre aux thonschiefer carburé et micacé, au grauwacke et au calcaire de transition. Dans ces mêmes régions, il existe des groupes de porphyres et de syénites très-analogues, par leur composition minéralogique et leur gisement, aux roches des plus riches mines de Schemnitz ou de la Nouvelle-Espagne, et qui néanmoins se trouvent entièrement dépourvus de métaux. C’est presque le cas de tous les porphyres de transition (et des roches trachytiques) de l’Amérique méridionale. Les grandes exploitations du Pérou, celles de Hualgayoc ou Chota, et de Llauricocha ou Pasco, ne sont pas dans le porphyre, mais dans le calcaire alpin. Dans la république de Buénos-Ayres, le fameux Cerro del Potosi est composé de thonschiefer (de transition?) recouvert de porphyre qui contient des grenats disséminés. Si les grands dépôts argentifères et aurifères qui font depuis des siècles la richesse de la Hongrie et de la Transylvanie, se trouvent uniquement au milieu des syénites et des grünstein porphyriques, il ne faut point en conclure qu’il en est de même dans la Nouvelle-Espagne. Sans doute les porphyres mexicains ont offert des exemples isolés d’une prodigieuse richesse. A Pachuca, le seul puits de tirage de l’Encino a fourni pendant long-temps annuellement plus de 30,000 marcs d’argent: en 1726 et 1727, les deux exploitations de la Biscaina et du Xacal ont donné ensemble 542,000 marcs, c’est-à-dire presque deux fois autant qu’en ont donné, dans le même intervalle, toute l’Europe et toute la Russie asiatique. Ces mêmes porphyres de Real del Monte, qui par leurs couches supérieures se lient aux trachytes porphyriques et aux perlites avec obsidiennes du Cerro de las Navajas, ont fourni par l’exploitation de la mine de la Biscaina au comte de Regla (de 1762 à 1781) plus de onze millions de piastres. Cependant ces richesses sont encore inférieures à celles que l’on retire, dans le même pays, de formations de transition non porphyriques. La Veta negra de Sombrerete, qui traverse un calcaire compacte rempli de rognons de pierre lydienne, a offert l’exemple de la plus grande abondance de minérais d’argent qu’on ait observée dans les deux mondes: la famille de Fagoaga ou du marquis del Apartado en a retiré en peu de mois un profit net de quatre millions de piastres. La mine de Valenciana, exploitée dans du schiste de transition, a été d’un produit si constant que, jusqu’à la fin du dernier siècle, elle n’a pas cessé de fournir annuellement, pendant quarante années consécutives, au-delà de 360,000 marcs d’argent. En général dans la partie centrale de la Nouvelle-Espagne, où les porphyres sont fréquens, ce n’est point cette roche qui fournit les métaux précieux aux trois grandes exploitations de Guanaxuato, de Zacatecas et de Catorce. Ces trois districts de mines, qui donnent la moitié de tout l’or et l’argent mexicain, sont situés entre les 18° et 23° de latitude boréale. Les mineurs y travaillent sur des gites de minérais contenus presque entièrement dans des terrains de thonschiefer intermédiaire, de grauwacke et de calcaire alpin: je dis, presque entièrement; car la fameuse Veta madre de Guanaxuato, plus riche que le Potosi, et fournissant jusqu’en 1804, année commune, un sixième de l’argent que l’Amérique verse dans la circulation du monde entier, traverse à la fois le thonschiefer et le porphyre. Les mines de Belgrado, de San- Bruno et de Marisanchez, ouvertes dans la partie porphyritique au sud-est de Valenciana, ne sont que de très-peu d’importance. D’autres exploitations, dirigées sur les porphyres du groupe §. 23 (Real del Monte, Moran, Pachuca et Bolaños), ne fournissent aujourd’hui pas au-delà de 100,000 marcs ou un vingt-cinquième de l’argent exporté (1803) du port de la Vera-Cruz. J’ai cru devoir consigner ici ces faits, parce que la dénomination de porphyres métallifères, dont je me suis souvent servi dans mes ouvrages, peut donner lieu à l’erreur de regarder les richesses métalliques du nouveau monde comme dues en très-grande partie aux porphyres de transition. Plus on avance dans l’étude de la constitution du globe sous les différens climats, plus on reconnoît qu’il existe à peine une roche antérieure au calcaire alpin, qui, dans de certaines contrées, n’ait été trouvée très-argentifère. Le phénomène de ces filons anciens dans lesquels se trouvent déposées nos richesses métalliques (peut-être comme le fer oligiste spéculaire et le muriate de cuivre sont déposés et remontent encore de nos jours dans les crevasses des laves), est un phénomène qui paroît pour ainsi dire indépendant de la nature spécifique des roches. Pour donner une idée précise de la composition du terrain de porphyre, syénite et grünstein, postérieur au thonschiefer de transition, il est nécessaire, dans l’état actuel de la science, de distinguer quatre formations partielles, savoir, celles de la région équinoxiale du nouveau continent, de la Hongrie, de la Saxe et de la Norwége. Malgré les rapports qui unissent ces formations partielles, chacune d’elles offre des différences assez remarquables. Nous les désignerons par des noms purement géographiques, selon les lieux qui en présentent les types les plus distincts, sans vouloir indiquer par là qu’on ne puisse trouver la formation de Hongrie dans le nouveau continent, ou celle de Guanaxuato, avec toutes les circonstances qui l’accompagnent, dans quelques parties de l’Europe. A. Groupes de la région équinoxiale du nouveau continent. a. Dans l’hémisphère boréal. Ce qui caractérise en général les porphyres, en partie très-métallifères, de l’Amérique équinoxiale (ceux du groupe §. 23, comme ceux du groupe §. 21), c’est l’absence presque totale du quarz, la présence de l’amphibole, du feldspath vitreux, et quelquefois du pyroxène. J’ai insisté sur ces caractères distinctifs dans tous les ouvrages que j’ai publiés depuis 1805; on les retrouve en grande partie dans les porphyres ou grünstein porphyriques, également métallifères, de la Hongrie et de la Transylvanie. Les porphyres mexicains, comme nous l’avons fait observer plus haut, présentent souvent à la fois deux variétés de feldspath, le commun et le vitreux; le premier résiste beaucoup moins à la décomposition que le second. La forme de leurs cristaux, larges ou effilés, les fait reconnoître presque autant que l’éclat et la structure lamelleuse plus ou moins nettement prononcée. Le quarz, si parfois il se montre, n’est point cristallisé, mais en petits grains informes: le pyroxène et le grenat, qui se trouvent également dans les grünstein porphyriques de la Hongrie, sont très-rares. Le groupe argentifère mexicain abonde moins en amphibole: le mica, que l’on retrouve dans quelques trachytes, manque toujours dans les porphyres de la Nouvelle-Espagne. La plupart de ces roches sont très-régulièrement stratifiées; et, qui plus est, la direction de leurs strates est souvent (entre la Moxonera et Sopilote au nord d’Acapulco; au Puerto de Santa Rosa près de Guanaxuato) concordante avec la direction des roches primitives et intermédiaires auxquelles elles sont superposées. Dans la Nouvelle-Espagne, comme en Hongrie, le terrain trachytique est placé immédiatement sur les porphyres métallifères: mais, dans le premier de ces pays, les porphyres sont recouverts sur quelques points (Zimapan, Xaschi et Xacala) de calcaire gris-noirâtre de transition; sur d’autres points (Villalpando), de grès rouge; sur d’autres encore (entre Masatlan et Chilpanzingo, entre Amajaque et la Magdalena; entre San Francisco Ocotlan et la Puebla de los Angeles; entre Cholula et Totomehuacan), de calcaire alpin. Les porphyres de transition de la Hongrie, de la Saxe et de la Norwége ont une structure très-compliquée: ils alternent avec des syénites, des granites, des grünstein; et lorsqu’il n’y a pas d’alternance, ces trois dernières roches, et même des micachistes ou des calcaires stéatiteux, se trouvent renfermés, comme couches subordonnées, dans les porphyres. La fréquence de ces bancs intercalés éloigne d’une manière trèsprononcée les porphyres de la Hongrie ou de la Norwége des roches trachytiques; elle les éloigne aussi des porphyres de la Nouvelle-Espagne, qui leur ressemblent par leur composition minéralogique (par la nature de leur pâte et des cristaux enchâssés). La structure des porphyres mexicains est d’une grande simplicité: ils forment un immense terrain non interrompu par des bancs intercalés. J’ai vu des syénites dans les thonschiefer de transition de Guanaxuato (§. 22); je les ai vues, au-dessus de ce thonschiefer, alterner avec des grünstein: mais je n’ai vu ni syénite, ni micaschiste, ni grünstein, ni calcaire dans les porphyres de la Moxonera, de Pachuca, de Moran et de Guanaxuato. Ce n’est qu’à Bolaños que l’on trouve du mandelstein dans le porphyre. Ce développement uniforme et non interrompu des porphyres métallifères et non métallifères de la Nouvelle-Espagne est un phénomène trèsfrappant: il rend plus difficile la séparation systématique des terrains de porphyre et de trachyte, là où ces terrains se supportent immédiatement. Lorsqu’on évalue l’épaisseur des deux terrains réunis, c’est-à-dire, lorsqu’on s’élève des couches les plus basses d’un porphyre que l’on peut croire de transition, parce qu’il est recouvert de grandes formations calcaires, analogues au zechstein (Guasintlan, à la pente occidentale, et Venta del Encero, à la pente orientale de la Cordillère), jusqu’au sommet trachytique du grand volcan de la Puebla (Popocatepetl), on trouve, d’après mes mesures barométriques et trigonométriques, une épaisseur, non interrompue par des roches intercalées, de plus de 13,000 pieds (2233 toises). L’épaisseur des seules couches de porphyre métallifère, en comptant depuis Guasintlan et Puente de Istla (où les porphyres se cachent sous les mandelstein poreux de Guchilaque et de la vallée de Mexico) jusqu’à l’affleurement des filons argentifères de Cabrera (Real de Moran), est de 5000 pieds (817 toises). Ces dimensions ont été déterminées en comparant les hauteurs absolues des stations; car, d’après l’inclinaison variable des couches, et d’après le rapport entre la direction des coupes et la direction de la roche, il est probable que les épaisseurs apparentes (les différences entre le maximum et le minimum de hauteurs) s’éloignent très-peu des épaisseurs véritables, qui sont la somme des épaisseurs évaluées perpendiculairement aux fissures de stratification. Voici les circonstances locales, les plus intéressantes, du gisement des porphyres du Mexique entre les 17° et 21° de latitude boréale. α. Chemin d’Acapulco à Mexico. Le porphyre, à la pente occidentale de la Cordillère d’Anahuac, ne descend que jusqu’à la vallée du Rio Papagallo, un peu au nord de la Venta de Tierra colorada, à 230 toises de hauteur au-dessus du niveau de l’océan Pacifique. Sur la pente orientale de la Cordillère d’Anahuac, entre la vallée de Mexico et le port de la Vera-Cruz, je n’ai vu aucune trace de cette roche audessous de l’Encero, à 476 toises de hauteur. Le porphyre s’y cache sous un grès argileux qui enchâsse des fragmens d’amygdaloïde trachytique. Les deux groupes principaux de porphyres, dans le chemin d’Acapulco à Mexico, sont ceux de la Moxonera et de Zumpango. La vallée granitique du Papagallo est bordée au sud (Alto del Peregrino) par une formation de calcaire compacte (de 85 toises d’épaisseur), bleu-noirâtre, traversé par de petits filons blancs de spath calcaire. Elle est remplie de grandes cavernes, mais analogues plutôt au calcaire alpin qu’au calcaire de transition. Au nord la vallée est bordée par une masse de porphyre (Alto de la Moxonera et de Los Caxones) qui a 355 toises d’épaisseur. Ce porphyre est assez régulièrement stratifié (dir. N. 35° E., inclin. 40° au N. O.); quelquefois il est divisé en boules à couches concentriques. Sa base est verdâtre et argileuse, enchâssant du feldspath vitreux et des pyroxènes décomposés, qui ont presque la couleur de l’olivine: point de quarz, point de mica, point de feldspath lamelleux. De grandes masses d’argile blanc-rougeâtre sont intercalées dans ce porphyre terreux; il repose immédiatement, comme le calcaire du Peregrino (dont les strates ont dir. N. 45° E.; incl. 60° au N. O.), sur le granite primitif. Ce dernier, qui a été décrit plus haut (§. 7), renferme, au pied de la colline porphyritique de Los Caxones, dans la vallée même du Papagallo, des filons d’amphibolite noir et des boules de granite à couches concentriques, semblables à celles que j’ai observées au Fichtelgebirge près de Seissen. La plus grande masse de ce granite à gros grains est très-régulièrement stratifiée (dir. N. 40° E.) et inclinée par groupes d’une vaste étendue, le plus souvent au N. O., quelquefois au S. E. Les cimes (porphyriques?) voisines (Cerros de las Caxas et del Toro) ont des formes bizarres; et si, à cause de la composition minéralogique du porphyre de la Moxonera et de l’Alto de los Caxones, et à cause de son isolement, on étoit tenté de le prendre pour du trachyte, le parallélisme de direction de ses strates avec ceux du calcaire et du granite, et le recouvrement d’un porphyre trèssemblable et très-voisin (Masatlan) par de puissantes formations de calcaire secondaire, s’opposeroient à cette hypothèse. En descendant de la montagne porphyrique de Los Caxones, vers le sud, c’est-à-dire vers les côtes de l’océan Pacifique, j’ai vu venir au jour alternativement: le granite primitif de la vallée du Papagallo, le calcaire alpin de l’Alto del Peregrino, le granite primitif de la vallée du Camaron, la syénite de l’Alto del Camaron, enfin le granite primitif de l’Exido et des côtes d’Acapulco. La syénite du Camaron, renfermant des cristaux d’amphibole de huit lignes de long, ne me paroît pas liée aux porphyres mexicains. Ce n’est qu’un changement de composition dans la masse du granite, qui, dans cette région, se mêle à l’amphibole, et devient porphyroïde sur tous les sommets des collines. Le second groupe de porphyre intermédiaire dont j’ai pu examiner la superposition avec soin, est celui de Zumpango. Ce groupe commence quelques lieues au nord de l’Alto de los Caxones, et supporte, en s’étendant vers Mescala, un vaste plateau composé de calcaire, de grès et de gypse (entre Masatlan et Chilpanzingo). C’est dans ce plateau, dont la hauteur absolue (c’est-à-dire, au-dessus du niveau de la mer) est de 700 toises, qu’un porphyre semblable par sa composition à celui de la Moxonera supporte des terrains secondaires d’une structure très-compliquée. En descendant de l’Alto de los Caxones (haut. 585 toises) vers le nord, on voit d’abord de nouveau reparoître au jour le granite primitif de la vallée du Papagallo; puis l’on découvre un lambeau de calcaire alpin, semblable à celui du Peregrino (lambeau de 200 toises de large, qui se trouve superposé immédiatement au granite); puis paroît encore le granite, et enfin l’on atteint le groupe porphyrique de Zumpango, dans lequel se conserve très-régulièrement la direction des strates, N. 30° à 45° E., avec une inclinaison très-frequente au N. O. Ce porphyre, rempli de feldspath vitreux, dépourvu d’amphibole, et recouvrant le granite primitif, sert d’abord de base (Acaguisotla) à une formation d’amygdaloïde brun-rougeâtre, semi-vitreuse, presque sans cavités, renfermant des amandes de calcédoine décomposée, des lames de mica noir et du mélanite. Bientôt le mandelstein disparoît, et le porphyre se montre de nouveau sur un espace de terrain considérable, jusqu’à ce qu’il se cache sous le calcaire de Masatlan et de Chilpansingo, c’est-à-dire, sous deux formations poreuses très-distinctes, dont la supérieure est blanchâtre, argileuse et friable, l’inférieure bleu-grisâtre, intimement mêlée de spath calcaire grenu et en masse. Ces deux calcaires semblent, au premier abord, moins anciens que le calcaire alpin du Peregrino; mais ils n’appartiennent certainement pas à des terrains tertiaires qui en Hongrie reposent sur des trachytes. Je n’y ai trouvé aucune trace de pétrifications: ils sont dirigés N. 35° E., et généralement inclinés de 40°, non au N. O., mais au S. E. Cette uniformité de direction (non d’inclinaison), observée parmi des roches qui paroissent d’un âge si différent, est un phénomène très-rare. Il ajoute peut-être aux motifs que l’on a de ne pas considérer comme des trachytes les porphyres dont nous venons de faire connoître le gisement. Les calcaires de Chilpansingo ont des cavités qui varient de quatre lignes jusqu’à huit pouces de diamètre. La formation inférieure, qui est bleu-grisâtre, recouvre immédiatement le porphyre; elle perce quelquefois la formation blanchâtre, et forme à la surface du sol de petits rochers cylindriques ou coralliformes de trois ou quatre pieds de haut, qui présentent l’aspect le plus bizarre. Ces circonstances de composition et de structure indiquent beaucoup d’analogie entre le calcaire caverneux trouvé depuis Masatlan et Petaquillas jusqu’à Chilpansingo, et les couches inférieures du calcaire du Jura (höhlenkalk; schlackiger, blasiger kalkstein) qui, également caverneuses dans le Haut-Palatinat (entre Laber et Ettershausen) et en Franconie (entre Pegnitz et Muggendorf), donnent, par leurs aspérités, à la surface du sol une physionomie particulière. Non loin de Zumpango le porphyre sort de nouveau audessous des calcaires caverneux de Chilpansingo, ou plutôt sous un conglomérat calcaire qui, renfermant à la fois de gros fragmens de la formation bleue et de la formation blanche, recouvre cette dernière sur plusieurs points. Comme dans les groupes de Los Caxones et de Zumpango les porphyres s’élèvent à peu près au même niveau (560 et 585 toises), on peut supposer, avec quelque probabilité, que les calcaires caverneux qu’ils supportent dans le plateau de Chilpansingo, ont 800 pieds d’épaisseur. En avançant au nord vers Sopilote, Mescala et Tasco, on perd de nouveau de vue le porphyre. Le granite primitif reparoît; mais bientôt il se trouve caché par un porphyre dont la composition minéralogique offre des caractères trèsremarquables: il est gris-bleuâtre, un peu argileux par décomposition, et enchâsse de grands cristaux de feldspath jaune-blanchâtre (plutôt lamelleux que vitreux), du pyroxène presque vert-poireau et un peu de quarz non cristallisé. Ce porphyre stratifié est recouvert, vers le sud, du même conglomérat calcaire qui abonde sur le plateau de Chilpansingo; vers le nord (Sopilote, Estola, Mescala), d’un calcaire compacte, grisâtre et traversé de filons de carbonate de chaux. Le calcaire d’Estola n’est pas spongieux ou bulleux dans sa masse entière, comme la formation de Masatlan, mais il renferme de grandes cavernes isolées, comme le calcaire du Peregrino que nous avons décrit plus haut. Il ne m’est resté aucun doute, en voyageant dans ces montagnes, que les roches de la Cañada de Sopilote et de l’Alto del Peregrino sont identiques avec notre calcaire alpin (zechstein) de l’Europe, avec celui qui succède, selon l’âge de sa formation, au grès rouge, ou, lorsque celui-ci manque, aux roches de transition. Près de Mescala, un peu au nord de Sopilote, de riches filons argentifères, analogues aux filons de Tasco et de Tehuilotepec, traversent le calcaire alpin. Dans la vallée de Sopilote, la roche qui recouvre le porphyre du groupe de Zumpango, présente ces mêmes couches sinueuses et contournées que l’on voit à l’Achsenberg, au bord du lac de Lucerne, et dans d’autres montagnes de calcaire alpin en Suisse. J’ai observé que les couches supérieures de la formation de Sopilote et de Mescala passent progressivement au gris-blanchâtre, et que, dépourvues de filons de spath calcaire, elles offrent une cassure matte, compacte ou conchoïde. Elles se divisent, presque comme le calcaire de Pappenheim, en plaques très-minces. On diroit d’un passage du calcaire alpin au calcaire du Jura, deux formations qui se recouvrent immédiatement en Suisse, dans les Apennins et dans plusieurs parties de l’Amérique équinoxiale, mais qui, dans le Sud de l’Allemagne, sont séparées l’une de l’autre par plusieurs formations intercalées (par le grès de Nebra ou bunte sandstein, par le muschelkalk et le grès blanc ou quadersandstein). Près du village de Sochipala, le calcaire alpin est couvert de gypse, et entre Estola et Tepecuacuilco, on voit sortir sous le calcaire alpin (dirigé tantôt N. 10° E. avec incl. 40° à l’est, tantôt N. 48° E. avec incl. 50° au sud-est) un porphyre vert d’asperge à base de feldspath compacte, divisé en strates très-minces, comme celui d’Achichintla, et presque dépourvu de cristaux disséminés. Cette roche ressemble au porphyre phonolitique (porphyrschiefer) du terrain de trachyte. Si l’on avance vers les mines de Tehuilotepec et de Tasco, on trouve cette même roche recouverte d’un grès quarzeux à ciment argilo-calcaire, et analogue au weiss liegende (couche inférieure arénacée du zechstein) de la Thuringe. Ce grès quarzeux annonce de nouveau la proximité du calcaire alpin: aussi, sur ce grès et peut-être immédiatement sur le porphyre (comme c’est le cas à Zumpango et à l’Alto de los Caxones), on voit reposer, près du lac salé de Tuspa, une masse immense de calcaire alpin souvent caverneux, renfermant quelques pétrifications de trochus et d’autres coquilles univalves. Ce calcaire de Tuspa, indubitablement postérieur à tous les porphyres que je viens de décrire, renferme des couches de gypse spéculaire et des strates d'argile schisteuse et carburée qu’il ne faut pas confondre avec du grauwackeschiefer. Il est généralement gris-bleuâtre, compacte, et traversé par des filons de carbonate de chaux. Sur beaucoup de points, loin d’être caverneux, il fait passage à une formation blanche, très-compacte, analogue au calcaire de Pappenheim. J’ai été très-frappé de ces variations de texture, que nous avons observées également, M. de Buch et moi, dans les Apennins (entre Fosombrono, Furli et Fuligno), et qui semblent prouver que, là où les membres intermédiaires de la série n’ont pu se développer, les formations de calcaire alpin et de calcaire du Jura sont plus intimement liées qu’on ne l’admet généralement. Les riches filons d’argent de Tasco, qui ont donné jadis 160,000 marcs d’argent par an, traversent à la fois le calcaire et un thonschiefer qui passe au micaschiste; car, malgré l’identité des formations calcaires, également argentifères, de Tasco et de Mescala, la première de ces formations, partout où elle a été percée dans les travaux des mines (Cerro de S. Ignacio), n’a pas été trouvée superposée au porphyre comme le calcaire de Mescala, mais recouvrant une roche plus ancienne que le porphyre, un micaschiste (dir. N. 50° E.; incl. 40° — 60°, le plus souvent au N. O., quelquefois au S. E.) dépourvu de grenats et passant au thonschiefer primitif. J’ai dû entrer dans ces détails sur les terrains qui succèdent aux porphyres, parce que ce n’est qu’en faisant connoître la nature des roches superposées qu’on peut mettre les géognostes en état de prononcer sur la place que doivent occuper les porphyres mexicains dans l’ordre des formations. L’esquisse d’un tableau géognostique n’a de valeur qu’autant qu’on rattache la roche qu’on veut faire connoître, à celles qui lui succèdent immédiatement au-dessus et audessous. Les seuls faits oryctognostiques peuvent être présentés isolément: la géognosie positive est une science d’enchaînemens et de rapports, et l’on ne peut, en décrivant une portion quelconque du globe, borner son horizon et s’arrêter à telle ou telle couche qu’on veut étudier de préférence. β. Plateau central. Vallée de Mexico; terrain entre Pachuca, Moran et La Puebla . Une énorme masse de porphyre de transition s’élève à la hauteur moyenne de 1200 à 1400 toises au-dessus du niveau de la mer. Elle est recouverte, dans la vallée de Mexico et au sud vers Cuernavaca et Guchilaque, de mandelstein basaltique et celluleux (en mexicain tetzontli); vers l’est et le nord-est (entre Tlascala et Totonilco), de formations secondaires. Il est probable que le porphyre, qui se cache d’abord sous le calcaire alpin de Mescala, puis dans les Llanos de San-Gabriel (près du pont d’Istla), sous des conglomérats trachytiques et sous un mandelstein poreux, est identique avec celui qui reparoît, 15 lieues plus au nord et 800 toises plus haut, sur les bords du lac de Tezcuco. C’est dans la belle vallée de Mexico que la roche porphyrique perce l’amygdaloïde celluleuse dans les collines de Chapoltepec, de Notre-Dame de la Guadeloupe et du Peñol de los Baños. Elle présente plusieurs variétés très-remarquables: 1. ° grisrougeâtres, un peu argileuses, sans stratification distincte, renfermant en parties égales des cristaux d’amphibole et de feldspath commun (galerie creusée dans le rocher de Chapoltepec); 2.° noires ou gris-noirâtre (quelquefois fendillées et bulleuses), stratifiées par couches de 3 — 4 pouces d’épaisseur, à base de feldspath compacte, à cassure matte, unie ou imparfaitement conchoïde (ressemblant plus à la cassure de la lydienne qu’à celle du pechstein), renfermant de petits cristaux de feldspath vitreux et de pyroxène vert d’olive, presque dépourvues d’amphibole, souvent recouvertes à leur surface de superbes masses de hyalithe mamelonné ou verre de Müller (Peñol de los Baños, dir. N. 60° O., incl. 60° N. E.); 3.° rouges, terreuses, avec beaucoup de grands cristaux de feldspath commun décomposé (salines du lac de Tezcuco, là où d’anciennes sculptures aztèques couvrent le Peñol). Le porphyre de la vallée de Mexico offre non-seulement des sources d’eau potable qui sont amenées à la ville par de longs et somptueux aqueducs, mais aussi des eaux thermales acidulées, les unes chaudes et les autres froides. On y trouve, et ce fait est bien remarquable, comme dans le micaschiste primitif des environs d’Araya et de Cumana, du naphte et du pétrole (promontoire du Sanctuaire de Guadeloupe). Quoique ce porphyre sorte audessous de l’amygdaloïde poreuse, et qu’il se montre au jour (Cerro de las Cruces et Tiangillo, Cuesta de Varientos et Capulalpan, Cerro Ventoso et Rio Frio) dans tout le pourtour circulaire du bassin de Tenochtitlan, fond d’un ancien lac en partie desséché, ce n’est que vers le nord-nord-est seulement (Pachuca, Real del Monte et Moran) qu’il a été trouvé argentifère. De riches filons traversent, depuis la mine de San-Pedro à la cime du Cerro Ventoso (1461 toises) jusqu’au fond de l’ancien puits de l’Encino (1170 toises) dans le Real de Pachuca, une masse de porphyre qui a plus de 1700 pieds d’épaisseur. Cette roche, que jadis on auroit appelée pétrosiliceuse ou hornsteinporphyr, est généralement gris-verdâtre, quelquefois vert de prase, à cassure écailleuse, offrant des fragmens à bords aigus. Sa pâte est probablement un feldspath compacte, chargé de silice: elle renferme, non du quarz et du mica, mais des cristaux de feldspath commun et d’amphibole. La dernière substance n’est généralement pas très-abondante, et lorsque le porphyre est argileux ou plutôt terreux, on ne reconnoît l’amphibole que par des taches à surface striée et d’un vert très-foncé. Les couches presque argileuses et plus tendres (thonporphyr de Moran) paroissent inférieures aux couches plus dures et plus tenaces. On trouve intercalés aux unes et aux autres des strates de phonolithe (klingstein) gris de fumée ou vert-poireau, divisés en tables ou feuillets très-sonores. Ce n’est cependant pas entièrement un porphyrschiefer du terrain trachytique; car la masse phonolithique n’offre pas des cristaux effilés de feldspath vitreux, mais des cristaux de feldspath commun blanc grisâtre, constamment accompagnés d’un peu d’amphibole. Tous ces porphyres argentifères de Moran et de Real del Monte sont très-régulièrement stratifiés (direction générale, comme dans la vallée de Mexico, N. 60° O., incl. 50° — 60° au N. E.): ils n’offrent des divisions en colonnes informes que dans les Organos de Actopan (Cerro de Mamanchota, sommet 1527 toises) et les Monjas de Totonilco el Chico, si toutefois la roche des Organos, dont la masse a 3000 pieds d’épaisseur, en ne comptant que les porphyres visibles au-dessus des plaines voisines, est identique avec la roche de Moran. La dernière renferme un peu moins de cristaux d’amphibole; l’une et l’autre de ces roches ne sont ni fendillées ni poreuses, et c’est au pied des pics grotesques des Monjas que se trouvent les riches filons de Totonilco el Chico. Jusque-là tous les porphyres argentifères de Pachuca et de Moran, que je viens de décrire, ne nous ont rien offert qui les éloigne du terrain de transition: ils sont même recouverts, entre les bains de Totonilco el Grande et la caverne de la Madre de Dios ou Roche percée, d’énormes masses de formations calcaires, de grès et de gypse. La formation calcaire, de 1000 pieds d’épaisseur, est gris-bleuâtre, compacte, non poreuse, renfermant des filons de galène et des couches de calcaire blanc presque saccharin à gros grains. C’est pour le moins la formation alpine (alpenkalkstein), si ce n’est pas un calcaire de transition, et les rapports de gisement qu’on observe entre cette roche calcaire et les porphyres de Moran et de la Magdalena semblent caractériser ceux-ci comme décidément non trachytiques. En avançant à quatre ou cinq lieues de distance des mines de Moran, par Omitlan, par les savanes de Tinaxas, et par une vaste forêt de chênes vers le Jacal, dont l’Oyamel ou la Montagne des Couteaux (Cerro de los Navajas) forme la pente occidentale, on entre dans un pays qui offre, dans sa composition géognostique, la trace très-récente des feux souterrains. On trouve d’abord au pied de l’Oyamel un porphyre terreux blanc-grisâtre, renfermant des cristaux de feldspath vitreux, et présentant presque la même direction (le même angle avec le méridien, N. 30° O.) que les porphyres argentifères, mais une inclinaison (75° au S. O.) diamétralement opposée. L’état de la végétation ne permet pas de fixer les rapports de gisement entre les roches de l’Oyamel et les porphyres de transition des mines d’argent de Moran. Les premières, qui sont encore dépourvues d’obsidienne, servent de base à une roche blanc-rougeâtre, à éclat émaillé, à cassure unie, quelquefois grenue, renfermant un peu de feldspath vitreux, et divisée en une infinité de petites couches parallèles, souvent ondulées. Cette roche est une perlite porphyrique lithoïde, ou plutôt un porphyre trachytique non spongieux, non fendillé, dont la base passe au perlstein. Un tel passage de la pâte pierreuse à une masse composée de globules agglutinés, se manifeste même dans des couches qu’à leur seul aspect on croiroit d’abord composées de feldspath compacte ou d’un kieselschiefer terne et grisâtre. Aux cristaux effilés de feldspath vitreux, disséminés dans la pâte, ne se trouvent mêlés ni le mica noir, ni le quarz, mélange que l’on observe dans la perlite de Tokai et de Schemnitz en Hongrie. L’abondance d’obsidienne que renferment les porphyres de la montagne des Couteaux, et qui les rapproche des perlstein de Cinapecuaro, ne laisse pas de doute sur leur nature volcanique. Ils constituent des montagnes isolées, souvent jumelles, à couches perpendiculaires, rappelant, par leur aspect, les collines de basalte et de trachyte des Monts Euganéens. Ces masses volcaniques sont-elles sorties du sein des porphyres de transition de Moran, ou existe-t-il un passage des unes aux autres? Les roches de l’Oyamel sont-elles seulement superposées aux porphyres métallifères, comme le sont les basaltes colonnaires de Regla? On se demande de même si les porphyres noirs, souvent bulleux, de la vallée de Mexico (Peñol de los Baños), recouverts d’amygdaloïde, basaltiques et cellulaires, sont d’une origine différente des porphyres qui se cachent (Totonilco el Grande) sous le calcaire alpin? Dans cette même vallée de Mexico (en avançant du lac de Tezcuco au nord vers Queretaro), on voit sortir, à la Cuesta de Varientos, sous le mandelstein volcanique, un porphyre terreux, rouge-brunâtre, sans amphibole, mais abondant en cristaux effilés de feldspath vitreux. C’est sur la prolongation des strates de cette roche d’un aspect trachytique que reposent les formations secondaires et tertiaires (calcaire du Jura, gypse et marnes avec ossemens d’éléphans, à 1170 toises de hauteur), qui remplissent les bassins de l’Hacienda del Salto, de Batas et du Puerto de los Reyes. Dix lieues plus loin, à Lira, on trouve des roches porphyriques à base semi-vitreuse et vert-olive, recouvertes d’hyalithe mamelonnée et dépourvues de pyroxène. Ces roches enchâssent, outre un peu de feldspath, des grains de quarz: elles offrent en même temps de petites couches d’obsidienne intercalées. C’est, à n’en pas douter, un trachyte (roche à laquelle en Hongrie le quarz n’est pas non plus entièrement étranger). Or, comment distinguer les couches de porphyre trachytique des porphyres de transition qui les supportent immédiatement, lorsque les uns et les autres, au mélange près d’obsidienne et de perlite, ont une composition minéralogique si analogue? Cette difficulté embarrasse encore plus le voyageur géognoste, lorsqu’il sort de la vallée de Mexico, vers l’est, pour traverser l’arête de montagnes sur laquelle s’élèvent les deux volcans de la Puebla, l’Iztaccihuatl ( Femme-blanche, 2456 toises) et le Popocatepetl ( Montagne fumante, 2770 toises). Les roches porphyriques qu’on voit au jour près de la Venta de Cordova et de Rio frio, sont intimement liées aux trachytes du Grand-Volcan encore enflammé. Elles sont recouvertes de brèches ponceuses et de perlites avec obsidienne (entre Ojo del Agua et le fort de Perote), et servent de base (entre San Francisco Ocotlan, la Puebla de los Angeles, Totomehuacan, Tecali et Cholula; entre Venta de Soto, El Pizarro et Portachuelo) à une puissante formation calcaire, tantôt compacte et bleu-grisâtre, tantôt à petits grains et blanche ou à couleur mélangée. Ce calcaire (de transition ou alpin?) n’est certainement pas tertiaire, comme le sont les formations très-récentes de calcaire coquillier, de marnes et de gypse, que dans différentes parties du globe on voit placées, par lambeaux, sur le terrain trachytique. M. Sonneschmidt a vu, près de Zimapan, Xaschi et Xacala, un véritable calcaire de transition, gris-noirâtre et fortement carburé, reposer sur des porphyres entièrement semblables à ceux que nous venons de décrire dans le plateau central de la Nouvelle-Espagne. Quelques strates de ces porphyres de Zimapan, de Xaschi et d’Ismiquilpan, renferment, comme les grünstein porphyriques et les perlites de la Hongrie, et comme le porphyre superposé au thonschiefer (de transition?) de la fameuse montagne de Potosi, des grenats disséminés dans la masse. Ils sont traversés de filons qui présentent cette magnifique variété d’opale jaune-orangé que nous avons fait connoître, M. Sonneschmidt et moi, sous le nom d’opale de feu (feueropal), et qui a été retrouvée par M. Beudant parmi les trachytes de Telkebánya. J’ai vu enchâssés dans la pâte porphyrique de Zimapan, des globules rayonnés de perlite gris-bleuâtre, ressemblant par leur couleur à de la thermantide jaspoïde (porzellan-jaspis). On n’a point encore éclairci les rapports de gisement entre ces porphyres, qu’on croiroit trachytiques, et ceux qui supportent les grandes formations calcaires. Il est plus aisé de séparer les porphyres métallifères des trachytes dans nos classifications artificielles qu’à la vue même des montagnes. γ. Groupe de porphyres de Guanaxuato. C’est ce groupe qui détermine le plus clairement l’âge relatif, ou, pour m’exprimer avec plus de précision, le maximum de l’ancienneté des porphyres mexicains, si toutefois ceux dont nous venons d’indiquer les gisemens sont d’une même formation que les porphyres de Guanaxuato. La superposition de ces porphyres sur des roches appartenant au terrain intermédiaire est manifeste. Près de la ferme de la Noria et dans la Cañada de Queretaro, un porphyre vert d’olive schisteux, rempli de feldspath vitreux en cristaux microscopiques, est superposé à un thonschiefer de transition qui renferme de la lydienne. Près de Guanaxuato, et surtout près de Santa Rosa de la Sierra, cette superposition est également certaine. Les porphyres de ce district ont en général un gisement concordant (une direction et une inclinaison parallèles) avec les strates du thonschiefer. Ils sont éminemment métallifères, et le fameux filon de Guanaxuato (Veta madre), faisant le même angle avec le méridien que les filons de Zacatecas, de Tasco et de Moran (N. 50° O.), a été exploité successivement sur une longueur de 12,000 toises et une largeur (puissance) de 20 à 25 toises. Il a fourni en 230 ans plus de 180 millions de piastres, et il traverse à la fois le porphyre et le schiste de transition. La première de ces roches forme, à l’est de Guanaxuato, des masses gigantesques qui se présentent de loin sous l’aspect le plus étrange, comme des murs et des bastions. Ces crêtes, taillées à pic et élevées de plus de 200 toises au-dessus des plaines environnantes, portent le nom de buffas; elles sont dépourvues de métaux, paroissent soulevées par des fluides élastiques, et sont regardées par les mineurs mexicains, qui à Zacatecas les voient aussi placées sur un thonschiefer de transition éminemment métallifère, comme un indice naturel de la richesse de ces contrées. Lorsqu’on embrasse sous un même point de vue les porphyres de la Buffa de Guanaxuato, et ceux des mines jadis célèbres de Belgrado de San Bruno, de la Sierra de Santa Rosa et de Villalpando, on croit reconnoitre dans leurs strates les plus récens des passages à des roches que l’on est généralement convenu en Europe de placer parmi les trachytes. Dans les environs de Guanaxuato dominent les porphyres à pâte de feldspath compacte, vert de gris et vert d’olive, enchâssant du feldspath lamelleux (non vitreux), soit en cristaux presque microscopiques (Buffa), soit en cristaux très-grands (Mines de San Bruno et du Tesoro). L’amphibole décomposé, qui teint probablement en vert la masse entière de ces roches, ne se distingue que par des taches informes. En s’élevant vers la Sierra (Puerto de Santa Rosa, Puerto de Varientos), le porphyre est souvent divisé en boules à couches concentriques: sa pâte devient vert-noirâtre, semi-vitreuse (pechsteinporphyr), et renferme à la fois un peu de mica cristallisé et des grains de quarz. Près de Villalpando les filons aurifères traversent un porphyre vert de prase, à base de phonolithe, dans lequel on ne reconnoît que quelques petits cristaux effilés de feldspath vitreux. C’est une roche qu’on a de la peine à distinguer du porphyrschiefer trachytique: je l’ai vue couverte et d’un porphyre terreux blanc-jaunâtre (mine de Santa-Cruz), et d’un conglomérat ancien (boca de la mina de Villalpando), qui représente évidemment le grès rouge et dont les couches inférieures passent au grauwacke. Les porphyres de la région équinoxiale du Mexique renferment, quoique bien rarement, outre quelques grenats disséminés (Izmiquilpan et Xaschi), du mercure sulfuré (San Juan de la Chica; Cerro del Fraile près de la Villa de San- Felipe; Gasave, à l’extrémité septentrionale de la vallée de Mexico); de l’étain (El Robedal, et la Mesa de los Hernandez); de l’alunite (Real del Monte, d’après M. Sonneschmidt). Cette dernière substance semble rapprocher encore davantage ces roches porphyriques des véritables trachytes; quoique, dans l’Amérique méridionale (péninsule d’Araya, Cerro del Distiladero et de Chupariparu), j’aie vu un thonschiefer, qui appartient plutôt au terrain primitif qu’au terrain intermédiaire, traversé par des filons, je ne dirai pas, d’alunite (alaunstein), mais d’alun natif dont les Indiens vendent au marché de Cumana des morceaux de plus d’un pouce de grosseur. Le cinabre des porphyres de San-Juan de la Chica, les couches argileuses du Durasno, mêlées à la fois de houille et de cinabre, et placées sur un porphyre très-amphibolique, sont des phénomènes bien dignes d’attention. Ceux des géognostes qui mettent (comme moi) plus d’importance au gisement qu’à la composition oryctognostique des roches, rapprocheront sans doute les porphyres et argiles du Durasno des dépôts de mercure que présente dans les deux mondes la formation de grès rouge et de porphyre (duché de Deux-ponts, et Cuença, entre Quito et Loxa). Les dernières couches du terrain de transition se trouvent partout dans une liaison intime avec les couches les plus anciennes du terrain secondaire. Le célèbre filon argentifère de Bolaños a offert sa plus grande richesse dans une amygdaloïde intercalée au porphyre. En Hongrie, en Angleterre, en Écosse et même en Allemagne, des roches d’amygdaloïde et de porphyres appartiennent à la fois aux grauwackes, aux thonschiefer et calcaires de transition et au grès rouge ou grès houiller. Le porphyre métallifère de Guanaxuato recouvre simplement le thonschiefer: il n’y forme pas en même temps des couches intercalées (comme dans le groupe §. 22); mais une syénite analogue à celle que l’on voit dans la mine de Valenciana, au milieu du thonschiefer intermédiaire, alterne des milliers de fois, sur une surface de plus de vingt lieues carrées, avec du grünstein de transition, entre la mine de l’Esperanza et le village de Comangillas. Dans cette région, la roche syénitique est dépourvue de métaux; mais à Comanja elle est argentifère, comme elle l’est aussi en Saxe et en Hongrie. b. Dans l’hémisphère austral. Entre les 5° et 8° de latitude j’ai vu des roches porphyritiques, intimement liées entre elles, couvrir les pentes orientales et occidentales des Andes du Pérou. Ces roches reposent, soit sur un thonschiefer (de transition?) traversé par des filons argentifères (Mandor, El Pareton), soit, quand le thonschiefer manque, sur du granite. Les unes sont ou divisées en colonnes gigantesques (Paramo de Chulucanas), ou très-régulièrement stratifiées (Sondorillo). Leur base noire est presque basaltique; elles renferment plus de pyroxène que de feldspath, et alternent (Quebrada de Tacorpo) avec des couches de jaspe et de feldspath compacte. Ce dernier, dépourvu de cristaux disséminés, est noir comme de la pierre lydienne, et rappelle, par sa couleur et son homogénéité, certains basanites des monumens anciens. D’autres porphyres (N.tra S.ra del Carmen, au nord du village indien de San Felipe) ont une apparence moins trachytique; ils offrent de riches filons argentifères, et sont recouverts tantôt de couches de quarz de trois ou quatre toises de large, tantôt d’un calcaire (alpin?) compacte, bleu-noirâtre, traversé par de petits filons de spath calcaire et rempli de coquilles pétrifiées (hystérolithes, anomies, cardium, et fragmens de grandes coquilles polythalames, qui sont plutôt des nautilites que des ammonites). En descendant (toujours sur la pente orientale des Andes) vers Tomependa, aux bords de la rivière des Amazones, j’ai vu entre Sonanga et Chamaya, le grès ancien (todtes liegende) superposé à un porphyre terreux grisâtre, renfermant (comme celui de Pucara) beaucoup d’amphibole et un peu de feldspath commun. Sur la pente occidentale des Andes, en approchant des côtes de la mer du Sud, on trouve (entre Namas et Magdalena) des porphyres entièrement dépourvus d’amphibole, et supportant cette grande formation de quarz qui remplace dans cette région le grès rouge. J’ai indiqué plus haut (§. 18) que ce porphyre, loin d’être primitif, m’a paru le plus ancien des porphyres de transition. Ce résultat n’a pu être énoncé qu’avec doute; car, entre Ayavaca, Zaulaca, Yamoca (§. 8) et Namas (province de Jaen de Bracamoros et intendance de Truxillo), il est bien difficile de déterminer avec certitude l’âge des granites, des syénites et des thonschiefer sur lesquels reposent les porphyres intermédiaires et les trachytes porphyriques. Lorsque les rapports de superposition ne sont pas entièrement connus, l’on ne doit prononcer qu’avec réserve sur un terrain d’une constitution géognostique si compliquée. B. Groupe de la Hongrie. C’est le terrain de syénite et de grünstein porphyrique qui renferme la principale richesse minérale de la Hongrie et de la Transylvanie (Schemnitz, Kremnitz, Hochwiesen et Kœnigsberg; le Bannat, Kapnak et Nagyag). Nous faisons connoître ce terrain d’après les belles observations, encore inédites, de M. Beudant. La formation de Hongrie est beaucoup moins simple que celle du Mexique, avec laquelle on lui trouve d’ailleurs de grandes analogies. Les roches qui constituent sa masse principale, sont des roches porphyriques à base de feldspath compacte, colorée en vert: elles renferment, comme les porphyres de l’Amérique équinoxiale que j’ai fait connoître plus haut, de l’amphibole, et sont presque dépourvues de quarz. Cette dernière substance ne se montre que dans les couches subordonnées de syénite, de granite, de gneis et de grünstein compacte, auxquelles passe la roche porphyrique. Dans la Nouvelle-Espagne, les porphyres à filons aurifères et argentifères ont une pâte en apparence homogène, le plus souvent foiblement colorée; en Hongrie, ce ne sont pas les vrais porphyres qui dominent, mais les grünstein porphyriques. D’après de simples considérations oryctognostiques, c’est-à-dire de composition, le terrain aurifère de Hongrie ressemble bien plus à la formation mexicaine d’Ovexeras, dans laquelle alternent des syénites et des grünstein plus ou moins porphyriques, qu’à ces grandes masses de porphyres que traversent les célèbres filons de Pachuca, Real del Monte, Moran et Guanaxuato (au sudest de la mine de Belgrado); mais, considérées géognostiquement, toutes ces roches de porphyre et de syénite, celles du Mexique et de la Hongrie, ne constituent qu’une seule formation, tantôt simple, tantôt composée (avec alternance). Les roches porphyriques et syénitiques de Hongrie, les plus compactes comme les plus mélangées, renferment du carbonate de chaux, et font effervescence avec les acides. Ce caractère se retrouve dans les roches d’un gisement analogue du Mexique, mais non dans les trachytes qui leur sont superposés. Le feldspath vitreux est beaucoup plus rare dans les porphyres à base de grünstein de la Hongrie que dans les porphyres mexicains: il ne se rencontre (Hochwiesen, Bleihütte) que dans les strates supérieurs et terreux, surtout là où commence le terrain trachytique. Le fer oxidulé abonde lorsque l’amphibole se montre en cristaux très-distincts; le grenat (que nous avons déjà indiqué plus haut dans les porphyres mexicains de Zimapan et dans ceux de Potosi, sur le revers oriental des Andes du Pérou) pénètre jusqu’au milieu des prismes d’amphibole. Quoique dans la grande formation de syénites et de grünstein porphyriques de la Hongrie les diverses variétés de roches passent fréquemment les unes aux autres, on remarque pourtant en général le type suivant d’association et de superposition: la partie inférieure de tout le système est formée par des syénites à gros et à petits grains, passant à un granite talqueux (Hodritz) et au gneis; la partie moyenne est composée tantôt de grünstein compacte, à pâte noire presque dépourvue de cristaux disséminés, tantôt de roches porphyriques, à base de feldspath pur, ou à base mélangée de feldspath et d’amphibole, enchâssant des cristaux de feldspath commun (lamelleux), de l’amphibole, un peu de mica et des grenats, très-rarement du quarz; la partie supérieure offre des grünstein porphyriques terreux et particulièrement aurifères. C’est seulement cette dernière assise qui renferme quelquefois du feldspath vitreux, de la laumonite, du mica et (comme dans l’Amérique équinoxiale) des filons de jaspe rouge. Dans les grünstein terreux qui sont d’une structure plus simple, parce qu’ils n’alternent pas avec des syénites, des granites ou gneis de transition, on trouve (vallée de Glashütte) des masses compactes basaltiformes (divisées en prismes) et un grünstein porphyrique noir à base de feldspath amphiboleux. Ce grünstein enchâsse des aiguilles très-petites d’amphibole, des lamelles nombreuses de mica noir et des druses de quarz blanc et rouge. Les couches subordonnées à la grande formation de syénite et grünstein porphyrique de Hongrie sont: des micaschistes (vallée d’Eisenbach); du quarz compacte, tantôt feuilleté et micacé, tantôt grenu, passant partiellement à un silex terne à cassure unie (bassin occidental de Schemnitz); du calcaire stéatiteux, jaune de soufre, verdâtre ou rougeâtre, avec grenats disséminés dans la masse, et accompagné de serpentine (Hodritz). Tout ce système de roches syénitiques et porphyriques est très-distinctement stratifié en Hongrie comme au Mexique; mais, dans le premier de ces deux pays, la direction et l’inclinaison des strates ne sont uniformes que dans un même groupe de montagnes. La nature du terrain sur lequel reposent les syénites et grünstein porphyriques de la Hongrie, n’est pas facile à déterminer avec certitude. M. Beudant les croit d’une formation plus récente que les grauwackes, qui ne se sont pas développés en Hongrie là où dominent les grünstein porphyriques. Des schistes talqueux, alternant avec des calcaires cristallins grisâtres, et appartenant probablement au terrain de transition le plus ancien, ont paru à ce savant géognoste, de même qu’à M. Becker, servir de base à la formation syénitique et porphyrique. Ce seroit une analogie de plus qu’offriroit cette formation avec le terrain homonyme du Mexique. En Hongrie, comme dans le nouveau continent, les porphyres, les syénites et les grünstein sont immédiatement recouverts de trachytes et de conglomérats trachytiques avec obsidiennes et perlites. En Auvergne (Mont-d’or, Cantal); dans les îles de la Grèce (Argentiera, Milo, Santorino), visitées par un excellent observateur, M. Hawkins; à Unalaska, exploré récemment par M. de Chamisso et par l’expédition du capitaine Kotzebue, ces mêmes rapports de gisement s’observent entre les trachytes et les porphyres de transition. A la montagne du Kasbek, dans la chaîne Caucasique, un porphyre intermédiaire, qui alterne avec de la syénite, du granite, du gneis et du thonschiefer de transition, renferme aussi du feldspath vitreux: il offre même dans quelques strates toutes les apparences d’un trachyte poreux. C’est ainsi que sur les points les plus éloignés du globe, en Amérique, en Europe et en Asie, nous voyons osciller les porphyres entre des roches de transition et des roches volcaniques trèsanciennes. C. Groupe de la Saxe. Nous ne parlons point ici du porphyre qui forme avec le grünstein et le calcaire gris-noirâtre des couches subordonnées (Friedrichswalde, Seidwitzgrund) dans le schiste de transition (§. 22), mais de la grande formation de syénite et porphyre que Werner désignoit par le nom de formation principale (Hauptniederlage). Ce savant illustre distinguoit quatre terrains de porphyres: le premier formant des couches (ou plutôt des filons?) dans le gneis et le micaschiste primitifs; le second alternant avec la syénite; le troisième appartenant au grès houiller, et renfermant des grünstein, des rétinites et des amygdaloïdes agathifères; le quatrième intercalé à des roches trappéennes (volcaniques). Ces quatre terrains, dont le premier ne constitue vraisemblablement pas une formation indépendante, sont, comme je l’ai exposé ailleurs ( Voyage aux régions équinoxiales, T. I, p. 155), les porphyres intercalés aux roches primitives, les porphyres de transition, les porphyres secondaires et les trachytes (trapporphyre). La formation principale de porphyre et de syénite de Saxe repose sur des schistes de transition (avec grauwacke), et par conséquent, là où les thonschiefer ne se sont pas développés, sur des roches plus anciennes. La syénite qui alterne avec le porphyre (Meissen, Leuben et Prasitz; Suhl) passe au granite et au gneis. Ce granite de transition est généralement à gros grains, composé de feldspath rougeâtre, de quarz gris de fumée, et de mica noir bien cristallisé (Dohna, Posewitz et Wesenstein). Le gneis de transition (Meissen) est plus rare que le granite, et forme des couches dans la syénite, comme en forment aussi le calcaire grenu et blanc (Naundorf) et un grünstein qui passe au basalte (Wehnitz). La présence de la formation de syénite qui renferme, dans la vallée de Plauen (comme en Norwége), quelques cristaux disséminés de zircon, ne se manifeste souvent que par des bancs de granite; car la substitution, fréquente et locale, du mica à l’amphibole et de l’amphibole au mica, caractérise la formation syénitique, abondante en sphène brun (braunmenakanerz), qui est un silicate de titane et de chaux. Le porphyre non stratifié de Saxe a généralement une base rouge, grisâtre et argileuse (thonporphyr, résultat d’une décomposition du feldspath compacte); d’après M. Boué, quelquefois (vallée de Tharandt) cette base prend l’aspect du klingstein. Ce porphyre ne renferme presque pas d’amphibole, et n’est point dépourvu de quarz comme ceux du Mexique et de la Hongrie. On y trouve du feldspath commun, du quarz cristallisé en doubles pyramides hexaèdres, et quelquefois un peu de mica. Le groupe de porphyres et syénites de Saxe est un peu métallifère; la syénite stratifiée à bancs épais de Scharfenberg offre des filons d’argent, et le porphyre d’Altenberg contient quelquefois de l’étain. C’est dans la vallée de Plauen, près de Dresde, que se trouve la roche à laquelle Werner a donné, le premier, le nom de syénite, croyant par erreur que les obélisques égyptiens conservés à Rome contenoient tous de l’amphibole. M. Wad ( Foss. ægypt. Musei Borgiani, 1794, p. 6 et 48; Zoega, de Obeliscis, p. 648) a prouvé que ces obélisques, dont le plus beau, minéralogiquement parlant, est celui de Piazza Navona, sont un véritable granite avec mica noir aggloméré, sans amphibole. En effet, il n’existe point à Syène de formation indépendante de syénite et de porphyre intermédiaires; mais le granite primitif, peut-être d’une formation pas trèsancienne, y renferme de l’amphibole (comme à l’Orénoque; au Spitzberg près Krummhübel en Silésie; près Wiborg en Finlande) disséminé dans des couches subordonnées, non étendues et d’un prolongement peu régulier. Pour le géognoste classificateur la roche de Syène est un granite qui contient de l’amphibole: ce n’est point de la syénite. Quelques fragmens de cette roche, que l’on trouve isolés parmi les monumens égyptiens, ont trompé Werner par l’analogie oryctognostique qu’ils présentent avec la syénite de la vallée de Plauen. Des formations de porphyre et de syénite entièrement semblables à celle de Saxe, et placées sur le schiste de transition et le grauwacke, sont communes au Thüringerwald: d’après M. Boué, en Moravie (entre Blansko, Brünn et Znaim); d’après M. Rozière, dans la péninsule du Mont Sinaï. Ces dernières méritent une attention particulière. Des roches intermédiaires schisteuses et arénacées couvrent une partie de l’Arabie pétrée. Au milieu de ces roches, qui renferment des conglomérats avec fragmens de granite et de porphyre (brèche universelle d’Égypte, dans le langage des antiquaires), sortent des syénites, et des porphyres à base de feldspath compacte silicifère, enchâssant des cristaux de feldspath lamelleux, un peu d’amphibole et, d’après M. Burckhardt, du quarz. Les porphyres sont généralement inférieurs à la syénite, et cette dernière, dont se composent probablement les tables de la loi que l’on croit enterrées à Djebel Mousa, est accompagnée de grünstein compacte noirâtre (golfe d’Akaba) et de grünstein porphyrique. Tout ce terrain de l’Arabie pétrée, dont j’ai pu examiner de nombreux échantillons, ressemble de la manière la plus frappante au terrain porphyrique et syénitique d’Ovexeras et de Guanaxuato, au Mexique. En substituant avec M. Rozière le mot sinaïte à celui de syénite, on auroit donné à la roche de transition qui est composée d’amphibole et de feldspath, et mêlée quelquefois d’un peu de quarz et de mica, un nom géographique plus exact, un nom qui (comme celui de calcaire du Jura) auroit rappelé non-seulement des rapports de composition, mais aussi des rapports de gisement. D. Groupe de la Norwége. §. 24. C’est le terrain décrit par deux géognostes célèbres, le professeur Haussmann et M. Léopold de Buch; c’est celui dans lequel la formation de granite postérieure à des roches calcaires, remplies de débris de corps organisés, s’est le mieux développée, et qui par conséquent a répandu le plus de jour sur la véritable nature des roches de transition. On n’avoit d’abord regardé cette classe de roches que comme une association de grauwacke, de schistes carburés et de calcaires noirs: peu à peu l’on reconnut que la grande masse de porphyres appelés long-temps porphyres primitifs appartenoit, soit au terrain de transition, soit même au grès rouge. On réunissoit aux porphyres intermédiaires les syénites de Meissen; mais, quoique ces dernières perdent l’amphibole et passent insensiblement au granite de transition (Dohna), la généralité de ce phénomène, l’apparition nouvelle de roches granitoïdes, entièrement analogues aux roches primitives, et recouvrant à la fois des porphyres noirs avec pyroxène et des calcaires à orthocératites, ne commença à bien fixer l’attention des géognostes que lorsque les rives du golfe de Christiania furent décrites dans tous leurs merveilleux rapports de superposition. Les zircons, qui ont donné tant de célébrité à la syénite de Holmstrand et de Stromsoë, se retrouvent abondamment dans les syénites du Groënland méridional (d’après M. Giesecke, près cap Comfort, à Kittiksut et à Holsteensberg): ils sont aussi disséminés en très-petites masses dans les syénites de Meissen et de la vallée de Plauen. Cette substance, dans d’autres localités, appartient plutôt aux roches primitives (par exemple, au gneis); car, quoique le zircon, le fer titané, le sphène, l’épidote, le feldspath vitreux, le chiastolithe, la pierre lydienne, la diallage, l’amphibole et le pyroxène accompagnent de préférence certaines formations, il ne faut point considérer ces associations comme des caractères d’une valeur absolue. L’accumulation des zircons dans les syénites de Christianiafiord est, sous le rapport des questions géogoniques, beaucoup moins remarquable que la multiplicité de vacuoles, la structure caverneuse et gercée de ces mêmes syénites de transition, qui sont liées à des porphyres basaltiques et pyroxéniques. Depuis que, par les analogies fréquentes que l’on a observées entre le terrain de porphyre et de syénite de Christiania et les terrains de transition du Caucase, de la Hongrie, de l’Allemagne, de la France occidentale, du Groënland et du Mexique, les géognostes ne sont plus étonnés de la succession de roches feldspathiques et cristallisées aux grauwackes et aux calcaires pétris d’entroques et d’orthocératites, l’apparition de ces mêmes roches cristallines dans le plus ancien membre de la série des roches secondaires commence à fixer leur attention. On a reconnu que, dans les deux mondes, des masses cristallines, composées de feldspath et d’amphibole, ou de feldspath et de pyroxène, oscillent entre le terrain volcanique, le terrain intermédiaire et le grès rouge. Ces oscillations, ces intercalations de roches problématiques, que l’on est tenté de regarder comme les effets d’une pénétration successive de bas en haut, prouvent la liaison intime qui existe entre les couches les plus récentes du terrain de transition et les plus anciennes couches des terrains secondaires et volcaniques. Dans la partie méridionale du Tyrol, des masses de granite et de porphyre syénitique semblent même déborder du grès rouge dans le calcaire alpin; et ces phénomènes curieux d’alternance, liés à tant d’autres plus anciennement connus, semblent condamner à la fois et la séparation du grès houiller des porphyres du terrain intermédiaire, et la dénomination historique et trop exclusive de terrains pyrogènes. La grande formation des porphyres, des syénites et des granites de la Norwége, repose sur un terrain de schiste de transition qui renferme des couches alternantes de calcaire noir, de pierre lydienne et peut-être même (car le gisement dans ce point est moins évident) de granite. Le calcaire noir (Aggerselv, Saasen) est pétri d’orthocératites de plusieurs pieds de longueur, d’entroques, de madrépores, de pectinites et (quoique très-rarement) d’ammonites. Des filons de porphyre et de grünstein porphyriques de 2 à 15 toises d’épaisseur traversent le thonschiefer et le calcaire (Skiallebjerg) et préludent pour ainsi dire aux masses analogues de porphyres qui reposent, non immédiatement sur le thonschiefer, mais sur une roche arénacée (grauwacke) dont le thonschiefer est recouvert. Entre Stromsoë, Maridal et Krogskovn, le grauwacke, au lieu de se trouver en couches dans le thonschiefer auquel il appartient (§. 22), en forme comme une assise supérieure, de sorte que l’on y voit suivre de bas en haut: gneis primitif; thonschiefer de transition, alternant avec du calcaire à orthocératites; grauwacke; porphyre avec des couches subordonnées de grünstein; granite; syénite à zircons, alternant avec quelques couches de porphyres. Près de Skeen et de Holmstrand le calcaire à orthocératites a pris un tel développement, que le thonschiefer y manque entièrement; le grauwacke y est remplacé par une roche de quarz micacé. On y voit de bas en haut: du gneis primitif; du calcaire de transition; la roche de quarz; le porphyre dont l’assise inférieure est du mandelstein; la syénite à zircons. Les porphyres de Christianiafiord, mélangés par infiltration de carbonate de chaux, sont généralement brun-rougeâtre: ils offrent des cristaux quelquefois très-effilés de feldspath lamelleux, et sont presque dépourvus de quarz et d’amphibole. Le quarz cristallisé ne se montre qu’entre Angersklif et Revo. La pâte du porphyre devient parfois noire et boursouflée (Viig, Holmstrand). Dans cet état, la roche ressemble a du basalte, comme la syénite de la péninsule du mont Sinaï, et renferme des cristaux de pyroxène. M. de Buch, auquel j’emprunte tous ces faits importans, observe que les cristaux de feldspath disparoissent à mesure que la masse prend une teinte plus noire, phénomène que m’ont offert aussi plusieurs porphyres de transition du Mexique. Le mandelstein, dont les cavités alongées sont remplies de carbonate de chaux, et qui forme l’assise inférieure des porphyres norwégiens de Skeen et de Klaveness, rappelle le mandelstein du porphyre de Bolaños (province mexicaine de la Nouvelle-Galice), qui est traversé par un des plus riches filons argentifères. Les syénites de Christianiafiord, toujours placés au-dessus des porphyres, quoique alternant d’abord avec eux, sont composés (Waringskullen, Hackedalen) de beaucoup de grands cristaux de feldspath rouge, et de peu d’amphibole en trèspetits cristaux. Le mica et le quarz n’y sont qu’accidentels. Quelques vacuoles anguleuses de la syénite offrent des cristaux de zircons et d’épidote. Le titane ferrifère, commun dans les deux mondes aux roches d’euphotide primitive et aux trachytes, se trouve parfois disséminé dans la masse des syénites à zircons. VI. Euphotide de transition. §. 25. Il faut distinguer, comme parmi les syénites, entre les bancs intercalés et les formations indépendantes. Des couches de serpentine se trouvent intercalées dans le weisstein (§. 4), dans le micaschiste primitif (§. 11) et dans le thonschiefer de transition (§. 22). Quant aux terrains indépendans d’euphotide (gabbro), qui souvent sont d’une structure trèscompliquée, on peut en compter pour le moins deux, même en rejetant la formation non recouverte et assez douteuse de Zöblitz en Saxe. La première de ces formations indépendantes se trouve (§. 19) sur la limite des terrains primitifs et intermédiaires: c’est celle que M. de Buch a fait connoitre en Norwége (Maggeroe, Alten), et M. Beudant en Hongrie (Dobschau). La seconde formation appartient aux terrains de transition les plus nouveaux; elle se trouve sur la limite des roches intermédiaires et secondaires. On a regardé comme plus récente encore la serpentine liée à la formation d’ophite, observée par M. Palassou dans les Pyrénées (vallée de Baigorry, Riemont) et dans le département des Landes. Mais cet ophite est un grünstein, mélange intime de feldspath, d’épidote et d’amphibole, auquel sont intercalés des bancs de serpentine (Pousac); il passe, par le changement dans la proportion des élémens, tantôt à la syénite, tantôt au granite graphique. M. Boué, qui a récemment examiné cet ophite sur les lieux, le croit une formation de transition, recouverte de grès bigarré, d’argile et de gypse secondaire. Dans l’Amérique équinoxiale, la grande formation d’euphotide de transition (celle qui constitue le dernier membre de la série des roches intermédiaires) semble presque constamment liée (comme dans le Piémont, entre le Mont Cervin et le Breuil) à des roches amphiboliques. Sur le bord septentrional des Llanos de Venezuela, recouvertes de grès rouge, entre Villa de Cura et Malpasso, on voit des masses considérables de serpentine reposer sur un thonschiefer vert et sur un calcaire de transition, quelquefois immédiatement sur le gneis primitif. Un grünstein à petits grains forme des couches à la fois dans le thonschiefer et dans la serpentine. Celle-ci est même quelquefois mêlée de feldspath et d’amphibole. Les schistes verts et bleus, le grünstein, le calcaire noir, et la serpentine traversée par des filons de cuivre, ne forment qu’un seul terrain, qui est recouvert et intimement lié à des amygdaloïdes pyroxéniques et à de la phonolithe. J’ai décrit ce gisement remarquable des roches serpentineuses de Venezuela dans le 16.e chapitre de mon Voyage aux régions équinoxiales de l’Amérique. Dans l’île de Cuba la baie de la Havane sépare le calcaire du Jura d’une formation d’euphotide dont les couches les plus basses alternent, non avec du grünstein, mais avec une véritable syénite de transition composée de beaucoup de feldspath blanc, d’amphibole décomposé et d’un peu de quarz. Les strates alternans de la syénite et de la serpentine ont jusqu’à trois toises d’épaisseur; l’assise supérieure de cette formation mixte est de la serpentine, formant des collines de 30 à 40 toises de hauteur, abondant en diallage métalloïde, et traversée de filons remplis de belles calcédoines, d’améthystes et de minérais de cuivre. Cette roche est confusément stratifiée (par groupes, N. 55° E.; incl. de 60° au S. O. ou N. 90 E.; incl. de 50° au N.); il en sort des sources de pétrole et d’eau chargée d’hydrogène sulfuré. A ce même terrain d’euphotide de transition (§. 25) semblent appartenir et la formation d’Écosse (Girvan et Bellantraë), composée, d’après M. Boué, de serpentine, de roches hypersthéniques et de syénite, et la célèbre formation du Florentin (Prato, Monteferrato), décrite par MM. Viviani, Bardi, Brocchi et Brongniart. L’hypersthène remplace souvent (Écosse, et Gernerode en Allemagne) la diallage. Quant aux euphotides du Florentin, elles ont été récemment l’objet de discussions intéressantes. Elles renferment des lits de jaspe rougeâtre, quelquefois rubané, et paroissent superposées, d’après M. Brocchi, comme celles de Styrie, à des grauwackes et à des calcaires de transition. M. Brongniart pense que le terrain arénacé, ou, comme il le nomme, le terrain calcaréo-psammitique des Apennins, qui sert de base aux euphotides jaspifères, est ou une roche secondaire trèsancienne, ou une roche de transition très-moderne. Ce savant a fait connoître la liaison intime qui existe entre la serpentine d’Italie et le terrain jaspique. Ce dernier terrain constitue généralement l’assise inférieure des euphotides. Ici se termine la série des formations intermédiaires. Nous avons donné plus d’étendue à leur description, parce que, tout en essayant de les présenter d’après une nouvelle classification par groupes, nous avons voulu fixer l’attention des géognostes sur divers phénomènes de gisement qu’offrent les montagnes peu connues du Mexique et de l’Amérique du Sud. Terrains secondaires. I. Grand dépôt de houille, grès rouge et porphyre secondaire. (Amygdaloïde, grünstein, rétinite.) II. Zechstein (calcaire alpin, magnesian limestone), quelquefois intercalé au grès rouge. (Gypse hydraté, sel gemme.) III. Dépôts alternans, arénacés et calcaires (marneux et oolithiques). placés entre le zechstein et la craie. Nous ne citerons ici que deux types très-analogues dans leurs rapports géognostiques, et en commençant chaque série par les roches les plus anciennes. 1.er Type. Grès bigarré (à oolithes), et argile avec gypse fibreux et traces de sel gemme. Muschelkalk (calcaire de Gœttingue). Quadersandstein. Calcaire du Jura en plusieurs assises: calcaire spongieux et caverneux; calcaire marneux avec ossemens d’ichthyosaures (lias); oolithes; calcaires à madrépores et à polypiers (coral rag); calcaire à poissons et crabes fossiles. Argile avec lignites. Grès et sables verts (craie chloritée ou plänerkalk). 2.e Type. Red marl, terrain marneux avec gypse et sel gemme. Terrain d’oolithes, dont l’assise inférieure est le lias. Sables verts (green sand), qui représentent la craie chloritée. IV. Craie blanche et grise, ou craietuffeau. Terrains exclusivement volcaniques. I. Formations trachytiques. Trachytes granitoïdes et syénitiques. Trachytes porphyriques (feldspathiques et pyroxéniques). Phonolithes des trachytes. Trachytes semi-vitreux. Perlites avec obsidienne. Meulières trachytiques celluleuses, avec nids siliceux. (Conglomérats trachytiques et ponceux, avec alunites, soufre, opale et bois opalisé.) II. Formations basaltiques. Basaltes avec olivine, pyroxène et un peu d’amphibole. Phonolithes des basaltes. Dolérites. Mandelstein celluleux. Argile avec grenats-pyropes. Cette dernière formation semble liée à l’argile avec lignites du terrain tertiaire sur lequel se sont souvent répandues des coulées de basalte. Terrains tertiaires. Dépôts supérieurs à la craie. Leur ordre de succession diffère selon l’alternance des formations partielles qui se trouvent plus ou moins développées. Nous présentons le type le plus compliqué et le mieux connu: Argiles plastiques avec lignites, succin et grès quarzeux. (Une formation à peu près parallèle, peut-être plus neuve encore, est la formation de molasse et nagelfluhe d’Argovie avec lignites et ossemens fossiles). Calcaire (grossier) de Paris. Les couches supérieures et inférieures sont du grès. Marnes et gypse à ossemens. Les assises inférieures sont du calcaire siliceux. Grès et sables de Fontainebleau. Terrain lacustre, ou d’eau douce, supérieur. (Meulières siliceuses. Calcaire d’OEningen, peut-être lié à la molasse. Travertin.) Dépôts d’alluvion. Suite des Terrains exclusivement volcaniques. (Conglomérats et scories basaltiques.) III. Laves sorties d’un cratère volcanique. (Laves anciennes à larges nappes, généralement abondantes en feldspath. Laves modernes à courans distincts et de peu de largeur. Obsidiennes et ponces des obsidiennes.) IV. Tuffs des volcans avec coquilles. [Dépôts de calcaire compacte, de marne, de gypse et d’oolithes superposés aux tuffs volcaniques les plus modernes. Ces petites formations locales appartiennent peut-être aux terrains tertiaires. Plateau de Riobamba; Isles Fortaventura et Lancerote.] J’ai exposé plus haut les raisons pour lesquelles je fais succéder à la fois, comme par bisection, les terrains secondaires et volcaniques aux terrains de transition. Ces derniers se lient, par leurs grauwackes et leurs porphyres, comme par une grande accumulation de carbone, au grès rouge, aux porphyres secondaires et aux dépôts de houilles; ils se lient par leurs porphyres et syénites aux trachytes. Ces liaisons sont si intimes qu’on a souvent de la peine à séparer les porphyres, les amygdaloïdes bulleuses et les roches pyroxéniques appartenant au terrain de transition, soit des grès rouges avec bancs intercalés de porphyre et de grünstein, soit des formations exclusivement volcaniques. Je me sers de l’expression terrain exclusivement volcanique, pour rappeler que hors de ce terrain il peut y avoir des roches d’origine ignée, mais que nulle part ailleurs on n’en trouve une suite moins interrompue et moins contestée. Terrains secondaires. Ces terrains se sont très-inégalement développés sur le globe, et la cause de cette inégalité de développement est un des problèmes les plus intéressans de la géogonie ou géologie historique. Il est assez rare de trouver tous les membres de la série des formations secondaires et tertiaires réunis dans un même pays (Thuringe, Hanovre, Westphalie; Bavière; France septentrionale; centre et sud de l’Angleterre): souvent de grandes formations, par exemple, le grès rouge ou le calcaire alpin, manquent entièrement; d’autres fois le second est contenu dans le premier comme une couche subordonnée; d’autres fois encore tous les termes de la série géognostique entre le calcaire alpin et le Jura, ou ceux qui sont postérieurs à la craie, se trouvent supprimés. Dans la péninsule Scandinave, sur les côtes de la Mer de Behring, et (si l’on excepte le grès des lignites que recouvrent les basaltes) même dans le Groënland, cette suppression s’étend sur tous les terrains secondaires et tertiaires. On a cru long-temps que ce phénomène bizarre étoit exclusivement propre à la zone la plus boréale, surtout à celle qui est contenue entre les 60° et 70° de latitude; mais, dans un immense espace de la Sierra Parime, près de l’équateur, entre le bassin de l’Amazone et celui du Bas-Orénoque (lat. 2° — 8°, long. 65° — 70°), j’ai aussi vu la formation primitive de granite-gneis non recouverte de terrains intermédiaires, secondaires et tertiaires. Lorsque l’absence des formations postérieures au développement des êtres organisés sur le globe n’est pas totale, ce sont plutôt les terrains calcaires que ceux de grès qui se trouvent supprimés; car chaque formation non schisteuse a des brèches et des conglomérats à fragmens ou grains plus ou moins gros, qui lui sont propres. Ces conglomérats sont de petits dépôts partiels qu’il ne faut pas confondre avec les grandes formations indépendantes de grauwacke, de grès rouge, de grès bigarré et de quadersandstein. I. Houille, Grès rouge et Porphyre secondaire (avec amygdaloïde, grünstein et calcaires intercalés). §. 26. Le grès houiller et le porphyre constituent une même formation (rothes todtes liegende), variable d’aspect, et d’une structure souvent très-compliquée. Des mandelstein celluleux, du grünstein, des roches grenues feldspathiques et pyroxéniques, des rétinites (pechstein) et quelques calcaires fétides appartiennent à cette formation comme bancs intercalés. Les minéralogistes anglois nomment nouveau conglomérat rouge (new red conglomerate d’Exeter et Teignmouth) notre formation de grès rouge et de porphyre, pour la distinguer de leur grès rouge ancien (old red sandstone de Mitchel Dean, dans le Herefordshire), qui est une roche arénacée (grauwacke) de transition, placée entre deux calcaires de transition, ceux du Derbyshire et de Longhope. Cette nomenclature, que le savant professeur d’Oxford, M. Buckland, a récemment éclaircie, a été la cause de beaucoup de méprises géologiques. Il seroit, je crois, très-utile pour les progrès de la science des gisemens, que l’on abandonnât peu à peu ces dénominations vagues de grès anciens, intermédiaires et nouveaux, de gypses et de grès inférieurs et supérieurs, de calcaires de première, seconde et troisième formation. Elles n’ont qu’une vérité relative dans tel ou tel lieu; elles énumèrent ce qui est numériquement variable, selon les alternances et les suppressions des différens termes de la série. Le terrain de transition n’offre pas seulement de l’anthracite; il offre déjà de la véritable houille. On en trouve de petits dépôts en Angleterre dans l’old red sandstone (Bristol), dont les couches inférieures passent d’un conglomérat fin et marneux à un grauwacke très-compacte, et dans le mountain-limestone (Cumberland), qui est analogue au calcaire de transition de Namur en Belgique et de Prague en Bohème. Mais le grand dépôt de houille (coal measures) se trouve, comme nous l’avons dit plus haut, sur la limite des roches intermédiaires et secondaires. A cause de cette position même, la houille est quelquefois (Angleterre, Hongrie, Autriche au sud du Danube, Belgique) mêlée de couches arénacées liées à de véritables grauwackes; d’autres fois (et c’est là le type le plus généralement reconnu sur le continent depuis les observations de Fuchs et de Lehman, faites vers l’an 1750), d’autres fois elle appartient à la grande formation de porphyre et de grès rouge. Dans le premier cas (Angleterre), les dépôts de houille suivent l’inclinaison des roches de transition auxquelles (comme l’ont judicieusement prouvé MM. Conybeare et Phillips) ils sont plus particulièrement liés; on les trouve tout aussi inclinés que les calcaires noirs et les grauwackes qu’ils surmontent. La série des formations horizontales et secondaires ne paroît alors commencer qu’avec le calcaire magnésien, qui représente le zechstein ou calcaire alpin. Dans le second cas (Allemagne; est de France), le dépôt houiller accompagne le grès rouge et le porphyre, quels que puissent être les terrains primitifs ou intermédiaires sur lesquels ces deux roches sont immédiatement placées. Cette union constante avec des roches superposées, et cette indifférence pour le terrain inférieur, sont les caractères géognostiques les plus sûrs de la dépendance ou de l’indépendance d’une formation. Souvent le grand dépôt de houille n’est ni recouvert de porphyre et de grès rouge, ni mêlé de couches arénacées appartenant au terrain intermédiaire. Souvent il est placé dans des bassins entourés de collines de grès rouge et de porphyre, et n’offre dans son toit que des couches alternantes d’argile schisteuse (schieferthon), tantôt gris-bleuâtre, tendres et remplies d’empreintes de fougères, tantôt compactes, carburées (brandschiefer) et pyriteuses. De minces strates de grès charbonneux (kohlenschiefer), de grès quarzeux passant au quarz grenu, de conglomérats à gros fragmens (steinkohlen-conglomerat) et de calcaire fétide, se rencontrent au milieu du schieferthon avant qu’on atteigne la houille. Ce sont de petites formations locales que présentent également, et dans des circonstances entièrement analogues, les dépôts d’argile muriatifère (salzthon), de sel gemme, de fer hydraté et de calamine, qui ne sont pas recouverts immédiatement par la grande formation de calcaire alpin. Malgré ces apparences d’isolement et d’indépendance, les houilles et le sel gemme n’en appartiennent pas moins, géognostiquement, les unes au grès rouge et l’autre au calcaire alpin ou zechstein. Les empreintes de fougères, comme l’ont observé très-bien MM. Voigt et Brongniart, caractérisent l’époque des véritables houilles, tandis que les argiles des lignites en sont dépourvues. Dans la zone tempérée de l’ancien continent la houille descend jusque dans les lieux les plus bas du littoral. Près de Newcastle-on-Tyne on trouve, au niveau et au-dessous du fond de la mer, cinquante-sept couches d’argile endurcie et de conglomérat, alternant avec vingt-cinq couches de houille. Au contraire, dans la région équinoxiale du nouveau continent, j’ai vu la houille intercalée au grès rouge s’élever, dans le plateau de Santa-Fé de Bogota (Chipo entre Canoas et le Salto de Tequendama; montagne de Suba; Cerro de los Tunjos), à 1360 toises de hauteur au-dessus du niveau de l’océan. L’hémisphère austral offre aussi des houilles dans les hautes Cordillères de Huarocheri et de Canta: on m’a même assuré que près de Huanuco elles se trouvent (intercalées au calcaire alpin?) très-près de la limite des neiges perpétuelles, à 2300 toises de hauteur, par conséquent audessus de toute végétation phanérogame. Les dépôts de houille abondent hors des tropiques dans le Nouveau-Mexique, au centre des plaines salifères du Moqui et de Nabajoa, et à l’est des montagnes rocheuses, comme aussi vers les sources du Rio Sabina, dans cet immense bassin couvert de formations secondaires que parcourent le Missoury et l’Arkansas. Des masses rhomboïdales fibreuses à éclat soyeux et colorant les doigts se trouvent enchâssées dans la houille compacte des deux continens; elles forment une espèce de brèche que les mineurs regardent comme renfermant des fragmens de bois charbonné. Quelquefois ces masses lustrées sont presque incombustibles, et deviennent une espèce d’anthracite à texture fibreuse (faserkohle d’Estner; mineralische holzkohle de Werner). On les trouve, selon les observations de MM. de Buch et Karsten, accumulées (Lagiewnick dans la haute Silésie) en bancs de 4 à 5 pouces d’épaisseur. Ce phénomène mérite une attention particulière; car les houilles qui enchâssent les fragmens à éclat soyeux, appartiennent au grès rouge le mieux caractérisé, et non aux lignites des argiles placées immédiatement au-dessous ou au-dessus de la craie. Dans la péninsule de la Crimée de vastes terrains présentent des alternances sans nombre de couches d’argile schisteuse dépourvues de houilles, de conglomérats, de grünstein et de calcaires compactes. Est-ce là une formation de grès rouge, renfermant des roches amphiboliques et alternant avec le zechstein? Il est difficile d’assigner un type général à l’ordre des différentes assises qui constituent la grande formation §. 26. La houille paroît le plus souvent au-dessous du grès rouge; quelquefois elle est placée évidemment ou dans cette roche ou dans le porphyre. Le porphyre pénètre et déborde de différentes manières dans la formation du grès houiller: on le voit parfois recouvrir immédiatement la houille; plus généralement il surmonte le grès, et s’élève en dômes, en cloches ou en rochers à pentes abruptes. Lorsque les terrains de transition sont immédiatement recouverts de grès rouge (Saxe), il est souvent assez difficile de décider si les porphyres que l’on rencontre dans la proximité des houilles sont des porphyres de transition, ou s’ils appartiennent au grès rouge. Il paroît d’ailleurs que les porphyres forment moins souvent de véritables couches, que des amas transversaux et entrelacés (stehende Stöcke et Stockwerke) dans le terrain houiller. Ils varient beaucoup de couleur: ils sont violâtres, gris et brun-rougeâtre ou tirant sur le blanc (Petersberg près de Halle, Giebichenstein, Wettin), infiltrés de chaux fluatée, non stratifiés, divisés quelquefois en tables minces, et accompagnés de brèches porphyriques. La pâte de ces porphyres, qui enchâssent, outre le feldspath lamelleux, quelquefois stéatiteux, du quarz noirâtre, un peu de mica brun et d’amphibole, est généralement formée par du feldspath compacte. Cette pâte passe au kaolin (Morl près Halle); d’autres fois elle devient noire et presque basaltique (Lobegün en Saxe, Schulzberg en Silésie), bulleuse et comme scorifiée (Plizgrund près Schmiedsdorf en Silésie), ou passant à la phonolithe (Zittau en Saxe). Dans les porphyres, les amygdaloïdes, les grünstein et les roches pyroxéniques du grès rouge, on remarque quelquefois (Saxe, Silésie, Palatinat, Écosse) ces mêmes analogies avec les roches exclusivement appelées volcaniques, qu’on trouve dans les porphyres et syénites du terrain intermédiaire (Hongrie, Norwége, Mexique, Pérou). M. de Buch a vu en Silésie des porphyres du grès rouge abonder en cristaux d’amphibole (Reichmacher près Friedland), ou enchâsser à la fois (Wildenberg près Jauer) du quarz et des cristaux effilés de feldspath vitreux. M. Boué observe que dans le grès rouge d’Écosse, qui, en général, est assez dépourvu de houille (à l’exception du comté de Dumfries), les roches trapéennes intercalées ont des vacuoles à enduit lustré, et alongées. Ces mandelstein bulleux du grès rouge prennent toute l’apparence de coulées volcaniques intercalées. L’Allemagne offre, à son extrémité septentrionale (île de Rugen), de la craie et des terrains tertiaires; à son extrémité méridionale, dans le Tyrol (vallée de l’Eisack, Collmann, Botzen, Pergine, Neumarkt), les porphyres du grès rouge. La composition de ces porphyres du Tyrol est identique avec celle des porphyres du Mansfeld: ils renferment, outre le feldspath, le mica noir et le quarz brun-de-girofle, un peu d’amphibole. La couleur rouge de leur pâte pénètre quelquefois jusque dans les cristaux de feldspath qu’ils enchâssent. Dans un voyage géognostique fait en 1795, j’ai trouvé ces porphyres assez régulièrement stratifiés, près de Botzen et de Brandsol (N. 25° O. incl. de 30° au S. E.). Ils offrent de petits dépôts de houille sur les bords de l’Adige, entre Saiss et S. Peter. Dans toutes les parties de l’Europe, les porphyres secondaires offrent l’apparence d’un passage progressif au grès rouge. Quelques géognostes admettent que des cristaux isolés de feldspath se trouvent empâtés dans le ciment de la roche arénacée, ou qu’ils s’y sont développés; d’autres assurent (et avec plus de raison peut-être) que ces prétendus passages des porphyres aux brèches porphyriques et au grès rouge ne sont que l’effet d’une illusion produite par des porphyres régénérés, c’est-à-dire, par des agglomérats qui se sont formés à une époque où les fragmens empâtés étoient encore dans un état de ramollissement peu propre à conserver leurs contours au milieu du ciment interposé. Une brèche porphyrique (trümmerporphyr) près de Duchs en Bohème, que nous avons décrite, M. Freiesleben et moi, en 1792, et dans laquelle des grains informes de quarz sont mêlés à des cristaux brisés de quarz et de feldspath, peut répandre quelque jour sur un phénomène qui n’est point encore suffisamment éclairci. Il est bien remarquable, et cette observation a été faite depuis long-temps, que les porphyres manquent au nord des Alpes de la Suisse et du Tyrol, tandis qu’ils sont très-communs à la pente méridionale des Alpes, entre le lac Maggiore et la Carinthie. Le grès rouge est généralement composé de fragmens de roches qui tirent leur origine des montagnes les plus voisines. Dans l’Allemagne septentrionale, ces fragmens sont plus souvent le quarz, la lydienne, le silex (hornstein), le porphyre, la syénite et le thonschiefer, que le gneis, le granite et le micaschiste. La couleur du grès rouge est très-variable: elle passe du brun-rougeâtre au gris (graue liegende); elle est même quelquefois mélangée par couches très-minces, comme dans le grès bigarré. La teinte rouge de cette formation est due, selon l’opinion de plusieurs géologues célèbres, aux parties ferrugineuses des porphyres voisins. Sans vouloir infirmer la justesse de cette observation pour ce qui regarde une partie de l’ancien continent, je dois pourtant énoncer quelques doutes relativement à l’influence des porphyres sur la formation du grès rouge dans les régions équinoxiales du nouveau continent. Le grès des vastes steppes de Venezuela est brun-rougeâtre, comme le todte liegende de Mansfeld; il ne renferme pas de fragmens de porphyre, et à plusieurs centaines de lieues de distance on n’y connoît aucune couche de porphyre intermédiaire ou secondaire. Il en est de même des grès rouges de Fünfkirchen et de Vasas en Hongrie, décrits par M. Beudant. Partout où, dans la formation §. 26, des conglomérats grossiers alternent avec des roches arénacées à petits grains, ces derniers passent au grès houiller schisteux et fortement micacé (sandsteinschiefer). Ces masses alternantes renferment de l’argile schisteuse grise, verdâtre ou brune. Lorsque cette argile est fortement carburée (kohlenschiefer) et bitumineuse, elle contient quelquefois (Suhl, Goldlauter) des minérais argentifères (du cuivre gris, de la galène et des pyrites cuivreuses). Elle offre des empreintes de poissons fossiles, et prend l’aspect du kupferschiefer appartenant au calcaire alpin. D’un autre côté, la désagrégation de roches arénacées à petits grains forme des bancs de sable quarzeux et brunâtre (triebsand) au milieu des grès rouges les plus compactes (Walkenried et Bieber). Le ciment du grès houiller est quelquefois calcaire, et-les parties de chaux carbonatée deviennent si fréquentes, qu’elles donnent à la roche une apparence de calcaire grenu et arénacé (montagnes houillères sur les limites de la Hongrie et de la Galicie). Ce sont là les grès calcarifères de M. Beudant, mêlés de grains verts chloriteux. Quant aux fragmens enchâssés dans les grès rouges, ils sont ou anguleux et fondus dans la masse, ou arrondis et aplatis comme les cailloux roulés de la nagelfluhe la plus récente. La formation de grès rouge qui constitue la majeure partie de l’Irlande, et qui est si commune dans l’Allemagne septentrionale, dans la Forêt-noire et dans les Vosges, manque (de même que la formation des porphyres) presque entièrement dans les hautes Alpes de la Suisse. Le Niesen appartient probablement déjà au grauwacke, et M. de Gruner croit que les environs de Mels, Bregentz et Sonthofen offrent les seuls conglomérats qui, par leur structure et leur gisement, se rapprochent du grès rouge. Dans les hautes Alpes, comme dans plusieurs parties de la Silésie (Schweidnitz) et de la Hongrie (Dunajitz), le grès rouge enchâsse pour ainsi dire le calcaire alpin et alterne avec lui: dans le cercle de Neustadt, en Saxe, le grès rouge manque entièrement. Les couches subordonnées au grès rouge ou alternant avec lui sont les suivantes: calcaires fétides et schistes fortement carburés et bitumineux (kohlenschiefer de Freiesleben), qui annoncent la liaison intime du grès rouge avec le zechstein et avec les schistes marno-bitumineux (kupferschiefer): grünstein, mélange de feldspath et d’amphibole (Noyant et Figeac en France), quelquefois même pyroxénique (Écosse): mandelstein celluleux, quelquefois comme boursouflé, renfermant (Ihlefeld au Harz; rives de la Nahe, Oberstein et Kirn; Exeter, Heavitree) des agathes, de la calcédoine, de la prehnite et de la chabasie, et pénétrant comme par des crevasses dans la masse du grès rouge (Planitz en Saxe): houilles alternant avec des argiles schisteuses à fougères; anthracites (Schönfeld entre Altenberg et Zinnwald) appartenant plus particulièrement, d’après M. Beudant, au porphyre intercalé au grès rouge qu’à cette dernière roche: porphyres alternant d’abord avec le grès rouge et puis le surmontant en grandes masses rocheuses: pechstein (quarz résinite ou rétinite). Le vrai gisement du pechstein en Saxe a été reconnu par MM. Jameson, Raumer, Przystanowsky et Schenk. Cette substance forme un porphyre à base semi-vitreuse, renfermant du feldspath souvent fendillé, et très-peu de mica, d’amphibole et de quarz cristallisé (vallée de Triebitch). Le pechstein enchâsse des fragmens de gneis (Mohorn et Braunsdorf); il est traversé par de petits filons d’anthracite fibreuse (Planiz près Zwickau), et il alterne avec le porphyre commun du grès rouge. Ces porphyres et ces rétinites reposent (Nieder-Garsebach) sur la syénite de transition. M. Beudant, qui a récemment donné une description détaillée de ce gisement, a reconnu que le pechstein de Herzogswalde est enclavé dans un dépôt arénacé à pâte d’argilolithe (thonstein), dépôt qui enchâsse des fragmens anguleux de gneis et de micaschiste, et qui appartient au grès rouge. Le pechstein de Grantola au lac Maggiore offre le même gisement: celui d’Écosse contient du naphte. Au Pérou il y a des pechstein (gris de fumée, presque dépourvus de feldspath, renfermant du mica cristallisé), dans le chemin de Couzco à Guamanga. Ils y forment des montagnes entières; mais ce terrain, d’après les observations de M. de Nordenflycht, est subordonné, comme en Europe, au terrain porphyrique. Toute la formation §. 26, que nous décrivons, est généralement caractérisée par l’absence des coquilles fossiles. Si l’on en trouve quelques-unes, elles appartiennent aux couches calcaires et aux schistes carburés (kohlenschiefer) qui sont intercalés au grès rouge, et non à la masse de celui-ci, qui n’abonde dans les deux hémisphères (plaines de la Thuringe, Kiffhäuser, Tilleda; plaines de Venezuela entre Calabozo et Chaguaramas; plateau de Cuença, au sud de Quito) qu’en troncs de bois fossile et autres débris de monocotylédonées. M. Brongniart fils croit cependant que les impressions de vrais palmiers manquent dans les houilles. Dans la région équinoxiale du nouveau continent j’ai eu l’occasion d’observer le terrain de grès rouge au nord et au sud de l’équateur sur six points différens; savoir: dans la Nouvelle-Espagne (de 1100 à 1300 toises de hauteur), dans les steppes ou Llanos de Venezuela (30—50 toises), dans la Nouvelle-Grenade (50—1800 toises), sur le plateau méridional de la province de Quito (1350—1600 toises), dans le bassin de Caxamarca au Pérou (1470 toises), et dans la vallée occidentale de l’Amazone (200 toises). 1. ° Nouvelle-Espagne. Les schistes et les porphyres de transition de Guanaxuato (plateau d’Anahuac), dont nous avons donné plus haut (§§. 22, 23) une description détaillée, sont couverts d’une formation de grès rouge. Cette formation remplit les plaines de Celaya, de Salamanca et de Burras (900 toises); elle y supporte un calcaire assez analogue à celui du Jura et un gypse feuilleté. Elle remonte par la Cañada de Marfil aux montagnes qui entourent la ville de Guanaxuato, et se montre par lambeaux dans la Sierra de Santa Rosa près de Villalpando (1330 toises). Ce grès mexicain offre la ressemblance la plus frappante avec le rothe todte liegende du Mansfeld en Saxe; il enchâsse des fragmens constamment anguleux de lydienne, de syénite, de porphyre, de quarz et de silex (splittriger hornstein). Le ciment qui lie ces fragmens, est argilo-ferrugineux, très-tenace, brun-jaunâtre, souvent (près de la mine de Serena) rouge de brique. Des couches de conglomérat grossier, renfermant des fragmens de deux à trois pouces de diamètre, alternent avec un conglomérat très-fin, quelquefois même (Cuevas) avec un grès à grains de quarz uniformément arrondis. Les conglomérats grossiers abondent plus dans les plaines et dans les ravins que sur les hauteurs. Dans les couches les plus anciennes (mine de Rayas) j’ai cru voir un passage du grès rouge au grauwacke: les morceaux de syénite et de porphyre enchâssés deviennent très-petits; leurs contours sont peu distincts, et ils paroissent comme fondus dans la masse. Il ne faut pas confondre ce conglomérat (frijolillo de Rayas) avec celui de la mine d’Animas, qui est gris-blanchâtre et renferme des fragmens de calcaire compacte. Souvent dans le grès rouge de Guanaxuato, comme dans celui d’Eisleben en Saxe, le ciment est si abondant (chemin de Guanaxuato à Rayas et à Salgado), que l’on n’y distingue plus de fragmens empâtés. Des couches argileuses de 3 à 4 toises d’épaisseur alternent alors avec le conglomérat grossier. Généralement, la grande formation de grès rouge, superposée au thonschiefer métallifère, ne paroît (Belgrado, Buffa de Guanaxuato) qu’adossée au porphyre de transition; mais à Villalpando on la voit clairement reposer sur cette dernière roche. Je n’ai point trouvé de coquilles pétrifiées, ni de traces de houille et de bois fossile, dans les grès rouges de Guanaxuato. Ces substances combustibles se trouvent fréquemment en d’autres parties de la Nouvelle-Espagne, surtout dans celles qui sont moins élevées audessus du niveau de la mer. On connoît la houille dans l’intérieur du Nouveau-Mexique, non loin des rives du Rio del Norte. D’autres dépôts sont probablement cachés dans les plaines du Nuevo-Sant-Ander et du Texas. Au nord de Natchitoches, près de la houillère de Chicha, une colline isolée fait entendre de temps en temps, peut-être par l’inflammation du gaz hydrogène mêlé à l’air atmosphérique, des détonations souterraines. Le bois fossile est commun dans les grès rouges qui s’étendent vers le nord-est de la ville de Mexico. On le trouve également dans les immenses plaines de l’intendance de San-Luis Potosi, et près de la Villa de Altamira. La houille du Durasno (entre Tierra-Nueva et San-Luis de la Paz) est placée sous une couche d’argile renfermant du bois fossile, et sur une couche de mercure sulfuré qui recouvre le porphyre. Appartient-elle à des lignites très-récens? ou ne doit-on pas plutôt admettre que ces substances combustibles du Durasno, ces argiles et ces porphyres semi-vitreux (pechstein-porphyre), globuleux et couverts d’hyalithe mamelonnée, porphyres qui, dans d’autres parties du Mexique (San-Juan de la Chica; Cerro del Fraile près de la Villa de San-Felipe) renferment des dépôts de mercure sulfuré, sont liés à la grande formation du grès rouge? Il n’est pas douteux que cette formation ne soit tout aussi riche en mercure dans le nouveau continent, que dans l’Allemagne occidentale; elle l’est même là où manquent les porphyres (Cuença, plateau de Quito); et, si la réunion de filons d’étain à des filons de cinabre, dans les porphyres de San-Felipe, paroît éloigner au premier abord les roches porphyriques qui abondent en mercure, de ceux du grès rouge, il faut se rappeler que les thonschiefer et porphyres de transition (Hollgrund près Steben, Hartenstein) sont aussi en Europe quelquefois stannifères. Je place à la suite du grès houiller de Guanaxuato une formation un peu problématique, que j’ai déjà décrite, dans mon Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, sous le nom de lozero ou d’agglomérat feldspathique: c’est une roche arénacée, blanc-rougeâtre, quelquefois vert de pomme, qui se divise, semblable au grès à dalles (Leuben- ou Waldplattenstein de Suhl), en plaques très-minees (lozas): elle renferme des grains de quarz, de petits fragmens de thonschiefer, et beaucoup de cristaux de feldspath en partie brisés, en partie restés intacts. Ces diverses substances sont liées ensemble dans le lozero du Mexique, comme dans la roche à aspect porphyrique de Suhl, par un ciment argilo-ferrugineux (Cañada de Serena et presque toute la montagne de ce nom). Il est probable que la destruction du porphyre a eu la plus grande influence sur la formation du grès feldspathique de Guanaxuato. Le minéralogiste le plus exercé seroit tenté de le prendre au premier abord pour un porphyre à base argileuse ou pour une brèche porphyrique. Autour de Valenciana le lozero forme des masses de 200 toises d’épaisseur: elles excèdent en élévation les montagnes formées par le porphyre intermédiaire. Près de Villalpando, un agglomérat feldspathique à très-petits grains alterne par couches d’un à deux pieds d’épaisseur, vingt-huit fois, avec de l’argile schisteuse brun-noirâtre. Partout j’ai vu reposer cet agglomérat ou lozero sur le grès rouge, et à la pente sud-ouest du Cerro de Serena, en descendant vers la mine de Rayas, il m’a paru même assez évident que le lozero forme une couche dans le conglomérat grossier de Marfil. Je doute par conséquent que cette formation remarquable puisse appartenir à des conglomérats trachytiques ponceux, comme M. Beudant semble l’admettre d’après l’analogie de quelques roches de Hongrie. Souvent le ciment argileux devient si abondant que les parties enchâssées sont à peine visibles, et que la masse passe à l’argilolithe (thonstein) compacte. Dans cet état le lozero offre la belle pierre de taille de Queretaro (carrières de Caretas et de Guimilpa), qui est si recherchée pour les construetions. J’en ai vu des colonnes de quatorze pieds de haut et de deux pieds et demi de diamètre, rouge de chair, de brique ou de fleurs de pêcher. Ces belles couleurs, en contact avec l’atmosphère, passent au gris, probablement par l’action de l’atmosphère sur le manganèse dendritiforme que renferme la roche dans ses fissures. La cassure des colonnes de Queretaro est unie, comme celle de la pierre lithographique du Jura. Ce n’est qu’avec peine que l’on découvre dans ces argilolithes quelques fragmens extrêmement petits de thonschiefer, de quarz, de feldspath et de mica. Je ne déciderai pas si les cristaux non brisés du lozero ou grès feldspathique se sont développés dans la masse même, ou s’ils s’y trouvent accidentellement. Je me borne à rappeler ici qu’en Europe le grès rouge et ses porphyres sont aussi quelquefois caractérisés par une suppression locale de cristaux et de fragmens enchâssés. Le lozero me paroît une formation de grès superposée, peutêtre même subordonnée au grès rouge; et si l’ancien continent ne nous offre pas une roche entièrement semblable, nous voyons du moins les premiers germes de ce genre de structure pseudo-porphyrique dans les bancs de grès à cristaux de feldspath, brisés ou intacts, qu’enchâsse quelquefois la grande formation de grès rouge du Mansfeld et du Thuringerwald. ( Freiesleben, Kupf., B. IV, p. 82, 85, 95, 194.) 2. ° Venezuela. Dans l’Amérique méridionale, les immenses plaines de Venezuela (Llanos du Bas-Orénoque) sont en grande partie recouvertes de grès rouge et de terrains calcaires et gypseux. Le grès rouge y est disposé en gisement concave (muldenförmige Lagerung) entre les montagnes du littoral de Caracas et celles de la Parime ou du Haut-Orénoque. Il s’adosse au nord à des schistes de transition; au sud il repose immédiatement sur le granite primitif. C’est un conglomérat à fragmens arrondis de quarz, de pierre lydienne et de kieselschiefer, réunis par un ciment argilo-ferrugineux, brun-olivâtre et extrêmement tenace. Ce ciment est quelquefois (près de Calabozo) d’un rouge si vif, que les gens du pays l’ont cru mêlé de cinabre. Le conglomérat à gros grains y alterne avec un grès quarzeux à grains très-fins (Mesa de Paja). L’un et l’autre enchâssent de petites masses de fer brun et du bois pétrifié de monocotylédonées. Cette formation arénacée est recouverte (Tisnao) par un calcaire compacte gris-blanchâtre, analogue au calcaire du Jura. Audessus de ce calcaire on trouve (Mesa de San-Diego et Ortiz) du gypse lamelleux alternant avec des couches de marne. Je n’ai vu de coquilles fossiles dans aucune de ces couches arénacées, calcaires, gypseuses et marneuses. Le ciment du conglomérat ne fait nulle part effervescence avec les acides; et par son gisement et sa composition le grès des steppes de Venezuela m’a paru très-éloigné du nagelfluhe (grès à lignites) du terrain tertiaire, avec lequel il a une certaine analogie d’aspect par la forme arrondie des fragmens enchâssés. Ces formations arénacées et calcaires ne s’élèvent pas au-dessus de 30 à 50 toises de hauteur absolue. Dans la partie orientale du Llano de Venezuela (près Curataquiche) on trouve dispersés, à la surface du sol, de beaux morceaux de jaspe rubané ou cailloux d’Égypte. Appartiennent-ils au grès rouge, ou sont-ils dus, comme près de Suez, à un terrain plus moderne? 3. ° Nouvelle-Grenade. Une formation de grès d’une étendue prodigieuse couvre, presque sans interruption, non-seulement les plaines septentrionales de la Nouvelle-Grenade, entre Mompox, le canal de Mahates et les montagnes de Tolu et de Maria, mais aussi le bassin du Rio de la Magdalena (entre Teneriffe et Melgar) et celui du Rio Cauca (entre Carthago et Cali). Quelques fragmens épars de grès schisteux et charbonneux (kohlenschiefer) que j’ai trouvés à l’embouchure du Rio Sinu (à l’est du golfe de Darien), rendent probable que cette formation s’étend même vers le Rio Atrato et vers l’isthme de Panama. Elle s’élève à de grandes hauteurs, non sur le rameau intermédiaire ou central de la Cordillère (Nevados de Tolima et de Quindiù), mais sur les rameaux oriental (Paramos de Chingasa et de Suma Paz) et occidental (montagnes entre le bassin du Rio Cauca et le terrain platinifère du Choco). J’ai pu suivre ce grès de la Nouvelle- Grenade, sans le perdre de vue un seul instant, depuis la vallée du Rio Magdalena (Honda, Melgar, 130—188 t.), par Pandi, jusqu’au plateau de Santa-Fé de Bogota (1365 t.), et même jusqu’au-dessus du lac de Guatavita et de la chapelle de Notre- Dame de Montserrate. Il s’adosse à la Cordillère orientale (celle qui sépare les affluens du Rio Magdalena des affluens du Meta et de l’Orénoque) jusqu’à plus de 1800 toises de hauteur audessus du niveau de l’océan. J’insiste sur ces notions de géographie minéralogique, parce qu’elles fournissent de nouvelles preuves de l’énorme épaisseur qu’atteignent les roches dans les régions équinoxiales de l’Amérique. Plusieurs terrains secondaires (grès avec couches de houille, gypse avec sel gemme, calcaire presque dépourvu de pétrifications), que dans le plateau de Santa-Fé de Bogota on seroit tenté de prendre pour un groupe de formations locales remplissant un bassin, descendent jusque dans des vallées dont le niveau est de 7000 pieds plus bas que ce plateau. En allant de Honda à Santa-Fé de Bogota, le grès est interrompu, près de Villeta, par des thonschiefer de transition; mais la position des sources salées de Pinceima et de Pizarà près de Muzo me porte à croire qu’aussi de ce côté-là, sur les rives du Rio Negro (entre les schistes amphiboliques et carburés de Muzo, renfermant des éméraudes, et les schistes de transition avec filons de cuivre de Villeta), le grès houiller et le gypse muriatifère du plateau de Bogota et de Zipaquira se lient aux terrains homonymes qui remplissent le bassin du Rio Magdalena entre Honda et le détroit de Carare. Ce grès de la Nouvelle-Grenade (là où j’ai pu l’examiner entre les 4° et 9½° de lat. bor.) est composé de couches alternantes de grès quarzeux et schisteux à petits grains, et de conglomérats qui enchâssent des fragmens anguleux (ayant 2 à 3 pouces de largeur) de pierre lydienne, de thonschiefer, de gneis et de quarz (Honda, Espinal). Le ciment est argileux et ferrugineux, quelquefois siliceux. Les couleurs de la roche varient du gris-jaunâtre au rouge-brunâtre. Cette dernière couleur est due au fer: aussi trouve-t-on partout de la mine de fer brun, très-compacte, enchâssée en nids, en petites couches et en filons irréguliers. Le grès est stratifié en bancs plus ou moins horizontaux. Quelquefois ces bancs inclinent par groupes et d’une manière assez constante. Près de Zambrano, sur la rive occidentale du Rio Magdalena, au sud de Teneriffe, la roche prend une structure globuleuse. J’y ai vu des boules de grès à très-petits grains de deux à trois pieds de diamètre: elles se séparent en douze ou quinze couches concentriques. La pierre lydienne du plus beau noir, rarement traversée de filets de quarz, est beaucoup plus abondante dans les conglomérats grossiers que ne le sont les fragmens de roches primitives. Partout le grès schisteux à petits grains l’emporte, pour sa masse, sur les conglomérats à gros fragmens. Sur les hauteurs (au-dessus de 800 à 1000 toises) les derniers disparoissent presque en entier. Le grès du plateau de Bogota et celui que l’on observe en montant aux deux chapelles placées au-dessus de la ville de Santa-Fé, à 1650 et 1687 toises d’élévation, sont uniformément composés de très-petits grains quarzeux. On n’y remarque presque plus de fragmens de lydienne; les grains de quarz se rapprochent tellement que la roche prend quelquefois l’aspect d’un quarz grenu. C’est ce même grès quarzeux qui forme le pont naturel d’Icononzo. Nulle part ces roches arénacées ne font effervescence avec les acides. Outre la mine de fer brun et (ce qui est assez curieux) outre quelques nids de graphite très-pur, cette formation renferme aussi, et à toutes les hauteurs, des couches d’argile brune, grasse au toucher et non micacée. Cette argile (Gachansipa, Chaleche, Montagne de Suba) devient quelquefois fortement carburée et passe au brandschiefer. Le sel purgatif d’Honda (sulfate de magnésie), si célèbre dans ces contrées, se montre en efflorescence sur ces couches argileuses (Mesa de Palacios près Honda). Nulle part le grès ne présente différentes couleurs mélangées par zones, ni ces masses d’argile non continues et à forme lenticulaire qui caractérisent le grès bigarré (bunte sandstein), c’est-à-dire, le grès qui couvre le calcaire alpin ou zechstein. J’ai vu reposer immédiatement la formation de grès que nous venons de décrire, sur un granite rempli de tourmalines (Peñon de Rosa au nord de Banco, vallée de la Magdalena; cascade de la Peña près Mariquita), sur le gneis (Rio Lumbi, près des mines abandonnées de Sainte-Anne), sur le thonschiefer de transition (entre Alto de Gascas et Alto del Roble au nord-ouest de Santa-Fé de Bogota). On ne connoît aucune autre roche secondaire sous le grès de la Nouvelle-Grenade. Il renferme des cavernes (Facatativa, Pandi) et offre des couches puissantes, non de lignite, mais de houille feuilletée et compacte, mêlée de jayet (pechkohle), entre la Palma et Guaduas (600 toises), près de Velez et la Villa de Leiva, comme aussi dans le plateau de Bogota (Chipo près Canoas; Suba; Cerro de los Tunjos), à la grande hauteur de 1370 toises. Les restes de corps organisés du règne animal sont extrêmement rares dans ce grès. Je n’y ai trouvé qu’une seule fois des trochilites (?) presque microscopiques dans une couche d’argile intercalée (Cerro del Portachuelo, au sud d’Icononzo). Il se pourroit que ces houilles de Guaduas et de Canoas fussent un terrain plus récent, superposé au grès rouge; mais rien ne m’a paru annoncer cette superposition. La houille piciforme (jayet, pechkohle) appartient sans doute de préférence aux lignites du grès tertiaire et des basaltes; mais elle forme aussi incontestablement de petites couches dans la houille schisteuse (schieferkohle) du terrain de porphyre et grès rouge. Les formations qui recouvrent le grès de la Nouvelle- Grenade, et qui le caractérisent, je crois, plus particulièrement comme grès rouge dans la série des roches secondaires, sont le calcaire fétide (confluent du Caño Morocoy et du Rio Magdalena), et le gypse feuilleté (bassins du Rio Cauca près de Cali, et du Rio Bogota près de Santa-Fé). Dans ces deux bassins du Cauca et du Bogota, dont la hauteur diffère de près de 900 toises, on voit se succéder de bas en haut, très-régulièrement, les trois formations de grès houiller, de gypse et de calcaire compacte. Les deux dernières ne semblent constituer qu’un même terrain qui représente le calcaire alpin ou zechstein, et qui, généralement dépourvu de pétrifications, renferme quelques ammonites à Tocayma (vallée du Rio Magdalena). Le gypse manque souvent; mais à la grande élévation de 1400 toises (Zipaquira, Enemocon et Sesquiler) il est muriatifère, offrant dans l’argile (salzthon) des dépôts de sel gemme qui, depuis des siècles, sont l’objet de grandes exploitations. D’après l’ensemble des observations que je viens de présenter sur le gisement du grès de la Nouvelle-Grenade, je n’hésite pas de regarder cette roche, qui a pris un développement de cinq ou six mille pieds d’épaisseur, et qui va bientôt être examinée de nouveau par deux voyageurs trèsinstruits, MM. Boussingault et Rivero, comme un grès rouge (todtes liegende) et non comme un grès bigarré (grès de Nebra). Je n’ignore pas que des couches fréquentes d’argile et de mine de fer brun appartiennent plus particulièrement au grès bigarré, et que les oolithes manquent souvent aussi dans ce grès. Je n’ignore pas qu’en Europe le grès bigarré (placé au-dessus du zechstein) présente quelques traces de houille, de petites couches de grès extrêmement quarzeux (quarz grenu) et du sel gemme, et que cette dernière substance lui appartient même exclusivement en Angleterre. Toutes ces analogies me paroîtroient très-importantes, si des couches de conglomérat grossier alternant (dans les basses régions) avec des couches de grès à petits grains, si des fragmens anguleux de pierre lydienne, et même de gneis et de micaschiste, enchâssés dans des conglomérats grossiers, ne caractérisoient pas le grès de la Nouvelle-Grenade comme parallèle au grès rouge ou grès houiller, c’està-dire comme parallèle à celui qui supporte immédiatement le calcaire alpin (zechstein), renfermant le gypse et le sel gemme. Lorsque le grès bigarré (nord de l’Angleterre et Wimmelburg en Saxe) présente quelquefois des fragmens de granite et de syénite, ces fragmens sont arrondis et simplement enveloppés d’argile; ils ne forment pas un conglomérat compacte et tenace à fragmens angulaires comme le grès rouge. Cette dernière roche abonde, dans le Mansfeld comme dans la Nouvelle-Grenade, en masses intercalées d’argile (Cresfeld, Eisleben, Rothenberg), et en petites couches de mine de fer brun et rouge (Burgörner, Hettstedt). La structure globuleuse qu’offre le grès de la vallée du Rio Magdalena se retrouve dans le grès houiller de la Hongrie (Klausenburg), dans le conglomérat blanchâtre de Saxe (weiss-liegendes de Helbra) qui lie le grès houiller au zechstein, et, selon des observations que nous avons faites, M. Freiesleben et moi, en 1795, même près de Lausanne, dans la molasse d’2 (grès tertiaire à lignites). C’est l’ensemble des rapports de gisement qui détermine l’âge d’une formation, ce n’est pas sa composition et sa structure seules. Les géognostes qui connoissent les différens terrains de grès, non d’après des échantillons de cabinet, mais par de fréquentes excursions dans les montagnes, savent très-bien que, si (par la suppression du calcaire alpin, du muschelkalk, du calcaire du Jura et de la craie) le grès rouge, le grès bigarré mêlé d’argile, le quadersandstein qui n’est pas toujours blanc et trèsquarzeux, et la molasse alternant avec des poudingues grossiers (nagelfluhe) étoient immédiatement superposés les uns aux autres, on auroit de la peine à prononcer sur les limites de ces quatre terrains arénacés, d’un âge si différent. Le grès rouge de la Nouvelle-Grenade semble plonger, dans la partie septentrionale du bassin du Rio Magdalena (entre Mahates, Turbaco et la côte de la mer des Antilles), sous un calcaire tertiaire rempli de madrépores et de coquilles marines, et constituant, près du port de Carthagène des Indes, le Cerro de la Popa. Mais, lorsqu’on s’élève à la hauteur de 1400 toises, la formation de calcaire et de gypse que supporte le grès rouge, est couverte (Campo de Gigantes, à l’ouest de Suacha dans le bassin de Bogota) de dépôts d’alluvion dans lesquels j’ai trouvé d’énormes ossemens de mastodontes. D’après la tendance, peut-être trop générale, de la géognosie moderne à étendre le domaine des terrains intermédiaire et tertiaire aux dépens du terrain secondaire, on pourroit être tenté de regarder le grès de Honda, le gypse avec sel gemme de Zipaquira, et le calcaire de Tocayma et de Bogota, comme des formations postérieures à la craie. Dans cette hypothèse, les houilles de Guaduas et de Canoas deviendroient des lignites, et le sel gemme de Zipaquira, d’Enemocon, de Sesquiler et de Chamesa, entièrement dépourvu de débris végétaux, seroit une formation parallèle aux dépôts salifères (avec lignites) de la Galicie et de la Hongrie, que M. Beudant croit appartenir au terrain tertiaire. Mais l’aspect du pays; le manque presque total de corps organisés fossiles, observé jusqu’à 10,000 pieds de hauteur perpendiculaire; la puissance de ces couches arénacées et calcaires, uniformément répandues, dépourvues de rognons de silex et d’infiltrations siliceuses, très-compactes, et nullement mélangées de sables et d’autres matières incohérentes, s’opposent à ces idées, j’aurois presque dit, à ces empiètemens du terrain tertiaire sur le terrain secondaire. L’ensemble des phénomènes que j’ai exposés me fait croire que le grès de la Nouvelle-Grenade, enchâssant des fragmens de lydienne et des roches primitives, est le véritable grès rouge de l’ancien continent. On ignore si ce grès, que j’ai vu monter jusqu’à 1700 toises de hauteur à la pente occidentale de la Cordillère de Chingasa (Cordillère qui sépare la ville de Santa-Fé de Bogota des plaines du Meta), dépasse le sommet de cette grande chaîne de montagnes, en se prolongeant vers les plaines de Casanare. On pourroit le soupçonner; car les dépôts de sel gemme et les sources de muriate de soude se suivent, en traversant la Cordillère orientale de la Nouvelle-Grenade, depuis Pinceima jusqu’aux Llanos du Meta (par Zipaquira, Enemocon, Tausa, Sesquiler, Gachita, Medina, Chita, Chamesa et El Receptor), du sud-ouest au nord-est, dans une même direction, sur une distance de plus de cinquante lieues. Dans toutes les régions du globe on observe cette disposition des sources salées par bandes (ou crevasses?) plus ou moins prolongées. Lorsque des plaines salifères de Casanare on avance vers l’Orénoque, les formations secondaires disparoissent peu à peu, et dans la Sierra Parime le granite-gneis se montre partout à découvert. Seulement sur les bords de l’Orénoque, près des grandes cataractes d’Atures et de Maypures, on retrouve de petits lambeaux de conglomérat ancien superposés à la roche primitive. Ce conglomérat enchâsse des grains de quarz et même (Isla del Guachaco) des fragmens de feldspath réunis par un ciment brun-olivâtre argileux et très-compacte. Le ciment, là où il abonde, offre une cassure conchoïde et passe au jaspe. Cette roche arénacée, que je crois appartenir au grès rouge des steppes de Venezuela, renferme des masses très-aplaties de mine de fer brun. Elle rappelle ces grès qui, dans la Haute-Égypte et en Nubie, reposent aussi immédiatement sur le granite-gneis des cataractes du Nil. 4. ° Plateau de Quito. Dans l’hémisphère austral, les Cordillères de Quito m’ont offert la formation de grès rouge la plus étendue de celles que j’ai observées jusqu’ici. Cette roche couvre, à 1300 et 1500 toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer, sur une longueur de vingt-cinq lieues, tout le plateau de Tarqui et de Cuença, devenu célèbre par les opérations des astronomes françois. Elle s’élève dans le Paramo de Sarar jusqu’à 1900 toises, et l’épaisseur de sa masse entière excède plus de 800 toises. Elle repose au nord (Cañar, pente méridionale de l’Assuay) et au sud (Alto de Pulla près Loxa) sur du schiste micacé primitif. La formation de grès rouge de la province de Quito est colorée par de la mine de fer brun et jaune, dont elle renferme de nombreux filons. Le grès est généralement très-argileux, à petits grains de quarz peu arrondis; mais quelquefois aussi il est schisteux, et alterne, comme dans la Thuringe, avec un conglomérat qui enchâsse des fragmens de porphyre de trois, de cinq et même de neuf pouces de diamètre. On trouve dans cette formation: des couches d’argile, tantôt brune (Tambo de Burgay et rives de Vinayacu), tantôt blanche et stéatiteuse, passant à l’argilolithe (thonstein) des porphyres du grès rouge (Rio Uduchapa et Cerro de Coxitambo), et se couvrant, au contact avec l’air atmosphérique, de nitrate de potasse (Cumbe); des trones de bois pétrifié de monocotylédones (ravin de Silcayacu, où j’en ai vu des morceaux de 4 pieds de long et de 14 pouces d’épaisseur); du goudron minéral fluide et endurci en asphalte à cassure conchoïde (Parche et Coxitambo); des silex (splittriger hornstein) passant au silex pyromaque ou à l’agathe (Delay); des filons de mercure sulfuré (Cerros de Guazun, et Upar au nord-est du village d’Azogues); des couches de manganèse oxidé noirâtre et pulvérulent (à l’ouest de la ville de Cuença); du calcaire grenu et lamelleux (Portete, au bord occidental du Llano de Tarqui). Cette formation calcaire, que dans ce pays on appelle très-improprement jaspe rubané, présente des couches alternantes de calcaire opaque et saccharoïde, semblable au marbre de Carare, et de calcaire fibreux et ondulé, en stries laiteuses. La masse entière est diaphane comme le plus bel albâtre oriental (le marbre memphitique ou phengites des anciens). J’aurois été tenté de prendre cette roche de Tarqui, qui est recherchée par les marbriers comme l’albâtre de Florence et le marbre de Tolonta (entre Chillo et Quito), pour une variété de travertin ou formation d’eau douce, si au sud de Cuença, au bord du Rio Machangara, elle ne m’avoit paru (d’après l’inclinaison de ses couches) intercalée au grès rouge que je viens de décrire. Il faut toutefois distinguer de ce marbre translucide et rubané de Tarqui, le calcaire grenu et opaque du Cebollar, qui vient au jour un peu au nord de Cuença, et qui, recouvert du grès rouge, est vraisemblablement (§. 10) superposé au micaschiste du Cañar. Dans les parties volcaniques des Andes, des plateaux ou bassins élevés sont remplis, les uns, de formations secondaires, couvrant des porphyres de transition; les autres, de formations tertiaires et d’eau douce, superposées à des tuffs trachytiques. Ce n’est que lorsque des géognostes instruits se seront établis dans les grandes villes placées sur le dos des Cordillères, villes qui deviendront les centres de la civilisation américaine, que l’on pourra prononcer avec certitude sur ces lambeaux de terrains calcaires, gypseux et arénacés, que l’on trouve entre 1200 et 1600 toises de hauteur. 5. ° Pérou. La formation de grès rouge de Cuença, qui est recouverte sur plusieurs points de couches de gypse feuilleté (Muney, Juncay et Chalcay, à l’ouest de Nabon), se trouve répétée dans le Haut-Pérou, à 1460 toises de hauteur, dans le grand plateau de Caxamarca. Ce grès de Caxamarca est également argileux, dépourvu de coquilles et rempli de minérai de fer brun. Il m’a paru appuyé sur des porphyres d’un aspect trachytique (Cerros de Aroma et de Cundurcaga). Il supporte le calcaire alpin de Montan et de Micuipampa, qui est célèbre par ses richesses métalliques. Les eaux thermales hydrosulfureuses qui sortent des grès de Cuença (lat. austr. 2° 53′) et de Tollacpoma près Caxamarca (lat. austr. 7° 8′), ont presque la même température, 72° et 69° cent. L’analogie qu’offrent les grès rouges de la Nouvelle-Grenade, du Pérou et de Quito, avec les grès rouges du pays où Füchsel (Historia terræ et maris ex historia Thuringiæ eruta) a donné la première description de la grande formation houillère, doit frapper tous les géognostes expérimentés. Je n’insisterai pas sur les phénomènes si connus de l’alternance des conglomérats grossiers et des grès à grains très-fins; ni sur l’absence de tout fragment calcaire, fragmens dont on ne trouve qu’un exemple très-rare dans des poudingues du grès rouge des Pyrénées (vallée de Barillos); ni sur les couches intercalées de houille, d’argile, de fer brun et de calcaire: je me bornerai à rappeler dans les grès rouges de l’Allemagne les mines de mercure (Mörsfeld et Moschellandsberg dans le duché de Deux-ponts, comme Dombrava en Hongrie); les bois pétrifiés de plantes monocotylédonées (Siebigkerode, Kelbra et Rothenburg, en Thuringe); les agathes, les silex communs et les silex pyromaques (hornet feuerstein) passant à la calcédoine (Kiffhäuser, Wiederstädt, Goldlauter et Grossreina, en Saxe, dans le conglomérat grossier du grès rouge; Oberkirchen et Tholey dans le duché de Deux-ponts; Netzberg près Ilefeld, au Harz, dans le mandelstein du grès rouge); du bitume minéral (Naundorf et Gnölzig dans le comté de Mansfeld). Tous ces phénomènes se retrouvent dans la partie de l’Amérique équinoxiale que j’ai parcourue. 6. ° Rives de l’Amazone. Le grand bassin de la rivière des Amazones offre, du moins dans sa partie occidentale, les mêmes phénomènes que nous avons indiqués en traçant le tableau géognostique des Llanos de Venezuela ou du bassin de l’Orénoque. Lorsqu’on descend du sommet des Andes granitiques de Loxa par Guancabamba aux rives du Chamaya, on trouve superposé aux porphyres de transition de Sonanga un grès à ciment argileux, couvert (entre Sonanga et Guanca) d’un calcaire qui renferme du gypse et du sel gemme. Ce grès de Chamaya remplit, à 190 et 260 toises de hauteur au-dessus du niveau de l’océan, les plaines de Jaen de Bracamoros. Il forme des collines à pentes abruptes, ressemblant à des fortifications en ruines. On y distingue des couches à petits grains arrondis de quarz, et des conglomérats grossiers, composés de galets de porphyre, de pierre lydienne et de quarz, de deux à trois pouces de diamètre. Les conglomérats grossiers sont assez rares: ils forment cependant le pongo de Rentema, et d’autres digues rocheuses qui traversent le Haut-Maragnon et entravent la navigation du fleuve. Parmi les fragmens enchâssés dans le grès de Chamaya, je n’en ai jamais pu découvrir un seul qui fût de roche calcaire. Cette circonstance, la présence des lydiennes empâtées dans la masse, l’alternance du grès à petits grains avec les conglomérats grossiers, partout si rares (Schochwitz en Saxe) dans le grès bigarré, enfin la superposition du zechstein et du gypse avec sel gemme au grès de l’Amazone, me font admettre l’identité de cette formation et de celles de Cuença et de Caxamarca, malgré la différence de hauteur absolue de plus de 1000 toises. Nous avons déjà vu, dans la Nouvelle-Grenade, le grès houiller descendre du grand plateau de Bogota aux plaines du Rio Magdalena. Une particularité bien remarquable, et qui paroît, au premier abord, éloigner le grès de l’Amazone et du Chamaya du grès rouge de l’Europe, est l’intercalation de quelques couches de sable à parties entièrement désagrégées. J’ai vu, entre Chamaya et Tomependa, des bancs de grès quarzeux, de trois à quatre pieds d’épaisseur, alterner avec des bancs de sable siliceux de sept à huit pieds. Le parallélisme de ces couches peu inclinées se soutient à de grandes distances. Je n’ignore pas que le mélange de sable et de grès solide caractérise plus particulièrement le grès bigarré, celui qui recouvre le zechstein (Wimmelburg et Cresfeld en Saxe), et le grès tertiaire audessus du gypse à ossemens (Fontainebleau près de Paris); mais MM. Voigt et Jordan ont aussi trouvé des bancs de sable (triebsand) dans le grès rouge ou houiller (Röhrig près de Bieber, et le Kupferberg près Walkenried). On pourroit croire que l’analogie que nous venons d’indiquer avec les grès et sables marins du terrain tertiaire, se trouve fortifiée jusqu’à un certain point par la fréquence des oursins pétrifiés que nous avons vus épars à la surface du sol, à la fois sur les plages de l’Amazone, à 195 toises, et près de Micuipampa, à plus de 1800 toises de hauteur; mais il se peut que, dans ces régions si peu examinées jusqu’ici, des formations calcaires très-neuves reposent sur le zechstein, et rien ne semble annoncer que le grès de Chamaya, alternant à la fois avec des bancs de sable et des conglomérats à fragmens de porphyre et de pierre lydienne, soit un grès tertiaire semblable à celui du terrain parisien. Je devrois peut-être placer immédiatement après le grès houiller le zechstein ou calcaire alpin, parce que ces deux roches ne constituent quelquefois qu’une seule formation; mais j’aime mieux décrire d’abord le terrain de quarz de Guangamarca (flözquarz), parce qu’il est parallèle au grès houiller. C’est un équivalent géognostique propre à l’hémisphère austral. Roche de quarz secondaire. §. 27. Cette formation remarquable et entièrement inconnue aux géognostes de l’Europe domine, dans les Andes du Pérou, entre les 7° et 8° de latitude australe. Je l’ai vue reposer indifféremment sur des porphyres de transition (à la pente orientale des Cordillères, Cerro de N. S. del Carmen près S. Felipe, 982 toises; Paramo de Yanaguanga entre Micuipampa et Caxamarca, 1900 toises: à la pente occidentale des Cordillères, Namas et Magdalena, 690 toises), et sur du granite primitif (Chala, près des côtes de l’océan Pacifique, 212 toises). Cette superposition sur des roches d’un âge très-différent prouve l’indépendance de la formation que nous faisons connoître. Elle est beaucoup moins développée à la pente orientale qu’à la pente occidentale des Andes. A la seconde, elle atteint une épaisseur de plusieurs milliers de pieds, comptée perpendiculairement aux fentes de stratification: elle y remplace le grès rouge, supportant immédiatement (villages indiens de la Magdalena et de Contumaza) le zechstein ou calcaire alpin. C’est, ou la plus récente des formations de transition, ou la plus ancienne des formations secondaires: c’est un véritable quarz compacte ou grenu, non carié ou celluleux, le plus souvent blanc-grisâtre ou jaunâtre et opaque; il n’est mélangé ni de talc ni de mica. Cette formation est tantôt compacte et à cassure écailleuse, comme le quarz en bancs (lagerquarz du granite-gneis primitif); tantôt à grains trèsfins, semblable au quarz du terrain calcaire de transition de la Tarantaise. Ce n’est par conséquent ni une roche arénacée, ni une variété de ces grès quarzeux à ciment silicifère, dans lesquels le ciment disparoît peu à peu, et qui appartiennent à la fois au grès bigarré (Detmold), au quadersandstein, au grès vert (green sand), à l’argile plastique (trappsandstein) et au terrain tertiaire (forêt de Fontainebleau). Les ravins profonds dont la pente des Cordillères est sillonnée, et le nombre immense de blocs arrachés de leur gîte naturel, facilitent l’observation de cette formation de quarz, qui est très-homogène et dépourvue de coquilles, comme aussi de couches subordonnées. Je l’ai examinée pendant plusieurs jours, croyant trouver dans une roche recouverte de zechstein et remplaçant le grès rouge, des traces de ciment, de grains ou de fragmens aglutinés: toutes mes recherches ont été inutiles; nulle part je n’ai pu me convaincre que ce quarz compacte ou grenu fût une roche arénacée ou fragmentaire. Elle est quelquefois très-régulièrement séparée en bancs de huit pouces à deux pieds d’épaisseur, dirigés (Aroma, Magdalena et Cascas) N. 53°—68° O. , et inclinés de 70° à 80° au S. E. A la pente orientale des Andes, aux rives du Chamaya, une couche de quarz semblable à celle que je viens de décrire, paroît intercalée à une formation de calcaire compacte, bleu-grisâtre. Ce calcaire n’est pas une roche de transition (comme on pourroit le croire à cause de la position du quarz compacte de Pesay et de Tines en Tarantaise, §. 20); le nombre et la nature de ses coquilles, comme la sinuosité de ses couches, semblent le rapprocher au contraire du zechstein ou calcaire alpin. Il n’est pas extraordinaire de voir une roche siliceuse, qui supporte un calcaire, pénétrer dans celui-ci et y former une couche intercalée. Cette pénétration s’observe aussi quelquefois, mais en filons (Cerro de N. S. del Carmen près San-Felipe), dans la formation sur laquelle repose la roche de quarz. Le calcaire alpin de San-Felipe recouvre cette roche, et celle-ci est placée sur un porphyre vert de transition, qui est traversé de filons de quarz de trois pieds d’épaisseur. Il sera utile de rappeler, à la fin de cet article, qu’il ne faut pas confondre neuf formations de quarz et de grès quarzeux des terrains primitif, intermédiaire, secondaire et tertiaire, dont seulement la seconde et la quatrième sont indépendantes, tandis que les autres ne forment que des bancs subordonnés: 1. ° quarz (lagerquarz) des granites-gneis, des micaschistes et des thonschiefer primitifs; 2.° quarz chloriteux ou talqueux de Minas-Geraes du Brésil et de Tiocaxas dans les Andes de Quito: formation indépendante primitive, succédant au thonschiefer (§. 16), ou le remplaçant, comme en Norwége; 3.° quarz compacte de transition, décrit par MM. Brochant, Haussmann et Léopold de Buch, et subordonné (§. 20) aux roches calcaires et schisteuses de la Tarantaise, de Kemi-Elf en Suède, et de Skeen en Norwége (§. 23); 4.° quarz secondaire (§. 27), parallèle au grès rouge, et pénétrant dans le calcaire alpin des Andes de Contumaza et de Huancavelica. A ces formations de quarz pur on peut joindre les masses entièrement quarzeuses, 5.° du grès bigarré; 6.° du quadersandstein; 7.° du grès vert ou grès secondaire à lignites, placé entre le calcaire jurassique et la craie; 8.° du grès appartenant au grès tertiaire à lignites (argile plastique) au-dessus de la craie; 9.° du grès de Fontainebleau. On détermine une roche avec d’autant plus de sûreté, que l’on a sous les yeux le tableau des formations qui sont analogues par leur composition, mais très-différentes par leur gisement. II. Zechstein ou calcaire alpin (magnesian limestone); Gypse hydraté; Sel gemme. §. 28. Le mot de zechstein n’est ordinairement appliqué par les mineurs et les géognostes d’Allemagne qu’à une seule assise de la formation que nous allons décrire: on distingue alors le calcaire compacte (zechstein) du schiste cuivreux qu’il recouvre immédiatement, et des gypses et des calcaires fétides qui lui sont superposés. J’appelle zechstein tout le groupe dont cette roche est le représentant géognostique. C’est une grande formation calcaire qui succède immédiatement au grès rouge ou grès houiller, et qui est quelquefois si intimement liée avec ce grès qu’elle s’y trouve intercalée. La limite supérieure du zechstein est plus difficile à fixer: en Allemagne et dans plusieurs parties de la France orientale, cette roche se termine là où commence le grès bigarré ou grès à oolithes (bunte sandstein). En Angleterre, le magnesian limestone, représentant par sa position le zechstein, est recouvert d’une formation marneuse et muriatifère (red marl), qui offre beaucoup d’analogie avec le grès bigarré d’Allemagne; car dans ce dernier on rencontre aussi plus de couches d’argile et de marne que de véritable grès. Comme, d’un autre côté, le sel gemme d’Angleterre appartient au red marl, tandis que le sel gemme de la majeure partie du continent appartient au zechstein, on peut admettre que, des deux formations, à peu près parallèles, de red marl et de grès bigarré, renfermant des marnes, des argiles et des oolithes, la première est plus intimement liée au zechstein, tandis que la seconde l’est plus au muschelkalk, et, quand celui-ci et le quadersandstein ne se sont pas développés, au calcaire également marneux et oolithique du Jura. C’est peut-être d’après des inductions analogues que, dans son excellent Tableau des formations d’Angleterre, publié en 1816, M. Buckland avoit réuni, dans un même terrain, le magnesian limestone et le red marl ou new red sandstone. Quelque grande que soit l’importance que nous attachons à ces affinités géognostiques, comme aux phénomènes d’alternance et de pénétration observés dans des roches qui se succèdent immédiatement, nous ne nous en croyons pas moins en droit de séparer les diverses formations de grès rouge, de zechstein et de grès bigarré, là où, dans les deux hémisphères, nous les avons vues prendre un développement extraordinaire. Dans le cours de ce travail je me suis souvent servi, à l’exemple de beaucoup de géognostes célèbres, pour désigner le zechstein, du mot plus sonore de calcaire alpin, quoique je sache très-bien que, d’après les belles recherches de MM. de Buch et Escher, la majeure partie des calcaires qui constituent les hautes Alpes de la Suisse, sont des calcaires de transition (§. 22). A une époque où l’on a tant embrouillé la géognosie par la création de dénominations vagues et qui ne sont adoptées que par un très-petit nombre de savans, je n’ai rien voulu changer à la nomenclature reçue, quelque vicieuse ou barbare qu’elle me parût. Les imperfections du langage des géognostes ne sont dangereuses pour la science, que lorsqu’on ne définit pas avec clarté la position de chaque formation et les limites entre lesquelles ces formations se trouvent circonscrites. Dans la Bavière méridionale, dans le Tyrol, dans la Styrie et le pays de Salzbourg, les hautes Alpes de Benedictbaiern, de Chiemsée, de Hall, d’Ischel, de Gmünden et de l’Untersberg, sont très-probablement du zechstein. Au Montperdu, dans la chaîne des Pyrénées, cette roche, mêlée de calcaire fétide, s’élève à plus de 1750 toises de hauteur. Dans les Andes du Pérou, le zechstein, très-distinct du calcaire de transition, renferme des coquilles pétrifiées sur la crête des montagnes entre Guambos et Montan, et près Micuipampa (1400—2000 toises); entre Yauricocha et Pasco (2100 toises); près de Huancavelica, Acoria et Acobamba (2100—2207 toises). On voit par ces exemples que le zechstein atteint au nord et au sud de l’équateur de très-grandes élévations. On le trouve bien certainement dans la région alpine des Pyrénées, du Tyrol et des Andes; mais le mot calcaire alpin n’indique pas plus que toutes les Alpes calcaires dans les deux mondes sont composées de zechstein, que le mot grès houiller n’annonce que les houilles appartiennent uniquement au grès rouge. La question de savoir quelles cimes alpines de la Suisse et du Tyrol sont de zechstein, quelles cimes sont de calcaire de transition, est plutôt une question de géographie minéralogique, qu’un problème de géognosie générale. La science des formations se borne à décrire une roche placée dans la série des terrains secondaires, entre le grès houiller et le grès bigarré alternant avec des argiles: elle ne prononce pas sur ce grand nombre de roches dont le gisement n’offre aucun caractère diagnostique certain, par exemple, sur des roches calcaires non recouvertes et placées immédiatement sur du micaschiste ou des grauwackes. Partout où le grès houiller manque, on ne peut juger de l’âge des roches calcaires que d’après des analogies de composition et de couches intercalées: on les rapproche de tel ou tel groupe, comme le botaniste rapproche préalablement de telle famille ou de tel genre connus, une plante dont il n’a pu examiner le fruit. Ces hésitations et ces doutes, loin de prouver l’incertitude des classifications, parlent plutôt en faveur de la marche méthodique que doit suivre la géognosie positive. Le zechstein, en le considérant dans sa plus grande généralité, est tantôt (dans les montagnes les plus élevées) un terrain d’une grande simplicité, tantôt (dans les plaines) il est composé de plusieurs petites formations partielles, qui alternent les unes avec les autres (Thuringe; Figeac, Autun, Villefranche). Sa couleur est le plus souvent grisâtre et bleuâtre, quelquefois rougeâtre: il passe, et surtout dans les hautes régions, du compacte au grenu à très-petits grains, et dans ce cas il est traversé par de petits filons de spath calcaire. Ces caractères de couleur et de cassure ne sont cependant pas d’une grande importance; car, selon que la matière colorante (carbure d’hydrogène et fer) se trouve diversement répartie, le zechstein et le calcaire de transition prennent quelquefois des teintes semblables: le premier devient noirâtre, et le second blanc-grisâtre. C’est ainsi que la couleur noire se trouve (duché d’Anhalt- Dessau; Hettstädt; Osnabrück) jusque dans le muschelkalk. M. Freiesleben observe très-bien que le zechstein n’est généralement pas mat, mais un peu brillant (schimmernd), à cause d’un mélange intime de petites lames de spath calcaire. Cet éclat, bien moindre sans doute que dans les calcaires de transition, se remarque non-seulement dans les montagnes très-élevées, mais jusque dans les zechstein des plaines. C’est là aussi que cette roche devient parfois grenue à petits grains (au Deister et près de Hameln; entre Bolkenhayn et Waldenbourg, et près de Tarnowiz en Silésie). J’ai trouvé cette même tendance à la structure cristalline dans le zechstein du Mexique et dans celui des Llanos de Venezuela: elle n’est pas causée, comme dans le calcaire du Jura, par un entassement de débris organiques, et ce seroit à tort qu’on attribueroit cette tendance exclusivement au calcaire de transition. De petits filets de spath calcaire blanc traversant un calcaire bleuâtre, passant du compacte au grenu, caractérisent sans doute plutôt le terrain de transition que le zechstein des plaines; mais dans les deux continens ces petits filons se retrouvent aussi dans les calcaires des hautes montagnes calcaires que, par leur gisement et par leurs bancs intercalés de sel gemme et d’argile bitumineuse, je crois appartenir au zechstein. D’ailleurs, dans toutes les formations supérieures au grès rouge, on observe que (par une action probablement galvanique) les calcaires gris-noirâtre perdent leur principe colorant dans le voisinage des fentes de stratification. Cette décoloration a lieu dans les roches restées en place. L’accumulation du carbone ne se conserve que dans le centre des couches, et l’on diroit que la pierre ait été exposée au contact de la lumière et de l’oxigène de l’atmosphère. De toutes les formations secondaires le zechstein est celle dont les diverses assises ont été le plus minutieusement étudiées: c’est aussi celle qui a le plus contribué à faire naître dans le Nord de l’Allemagne, dans cette terre classique de la géognosie, les premières idées précises sur l’âge relatif des terrains et sur la régularité avec laquelle ils se succèdent. Comme les schistes bitumineux et cuivreux du zechstein sont un objet très-important d’exploitation, il a fallu percer cinq formations, le muschelkalk, le gypse fibreux et argileux, le grès bigarré ou oolithique, le gypse feuilleté et salifère, et le zechstein, pour parvenir à la couche argentifère placée entre le zechstein et le grès rouge. On peut dire que les travaux des mineurs sur les schistes bitumineux du Mansfeld, en Allemagne, et sur les roches de houille en Angleterre, ont singulièrement favorisé les progrès de la géognosie de gisemens, dont Stenon a eu la gloire d’avoir indiqué, le premier, les véritables principes. Le zechstein ou calcaire alpin, la plus ancienne des formations secondaires, renferme, comme couches subordonnées: des argiles schisteuses, carburées et bitumineuses; de la houille; du sel gemme; du gypse; du calcaire fétide, compacte ou en parties désagrégées (asche); du calcaire magnésifère; du calcaire à gryphites; du calcaire ferrifère (eisenkalk); du calcaire celluleux à grains cristallins (rauchwacke); du grès; de la calamine, du plomb, du fer hydraté et du mercure. Nous joindrons à ces indications les substances qui se trouvent quelquefois disséminées dans le zechstein, sans y former des couches continues, telles que le soufre, le silex (hornstein) et le cristal de roche. On distingue facilement dans l’ensemble de ces masses trois séries bitumineuses ou carburées, muriatifères et métalliques. Le schiste cuivreux, rempli de poissons pétrifiés; le calcaire fétide, le sel gemme et le gypse, la calamine et le plomb sulfuré sont les types les plus importans de ces trois séries: ils servent jusqu’a un certain point, par leur concomitance géognostique, à reconnoître la formation que nous décrivons, lorsque les rapports de gisement sont douteux. Argiles ou marnes schisteuses, carburées ou bitumineuses. L’accumulation de carbone qui caractérise les terrains de transition, surtout ceux qui sont les plus modernes, atteint son maximum dans le grès rouge: le carbone ne s’y montre plus comme graphite ou comme anthracite, mais comme houille bitumineuse. La formation de calcaire alpin, si intimement liée à celle du grès rouge ou grès houiller, participe jusqu’à un certain point à cette abondance de carbone hydrogéné: tantôt c’est toute la masse de la roche (Bavière méridionale, et Merlingen sur le lac de Thun; dans l’Amérique méridionale, montagnes de la Nouvelle-Andalousie) qui est pénétrée de parties bitumineuses; tantôt ce ne sont que des couches d’argile et de marnes intercalées qui contiennent le bitume. La plus célèbre de ces couches est le schiste cuivreux (kupferschiefer) du Mansfeld, que l’on retrouve dans le nouveau monde, renfermant des poissons fossiles, près de Ceara (plaines du Brésil), près de Pasco (à 2000 toises de hauteur; Andes du Pérou), près de Mondragon (plateau du Potosi), et près du Pongo de Lomasiacu (rives de l’Amazone, province de Jaen). Le plus souvent il n’y a qu’une seule couche de schiste cuivreux, et cette couche se trouve comme repoussée vers la limite inférieure du zechstein. C’est cette position qui l’a fait prendre long-temps pour une formation indépendante placée entre le zechstein et le grès rouge. D’autres fois (Conradswalde, Prausnitz et Hasel, en Silésie) il y a plusieurs bancs qui alternent avec les couches du zechstein et qui méritent également d’être exploitées. Le cuivre et le plomb argentifères ne se trouvent qu’accidentellement accumulés dans cette formation partielle, et j’ai vu dans les deux continens (Chiemsée et Wallersée dans la Bavière méridionale; mines de Tehuilotepec au Mexique, montagne du Cuchivano près Cumanacoa) ces marnes cuivreuses du Mansfeld représentées par de petites couches d’argile schisteuse carburée, brun-noirâtre, foiblement chargée de bitume et remplie de pyrites. Ce phénomène paroît lier le zechstein des plaines à celui des hautes montagnes, dont la superposition au grès houiller est moins évidente. Dans les Andes de Montan (à 1600 toises de hauteur; Pérou septentrional) des argiles noires de cinq à dix-huit pouces d’épaisseur alternent avec le zechstein. Les argiles schisteuses et marneuses oscillent, du zechstein ou calcaire alpin, d’un côté vers le grès rouge et le calcaire de transition, de l’autre vers le calcaire du Jura. Dans le grès rouge se trouve répété le schiste cuivreux et argentifère, mais avec une grande accumulation de carbone (Suhl et Goldlauter en Saxe). Dans le calcaire de transition (Schwatz en Tyrol) les argiles deviennent plus micacées et passent au thonschiefer de transition, renfermant (Glaris), comme les schistes du zechstein (Eisleben) et comme ceux du grès rouge (mine de Saint-Jacques près Goldlauter), des poissons pétrifiés. Dans le calcaire du Jura les marnes sont plus calcarifères, d’une teinte plus claire, blanchâtres ou gris-bleuâtre. Malgré les analogies que présentent quelquefois les argiles schisteuses fortement carburées du zechstein avec celles du grès houiller, ce n’est pourtant que dans ces derniers, qui recouvrent immédiatement les houilles, qu’on trouve des empreintes de véritables fougères du groupe des polypodiacées. Les schistes cuivreux ne présentent que des lycopodiacées, famille que Swartz, depuis long-temps, a séparée des fougères. Houille. Quoique, comme nous venons de l’indiquer, l’accumulation du carbone caractérise particulièrement la formation du grès rouge, de même le bitume caractérise la formation du calcaire alpin: cette dernière offre cependant aussi des traces de véritable houille, soit en couches (entre Nalzon et Pereilles dans les Pyrénées; à Huanuco dans les Andes du Pérou, à 2000 et 2200 toises de hauteur), soit comme parties disséminées dans le schiste cuivreux (Eisleben, Thalitter, en Saxe). C’est un fait bien remarquable et anciennement observé, que la houille piciforme (jayet) se montre de préférence sur les empreintes du corps des poissons pétrifiés: elle remplace dans ces empreintes organiques le sulfure de fer, et (entre Mörsfeld et Münsterappel, dans le duché de Deux-ponts) le mercure natif et le cinabre. Les couches de houille mêlées de coquilles marines et d’ambre (Hering et Miesbach en Tyrol; Entrevernes sur le lac d’Annecy en Savoie) ne se trouvent pas dans le zechstein: ce sont des lignites qui appartiennent à des formations beaucoup plus récentes. Ils sont superposés au zechstein dans des bassins isolés, et ont, comme toutes les formations locales, leurs grès et leurs argiles. Sel gemme et argile muriatifère. Les masses de sel gemme dans le calcaire alpin ou zechstein sont moins subordonnées à des couches de gypse lamelleux, qu’à une formation particulière d’argile, qui a été long-temps négligée par les géognostes et que j’ai fait connoître sous le nom de salzthon (argile muriatifère). Elle caractérise, dans les deux continens, les dépôts de sel gemme, de même que l’argile schisteuse (schieferthon) ou argile à fougères caractérise les dépôts de houilles. Cette formation muriatifère, dans laquelle le gypse ne se trouve pour ainsi dire qu’accidentellement, a été l’objet principal de mes recherches dans les voyages que j’ai entrepris par ordre du Gouvernement prussien, pendant les années 1792 et 1793, dans les mines de sel gemme de la Suisse, de l’Allemagne méridionale et de la Pologne. Je l’ai retrouvée, avec toutes ses nuances d’analogie les plus petites, dans les Cordillères de l’Amérique équatoriale, et l’on ne sauroit douter que sa connoissance physionomique ne soit du plus grand intérêt pour ceux qui travaillent à découvrir des dépôts de sel dans les pays que l’on en a cru dépourvus jusqu’à ce jour. Les couleurs de l’argile muriatifère sont généralement (Hall, Ischel, Aussee) le gris de fumée, le gris blanchâtre et le gris bleuâtre (Berchtolsgaden et Wieliczka); quelquefois cette argile est brun-noirâtre, brun-rougeâtre (leberstein des mineurs du Tyrol et de la Styrie), et même rouge de brique. On la trouve ou en masses très-puissantes, ou disséminée en petites parties rhomboïdes, soit dans le sel gemme (Zipaquira, dans la Nouvelle-Grenade), soit dans un gypse (Neustadt an der Aisch, en Franconie; Reichenhall en Bavière) qui est subordonné au calcaire alpin. Les couleurs de l’argile muriatifère sont beaucoup plus variées et plus mélangées que celles de l’argile schisteuse qui couvre les houilles. La première fait un peu d’effervescence avec les acides; ses couleurs sont dues à la fois au carbone et à l’oxide de fer. Sur le plateau de Bogota je l’ai vue mêlée d’asphalte et tachant les doigts en noir. Elle absorbe rapidement l’oxigène de l’atmosphère, tant sous des cloches que dans ces grandes excavations circulaires (Sinkwerke, Wöhre), qui sont destinées à être remplies d’eau douce pour lessiver la roche salifère. Sa consistance est extrêmement variable; elle s’élève du tendre à la dureté du schiste cuivreux. Souvent des masses tenaces (schlief) paroissent mêlées de silice et donnent feu avec l’acier; leurs pièces séparées sont alors testacées et courbes (krummschalig abgesonderte Stücke). Empâtées dans une argile friable, elles forment une espèce de brèche porphyroïde. L’argile muriatifère n’offre ni les paillettes de mica, ni les empreintes de fougères de l’argile schisteuse des houilles: on y trouve cependant quelquefois (Hallstadt, Wieliczka) des coquilles pélagiques. Le sel gemme se présente de deux manières, ou disséminé en parcelles plus ou moins visibles dans le salzthon, ou formant des couches épaisses alternant avec des couches argileuses. Cette disposition différente détermine le maximum (Wieliczka) ou le minimum (Ischel) de richesse dans les mines; elle décide si le sel doit être exploité en grandes masses (lapidicinorum modo, dit Pline, cæditur sal nativum), ou en lessivant la roche par l’introduction des eaux douces dans des chambres souterraines. Lorsque le muriate de soude gris de fumée est disséminé en grains arrondis ou en petites lames, ou d’une manière insensible à l’œil, il n’en forme pas moins des croûtes continues autour des pièces séparées du salzthon. Il remplit toutes les fentes qui divisent les masses en fragmens polyédriques. Il en résulte des brèches argileuses (Haselgebirge) cimentées par du sel gemme. Quelquefois de grandes masses d’argile (Hall en Tyrol) sont absolument dépourvues de muriate de soude; on les croit lessivées par l’action des eaux qui circulent dans la terre, et ce phénomène curieux semble favoriser l’hypothèse la plus anciennement adoptée sur l’origine des sources salées. Le gypse grenu, blanc-grisâtre, rarement anhydre (muriacite), se trouve par couches plus ou moins épaisses dans le salzthon; il y abonde plus que dans le sel gemme; toujours son volume est de beaucoup inférieur à celui de l’argile. Quelquefois le gypse est mêlé de calcaire fétide et de cristaux de chaux carbonatée magnésifère (rauten- ou bitterspath). Lorsque le sel ne forme pas de véritables bancs ou des masses cristallines continues, il se trouve dans l’argile comme amas entrelacé (Stockwerk), c’est-à-dire, en petits filons qui se croisent, se renflent et se traînent dans tous les sens. Ses fibres sont perpendiculaires au mur et au toit des filons (Berchtolsgaden). D’autres fois le sel est réparti par couches très-minces, parallèles entre elles, variées de couleur, sinueuses, généralement verticales (Hallstadt et Hallein), rarement inclinées de moins de 30° (Aussee). Partout où le gypse grenu manque entièrement dans le salzthon, on le trouve remplacé par des cristaux épars de gypse spéculaire. Toute cette formation salifère renferme quelquefois disséminées des pyrites, de la blende brune et de la galène. A Zipaquira, dans l’Amérique méridionale (mine de Rute), les pyrites et la chaux carbonatée ferrifère forment des concrétions particulières en sphéroïdes aplatis, de 18 à 20 pouces de diamètre: ces sphéroïdes sont empâtés dans le salzthon, et ont au centre des creux de 3 à 4 pouces, remplis de fer spathique cristallisé. Je n’ai point observé ce phénomène singulier dans les mines de sel gemme d’Allemagne, de Pologne et d’Espagne, que j’ai visitées; mais la fréquence des pyrites dans l’argile muriatifère jette quelque jour sur l’odeur d’hydrogène sulfuré qu’exhalent si souvent les sources salées. La galène ne se montre qu’en parcelles dans le dépôt salifère de Hall en Tyrol; mais elle s’est développée en grandes masses dans les montagnes de sel gemme (rouge-blanc et gris-noirâtre) à travers lesquelles se sont frayé un chemin, sur une distance de deux lieues, le Rio Guallaga et le Rio Pilluana (province péruvienne de Chachapoyas, sur la pente orientale des Andes). Les dépôts de sel dans les deux continens se trouvent généralement à découvert, comme les formations d’euphotide et de serpentine. Quelquefois ils supportent de petites couches de gypse et de calcaire fétide qui leur appartiennent exclusivement. Il n’est par conséquent pas facile de prononcer sur l’âge relatif des dépôts muriatifères. La formation principale (Hauptsalzniederlage) me paroît évidemment appartenir au zechstein ou calcaire alpin; mais cette assertion n’exclut pas la probabilité que d’autres formations partielles se trouvent intercalées aux terrains de transition, peut-être même aux terrains tertiaires. Les houilles, les oolithes et les lignites se sont aussi développés à des époques très-différentes les uns des autres; et cependant les gîtes principaux de ces trois substances sont le grès rouge, le calcaire du Jura et l’argile plastique. Pour traiter cet objet dans sa plus grande généralité, je vais indiquer successivement, d’après l’état actuel de nos connoissances, les diverses formations de sel gemme dans le calcaire de transition, dans le zechstein et le grès bigarré avec argile. Le gypse anhydre de Bex, qui renferme du sel gemme disséminé et de petites couches subordonnées de grauwacke, appartient, selon les observations de MM. de Buch et Charpentier, au calcaire de transition, mais probablement aux dernières couches des terrains intermédiaires. De ce même âge paroissent être aussi le gypse salifère de Colancolan (à l’est d’Ayavaca, Andes du Pérou), mêlé, comme le calcaire de transition de Drammen (Norwége), de trémolithe asbestoïde; les petits dépôts de S. Maurice (Arbonne en Savoie), et, d’après M. Cordier, la montagne de sel de Cardona en Espagne. Le gypse anhydre caractérise particulièrement ces dépôts salifères du terrain de transition. Dans l’Allemagne méridionale, sur les bords du Necker (Sulz au-dessus de Heilbronn; Friedrichshall, entre Kochendorf et Jaxtfeld; Wimpfen, audessous de Heilbronn), on a découvert par des sondes de 245 et de 760 pieds de profondeur, du sel gemme dans le zechstein. Les beaux travaux de MM. Glenk et Langsdorf ne laissent pas de doute à ce sujet. A Sulz on a percé successivement le muschelkalk, la formation d’argile et de grès bigarré, un zechstein poreux, mais de très-peu d’épaisseur, et le grès rouge, reposant sur le granite de la Bergstrasse et du Schwarzwald. A Friedrichshall et à Wimpfen, d’après les observations judicieuses de M. de Schmitz, les couches supérieures au zechstein manquent entièrement, et l’on a trouvé dans celui-ci, qui est gris-bleuâtre et que, par cette raison, on a souvent confondu avec le calcaire de transition, des couches alternantes de sel gemme, d’argile salifère, et de gypse blanc et grisâtre. Dans le grand-duché de Bade, le dépôt salifère paroît recouvert (Heinsheim près Wimpfen, sur le Necker; Stein, Mühlbach et Beyerthal, dans la vallée du Rhin; Kandern, dans le Schwarzwald) des mêmes roches dont on a reconnu la série à la saline de Sulz. Je crois pouvoir citer encore comme une preuve bien évidente du gisement de la grande formation de sel gemme dans le zechstein ou calcaire alpin, la partie septentrionale du plateau de Santa-Fé de Bogota, où la mine de Zipaquira (Rute, Chilco et Guasal) se trouve à 1380 toises d’élévation au-dessus du niveau de la mer. Ce dépôt salifère, de plus de 130 toises d’épaisseur, est recouvert de grandes masses de gypse grenu, gypse que l’on voit intercalé, sur plusieurs points très-voisins de la mine, au zechstein supporté par le grès rouge ou houiller. Il n’y a que sept lieues de distance depuis la mine de charbon de terre de Canoas et la mine de sel gemme de Zipaquira. D’autres dépôts de houilles (Suba, Cerro de Tunjos) sont plus rapprochés encore, et l’on voit le grès rouge, qui est très-quarzeux, sortir immédiatement sous l’argile salifère de Zipaquira. Dans le Salzbourg, en Tyrol et en Styrie, il ne m’est resté jamais aucun doute, depuis les premiers temps que j’ai visité ces contrées, sur la liaison intime du sel gemme avec le zechstein. Beaucoup de géognostes célèbres (MM. de Buch et Buckland) partagent cette opinion: mais il faut convenir que, partout où l’âge du calcaire n’est pas suffisamment caractérisé par la présence du grès houiller, et partout où le recouvrement du dépôt salifère par des couches d’un âge connu n’est pas évident, le résultat des observations ne peut offrir une entière conviction. Dans la mine de Hall près d’Inspruck, on voit (galerie de Mitterberg) le dépôt de sel gemme immédiatement recouvert par la formation calcaire qui constitue la chaîne septentrionale des Alpes du Tyrol. Ce calcaire passe du blanc grisâtre au gris bleuâtre; les nuances plus obscures sont souvent fétides. Il est généralement compacte, quelquefois un peu grenu à petits grains, et traversé par des veines de spath calcaire blanc. Ces veines sont considérées par quelques géognostes, et peut-être d’une manière trop absolue, comme caractérisant le calcaire de transition. La roche n’alterne nulle part ni avec le thonschiefer intermédiaire, ni avec le grauwacke: elle forme (Wallersée) des couches sinueuses et arquées, comme le calcaire du lac de Lucerne. M. de Buch y a trouvé fréquemment des pétrifications de turbinites très-petites. C’est le seul endroit en Europe où j’ai vu une grande formation calcaire recouvrir immédiatement le sel gemme. Je la crois du zechstein, d’après des analogies de position et de structure; je l’ai vue passer quelquefois (Schlossberg près Séefeld; Scharnitz) à un calcaire compacte ayant la cassure matte, égale ou conchoïde, à cavités très-aplaties, semblable au calcaire lithographique de la formation du Jura (lias). Les poissons pétrifiés qu’on rencontre entre Séefeld et Schönitz dans une marne bitumineuse, éloignent encore plus le calcaire de Hall des calcaires de transition; cependant, pour le caractériser indubitablement comme zechstein, il faudroit le voir reposer sur le grès rouge (todtliegende), qui, d’après les observations de MM. Uttinger et Keferstein, paroît superposé aux roches intermédiaires entre le Ratenberg et Hering, comme près des anciennes mines de Schwatz. A Hallstadt (Törringer Berg) et à Ischel, nous avons vu, M. de Buch et moi, le calcaire alpin analogue à celui de Hall, mais avec des teintes plus claires, souvent rougeàtres, et plus abondant en pétrifications, superposé au gypse qui couvre les dépôts de sel gemme. Cette superposition est moins évidente à Hallein (mine du Durrenberg) et à Berchtesgaden: le gypse qui couvre l’argile salifère, se cache sous une poudingue calcaire (nagelfluhe) du terrain tertiaire. Les dépôts de Hallein et de Berchtesgaden m’ont paru, comme celui de Wieliczka en Pologne, non intercalés au zechstein, mais superposés à cette formation. Je les crois postérieurs à la grande formation de houille; mais le grès rouge manque dans leur voisinage, et le calcaire du pays de Salzbourg est immédiatement superposé (vallée de Ramsau) au grauwacke. M. Buckland regarde les calcaires qui couvrent l’argile salifère à Hallstadt, et même à Bex, comme appartenant au lias, qui est l’assise inférieure du Jura. Après le sel gemme des gypses anhydres de transition et après celui du zechstein vient, selon l’âge des formations, le sel du grès bigarré, ou, comme on dit plus exactement, du terrain d’argile et de grès bigarré. Ce terrain arénacé, appelé par les géognostes anglois nouveau grès rouge et marne rouge (new red sandstone and red marl), renferme les dépôts de sel (Northwich) de l’Angleterre: il en renferme aussi en Allemagne, soit près de Tiede (entre Wolfenbüttel et Brunswick), où MM. Haussmann et Schulze ont trouvé de petites masses de sel disséminées dans l’argile rouge du grès bigarré oolithique; soit à Sulz (royaume de Wurtemberg), où, avant d’avoir atteint les sources salées dans le zechstein, on a rencontré immédiatement sous le muschelkalk, à 460 pieds de profondeur, des rognons ou nids de sel dans une argile marneuse (red marl). Cette argile recouvre, dans une épaisseur de 210 pieds, le grès bigarré auquel elle appartient. Comme tout près de Sulz (à Friedrichshall et Wimpfen) le sel gemme alterne avec des marnes et du gypse intercalés au zechstein, on ne peut douter de l’affinité géognostique qui existe entre les deux formations du zechstein et du grès bigarré. Les marnes et argiles salifères avec gypse grenu se trouvent placées tantôt entre le zechstein et le grès, tantôt dans l’une et l’autre de ces formations. C’est aussi au terrain d’argile et de grès bigarrés qu’appartiennent et le sel gemme de Pampelune en Espagne, examiné par M. Dufour, et le riche dépôt découvert, en 1819, en Lorraine près de Vic. Ce terrain d’argile bigarrée de Vic renferme de petites couches de muschelkalk, et est recouvert à son tour de calcaire jurassique. L’influence qu’une connoissance plus approfondie du gisement des roches a eue dans ces derniers temps sur les découvertes du sel en Souabe, en France et en Suisse (Églisau, canton de Zuric), est un phénomène bien digne de remarque. Je doute qu’on ait jusqu’ici des preuves bien certaines de la présence du sel gemme dans le muschelkalk; car il ne faut pas, comme nous le verrons bientôt, déduire ce gisement de la seule présence des sources salées. Le muschelkalk, dans ses couches inférieures, alterne avec la formation d’argile et de grès bigarré: comme il renferme aussi quelquefois (Sulzbourg près Naumbourg) des marnes avec gypse fibreux, il ne seroit pas bien surprenant que l’on y découvrît quelques dépôts salifères. Des traces de ces dépôts ont été observés, près de Kandern, dans le calcaire jurassique. Existe-t-il des couches de sel dans les terrains tertiaires au-dessus de la craie? Plusieurs phénomènes géognostiques peuvent le faire supposer; et l’on devroit presque être surpris que les dernières irruptions de l’océan dans les continens n’aient pas produit sinon des couches de sel gemme, du moins de l’argile salifère. Cependant, dans l’état actuel de nos connoissances, le problème que nous agitons n’est pas suffisamment éclairci. M. Steffens regarde les gypses à boracites de Lunebourg et de Seegeberg (Holstein) comme supérieurs à la craie. Le second de ces gypses contient de petites masses de sel gemme disséminées; le premier donne naissance à des sources salées très-riches et très-abondantes. D’autres géognostes croient la formation gypseuse à boracites beaucoup plus ancienne que le gypse à ossemens du terrain tertiaire, et presque identique avec les gypses du zechstein et du grès bigarré. Les immenses dépôts salifères de Wieliczka et de Bochnia, ceux qui s’étendent depuis la Galicie jusqu’à la Bukowine et en Moldavie, paroissent reposer immédiatement sur le grès houiller, renfermant à la fois (et ce fait est assez extraordinaire) du gypse anhydre, des tellines, des coquilles univalves cloisonnées, des fruits à l’état charbonneux, des feuilles et des lignites; ces dépôts ne sont recouverts que de sables et de grès micacés. M. Beudant, dans son important ouvrage sur la Hongrie, semble pencher vers l’opinion que ces sables et ces grès sont analogues à la molasse d’Argovie, et que toutes les formations salifères avec lignites de la Galicie pourroient bien être contemporaines avec l’argile plastique (grès à lignites) du terrain tertiaire, placée entre la craie et le calcaire grossier de Paris (calcaire à cérites). Ces bois bitumineux de Wieliczka, exhalant l’odeur de truffes, méritent sans doute beaucoup d’attention; et si l’on veut admettre qu’ils ne se sont mêlés qu’accidentellement au sel gemme et qu’ils sont venus des couches sablonneuses superposées, il faut encore en conclure que le sel gemme et les sables sont d’une origine trèsrapprochée. Mais la présence des lignites est-elle une preuve bien convaincante de la grande nouveauté d’une couche? J’en doute. Nous savons que des lignites et des empreintes de feuilles dicotylédones se trouvent bien au-dessous de la craie, et dans les couches inférieures du calcaire du Jura (calcaire à gryphées arquées; Le Vay, Issigny, près de Caen), et dans le quadersandstein, et dans les petites couches charbonneuses et marneuses (lettenkohle) du muschelkalk, et dans le grès bigarré de l’Allemagne, auquel appartiennent aussi les schistes argentifères du Frankenberg (Hesse). Il faut distinguer avec soin les bois siliceux et pétrifiés des vrais lignites ou bois bitumineux (braunkohle); et si l’on ne reconnoît que bien rarement ceux-ci dans les argiles du grès bigarré, on les trouve bien moins encore dans le zechstein, dont les marnes cuivreuses renferment seulement des fruits pétrifiés. Dans la Toscane on voit les sources salées du Volterrannois sourdre, d’après M. Brongniart, de couches marneuses qui alternent avec du gypse grenu (albâtre) et qui sont immédiatement recouvertes d’un terrain tertiaire. Quoiqu’il paroisse presque impossible de prononcer sur l’âge des formations non recouvertes, plusieurs rapports de gisemens que j’ai eu occasion d’observer dans le nouveau continent, me rendent probable l’existence des dépôts de sel dans le terrain tertiaire. Je ne citerai pas les montagnes de sel gemme dans les vastes plaines au nord-est du Nouveau-Mexique, que M. Jefferson a fait connoître le premier, et qui paroissent liées au grès houiller; mais d’autres dépôts très-problématiques, savoir, les argiles salifères superposées à des conglomérats trachytiques de la Villa d’Ibarra (plateau de Quito, à 1190 toises de hauteur), les énormes masses de sel exploitées à la surface de la terre (déserts du Bas-Pérou et du Chili) dans les steppes de Buenos- Ayres et dans les plaines arides de l’Afrique, de la Perse et de la Transoxane. Près de Huaura (entre Lima et Santa, sur les côtes de la mer du Sud) j’ai vu le porphyre trachytique percer les couches du sel gemme le plus pur. L’argile muriatifère d’Araya (golfe de Cariaco), mêlée de gypse lenticulaire, paroît placée entre le calcaire alpin de Cumanacoa, et le calcaire tertiaire du Barigon et de Cumana. Sur tous ces points le sel est accompagné de pétrole et d’asphalte endurci. En comparant les dépôts de sel gemme d’Angleterre (à 30 toises), de Wieliczka (160 t.), de Bex (220 t.), de Berchtolsgaden (330 t.), d’Aussee (450 t.), d’Ischel (496 t.), de Hallein (620 t.), de Hallstadt (660 t.), d’Arbonne en Savoie (750 t.?) et de Hall en Tyrol (800 t.), M. de Buch a judicieusement observé que la richesse des dépôts diminue en Europe avec la hauteur au-dessus du niveau de l’océan. Dans les Cordillères de la Nouvelle-Grenade, à Zipaquira, d’immenses couches de sel gemme, non interrompues par de l’argile, se trouvent jusqu’à 1400 toises d’élévation. Il n’y a que la mine de Huaura, sur les côtes du Pérou, qui m’ait paru encore plus riche: j’y ai vu exploiter le sel en dales, comme dans une carrière de marbre. En Thuringe, un des pays dans lesquels on a reconnu, le premier, la succession et l’âge relatif des roches, on a cru long-temps que les sources salées sont plus fréquentes dans le gypse grenu du zechstein que dans le gypse fibreux et argileux du grès bigarré, et on a regardé le premier comme exclusivement salifère. Les cavernes naturelles du gypse inférieur (salzgyps et schlottengyps) ont même été considérées comme des cavités jadis remplies de sel gemme. En hasardant ces hypothèses, fondées sur un trop petit nombre d’observations, l’on a oublié que les dépôts de sel sont beaucoup moins caractérisés par le gypse grenu que par une argile (salzthon) très-analogue à l’argile du gypse supérieur ou fibreux. Les sources salées, ou jaillissent réunies par groupes, ou se succèdent par bandes (traînées) sinueuses et diversement alignées. La direction de ces fleuves souterrains paroît indépendante des inégalités de la surface du sol. Telle est la circulation des eaux dans l’intérieur du globe, que les plus salées peuvent souvent être les plus éloignées du lieu où elles dissolvent le sel gemme. Un haut degré de salure ne prouve pas plus la proximité de cette cause, que la violence des tremblemens de terre ne prouve la proximité du feu volcanique. Les sources s’engoufrent tantôt dans des couches inférieures; tantôt, par des pressions hydrostatiques, elles remontent vers les couches supérieures. Ce n’est pas leur position seule qui peut nous éclairer sur le gisement des dépôts salifères. Nous connoissons des sources salées, en Allemagne, dans le grauwacke schisteux du terrain de transition (Werdohl en Westphalie); dans le porphyre du grès rouge (Creuznach); dans le grès rouge même (Neusalzbrunnen près Waldenburg); dans le gypse du zechstein (Friedrichshall près Heilbronn; Wimpfen sur le Necker; Durrenberg? en Thuringe); dans la formation d’argile et de grès bigarré (Dax, en France; Schönebeck, Stasfurth, Salz der Helden, en Allemagne), et dans le muschelkalk (Halle? en Saxe; Süldorf, Harzburg). On peut ajouter à cette énumération le calcaire du Jura (Butz, dans le Frickthal), et peut-être la molasse (grès tertiaire à lignites) de Suisse (Eglisau; essais de sonde de M. Glenck). Dans la recherche du sel gemme il ne faut pas confondre de véritables dépôts avec ces petites masses que des sources très-salées peuvent avoir déposées accidentellement, par évaporation, sur les fentes des rochers. Gypse et calcaire fétide. Des formations de gypse postérieur au gypse de transition (§. 20) se montrent dans toutes les formations calcaires au-dessus du grès rouge, dans le zechstein, dans le grès rouge même, dans le musckelkalk (très-rarement), dans le calcaire du Jura et dans le terrain tertiaire. Le gypse (unterer gyps, schlottengyps de Werner) qui appartient au zechstein, se trouve moins en couches très-étendues qu’en amas irréguliers; souvent (Thuringe) il est superposé au zechstein et recouvert par le grès bigarré. Il est compacte ou grenu, et alterne avec le calcaire fétide (stinkstein), tandis que le gypse du grès bigarré (oberer gyps, thongyps de Werner) est plutôt fibreux et mêlé d’argile. Ces caractères de structure et de mélange ne sont cependant pas généraux. Nous avons rappelé plus haut que, dans les gypses salifères du zechstein, l’argile (salzthon) prend un développement extraordinaire. D’un autre côté, le gypse fibreux et argileux du grès bigarré offre aussi quelquefois des masses grenues (albâtre de Reinbeck, en Saxe), des brèches de calcaire fétide, et des cavités spacieuses (gypsschlotten): trois phénomènes qui caractérisent plus généralement le gypse du zechstein. Tous ces phénomènes prouvent l’intimité des rapports qui lient les deux grandes formations salifères, le calcaire alpin et le grès bigarré avec argile. Sous la zone équinoxiale du nouveau continent j’ai vu de fréquens exemples de couches de gypse intercalées ou superposées au zechstein: dans les Llanos de Venezuela (Ortiz, Mesa de Paja, Cachipo); dans la province de Quito (plateau de Cuença près Money et entre Chulcay et Nabon); dans le plateau de Bogota (Tunjuellos, Checua, et à plus de 1600 toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer, à Cucunuva); dans les plaines de l’Amazone (Quebrada turbia près Tomependa); au Mexique, entre Chilpansingo et Cuernavaca (près de Sochipala), et dans les montagnes métallifères de Tasco et de Tehuilotepec. Les couches de calcaire fétide sont ou subordonnées au gypse et à l’argile muriatifère que renferme le zechstein, ou elles se présentent comme le résultat d’une accumulation accidentelle de bitume dans la roche du zechstein même. Cette accumulation donne lieu à des sources de goudron minéral, et peut-être aussi à ces feux d’hydrogène qui sortent du calcaire alpin, en Europe, dans les Apennins (Pietra Mala, Barigazzo); en Amérique, dans les montagnes de Cumanacoa (Cuchivano, lat. 10°6′). Le calcaire fétide se trouve aussi, mais beaucoup plus rarement, dans le grès bigarré et dans le muschelkalk (couches à bélemnites de Gœttingue?). La cendre (asche) et le rauhkalk des mineurs de Thuringe ne sont que des variétés pulvérulentes ou cristallines et poreuses du calcaire fétide appartenant au zechstein. Comme le calcaire fétide est en Europe constamment dépourvu de pétrifications, je rappellerai ici que dans les plaines de la Nouvelle-Grenade (vallée du Rio Magdalena, entre Morales et l’embouchure du Caño Morocoyo), M. Bonpland a trouvé, dans une variété de cette même roche, qui étoit noir-grisâtre, un peu brillante à l’extérieur, fortement bitumineuse et traversée de veines de spath calcaire blanc, des térébratulites et des pectinites. Calcaire magnésifère. Il faut distinguer, en géognosie, entre les couches intercalées au zechstein (gypse, sel gemme, sulfure de plomb), dont la composition chimique diffère entièrement de celle de la roche principale, et les modifications partielles de cette même roche. Les modifications qui affectent la structure (le grain plus ou moins cristallin, la forme oolithique, la porosité) et le mélange (calcaire magnésifère, calcaire ferrifère), sont moins importantes qu’on ne pourroit le supposer au premier abord. On en trouve des analogies dans des formations d’un âge très-différent: elles caractérisent certains terrains dans des cantons de peu d’étendue; mais, lorsqu’on compare des régions très-éloignées, on voit qu’elles ne les caractérisent pas même autant que les couches intercalées qui sont chimiquement hétérogènes. En Angleterre, la grande masse de calcaire magnésifère (magnesian limestone, red-land-limestone de M. Smith), souvent pétrie de madrépores (Mendiphills près Bristol) et liée à une brèche calcaire ou à des couches celluleuses (Yorckshire) semblables au rauchwacke, est sans doute parallèle au zechstein; elle est placée entre les formations de houille et de sel gemme: cependant, en Angleterre, comme dans quelques parties du continent, d’après les recherches de MM. Buckland, Brongniart, Beudant, Conybeare, Greenough et Philipps, le mélange de magnésie et de chaux carbonatée, dont Arduin a reconnu l’existençe dans le Vicentin dès l’année 1760, se rencontre également dans le grès bigarré avec argile (red-marl), dans le calcaire oolithique du Jura, dans la craie et dans le calcaire grossier (parisien) du terrain tertiaire. Peut-être même qu’en Hongrie et dans une partie de l’Allemagne les calcaires magnésifères appartiennent plutôt au grès bigarré et aux formations oolithiques du Jura qu’aux zechstein. Ces roches sont en général jaune de paille (de Sunderland à Nottingham) ou blancrougeâtre, tantôt compactes, tantôt un peu grenues, nacrées et brillantes dans la cassure; quelquefois on les trouve celluleuses et traversées par des veines de spath calcaire. Elles font une effervescence lente avec les acides, et, comme la véritable dolomie des terrains primitifs, elles ne forment souvent que de minces couches dans un calcaire non magnésifère. Si, dans le magnesian limestone et dans le red-marl avec sel gemme, deux formations placées entre le dépôt houiller et le dépôt oolithique, on reconnoît en Angleterre le zechstein et le grès bigarré du continent, il ne faut pas oublier qu’en Allemagne et en Hongrie le zechstein est lié au grès rouge ou grès houiller, tandis qu’en Angleterre le dépôt de houille se trouve généralement en gisement discordant avec le magnesian limestone, et qu’il y appartient presque encore au terrain de transition. Les trois grands dépôts de houille, de sel et d’oolithes, qui servent, pour ainsi dire, de repaires au géognoste, lorsqu’il essaie de s’orienter dans un pays inconnu, sont partout placés de même; mais l’enchaînement mutuel des formations et le degré de leur développement varient selon les localités. Lorsqu’en Angleterre, par la suppression du nouveau conglomérat rouge (todtes liegende), le calcaire magnésifère (zechstein) repose immédiatement sur le dépôt de houilles (Durham, Northumberland), la houille est regardée comme d’une qualité inférieure. Calcaire ferrifère, rauchwacke et calcaire à gryphites. Le calcaire ferrifère (eisenkalk, zuchtwand) est une roche brunàtre ou jaune-isabelle, tantôt compacte, tantôt grenue et caverneuse, pénétrée de fer spathique, formant des couches dans l’assise supérieure du zechstein (Cammsdorf, Schmalkalden, Henneberg). Elle est quelquefois traversée par les schistes cuivreux, et prend un tel développement qu’elle remplace toutes les assises inférieures du zechstein. Lorsqu’elle devient gris-noirâtre, chargée de bitume et caverneuse, on lui donne en Allemagne le nom de rauchwacke. Les cavités du rauchwacke sont anguleuses, longues et étroites, tapissées de cristaux de carbonate de chaux. Cette petite formation partielle, que M. Karsten, dans sa Classification des Roches, avoit confondue avec la partie caverneuse et spongieuse du calcaire du Jura, est quelquefois magnésifère, imparfaitement oolithique (Cresfeld), et mêlée de quarz grenu. La pierre fétide, le calcaire ferrifère et le rauchwacke sont intimement liés entre eux. C’est au rauchwacke aussi qu’appartient en grande partie cet amas de gryphites (G. aculeatus) que l’on appelle calcaire à gryphées épineuses (gryphitenkalk), qui caractérise le zechstein et qui (comme nous le verrons plus bas) forme une couche plus ancienne que le calcaire à gryphées arquées, qui est une des assises inférieures du calcaire du Jura. Grès. Partout où le zechstein ou calcaire alpin s’est développé seul en grandes masses, et n’est par conséquent pas intercalé au grès rouge, les couches de grès sont très-rares. J’en ai reconnu cependant quelques-unes dans les montagnes de Cumana (Impossible, Tumiriquiri). Ce grès intercalé au zechstein est extrêmement quarzeux, dépourvu de pétrifications, et alterne avec des argiles brun-noirâtre. M. de Buch a observé un phénomène entièrement analogue en Suisse, dans le calcaire alpin du Molesson et dans celui du Jaunthal près de Fribourg. Dans les Cordillères du Pérou, près de Huancavelica, à plus de 2000 toises d’élévation au-dessus du niveau de l’océan (mine de Santa-Barbara), une immense couche de grès aussi quarzeux que le grès de Fontainebleau, et renfermant un dépôt de mercure, forme une couche dans le calcaire alpin. Même le zechstein de Thuringe offre quelquefois de petites couches de grès, extrêmement quarzeuses, qui traversent le schiste cuivreux. Une marne arénacée (weissliegende) se trouve sur les limites du zechstein et du grès rouge. Elle varie beaucoup dans sa composition, et rappelle les bancs de grès du Tumiriquiri dans l’Amérique méridionale. Le weissliegende de Thuringe est généralement calcarifère, et renferme des grès et des conglomérats siliceux. M. Freiesleben y a trouvé (Helbra) des concrétions globuleuses semblables à celles que j’ai recueillies dans l’argile salifère du zechstein de Zipaquira. Nous rappellerons, à cette occasion, que le calcaire alpin des Pyrénées n’est pas seulement mêlé de sable et de mica, mais qu’il renferme aussi des bancs de grès argileux. Plomb sulfuré, fer hydraté, calamine, mercure. Ces quatre petites formations métalliques caractérisent le zechstein dans les deux hémisphères. La galène argentifère commence déjà à se montrer en petites masses dans le schiste cuivreux de la Thuringe: mais, en Silésie et en Pologne, elle forme (Tarnowitz, Bobrownik, Sacrau, Olkusz, Slawkow) des couches très-étendues dans le zechstein, par conséquent au-dessus du riche dépôt de houille de Ratibor et de Beuthen. Dans ces mêmes contrées les couches de fer hydraté (Radzionkau) et de calamine (Piekary), parallèles entre elles, sont d’une origine plus récente que la couche de fer sulfuré argentifère de Tarnowitz. Déjà dans le calcaire grenu et dépourvu de coquilles, qui couvre cette dernière couche, on trouve disséminé dans des cavités alongées de petites masses de fer brun et de zinc oxidé concrétionné. Près d’Ilefeld au Harz tout le zechstein est imprégné de cette dernière substance. Quant aux couches de galène et de calamine du Sauerland, de Brilon, d’Aix-la-chapelle et de Limbourg, elles semblent, d’après les discussions judicieuses de MM. de Raumer et Nœggerath, malgré leur analogie apparente avec les formations de la Haute-Silésie, appartenir aux terrains de transition les plus récens. On diroit que dans les deux continens il existe une affinité géognostique (ou de gisement) bien remarquable entre les roches calcaires et le plomb sulfuré plus ou moins argentifère: nous voyons ce dernier en Europe dans le calcaire intermédiaire (filons de Schwatz en Tyrol, et du mountain-limestone de Northumberland, de Yorck et du Derbyshire), et dans le calcaire alpin (couches de la Haute-Silésie et de la Pologne; magnesian limestone de Durham). Sur le plateau de la Nouvelle-Espagne les minérais de plomb du district de Zimapan (Real del Cardonal, Lomo del Toro), de même que celles de Liñarès et du Nouveau-Saint-Ander, appartiennent aussi à des calcaires qui sont mêlés de pierre fétide et qui succèdent immédiatement à la formation houillère. La calamine se rencontre dans le calcaire magnésifère de l’Angleterre (Mendiphills) comme dans le zechstein de la Haute-Silésie. Quant aux couches argileuses de fer hydraté, elles offrent, dans le calcaire alpin des Andes du Pérou, un caractère particulier; elles sont intimement mêlées d’argent natif filiforme et de muriate d’argent. Ce mélange de fer oxidé et d’argent, que nous avons fait connoître, M. Klaproth et moi, est connu sous le nom de pacos: il se trouve dans la partie équinoxiale des deux Amériques, remplissant la partie supérieure des filons, et présente dans cette position une analogie bien remarquable avec les masses terreuses et ochracées (non argentifères) que les mineurs de l’Europe désignent vulgairement par le nom de chapeau de fer des filons (eiserne Hut). Le plus riche exemple que je connoisse d’une couche de pacos dans le calcaire alpin, est le dépôt de la montagne de Yauricocha (Cerro de Bombon, Cordillère péruvienne de Pasco), situé à plus de 1800 toises de hauteur absolue. Quoique les exploitations de ce gîte de fer oxidé, qui abonde en argent, n’aient généralement atteint jusqu’ici que la profondeur de 15 à 20 toises, elles ont fourni, dans les dernières vingt années du dix-huitième siècle, plus de cinq millions de marcs d’argent. Aux yeux du géognoste expérimenté ce gîte remarquable n’est qu’un développement particulier des couches de fer hydraté que présente le zechstein de la Haute-Silésie, et qui passent quelquefois (Pilatus et Wallensée en Suisse) au fer lenticulaire. La présence simultanée du mercure dans le grès houiller et dans le calcaire alpin ajoute aux rapports que nous avons indiqués entre ces deux formations. En Carniole (Idria), le minérai de mercure se trouve, d’après MM. Héron de Villefosse et Bonnard, dans un schiste marneux semblable aux marnes cuivreuses du Mansfeld. Au Pérou, près de Huancavelica, le cinabre est en partie disséminé dans le grès extrêmement quarzeux qui forme une couche (Pertinencias del Brocal, de Comedio et de Cochapata, mine de Santa-Barbara) dans le calcaire alpin; en partie il remplit des filons (montagne de Sillacasa) qui se réunissent en amas et traversent immédiatement le calcaire alpin. Après avoir nommé cette grande variété de véritables couches que renferme la formation dont nous tâchons de faire connoître les rapports de gisement, de structure et de composition, il me reste à indiquer les substances qui s’y trouvent simplement disséminées. Je me bornerai à nommer le silex, le cristal de roche et le soufre. Le silex commun (hornstein), très-rare dans le zechstein des plaines (Thuringe), caractérise ce même terrain dans la région alpine des Pyrénées, de la Suisse (Mont Bovon, la Rossinière), du Salzbourg et de la Styrie (au-dessus de Hallstadt; Potschenberg; Goisern); il passe souvent au jaspe et au silex pyromaque (feuerstein). En Europe, le silex du calcaire alpin ne se trouve que par rognons ou par nodules souvent disposés sur une même ligne; mais, dans les Cordillères du Pérou, au milieu des riches mines d’argent de Chota (près de Micuipampa, lat. austr. 6° 43′ 38″), le silex forme une couche d’une épaisseur prodigieuse. La montagne de Gualgayoc, qui s’élève comme un château fort sur un plateau de 1800 toises de hauteur, en est entièrement composée. Le sommet de cette montagne est terminé par une innombrable quantité de petits rochers pointus, ayant chacun de larges ouvertures que le peuple appelle fenêtres (ventanillas). Le silex (panizo) de Gualgayoc est un hornstein écailleux, blanc-grisâtre, â cassure matte, souvent unie, intimement mêlé de fer sulfuré. Il passe tantôt au quarz, tantôt à la pierre à fusil. Dans le premier cas il est celluleux, à cavités irrégulières, tapissées de cristaux de quarz. De grandes masses de ce panizo, dans lequel des filons d’argent gris et rouge et des filons de fer magnétique forment des amas entrelacés d’une richesse extraordinaire, ressemblent au calcaire siliceux du terrain tertiaire de Paris; mais on voit clairement, dans plusieurs de ces mines (Choropampa, à l’est du Purgatorio près du ravin de Chiquera), que ce hornstein métallifère est une couche de forme irrégulière, intercalée au zechstein ou calcaire alpin. Il enchâsse de grandes masses calcaires, et alterne quelquefois (Socabon de Espinachi) avec cette même argile brun-noirâtre et schisteuse que l’on trouve dans le calcaire alpin de Montan, et qui rend les filons entièrement stériles. Le hornstein est dépourvu des coquilles qui abondent dans la roche principale et qui remplissent même quelquefois les filons. Une énorme masse de matière siliceuse, qu’on trouve comme fondue au milieu d’un calcaire secondaire, à couches arquées et renfermant des ammonites de 8 — 10 pouces de diamètre, est sans doute un phénomène géognostique bien remarquable. Existe-t-il (environs de Florence) des rognons de silex corné dans les calcaires de transition? De quel âge sont les calcédoines et les jaspes disséminés dans les Monti Madoni de Sicile? Le calcaire alpin de Cumanacoa (Amérique méridionale) renferme, comme celui de Grosörner (Thuringe), des cristaux de roche disséminés. Ces cristaux ne se trouvent pas dans des cavités, mais enchâssés dans la roche, comme le feldspath l’est dans le porphyre, et comme le cristal de roche ou le boracite le sont dans des gypses modernes. Le soufre natif, que nous avons déjà vu dans le quarz grenu du terrain primitif et dans le gypse de transition (Sublin près de Bex), reparoît dans le calcaire alpin (Pyrénées, près d’Orthès et près de la forge de Bielsa; Sicile, Val de Noto et Mazzara), et dans le gypse feuilleté (Nouvelle-Espagne, Pateje près Tecosautla) qui appartient à cette dernière formation. Cependant la majeure partie du soufre dont abondent les régions équinoxiales de l’Amérique, se rencontre dans les trachytes porphyriques et dans les argiles du terrain pyrogène. Les opérations de Bouguer et de La Condamine ayant été faites dans une portion des Andes où dominent les formations de trachytes, il s’est répandu en Europe, parmi beaucoup de fausses idées sur la structure des Cordillères, celle de l’absence des coquilles et des formations calcaires dans la région équinoxiale. Encore vers la fin du dix-huitième siècle, l’Académie des sciences invita M. de La Peyrouse (Voyage, T. I, p. 169) de rechercher, «s’il est vrai que près de la ligne, ou plus que l’on s’en approche, les montagnes calcaires s’abaissent jusqu’à n’être plus qu’au niveau de la mer.» Dans des ouvrages plus récens ( Greenough, Crit. examination of Geology, p. 288) on révoque en doute l’existence des ammonites et des bélemnites dans l’Amérique du Sud. En faisant connoître la superposition des roches en différentes parties du nouveau continent, j’ai indiqué à quelle hauteur prodigieuse s’élèvent les couches coquillières de zechstein dans les Cordillères du Pérou et de la Nouvelle- Grenade. Il ne faut pas croire que les grandes révolutions qui ont enseveli les animaux pélagiques, se soient bornées à tel ou tel climat. Dans les régions les plus éloignées les unes des autres nous trouvons, dans la formation du zechstein ou calcaire alpin, des gryphites (G. aculeata), des entroques (formant d’après l’observation curieuse de M. de Buch, dans beaucoup de parties de l’Allemagne, une couche distincte sur la limite du calcaire alpin et du grès houiller); des térébratulites (T. alatus, T. lacunosus, T. trigonellus); des pentacrinites d’une grande longueur; un trilobite du schiste cuivreux, qui, génériquement, n’est peut-être point encore suffisamment examiné (T. bituminosus); des ammonites (plus rares que dans le muschelkalk et dans les marnes du calcaire du Jura); quelques orthocératites; des poissons qui avoient déjà fixé l’attention des anciens ( Aristot., Mirab. auscultat., ed. Beckmanniana, c. 75; Livius, lib. 42 ,c. 1); des ossemens de monitor, peut-être même (Tocayma et Cumanacoa dans l’Amérique méridionale) de crocodiles; des empreintes de lycopodiacées et de bambusacées; point de vraies fougères, mais, ce qui est très-remarquable (marnes bitumineuses de Mansfeld), des feuilles de plantes dicotylédones analogues aux feuilles du saule. On observe que les coquilles du calcaire alpin (Ammonites ammonius, A. amaltheus, A. hircinus, Nautilites ovatus, Pectinites textorius, Pectinites salinarius, Gryphites gigas, G. aculeatus, G. arcuatus, Mytulites rostratus) sont moins disséminées dans la masse entière de la roche, comme c’est le cas dans les deux formations du muschelkalk et du calcaire du Jura, qu’accumulées sur certains points, et souvent à de grandes hauteurs. Sur des étendues de pays très-considérables, le calcaire alpin paroît quelquefois dépourvu de débris organiques. Nous avons indiqué dans les pages précédentes les formations de l’Amérique équinoxiale qui appartiennent au zechstein. Ce sont, dans la chaîne du littoral de Caracas, les calcaires de Punta Delgrada, de Cumanacoa et du Cocollar, renfermant, non du grauwacke, mais du grès quarzeux et des marnes carburées; dans la Nouvelle-Grenade, le calcaire de Tocayma et du plateau de Bogota, supportant le sel gemme de Zipaquira; dans les Andes de Quito et du Pérou, les calcaires de la province de Jaen de Bracomoros, de Montan et de Micuipampa, placés sur le grès houiller et enchâssant d’énormes masses de silex; dans la Nouvelle-Espagne, les calcaires du Peregrino, de Sopilote et de Tasco, entre Mexico et Acapulco. Plusieurs de ces masses calcaires d’une énorme épaisseur, et supportant des formations de gypse et de grès, sont superposées, non au grès houiller, mais à des porphyres de transition très-métallifères et liés, du moins en apparence, sur quelques points, à un terrain décidément trachytique. On observe, dans le nouveau continent comme dans l’ancien, que, là où le calcaire alpin a pris un grand développement, le grès houiller manque presque entièrement, et vice versa. Cet antagonisme dans le développement de deux formations voisines m’a frappé surtout à Guaxanuato (plateau central du Mexique) et à Cuença (plateau central de Quito), où abondent les grès houillers: il m’a frappé dans les Cordillères de Montan (Pérou) et à Tasco (Nouvelle- Espagne), où abonde le calcaire alpin. Quand le grès houiller, nous le répétons ici, n’est point visible ou qu’il ne s’est pas développé, les limites entre le calcaire alpin et le calcaire de transition sont très-difficiles à tracer. En excluant du terrain secondaire tous les calcaires bleu-grisâtre traversés par des veines de spath calcaire blanc et par des couches d’argîle et de marnes, les formations de Cumanacoa, de Tasco et de Montan (Venezuela, Pérou et Mexique), comme celles des Alpes les plus septentrionales du Tyrol et du Salzbourg, deviendroient des formations de transition. J’incline à croire que les formations que nous venons de nommer, de même que celles du Mole, du Haacken et du Pilatus, sont les plus anciennes couches du zechstein, qui se lient au calcaire de transition de la Dent de Midi, de l’Oldenhorn et de l’Orteler. Beaucoup de roches se succèdent par un développement progressif, et il paroît tout naturel que les dernières assises d’une formation plus ancienne offrent une grande analogie de structure avec les premières assises de la formation superposée. On a récemment voulu placer parmi les couches intercalées au zechstein ou calcaire alpin des grünstein et des dolérites, que nous connoissons déjà comme subordonnées au grès houiller dans plusieurs parties de l’Europe; on a même indiqué, comme superposé aux calcaires alpin et jurassique, des syénites, des porphyres et des granites secondaires. Ce sont là les roches de la partie sud-est du Tyrol (vallées de Lavis et de Fassa; Recoaro) sur lesquelles le comte Marzari- Pencati a publié de si curieuses observations. Le gisement de ces substances étant encore un point de géologie trèscontesté, je dois me borner ici à présenter les données du problème et l’état d’une question si digne de l’attention des géognostes. Déjà M. de Buch avoit remarqué, en 1798, qu’entre Pergine et Trento (Lago di Colombo, Monte-Corno) le porphyre de transition (ou plutôt celui du grès rouge?) alterne avec le calcaire alpin du terrain secondaire. Ce calcaire est rempli d’ammonites et de térébratulites. L’alternance est évidente, et les porphyres, si communs partout ailleurs dans le grès houiller, débordent ici dans le calcaire alpin, de même que sur le revers oriental des Andes du Pérou (Chamaya) j’ai vu déborder dans cette même formation la roche de quarz compacte qui représente le grès houiller. C’est une pénétration du terrain inférieur dans un terrain superposé: phénomène qui peut d’autant moins nous surprendre, qu’en Silésie, en Hongrie et dans plusieurs parties de l’Amérique équinoxiale le grès rouge ou grès houiller est intimement lié au zechstein. Les porphyres du Tyrol méridional s’élèvent (montagne de Forna) jusqu’à 1500 toises de hauteur. ( Buch, Geogn. Beob., T. I, p. 303, 309, 315, 316.) M. de Marzari, dont les recherches ont commencé en 1806, croit avoir vu se succéder de bas en haut, dans les environs de Recoaro, du micaschiste, de la dolérite (remplissant en même temps les filons qui traversent le micaschiste, et renfermant du pyroxène et du fer titané); du grès rouge avec houille et marnes bitumineuses; du zechstein, dont les couches inférieures sont un calcaire à gryphites; une formation de porphyres syénitiques avec des amygdaloïdes intercalées. Dans la vallée de Lavis (Avisio), M. de Marzari indique, toujours de bas en haut, du grauwacke, du porphyre, du grès rouge, du calcaire alpin, du calcaire du Jura, du granite et des masses noires pyroxéniques dépourvues d’olivines. D’après l’intéressant mémoire publié par M. Breislak, le granite secondaire placé sur le calcaire alpin est entièrement semblable au plus beau granite d’Égypte: il renferme (Canzacoli delle coste, Pedrazzo) de grandes masses de quarz avec tourmaline; il rend grenu à son contact (à plusieurs toises de profondeur) le calcaire qui le supporte, et passe tantôt à une roche pyroxénique, tantôt à un porphyre à base feldspathique noire, tantôt à la serpentine. ( Marzari, Cenni geologici, 1819, p. 45; Id., Nuevo osservatore Veneziano, 1820, n.° 113 et 127; Breislak, Sulla giacitura delle rocce porfiritiche e granitose del Tirolo, 1821, p. 22, 25, 52; Marzari, Lettera al signor Cordier, 1822, p. 3; Maraschini, Obs. géogn. sur le Vicentin, 1822, p. 17.) Entre la Piave et l’Adige un mandelstein agathifère, qui rappelle ceux du grès rouge, surmonte le calcaire alpin: c’est, dit-on, une formation parallèle aux couches du granite secondaire. Un excellent géognoste, M. Brocchi, qui a publié dès l’année 1811 un mémoire sur la vallée de Fassa, n’a pas seulement vu des grünstein en partie pyroxéniques couvrir des calcaires qu’il croit de transition, mais qui passent dans leurs couches supérieures au calcaire alpin avec silex; il a reconnu aussi ces grünstein pyroxéniques comme alternant avec les calcaires (Melignon, Fedaja). Récemment M. de Marzari a annoncé avoir vu (Grigno de la Piave, Cimadasta) le granite et le mandelstein agathifère surmonter le terrain de craie, et se ranger parmi les roches tertiaires. Je consigne ici des faits de gisement bien extraordinaires, et sur lesquels sans doute M. de Buch, qui a visité récemment la vallée de Fassa, va répandre un nouveau jour. Les rapports de gisement de ces contrées paroissent très-compliqués. La roche dans laquelle les grünstein et les dolérites se trouvent intercalés, est-elle bien certainement du zechstein, ou appartient-elle au terrain de transition? Ces grünstein et ces dolérites se trouvent-ils en couches ou en filons? Les roches feldspathiques grenues (appelées syénites et granites à trois élémens) sont-elles oryctognostiquement analogues aux roches homonymes de Christiania, ou sont-elles des trachytes? En admettant que la superposition des roches ait été observée avec précision, et que les divers terrains aient été bien nommés, on verroit se répéter ici, dans des formations secondaires, les phénomènes que MM. de Buch et Haussmann ont fait connoître les premiers dans la série des formations intermédiaires. L’alternance de roches sédimentaires, arénacées et cristallines, continueroit, comme par séries périodiques, jusque vers les terrains les plus modernes. Nous savions déjà, par les belles observations de MM. Mac-Culloch et Boué, qu’en Écosse et dans plusieurs parties du continent des roches grenues, porphyriques, syénitiques et pyroxéniques, pénètrent du terrain de transition dans le grès houiller. Le calcaire alpin est immédiatement superposé à la formation de porphyre et de grès rouge; il est géognostiquement lié avec cette formation. D’après ces données il ne seroit pas très-surprenant, ce me semble, de voir intercalé au calcaire alpin ces mêmes couches cristallines (amphiboliques et feldspathiques) que l’on a déjà reconnues dans le grès houiller. La géognosie positive doit offrir un enchaînement de faits bien observés et judicieusement comparés entre eux. Elle n’enseigne pas que la répétition de certains types cristallins s’arrête nécessairement au grès houiller. Les observations de M. de Marzari ne renverseront par conséquent aucune loi géognostique. Si elles sont confirmées par des recherches ultérieures, elles agrandiront plutôt nos vues sur ce phénomène curieux d’alternance dans des formations les plus éloignées les unes des autres. Comme des filons remplis de grünstein, de syénites et de masses pyroxéniques, traversent, dans plusieurs parties des deux continens, les granites primitifs, les thonschiefer, les porphyres de transition, les calcaires secondaires et même les formations supérieures à la craie, plusieurs géognostes célèbres ont soupçonné que les roches problématiques des rives de l’Avisio (Lavis) pourroient bien être des masses volcaniques, des coulées de laves venues d’en-bas (de l’intérieur de la terre) par des crevasses. Ce soupçon paroît fortifié par l’analogie des roches cristallines, que l’on assure être indifféremment superposées à des formations d’un âge très-différent (au calcaire alpin, au calcaire du Jura et à la craie); mais les grandes masses de quarz qui entrent dans la composition des roches appelées par MM. de Marzari et Breislak granites secondaires, semblent éloigner ces roches problématiques des productions modernes des volcans. Il faut espérer que des observations souvent répétées sur les lieux vont bientôt lever tous ces doutes. L’incrédulité dédaigneuse est aussi funeste aux sciences qu’une trop grande facilité à adopter des faits incomplétement observés. Il faudra surtout distinguer entre des masses (trachytiques?) qui se sont répandues sur des formations secondaires et qui seulement leur sont superposées, et des masses (amphiboliques, pyroxéniques, syénitiques) qui pourroient leur être intercalées. Cette différence de gisement seule peut être l’objet d’une observation directe; le problème de l’origine des couches cristallines superposées ou intercalées appartient à la géogonie. Beaucoup de roches très-anciennes ne sont peut-être aussi que des nappes de matières fondues; et les questions géogoniques auxquelles donnent lieu les roches de Fassa, peuvent en partie s’appliquer aux porphyres et aux grünstein pyroxéniques intercalés au grès houiller. Il faut décrire dans chaque formation ce qu’elle renferme et ce qui la caractérise. La géognosie positive s’arrête à la connoissance des gisemens. III. Dépôts arénacés et calcaires (marneux et oolithiques) placés entre le zechstein et la craie, et liés a ces deux terrains. En remontant depuis le terrain de transition par les roches secondaires au terrain tertiaire, le phénomène de l’alternance entre des couches calcaires et arénacées devient de plus en plus frappant. On voit alterner d’abord des calcaires intermédiaires blancs et cristallins (Tarantaise), ou compactes et carburés, avec des grauwackes; puis se succèdent le grès rouge, le calcaire alpin ou zechstein, le grès bigarré (red marl), le muschelkalk (calcaire de Gœttingue), le quadersandstein (grès de Königstein), le calcaire du Jura (formation oolithique), le grès vert ou grès secondaire à lignites (green sand), la craie, le grès tertiaire à lignites (argile plastique), le calcaire parisien, etc. Je rappelle ici six alternances de douze formations intermédiaires, secondaires et tertiaires (arénacées et calcaires), d’après leur ancienneté relative, comme si, dans un seul point de la terre, ces roches s’étoient toutes simultanément développées. Par la suppression fréquente de quelques-unes d’elles, surtout du grès bigarré, du muschelkalk et du quadersandstein, le calcaire (oolithique) du Jura repose parfois immédiatement sur le calcaire alpin (Andes du Mexique et du Pérou, Pyrénées, Apennins). Les dépôts que nous réunissons dans cette troisième grande division (§§. 29—33), forment à peu près tout le terrain de sédiment moyen de M. Brongniart. J’ai craint d’employer les dénominations qui ont rapport à des limites si différemment tracées par les géognostes modernes. M. Conybeare, dans l’excellent ouvrage qu’il a récemment publié avec M. Philipps sur la Géologie de l’Angleterre, distingue les terrains en surmoyens, moyens et sousmoyens (supermedial, medial et submedial). Tant de divisions systématiques ajoutent peut-être à la difficulté qu’offre déjà la synonymie des roches. Argile et Grès bigarré (Grès a oolithes; Grès de Nebra; New red sandstone et Red marl) avec gypse et sel gemme. §. 29. Le grès de Nebra ou grès bigarré (Thuringe) et le red marl de l’Angleterre (depuis les rives du Tees en Durham jusqu’aux côtes méridionales du Devonshire) ne sont pas seulement des formations parallèles, c’est-à-dire, du même âge et occupant la même place dans la série des roches: ce sont des formations identiques. Le premier, assez pauvre en pétrifications (Strombites speciosus, Pectinites fragilis, Mytulites recens, Gryphites spiratus, Schl.), est un terrain composé de trois séries de couches alternantes; savoir: 1. ° d’argiles; 2. ° de grès micacés et schisteux, avec masses de glaise à formes aplaties et lenticulaires (thongallen); 3. ° d’oolithes généralement brun-rougeâtres. On trouve dans le grès bigarré du continent, en bancs subordonnés, du gypse (thongyps), quelquefois lamelleux, le plus souvent fibreux, et dépourvu de calcaire fétide. Nous avons vu plus haut qu’en Allemagne et en France un grand nombre de sources salées coulent sur ces bancs d’argile et de gypse, et qu’à Thiede, entre Wolfenbüttel et Brunswic, comme à Sulz près Heilbronn, de petites masses de sel gemme sont disséminées dans cette formation, qui, à Sulz, a été atteinte par la sonde après le muschelkalk et avant le zechstein. Le red marl (red ground, red rock, red ford), si bien examiné par MM. Winch et Greenough, dépourvu de pétrifications et de bancs d’oolithes, et coupé par des fissures en masses rhomboïdales, est en Angleterre le véritable gîte du sel gemme: il se compose dans ses assises supérieures d’argiles marneuses, de gypse (albâtre) et de sel (Witton près Northwich; Droitwich); dans ses assises inférieures, soit de conglomérats avec galets de roches primitives et de transition, soit de grès à petits grains (entre Exeter et Exminster). Le sel gemme d’Angleterre, de Lorraine et du Wurtemberg, lie la formation de grès et d’argiles bigarrés, vers le bas, au zechstein et au calcaire alpin; vers le haut, dans le nord de l’Allemagne, cette formation passe au muschelkalk, dont les couches les plus anciennes sont un peu arénacées. On pourroit dire aussi que les oolithes du grès bigarré (Eisleben, Endeborn, Bründel) et ses marnes préludent à la formation du Jura: mais ces oolithes brun-rougeâtres se perdent insensiblement en une roche arénacée; elles diffèrent essentiellement des oolithes blanches et blanc-jaunâtres du calcaire du Jura. Sur le continent, le grès bigarré est trèsdistinct du zechstein, malgré les traces de sel qui le lient à cette dernière formation: en Angleterre, le red marl, le calcaire magnésien et les conglomérats d’Exeter et de Teignmouth (Devonshire), qui, sous le nom de nouveau conglomérat rouge, représentent le grès houiller du Mansfeld, sont aussi intimement liés entre eux que le sont les dépôts de houille avec les roches de transition (mountain limestone et old red sandstone). En décrivant plus haut le grès rouge de la Nouvelle-Grenade, j’ai discuté les nuances de composition et de structure qui distinguent cette formation houillère du grès bigarré (bunte sandstein), par rapport aux couches intercalées de sables, d’argiles schisteuses et de conglomérats à gros grains. Ces conglomérats, qui caractérisent les assises inférieures du red marl, se retrouvent dans la chaine des Vosges. Les strates supérieurs du grès bigarré sont verts; on les croit colorés par le nickel et le chrôme. Ils sont quelquefois mêlés de petites lames de baryte sulfatée (Mariaspring près Gœttingue). Couches subordonnées: 1. ° Gypse argileux un peu chloriteux, avec des aragonites (Bastène près de Dax), avec des cristaux de roche incolores (Langensalze, Wimmelburg), ou rouges (Dax), et avec du soufre, disséminés (entre Gnölbzig et Naundorf); ce gypse a été regardé jadis comme une formation particulière placée entre le grès bigarré et le muschelkalk (Cresfeld et Helbra en Saxe, Dölau en Franconie, Neuland près Löwenberg en Silésie; Amajaque au Mexique): 2. ° calcaires en lits minces, tantôt marneux, tantôt magnésifères: 3. ° argile imprégnée de goudron minéral (Kleinscheppenstedt près Brunswic): 4. ° sables (triebsand) avec de grands chamites et du bois pétrifié (Burgörner): 5. ° grès extrêmement quarzeux, presque sans ciment visible, très-caractéristique tant pour le grès bigarré que pour l’argile plastique qui environne les coulées de basaltes: 6. ° mine de fer brune souvent en géodes: 7. ° traces de houilles, peut-être même de lignites, qu’il ne faut point confondre avec les dépôts analogues du quadersandstein et des grès secondaires et tertiaires à lignites (au-dessous et au-dessus de la craie). On assure avoir trouvé des branches d’arbre charbonisées dans les argiles avec gypse d’Oberwiederstedt en Thuringe; aussi les schistes argentifères de Frankenberg (Hesse), qui ne sont que des phytolithes charbonisés, enduits et pénétrés de métaux, paroissent à plusieurs géognostes appartenir au grès bigarré. M. Boué, dont les obligeantes communications ont si souvent enrichi mes travaux, observe que le grès bigarré existe par lambeaux dans le sudouest de la France: il y est représenté par des marnes et des gypses fibreux ou compactes (Cognac, S. Froult près Rochefort), et quelquefois immédiatement recouvert de calcaire jurassique et de craie grossière. Au pied des Pyrénées, entre S. Giron et Rimont, le grès bigarré a pris un développement considérable. Comme dans la partie des Andes que j’ai parcourue, les formations du terrain secondaire, c’està-dire, celles qui sont supérieures au calcaire alpin, ne se sont presque pas développées, je ne crois avoir bien reconnu le grès bigarré que dans les points suivans. Au Mexique, en descendant des montagnes composées de porphyres intermédiaires et éminemment métallifères (Real del Monte et de Moran) vers les bains chauds de Totonilco el Grande, on trouve une formation puissante de calcaire gris-bleuâtre, presque dépourvue de coquilles, généralement compacte, mais enchâssant des couches très-blanches et grenues à gros grains. Ce calcaire, célèbre par ses cavernes (Dantö ou la Montagne percée), et rempli de filons de plomb sulfuré, me paroît un terrain de transition. Il est couvert d’une autre formation, gris-blanchâtre et entièrement compacte, qui ressemble au zechstein. Sur cette dernière repose le grès argileux (bunte sandstein), dont les assises supérieures sont (près d’Amajaque) des argiles avec gypse feuilleté. Je pense que le grès enchâssant des masses aplaties d’argile (thongallen), près de La Veracruz, et renfermant (Acazonica) un beau gypse feuilleté, appartient aussi, comme le gypse d’Amajaque, au grès bigarré. Peut-être cette formation de Veracruz fait-elle le tour des côtes orientales, et se lie-t-elle aux dépôts calcaires de Nuevo-Léon, riche en galènes foiblement argentifères. Dans les Llanos ou steppes de Venezuela, les gypses argileux (Cachipo, Ortiz) sont certainement postérieurs au grès houiller; mais, si le calcaire qui les sépare (entre Tisnao et Calabozo), loin d’être du zechstein, est, comme sa cassure unie et son aspect de calcaire lithographique sembleroient l’indiquer, de formation jurassique, ces gypses des Llanos seroient plus modernes encore que ceux du grès bigarré. A Guire (côtes orientales de Cumana), un gypse blanc et grenu (jurassique?) contient de grandes masses de soufre. Les argiles salifères mêlées de gypses et de pétrole de la péninsule d’Araya, vis-à-vis l’île de la Marguerite, sont placées entre le zechstein et un terrain tertiaire. Comme des gypses sont renfermés dans ce dernier terrain (colline du château S. Antoine, à Cumana; plaines entre Turbaco et Carthagène des Indes), on pourroit croire que les argiles salifères d’Araya sont aussi beaucoup plus récentes que le red marl ou grès bigarré. Mais je n’ose prononcer avec certitude sur l’âge de ces formations, dans l’absence de tant de roches que l’on trouve placées ailleurs entre le zechstein et les terrains tertiaires. Les gypses que j’ai examinés dans l’intérieur de la Nouvelle- Grenade (plateau de Bogota; Chaparal, à l’ouest de Contreras) m’ont tous paru de la formation du calcaire alpin. Lorsqu’on examine le terrain §. 29 dans des contrées si éloignées les unes des autres, on trouve la dénomination de grès bigarré tout aussi bizarre que la dénomination de grès rouge. On peut substituer à la dernière celle de grès houiller, en rappelant un des résultats les plus généraux et les plus positifs de la géognosie moderne. Il seroit à désirer qu’un géognoste d’une grande autorité substituât un nom géographique à celui de grès bigarré ou grès à oolithes brunes. Je continuerai jusque-là à me servir de la dénomination de grès de Nebra. Muschelkalk (Calcaire coquillier; Calcaire de Gœttingue). §. 30. Formation peu variable, et que la dénomination beaucoup trop vague de calcaire coquillier a fait confondre, hors de l’Allemagne, avec les assises inférieures ou supérieures du calcaire jurassique (avec le lias ou le forest marbre et portlandstone). Elle est bien caractérisée par sa structure plus simple, par la prodigieuse quantité de coquilles en partie brisées qu’elle renferme, et par sa position au-dessus du grès de Nebra (bunte sandstein) et au-dessous du quadersandstein qui la sépare du calcaire jurassique. Elle remplit une vaste partie de l’Allemagne septentrionale (Hanovre, Heinberg près de Gœttingue; Eichsfeld, Cobourg; Westphalie, Pyrmont et Bielfeld), où elle est plus puissante que le zechstein ou calcaire alpin. Dans l’Allemagne méridionale elle s’étend sur tout le plateau entre Hanau et Stutgard. En France, où, malgré les grands et utiles travaux de M. Omalius d’Halloy, les formations secondaires qui sont inférieures à la craie, ont été si long-temps négligées, MM. de Beaumont et Boué l’ont reconnue tout autour de la chaîne des Vosges. Le muschelkalk a généralement des teintes pâles, blanchâtres, grisâtres ou jaunâtres: sa cassure est compacte et matte; mais le mélange de petites lames de spath calcaire, provenant peut-être de débris de pétrifications, le rend quelquefois un peu grenu et brillant. Plusieurs couches sont marneuses, arénacées, ou passant à la structure oolithique (Séeberg près de Gotha; Weper près Gœttingue; Preussisch-Minden; Hildesheim). Des hornstein, passant au silex pyromaque et au jaspe (Dransfeld, Kandern, Saarbrück), sont ou disséminés par nodules dans le muschelkalk, ou y forment de petites couches peu continues. Les assises inférieures de cette formation alternent avec le grès bigarré (entre Bennstedt et Kelme), ou se lient insensiblement au grès, en se chargeant de sable, d’argile et même (à l’est de Cobourg) de magnésie (bancs magnésifères du muschelkalk). Couches subordonnées. Les marnes et argiles, si fréquentes dans le calcaire jurassique, le grès bigarré et le zechstein, sont assez rares dans le muschelkalk. En Allemagne, cette roche renferme du fer hydraté, un peu de gypse fibreux (Sulzbourg près Naumbourg), et de la houille (lettenkohle de Voigt; à Mattstedt et Eckardsberg près Weimar) mêlée de schiste alumineux et de fruits (de conifères?) charbonnés. Plus les houilles avancent vers le terrain tertiaire, plus elles se rapprochent, du moins dans quelques-uns de leurs strates, de l’état de lignite et de terre alumineuse. Pétrifications. D’après les recherches de M. de Schlottheim, et en rejetant les couches qui n’appartiennent pas au muschelkalk: Chamites striatus, Belemnites paxillosus, Ammonites amalteus, A. nodosus, A. angulatus, A. papyraceus, Nautilites binodatus, Buccinites gregarius, Trochilites lævis, Turbinites cerithius, Myacites ventricosus, Pectinites reticulatus, Ostracites spondyloides, Terebratulites fragilis, T. vulgaris, Gryphites cymbium, G. suillus, Mytulites socialis, Pentacrinites vulgaris, Encrinites liliiformis, etc. Quelques couches isolées du calcaire jurassique renferment peut-être plus de pétrifications encore que le muschelkalk; mais dans aucune formation secondaire les débris de corps organisés n’abondent si uniformément que dans celle que nous venons de décrire. Une immense quantité de coquilles, en partie brisées, en partie bien conservées, mais adhérant fortement à la matière pierreuse (entroques, turbinites, strombites, mytulites), est accumulée en plusieurs strates de 20 à 25 millimètres d’épaisseur, qui traversent le muschelkalk. Beaucoup d’espèces se trouvent réunies par familles (bélemnites, térébratulites, chamites). Entre ces strates éminemment coquilliers sont disséminés des ammonites, des turbinites, quelques térébratulites avec leur test nacré, le Gryphæa cymbium, et de superbes pentacrinites. Les coraux, les échinites et les pectinites sont rares. L’abondance des entroques dans le muschelkalk a fait donner à cette formation, dans quelques parties de l’Allemagne, le nom de calcaire à entroques (trochitenkalk). Comme une couche d’entroque caractérise souvent aussi le zechstein et le sépare du grès houiller, cette dénomination peut faire confondre deux formations très-distinctes. La dénomination de calcaire à gryphées (graphytenkalk du zechstein et du calcaire du Jura), et toutes celles qui font allusion à des corps fossiles, sans indication d’espèces, exposent à ce même danger. On assure que le muschelkalk renferme des ossemens de grands animaux (quadrupèdes ovipares? Freiesleben, T. I, p. 74; T. IV, p. 24, 305) et d’oiseaux (ornitholithes du Heimberg: Blumenbach, Naturgesch., 3te Aufl., p. 663); mais ces ossemens pourroient bien appartenir, de même que les dents de poisson, à des brèches ou à des marnes superposées au muschelkalk. De célèbres géognostes anglois, MM. Buckland et Conybeare, ont cru reconnoître, dans leur voyage en Allemagne, le muschelkalk de Werner comme identique avec le lias, qui est l’assise inférieure du calcaire jurassique. J’incline à croire, malgré les oolithes gris-bleuâtres observées dans le muschelkalk sur les bords du Weser, qu’il y a plutôt parallélisme qu’identité de formation. Le muschelkalk occupe la même place que le lias: il abonde également en ammonites, térébratulites et encrinites; mais les espèces fossiles diffèrent, et sa structure est beaucoup plus simple et plus uniforme. Les strates du muschelkalk ne sont pas séparés par ces argiles bleues qui abondent dans les assises supérieures et inférieures de la formation du lias. Les assises mitoyennes de cette dernière formation ont une cassure matte et unie, et ressemblent bien plus aux variétés lithographiques du calcaire du Jura qu’au muschelkalk de Gœttingue, de Jena et de l’Eichsfeld. M. d’Aubuisson croit que cette dernière formation est représentée en Angleterre par le portlandstone, le cornbrash et le forestmarble: mais, quelque analogie que puissent offrir tous ces lits de calcaire marneux pétris de coquilles en partie brisées (forestmarble), il faut se rappeler qu’ils alternent avec des formations entièrement oolithiques, et qu’ils sont séparés du red marl par le lias, tout comme le calcaire oolithique du Jura est séparé par le muschelkalk du grès bigarré. En France, M. Boué a reconnu le muschelkalk dans le plateau de Bourgogne, près de Viteaux et de Coussy-les-Forges, près de Dax dans la commune de S. Pan de Lon, etc. Je ne l’ai point reconnu dans la partie équinoxiale de l’Amérique. Les couches très-arénacées, remplies de madrépores et de coquilles bivalves des côtes de Cumana et de Carthagène des Indes, que j’ai voulu jadis y rapporter, sont probablement des terrains tertiaires. Quadersandstein (Grès de Königstein). §. 31. Formation très-distincte (rives de l’Elbe, au-dessus de Dresde entre Pirna, Schandau et Königstein; entre Nuremberg et Weissenburg; Staffelstein en Franconie; Heuscheune, Adersbach; Teufelsmauer au pied du Harz; vallée de la Moselle et près de Luxembourg; Vic en Lorraine; Nalzen, dans le pays de Foy, et Navarreins, au pied des Pyrénées), caractérisée par M. Hausmann, et confondue long-temps, soit avec les variétés quarzeuses du grès bigarré et du grès de l’argile plastique (trappsandstein), soit avec le grès de Fontainebleau, supérieur au calcaire grossier de Paris: c’est le grès blanc de M. de Bonnard, le grès de troisième formation de M. d’Aubuisson. Préférant les dénominations géographiques, je nomme souvent cette formation grès de Königstein, le grès bigarré grès de Nebra, le muschelkalk calcaire de Gœttingue . Le quadersandstein a une couleur blanchâtre, jaunâtre ou grisâtre, à grains très-fins, agglutinés par un ciment argileux ou quarzeux presque invisible. Le mica y est peu abondant, toujours argentin et disséminé en paillettes isolées. Il est dépourvu, et de bancs intercalés d’oolithes, et de ces masses aplaties ou lenticulaires d’argile (thongallen) qui caractérisent le grès bigarré. Il n’est jamais schisteux; mais divisé en bancs peu inclinés, très-épais, qui sont coupés à angle droit par des fissures, et dont quelques-uns se décomposent très-facilement en un sable très-fin. Il renferme du fer hydraté (Metz) disposé par nodules. Les débris organiques disséminés dans cette formation offrent, d’après MM. de Schlottheim, Haussmann et Raumer, un mélange extraordinaire de coquilles pélagiques très-analogues à celles du muschelkalk, et de phytolithes dicotylédones. On y a trouvé des mytulites, des tellinites, des pectinites, des turritelles, des huîtres (pas d’ammonites, mais des cérites; Habelschwerd, Alt-Lomnitz en Silésie), et en même temps des bois de palmier, des empreintes de feuilles appartenant à la classe des dicotylédones et de petits dépôts de houille (Deister, Wefersleben près Quedlinbourg), très-bien décrits par MM. Rettberg et Schulze, et passant au lignite. Ces débris de bois, d’un aspect bitumineux, ont sans doute de quoi nous surprendre dans une formation si éloignée de la grande formation de lignites qui est placée entre la craie et le calcaire grossier parisien; mais des observations récentes nous montrent des traces de véritables lignites jusque dans les calcaires à gryphées arquées au-dessous du lias (Le Vay, côtes de Caen) et jusque dans le grès bigarré. Les mauvaises houilles du muschelkalk, par conséquent d’une formation plus ancienne que le quadersandstein, passent aussi au lignite. Déjà M. de Raumer avoit reconnu que le quadersandstein est séparé du grès bigarré par le muschelkalk (calcaire de Gœttingue); il est placé entre ce calcaire et le calcaire du Jura, et par conséquent inférieur aux grandes formations oolithiques de l’Angleterre et du continent. Dans cette position nous ne pouvons guères le considérer, avec M. Keferstein (voyez son intéressant Essai sur la géographie minéralogique de l’Allemagne, T. I, p. 12 et 48), comme parallèle à la molasse d’Argovie (mergelsandstein), qui représente l’argile plastique (grès tertiaire à lignites) au-dessus de la craie. La nature des débris végétaux que renferme le quadersandstein, et ses rapports avec le plänerkalk qui appartient aux assises chloritées et arénacées de la craie, le font regarder par plusieurs géognostes célèbres comme d’une formation postérieure au calcaire jurassique: c’est ainsi que MM. Buckland, Conybeare et Philipps le placent entre la craie et les dernières couches oolithiques. Mais, d’après les observations de M. Boué et de plusieurs autres géognostes célèbres d’Allemagne, le quadersandstein (grès de Königstein), alternant quelquefois avec des couches marneuses et des conglomérats, repose immédiatement sur le gneis près de Freiberg, sur le grès houiller en Silésie et en Bohème; sur le grès bigarré (grès de Nebra), près de Nuremberg, en Franconie; sur le muschelkalk (calcaire de Gœttingue), entre Hildesheim et Dickholzen près de Helmstädt, et près de Schweinfurt sur le Mein. Il est recouvert de calcaire du Jura, et alterne avec les couches marneuses de ce calcaire, en Westphalie, entre Osnabrück, Bielfeld et Bückebourg. Calcaire du Jura (Lias, Marnes et grands dépôts oolithiques). §. 32. Formation très-complexe, composée de couches alternantes de calcaires, marneuses et oolithiques, renfermant du gypse et un peu de grès. Le mode d’alternances partielles, très-constant dans chaque localité, varie dans des pays d’une étendue considérable; cependant sur les points les plus éloignés de l’Europe on reconnoît une analogie frappante entre les grandes divisions ou assises principales. Dans la série des formations les plus neuves du terrain secondaire le calcaire du Jura (Jurassus) est placé entre le quadersandstein et la craie. Cette dernière y passe même insensiblement, et peut souvent être regardée, par l’analogie de ses fossiles, comme une continuation du calcaire jurassique. La superposition de ce calcaire au quadersandstein, si long-temps contestée, se montre en Allemagne, d’après M. de Schmitz, près de Wilsbourg; d’après M. Boué, prés Blumenroth, Staffelstein, et entre Osnabrück et Bückebourg. Lorsque les trois formations de quadersandstein, de muschelkalk et de grès bigarré ne se sont pas développées simultanément, le calcaire jurassique, par la suppression des membres intermédiaires de la série géognostique, recouvre immédiatement le zechstein ou calcaire alpin. Dans ce cas (pente septentrionale des Pyrénées; Apennins, entre Fossombrono, Furli et Nocera; Cordillères du Mexique, entre Zumpango et Tepecuacuilco), on voit ce dernier passer insensiblement à un calcaire blanchâtre, à cassure matte égale (ou conchoïde à cavités très-aplaties), qu’on ne sauroit distinguer des couches compactes du calcaire du Jura dépourvues d’oolithes. Ce passage, dont M. de Charpentier a aussi été frappé dans le Midi de la France, mérite un examen trèsattentif. Malgré la grande différence qui existe entre les débris fossiles du muschelkalk et du calcaire jurassique, les dernières formations du terrain secondaire sont étroitement liées entre elles, et il ne faut pas être surpris que dans une série α, β, γ, δ, ε .... le terrain α (zechstein) fasse passage à ε (calcaire du Jura), à cause de la suppression fréquente des termes β, γ et δ (c’est-à-dire, du grès bigarré, du muschelkalk et du quadersandstein). Les formations arénacées β et δ alternent avec des argiles et des marnes plus ou moins abondantes, de sorte que, par un grand développement de leurs couches désagrégées, celles-ci réduisent à l’état de simples bancs intercalés les assises pierreuses, et finissent, comme c’est le cas dans l’Ouest de la France, par remplir tout l’intervalle entre α et ε. Le calcaire jurassique couvre, sans interruption, une grande étendue de pays, depuis la chaîne des Alpes jusque dans le centre de l’Allemagne, depuis Genève jusqu’à Streitberg et Muggendorf, en Franconie. Comme, vers le nord, il renferme des cavernes à ossemens fossiles, cette formation a singulièrement fixé l’attention des géognostes allemands. M. Werner la croyoit identique avec le muschelkalk: j’ai reconnu, dès l’année 1795, qu’elle en différoit essentiellement, et j’ai proposé de la désigner par le nom de calcaire du Jura, à cause de l’analogie parfaite que présentent les montagnes occidentales de la Suisse avec celles de la Franconie. Cette dénomination est aujourd’hui généralement reçue; mais il a été constaté que le calcaire du Jura, au lieu d’être placé sous le grès bigarré (comme je l’avois cru, par erreur, avec le plus grand nombre des géognostes, en confondant ce grès avec la molasse d’Argovie et le grès de Dondorf et de Misselgau près Bareuth), est plus récent que le grès bigarré, que le muschelkalk (Bindloch) et le quadersandstein (Schwandorf; Phantaisie (?); Nuremberg). Cette intercalation entre le quadersandstein et la craie, qui se fonde sur des observations directes, explique très-bien le passage graduel (Montagne de S. Pierre près de Maestricht), de la craie tuffeau à la formation jurassique. Le nom de calcaire caverneux (höhlenkalk), donné souvent à cette dernière, peut donner lieu à des rapprochemens erronés. Il faudroit distinguer entre des formations dont la masse entière est spongieuse, caverneuse ou criblée de trous, et des roches à cavernes. Plusieurs, sans être poreuses ou celluleuses, en renferment de trèsvastes. Le calcaire de transition (mountain limestone de Derbyshire) mériteroit, en Angleterre et au Harz, presque autant que celui du Jura, le nom de calcaire à cavernes. Au contraire, le rauchkalk et le rauchwacke, qui forment les assises moyennes du zechstein en Thuringe, et que l’on a crus à tort parallèles au calcaire du Jura, sont, comme ce dernier, et dans des étendues de couches très-considérables, remplis de petites cavités de 2 — 10 lignes de diamètre, sans offrir pour cela de véritables grottes. Le phénomène des grottes et celui de la porosité (cavernosité générale) de la masse ne se trouvent pas nécessairement réunis; ce sont des modifications qui, loin de caractériser telle ou telle formation, se rencontrent dans des formations très-différentes. Quoique sur le continent les couches partielles qui composent le calcaire du Jura se soient très-inégalement développées, et que l’ordre de leur succession varie souvent, on remarque toujours un certain nombre d’assises distinctes et répandues sur des étendues de terrain très-considérables. Nous les nommerons en commençant par les plus anciennes: calcaire marneux (et marnes calcaires très-dures), bleu-grisâtre, analogue (d’après MM. Boué et Buckland, Essai géogn. sur l’Écosse, pag. 201, et Struct. of the Alps, pag. 17) au lias de l’Angleterre, quelquefois traversé par des veines de spath calcaire, rempli de gryphées arquées; oolithes grisjaunâtres, alternant avec des marnes en partie bitumineuses et avec du gypse; calcaire compacte à cassure unie et matte, et oolithes blanches; couches remplies de madrépores analogues au calcaire à polypier de Normandie et au coral-rag de l’Angleterre; calcaire schisteux avec poissons et crustacés (Pappenheim et Solenhoffen). L’assise inférieure de cette formation si complexe est particulièrement désignée, en France (Bourgogne) et dans l’Allemagne méridionale (Wurtemberg), sous le nom de calcaire à gryphites; mais quelques géognostes penchent même pour l’idée de séparer cette assise du calcaire du Jura, en la regardant, avec MM. de Buch et Brongniart, comme appartenant au zechstein, ou avec M. Keferstein, comme parallèle au muschelkalk. Ici se présente la question importante de savoir dans quel rapport de gisement et de composition se trouve le calcaire à gryphites du Jura avec celui qui porte le même nom dans le Nord de l’Allemagne, et que M. Voigt a fait connoître dès l’année 1792? Une grande analogie entre les couches les plus voisines de deux formations qui quelquefois se trouvent immédiatement superposées l’une à l’autre, n’a sans doute rien de bien surprenant: les mêmes espèces de gryphées pourroient se rencontrer dans des formations très-distinctes et plus éloignées encore entre elles; mais la liaison géognostique observée entre le calcaire à gryphées arquées, alternant avec les marnes, et les autres couches inférieures du Jura, me fait pencher pour l’opinion que ce calcaire, et le calcaire à gryphées épineuses (gryphitenkalk de Voigt), placé sous le grès bigarré, ne sont pas d’une même formation. M. Mérian, dans son excellente Monographie des environs de Bâle, énonce aussi cette opinion, et regarde avec M. Haussmann le grès argileux de Rheinfelden, sur lequel repose le calcaire jurassique, comme grès bigarré, tandis que M. de Buch ( Mérian, Umgeb. von Basel, p. 110) le prend pour le grès houiller, et suppose que, par le non-développement du grès bigarré, les couches oolithiques et lithographiques du Jura reposent, dans cette localité, immédiatement sur les couches à gryphites qui appartiennent au zechstein. J’ai cru de mon devoir d’exposer dans ce travail les opinions des plus célèbres géognostes, lors même qu’elles sont opposées à celles auxquelles je me suis arrêté. Ce qui est indubitable et ce que nous croyons utile de rappeler de nouveau, c’est que le calcaire jurassique qui repose près de Laufenbourg sur du granite, au Schwarzwald sur le grès rouge ou houiller, et près de Genève sur le calcaire alpin, est placé, dans le centre et le nord de l’Allemagne, sur le quadersandstein. La superposition d’une roche sur la formation la plus jeune détermine sa place comme terme de la série géognostique. En Franconie et dans le Haut-Palatinat on ne voit généralement au jour que les assises supérieures du calcaire jurassique, qui sont en même temps les plus compactes. Les marnes et les oolithes y sont beaucoup plus rares que dans la Suisse occidentale et en France (Caen, Lons-le-Saulnier). Entre Eichstädt et Ratisbonne on trouve, de bas en haut, d’après M. de Schmitz, du câlcaire entièrement spongieux et bulleux; des couches grenues renfermant des druses remplies de sable; du calcaire compacte et conchoïde avec des nodules de silex; du calcaire schisteux et fissile, analogue à celui de Sohlenhofen et aux dales lithographiques du Heuberg près de Kolbingen. Ces assises spongieuses, remplies de vacuoles (vallée du Laber près Berodhausen; Pegnitz, Creussen, Tumbach), que j’ai retrouvées en Italie (vallée de la Brenta, entre Carpane et Primolano), à l’île de Cuba (entre le Potrero de Jaruco et le port du Batabano), au Mexique (plateau de Chilpansingo), donnent à la surface du sol, qui est hérissé de petits rochers pointus, un aspect très-particulier. Dans la France occidentale, une bande non interrompue de calcaire jurassique s’étend, d’après M. Boué, du S. E. au N. O., depuis Narbonne et Montpellier jusqu’à la Rochelle, séparant vers le nord les terrains de transition de la Vendée et le terrain primitif du Limousin. Sur les côtes de Normandie, les assises marneuses et oolithiques ont pris un développement beaucoup plus grand qu’en Allemagne. Nous citerons, d’après les recherches intéressantes de M. Prévost, les couches superposées entre Dieppe et le Cotentin, en commençant, comme toujours, par les couches les plus anciennes: 1. ° calcaire à gryphées arquées et calcaire lithographique (Le Vay, Issigny), renfermant quelques lignites et superposé au terrain de transition: 2. ° argiles inférieures et oolithes (argile des Vaches-noires, alternant avec du lias à débris d’ichthyosaures; oolithes grises de Dive, ferrugineuses, mêlées d’argile avec lignites et avec pétrifications nombreuses de madrépores, de modioles, de Gryphæa cimbium et d’ammonites; oolithes blanches): 3. ° calcaire de Caen; les couches inférieures avec des nodules de silex, avec peu de coquilles (ammonites, bélemnites), et avec quelques ossemens de crocodiles; les couches supérieures à polypiers (coral-rag) et à trigonies renfermant des cérites entièrement analogues à celles trouvées au-dessus de la craie; 4.° argiles supérieures du cap la Hève, de couleur bleuâtre, avec lignites, débris de crocodiles (Honfleur) et bancs calcaires moins développés qu’à Caen. On voit que dans cette partie de l’Europe les lignites percent à travers toutes les couches du calcaire jurassique, et que cette formation, en faisant abstraction des argiles intercalées, se compose de trois grandes assises, savoir, de calcaire à gryphées arquées, d’oolithes, et de calcaire à polypiers et à trigonies. En Angleterre, la formation du Jura, se prolongeant sans interruption du Yorckshire au Dorsetshire, remplit tout l’espace entre le red marl (grès bigarré) et la craie; car on n’y connoît entre le calcaire du Jura et le red marl aucune formation qui soit analogue de composition au muschelkalk et au quadersandstein, deux roches qui souvent manquent également sur le continent. Les géognostes anglois et écossois, qui, dans ces derniers temps, ont étudié la charpente de leur pays avec un zèle infatigable, distinguent les assises du calcaire jurassique par des dénominations en partie très-caractéristiques, et dont plusieurs rappellent les subdivisions reconnues sur le continent: 1. ° Lias, avec peu de silex, couvrant le red marl salifère, analogue au calcaire à gryphées arquées du continent; les deux tiers d’en-haut sont une masse argileuse bleue alternant avec des lits calcaires; vers le bas ces lits augmentent d’épaisseur, deviennent blancs et passent à des couches lithographiques (ossemens d’ichthyosaures, près de vingt espèces d’ammonites, bélemnites). 2. ° Système inférieur d’oolithes, savoir: oolithes mêlées de sable, terre à foulon, grand banc oolithique (great oolithe) avec débris de coquilles, schiste oolithique de Stonesfield, forestmarble, cornbrash et kelloway-rock, calcaires coquilliers et arénacés. 3. ° Système moyen d’oolithes, savoir: argile d’Oxford (clunchclay de M. Smith), sables et conglomérats calcaires (calcareous grit), coral rag ou calcaire à polypiers, avec madrépores et échinites. 4. ° Système supérieur des oolithes, savoir: argile bleue de Kimmeridge, un peu bitumineuse, analogue aux argiles bleues du cap la Hève en Normandie, qui sont aussi supérieures au calcaire à polypier et aux oolithes; portlandstone, avec ammonites; purbeckstone, calcaire argileux pétri de coquilles, alternant avec des marnes et des gypses. J’ai suivi les divisions de MM. Smith, Philipps et Conybeare, qui diffèrent un peu de celles qu’a adoptées M. Buckland. Les trois systèmes d’oolithes d’Angleterre sont séparés par des formations argileuses. Quant à la structure oolithique même, nous avons déjà fait observer plus haut qu’on en trouve des traces dans les formations les plus différentes: il y a quelques bancs d’oolithes, d’après MM. de Gruner et Escher ( Alpina, T. IV, p. 369), dans le calcaire de transition de la Suisse, dans le grès houiller ( Freiesleben, Kupfersch., B. IV, p. 123), dans le calcaire alpin ou zechstein (Hartlepool dans le Northumberland), dans le grès bigarré (Thuringe; Vic en Lorraine), et dans le muschelkalk. Couches subordonnées: hornstein (silex) en petits bancs continus; calcaire magnésifère (Nice); calcaire fétide et gypse avec des traces de sel gemme (Kandern; voyez Mérian, Umgeb. von Basel, p. 36); grès argileux et micacé, quelquefois siliceux, intercalé dans les assises à gryphites (Hemmiken, Waldburgstuhl; Lons-le-Saulnier); fer oxidé globuliforme (bohnenerz), à la fois dans le calcaire du Jura (Neufchâtel; Frickthal; Wartenberg en Souabe), et entre ce calcaire et la molasse ou grès tertiaire à lignite (Arau, Baden); houille avec impressions de fougères (?) et mêlée de pyrites (Neue Welt, Bretzweil). Pétrifications: après les formations supérieures à la craie, le calcaire du Jura est celle dont les débris fossiles ont été le mieux déterminés en Angleterre, en France et dans la Suisse occidentale. Elle renferme, de même que des terrains plus anciens encore (le quadersandstein et le zechstein avec schiste cuivreux), des coquilles pélagiques mêlées à du bois, à des ossemens de grands sauriens d’eau douce, et, si l’on ne s’est pas trompé dans la détermination zoologique, à des ossemens de didelphes (marnes de Stonesfield). J’ignore si le mélange de coquilles marines et fluviatiles, si évident dans la plupart des formations tertiaires, a été observé avec certitude dans les terrains au-dessous de la craie. Là où la formation jurassique est presque dépourvue de marnes et d’oolithes (Franconie, Haut-Palatinat; Carniole, entre S. Sesanne et Triest), des couches très-puissantes sont entièrement dépourvues de pétrifications. Les débris de quadrupèdes ovipares, de poissons et de tortues, se trouvent presque dans toutes les assises, dans les plus récentes (purbeckstone), comme dans les plus anciennes (lias): cependant les dernières en offrent le plus; et il paroît qu’elles ne renferment que l’ichthyosaurus (proteosaurus de sir Everard Home) et le plesiosaurus, qui est un animal analogue, et non les véritables crocodiles. Cette différence dans la distribution des reptiles a été également observée par M. Prévost sur les côtes occidentales de la France. Les ossemens de l’ichthyosaurus s’y trouvent (principalement?) dans les couches calcaires (lias) des argiles inférieures aux oolithes, tandis que les crocodiles ne se rencontrent qu’au-dessus des oolithes. En Angleterre on distingue, d’après MM. Smith, Philipps et Conybeare, parmi le nombre prodigieux de coquilles pétrifiées dont on n’a encore pu reconnoître que le genre, les espèces suivantes: Ammonites giganteus, A. excavatus, A. Duncani, A. Banksii, A. angulatus, A. Grenoughi, Nautilus striatus, N. truncatus, Trochus dimidiatus, T. bicarinatus, Trigonia costata, T. clavellata, Terebratula intermedia, T. spinosa, T. digona, Ostrea gregaria, O. palmata, Modiola lævis, M. depressa, M. minima, Pentacrinites caput Medusæ, P. basaltiformis, etc. Quoique les espèces d’ammonites (au nombre de vingt), de bélemnites et de pentacrinites, décrites dans le lias, ne soient pas identiques avec celles du muschelkalk, il me paroît toujours bien remarquable de voir accumuler ces trois familles dans des roches d’un âge si rapproché, entre les dernières assises du zechstein (calcaire alpin) et les premières ou plus anciennes du calcaire jurassique. MM. Prevost, Lamouroux et Brongniart vont enrichir la géognosie zoologique des recherches profondes qu’ils ont faites sur les coquilles et les zoophytes trouvées sur les côtes de France, entre Dieppe et le Cotentin, en Franche-Comté et en Suisse. Nous nous contenterons, en attendant, de consigner ici les corps fossiles qu’offre le calcaire jurassique du continent, depuis Genève jusqu’en Franconie, d’après un travail que j’ai fait sur les catalogues de M. de Schlottheim: Chamites jurensis, Belemnites giganteus, Ammonites planulatus, A. natrix, A. comprimatus, A. discus, A. Bucklandi, Myacites radiatus, Tellinites solenoides, Donacites hemicardius, Pectinites articulatus, P. æquivalvis, P. lens, Ostracites gryphæatus, O. cristagalli, Terebratulites lacunosus, T. radiatus, Gryphites arcuatus, Mytulites modiolatus, Echinites orificiatus, E. miliaris, Asteriacites pannulatus, des Turritelles, des Hippurites (le Cornucopiæ au cap Passaro en Sicile), Gryphites arcuatus, etc. Il est bien digne d’attention que cette gryphée arquée que M. Sowerby nomme Gryphites incurvus, et qui caractérise les assises inférieures de la formation jurassique en Suisse et sur les côtes occidentales de la France, est aussi, après l’Ammonites Bucklandi et le Plagiostoma gigantea, la coquille qui caractérise le plus le lias en Angleterre. Les couches de calcaire blanc et grenu que l’on trouve fréquemment dans cette formation (Neufchâtel, Monte Baldo), sont dues à des pétrifications de madrépores. Nous avons déjà vu des poissons plus ou moins accumulés, mais appartenant à des genres très-distincts, dans le thonschiefer de transition (Glaris), dans les schistes carburés du grès rouge (Goldlauter et Allthal près de Kleinschmalkalden), dans le calcaire alpin et ses marnes cuivreuses, et même dans le muschelkalk (très-rarement, Esperstedt, Obhaussen): ces ichthyolithes deviennent plus fréquens dans le calcaire jurassique, surtout dans ses couches supérieures. De là elles pénètrent, au-dessus de la craie, dans le grès tertiaire à lignites (argile plastique), dans le calcaire grossier (Monte Bolca), le gypse à ossemens (Montmartre) et le calcaire d’eau douce (Œningen). J’indique dans l’ordre de leur âge relatif les formations qui offrent des phénomènes analogues, pour prévenir les erreurs qui naissent de l’ignorance de ces analogies. Un géognoste justement estimé, M. Buckland, incline à regarder les calcaires fissiles de Pappenheim et de Sohlenhofen, célèbres par leurs empreintes de poissons et de crustacés, comme superposés au calcaire du Jura, et comme appartenant au calcaire grossier du terrain tertiaire: ces calcaires fissiles me paroissent au contraire entièrement analogues au purbeckstone d’Angleterre, qui abonde aussi en pétrifications de poissons, et qui forme, comme le calcaire de Pappenheim, la couche la plus récente du terrain jurassique. J’ai eu occasion d’examiner, en 1796, les belles carrières de Sohlenhofen, conjointement avec M. Schöpf, et nous avons reconnu, en allant de Muggendorf par Ansbach à Pappenheim, une liaison intime entre les diverses assises d’une même formation. MM. de Buch, Boué et Beudant partagent cette opinion sur les ichthyolithes de Franconie. Dans le Vicentin le calcaire jurassique et le calcaire grossier parisien existent à la fois. L’un et l’autre y renferment des polypiers; cependant, dans un premier voyage fait en Italie (1795), j’ai cru que les longues bandes de coraux rameux qui traversent, en formant des filons (entre l’hôtellerie du Monte di Diavolo et le lac Fimon à l’ouest de Lungara), le sommet du Monte di Pietra nera, appartiennent plutôt au calcaire du Jura, peut-être à l’assise appelée en Angleterre coral-rag. Ces bandes de polypiers qui sont restés en place, ont deux pieds de largeur: elles offrent un aspect très-extraordinaire, et parcourent des masses calcaires presque dépourvues de pétrifications, en se dirigeant très-régulièrement N. 80° E., et en s’élevant comme un mur au-dessus de la surface du sol. M. Boué a aussi observé ces polypiers en place dans le calcaire jurassique (coral-rag) qui entoure le bassin de Vienne, et dont les assises inférieures renferment des nagelfluhe analogues au calcareous grit de la grande formation oolithique d’Angleterre (Filey dans le Yorkshire). Sous la zone équinoxiale de l’Amérique j’ai cru reconnoître la formation du Jura dans beaucoup de calcaires blanchâtres, en partie lithographiques, qui ont la cassure unie et matte, ou conchoïde à concavités très-aplaties. Ces calcaires sont ceux de la caverne de Caripe (au sud-est de Cumana), du littoral de Nueva Barcelona (Venezuela), de l’île de Cuba (entre la Havane et le Batabano; entre la Trinidad et la boca del Rio Guaurabo) et des montagnes centrales du Mexique (plaines de Salamanca et défilé de Batas). Le calcaire blanc de Caripe, qui ressemble entièrement à celui des cavernes de Gailenreuth en Franconie, est superposé au calcaire alpin gris-bleuâtre de Cumanacoa. Le terrain jurassique du littoral de Nueva Barcelona renferme de petites couches de hornstein passant à un kieselschiefer noir (phénomène qui se répète près de Zacatecas au Mexique); il est recouvert (Aguas calientes del Bergantin), comme le calcaire alpin au sommet de l’Impossible, d’un grès très-quarzeux. On pourroit croire que ce grès du Bergantin appartient aux assises quarzeuses du grès vert ou grès secondaire à lignites; mais, comme il forme également des couches dans le calcaire alpin (Tumiriquiri), il reste bien douteux si les grès du Bergantin et du Tumiriquiri sont des formations différentes, ou si des couches toutes semblables pénètrent du calcaire alpin dans le terrain jurassique. Ce terrain abonde moins que toute autre formation secondaire en roches arénacées. Nous avons cependant cité plus haut des couches de grès dans les montagnes occidentales de la Suisse, à Waldburgstuhl, Eptigen, et Hemmiken près de Bâle. Dans les vastes steppes de Venezuela, près de Tisnao, le grès rouge supporte, à ce qu’il m’a paru, immédiatement (comme au Schwarzwald en Souabe) un calcaire lithographique très-analogue au calcaire du Jura. Ce gisement se trouve répété au Mexique, dans les plaines de Temascatio, au sud-ouest de Guanaxuato. A l’extrémité septentrionale de la vallée de Mexico (entre l’Hacienda del Salto, Batas et Puerto de Reyes), une formation calcaire bleu-grisâtre, à cassure unie, renfermant du gypse et supportant une brèche calcaire, m’a paru appartenir au terrain jurassique, malgré la proximité des marnes tertiaires (Desague de Huehuetoque), dans lesquelles sont enfouis des ossemens d’éléphans fossiles. Je pourrois citer aussi le passage que l’on observe du calcaire alpin à un calcaire entièrement semblable à celui d’Arau et de Pappenheim, à la pente occidentale des Cordillères du Mexique, entre Sopilote, Mescala et les riches mines de Tehuilotepec; mais dans cette région le terrain du Jura est moins prononcé qu’à l’île de Cuba, qu’aux îlots du Cayman et dans les montagnes de Caripe près de Cumana. Nulle part, dans la partie du nouveau monde que j’ai parcourue, je n’ai vu le grès bigarré, le muschelkalk ni le quadersandstein séparer le calcaire alpin des formations que je viens de décrire. Dépourvues d’oolithes, elles abondent aussi très-peu en pétrifications de coquilles et en couches marneuses. Leur cassure matte et unie leur donne tout l’aspect du calcaire jurassique de l’Allemagne et de la Suisse. Ces formations calcaires de l’Amérique, des Pyrénées et des Apennins, qui paroissent si étroitement liées au calcaire alpin (zechstein), ne sont-elles que les assises les plus récentes de ce dernier, et doit-on les séparer du véritable calcaire jurassique, riche en coquilles, en oolithes et en marnes? Cette question importante ne peut être résolue qu’en multipliant les observations de gisement, qui sont bien plus décisives que celles de composition et d’aspect extérieur. Grès et Sables ferrugineux, et Grès et Sables verts, Grès secondaire a lignites (Iron sand et Green sand). §. 33. Ce sont des grès et des sables avec lignites, placés au-dessous de la craie: ce sont deux formations arénacées, colorées par le fer, séparées par une couche d’argile (wealdclay) et superposées au calcaire du Jura (terrain d’oolithes). Elles atteignent en Angleterre jusqu’à mille pieds d’épaisseur, et se retrouvent dans toute la France occidentale, où MM. Prevost et Boué en ont fait l’objet d’une étude approfondie. Les sables ferrugineux brun-jaunâtre alternent avec des grès siliceux et de petits amas de mines de fer souvent exploitées avec avantage: ils renferment des bois fossiles et des lignites (Bedfordshire, Dorsetshire). Les sables verts, colorés par un protoxide de fer, alternent avec des grès calcaires et siliceux, avec des agglomérats, des marnes jaunâtres à cristaux de gypse, et même avec de petits bancs de calcaire compacte, qui ont été quelquefois confondus avec le portlandstone. On y trouve des nodules de hornstein et de calcédoine (Sarlat dans le Périgord), de petits dépôts de fer hydraté, une résine qui passe au succin (île d’Aix près de La Rochelle; Obora et Alstadt en Moravie), et un grand nombre de débris fossiles, dont plusieurs (cidaris, spatangus) ressemblent à ceux de la craie. Les grès siliceux de cette formation renferment des empreintes de feuilles dicotylédones. Vers le haut le sable vert passe à une marne crayeuse (chalk marle de Surrey). La terre verte ou chloritée, qui caractérise la couche de sable la plus rapprochée de la craie, se retrouve dans des formations d’un âge très-différent, dans le grès houiller de la Hongrie (sur les frontières de la Galicie), dans le grès bigarré et dans les gypses qui lui appartiennent, dans le quadersandstein et dans les couches inférieures du calcaire grossier de Paris. D’après les belles recherches de M. Berthier sur les grains verts de la craie et du calcaire grossier, ces grains sont un silicate de fer; mais il est probable que les quantités de magnésie et de potasse varient dans les différens terrains, comme elles varient, d’après les analyses de Klaproth et de Vauquelin, dans la terre verte de Vérone (talc chlorite zoographique de Haüy) et dans la chlorite terreuse. L’analogie qu’offrent quelquefois avec le quadersandstein de l’Allemagne les bancs siliceux du grès vert (iron sand), soit à l’état solide, soit dans un état de désagrégation, a porté plusieurs géognostes à confondre ces deux terrains. M. Boué, qui a exploré avec tant de fruit les gisemens de l’Écosse, de l’Angleterre et de l’Allemagne, a reconnu le grès vert (tout semblable à celui des environs d’Oxford) en France, le long de la Mayenne et du Loir, depuis la Ferté-Bernard jusqu’audelà de la Flèche, dans le département de la Charente, dans le Mans, la Saintonge et le Périgord. C’est à cette même formation du §. 33 qu’appartiennent aussi les lignites de l’île d’Aix, sur lesquels M. Fleuriau de Bellevue a fait de si intéressantes recherches. D’après ce savant géologue, la forêt sous-marine des côtes de La Rochelle consiste en bois de dicotylédones aplatis, en partie pétrifiés, en partie bitumineux ou fragiles, quelquefois à l’état de jaïet. Ces bois sont pénétrés de pyrites, et percés par une multitude de tarets et de vers marins. Les trous résultant de cette perforation sont remplis de quarz-agathe et de sulfure de fer. On trouve les troncs ou en couches horizontales, tantôt dirigées parallèlement, tantôt accumulés en désordre. Les bois qui sont pétrifiés en entier ou seulement en partie, reposent sur un sable verdâtre: ceux qui sont à l’état fibreux et bitumineux, reposent sur des bancs d’argile plastique d’un bleu foncé. Ils sont entourés d’algues marines et de petites branches de lignites. Parmi ces masses d’algues on trouve une résine qui passe au succin; elle est friable et offre diverses couleurs. Les troncs d’arbres entassés forment une bande d’une lieue et demie de largeur, depuis l’extrémité nord-ouest de l’île d’Oléron jusqu’à quatorze lieues dans l’intérieur du continent, sur la rive droite de la Charente. Cette bande a plus de sept pieds d’épaisseur; elle est dirigée de O. N. O. à E. S. E., èt se trouve à un mètre au-dessus du niveau des basses mers. Là où les lignites sont couverts par l’océan, ils sont incorporés (ainsi que des masses de succinasphalte et de grands ossemens d’animaux marins) à un grès grossier qui repose sur l’argile plastique. Le gisement de ces dépôts est, de bas en haut (d’après un mémoire inédit de M. Fleuriau de Bellevue): 1. ° calcaire compacte (lithographique) à cassure unie (La Rochelle, S. Jean d’Angely); 2.° couches d’oolithes (pointe de Chatelaillon et Matha); 3.° lumachelle et bancs de polypiers avec empreintes de Gryphæa angustata (ces trois couches constituent la formation jurassique, dont le banc à polypiers représente le coral-rag): 4. ° grande couche de lignite avec tourbes marines, succin-asphalte et argile plastique; 5.° sables ferrugineux et chloriteux; argile schisteuse; couches arénacées et calcaires avec trigonies et cérites; des fragmens de lignites. Au sud-ouest de la Charente, où manquent les couches n.os 4 et 5, des bancs horizontaux d’un calcaire très-blanc avec débris de coquilles (Saintonge) reposent immédiatement sur les oolithes de la formation jurassique, et représentent les assises inférieures de la craie. M. Boué a vu se prolonger les traces des lignites depuis Rochefort par Périgueux jusqu’à Sarlat. Ces sables et argiles avec lignites du grès vert sont liées vers le bas aux argiles bleues avec lignites du cap la Hève (près du Havre); vers le haut ils préludent pour ainsi dire au grand dépôt de lignites du terrain tertiaire, c’est-à-dire aux lignites de l’argile plastique et de la molasse, qui sont supérieures à la craie. Comme la craie dans ces assises inférieures (craie chloritée entre Fécamp et Dives) renferme elle-même des lignites, et que, sous de certains rapports, elle peut être regardée comme une continuation de la formation jurassique, les phénomènes que nous venons d’exposer sont bien dignes de l’attention des géognostes. Le plänerkalk de l’Allemagne, souvent mêlé de mica et de grains de quarz, forme une des assises supérieures du grès vert, représentant à la fois la craie chloritée et une partie de la craie grossière ou craie tuffeau. IV. Craie. §. 34. A mesure que nous nous sommes éloignés du calcaire alpin, nous avons vu les formations devenir plus complexes. Il est vrai que le muschelkalk et le quadersandstein ont une structure assez simple; mais le calcaire du Jura et le grès vert, là où ils se sont bien développés, offrent une grande complication de couches et de fréquentes alternances. Cette tendance à une composition variée, à un agroupement de masses hétérogènes (tendance qui atteint son maximum dans le terrain tertiaire), se ralentit pour ainsi dire au terrain de craie. Placée entre le grès vert et l’argile plastique ou grès à lignites tertiaire, la craie, par une plus grande simplicité de structure, contraste avec les formations complexes que nous venons de nommer. Des couches argileuses (dief), calcaires et arénacées (tourtia), qui séparent la formation jurassique (oolithique) de celle de la craie, ne doivent pas se confondre avec cette dernière formation, quoique souvent aussi il ne soit pas facile de fixer les limites entre les marnes avec lits d’oolithes du terrain jurassique, les strates du grès vert, et ces marnes crayeuses ou calcaires jaunâtres, presque compactes, qui semblent appartenir aux assises inférieures de la craie. Ce dernier terrain se compose, d’après les recherches de MM. Omalius et Brongniart, de trois assises assez distinctes. L’inférieure est la craie chloritée ou glauconie crayeuse, friable et parsemée de grains verts; la moyenne est la craie tuffeau ou craie grossière, grisâtre, sableuse, renfermant des marnes et, au lieu de silex pyromaques, des silex cornés, d’une couleur peu foncée. L’assise supérieure est la craie blanche. Quelquefois les assises les plus anciennes prennent des couleurs gris-noirâtre, et deviennent ou très-compactes (environs de Rochefort), ou grenues et friables (montagne de Saint-Pierre près de Maestricht). La craie chloritée passe souvent insensiblement au sable vert (green sand). La craie blanche est la plus pure des couches calcaires de différens âges: elle ne contient que quelques centièmes de magnésie; mais elle est mêlée d’une quantité de sable plus ou moins grande. La liaison du terrain de craie de Paris avec les autres terrains secondaires (entre Gueret et Hirson) a été indiquée dans une coupe par M. Omalius (Bull. phil., 1814). Dans un nivellement barométrique, fait en 1805, de Paris à Naples, nous avons vu, M. Gay-Lussac et moi, sortir au jour, successivement sous la craie, le calcaire du Jura, le calcaire alpin, le grès rouge, le gneis et le granite (entre Lucy-le-Bois, Avallon, Autun et montagne d’Aussy). La formation de craie, trop long-temps négligée, est beaucoup plus répandue qu’on ne le pense généralement. On l’a reconnue dans plusieurs parties de l’Allemagne, par exemple, dans le Holstein, en Westphalie (d’Unna à Paderborn), dans le pays d’Hanovre, au pied du Harz près Goslar, dans le Brandebourg près Prentzlow, et à l’île de Rugen. Souvent elle n’est reconnoissable que par les corps fossiles que présentent les lambeaux de terrains marneux et arénacés. Elle ne renferme que peu de couches hétérogènes, par exemple, des lits d’argile (Isle de Wight; Anzin); des silex, soit en plaques ou en rognons bien alignés, soit en petits filons (Isle de Thanet; Brighton), et caractérisant les assises supérieures de la craie. On y rencontre aussi des pyrites globuleuses et de la strontiane sulfatée (Meudon). Pétrifications. Dans le bassin de la Seine on trouve, d’après les observations de MM. Defrance et Brongniart, dans les couches supérieures de la craie: beaucoup de bélemnites (Belemnites mucronatus) et d’oursins (Ananchites ovata, A. pustulosa, Galerites vulgaris, Spatangus cor anguinum, S. bufo); des huîtres (Ostrea vesicularis, O. serrata); des térébratules (Terebratula Defrancii, T. plicatilis, T. alata); des peignes (Pecten cretosus, P. quinque-costatus); le Catillus Cuvieri, des Alcyonium, des astéries, des millepores, etc. La craie tuffeau et glauconeuse renferme (environs du Havre, de Rouen et de Honfleur; Perte du Rhône près Bellegarde): Gryphaea columba, G. auricularis, G. aquila, Podopsis truncata, P. striata, Terebratula semiglobosa, T. gallina, Pecten intextus, P. asper, Ostrea carinata, O. pectinata, Cerithium excavatum, des trigonies, des crassatelles, des encrinites et des pentacrinites (Angleterre), et, ce qui est très-remarquable, des nautilites et plusieurs ammonites (Nautilus simplex, Ammonites varians, A. Beudanti, A. Coupei, A. inflatus, A. Gentoni, A. rhotomagensis), tandis que les couches supérieures de la craie, près de Paris, ne renferment (à l’exception du Trochus Basteroti) pas une seule coquille univalve à spire simple et régulière. D’après les recherches de MM. Buckland, Webster, Greenough, Philipps et Mantell, comparées à celles de M. Brongniart, il existe la plus grande analogie entre les débris organiques trouvés, en France et en Angleterre, dans les assises de la craie du même âge. Ce sont partout les assises les plus anciennes qui renferment des ossemens de grands sauriens (monitor) et de tortues de mer, des dents et des vertèbres de poissons (squales). Malgré les analogies que présentent les grès à lignites (sables verts et argiles plastiques) au-dessous et au-dessus de la craie, cette formation pourtant appartient plutôt au terrain secondaire qu’au terrain tertiaire, auquel plusieurs géognostes célèbres le rapportent. Aussi, selon M. Brongniart, les coquilles de la formation crayeuse se rapprochent beaucoup plus de celles de la formation jurassique que des coquilles du calcaire grossier, dont la craie est séparée géognostiquement de la manière la plus tranchée. Terrains tertiaires. Les considérations que j’ai exposées plus haut sur la liaison intime entre les dernières assises du terrain de transition et les premières du terrain secondaire, peuvent s’appliquer en grande partie à la liaison que l’on observe entre les terrains secondaires et tertiaires. Les roches de transition sont cependant plus étroitement liées au terrain houiller que ne l’est la craie aux formations qui lui succèdent. Ce qu’il y a de plus important en géognosie, c’est de bien distinguer les formations partielles; c’est de ne pas confondre ce que la nature a nettement limité; c’est d’assigner à chaque terme de la série géognostique sa véritable position relative. Quant aux tentatives qui ont été faites récemment pour réunir plusieurs de ces formations par groupes et par sections, elles ont eu le sort de toutes les généralisations diversement graduées. Les opinions des géognostes sont restées plus partagées à l’égard des grandes que des petites divisions. Presque partout les mêmes formations ont été admises; mais on varie dans la nomenclature des groupes qui doivent les réunir. C’est ainsi que les botanistes s’accordent plus facilement sur la fixation des genres que sur la répartition de ces mêmes genres entre des familles voisines. J’ai préféré de conserver dans le tableau des formations les anciennes classifications les plus généralement reçues. Dans cette longue série de roches, dans cet assemblage de monumens de diverses époques, on distingue surtout trois phénomènes bien marquans: la première lueur de la vie organique sur le globe, l’apparition de roches fragmentaires, et la débâcle qui a enseveli l’ancienne végétation monocotylédone. Ces phénomènes marquent l’époque des roches intermédiaires et celle du grès houiller, premier chaînon des roches secondaires. Malgré l’importance des phénomènes que nous venons de signaler, les roches d’une époque ont toujours quelque prototype dans les roches de l’époque précédente, et tout annonce l’effet d’un développement continu. Comme les noms, terrains de sédiment moyen, calcaire alpin nouveau, etc., sont employés dans beaucoup d’ouvrages géognostiques modernes, sans que l’on désigne chaque fois individuellement les roches que renferment ces terrains, il sera utile de rappeler ici la synonymie de cette nomenclature des gisemens. M. Brongniart, distinguant entre primitif et primordial, comprend avec M. Omalius d’Halloy, sous la dénomination de terrains primordiaux, toutes les roches primitives et intermédiaires cristallines de l’école de Freiberg: il divise les terrains secondaires (Flötzgebirge) en trois classes. Dans la première, celle de sédiment inférieur (Descr. géol. des environs de Paris, p. 8; Sur le gisement des ophiolithes, p. 36), sont compris le mountain-limestone ou calcaire de transition, le grès rouge ou houiller, le calcaire alpin ou zechstein et le lias; dans la seconde, celle de sédiment moyen, le calcaire du Jura et la craie; dans la troisième, celle de sédiment supérieur, toutes les couches qui sont plus neuves que la craie. Le terrain de sédiment supérieur remplace par conséquent le terrain tertiaire, dénomination tout aussi impropre pour désigner un quatrième terrain, succédant aux terrains primitif, intermédiaire et secondaire, que l’étoient les anciens noms de terrains à couches (roches secondaires) et de terrains à filons (roches primitives et de transition). M. de Bonnard, dans son intéressant Aperçu géognostique des formations, exclut des terrains primordiaux les porphyres, les syénites de transition et toutes les roches cristallines postérieures à celles qui renferment quelques débris de corps organisés; il regarde, et nous préférons sa manière de voir, le mot primordial comme synonyme de primitif. Les terrains secondaires supérieurs de M. de Bonnard diffèrent beaucoup du terrain de sédiment supérieur de M. Brongniart: ce sont plutôt ceux que ce savant estimable appelle terrain de sédiment moyen. Toutes les formations, depuis la craie jusqu’au grès rouge, à l’exception des houilles, sont comprises dans l’ordre surmoyen de M. Conybeare, tandis que la liaison intime que l’on observe en Angleterre entre les dépôts de houilles et les roches qui les supportent, ont engagé M. Buckland ( Structure of the Alps, 1821, p. 8 et 17) à étendre les formations secondaires depuis la craie jusqu’au mountain limestone et à la grauwacke (old red sandstone). Il nomme notre zechstein avec dépôts salifères, calcaire alpin ancien (elder alpine limestone); le lias, les oolithes, le sable vert et la craie, calcaire alpin nouveau (younger alpine limestone). Ces indications suffiront, je pense, pour l’intelligence de la synonymie des grandes divisions géognostiques. Le mélange fréquent de couches pierreuses et de terrains meubles ou masses désagrégées a fait confondre long-temps les formations tertiaires, c’est-à-dire, celles qui sont postérieures à la craie, avec les terrains d’alluvion et de transport, que Guettard (1746) avoit appelés la zone des sables. On a faussement considéré les formations tertiaires comme peu importantes, comme irrégulières dans leur stratification et restreintes à de petites étendues de pays. L’école de Freiberg ne plaçoit d’abord (1805) au-dessus du muschelkalk et de la craie que quatre formations, savoir: les sables et argiles avec lignites, déjà reconnues par Hollmann en 1760 ( Phil. Trans., vol. LI, p. 505); le nagelfluhe calcaire, le travertin, et le tuff d’eau douce ( Reuss, Geogn., T. II, p. 473, 630, 644). Bruguières avoit déjà observé que les meulières de Montmorency ne renfermoient que des coquilles d’eau douce. Le gypse à ossemens de Montmartre, que Karsten croyoit encore analogue au gypse salifère du zechstein, avoit été considéré par Lamanon et par M. Voigt (1799) comme un dépôt d’eau douce. Werner le regarda (1806) comme entièrement différent des formations de gypse d’Allemagne, et comme d’une époque beaucoup plus récente ( Freiesleben, Kupfersch., T. I, p. 174). Les observations recueillies par la Société géologique de Londres et la Société Wernérienne à Édimbourg, les utiles voyages de M. Omalius d’Halloy (1808) et de quelques géognostes italiens, avoient fourni une masse assez considérable de matériaux pour l’étude des terrains tertiaires; mais la connoissance plus approfondie des différentes formations qui constituent ce terrain et qui offrent les mêmes caractères dans les pays les plus éloignés, ne date que de l’époque où a paru la Description géologique des environs de Paris, par MM. Brongniart et Cuvier (1.re édit., 1810; 2.e édition, 1822). C’est dans le bassin qui entoure cette capitale, que toutes les formations tertiaires (à l’exception peut-être du grès à lignites, qui ne s’y montre que comme argile plastique) se trouvent le plus développées. Toutes celles qui manquent dans d’autres parties de l’Europe, ou qui ne s’y rencontrent que par lambeaux, sont réunies sur les bords de la Seine. En caractérisant succinctement les termes de la série tertiaire, je profiterai à la fois du grand ouvrage de M. Brongniart, de celui que MM. Conybeare et Philipps viennent de faire paroître sur le sol de l’Angleterre, du Voyage géologique de M. Beudant en Hongrie, et des observations récentes de MM. Boué et Prevost, qui, en remplissant la lacune entre les formations tertiaires et oolithiques, ont rendu de grands services à la géognosie positive. C’est par la comparaison de terrains trèséloignés les uns des autres, qu’on peut éviter, jusqu’à un certain point, de confondre le tableau général des gisemens avec la description géographique d’un bassin isolé. Il est assez remarquable de voir que la dernière assise du grand édifice géognostique, celle dont l’époque de formation est le plus rapprochée de nos temps, ait été examinée si tard. Comme les couches meubles du terrain tertiaire renferment des coquilles fossiles dans un haut degré de conservation, c’est ce terrain aussi qui a donné lieu au perfectionnement de la conchyliologie souterraine. La prédilection que dans divers pays on a donnée à cette science, deviendra également utile à l’étude des formations secondaires et intermédiaires, si on ne néglige pas de combiner les caractères zoologiques avec ceux qu’offrent le gisement et l’âge relatif des roches. J’ai exposé plus haut les motifs pour lesquels j’ai cru devoir éviter les dénominations de premier, de deuxième et de troisième terrain marin, ou d’eau douce. J’ai substitué le plus souvent des noms géographiques à ces dénominations numériques, très-susceptibles de faire naître des idées erronées. Les formations les plus récentes sont celles dont les gisemens paroissent avoir été le plus modifiés par des circonstances locales. Une alternance périodique des matières calcaires et siliceuses (l’argile même renferme près de 70 pour cent de silice) se manifeste jusque dans les strates qui appartiennent à une même formation. Les couches hétérogènes et les subdivisions des terrains calcaires ou gypseux prennent, dans quelques pays, un accroissement si considérable qu’on les prend pour des terrains particuliers ou indépendans. Il en résulte que la succession et le parallélisme des roches tertiaires, si récentes et d’une structure si complexe, peut différer quelquefois du type que nous leur assignons dans le tableau des formations. Argiles et Grès tertiaire a lignites (Argile plastique, Molasse et Nagelfluhe d’Argovie). §. 35. A l’entrée du terrain tertiaire, comme aussi audessous de la craie, entre cette roche et le calcaire jurassique, nous trouvons des dépôts de lignites: c’est ainsi que sur la limite des terrains intermédiaires et secondaires nous avons vu placé un grand dépôt de houilles (coal-mesures). Les deux terrains secondaire et tertiaire commencent par des amas de végétaux enfouis. A mesure que l’on avance du grès houiller vers les formations plus récentes, on voit les plantes monocotylédones peu à peu remplacées par des plantes dicotylédones; il y en a encore des premières (endogénites de M. Adolphe Brongniart, mais non des fougères) au-dessus de la craie jusque dans le gypse à ossemens: cependant, en général, les dicotylédones (exogénites) dominent dans les dépôts de lignites. Je suis moins surpris de ce mélange que de l’uniformité de la végétation monocotylédone de l’ancien monde, dont nous voyons les débris dans les terrains intermédiaires et dans le grès houiller. Au milieu des forêts de l’Orénoque, qui sont extrêmement riches en monocotylédones, la proportion de celles-ci aux dicotylédones est, quant à la masse, c’est-à-dire au nombre des individus, comme 1 à 40. La proportion que présentent les terrains houilliers n’est donc pas tropicale. Auroit-elle été modifiée par la résistance inégale qu’opposent à la destruction les monocotylédones et les dicotylédones? Nous réunirons dans le grès à lignites supérieur à la craie, les formations parallèles d’argiles plastiques, de marnes et sables avec lignites, de molasse et de nagelfluhe. Dans les environs de Londres et de Paris il n’y a qu’un lambeau de ce terrain, que l’on trouve beaucoup plus développé dans la France méridionale, en Suisse et en Hongrie. La craie, en France et en Angleterre, est recouverte d’une couche d’argile plastique, sans coquilles et sans débris organiques, entièrement dépourvue de chaux, renfermant quelques silex et de la sélénite. Une couche de sable sépare l’argile plastique des fausses glaises, qui sont plus siliceuses et noirâtres. Ces dernières renferment du lignite ou bois fossile bitumineux, provenant de plantes monocotylédones et dicotylédones; du vrai succin (d’après la découverte de M. Bequerel); du bitume, et (Soissonnois, Montrouge, Bagneux) un mélange de coquilles pélagiques et fluviatiles (cyrènes, cérites d’eau douce ou potamides, mélanies, limnées, paludines). Ce mélange ne s’observe ordinairement qu’à la limite supérieure de l’argile plastique et des lignites. Les coquilles marines ressemblent, d’après M. Prevost, à celles du calcaire grossier. Couches intercalées: sables et grès avec coquilles, masses de calcaire concrétionné avec cristaux de strontiane sulfaté. Fossiles, d’après MM. d’Audebard de Férussac et Brongniart: Planorbis rotundatus, Paludina virgula, P. unicolor, Melanopsis buccinoidea, Nerita globulosa, Melania triticea, — Ceritium funatum, Ampullaria depressa, Ostrea bellovaca, etc. En Angleterre, l’argile plastique, qu’il ne faut pas confondre avec le London clay (représentant le calcaire grossier de Paris) ni avec l’ Oxford ou Clunch clay (de la formation jurassique), abonde plus en sables qu’en argile: elle renferme des lignites (Isle de Wight, Newhaven), et, ce qui est remarquable à cause de l’analogie de cette formation avec les molasses d’Argovie et de Hongrie, un grès friable (Stutland en Dorsetshire). On y a trouvé, d’après MM. Webster et Buckland, des impressions de feuilles, des fruits de palmier, des cyclades (Cyclas cuneiformis, C. deperdita), des turritelles, des cérites (Ceritium melanoides, C. intermedium) et des huîtres (Ostrea pulchra, O. tenuis). Le terrain à succin de la Poméranie et de la Prusse, vraisemblablement superposé à la craie, est composé d’argile, de lignites et de nodules de succin. Les corps organisés qu’il renferme, ont été récemment examinés par M. Schweigger. Par son gisement, comme l’observe judicieusement M. Brongniart, il appartient à la formation §. 35. Les grès à lignites (molasse et macigno) sont répandus dans les plaines de la Hongrie, comme dans le grand bassin de la Suisse, entre les Alpes et le Jura, ou plutôt entre le lac d’Annecy et celui de Constance. La formation de Hongrie, que M. Beudant a fait connoître, est géognostiquement la plus importante, parce qu’on la voit superposée au calcaire jurassique (Sari Sap aux environs de Gran, et bords du lac Balaton). Elle est immédiatement recouverte (près de Bude) de calcaires coquilliers analogues au calcaire grossier de Paris. Elle est composée de poudingues (nagelfluhe) et de brèches calcaires qui alternent avec des grès micacés, friables, schisteux, à petits grains anguleux de quarz, avec des sables et avec des lits d’argile. Elle renferme de grands dépôts de lignites (Csolnok, au sud de Gran, Wandorf près de Œdenbourg), des sources de bitume, des minérais granuleux de fer hydraté, des coquilles d’eau douce et, au contact avec le calcaire grossier superposé, des coquilles marines. Le terrain arénacé de la Suisse, qui comprend la molasse et le nagelfluhe, se compose, d’après les nouvelles recherches de MM. de Charpentier et Lardy (en commençant par les couches inférieures), 1.° de calcaires sableux, un peu ferrugineux, passant souvent à un véritable grès à ciment calcaire; 2. ° de poudingue (nagelfluhe) enchâssant des fragmens calcaires et siliceux, toujours arrondis et agglutinés par un ciment calcaire; 3. ° de molasse ou grés à petits grains de quarz et à ciment argileux ou marneux. Des filons de spath calcaire traversent souvent le nagelfluhe, et la molasse (grès fin et friable) alterne avec des lits de marnes. Le nagelfluhe qui empâte à la fois des galets de porphyre et de calcaire compacte (Rigi, Fribourg, Entlibuch), n’est pas toujours recouvert par la molasse; et M. de Buch a remarqué depuis long-temps qu’entre Habkern et le petit Emmethal la molasse alterne plusieurs fois avec le nagelfluhe. Tout ce terrain, dont la surface est généralement à nu, git immédiatement, vers le nord (Arau, Porentruy, Boudry), sur le calcaire jurassique; vers le sud, sur le calcaire alpin (environs de Genève et Teufenbachtobel, au sud-ouest du Rigi). D’après l’inclinaison des couches quelques géognostes célèbres ont regardé long-temps le nagelfluhe comme antérieur au calcaire alpin. M. Keferstein croit encore la molasse (mergelsandstein) inférieure à la craie, et même au calcaire jurassique. Un calcaire fétide et bitumineux, un gypse fibreux et argileux, alternant avec des marnes qui renferment des ammonites, un calcaire compacte brun-jaunâtre, et des lignites, forment des couches subordonnées à la molasse de la Suisse. Le dépôt de lignites qu’on exploite près de S. Saphorin, entre Vevay et Lausanne, est recouvert de nagelfluhe; celui de Paudex est intercalé à la molasse. Tout ce terrain renferme, en Suisse, à la fois des coquilles marines (ammonites, cythérées, donax), des coquilles d’eau douce (lymnées, planorbes), des palmacites à feuilles flabelliformes (Montrepos), et des ossemens de quadrupèdes (Aarberg, Estavayer, Kæpfnach sur les bords du lac de Zuric), ossemens qui, selon les recherches de M. Meisner, appartiennent à l’Anaplotherium, au Mastodon angustidens et au Castor. Dans la molasse de Cremin et Combremont une brèche coquillière marine repose sur un calcaire brun, rempli de planorbes. M. Brongniart, dès l’année 1817, a insisté sur l’analogie qu’offre l’argile plastique de Paris avec une partie de la formation de nagelfluhe et de molasse de Suisse, si long-temps confondue avec le grès bigarré d’Allemagne. Ce savant pense aussi que les molasses qui renferment des ossemens de mastodontes et d’anthracoterium (Cadibona près de Savone) sont plus récentes encore que l’argile plastique; qu’elles sont peut-être ou liées au calcaire grossier qui est souvent arénacé, ou parallèles au gypse de Montmartre. Les ossemens d’animaux vertébrés, trouvés rarement dans l’argile plastique de Paris et de Londres (près d’Auteuil et de Margate), n’ont point encore été déterminés zoologiquement, et jusqu’ici M. Cuvier, dans la suite de ses importantes recherches sur le gisement des fossiles, n’a reconnu des débris de mammifères terrestres que dans les terrains postérieurs au calcaire grossier. Il se pourroit, d’après ces considérations, que les molasses ou grès à lignites de Hongrie fussent antérieurs à ceux de la Suisse; mais, comme dans ce dernier pays les formations de calcaire grossier (parisien) et de gypse à ossemens ne se sont presque pas développées, et qu’en général l’alternance fréquente des roches tertiaires rend leur parallélisme un peu incertain, il se pourroit aussi que la longue époque de la formation de molasse et de nagelfluhe en Suisse (celle des couches inférieures et supérieures, arénacées, marneuses, calcaires et gypseuses) eût été contemporaine aux trois formations d’argile plastique, de calcaire grossier et de gypse des environs de Paris. Le terrain qui nous occupe est, selon les observations récentes de M. Boué, extrêmement développé dans le sudouest de la France, de Libourne à Agen, surtout au nord de la Dordogne et de la Gironde, où il repose sur la craie. Il y est composé (en commençant par les couches supérieures) de grès calcaires remplis de débris de coquilles et d’ossemens d’animaux vertébrés, de petites couches de fer globulaire, de marnes grises et verdâtres, de calcaires jaunâtres avec cérites. Des dépôts de lignites y ont été reconnus par M. Brongniart ( Descr. géol., art. II, §. 1); mais ils n’y sont pas nombreux, et la position de cette formation arénacée entre la craie et le calcaire grossier de Bordeaux la caractérise suffisamment comme molasse. Le grès à lignites peut localement être dépourvu de lignites, de même que le grès rouge ou houiller est souvent dépourvu de houilles. Comme presque toutes les formations secondaires ont leurs grès et leurs conglomérats, il ne faut pas regarder comme appartenant à la même formation §. 35 tous les nagelfluhe de l’Europe (poudingues polygéniques de la classification de M. Brongniart): îl y en a qui ne paroissent que des formations locales et peu étendues; d’autres (Salzbourg et S. Gall?), selon l’observation judicieuse de M. Boué, sont peut-être plus anciens que la craie et le calcaire du Jura. D’ailleurs l’analogie qu’offrent certaines couches placées entre le quadersandstein et la craie avec celles qui sont placées entre la craie et le gypse à ossemens, est un phénomène bien digne de l’attention des géognostes. D’immenses dépôts de sables, d’argile et de lignites avec mellite (Artern) et avec succin (bernstein de Muskau et bernerde de Zittau), couvrent une partie de l’Allemagne. On y trouve des lits de grès extrêmement quarzeux (Carlsbad, Habichtswald, Meissner, Wilhelmshöhe près Cassel, Wolfseck), surtout là où des coulées de basaltes sont superposées à l’argile avec lignites. A cause de cette proximité on a donné anciennement à ces grès, qu’on pourroit minéralogiquement confondre avec les grès également quarzeux du grès bigarré et avec ceux de Fontainebleau, la dénomination impropre de grès trappéens (trapp-sandstein). Les sables à grenats (granatensand), c’est-à-dire les argiles et marnes de Meronitz et de Podsedlitz en Bohème, qui renferment des pyropes disséminés, appartiennent-ils à cette même formation §. 35, ou, comme plusieurs phénomènes observés dans la Cordillère du Mexique et à l’île de la Graciosa (archipel des Canaries) me le feroient supposer, appartiennent-ils à des argiles basaltiques du terrain igné? Calcaire de Paris (Calcaire grossier ou Calcaire a cérites), formation parallèle a l’Argile de Londres et au Calcaire arénacé de Bognor. §. 36. Cette formation très-compliquée, retrouvée en Hongrie, en Italie et dans le nouveau continent, a été entièrement méconnue avant la publication de la Géographie minéralogique des environs de Paris. Le calcaire grossier, séparé par une couche de sable de l’argile plastique, consiste, d’après M. Brongniart, dans le bassin de la Seine, de bancs minces et très-régulièrement alternans, de calcaires plus ou moins durs, et de marnes argileuses ou calcaires. Sur des étendues de terrains très-considérables, les coquilles fossiles sont généralement les mêmes dans les couches correspondantes, et présentent, d’un système de couches à un autre système, des différences d’espèces assez notables. Ce phénomène d’uniformité dans la distribution des animaux caractérise surtout le terrain tertiaire; on commence déjà à le reconnoître dans les différens bancs qui composent, en Suisse et en Angleterre, la formation jurassique. Les couches inférieures du calcaire grossier de Paris sont chloriteuses (glauconeuses), arénacées, remplies de madrépores et de nummulites. Dans les couches moyennes on trouve beaucoup d’empreintes de feuilles et de tiges de végétaux (Endogenites echinatus, Flabellites parisiensis, Pinus Defrancii, d’après le travail de M. Adolphe Brongniart sur la Végétation fossile), des milliolites, des ovulites, des cythérées, mais presque point de cérithes. Les couches supérieures offrent des lucines, des ampullaires, des corbules striées, et une grande variété (près de soixante espèces) de cérithes; mais, en général, cette dernière assise est moins abondante en corps fossiles que les assises moyenne et inférieure, dans lesquelles MM. Defrance et Brongniart ont recueilli près de 600 espèces de coquilles. Le fameux banc coquillier de Grignon et les fossiles du Falun de Tourraine appartiennent principalement aux assises moyennes. Dans celles-ci et dans le système des couches supérieures les bancs calcaires sont quelquefois entièrement remplacés par des grès ou des masses de silex corné (hornstein). Ce sont ces grès qui ont offert (entre Pierrelaie et Franconville près Beauchamp), à MM. Gillet de Laumont et Beudant, un mélange de coquilles marines avec des coquilles d’eau douce (limnées et paludines). Les fossiles du calcaire parisien, parmi lesquels on ne trouve jamais de bélemnites, d’orthocératites, de baculites ou d’ammonites, diffèrent entièrement de ceux de la craie. Les dépôts coquilliers qui représentent dans les différentes parties de l’Europe la formation que nous décrivons, sont les uns identiques de composition et d’aspect (plaines de Vienne décrites par M. Prevost; collines de Pest et de Teteny en Hongrie, décrites par M. Beudant), tantôt seulement analogues par leur position géognostique et par les débris fossiles qu’ils renferment (Angleterre). Les calcaires grossiers de la Hongrie, pétris de cérithes, de turritelles, d’ampullaires, de vénus et de crassatelles, peu reconnoissables, parce qu’il n’en est resté que le moule, offrent jusqu’aux caractères empyriques les plus minutieux auxquels on reconnoît le calcaire parisien. Ils sont liés à des sables coquilliers (Czerhat, Raab), qui sont en partie mêlés de grains verts et qui ont beaucoup d’analogie avec les dépôts coquilliers des plaines de la Lombardie. Les calcaires grossiers de la Dordogne et de la Gironde, géographiquement plus rapprochés du bassin de la Seine, ne montrent pas toujours cette ressemblance de composition que nous venons de signaler dans ceux de la Hongrie. Ils sont, d’après les observations récentes de M. Boué, composés de deux assises bien distinctes. L’inférieure est peu coquillière ou à corps fossiles brisés; elle renferme du calcaire compacte blanc-jaunâtre, quelquefois tachant comme la craie, des marnes et des bancs de galets quarzeux. L’assise supérieure est un calcaire sableux, extrêmement coquillier, et ressemblant presque quelquefois à une molasse brunâtre. En Angleterre, d’après les recherches de MM. Buckland, Webster et Sowerby, l’ argile de Londres (London clay) est non-seulement, par sa superposition à l’argile plastique, une formation parallèle au calcaire de Paris; elle renferme aussi presque toutes les espèces de coquilles qui semblent appartenir plus particulièrement aux couches inférieures de ce calcaire. Dans le bassin de la Tamise, la formation que les géognostes anglois désignent communément sous le nom de London clay, n’est qu’un dépôt d’argile et de marnes brunâtres, renfermant du fer sulfuré et quelques lames de sélénite; mais, sur d’autres points de l’Angleterre, cette couche se rapproche beaucoup plus, par sa composition minéralogique, du calcaire grossier. Elle présente, d’après MM. Conybeare et Philipps, sur les côtes de Sussex, à Bognor et près de Harwich (Essex), des lits de calcaire compacte et sableux. On y a trouvé, outre les corps fossiles propres à la formation qui lui est analogue dans le bassin de Paris, des empreintes de poissons, des ossemens de tortues et de crocodiles (Islington), une espèce d’ammonites (Ammonites acutus, à Minstercliff) et des lignites. Le Cerithium giganteum, assez commun dans l’argile de Londres, n’appartient en France qu’à l’assise inférieure du calcaire grossier, qui est d’ailleurs dépourvue de toute autre espèce de cérithes. Le London clay, dans lequel on assure avoir trouvé du succin (Holderness dans le Yorckshire), paroît avoir des rapports plus intimes avec l’argile plastique (grès tertiaire à lignites) que le calcaire grossier de Paris. M. Brongniart rapporte à cette formation (§. 36) la majeure partie des terrains calcaréo-trappéens du Vicentin (Val Ronca, Montecchio maggiore, Monte Bolca), la colline de la Supergue de Turin, le cap S. Hospice près de Nice, la Grande-Terre de la Guadeloupe, etc. Les célèbres impressions de poissons de Monte Bolca, sur lesquelles M. de Blainville a entrepris un travail intéressant, ne se trouvent, d’après les recherches de M. Maraschini, pas proprement dans le calcaire grossier, mais (comme on le reconnoît surtout à Novale et à Lugo près de Salceo) dans un calcaire fétide et schisteux, séparé du calcaire grossier par une couche d’argile avec lignites. Cette position me semble lier les marnes bitumineuses (de Monte Bolca) avec empreintes de poissons et de feuilles aux marnes du gypse à ossemens de Montmartre. Dans l’Amérique équinoxiale, où je n’ai point reconnu les formations de craie et de grès à lignites, les collines qui bordent sur quelques points la Cordillère de Venezuela, du côté de la mer (Castillo de San Antonio de Cumana, Cerro del Barigon dans la péninsule d’Araya, Vigia de la Popa près du port de Carthagène des Indes), me paroissent appartenir au calcaire grossier. Ces collines sont composées, 1.° d’un calcaire compacte et arénacé gris-blanchâtre, dont les couches, tantôt horizontales, tantôt irrégulièrement inclinées, ont cinq à six pouces d’épaisseur (quelques bancs sont presque dépourvus de pétrifications, d’autres sont pétris de madrépores, de cardites, d’ostracites et de turbinites, et mêlés de gros grains de quarz); 2. ° d’un grès calcaire, dans lequel les grains de sable sont plus fréquens que les coquilles (plusieurs bancs de ce grès enchâssent, non des paillettes de mica, mais des rognons de mine de fer brun, et deviennent si siliceux qu’ils ne font presque plus d’effervescence avec les acides, et que les corps fossiles y disparoissent entièrement); 3. ° de bancs d’argile endurcie avec sélénite. L’assise calcaire, dont j’ai déposé de grands échantillons dans le cabinet d’histoire naturelle de Madrid, offre (entre Punta Gorda et les ruines du château de Santiago d’Araya) une innombrable quantité de solens, d’ampullaires, d’huîtres et de polypiers lithophytes, en partie disposés par familles. Cette formation tertiaire, composée de calcaires coquilliers, avec grains de quarz, de marnes argileuses et de grès calcaire, se trouve géographiquement liée aux terrains tertiaires des îles opposées aux côtes de Cumana, par exemple, de celles de la Guadeloupe et de la Martinique. Elle repose tantôt immédiatement sur le calcaire alpin (Punta Delgada), tantôt sur les argiles salifères d’Araya, dont j’ai parlé plus haut (§. 28, p. 275). Calcaire siliceux et Gypse a ossemens, alternant avec des marnes (Gypse de Montmartre). §. 37. D’après les principes de classification que j’ai suivis dans ce travail, j’aurois pu séparer le calcaire siliceux (Champigny) du gypse alternant avec des marnes appelées marines et d’eau douce; mais, n’ayant pu, dans le cours de mes voyages, faire des terrains supérieurs à la craie un objet particulier de mes études, je n’ai rien voulu changer aux coupes générales indiquées dans l’ouvrage de MM. Brongniart et Cuvier. Le calcaire siliceux du bassin de Paris, qui est tantôt tendre et blanc, tantôt grisâtre, à grains très-fins et caverneux, est comme pénétré dans toute sa masse de silex ou matière quarzeuse. Il est intimement lié, vers le haut, au gypse, par les marnes argileuses et gypseuses qui alternent également avec le calcaire siliceux et le gypse à ossemens (butte de la Briffe de S. Denys; Crecy; Coulommiers); vers le bas, au calcaire grossier, dont les dernières couches offrent aussi quelquefois des infiltrations siliceuses: maîs les silex cornés du calcaire grossier renferment des coquilles marines, tandis que les calcaires siliceux du terrain gypseux qui servent de meulières, présentent dans leurs bancs supérieurs des coquilles fluviatiles. J’ai déjà fait observer plus haut (§. 28, p. 283) que sur le dos des Cordillères du Pérou, à 1800 toises de hauteur, une formation calcaire très-ancienne (le calcaire alpin) offre ce même phénomène curieúx d’infiltrations siliceuses. Des modifications analogues dans la composition des roches et dans le mélange chimique des matières ont eu lieu à des époques très-différentes. Les marnes calcaires qui alternent avec le calcaire siliceux de Paris, renferment une magnésite remarquable, que MM. Brongniart et Berthier ont fait connoître, et qui est un silicate de magnésie hydraté presque pur. Les infiltrations siliceuses de cette formation passent quelquefois à une calcédoine divisée par plaques, et à un hornstein mamelonné coloré en rouge, en violet et en brun. Le terrain gypseux est composé, dans le bassin de Paris, de couches alternantes de marnes schisteuses et de gypse saccharoïde compacte ou feuilleté. Il renferme au centre et dans sa plus grande masse des productions terrestres et d’eau douce, mais vers ses limites supérieures et inférieures, tant dans le gypse que dans les marnes, il offre des productions marines. L’assise inférieure de la formation gypseuse est caractérisée par des silex ménilites et de gros cristaux de sélénite lenticulaires et jaunâtres. Les bancs de marnes deviennent plus rares vers le milieu, où l’on trouve plus particulièrement la strontiane sulfatée et des squelettes de poissons. L’assise supérieure est caractérisée par la multitude d’ossemens de mammifères terrestres qui sont aujourd’hui inconnus sur le globe (Palœotherium crassum, P. medium, P. magnum, P. latum, P. curtum, Anaplotherium commune, A. secundarium, A. marinum, le Chaeropotame et l’Adapis de M. Cuvier); par des os d’oiseaux, de crocodiles, de tryonix, de poissons d’eau douce: elle est recouverte de bancs de marnes calcaires et argileuses, renfermant, les uns du bois de palmier, des planorbes, des limnées et des cythérées (Cytherea elegans); les autres, des cérites (Cerithium plicatum, C. cinctum), des vénus et de grandes huîtres très-épaisses (Ostrea hippopus, O. pseudochama, O. longirostris, O. cyatula). Une couche de marne verte sépare, vers la limite supérieure de la formation gypseuse, les coquilles d’eau douce des coquilles pélagiques. Vers le bas le gypse même (n.° 26 de la troisième masse de Montmartre) offre des fossiles marins. Quelquefois cette formation ne s’est pas développée en entier; les gypses manquent, et l’on ne reconnoît sa place que par des marnes vertes accompagnées de strontiane. Comme le gypse à ossemens n’a encore été étudié qu’en très-peu d’endroits (bassin de Paris, Puy-en-Vélay, Aix en Provence), les caractères que nous attribuons à cette formation si importante pour la géogonie ou pour l’histoire des anciennes révolutions de notre planète, ne sont vraisemblablement pas assez généraux. Grès et Sables supérieurs au gypse a ossemens (Grès de Fontainebleau). §. 38. Ce terrain est formé de deux assises: l’une, inférieure, sans coquilles; l’autre, supérieure, renfermant des coquilles marines. Des sables siliceux et des grès forment des bancs très-épais, très-étendus, mais dont les surfaces ne sont pas parallèles. Dans l’assise dépourvue de coquilles en place (celles de Villers-Cotterets et de Thury paroissent à M. Brongniart usées, comme si elles avoient été roulées), on trouve sur quelques points beaucoup de paillettes de mica, des rognons de fer brun disposés par lits, un peu de gypse, beaucoup de marnes argileuses et des infiltrations de chaux carbonatée (forêt de Fontainebleau). Les assises supérieures, qui renferment des coquilles marines (Oliva mitreola, Cerithium cristatum, C. lamellosum, Corbula rugosa, Ostrea flabellula), passent quelquefois à un calcaire arénacé (Romainville, Montmartre). L’immense terrain tertiaire de l’Italie, celui des collines subapennines, avec ossemens de cétacés et Ostrea hippopus, qui s’étend depuis Asti en Piémont jusqu’à Monteleone en Calabre, et que M. Brocchi a si bien décrit, appartient en grande partie, d’après les discussions de MM. Prevost et Brongniart, aux grès et sables qui reposent sur le gypse de Montmartre. Terrain lacustre avec Meulières poreuses, supérieur au Grès de Fontainebleau (Calcaire a lymnées). §. 39. C’est le grand terrain d’eau douce supérieur, composé sur quelques points de sables argilo-ferrugineux, de marnes et de meulières siliceuses, criblées de cavités (avec coquilles, plateau de Montmorency; sans coquilles, La Fertésous-Jouarre); sur d’autres, de silex, de marnes et de calcaires compactes (Château-Landon). Ces calcaires renferment des potamides, des lymnées, des planorbes, des bulimes, des hélix, et beaucoup d’empreintes de végétaux (Culmites anomalus, Lycopodites squammatus, Chara medicaginula, Nymphæa Arethusæ de M. Brongniart fils). Nous renvoyons pour l’histoire du grand terrain lacustre, qui a déjà été retrouvé dans presque toutes les parties de l’Europe, à la 2.e édition de la Description géologique des environs de Paris(art. VIII). Une contrée du globe où la plupart des formations tertiaires ont acquis un grand développement, et où, pour cette même cause, ces formations sont restées assez distinctes, nous a servi de type dans le tableau géognostique des formations tertiaires; mais il ne faut point oublier que dans d’autres contrées ce développement s’arrête à l’argile plastique ou au calcaire grossier: alors le gypse de Montmartre et le grès de Fontainebleau ne paroissent indiqués que par les places qu’occupent les marnes et les sables. Le terrain tertiaire réunit des formations qui se confondent partout où elles n’ont pas pris un égal accroissement, et où la fréquente alternance des marnes tend à masquer les limites des différentes assises. Il me resteroit à parler des dépôts d’alluvion, qui présentent d’importans problèmes sur l’origine des sables dans les déserts et les steppes (provenant du grès rouge, du grès bigarré, du quadersandstein, du terrain tertiaire?); mais ces dépôts si variés dans leur alternance, ne peuvent être l’objet d’un travail sur la superposition des roches. Terrains volcaniques. J’ai fait succéder, par des motifs que j’ai exposés plus haut, au terrain intermédiaire (Uebergangsgebirge), comme par mode de bisection, les formations secondaires et volcaniques. Cet arrangement offre l’avantage de rapprocher les porphyres et les syénites de transition, avec leurs couches bulleuses et pyroxéniques intercalées (§§. 23 et 24, Holmstrand en Norwége; Andes de Popayan; Cordillères du Mexique), des porphyres, des amygdaloïdes et des dolérites du grès rouge (§. 26, Noyant et Figeac en France; Écosse), des trachytes, des phonolithes et des basaltes du terrain exclusivement pyrogène. Dans un tableau de gisement, c’est déjà gagner beaucoup que de ne pas séparer ce qui se trouve lié dans la nature par des affinités vraiment géognostiques. On peut considérer le groupe de roches que l’on réunit généralement dans le terrain volcanique, sous un double point de vue, ou d’après une certaine conformité observée dans leur gisement et leur superposition, ou d’après les rapports de leur composition et de leur origine communes. Dans le premier cas, sans opposer le mode de formation des trachytes et des basaltes à celui des terrains primitifs et intermédiaires, on examine la place que doivent occuper, comme termes de la série géognostique, les grands systèmes de roches composées de feldspath, de pyroxène, d’amphibole, d’olivine et de fer titané, que l’on trouve, au nord et au sud de l’équateur, non recouvertes et comme surajoutées à d’autres terrains plus anciens, dans des circonstances entièrement analogues. Cette manière d’envisager et de classer les roches volcaniques est la plus conforme aux besoins de la géognosie positive. On réunit les roches trachytiques et basaltiques, non d’après leur composition minéralogique et la conformité apparente de leur origine, mais d’après leur agroupement et leur position; on les distribue parmi les autres roches d’après leur âge relatif, comme on a fait, dans les terrains primitifs et intermédiaires, avec les différentes formations de calcaires grenus (§§. 10 et 20), d’euphotides (§§. 19 et 25) et de porphyres (§§. 18, 22, 23 et 26). Dans le second cas, on isole, sous la dénomination de terrain volcanique, tout ce que l’on croit être incontestablement d’une origine ignée; on oppose les termes de la série pyrogène à d’autres séries de roches que l’on dit être d’une origine aqueuse. Par là on sépare d’une manière absolue ce qui offre dans la nature des passages graduels; au lieu d’explorer le gisement, ou de placer les roches dans l’ordre de leur succession, on s’attache de préférence aux questions historiques sur le mode de leur formation. J’avoue, et l’on ne sauroit se prononcer avec assez de franchise sur les premiers fondemens d’une science; j’avoue que ces classifications, d’après les diverses hypothèses que l’on se forme sur l’origine des choses, ne me paroissent pas seulement vagues et arbitraires, mais aussi très-nuisibles aux progrès de la géognosie de gisement; elles préjugent, d’une manière arbitraire et surtout trop absolue, ce qui est pour le moins encore extrêmement douteux. En divisant, d’après un usage suranné, les formations en primitives, intermédiaires, secondaires, tertiaires et volcaniques, on admet, pour ainsi dire, un double principe de division, celui de l’âge relatif ou de la succession des formations, et celui de leur origine. Si l’on distingue entre des nappes de laves et des roches, ou bien entre des roches volcaniques, des roches d’une origine neptunienne, et des matières formées par une prétendue liquéfaction aquoso-ignée, on attribue tacitement aux granites, aux porphyres et aux syénites intermédiaires, aux dolérites et aux amygdaloïdes du grès rouge, un mode de formation diamétralement opposé à celui d’une fusion ignée. D’après cette manière de procéder, qui appartient plutôt à la géogonie qu’à la géognosie positive, on considère tout ce qui n’est pas compris dans le terrain volcanique, dans les roches de trachyte et de basalte qui surmontent les autres terrains, comme formé par la voie humide, ou comme précipité d’une solution aqueuse. Il est presque inutile, dans l’état actuel des sciences physiques, de rappeler combien l’hypothèse d’une solution aqueuse est peu applicable aux granites et aux gneis, aux porphyres et aux syénites, aux euphotides et aux jaspes. Je ne hasarderai pas de prononcer ici sur les circonstances qui peuvent avoir accompagné la première formation de la croûte oxidée de notre planète; mais je n’hésite pas à me ranger du côté des géognostes qui conçoivent plutôt la formation des roches cristallines siliceuses par le feu que par une solution aqueuse, à la manière des travertins et d’autres calcaires lacustres. Les mots laves et roches volcaniques sont d’ailleurs aussi vagues que l’est le mot volcan, qui désigne tantôt une montagne terminée par une bouche ignivome, tantôt la cause souterraine de tout phénomène volcanique. Les trachytes qui surmontent le dos des Cordillères, appartiennent indubitablement aux roches pyrogènes, et cependant le mode de leur formation n’est pas celui des courans de laves postérieurs au creusement des vallées. L’action du feu volcanique par un cône isolé, par le cratère d’un volcan moderne, diffère nécessairement de l’action de ce feu à travers l’ancienne croûte crevassée de notre planète. En considérant les phénomènes volcaniques dans leur plus grande généralité, en réunissant ce qui a été observé dans les différentes parties du globe, on voit différer ces phénomènes entre eux, même de nos jours, de la manière la plus frappante. Ce ne sont pas les volcans de la Méditerranée, les seuls que l’on a étudiés avec soin, qui peuvent servir de type au géognoste et lui présenter la solution des grands problèmes géogoniques. L’élévation absolue des bouches ignivomes, variant depuis cent à deux mille neuf cent cinquante toises (Stromboli et Cotopaxi), influe non-seulement sur la fréquence des éruptions, elle modifie aussi la nature des masses rejetées. Quelques volcans n’agissent plus que par leurs flancs, quoiqu’ils offrent encore un cratère à leur sommet (Pic de Ténériffe); d’autres ont des éruptions latérales (j’en ai trouvé à Antisana dans les Andes de Quito, à 2140 toises de hauteur), sans que leur cime ait jamais été percée; d’autres encore, également creux dans leur intérieur, comme l’indiquent beaucoup de phénomènes (dôme trachytique du Chimborazo, 3350 toises), n’offrent aucune ouverture permanente au sommet et sur leur flanc (le Yana-Urcu, petit cône d’éruption, est placé dans le plateau de Calpi même), et n’agissent pour ainsi dire que dynamiquement, en ébranlant les terrains d’alentour, en fracturant les couches et en changeant la surface du sol. Rucu-Pichincha (2490 toises), qui a été l’objet particulier de mes recherches, n’a jamais jeté un courant de laves postérieur au creusement des vallées actuelles, pas plus que Capac-Urcu (près Riobamba nuevo), qui, avant l’écroulement de sa cime, a été plus élevé que le Chimborazo. Le grand volcan mexicain de Popocatepetl (2771 toises), au contraire, a eu des épanchemens de laves sous la forme de bandes étroites, tout comme les petits volcans de l’Auvergne et de l’Italie méridionale. Les îles qui sortent (dans quelques parages presque périodiquement) du fond des mers, ne sont pas, comme on le dit souvent par erreur, des amas de scories semblables au Monte novo de Pouzzole; ce sont des masses rocheuses soulevées, et dans lesquelles le cratère ne s’ouvre que postérieurement à leur soulèvement. ( Relat. histor. de mon Voyage aux régions équin., T. I, p. 171, et Essai politique, T. I, p. 254.) Au Mexique, dans l’intérieur des terres, sur un plateau trachytique à plus de trente-six lieues de distance de la mer, et loin de tout volcan brûlant, des montagnes de 1600 pieds de hauteur sont sorties (29 Septembre 1759) sur une crevasse, et ont jeté des laves qui enchâssent des fragmens granitiques. Tout à l’entour, un terrain de quatre milles carrés s’est soulevé en forme de vessie, et des milliers de petits cônes (hornitos de Jorullo), composés d’argile et de boules de basaltes à couches concentriques, ont hérissé cette surface bombée. Tous les volcans brûlans et toutes les cimes de la Nouvelle-Espagne qui s’élèvent au-dessus de la limite des neiges perpétuelles, se trouvent sur une zone étroite (Parallèle des grandes hauteurs, entre les 18° 59′ et 19° 12′ de latitude), qui est perpendiculaire à la grande chaîne des montagnes. C’est comme une crevasse de 137 lieues de long, qui s’étend depuis les côtes de l’océan Atlantique jusqu’à celles de la Mer du Sud, et qui semble se prolonger encore 120 lieues plus loin, vers l’archipel de Revillagigedo, couvert de tuffs ponceux. Ces alignemens des volcans, ces soulèvemens à travers des fentes continues, ces bruits souterrains (bramidos y truenos subteraneos de Guanaxuato, en 1784) qui se sont fait entendre au milieu d’un terrain de schistes et de porphyres de transition, rappellent, dans les forces encore actives du nouveau monde, les forces qui, dans les temps les plus reculés, ont soulevé les chaînes de montagnes, crevassé le sol, et fait faillir des sources de terres liquéfiées (laves, roches volcaniques fluides) au milieu de strates plus anciennement consolidés. Même de nos jours ces terres liquéfiées ne sortent pas constamment des mêmes ouvertures de l’orifice d’une montagne (cratère au sommet d’un volcan) ou de son flanc déchiré; quelquefois (Islande, plateau de Quito) la terre s’ouvre dans les plaines, et l’on en voit sortir ou des nappes de laves qui s’entrecroisent, se refoulent et se surmontent, ou de petits cônes d’une matière boueuse (moya de Pelileo et de Riobamba viejo, 4 Février 1797) qui semble avoir été un trachyte ponceux, et qui, combustible et tachant les doigts en noir, est mêlé de carbure d’hydrogène. (Humb., Essai politique sur la Nouv. Espagne, T. I, p. 47, 254. Id., Relat. historique, T. I, p. 129, 148, 154, 315; T. II, p. 16, 20, 23. Klaproth, Chem. Unterr. der Min., T. IV, p. 289.) Les roches que l’on a l’habitude de réunir sous le nom de substances du terrain (exclusivement) volcanique, ont été envisagées jusqu’ici beaucoup plus d’après les rapports oryctognostiques et chimiques de leur composition, ou d’après ceux de leur origine, que d’après les rapports géognostiques de leur gisement et de leur âge relatif. Le feu des volcans a agi à toutes les époques, lors de la première oxidation de la croûte du globe, à travers les roches de transition, les terrains secondaires et tertiaires. A l’exception de quelques roches lacustres ou d’eau douce, les roches volcaniques sont les seules dont la formation continue, pour ainsi dire, sous nos yeux. Si les laves des mêmes volcans (sources intermittentes de terres liquéfiées) varient à diverses époques de leurs éruptions, on conçoit combien des matières volcaniques qui, pendant des milliers d’années, se sont progressivement élevées vers la surface de notre planète, dans des circonstances de mélange, de pression, de refroidissement, si différentes, doivent offrir à la fois de contrastes et d’analogies. Il y a des trachytes, des phonolithes, des basaltes, des obsidiennes et des perlites de différens âges, comme il y a différentes formations de granites, de gneis, de micaschistes, de calcaires, de grauwacke, de syénites et de porphyres. Plus on approche des temps modernes, plus les formations volcaniques paroissent isolées, surajoutées, étrangères au sol sur lequel elles se sont répandues. Une longue intermittence de la source semble produire, même dans les volcans actuels, une grande variété dans les produits, et s’opposer à l’agroupement de matières analogues. Dans les formations de transition (Andes de la Nouvelle-Grenade et du Pérou; Cordillères du Mexique) les différens termes de la série géognostique se lient les uns aux autres; ils se montrent dans cette dépendance mutuelle que l’on observe entre les porphyres et les syénites, entre les thonschiefer, les grünstein et les calcaires de transition, entre les serpentines, les jaspes et les euphotides. Dans ce dédale de formations volcaniques de différens âges on n’a reconnu jusqu’à présent que quelques lois de gisement qui paroissent, sinon générales, du moins en harmonie avec des phénomènes observés dans les deux continens sur une grande étendue de terrain. Ce sont ces rapports de gisement seuls qui peuvent être discutés ici; tout ce qui regarde la composition des roches volcaniques, l’analyse mécanique de leur tissu et leurs classifications oryctognostiques, objets importans traités dans deux mémoires célèbres de M. Fleurian de Bellevue et de M. Cordier ( Journ. de physique, T. LI, LX et LXXXIII ), n’est pas du domaine de la géognosie des formations. On peut sans doute indiquer certains caractères par lesquels des roches ressemblent d’une manière plus évidente aux productions des volcans modernes: mais la couleur noire; la porosité à cellules alongées, couvertes d’un enduit lustré; la propriété de faire des gelées avec les acides; l’absence du quarz, du feldspath commun et des filons métalliques (aurifères et argentifères); la présence du pyroxène, du fer titané, du feldspath vitreux et fendillé, et des alcalis, ne peuvent plus, dans l’état actuel de nos connoissances, être considérées comme des caractères généraux des roches volcaniques. (Voyez plus haut, §§. 21, 23, 26.) Les masses volcaniques, ou regardées comme telles (roches empyrodoxes de M. Mohs, Charakter der Classen, 1821, p. 177), se trouvent ou par filons (dykes, dans toutes les formations, depuis le granite primitif jusqu’à la craie et les formations tertiaires; Écosse, Allemagne, Italie), ou en couches intercalées (calcaires et porphyres de transition; grès rouge), ou superposées, surajoutées à des terrains d’âges très-différens. Le contraste entre les roches volcaniques ou empyrodoxes intercalées, et les roches qui les renferment, est d’autant plus frappant que les dernières sont indubitablement non volcaniques, calcaires (Derbyshire) ou fragmentaires (grauwacke, grès houiller). Lorsque des masses empyrodoxes se trouvent, ou comme couches subordonnées, entre les strates de roches intermédiaires cristallines (porphyres et syénites), ou comme filons traversant les strates de roches primitives (granite-gneis), ces roches primitives et intermédiaires feldspathiques peuvent avoir, selon l’opinion de quelques géognostes, la même origine ignée que la masse des couches intercalées ou des filons (mandelstein, dolérites, basaltes), sans que les époques de formation et les circonstances dans lesquelles les forces volcaniques ont agi, aient été identiques. Les limites entre les filons et les bancs intercalés trappéens, pyroxéniques ou porphyriques, ne sont pas toujours si tranchées qu’on pourroit le croire d’après les définitions que l’on a coutume de donner des gîtes particuliers des minérais. Plusieurs de ces bancs ne sont que des amas entrelacés et formés par la réunion d’un grand nombre de filons. Lorsque ceux-ci suivent dans une grande épaisseur (voyez mes coupes du célèbre filon de Guanaxuato) la direction et l’inclinaison des strates de la roche, ils prennent tout l’aspect d’une couche. Nous insistons sur ces remarques, parce que la nouvelle géogonie a une tendance à faire monter, de bas en haut, des masses liquéfiées à travers des crevasses, tandis que l’ancienne géogonie expliquoit tout par des précipitations, par des mouvemens dans un sens opposé. On peut croire que ces directions doivent avoir été différentes selon la nature des matières qui se sont consolidées, selon qu’elles étoient cristallines et siliceuses, calcaires ou fragmentaires. La géognosie positive a profité de ces discussions sur l’origine ignée ou neptunienne des roches: mais elle rend les classifications indépendantes des résultats géogoniques; elle ne sépare pas les masses intercalées des terrains dans lesquels on les trouve, et elle ne laisse réunies, dans la division des roches dont nous nous occupons ici sous le nom de terrain volcanique, que des formations superposées, surajoutées à des formations primitives, intermédiaires, secondaires et tertiaires. La place que doit occuper une roche δ dans la série géognostique, est déterminée par la roche la plus récente, γ, qu’elle recouvre, et par la roche la plus ancienne, ε, dont elle est recouverte. Si δ est superposé à ε, il est tout naturel qu’on le trouve aussi placé sur les roches plus anciennes α, β, γ, qui sont les termes précédens de la série. L’application de ce principe très-simple de la géognosie de gisement exige beaucoup de circonspection, lorsqu’il s’agit de roches trachytiques, basaltiques et phonolithiques. Un même courant de laves, une même nappe de masses pyroxéniques répandues à la fois sur du granite, sur du micaschiste et sur un terrain d’eau douce, offrent sans doute des preuves incontestables d’une origine postérieure aux formations tertiaires les plus modernes: mais l’âge d’une formation volcanique est plus difficile à déterminer quand il n’y a pas continuité de masse, et quand on confond, sous une dénomination générale, des matières qui se sont épanchées latéralement, avec d’autres qui ont percé de bas en haut, par soulèvement, à travers des roches préexistantes. Là où des trachytes et des basaltes se trouvent réunis, la formation la plus récente sur laquelle sont appuyés les basaltes, ne fixe pas nécessairement l’âge des trachytes: l’une et l’autre de ces roches ont, sans doute, été produites d’une manière différente et non simultanée. Il se pourroit même que, dans une région de peu d’étendue, diverses masses trachytiques isolées, mais d’une composition analogue, ne fussent pas d’une même formation, les unes sortant d’une syénite de transition, les autres de roches primitives. Le plus souvent l’accumulation des conglomérats trachytiques masque à tel point le gisement des trachytes, que l’on ne peut deviner leur superposition. C’est ainsi que l’on croit les trachytes du Siebengebirge, près de Bonn, sortis du grauwacke, et ceux d’Auvergne sortis d’un plateau de granite qui pourroit bien déjà appartenir au terrain intermédiaire. De même qu’il faut distinguer entre les véritables coulées basaltiques avec olivine et les masses pyroxéniques noires, bulleuses, intercalées aux trachytes et à quelques porphyres de transition, de même aussi il ne faut pas confondre les véritables trachytes (Drachenfels, Chimborazo, Antisana) avec des laves feldspathiques (leucostiniques) qui ont coulé par bandes étroites (ancien cratère de la Solfatare près Naples) et qui peuvent se répandre sur des conglomérats tuffacés. ( Dolomieu, dans le Journ. des mines, n.os 41, 42 et 69; Nose, Niederrh. Reise, T. II, p. 428; Spallanzani, Voy. dans les deux Siciles, T. III, p. 196; Ramond, Nivell. géogn. de l’ Auvergne, p. 11, 91; Buch, Geogn. Beob., T. II, p. 178, 205; Id., dans les Mém. de l’ Acad. de Berlin, 1812, p. 129 — 154; Beudant, Voy. en Hongrie, T. III, p. 508 — 513, 521 — 527 et 530 — 544.) En Hongrie, le terrain trachytique paroît s’être formé entre l’époque des terrains secondaires et celle des terrains tertiaires. M. Beudant, qui a donné sur les roches de trachyte le traité le plus complet que nous possédions, les a vues reposer sur des grünstein (Kremnitz, Dregely, Matra) et sur des calcaires de transition (Glashütte, Neusohl). Les conglomérats trachytiques recouvrent aussi en Hongrie des grauwackes schisteux, et même un calcaire magnésifère, qui paroît appartenir à la formation du Jura. Dans cette partie orientale de l’Europe, le grès à lignites, le calcaire grossier et d’autres roches tertiaires sont superposés à leur tour à ces conglomérats. Des superpositions semblables de grès, de gypse et de calcaires d’une origine très-récente, ont été observées par M. de Buch et par moi aux îles Canaries et dans les Cordillères des Andes. D’après un excellent observateur, M. Breislak ( Atlas géol., pl. 39), les trachytes des Monts Euganéens reposent (Schivanoja, près de Castelnuovo) sur le calcaire du Jura; mais dans la région du monde la plus abondante en roches trachytiques, dans la partie occidentale du nouveau continent, tant au nord qu’au sud de l’équateur, je n’ai vu nulle part les trachytes se faire jour à travers des formations si modernes. Les résultats de gisement les plus importans qu’ont offerts mes voyages dans la zone volcanique des Andes (1801 — 1804), se réduisent aux faits suivans. Toutes les cimes les plus élevées des Cordillères sont des trachytes. Les volcans actuels agissent tous par des ouvertures formées dans le terrain trachytique. Ce terrain embrasse par zones une grande partie des Cordillères; mais il s’étend rarement vers les plaines, et les volcans encore enflammés, loin d’être solitaires ou associés par groupes de forme irrégulière plus ou moins circulaire, comme en Europe ( Ramond, Niv., p. 45; Humb., Rel. hist., T. II, p. 16), se suivent, à la manière des volcans éteints de l’Auvergne et des cratères brûlans de l’île de Java, par files, tantôt dans une série, tantôt sur deux lignes parallèles. Ces lignes sont dirigées généralement (montagnes de Guatimala, de Popayan, de los Pastos, de Quito, du Pérou et du Chili) dans le sens de l’axe des Cordillères, quelquefois (Mexique) elles font avec cet axe un angle de 70°. Là même où les trachytes, par leur accumulation, ne couvrent pas le sol entier, ils se trouvent comme éparpillés en petites masses sur le dos et la crête des Andes, s’élevant en forme de rochers pointus au sein des roches primitives et de transition. Les trachytes et les basaltes se montrent rarement réunis, et ces deux systèmes de roches semblent se repousser mutuellement. De véritables basaltes avec olivine ne forment pas des couches intercalées dans le trachyte; mais lorsqu’ils se trouvent rapprochés des trachytes (entre Quito et la Villa de Ibarra; Julumito à l’ouest de Popayan; vallée de Santiago dans la Nouvelle-Espagne; Cerros de las Cuevas et de Canoas près du volcan de Jorullo), ce sont les basaltes et les mandelstein qui recouvrent ces derniers. Les roches trachytiques ont leur siége principal dans le terrain de transition, dans les grandes formations de syénites et de porphyres (§§. 21 et 23), antérieures et postérieures aux grauwackes et aux thonschiefer, surtout dans la première de ces formations, qui recouvre immédiatement les roches primitives. Lorsque, dans les Andes, les trachytes paroissent couvrir des granites avec amphibole, ou des gneis et des micaschistes verts et stéatiteux, il reste douteux si ces dernières roches, loin d’être primitives, n’appartiennent pas plutôt au terrain de transition. On peut regarder comme également problématique, si ces apparences de recouvremens, ces superpositions des roches trachytiques sur des formations préexistantes ne sont pas plutôt de simples appositions, et si le trachyte (Extentam tumefecit humum, ceu spiritus oris Tendere vesicam solet, aut direpta bicornis Terga capri; tumor ille loci permansit, et alti Collis habet speciem, longoque induruit ævo, dit Ovide, Metamorph., lib. IX, du cône soulevé de Trécène dans l’Argolide), si le trachyte, dis-je, en soulevant et en brisant l’ancienne croûte du globe, n’est pas sorti perpendiculairement sous la forme de cloches (Chimborazo), ou bien sous celle de châteaux forts en ruines (sommet des Cordillères du Pérou, entre Loxa et Caxamarca). Les trachytes des Andes et du Mexique, qui renferment du perlite et de l’obsidienne, ne sont généralement recouverts que par d’autres roches volcaniques (phonolithes, basaltes, mandelstein, conglomérats et tuffs ponceux). Quelquefois de petites formations locales, calcaires et gypseuses, que l’on peut appeler tertiaires, parce qu’elles sont certainement postérieures à la craie, surmontent les trachytes; mais vers le bas ces mêmes trachytes des Cordillères, surtout lorsqu’ils ne sont pas recouverts, sont géognostiquement liés de la manière la plus intime avec les porphyres poreux et fendillés du terrain de transition: porphyres dépourvus de quarz et renfermant du pyroxène et du feldspath vitreux, quelquefois riches en filons argentifères et supportant sur d’autres points des formations secondaires, même du calcaire de transition, noir et carburé (voyez plus haut, p. 151, 158 — 181, 205 — 213). Cette liaison pourra motiver un jour, dans nos méthodes, la suppression du terrain volcanique, en tant qu’on le considère comme opposé, par le mode de sa formation et de son origine, aux roches de tous les autres terrains. Il y a des roches volcaniques dans le terrain de transition et dans le grès rouge, comme il y a des roches fragmentaires, agglomérées, remaniées par les eaux, dans le terrain volcanique. Ce dernier mot, pour lui donner un sens précis, seroit le mieux appliqué aux seules productions des volcans qui ont agi postérieurement à l’existence de nos vallées. Quoique, d’après les observations faites dans les deux continens, les trachytes et d’autres roches analogues qui paroissent dus à la même action des forces volcaniques, et dans lesquels le feldspath compacte ou vitreux domine sur l’amphibole et le pyroxène, se trouvent principalement dans le terrain de transition et sur les limites de ce terrain et des roches secondaires les plus anciennes, on ne peut étendre cette conclusion aux basaltes, qui sont souvent enclavés dans le granite primitif (Schneekoppe en Silésie; Roche rouge, près de Serassac dans le Vélay), et qui sont peut-être antérieurs à certaines formations de trachytes? Dans une contrée très-circonscrite, dans un même agroupement de roches volcaniques, les trachytes grenus ou porphyres trachytiques, qu’il ne faut pas confondre avec des roches fragmentaires ou des conglomérats de trachytes beaucoup plus modernes, sont généralement d’une formation plus ancienne que les basaltes qui les recouvrent en coulées ou en larges nappes. Au contraire, les basaltes, postérieurs aux conglomérats trachytiques et ponceux, sont le plus souvent antérieurs aux conglomérats et tuffs basaltiques; mais, nous le répétons, dès que nous devons comparer des lambeaux épars d’un terrain de trachytes, de phonolithes ou de basaltes, lambeaux non recouverts et gisant dans des formations granitiques, intermédiaires ou secondaires, ces roches de trachytes, de basaltes et de phonolithes ne peuvent plus être rangées comme termes d’une même série géognostique. Ce qui sort du granite le plus ancien, peut être postérieur à une roche analogue qui s’est fait jour à la fois à travers des roches de transition. L’oryctognosie ou minéralogie descriptive, qui analyse le tissu des substances volcaniques, parviendra à les classer d’après les principes que M. Cordier a si bien établis dans son mémoire sur la composition des roches pyrogènes de tous les âges; mais la géognosie, qui ne considère que l’âge relatif et les gisemens, sera forcée de compter un grand nombre de roches incertæ sedis, même lorsqu’une plus vaste partie de la terre aura été examinée avec soin. Cette incertitude ne tient pas à l’imperfection des méthodes, mais à l’impossibilité de comparer, sous le rapport de leur succession ou de l’époque de leur origine, des masses rocheuses éparses et non recouvertes. L’historien de la nature, comme celui des révolutions du genre humain, recueille, compare et discute tous les faits; mais il ne peut coordonner par séries ceux qui ne présentent aucun caractère chronologique. Dans cet état des choses, loin de mêler des considérations oryctognostiques aux classifications de la géognosie positive, il me paroît convenable de ranger les roches volcaniques d’après le type de gisement que l’on observe le plus généralement dans les deux hémisphères, là où le plus grand nombre de ces roches se trouve agroupé. La grande masse des substances dans lesquelles le feldspath prédomine (trachytes, leucostines), sera suivie, comme dans les tableaux oryctognostiques, de la grande masse des substances dans lesquelles prédomine le pyroxène (basaltes, dolérites); mais cette harmonie apparente entre des méthodes fondées sur deux principes différens, celui de la composition et celui de l’ordre des gisemens, disparoît dès que l’on examine les formations partielles ou in tercalées. Le géognoste distingue alors entre les phonolithes des trachytes et les phonolithes des basaltes; il place des leucostines compactes dans le terrain pyroxénique, comme il indique une formation de dolérites (mélange de feldspath et de pyroxène, dans lequel la dernière substance est la plus fréquente) au milieu des leucostines ou trachytes. C’est d’après ces principes que j’ai esquissé la distribution des roches volcaniques, dont le tableau a été placé à la fin des terrains de transition (p. 232). Cette distribution se fonde sur les observations vraiment géognostiques publiées par MM. Léopold de Buch, Breislak, Boué et Beudant, et sur celles que j’ai eu occasion de faire moimême en Italie, au Pic de Ténériffe, dans les Cordillères de la Nouvelle-Grenade, de Quito et du Mexique. J’ajouterai à la nomenclature des terrains l’indication succincte des gisemens les plus intéressans de l’ Amérique équinoxiale. I. Formations trachytiques, comprenant les trachytes grenus (granitoïdes et syénitiques); les trachytes porphyriques ou porphyres trachytiques, en partie pyroxéniques, en partie celluleux, avec nids siliceux (meulières trachytiques ou porphyres molaires de M. Beudant); les trachytes semi-vitreux; les perlites avec obsidienne, et les phonolithes des trachytes. On peut ajouter à cette série les conglomérats trachytiques et ponceux, avec alunite, soufre, opale et bois opalisé; car chaque terrain volcanique, comme chaque roche intermédiaire et secondaire, a ses conglomérats, c’est-à-dire, ses roches fragmentaires, dont elle a fourni les premiers élémens. Les trachytes (granites chauffés en place des anciens minéralogistes, porphyres trappéens, beaucoup de laves pétrosiliceuses de Dolomieu, domites de MM. de Buch et Ramond, nécrolithes de M. Brocchi, leucostine granulaire de M. Cordier) n’offrent généralement, dans l’ancien continent, que peu de traces de stratification; mais dans les Cordillères des Andes ils sont souvent très-régulièrement stratifiés (Chimborazo, N. 60° E.; Assuay, N. 15° E.), mais variant par groupe et de direction et d’inclinaison, comme font les phonolithes du terrain basaltique (Mittelgebirge en Bohème). La structure en colonnes (prismes de 4 à 7 pans) est très-commune dans les trachytes porphyriques des Cordillères, non-seulement dans les roches noires à base de rétinite (pechstein) avec feldspath vitreux et pyroxène (Passuchoa, près de la ville de Quito, au sud des collines de Poingasi; Faldas de Pichincha; Paramos de Chulucanas, Aroma et Cunturcaga, dans les Andes du Pérou, entre Loxa et Caxamarca); mais aussi dans les trachytes gris-verdâtre du Chimborazo (prismes minces de 50 pieds de long; hauteur du plateau, 2180 toises), comme dans les trachytes granitoïdes de Pisojè, au pied du volcan de Puracè. Ces derniers sont gris-verdâtre, renferment du mica noir, du feldspath commun et un peu d’amphibole, et leur ressemblance avec les graniti colonnari des Monts Euganéens les éloigne beaucoup (p. 169) des porphyres du terrain de transition. La structure globulaire (en sphéroïdes à couches concentriques) paroît plutôt appartenir aux formations basaltiques qu’aux véritables trachytes. Les teintes pâles dominent dans les trachytes des Cordillères, et les masses noires de cette roche m’ont paru en général postérieures aux masses blanches, grises et rouges. La même différence de gisement paroît avoir lieu en Hongrie. Les trachytes noirs prennent quelquefois (Rucu-Pichincha près de Quito, surtout à l’arête de Tablahuma, 2356 toises) tout l’aspect du basalte; mais l’olivine y manque toujours, et l’on n’y reconnoît que de petits cristaux de pyroxène qui pénètrent jusque dans l’intérieur des cristaux du feldspath vitreux. Dans les Andes, comme dans l’ancien continent, chaque cône ou dôme trachytique (les premiers ne paroissent que des dômes ou cloches percées à leur sommet et couvertes sur leurs flancs d’éjections ponceuses et scorifiées) présente des roches entièrement différentes dans leur composition, selon que l’un des élémens prédomine dans le tissu cristallin. Le mica noir est le plus commun dans les trachytes du Cotopaxi (entre le Nevado de Quelendaña et le ravin de Suniguaicu, 2263 t.), volcan qui abonde en même temps en masses vitreuses et en obsidiennes; l’amphibole domine dans les trachytes souvent noirs de Pichincha et d’Antisana; le pyroxène dans la région inférieure et moyenne du Chimborazo, dont les trachytes renferment quelquefois des pyrites, du quarz, et deux variétés de feldspath, le vitreux et le commun. L’ancien volcan de Yana-Urcu, adossé au Chimborazo (du côté du village de Calpi), est dépourvu de pyroxène et contient de grands cristaux d’amphibole. Dans les trachytes du Nevado de Toluca (Mexique) et d’Antisana on observe souvent, comme dans les trachytes du Puy-de-Dôme, des parties bulleuses et scorifiées à cellules lustrées, enchâssées dans des masses compactes et terreuses. Les phonolithes des trachytes sont plus caractérisés dans le volcan de Pichincha (Pic des Ladrillos et Guagua-Pichincha), de même qu’à la pente orientale du Chimborazo, près de Yanacoche (hauteur, 2300 t.). A Antisana (Machay de San-Simon) et au nord de la Villa de Ibarra (Azufral de Cuesaca, plateau de Quito) les trachytes à base de feldspath compacte, mêlé d’amphibole, renferment du soufre natif, comme le trachyte du Puy-de-Dôme et des bords de la Dordogne ( Ramond, Niv. géogn., p. 75, 86). Il ne faut pas confondre cette formation de soufre natif avec celles des solfatares ou cratères éteints, des mandelstein celluleux (entre Pate et Tecosautla au Mexique) et des argiles du terrain basaltique (province de los Pastos). L’épaisseur des couches de trachytes est telle que sur le plateau de Quito elle atteint indubitablement et en masses continues (Chimborazo, Pichincha) 14,000 à 18,000 pieds. Comme très-peu de volcans des Andes ont donné de véritables coulées de laves lithoïdes, les trachytes y sont presque partout à découvert. Il n’y a que les conglomérats trachytiques, et des formations problématiques argileuses (tepetate), dont nous parlerons bientôt, qui les cachent quelquefois à l’examen des géognostes. J’ai trouvé du feldspath commun et laiteux dans les trachytes poreux, légers et blancs, du Cerro de Santa Polonia (1532 toises, près de Caxamarca, Andes du Pérou); à la cime du Cofre de Perote au Mexique (le Peña del Nauhcampatepetl, 2098 toises), dans un trachyte gris-rougeâtre, abondant en cristaux aciculaires d’amphibole et très-régulièrement stratifié (N. 28° E. avec 30° au N. O.); au volcan encore actif de Tunguragua, au sud de Quito (Cuchilla de Guandisava, 1658 t.), dans des trachytes rouge-de-brique et celluleux; enfin, à la base du Chimborazo, près du petit volcan éteint de Yana-Urcu (1700 t.), dans des trachytes noirs et vitreux. M. de Buch, qui a examiné avec soin ces dernières roches, y a même reconnu à la fois des cristaux de feldspath vitreux et de feldspath commun, phénomène que j’ai trouvé répété dans plusieurs porphyres de transition du Mexique. Les petits cristaux aciculaires d’amphibole sont quelquefois placés comme par files sur plusieurs lignes parallèles, et affectent tous la même direction (vallée du Cer au Cantal; trachytes gris-blanchâtre de Riobamba viejo, avec rhombes de feldspath décomposé en une terre jaunâtre). Le mica est beaucoup plus rare dans les trachytes du Mexique et des Andes que dans ceux du Siebengebirge, des Gleichen en Styrie, près de Radkersburg, et de Hongrie: j’en ai trouvé cependant de belles tables noires hexagones, tant à la base du volcan de Pichincha (près de Javirac ou du Panecillo de Quito, 1600 t.), que dans les trachytes semivitreux gris-bleuâtre de Cotopaxi, et dans les trachytes rouges et poreux du Nevado de Toluca (sommet du Fraile, 2372 toises). Le titane ferrifère ne manque pas dans les trachytes de Quito et du Mexique; mais les lames de fer oligiste spéculaire, également communs dans les trachytes et les laves de l’Italie et de la France, sont assez rares dans les roches volcaniques fendillées de l’Amérique équinoxiale. En considérant les trachytes des Cordillères sous un point de vue général, il n’y a pas de doute qu’on ne les trouve caractérisés par une absence de quarz en cristaux et en grains. Ce caractère, comme nous l’avons vu plus haut, s’étend même sur la plupart des porphyres métallifères de l’Amérique équinoxiale (§§. 23 et 24), qui semblent liés aux trachytes; mais l’une et l’autre de ces roches offrent des exceptions frappantes à une loi que l’on auroit pu croire générale. Ces exceptions prouvent de nouveau que le géognoste ne doit pas attacher une grande importance à la présence ou à l’absence de certaines substances disséminées dans les roches. La plus grande masse du Chimborazo est formée par un trachyte semi-vitreux, vert-brunâtre (à base cireuse, comme de résinite), dépourvu d’amphibole, abondant en pyroxène, très-compacte, tabulaire, ou divisé en colonnes minces, irrégulières et tétraèdres. Ce trachyte renferme, comme couche intercalée, un banc rouge pourpré, celluleux, à cristaux de feldspath à peine visibles, et parsemé de nodules alongés de quarz blanc. Plus haut (à 3016 toises de hauteur, où nous vîmes descendre le mercure dans le baromètre à 13 pouces 11 [Formel] lignes), le quarz disparoît, et l’arête de rocher sur laquelle nous marchâmes étoit couverte d’une traînée de masses rouges, bulleuses, désagrégées et assez semblables aux amygdaloïdes de la vallée de Mexico. Ces masses, les plus élevées de celles qu’on a recueillies jusqu’ici à la surface de la terre, étoient rangées en file, et pourroient faire croire à l’existence d’une petite bouche près du sommet du Chimborazo, bouche qui s’est vraisemblablement refermée, comme celles de l’Epomeo, à l’île d’Ischia, et de Guambalo et d’Igualata, entre Mocha et Penipe (province de Quito). Sur le plateau central du Mexique les trachytes de Lira enchâssent à la fois du quarz laiteux, de l’obsidienne et de l’hyalithe. M. Beudant a aussi reconnu récemment des cristaux de quarz dans les trachytes porphyriques (à globules vitro-lithoïdes), dans les trachytes meulières et les perlites de Hongrie ( Voy. en Hongrie, T. III, p. 346, 365, 519, 575). Le même phénomène se trouve répété dans quelques trachytes de l’Auvergne (Puy Baladou; Cantal, Col de Caboe), des Dardanelles et du Kamtschatka. Lorsqu’on se rappelle qu’il y a, d’après l’analyse de M. Vauquelin, 92 pour cent de silice dans les trachytes du Sarcouy, que tous les basaltes et les laves en abondent, il faut plutôt être surpris que cette substance disséminée dans des silicates de fer et d’alumine n’ait pu se réunir plus souvent sans mélange en cristaux ou grains de quarz pur. Ce n’est que la difficulté opposée à la concentration de la silice autour d’un noyau qui caractérise une grande partie des roches volcaniques. (Voyez plus haut, p. 164.) Le pyroxène a été regardé jusqu’ici comme extrêmement rare dans les trachytes d’Europe. La couche de pyroxène que M. Weiss a découverte entre Muret et Thiezac (au-dessus d’Aurillac en Auvergne; Buch, über Trapp-Porphyr, p. 135), semble plutôt appartenir à une formation basaltique superposée au trachyte. Mais en Hongrie ( Beudant, T. III, p. 317, 519), comme dans la Cordillère des Andes, le pyroxène se trouve assez souvent dans les trachytes porphyroïdes: il y remplace l’amphibole (Chimborazo, Tunguragua, base du volcan de Pasto, région moyenne du volcan de Puracè, près de Popayan). L’espèce de répulsion qu’on croit observer entre le pyroxène et l’amphibole, est d’autant plus frappante que dans le terrain basaltique ces deux substances se trouvent assez souvent réunies (Rhönegebirge en Allemagne). Les trachytes du Mexique m’ont paru assez généralement dépourvus de pyroxène. Le grenat, que nous avons déjà vu dans les porphyres de transition du Potosi et d’Izmiquilpan, reparoît, quoique très-rarement, dans les trachytes des Andes: j’en ai trouvé dans le volcan de Yana-Urcu (trachyte noir); M. Beudant en a recueilli dans les perlites lithoïdes d’Hongrie. Je doute aujourd’hui de l’existence de l’olivine dans le terrain trachytique des Cordillères: ce que j’avois pris pour cette substance, étoient des grains de pyroxène d’une teinte très-peu foncée. L’olivine appartient peut-être exclusivement aux terrains basaltiques et à quelques laves lithoïdes. M. de Buch l’a reconnue parmi les éjections du volcan de Jorullo, qui forment un tissu à petit grain d’olivine, de feldspath vitreux et de mica jaune. Il n’y a aucune trace d’amphibole ni de pyroxène, quoique ce volcan se soit fait jour à travers un terrain de trachyte. M. Beudant doute aussi de la présence de l’olivine dans les trachytes de Hongrie, même dans ceux du groupe de Vihorlet. Lorsque des chimistes se seront occupés plus spécialement des trachytes des Cordillères, qui offrent une si grande variété de roches, on y découvrira probablement aussi de l’acide muriatique (comme au Sarcouy en Auvergne) et du mica commun mélangé de titane oxidé, comme au Vésuve. ( Soret, Sur les axes de double réfraction, 1821, p. 59.) Les observations que l’on peut faire sur le gisement des roches volcaniques, offrent plus d’intérêt encore que l’étude de leur composition. Les trachytes du volcan éteint de Tolima (§. 7) semblent sortir d’un granite postérieur au gneis primitif. J’ai vu paroître (Alto del Roble) le micaschiste (p. 129) sous les trachytes des volcans encore brûlans de Popayan. Les granites à travers lesquels les dômes trachytiques du Baraguan et de Herveo (Ervè) se sont fait jour, sont peut-être d’un âge plus récent que le micaschiste. L’observation de gisement la plus importante que j’aie faite dans l’immense plateau entièrement trachytique de Quito (espèce de volcan polystome), a rapport aux trachytes de Tunguragua. Après avoir cherché en vain, pendant plus de six mois, quelque trace de roches vulgairement appelées d’origine neptunienne, j’ai trouvé, près du pont de cordage de Penipe (Rio Puela, 1240 toises), sous les trachytes noirs semivitreux, souvent colonnaires, du cône encore enflammé de Tunguragua, un micaschiste verdâtre, à surface striée et soyeuse, renfermant des grenats et ressemblant aux micaschistes du terrain primitif (voyez plus haut, p. 119). Cette roche repose sur un granite syénitique, composé de beaucoup de feldspath verdâtre lamelleux et à gros grains, de peu de quarz blanc, de tables hexagones de mica noir, et de quelques cristaux effilés d’amphibole. La cassure du granite offre un aspect stéatiteux, et prend, au souffle, une teinte vert-d’asperge. Ces syénites et ces micaschistes avec grenats rappellent ceux que MM. de Buch et Escolar ont découverts dans l’archipel des Canaries, en blocs, au milieu des terrains trachytiques de Fortaventura et de Palma. (Humboldt, Rel. hist., T. I, p. 640.) Il est très-certain que les roches de Penipe, qui n’appartiennent peut-être qu’au terrain de transition, sont en place; qu’elles viennent au jour sous un véritable trachyte grenu, et non sous une roche fragmentaire, sous un conglomérat trachytique, comme c’est le cas à Vic, à Aurillac et à S. Sigismond ( Buch, Trapp-Porphyr, p. 141): mais, sans percer une galerie dans le flanc de Tunguragua, il est impossible de décider s’il y a superposition, si le trachyte recouvre le micaschiste sur une grande étendue, comme la craie recouvre le calcaire du Jura, ou si le trachyte, en brisant les roches plus anciennes et en s’élevant perpendiculairement, s’est simplement incliné vers les bords sur le micaschiste adjacent. Autour du cône trachytique de Cayambe on trouve aussi du micaschiste avec épidote, et un granite qui abonde en mica brun et jaune. Plus au nord, dans les Cordillères du Popayan, en montant au village de Puracè, j’ai vu, sous le grand volcan de ce nom, près de Santa-Barbara, le trachyte semi-vitreux appuyé sur une syénite porphyrique (avec feldspath commun): cette syénite est bien visiblement superposée sur un granite de transition abondant en mica (p. 167). Au pied des volcans mexicains encore actifs (le Popocatepetl et le Jorullo), nous n’avons pas été assez heureux, M. Bonpland et moi, de découvrir des roches de granite, de micaschiste ou de syénite en place; mais nous avons vu enchâssées, au milieu des laves lithoïdes noires et basaltiques de Jorullo, des fragmens anguleux blancs ou blanc-verdâtre de syénite, composés de peu d’amphibole et de beaucoup de feldspath lamelleux. Là où ces masses ont été crevassées par la chaleur, le feldspath est devenu filandreux, de sorte que les bords de la fente sont réunis dans quelques endroits par les fibres alongées de la masse. Dans l’Amérique du Sud, entre Almaguer et Popayan, au pied du Cerro Broncaso, j’ai trouvé de véritables fragmens de gneis compactes dans un trachyte abondant en pyroxène (p. 171). Ces phénomènes, auxquels je pourrois en ajouter beaucoup d’autres, prouvent que les formations trachytiques sont sorties au-dessous de la croûte granitique du globe. Les obsidiennes dont nous avons rapporté, M. Sonneschmidt et moi, de si curieuses variétés en Europe, m’ont paru appartenir, dans les Cordillères, à deux sections bien distinctes du terrain trachytique, aux véritables trachytes noirs (Cerro del Quinche, au nord de Quito) et blancs (Cerro de las Novajas ou Oyamel, au nord-est de Mexico), et à la perlite (Cinapecuaro, entre Mexico et Valladolid). Il faut distinguer de ces deux formations les obsidiennes des courans de laves modernes (Pic de Ténériffe), formant la partie supérieure de ces courans. Les fragmens de roches vomis par le cratère de Cotopaxi, et remplis de rognons d’obsidienne, paroissent arrachés aux parois du cratère; mais les morceaux d’obsidienne lancés par le volcan de Sotara, près de Popayan, à des distances de plusieurs lieues, méritent plus d’attention. Les champs de los Serillos, des Uvales et de Palacè, en sont couverts. On les trouve disséminés comme des fragmens de silex; ils reposent sur des roches basaltiques, auxquelles cependant ils sont entièrement étrangers. Ces obsidiennes de Popayan ont souvent la forme de larmes ou même de boules à surface tuberculeuse: elles offrent, ce que je n’ai vu nulle part ailleurs, toutes les nuances de couleurs, depuis le noir foncé, jusqu’à celle d’un verre artificiel entièrement incolore. Elles sont quelquefois mêlées de fragmens d’émaux lancés par le même volcan de Sotara, et que l’on seroit tenté de prendre pour de la porcelaine de Réaumur . La pâte des trachytes semi-vitreux gris-bleuâtre et à cassure conchoïde (volcan de Puracè, près Popayan, dans la plaine du Cascajal, à 2274 toises de hauteur), passe sans doute quelquefois à l’obsidienne; mais les grandes masses de véritables obsidiennes, disposées par couches ou par rognons à contours bien prononcés, se trouvent dans d’autres variétés de trachytes. Nous avons déjà décrit plus haut les roches du Cerro de las Navajas (§. 23), où se trouvent les obsidiennes châtoyantes, striées et argentées (plateadas), généralement disséminées par fragmens, mais formant quelquefois aussi des couches dans un trachyte blanc. Des couches analogues, mais d’une épaisseur de 14 à 16 pouces, sont intercalées aux trachytes noirs pyroxéniques du Cerro del Quinchè (plateau de Quito). Elles offrent des obsidiennes noir-verdâtre et veinées de bandes rouge-de-brique. Près de l’Hacienda de Lira, au nord de Queretaro (plateau du Mexique, 995 toises), j’ai trouvé dans des trachytes vert-d’olive et à base de rétinite (trachytes qui renferment à la fois du feldspath vitreux et des grains de quarz disséminés), des couches d’obsidienne noire de trois pouces d’épaisseur. Sur d’autres points du plateau de la Nouvelle-Espagne; à Cinapecuaro, au pied du Cerro Ucareo (dans le chemin de Valladolid de Mechoacan à Toluca, hauteur 968 toises), et entre Ojo del agua et El Pinal (dans le chemin de la Puebla de los Angeles à Perote, hauteur 1180 toises), les obsidiennes se trouvent par rognons dans un perlite (perlstein) à éclat émaillé, composé de petits globules semi-vitreux blanc-grisâtre. Je n’y ai pas vu de mica, mais des infiltrations d’hyalithe et quelques petits cristaux de feldspath filandreux, presque ponceux. A Cinapecuaro, le perlite forme de petites collines coniques, entourées de pics de basaltes et de dômes trachytiques. La roche est très-régulièrement stratifiée (N. 22° E., incl. de 80° au Nord-ouest): on la prendroit de loin pour un grès schisteux. L’obsidienne noire, vert-noirâtre et vert-grisâtre, s’y trouve par nids ou rognons de deux à cinq pouces d’épaisseur, de sorte que, par la juxtaposition de ces rognons, le perlite paroît quelquefois enchâssé dans une véritable roche d’obsidienne. Dans les plaines orientales du Mexique, entre Acaxete, Ojo del agua et El Pinal, l’obsidienne est moins abondante, mais souvent rubanée comme du jaspe. Le perlite y renferme beaucoup de tables hexagones de mica noir; il est souvent fibreux et passe à ce que M. Beudant appelle (T. III, p. 364, 389) perlite ponceux. En général, les obsidiennes du Mexique et des Andes de Quito offrent, et souvent sur une plus grande échelle, les mêmes phénomènes de composition que l’on observe dans ceux de Lipari et de Volcano, et que quelques géognostes ont attribués jadis à une dévitrification (glastinisation). On y trouve enchâssés de petits cristaux de feldspath vitreux; des masses polyèdres de perlstein remplissant entièrement les vacuoles dans lesquelles on les suppose formés; des agrégations de grains cendrés, d’un aspect terreux et distribués par zones parallèles souvent interrompues; enfin, des fragmens de trachyte brun-rougeâtre, à demi-fondus, placés tous d’un même côté, à l’extrémité de vacuoles très-alongées et parallèles entre elles. M. de Buch, qui a fait un examen particulier des substances volcaniques recueillies dans la région équinoxiale du nouveau monde, observe que les masses de perlites, tantôt sphéroïdales, tantôt octogones dans leur coupe, ont constamment au centre un cristal très-petit de feldspath vitreux ou d’amphibole, et que la position de ce cristal a déterminé la forme de tout le système. ( Buch, dans les Schriften Naturf. Freunde, 1809, p. 301. Humboldt, Rel. hist., T. I, p. 161.) M. Beudant a trouvé des grenats rouges dans les perlites rétinitiques de Hongrie (Vissegrad), qui ressemblent au pechstein-porphyr du terrain de transition: j’en ai vu d’également rouges au sommet du volcan de Puracè, dans un trachyte bleuâtre, semi-vitreux, à cassure conchoïde, dépourvu de mica et d’amphibole, mais enchâssant, outre le pyroxène et le feldspath vitreux, des points cendrés semblables à ceux que l’on remarque dans les obsidiennes de Lipari et du Cerro de las Navajas. La présence des grenats dans des roches généralement mêlées d’amphibole reçoit quelque importance par les observations ingénieuses de M. Berzelius ( Nouv. Système de minéralogie, p. 301) sur les affinités chimiques du grenat et de l’amphibole renfermant des silicates d’alumine et d’oxidule de fer. C’est dans les obsidiennes que j’ai rapportées de la Nouvelle-Espagne, que M. Collet-Descotils a trouvé le premier exemple de la présence simultanée de deux alcalis dans une même substance minérale. Ce phénomène a été observé depuis dans quelques variétés de feldspath, de wernerite, de sodalite, de chabasie et d’éléolithe (pierre grasse de Haüy). J’ai observé que beaucoup d’obsidiennes noires et rouges du Quinchè et du Cerro de las Navajas ont des pôles magnétiques, tout comme les porphyres (de transition?, p. 175), de Voisaco et comme un beau groupe de trachytes colonnaires du Chimborazo (hauteur 2100 toises). Ces trachytes étoient gris-verdâtre et enchâssoient quelques cristaux de feldspath lamelleux et laiteux. La dernière assise du terrain trachytique est formée par des conglomérats ou débris agglutinés et remaniés par les eaux. Ces conglomérats couvrent d’immenses surfaces, non au pied des Cordillères, mais sur leurs flancs et sur des plateaux de 1200 à 1600 toises de hauteur. Dans une région où presque tous les volcans actifs s’élèvent au-dessus de la limite des neiges perpétuelles, et où les eaux, lentement infiltrées dans des cavernes, et les neiges qui se fondent au moment de l’éruption, causent d’affreux ravages, l’étendue et l’épaisseur des terrains de transport et des roches fragmentaires régénérées doit nécessairement être en rapport avec les forces qui amènent encore de nos jours ces masses désagrégées. Les conglomérats sont tantôt friables et tuffacés (base de Cotopaxi et de l’Altar), tantôt compactes et endurcies comme le grès (base de Pichincha). Les ponces en masses pulvérulentes et en blocs de 25 à 30 pieds de longueur forment la partie la plus intéressante de ces conglomérats du terrain trachytique. Nous ferons observer, à cette occasion, que le mot pierre-ponce est très-vague en minéralogie: il ne désigne pas un fossile simple, comme le font les dénominations de calcédoine ou de pyroxène; il indique plutôt un certain état, une forme capillaire ou filandreuse sous laquelle se présentent des substances diverses, rejetées par les volcans. La nature de ces substances est aussi différente que l’épaisseur, la ténacité, la flexibilité et le parallélisme ou la direction de leurs fibres (Humboldt, Relat. hist., T. I, p. 162). Il existe des ponces noires d’une contexture bulleuse, à fibres croisées; on y reconnoît beaucoup de pyroxène, et elles paroissent dues à des laves basaltiques scorifiées (plaine qui entoure le cratère de Rucu-Pichincha; tuff du Pausilippe près de Naples). Quelques volcans rejettent des trachytes blancs, composés de feldspath compacte, de beaucoup d’amphibole, de très-peu de mica, et dont une partie est devenue fibreuse (Rucu-Pichincha et Cotopaxi, sur le plateau de Quito; volcan de Cumbal près Chilanquer, dans le plateau de los Pastos; Sotara près de Popayan; Popocatepetl à l’est de Mexico). Souvent, dans des trachytes assez compactes et d’un tissu non fibreux, les fragmens rhomboïdaux du feldspath deviennent creux et comme filandreux (plateau de Quito et du Mexique). Quelques variétés de perlstein offrent une texture fibreuse (plaine de la Nouvelle-Espagne, entre la Venta del Ojo del agua et la Venta de Soto; vallée de Gran et de Glashütte, en Hongrie). Enfin, des obsidiennes noirverdâtre ou gris de fumée alternent avec des couches de pierre ponce à fibres asbestoïdes blanc-verdâtre, rarement parallèles entre elles, quelquefois cependant perpendiculaires aux couches de l’obsidienne et semblables à une écume filamenteuse de verre (Plaine des Genêts, au Pic de Ténériffe). Ces dernières variétés ont fait naître chez quelques géologues l’idée que toutes les ponces étoient dues à la fusion et au gonflement des laves vitreuses; on confondoit les obsidiennes ponceuses (asclérines de M. Cordier) avec les véritables ponces à fibres parallèles (pumites légères de M. Cordier), caractérisées par de grandes tables hexagones de mica, et probablement dues à un mode d’action particulier que le feu des volcans exerce sur les trachytes blancs (granites des Isles Ponces de Dolomieu). Un savant qui a profondément étudié les roches trachytiques de l’Europe, a confirmé ces aperçus. «La ponce, dit M. Beudant, dans l’état actuel de la science, ne peut pas même être regardée comme une espèce distincte de roche: c’est un état celluleux et filamenteux, sous lequel plusieurs roches des terrains trachytiques et volcaniques sont susceptibles de se présenter. ( Voyage minéral., T. III, p. 389.) Les immenses carrières souterraines de pierre-ponce exploitées au pied du Cotopaxi, entre la ville de Tacunga (Llactacunga) et le village indien de San-Felipe (plateau de Quito, hauteur 1482 toises), m’ont paru les plus instructives pour décider la question du gisement de cette substance dans un terrain de rapport. Elles avoient déjà fait naître chez Bouguer ( Figure de la terre, p. LXVIII ), dans un temps où la géognosie n’existoit presque pas, plusieurs questions intéressantes sur l’origine des ponces. Les petites collines de Guapulo et de Zumbalica, qui s’élèvent jusqu’à 80 toises de hauteur, paroissent au premier abord entièrement formées d’une roche blanche fibreuse, à couches horizontales et à fibres perpendiculaires: on pourroit en tirer des blocs dépourvus de fentes de plus de 60 pieds de longueur. En examinant ces prétendues couches de plus près, on voit que ce sont des masses de quatre pouces à trois pieds d’épaisseur, enchâssées dans une terre blanche argileuse. Elles ne forment pas, à proprement parler, un conglomérat; les blocs ne sont que déposés dans l’argile, et recouverts de fragmens menus de ponces (de 8 à 9 toises d’épaisseur) qui sont divisés en bancs horizontaux. Ces blocs de ponces blanches, quelquefois bleuâtres, sont arrondis vers les bords; ils renferment du mica jaune et noir, des cristaux effilés d’amphibole (non de pyroxène) et un peu de feldspath vitreux. J’incline à croire que les collines de Zumbalica, qui ressemblent beaucoup à celles de Sirok en Hongrie ( Beudant, Voy. minér., T. II, p. 22), ne sont pas les parois intérieures d’un ancien volcan écroulé: les grands blocs, qui ressemblent à des couches fracturées, sont géognostiquement liés aux petits fragmens des assises supérieures; les uns et les autres ont sans doute été déposés par les eaux, quoique dans des circonstances bien différentes de celles qui accompagnent les éruptions actuelles de Cotopaxi. L’aspect de tout le pays d’alentour nous prouve l’ancienne sphère d’activité de ce volcan, qui a une hauteur de 2952 toises et un volume énorme. A l’ouest du volcan, depuis l’Alto de Chisinche jusqu’à Tacunga, sur plus de quarante lieues carrées, tout le sol est couvert de pierre-ponce et de trachytes scorifiés. Il est bien remarquable que le mode d’action volcanique propre à produire des ponces soit restreint, pour ainsi dire, à un certain nombre de montagnes ignivomes. L’Altar ou Capac-Urcu, anciennement plus élevé que le Chimborazo, est placé dans la plaine de Tapia, vis-à-vis du volcan encore actif de Tunguragua. Le premier a vomi une immense quantité de ponces, le second n’en produit pas du tout. Cette même différence existe entre les deux volcans voisins de la ville de Popayan, le Puracè et le Sotarà. Celui-ci a rejeté à la fois des obsidiennes et des ponces, tout comme le volcan de Cotopaxi. A Rucu-Pichincha, où je suis parvenu jusqu’à une des tours trachytiques (hauteur 2491 toises) qui dominent l’immense cratère du volcan, j’ai trouvé beaucoup de ponces, et pas d’obsidiennes: aussi les ponces de Sotarà et de Cotopaxi, qui renferment, outre le feldspath vitreux et un peu d’amphibole, de grandes tables hexagones de mica, ne sont certainement pas dues à l’obsidienne; elles diffèrent entièrement de ces ponces vitreuses et capillaires que j’ai vues couvrir la pente du Pic de Ténériffe. Les superbes opales de Zimapan, au Mexique, ne paroissent pas appartenir, comme celles de Hongrie, aux conglomérats trachytiques, mais à des trachytes porphyriques qui renferment des globules rayonnés de perlite gris-bleuâtre. (§. 23.) II. Formations basaltiques, comprenant les basaltes avec olivine, pyroxène et un peu d’amphibole; les phonolithes du basalte, les dolérites, l’amygdaloïde celluleuse, les argiles avec grenats-pyropes, et les roches fragmentaires basaltiques (conglomérats et scories). Le terrain basaltique se lie d’un côté aux trachytes, dans lesquels le pyroxène devient progressivement plus abondant que le feldspath ( Cordier, sur les masses des Roches volcaniques, p. 25), en partie et, je crois, d’une manière plus intime, aux laves des volcans qui ont coulé sous forme de courans. Les phonolithes appartiennent à la fois au terrain trachytique et au terrain basaltique. Je doute qu’un véritable basalte avec olivine se trouve intercalé comme couche subordonnée au trachyte. La phonolithe, qui forme de ces couches dans les trachytes des Cordillères et de l’Auvergne, n’est que superposée aux basaltes. Lorsqu’elle ne s’élève pas en pics isolés dans les plaines, elle couronne généralement les collines basaltiques. L’amphibole et le pyroxène se trouvent disséminés dans les trachytes et les basaltes; la première de ces substances appartient peutêtre même plus particulièrement aux formations trachytiques. L’olivine caractérise les formations basaltiques, les laves trèsanciennes de l’Europe et les laves très-modernes (courant de 1759) du volcan de Jorullo au Mexique. Lorsqu’on ne considère que sous le rapport du volume les groupes de roches trachytiques et basaltiques répandues dans les deux continens, on observe que les grandes masses de ces groupes se trouvent très-éloignées les unes des autres. Les pays qui abondent le plus en basaltes (la Bohème, la Hesse) n’ont pas de trachytes, et les Cordillères des Andes, trachytiques sur d’immenses étendues, sont souvent entièrement dépourvues de basaltes. Ni le Chimborazo, ni le Cotopaxi, ni l’Antisana, ni le Pichincha, n’offrent de véritables roches basaltiques; tandis que ces roches, caractérisées par l’olivine, séparées en belles colonnes de trois pieds d’épaisseur, se rencontrent sur le même plateau de Quito, mais loin de ces volcans à l’est de Guallabamba, dans la vallée du Rio Pisque. Près de Popayan les basaltes ne recouvrent pas les dômes trachytiques de Sotarà et de Puracè; ils se trouvent isolés sur la rive occidentale du Cauca, dans les plaines de Julumito. Au Mexique, le grand terrain basaltique du Valle de Santiago (entre Valladolid et Guanaxuato), est très-éloigné des volcans trachitiques du Popocatepetl et de l’Orizava. Tous ces basaltes que nous venons de nommer (Guallabamba, Julumito et Santiago) reposent probablement aussi, à de grandes profondeurs, sur un sol trachytique; mais nous ne considérons ici que l’isolement, la séparation des montagnes de basaltes et de trachytes. En général, dans les Cordillères du Mexique, de la Nouvelle-Grenade, de Quito et du Pérou, les formations trachytiques l’emportent, pour la masse, de beaucoup sur les formations basaltiques; ces dernières peuvent même être considérées comme très-rares, en les comparant à celles qui traversent l’Allemagne de l’est à l’ouest, entre les parallèles de 50° et de 51°. Cette même prépondérance du terrain trachytique sur le terrain basaltique s’observe en Hongrie. «Partout, dit M. Beudant avec beaucoup de justesse, partout où les masses de trachyte se sont développées sur une grande échelle, on ne trouve que des lambeaux peu considérables de basalte, et réciproquement, dans les lieux où le terrain basaltique est extrêmement développé, il n’existe que peu ou même point du tout de trachyte.» ( Voyage minér. en Hongrie, t. III, p. 500, 587 — 589.) On diroit que ces deux terrains se repoussent; et comme les cratères des volcans encore actifs se sont constamment ouverts dans les trachytes, il ne faut pas être surpris que ces volcans et leurs laves restent aussi éloignés des basaltes anciens. (Humboldt, Rel. histor., t. I, p. 154.) Malgré cet antagonisme, ou plutôt cette inégalité de développement, que nous avons déjà remarqué dans les granites et les gneis-micaschistes, dans les calcaires et les schistes de transition, dans le grès rouge et le zechstein ou calcaire alpin, les trachytes et les basaltes offrent sur d’autres points du globe les affinités géognostiques les plus intimes. Si les grandes masses basaltiques (Hesse; Forez, Vélay et Vivarais; Écosse; Veszprim et lac Balaton) restent géographiquement éloignées des grandes masses de trachytes (Siebengebirge; Auvergne; montagnes de Matra, Vihorlet et Tokay; Cordillère occidentale des Andes de Quito), des lambeaux du terrain basaltique ne s’en trouvent pas moins pour cela superposés à ces mêmes trachytes. ( Buch, Briefe aus Auvergne, p. 289; Id., Trapp-Porphyr, p. 137 — 141. Ramond, Niv. géologique, p. 18, 60 — 73.) Les Monts Euganéens (basaltes du Monte Venda près des cônes trachytiques de Monte Pradio, Monte Ortone et Monte Rosso), les penchans des montagnes qui constituent le groupe du Mont Dore, les environs de Guchilaque au Mexique (Cerro del Marquès, 1537 toises) et de Xalapa (Cerro de Macultepec, 788 toises), présentent des exemples frappans de cette réunion des deux terrains feldspathiques et pyroxéniques. Tantôt ce sont des buttes de basalte prismatique qui sortent du terrain de trachyte; tantôt ce sont de larges coulées de basaltes, souvent interrompues et formant des gradins et des plateaux, qui sillonnent et recouvrent ce terrain. Il résulte de ces observations, que les plus grandes masses de basaltes gisent immédiatement dans les formations primitives intermédiaires et secondaires, tandis que d’autres masses beaucoup moins considérables, d’un tissu entièrement identique, et présentant le plus souvent l’apparence d’anciennes coulées de laves lithoïdes, sont superposées au terrain trachytique. Les uns et les autres enveloppent quelquefois des fragmens de granite, de gneis ou d’une syénite trèsabondante en feldspath. Ce même phénomène, comme nous l’avons vu tantôt, s’observe (volcan de Jorullo) dans des laves récentes et d’une époque connue; mais ces indices incontestables d’une fluidité ignée ne nous autorisent pas à admettre que les montagnes coniques de basaltes, dispersées dans des plaines ou couronnant la crête des montagnes primitives, se soient toutes formées comme les nappes de basalte qui couvrent les trachytes, ou comme les laves lithoïdes basaltiques (avec olivine) de quelques volcans très-modernes. Le mélange des matières qui constituent les roches volcaniques se fait dans l’intérieur du globe, et probablement à d’immenses profondeurs. Des matières analogues et composées des mêmes élémens peuvent venir au jour (paroître à la surface du globe) par des voies très-différentes, tantôt par soulèvement (en cloches, en dômes ou en buttes coniques), tantôt par des crevasses longitudinales, formées dans la croûte du globe, tantôt par des ouvertures circulaires au sommet d’une montagne. La géognosie des volcans distingue ces modes de formations, et si elle s’oppose à confondre sous le nom de laves toutes les roches des terrains trachytiques et basaltiques, c’est parce qu’elle se refuse à admettre que les dômes du Puy de Cliersou, du grand Sarcouy et du Chimborazo, de même que toutes les montagnes coniques de basaltes, soient des portions de courans de laves. Des volcans, en partie très-modernes, ont jeté des laves feldspathiques (Ischia, Solfatare de Pouzzole) et pyroxéniques avec olivine (Jorullo), qui ressemblent aux trachytes et aux basaltes les plus anciens. Souvent des masses volcaniques (laves feldspathiques et pyroxéniques; trachytes; basaltes en cônes isolés), considérées minéralogiquement, sont les mêmes; on peut supposer que les circonstances dans lesquelles elles ont été produites dans l’intérieur du globe, différoient très-peu; mais, ce qui les éloigne géognostiquement les unes des autres, c’est la différence marquante dans le mode de leur apparition à la surface du sol. Parmi le grand nombre d’observations curieuses que présentent les environs du nouveau volcan de Jorullo au Mexique, aucune ne me paroît plus importante et plus inattendue que celles qui concernent la double origine des masses basaltiques. On y voit à la fois de petits cônes de basaltes, composés de boules à couches concentriques, et un promontoire de laves basaltiques, lithoïdes et compactes dans l’intérieur, spongieuses à la surface. Ce courant de laves est une masse noire à très-petits grains, renfermant, non de l’amphibole ou du pyroxène, mais indubitablement de l’olivine (péridote granuliforme de Haüy) et de petits cristaux de feldspath vitreux. M. de Buch a reconnu, dans des fragmens que j’ai rapportés, outre l’olivine disséminée (vert d’olive clair, conchoïde et à pièces séparées grenues), quelques tables hexagones de mica jaune de laiton. C’est dans ces laves que sont empâtés les fragmens anguleux et crevassés de syénite granitique dont j’ai parlé plusieurs fois; elles tirent probablement leur origine d’un terrain de transition placé sous le trachyte. Des morceaux extrêmement petits de trachyte grisâtre, avec feldspath vitreux et cristaux effilés d’amphibole, que nous avons été assez heureux de trouver sur le bord du cratère au milieu des scories, prouvent même que l’éruption a agi à la fois à travers la syénite et le trachyte superposé. Les laves s’élèvent jusqu’à 678 pieds d’épaisseur; et comme elles se sont épanchées non latéralement, mais du cratère du volcan actuel, c’est en suivant leur courant vers le S. S. E. que nous avons pu, M. Bonpland et moi, pénétrer, non sans quelque danger, dans l’intérieur du cratère encore brûlant pour y recueillir de l’air. Il ne faut pas confondre avec ce courant de laves lithoïdes basaltiques, qui ne sont pas des scories entassées comme au Monte Novo de Pouzzole, les basaltes en boules (Kugelbasalt) qui composent les petits cônes appelés par les indigènes fours (hornitos), à cause de leur forme, et parce qu’ils dégagent par des crevasses des filets de vapeurs aqueuses, mêlées d’acides sulfureux. Il ne peut rester aucun doute, même à l’observateur le moins accoutumé à l’aspect de terrains bouleversés par le feu des volcans, que tout le sol du Mal-pais, qui a pour le moins 1,800,000 toises carrées, n’ait été soulevé. Là où ce terrain soulevé est contigu à la plaine des Playas de Jorullo, qui n’a éprouvé aucun changement et dont il a fait partie jadis, il y a (à l’est de San-Isidoro) un saut brusque de vingtcinq à trente pieds de hauteur perpendiculaire. Les couches noirâtres et argileuses de Mal-pais y paroissent comme fracturées, et offrent, dans une coupe dirigée du N. E. au S. O., des fentes de stratification horizontales et ondulées. Après avoir passé ce saut ou gradin, on s’élève, sur un terrain bombé en forme de vessie, vers la crevasse sur laquelle sont sortis les grands volcans, dont un seul, celui du milieu (El volcan grande de Jorullo ), est encore enflammé. La convexité de ce terrain est, dans quelques endroits, de 78, en d’autres de 90 toises; c’est-à-dire que le pied du grand volcan, ou plutôt la portion centrale de la plaine du Malpais , où s’élève brusquement (près de l’ancienne Hacienda de San-Pedro de Jorullo) le Grand Volcan, est à peu près de 510 pieds plus élevé que le bord du Mal-pais près du premier saut ou gradin. Toute cette pente du sol bombé est si douce, qu’elle peut échapper à l’attention de ceux qui ne sont pas pourvus d’instrumens propres à la mesurer. C’est, comme disent très-bien les indigènes, un terrain creux, une tierra hueca. Cette opinion est confirmée par le bruit que fait un cheval en marchant, par la fréquence des crevasses, par des affaissemens partiels, et par l’engouffrement des rivières de Cuitimba et de San-Pedro, qui se perdent à l’est du volcan et reparoissent au jour, comme des eaux thermales de 52° cent., au bord occidental du Mal-pais. Ce sont les bancs d’argile noire ou brun-jaunâtre qui ont été soulevés eux-mêmes: la surface du sol n’est couverte que de quelques cendres volcaniques, et aucun entassement de scories ou de déjections sorties d’un cratère n’a causé la convexité du Mal-pais . Sur ce terrain soulevé (Sept. 1759) sont sortis plusieurs milliers de petits cônes ou buttes basaltiques à sommets très-convexes (les fours ou hornitos). Ils sont tous isolés et disséminés, de manière que, pour s’approcher du pied du grand volcan, on passe par des ruelles tortueuses (los callejones del Mal-pais ). Leur élévation est de 6 à 9 pieds. La fumée sort généralement un peu au-dessous de la pointe du cône, et reste visible jusqu’à 50 pieds de hauteur. D’autres filets de fumée sortent des larges crevasses qui traversent les ruelles; ils sont dus au sol même de la plaine soulevée. En 1780, la chaleur des hornitos étoit encore si grande qu’on pouvoit allumer un cigarre en l’attachant à une perche et en le plongeant à deux ou trois pouces de profondeur dans une des ouvertures latérales. Les cônes (hornitos) sont uniformément composés de sphéroïdes de basaltes, souvent aplatis de huit pouces à trois pieds de diamètre, et enchâssés dans une masse d’argile à couches diversement contournées. L’aspect de ces cônes est absolument le même que celui des buttes coniques de basalte globuleux (Kugelbasalt-Kuppen) que l’on voit si fréquemment en Saxe, sur les frontières du Haut-Palatinat et de la Franconie, et surtout dans le Mittelgebirg de la Bohème: la différence ne consiste que dans les dimensions des buttes. Cependant en Bohème nous en avons aussi trouvé, M. Freiesleben et moi, qui étoient parfaitement isolées et n’avoient que 15 à 20 pieds de hauteur. Le noyau des boules est dans les hornitos, comme dans les basaltes globulaires anciens, un peu plus frais et plus compacte que les couches concentriques qui enveloppent le noyau, et dont j’ai pu compter souvent 25 à 28. La masse entière de ces basaltes, constamment traversée par des vapeurs acidules et chaudes, est extrêmement décomposée. Elles n’offrent souvent qu’une argile noire et ferrugineuse, à taches jaunes et peut-être trop grandes pour être attribuées à la décomposition de l’olivine. En approchant l’oreille d’un de ces cônes, on entend un bruit sourd qui paroît celui d’une cascade souterraine; il est peut-être causé par les eaux du Rio Cuitamba qui s’engouffrent dans le Mal-pais . Voilà donc bien certainement des sphéroïdes aplatis de basalte, agglomérés en buttes coniques, qui ont été soulevés de terre de mémoire d’hommes, et qui ne sont par conséquent ni des lambeaux d’anciens courans de laves, ni le résultat d’une décomposition de prismes basaltiques articulés, ni celui d’un entassement fortuit de déjections d’un cratère éloigné. Il est probable que c’est la force élastique des vapeurs qui a couvert de ces hornitos, en forme d’ampoules, la plaine bombée du Mal-pais, tout comme la surface d’un fluide visqueux se couvre de bulles par l’action des gaz qui tendent à se dégager. La croûte qui forme les petits dômes des hornitos est si peu solide, qu’elle s’enfonce sous les pieds de devant d’un mulet que l’on force d’y monter. Les faits que je viens d’exposer me paroissent d’autant plus importans pour la géognosie, qu’il existe dans les terrains basaltiques les plus anciens une grande analogie entre les buttes isolées de basaltes globuleux et les buttes de basaltes colonnaires. Depuis long-temps des géologues célèbres ont combattu l’hypothèse qui considère tant de montagnes basaltiques, d’une forme si régulière et d’un agroupement symétrique, comme des restes d’un courant, d’une coulée de laves, qui a avancé progressivement sur un terrain incliné. Il faut distinguer, dans les plaines de Jorullo, trois grands phénomènes: le soulèvement général du Mal-pais, hérissé de plusieurs milliers de petits cônes basaltiques; l’entassement des scories et d’autres matières incohérentes dans les collines les plus éloignées du grand volcan, et les laves lithoïdes que ce volcan a vomies sous la forme ordinaire d’un courant. L’intérieur du cratère du Vésuve offroit, au mois d’Août 1805, époque où je l’ai visité plusieurs fois, conjointement avec MM. de Buch et Gay-Lussac, cette même différence entre le fond du cratère soulevé, c’est-à-dire plus ou moins bombé, selon que l’on s’approchoit de l’époque de la grande éruption, et les cônes de scories désagrégées qui se forment autour de plusieurs soupiraux enflammés. Ce sont ces accumulations de matières incohérentes seules qui ressemblent au Monte Novo de Pouzzole. La croûte de laves qui constitue le fond des cratères, s’élève ou s’abaisse comme un plancher mobile. ( Buch, geogn. Beob., T. II, p. 124.) Au Vésuve, ce fond étoit tellement bombé (en 1805), que sa partie centrale dépassoit le niveau du bord méridional du volcan. L’intumescence que l’on observe périodiquement dans les cratères accessibles des volcans enflammés, au fond de la vallée circulaire ou alongée qui termine leurs sommets, présente une analogie frappante avec le terrain soulevé du Mal-pais de Jorullo: il en présente vraisemblablement aussi avec ces îlots volcaniques qui paroissent comme des roches noires au-dessus de la surface de l’Océan, avant de se crevasser et de lancer des flammes. Il paroît que M. d’Aubuisson n’a pas eu occasion de consulter les coupes que j’ai publiées du volcan de Jorullo (Humboldt, Essai politique, T. I, p. 253. Id., Nivellement barom. des Andes, n.° 370 — 374. Id., Vues des Cordillères, p. 242, pl. 43. Id., Atlas géographique et physique du Voyage aux rég. équin., pl. 28 et 29), lorsque, dans son intéressant Traité de géognosie, T. I, p. 264, il suppose que j’ai confondu un terrain soulevé avec un entassement de déjections dont l’épaisseur augmente à mesure qu’on approche de la bouche volcanique. La composition du basalte, ou plutôt la fréquence plus ou moins grande de certaines substances cristallisées, disséminées dans les basaltes, varie dans les différentes parties de l’Amérique équinoxiale, comme dans celles de l’Europe. L’olivine, si commune dans les basaltes d’Allemagne, de France et d’Italie, est très-rare, d’après MM. Macculloch et Boué, dans l’ouest de l’Écosse et le nord de l’Irlande. L’amphibole abonde en grands cristaux, en Saxe (Oberwiesenthal et Carlsfeld), en Bohème, dans le pays de Fulde et en Hongrie (Medwe), tandis qu’elle manque le plus souvent dans les basaltes d’Auvergne et des Canaries. Le feldspath vitreux et l’olivine se trouvent presque constamment associés dans le terrain basaltique du Mexique et de la Nouvelle-Grenade; souvent (Valle de Santiago, Alberca de Palangeo) l’amphibole et le pyroxène manquent: d’autres fois (Cerro del Marquès, au-dessus de San-Augustin de las Cuevas; Chichimequillo près Silao) le basalte renferme à la fois de l’olivine, du feldspath vitreux, de l’amphibole et du pyroxène. Dans la belle vallée de Santiago (Nouvelle-Espagne) l’hyalite est si commune que, par une prédilection bien difficile à expliquer, les fourmis en recueillent partout où le basalte se décompose, et la transportent dans leurs nids. Je n’ai jamais vu de très-grandes masses d’olivine dans la Cordillère des Andes: celles de l’Europe appartiennent plus particulièrement aux brèches basaltiques (Weissenstein près de Cassel; Kapfenstein en Styrie). Les formations d’argiles et de marnes que nous avons indiquées dans le tableau précédent comme appartenant au terrain volcanique, méritent beaucoup d’attention dans la Cordillère des Andes, dans l’archipel des îles Canaries et dans le Mittelgebirge de la Bohème (Trzeblitz, Hruvka). Dans ces trois régions, que j’ai visitées successivement, l’argile ne m’a point paru accidentellement englobée dans la masse liquide, comme c’est le cas quelquefois dans l’argile plastique (grès à lignites, §. 35) au-dessus de la craie, ou dans les calcaires secondaire et tertiaire (calcaire du Jura et calcaire grossier) du Vicentin, que j’ai trouvés enchâssés par fragmens anguleux dans le basalte, et qui pénètrent tellement dans les basaltes que ces derniers même font effervescence avec les acides. Les marnes argileuses des Cordillères (Cascade de Regla et chemin de Regla à Totomilco el grande; Guchilaque, au nord de Cuernavaca; Cubilete près Guanaxuato) et celles de l’île de la Graciosa (près Lancerote) alternent avec les couches de basaltes, et sont peut-être d’une formation contemporaine, comme les argiles schisteuses qui alternent avec le calcaire alpin (Humboldt, Relat. hist., T. I, p. 88). Leur position même semble prouver qu’ils ne sont pas dus à la décomposition des basaltes. On y trouve souvent des cristaux de pyroxène et des grenats-pyropes. Je ne déciderai pas si les masses d’argile qui entourent, dans les Andes de la Nouvelle-Grenade (entre Popayan, Quilichao et Almaguer), ces immenses amas de boules de dolérites et de grünstein à feldspath vitreux et fendillé, appartiennent aux formations de basaltes, ou aux syénites et porphyres du terrain de transition; mais, ce qui est indubitable, c’est que les bancs d’argile (tepetate), qui rendent stérile une partie de la belle province de Quito, sont sortis du flanc des volcans, non mêlés à des matières en fusion, mais suspendus dans l’eau. Les inondations qui accompagnent toujours les éruptions du Cotopaxi, de Tunguragua et d’autres volcans encore enflammés des Andes, ne sont pas dues, comme au Vésuve ( Mémoires de l’Académie, 1754, p. 18), aux torrens d’eaux pluviales que répandent les nuages qui se forment pendant l’éruption (par le dégagement de la vapeur d’eau dans le cratère): elles sont principalement le résultat de la fonte des neiges et des lentes infiltrations qui ont lieu sur la pente des volcans, dont la hauteur dépasse 2460 toises (celle de la limite des neiges perpétuelles). Les secousses de violens tremblemens de terre, qui ne sont pas toujours suivies d’éruptions de flammes, ouvrent des cavernes remplies d’eau, et ces eaux entraînent des trachytes broyés, des argiles, des ponces et d’autres matières incohérentes. C’est là peut-être ce que l’on pourroit appeler des éruptions boueuses, si cette dénomination ne rapprochoit pas trop un phénomène d’inondation des phénomènes essentiellement volcaniques. Lorsque (le 19 Juin 1698) le Pic du Carguairazo s’affaissa, plus de quatre lieues carrées d’alentour furent couvertes de boues argileuses, que dans le pays l’on appelle lodazales. De petits poissons, connus sous le nom de preñadillas (Pimelodes cyclopum), et dont l’espèce habite les ruisseaux de la province de Quito, se trouvoient enveloppés dans les éjections liquides du Carguairazo. Ce sont là les poissons que l’on dit lancés par les volcans, parce qu’ils vivent par milliers dans des lacs souterrains, et parce que, au moment des grandes éruptions, ils sortent par des crevasses, entraînés par l’impulsion de l’eau boueuse qui descend sur la pente des montagnes. Le volcan presque éteint d’Imbaburu a vomi, en 1691, une si grande quantité de preñadillas, que les fièvres putrides, qui régnoient à cette époque, furent attribuées aux miasmes qu’exhaloient les poissons. (Humboldt, Recueil d’obs. de zoologie et d’anatomie comparée, T. I, p. 22, et T. II, p. 150.) La dolérite du terrain basaltique ( D’Aubuisson, Journ. des mines, T. XVIII, p. 197; Leonhard et Gmelin, vom Dolerit, p. 17 — 35) est très-rare dans les Cordillères, qui abondent plutôt en roches trachytiques dans lesquelles le feldspath prédomine sur le pyroxène. Je pense cependant qu’une dolérite que j’ai trouvée dans le chemin d’Ovexeras aux sources chaudes de Comangillo près de Guanaxuato, appartient aux basaltes de la Caldera et d’Aguas buenas, et non à de véritables trachytes. Il y a de même quelque incertitude sur le gisement des phonolithes, lorsqu’elles se trouvent isolées ou éloignées de montagnes basaltiques et trachytiques. Cet isolement caractérise les phonolithes du Peñon, qui forment un écueil dans le Rio Magdalena, et qui paroissent immédiatement superposées au granite de Banco; les phonolithes que j’ai vues percer la couche de sel gemme de Huaura (Bas- Pérou, près des côtes de la mer du Sud); enfin celles qui s’élèvent au bord septentrional des steppes de Calabozo (Cerro de Flores). Les dernières sont géognostiquement liées à de l’amygdaloïde pyroxénique, alternant avec un grünstein de transition (Humboldt, Rel. hist., T. I, p. 154). Les amygdaloïdes celluleuses (tezontli), renfermant du feldspath vitreux, des pyroxènes et de la lithomarge, sont le plus répandues sur le plateau central de la Nouvelle-Espagne. Elles sont tantôt recouvertes par des basaltes, tantôt elles forment (Cuesta de Capulalpan) des boules de deux à trois pieds d’épaisseur, réunies en cônes ou buttes hémisphériques et superposées à des porphyres de transition. III. Laves sorties d’un cratère sous forme de courans. Laves lithoïdes feldspathiques, semblables aux trachytes. Laves basaltiques. Obsidiennes des laves. Ponces vitreuses des obsidiennes. Nous avons déjà rappelé plus haut combien les véritables courans de laves sont rares dans les Cordillères. Celles que j’ai vues sont dues à des éruptions latérales d’Antisana, du Popocatepetl et du Jorullo. Beaucoup de courans ( Mal-pais ) sont sortis de bouches volcaniques qui se sont refermées depuis et qu’il est impossible de reconnoître aujourd’hui. D’autres courans dirigés sur un même point, se confondent les uns avec les autres: ils se présentent en larges nappes, semblables à des roches pyroxéniques beaucoup plus anciennes. Dans les laves de la vallée de Tenochtitlan (entre San Augustin de las Cuevas et Coyoacan) l’amphibole est beaucoup moins rare que dans les laves d’Europe. Un minéralogiste mexicain très-instruit, M. Bustamante, les a soumises récemment avec succès à l’analyse mécanique, d’après la méthode ingénieuse exposée par M. Cordier. ( Semanario de Mexico, 1820, n.° XX, p. 80—90.) IV. Tufs des volcans, souvent pétris de coquilles. V. Formations locales calcaires et gypseuses superposées aux tufs volcaniques, au terrain basaltique (mandelstein) ou aux trachytes. Je compte parmi ces formations très-modernes, dans le plateau de Quito, les gypses feuilletés de Pululagua, le gypse argileux et fibreux de Yaruquies, les argiles schisteuses carburées et vitrioliques de San-Antonio, les argiles salifères (?) de la Villa de Ibarra, les sables avec lignites du Llano de Tapia (au pied du Cerro del Altar), et les tufs calcaires (caleras) de Agua santa. Dans les îles Canaries, des formations calcaires oolithiques et gypseuses sont aussi subordonnées aux tufs volcaniques (Lancerote et Fortaventura). On ne peut indiquer l’âge relatif de ces petits dépôts en les comparant à la craie ou aux formations tertiaires les plus modernes (§§. 37 — 39): nous les avons placés ici selon l’ordre de leur gisement au-dessus des roches volcaniques. En Hongrie, d’après l’intéressante observation de M. Beudant, un grès à lignite (§. 35), superposé au conglomérat trachytique (Dregely), au conglomérat ponceux (Palojta) et même au trachyte (Tokai), est recouvert, à son tour, ou de calcaire grossier (§. 36) du terrain tertiaire, ou de calcaire d’eau douce, ou enfin de coulées basaltiques. Telles sont les formations principales du terrain pyrogène, dues à des soulèvemens, ou à un épanchement latéral, ou à de simples éjections. Nous nous bornons à l’indication des faits, sans aborder des problèmes dont les données sont encore trop imparfaitement connues. Nous craindrions qu’on n’appliquât avec raison à la géognosie ce que Montaigne dit d’un certain genre de philosophie: «elle vient de ce que nous avons l’esprit curieux et de mauvais yeux.» TABLEAU DES FORMATIONS OBSERVÉES DANS LES DEUX HÉMISPHÈRES (1822). [Des chiffres romains précèdent les noms des formations qui, rarement supprimées et par conséquent le plus généralement répandues, peuvent servir d’horizon géognostique. On a indiqué en même temps les §§. et les pages où se trouvent les descriptions.] Introduction renfermant quelques principes de philosophie géognostique, pag. 56 — 113. Terrains primitifs. Vues générales, p. 113. I. Granite primitif, §. 1, pag. 113—115. Granite et Gneis primitifs, §. 2, p. 115. Granite stannifère, §. 3, p. 115—116. Weisstein avec Serpentine, §. 4, p. 116. II. Gneis primitif, §. 5, p. 117—120. Gneis et Micaschiste, §. 6, p. 120—121. Granites postérieurs au Gneis, antérieurs au Micaschiste primitif, §. 7, p. 122—124. Syénite primitive? §. 8, p. 124—125. [Les cinq dernières formations, placées entre le gneis et le micaschiste primitifs, sont des formations parallèles.] Serpentine primitive? §. 9, p. 125. Calcaire primitif? §. 10, p. 126. III. Micaschiste primitif, §. 11, p. 126—130. Granite postérieur au Micaschiste, antérieur au Thonschiefer, §. 12, p. 131. Gneis postérieur au Micaschiste, §. 13, p. 131. Grünstein-Schiefer? §. 14, p. 131—132. IV. Thonschiefer primitif, §. 15, p. 132—134. Roche de Quarz primitive (avec masses de fer oligiste métalloïde), §. 16, p. 134—138. Granite et Gneis postérieur au Thonschiefer, §. 17, p. 139. Porphyre primitif? §. 18, p. 139—140. V. Euphotide primitive, postérieure au Thonschiefer, §. 19, p. 140—142. [Les quatre dernières formations sont des formations parallèles entre elles, quelquefois même au Thonschiefer primitif.] Terrains de transition. Vues générales, p. 142, 146 et 149—153. Types de superpositions locales, p. 146—149. I. Calcaire grenu talqueux, Micaschiste de transition, et Grauwacke avec Anthracite, §. 20, p. 153—158. II. Porphyres et Syénites de transition, recouvrant immédiatement les roches primitives, calcaire noir et Grünstein, §. 21, p. 158—181. III. Thonschiefer de transition, renfermant des Grauwackes, des Grünstein, des Calcaires noirs, des Syénites et des Porphyres, §. 22, p. 182—200. IV et V. Porphyres, Syénites et Grünstein postérieurs au Thonschiefer de transition, quelquefois même au Calcaire a orthocératites, §§. 23, 24, p. 200—229. VI. Euphotide de transition, §. 25, p. 229. Terrains secondaires. Vues générales, p. 234. I. Grand dépôt de Houille, Grès rouge et Porphyre secondaire (avec Amygdaloïde, Grünstein et Calcaires intercalés), §. 26, p. 235—257. Roche de Quarz secondaire, §. 27, p. 257—260. [Cette dernière formation est parallèle au grès houiller.] II. Zechstein ou Calcaire alpin (Magnesian limestone); Gypse hydraté; Sel gemme, §. 28, p. 260—290. Les cinq formations suivantes, très-inégalement développées, peuvent être comprises sous le nom général de III. Dépôts arénacés et calcaires (marneux et oolithiques), placés entre le zechstein et la craie, et liés à ces deux terrains, p. 290. Argile et Grès bigarré (Grès à oolithes; Grès de Nebra; New red sandstone et red marl) avec Gypse et sel gemme, §. 29, p. 291—295. Muschelkalk (Calcaire coquillier; Calcaire de Gœttingue), §. 30, p. 295—298. Quadersandstein (Grès de Kœnigstein), §. 31, p. 298—300. Calcaire du Jura (Lias, Marnes et grands dépôts oolithiques, §. 32, p. 300—311. Terrains (exclusivement) volcaniques. Vues générales, p. 332—345. I. Formations trachytiques, p. 345—358. Trachytes granitoïdes et syénitiques. Trachytes porphyriques (feldspathiques et pyroxéniques). Phonolithes des Trachytes. Trachytes semi-vitreux. Perlites avec obsidienne. Trachytes meulières, celluleuses avec nids siliceux. (Conglomérats trachytiques et ponceux, avec alunites, soufre, opale et bois opalisé). II. Formations basaltiques, p. 358—368. Basaltes avec olivine, pyroxène et un peu d’amphibole. Phonolithes des basaltes. Dolérites. Mandelstein celluleux. Argile avec grenats-pyropes. (Cette petite formation semble liée à l’argile avec lignites du terrain tertiaire sur lequel se sont souvent répandues des coulées de basalte.) Grès et Sables ferrugineux, et Grès et Sables verts, Grès secondaire a lignites (Ironsand et Greensand), §. 33, p. 311— 313. IV. Craie, §. 34, p. 314—316. Terrains tertiaires. Vues générales, p. 316—320. I. Argiles et Grès tertiaire a lignites (Argile plastique, Molasse, et Nagelfluhe d’Argovie), §. 35, p. 320—325. II. Calcaire de Paris (Calcaire grossier ou Calcaire à cérites, formation parallèle à l’argile de Londres et au Calcaire arénacé de Bognor), §. 36, p. 325 —329. III. Calcaire siliceux, Gypse a ossemens, alternant avec des marnes (Gypse de Montmartre), §. 37, p. 329—331. IV. Grès et sables supérieurs au gypse a ossemens (Grès de Fontainebleau), §. 38, p. 331. V. Terrain lacustre avec meulières poreuses, supérieur au grès de Fontainebleau (Calcaire à lymnées), §. 39, p. 331. Conglomérats et scories basaltiques. III. Laves sorties d’un cratère volcanique (Laves anciennes, larges nappes, généralement abondantes en feldspath. Laves modernes à courans distincts et de peu de largeur. Obsidiennes des laves et Ponces des obsidiennes), p. 369. IV. Tufs des volcans avec coquilles, p. 369. (Dépôts de calcaire compacte, de marne, d’argiles avec lignites, de gypse et d’oolithes, superposés aux tufs volcaniques les plus modernes. Ces petites formations locales appartiennent peut-être aux terrains tertiaires. Plateau de Riobamba; îles de Fortaventura et Lancerote). Pour s’élever à des idées plus générales, et pour mieux comprendre les rapports de superposition indiqués dans le tableau des roches, on peut se servir d’une méthode pasigraphique, dont il sera utile de rappeler ici les principes fondamentaux. Cette méthode est double: elle est ou figurative (graphique, imitative), représentant les couches superposées par des parallélogrammes placés les uns sur les autres; ou algorithmique, indiquant la superposition des roches et l’âge de leur formation, comme des termes d’une série. La première méthode est celle que j’ai suivie dans les Tables de pasigrafia geognostica, que je traçai, en 1804, pour l’usage de l’école des mines de Mexico; c’est celle que l’on désigne assez généralement sous le nom de coupes des terrains. Elle offre l’avantage de parler plus vivement aux yeux, et d’exprimer simultanément dans l’espace deux séries ou systèmes de roches qui couvrent une même formation. Elle offre des moyens faciles pour indiquer les équivalens géognostiques ou roches parallèles, de même que le cas où, par la suppression locale de la formation β, la formation α supporte immédiatement γ. Deux roches parallèles, par exemple, le thonschiefer et la roche de quarz (page 137), superposées toutes les deux à du micaschiste primitif, sont représentées dans la méthode figurative par deux parallélogrammes de même hauteur placés sur un troisième. Les noms des roches sont inscrits dans les parallélogrammes, ou, comme on le verra plus bas, on caractérise ceux-ci, en les couvrant de hachures ou d’une espèce de réseau différemment modifié, selon que les roches représentées graphiquement passent ou ne passent pas les unes aux autres. Par la suppression locale du grès de Nebra (grès bigarré) et du calcaire de Gœttingue (muschelkalk), le calcaire du Jura peut reposer d’une part immédiatement (pages 300 et 310) sur le calcaire alpin (zechstein), tandis que d’un autre côté on voit suivre, de bas en haut, le calcaire alpin, le muschelkalk, le grès bigarré et le calcaire du Jura. Ces rapports de gisement seront exprimés dans une coupe idéale, en retranchant de la partie inférieure du parallélogramme qui représente le calcaire jurassique, d’un seul côté, un quadrilatère représentant les deux formations du muschelkalk et du grès bigarré. La seconde méthode, qui procède par séries et qu’on pourroit appeler algorithmique, indique les roches, non d’une manière imitative, non par l’étendue figurée, mais par une notation spéciale. Toute la géognosie de gisemens étant un problème de séries ou de succession, simple ou périodique, de certains termes, les diverses formations superposées peuvent être exprimées par des caractères généraux, par exemple, par les lettres de l’alphabet. Ces notations, appliquées à différentes parties de la physique générale dans lesquelles on examine la juxtaposition des choses, ne sont pas des jeux de l’esprit. Dans la géognosie positive, elles ont le grand avantage de fixer l’attention sur les rapports les plus généraux de position relative, d’alternance et de suppression de certains termes de la série. Plus on fera abstraction de la valeur des signes (de la composition et de la structure des roches), mieux on saisira, par la concision d’un langage pour ainsi dire algébrique, les rapports les plus compliqués du gisement et du retour périodique des formations. Les signes α, β, γ, ne seront plus pour nous du granite, du gneis et du micaschiste; du grès rouge, du zechstein et du grès bigarré; de la craie, du grès tertiaire à lignites, et du calcaire parisien: ce ne seront que des termes d’une série, de simples abstractions de l’entendement. Nous sommes loin de prétendre que le géognoste ne doive pas étudier, jusque dans ses rapports les plus intimes, la composition minéralogique et chimique des roches, la nature de leur tissu cristallin ou de leurs masses; nous voulons seulement qu’on fasse abstraction de ces phénomènes lorsqu’il ne s’agit que de la succession et de l’âge relatif. Avant la grande découverte de la pile de Volta, j’avois, dans mon ouvrage sur l’ Irritation de la fibre nerveuse, indiqué par une notation particulière quels étoient les cas où, dans une chaîne de métaux hétérogènes et de parties humides interposées, l’excitation musculaire avoit lieu, quels étoient les cas où le courant galvanique étoit arrêté. La simple inspection des séries et de la position respective des termes (élémens de la pile) pouvoit faire juger du résultat de l’expérience. (Humboldt, Versuche über die gereizte Muskel- und Nervenfaser, T. I. p. 236.) Si les lettres de l’alphabet représentent ces roches superposées, des deux séries, α, β, γ, δ ..... α, αβ, β, βγ, γ, δ ...., la première indique la succession des formations simples et indépendantes: granite, gneis, micaschiste, thonschiefer ou muschelkalk, grès de Königsstein (quadersandstein), calcaire jurassique et grès vert à lignites (sous la craie). La seconde indique l’alternance de formations simples avec des formations complexes: granite, granite-gneis, gneis, gneismicaschiste, micaschiste, thonschiefer (pag. 113, 115); ou, pour donner un exemple tiré de terrains de transition (p. 120 et 145), calcaire à orthocératites, calcaire alternant avec du schiste, schiste de transition seul, schiste et grauwacke, grauwacke seul, porphyre de transition..... Dans les formations complexes, c’est-à-dire, dans celles qui offrent l’alternance périodique de plusieurs couches, on distingue quelquefois trois roches différentes, qui ne passent pas les unes aux autres dans le même groupe, ou α, β, αβγ, γ .... αβγ, αβδ, βαε ....., selon que dans le terrain de transition des couches alternantes de granite, de gneis et de micaschiste; dans le terrain de transition, des couches alternantes de grauwacke, de schiste et de calcaire, ou de grauwacke, de schiste et de porphyre, ou de schiste, de grauwacke et de grünstein, constituent une même formation. Dans le terrain de transition, comme nous l’avons exposé plus haut, le thonschiefer ou le grauwacke seuls ne sont pas les termes de la série. Ces termes sont tous complexes; ce sont des groupes, et le grauwacke appartient à la fois à plusieurs de ces groupes. Il en résulte, que le terme formation de grauwacke n’a rapport qu’à la prédominance de cette roche dans son association avec d’autres roches. Tous les terrains offrent l’exemple de formations indépendantes qui préludent comme couches subordonnés. Si αβγ, ou αβ, βγ indiquent des formations complexes de granite, gneis et micaschistes, ou de granite et gneis, de thonschiefer et porphyre, de porphyre et syénite, de marnes et de gypse, c’est-à-dire, des formations dans lesquelles des couches de deux et même de trois roches alternent indéfiniment; α+β, β+γ, indiqueront que le gneis fait simplement une couche dans le granite, le porphyre dans le schiste, etc. Alors α, α+β, β, β+γ, γ .... exprime le phénomène curieux de formations qui préludent, qui s’annoncent d’avance comme des bancs subordonnés. Ces bancs rappellent tantôt des termes qui précèdent (roches de dessous), tantôt les termes qui suivent (roches de dessus). Ainsi nous aurons: α, β, β+α, β, β+γ, γ .... Les porphyres et syénites grenues du terrain de transition pénètrent dans le grès rouge et y forment des couches subordonnées. Si le gisement des formations de la vallée de Fassa est tel qu’on l’a récemment annoncé (pag. 288), un terme précédent (la syénite) déborde jusque dans le calcaire alpin ou zechstein; c’est le cas dans la série: α, β+α, γ+α, δ .... Lorsqu’on veut appliquer la notation pasigraphique jusqu’aux élémens des roches composées, cette notation peut indiquer aussi comment, par l’augmentation progressive d’un des élémens de la masse, surtout par l’isolement des cristaux, il se forme des couches par une espèce de développement intérieur: abc, abc2, abc3 .... abc+b. Nous avons préféré, dans ce cas particulier (bancs de feldspath dans le granite, bancs de quarz dans le micaschiste ou dans le gneis, bancs d’amphibole dans la syénite, bancs de pyroxène dans une dolérite de transition), les lettres de l’alphabet romain à celles de l’alphabet grec, pour ne pas confondre les élémens d’une roche (feldspath, quarz, mica, amphibole, pyroxène) avec les roches qui entrent dans la composition des formations complexes. Jusqu’ici nous avons montré comment, en faisant entièrement abstraction de la composition et des propriétés physiques des roches, la notation pasigraphique peut réduire à une grande simplicité les problèmes de gisement les plus compliqués. Cette notation indique comment les mêmes couches subordonnées (le sel gemme dans le zechstein et dans le red marl, §§. 28 et 29; les houilles dans le grès rouge, le zechstein et le muschelkalk) passent à travers plusieurs formations superposées les unes aux autres: α+μ, β+μ, γ, δ+μ .... Elle rappelle aussi le retour des formations feldspathiques et cristallines dans les terrains de transition et de grès rouge (Norwége, Écosse); retour qui est analogue à celui du granite après le gneis et après le micaschiste primitif: α, β, α, γ, δ ..... κ, λ, α, β ... Les premiers termes de la série reparoissent, même après un long intervalle, après le grauwacke et le calcaire à orthocératites, c’est-à-dire, après les roches fragmentaires et coquillières. En terminant cet ouvrage, je vais montrer que, si l’on donne moins de généralité à la notation et si on la modifie d’après quelques considérations physiques (de structure et de composition), on peut, par le moyen de douze signes géognostiques, présenter les phénomènes de gisemens les plus importans des terrains primitifs, intermédiaires, secondaires et tertiaires. Ces douze signes embrassent sept séries de roches, savoir: les micaschistes (et leurs modifications d’un côté en granite et gneis, de l’autre en thonschiefer), les euphotides, les amphiboliques (grünstein, syénites), les porphyres, les calcaires et les roches fragmentaires. On y a ajouté des caractères pour les grands dépôts de houilles et de sel gemme, qui servent à orienter les géognostes, leur position indiquant celle du grès rouge et du calcaire alpin. Tableau et valeur des signes. α, Granite. β, Gneis. γ, Micaschiste. δ, Thonschiefer. On a employé les quatre premières lettres de l’alphabet pour désigner les quatre formations primitives les plus anciennes. Comme ces formations passent graduellement les unes aux autres, on a choisi des lettres qui se succèdent immédiatement dans l’ordre alphabétique. Le granite passe au gneis, le gneis au micaschiste, celui-ci au thonschiefer. D’autres formations (porphyre, grünstein, euphotide) paroissent pour ainsi dire isolées, souvent comme surajoutées aux terrains plus anciens; aussi les a-t-on représentées par des lettres qui ne se succèdent pas immédiatement entre elles, et qui ne font pas suite aux lettres α, β, γ, δ. C’est par ce moyen que les formations qui se lient moins aux autres que quelquefois (euphotide et grünstein) elles se lient entre elles, se distinguent dans l’écriture pasigraphique d’une manière aussi tranchée que dans la nature. ο, Ophiolithes, euphotide, gabbro et serpentine; en général toutes les formations abondantes en diallage. ς, syénite, grünstein; en général toutes les formations abondantes en amphibole. π, Porphyre. On voit quelquefois π passer à ς, et ς passer à ο. τ, Formations calcaires et gypseuses (τιτανος). Si l’on veut individualiser davantage les formations calcaires, on peut distinguer les primitives (τ), et celles qui renferment des débris organiques (τ´); on peut même, par des exposans, indiquer séparément le calcaire de transition (τt), le calcaire alpin ou zechstein (τa), le calcaire de Gœttingue ou muschelkalk (τm), le calcaire du Jura ou la grande formation oolithique (τo), la craye (τc), le calcaire grossier parisien (τp) etc. κ, Roches fragmentaires, arénacées, agrégées, conglomérats, grauwacke, grès, brèches, roches clastiques de M. Brongniart (κλαςμα). L’accentuation (κ´) indique comme dans τ, que le grès est coquillier. On peut distinguer les grauwackes ou roches fragmentaires de transition (κg); le grès rouge (κa), renfermant le grand dépôt de houille (anthrax); le grès bigarré ou grès de Nebra (κn); le grès de Königstein ou quadersandstein (κq); le grès vert ou grès tertiaire à lignites sous la craie (κl); le grès plus abondant en lignites au-dessus de la craie (κ2l); le grès de Fontainebleau (κf), etc. Une bonne notation doit avoir l’avantage de pouvoir modifier la valeur des signes selon que l’on s’arrête à des divisions diversement graduées. Les exposans font allusion aux noms des roches. ξ, Houille, dont le plus grand dépôt se trouve à l’entrée du terrain secondaire: le même signe accentué (ξ´) indique les lignites, dont le grand dépôt est placé à l’entrée du terrain tertiaire et qui sont quelquefois des houilles coquillières. (ξυλον). ϑ, Sel gemme, dont la formation principale se trouve tantôt dans le calcaire alpin, tantôt dans le red marl ou grès bigarré. Ne pouvant employer la première lettre du mot grec ἁλς (elle indique déjà le granite), j’ai fait allusion à ϑαλαςςα. ‖, La division des formations, anciennement reçue, en terrain primitif, intermédiaire, secondaire, etc., est indiquée par deux barres perpendiculaires. Lorsque les séries géognostiques ont des termes très-nombreux, ce signe offre comme des points de repos. Le géognoste expérimenté sait d’avance où est placée la première roche de transition, le grès houiller, ou la craie. L’accentuation d’un caractère (δ´, τ´, κ´) rappelle en général qu’une roche renferme des débris de coquilles, qu’elle n’est pas primitive. Voici quelques exemples de l’emploi de ces douze signes pasigraphiques des roches: α, γ+π, δτ´, κ´, π, σ, α. Le terrain de transition commence après γ+π (le micaschiste avec des bancs de porphyre primitif). C’est presque la suite des formations de Norwége (page 148). On voit suivre une formation complexe de thonschiefer et de calcaire (noir) avec débris de coquilles, du grauwacke, un porphyre, de la syénite et da granite. Les termes δτ´ et κ´, qui précèdent π, ς, α, caractérisent ces trois roches comme des roches de transition. En Angleterre, où le terrain intermédiaire offre deux formations calcaires bien distinctes (celle de Dudley et du Derbyshire), on voit se succéder: β, σπ, δ´, κg, τ´, κg, τ´, ξ, κa, τa, κn+ϑ, τo, κl. τc, κ2l .... Le terrain de transition commence avec la formation de syénite et porphyre (Snowdon) placée sur un gneis qu’on croit primitif; puis se suivent: un thonschiefer avec trilobites, le grauwacke de May-Hill, le calcaire de transition de Longhope, le old red sandstone de Mitchel Dean, le mountain limestone du Derbyshire, la grande formation de houille, le new red conglomerate qui représente le grès rouge, le calcaire magnésifère, le red marl avec sel gemme, le calcaire oolithique, le grès secondaire à lignites (greensand), la craie, le grès tertiaire à lignites ou argile plastique, etc. Sur le continent, les formations secondaires, si elles s’étoient toutes développées, se succéderoient de la manière suivante: τ´, κg ‖ πκa + ξ, τa+ϑ, κn, τm, κq, τo, κl, τc ‖ κ2l.... En comparant ce type avec celui de l’Angleterre, ξ, κa, τa, κn+ϑ, τo, κl, τc..... on voit qu’entre les oolithes (τo) et le red marl ou grès de Nebra (κn) il y a, en Angleterre, deux formations supprimées, savoir, le muschelkalk et le quadersandstein; les houilles (ξ), le sel gemme (ϑ) et les oolithes (κo) servent de termes de comparaison, d’horizon géognostique. Mais, sur le continent, ξ et ϑ sont liés au grès rouge et au calcaire alpin, tandis qu’en Angleterre ces dépôts sont plutôt liés aux roches de transition et au red marl. Quelquefois τa est subordonné (pag. 259), intercalé à κa: ces deux termes de la série (le calcaire alpin et le grès rouge) n’en forment alors qu’un seul. L’incertitude de savoir si un calcaire est alpin (zechstein) ou de transition, naît généralement de la suppression du grès rouge et du dépôt de houille que renferme ce grès. Des deux séries, τ, κ+ξ, τ ..., τ, κ, τ ..., la première seule offre la certitude que le dernier τ est du calcaire alpin. Dans la seconde série, les deux calcaires et la roche fragmentaire qui les sépare pourroient être de transition. La liaison intime de la craie avec le calcaire du Jura est évidente, d’après l’alternance des couches (τo, κl, τc, κ2l,), et d’après l’analogie des grès à lignites au-dessous et au-dessus de la craie. Pour réunir les principaux phénomènes de gisement des roches dans les terrains primitifs, intermédiaires, secondaires et tertiaires, j’offre la série suivante: α, αβ, β+π, βγ, γ+τ, α, γ, δ, α, β, δ, ο ‖ κg, τ´, δτ´, δ´, δ´ + π, γ, τ´, σπ, σ + α, σπ, ο ‖ πκa + ξ, τa+ϑ, κn, τm, κq, τo, κl, τc ‖ κ2l, τp .... Il seroit inutile de donner l’explication de ces caractères; elle résulte de leur comparaison avec le tableau de formation. Je me borne à fixer l’attention du lecteur sur l’accumulation des porphyres (π), sur les limites des terrains de transition et secondaires, sur la position des formations d’euphotide (ο), sur les grands dépôts de houille et des lignites (ξ), et sur le retour (presque périodique) des formations feldspathiques, des granites, gneis et micaschistes (α, β, γ) de transition. Comme la notation que je présente ici peut être diversement graduée, en accentuant les caractères, en les réunissant comme des coefficiens dans les formations complexes, ou en ajoutant des exposans, je doute que les noms des roches rangées par séries les unes à côté des autres puissent parler aussi vivement aux yeux que la notation algorithmique. Dans la méthode figurative ou graphique, celle qui représente les formations par des parallélogrammes superposés les uns aux autres, on peut aussi indiquer les rapports de composition et de structure par des caractères qui couvrent, comme un réseau, toute la surface des parallélogrammes. En alongeant les parties grenues du granite et en divisant le parallélogramme en couches assez épaisses, on obtient le caractère du gneis. En rendant le tissu feuilleté onduleux et en l’interrompant par des nœuds (de quarz), le caractère du gneis se change en celui de micaschiste. De la même manière, la syénite sera représentée par le signe de granite auquel on ajoute des points noirs (l’amphibole). Ces caractères passent les uns aux autres, comme les roches qu’ils indiquent. En les réunissant dans des coupes, j’ai formé sur les lieux des dessins très-détaillés des vallées de Mexico et de Totonilco, des environs de Guanaxuato, et du chemin de Cuernavaca à la mer du Sud; dessins qui ont l’avantage de ne pas exiger l’emploi des couleurs. Je n’entrerai pas dans un plus grand détail sur les caractères que l’on peut employer. Ces caractères peuvent être diversement modifiés: il n’y a d’essentiel que la concision de la notation et l’esprit des méthodes pasigraphiques. NOTES. §. 1. Léopold de Buch, Geogn. Beobacht., Tome I, page 16, 23; Id., Reise nach Norwegen, II, p. 188; Id., dans Gilbert’s Annalen, 1820, Avril, p. 130. Leonhard, Taschenbuch, 1814, p. 17. Freiesleben, Bemerkungen über den Harz, I, p. 142. Leonhard, Kopp et Gærtner, Propædeutik, p. 159. Bonnard, Essai géogn. sur l’Erzgebirge, p. 18, 48; Id., Aperçu géogn. des terrains, p. 32. D’Aubuisson, Traité de géogn., II, 12. Jameson, Syst. of Miner., III, 107. Goldfuss et Bischof, Beschreibung des Fichtelgebirges, I, 145; II, 38. Boué, Géologie d’Écosse, p. 16, 348; Geol. Trans., II, 158. Edinb. Phil. Trans., VII, 350. Beudant, Voyage minér. et géol. en Hongrie, III, 19, 27. Humboldt. Essai sur la géogr. des plantes, p. 122; Id., Relat. histor. de voy. aux rég. équin., II, 100, 299, 507. §. 2. Raumer, Geb. von Nieder-Schlesien, p. 10. §. 3. Bonnard, Erzgeb., p. 62, 118. Goldfuss, Fichtelg., I, 145, 148, 172; II, 32. §. 4. Pusch, dans Leonh., Taschenb., 1812, p. 42. Raumer, Fragm., p. 33, 36, 70. Bonnard, Erzgeb., p. 104, 121. Maineke et Keferstein, dans Leonh., Taschenb., 1820, p. 103. §. 5. Buch, Beob., I, 33, Id., Norw., I, 197, 358, II, 240; Id. dans Mag. naturf. Freunde, 1809, p. 46. D’Aubuisson, Géogn., II, 60—66; II, 183, 187. Blöde, dans Leonh. Taschenb., 1812, p. 17. Humboldt, Nivell. géogn. des Andes, dans son Recueil d’observ. astron., I, 310. §. 6. Bonnard, Erzgeb., p. 72. Humboldt, Rel. hist., I, 556, II, 139. §. 7. Goldfuss, Fichtelgeb., I, 172 — 174. Bonnard, Terrains, p. 34, 40, 82, 66; Id. Roches, p. 34. Humboldt, Rel. hist., I, 610; II, 142, 233, 491, 569, 715. §. 8. Burckhardt, Travels in Syria, p. 142. D’Aubuisson, Géogn., II, 19. §. 9. Steffens , Oryktognosie, I, 270. Boué, Écosse, p. 55. Humboldt, Rel. hist., II, 40. §. 10. Beudant, Hongrie, II, 213. Bonnard, Terrains, p. 79. §. 11. Buch, Geogn. Beob., I, 45, 51, 124, 257; Id., Norwegen, I, 191, 209, 219; Id., dans Nat. Mag., 1809, p. 115. Cordier, dans Journ. des mines, XVI, 254. Bonnard, Terrains, p. 46. D’Aubuisson, Géogn., II, 78 — 93; Id. dans Journal de physique, 1807, p. 402. Eschwege, Journal von Brasilien, II, 14. Freiesleben, Geogn. Beytrag zur Kenntniss des Kupfersch., V, 257. Goldfuss, Fichtelg., p. 9. §. 12. Buch, Norwegen, I, 272, 413. §. 13. Buch, Geogn. Beobacht., I, 30; Id., Norwegen, II, 27, 31. Raumer, Geogn. Versuche, p. 50. §. 14. Freiesleben, Harz, II, 66. Bonnard, Erzgeb., p. 109 — 133. §. 15. Beudant, Hongrie, II, 84, III, 30, 40. Buch, Norwegen, II, 83, 87; Id., dans Mag. naturf. Fr., 1810, p. 147. Boué, Écosse, p. 386. §. 16. Eschwege, Journ. von Brasilien, I, 25, 34, 36, 38. §. 17. Eschwege, Bras., II, 241. §. 18. Bonnard, Terrains, p. 56. §. 19. Buch, dans Mag. nat. Fr., 1810, p. 137; Id. Geogn. Beob., I, 68, 71: Id., Norwegen, I, 479, II, 29, 84, 87, 135. Esmark, dans Pfaff, Nord. Arch., III, 199. Saussure, Voyages dans les Alpes, §. 1362. Journ. de phys., XXXV, 298. Targieni Tozzetti, Viaggi, II , 433. Brocchi, Bibl. ital., IX, 76, 356. Beudant, Hongrie, III, 49. §. 20. Brochant, Observ. géol. sur les terrains de transition de la Tarantaise, p. 16, 19, 31, 33, 37, 39, 44, 50, 53; Id., Mémoire sur les gypses anciens, p. 12 — 46. Buch, dans Mag. nat. Fr., 1809, p. 181; Id. dans Leonhard’s Taschenb., 1811, p. 335. Raumer, Fragmente, p. 10, 24. D’Aubuisson, Journ. des mines, n.° 128, p. 161. §. 21. Beudant, Hongrie, III, 96, 133, 199. Raumer, Nieder-Schlesien, p. 72. §. 22. Charpentier, Description géogn. des Pyrénées (manuscrit); §§. 35, 66, 89, 100, 105, 141 — 167; Id., Mém. sur le gisement des gypses de Bex, dans Naturw. Anzeiger der Schweiz. Gesellsch., 1819, n.° 9, p. 65. Raumer, Fragmente, p. 10, 32, 74; Id., Versuche, p. 41. Buch, Norwegen, II, 281; Id. dans Mag. nat. Fr., 1809, p. 175. Meinecke et Keferstein, Taschenb., p. 63. Haussmann, Nord. Beytr., II, 77, IV, 653; Id., Reise durch Scandinavien, II, 239. Engelhardt, Felsgebäude Russlands, I, 37. Keferstein, Teutschland geognostisch dargestellt, I, 136. Eschwege, Brasil., II, 258. Maclure, Géol. des Etats- Unis, p. 24. Brongniart, Notice sur l’histoire géogn. du Cotentin, p. 17; Id. Crustacés fossiles, p. 46 — 63. Beudant, Hongrie, III, 76, 578. Saussure, Alpes, §. 501. Wahlenberg, dans Acta Soc. Upsal., VIII, p. 19. Link, Urwelt, p. 2. Castelazo, de la riqueza de la Veta Biscaina (Mexico, 1820), p. 9. Humboldt, Essai polit. sur la Nouvelle-Espagne, II, 534, 537, 519—526. §§. 23 et 24. Del Rio dans la Gazeta de Mexico, XI, 416. Humboldt, Essai polit., II, 494, 521, 581, 583. Beudant, Hongrie, II, 157, III, 67 — 124, 148. Boué, Écosse, p. 147. Burckhardt, Travels in Syria, 1822, p. 493, 567. Raumer, Fragm., p. 24 — 26, 37, 48. Haussmann, dans Moll’s Neuem Jahrb., I, 34. Buch, Norw., I, 96—144. §. 25. Boué, Écosse, p. 94, 358. Palassou, Supplément aux Mémoires pour servir à l’hist. nat. des Pyrénées, p. 139 — 153. Brongniart, sur les Ophiolithes, p. 26, 46, 56, 59, 61. §. 26. Beudant, Hongrie, II, 575 — 580, 584—594, III, 171, 184, 194, 204. Geol. Trans., IV, p. 9. Annales des mines, III, p. 45 et 568. Steffens, Geogn. Aufsätze, p. 11. Buch, Beob., I, p. 104, 157. Heim, Geogn. Beytr. zur Kenntn. des Thüring. Waldes, II, 5te Abth., 236. Conybeare and Philipps Geol. of England, I, 298, 312, 324—370. §. 27. Humboldt, Géogr. des plantes, p. 128; Id., Essai politique, II, 589. §. 28. Escher, dans Leonh. Taschenb., 1804, p. 347; Id. dans Neue Zürcher Zeitung, 1821, n.° 60, p. 237. Uttinger, dans Leonh. Taschenb., 1819, p. 42. Keferstein, Teutschland, III, 259, 263, 273, 340, 372, 390, 407. Mohs, dans Moll’s Ephem., 1807, p. 161. Lupin, ib., 1809, p. 359. Ramond, Voy. au sommet du Mont-perdu, p. 15, 26. Traill, dans Geol. Trans., III, 138. Bibl. univ., XIX, 38. Buckland, On the structure of the Alps, p. 9. Buch, Geog. Beob., I, 153 — 171, 194, 216, 256. Freiesleben, Kupfersch., IV, 284. Tondi, dans Lucas, Tabl. méth. des esp. min., II, 243. Haussmann, Nord. Beytr., IV, 88. Jenaer litter. Zeit., 1813, p. 100. Steffens Geogn. Aufs., p. 49. Beudant, Hongrie, III, 231—237. Conybeare and Philipps, England, I, 301. Marzari Pencati, Cenni geologici, p. 21. Breislak, Sulla giacitura di alcune rocce porfiritiche e granitose, p. 25 — 35. §. 29. Conybeare and Philipps, Engl., I, 61, 269. Freiesleben, Kupfersch., I, 90 — 188, IV, 276 — 284. §. 30. Freiesleben, Kupfersch., I, 65, 89, IV, 295—317. Raumer, Versuche, p. 112— 115. §. 31. Haussmann, Nord. Beytr., 1806, St. 1, p. 73, 98. Freiesleben, Kupfersch., I, 102—107, IV, 283, 293. Conybeare and Philipps, Engl., I, 122. Raumer, Nieder-Schlesien, p. 121, 123, 153. §. 32. Humboldt, über die unterird. Gasarten, p. 39. Karsten, Min. Tab. p. 63 — 65. Buch, Landek., p. 7; Id., dans Helvet. Alm., 1818, p. 42. Gilb. Annalen, 1806, St. 5, p. 35. Escher, Naturw. Anzeiger der Schweiz. Ges., Jahrg. IV, p. 29. Charbaut, Mém. sur la géologie des environs de Lons-le-Saunier, p. 7, 9, 24, 27. Mérian, Beschaffenheit der Gebirgsbild. von Basel, p. 23, 36, 46, 88. §. 33. Conybeare and Philipps, Engl., I, 127 — 164. §. 34. Brongniart et Cuvier, Descr. géol. des environs de Paris, 1821, p. 10—17, 68—101. Steffens, Geogn. Aufs., p. 121. Raumer, Vers., p. 85, 116. Conybeare and Philipps, Engl., I, 60 — 126. §. 35. Bonnard, Terrains, p. 226. Brongniart, Descr. géol., p. 17—28, 102—122. Conybeare and Philipps, Engl., I, 37 — 57. Raumer, Vers., p. 120 — 122. Beudant, Hongrie, III, 242 — 264. Lardy, dans la Bibl. univ., Mars 1822, p. 180, 183. Keferstein, Teutschland, I, 46. Freiesleben, Kupfersch., V, 255. Adolphe Brongniàrt, Classific. des végétaux fossiles, p. 54. §. 36. Beudant, Hongrie, III, 264 — 282. Brongniart, Descr. géol., p. 29 — 38, 123 — 203. §. 37. Raumer, Vers., p. 123 — 125. Brongniart, Descr. géol., p. 38 — 50, 203 — 263. §. 38. Raumer, Vers., p. 125. D’Aubuisson, Géognosie, II, 414, 417. Brongniart, Descr. géol., p. 50 — 56, 264 — 274. Bonnard, Terrains, p. 217. §. 39. Brongniart, Descr. géol., p. 57 — 60, 275 — 320. Beudant, Hongrie, III, 282 — 288. §. 40. Buch, Geogn. Beob., II, 172 — 190. Id., dans Mag. nat. Fr., 1809, p. 299 — 303; Id., dans Mém. de Berlin, 1812, p. 129 — 154. Fleuriau de Bellevue, Journ. de phys., LI et LX. Cordier, Mém. sur les substances minérales, dites en masse, qui entrent dans la composition des roches volcaniques, p. 17 — 69. Bustamente sobre las lavas del Padregul de San Augustin de la Cuevas, dans le Seman. de Mexico, 1820, p. 80. Leonhard, Propædeutik, p. 168 — 175. Ramond, Nivellement barométrique et géognostique de l’Auvergne, p. 32—45. Breislak, Introd. à la géologie, I, 234, 261, 316. Heim, Thüringer-Wald, p. 229. Singer, dans Karsten’s Archiv für Bergbaukunde, III, 88. Robiquet, dans Annales de physique et de chimie, XI, 206. Nose, Niederrheinische Reise, II, p. 428. Boué, Écosse, p. 219 — 287. Beudant, Hongrie, III, 298—644. Humboldt, Essai sur la géographie des plantes, et tableau physique des régions équinoxiales, p. 129; Id., Essai polit., I, 249—254; Id., Nivellem. géogn. des Cordillères, dans le Recueil d’obs. astron., I, 309—311, 327 , 332; Id., Recueil d’obs. de zool. et d’anat. comparée, I, 21; Id., Relat. hist., I, 91, 116, 129, 133, 136, 148, 151, 153 — 155, 171, 176, 180, 308, 312, 394, 640; II, 4, 14, 16, 20, 25, 27, 39, 452, 515, 565, 719.