M. de Humboldt; Sur le nombre et la distribution geographique des volcans de la terre. Il nous a paru interessant de reproduire ici le resume que M. de Humboldt a publie dans le quatrieme volume de son Cosmos, qui vient de paraeitre. Ce resume est relatif au nombre des volcans maintenant en activite a la surface du globe. Quelques auteurs avaient deja traite ce sujet; d'apres Werner, le nombre des volcans encore allume est de 193; d'apres Cesar de Leonhard, 187; d'apres Girardin, 303, dont 109 sur les continents et 194 dans les eiles; d'apres Arago, 175; d'apres Ordinaire, 205, dont 107 dans les eiles et 98 sur les continents; d'apres Huot, 559, dont 373 dans les eiles et 186 sur les continents. Ces derniers chiffres, qui ne sont pas mentionnes par M. de Humboldt, nous paraissent exageres. Ni Leopold de Buch, ni Langrebe, ni Daubeny, qui se sont occupes specialement des volcans, ne se sont hasardes a dresser un resume general. Au reste, les differences proviennent, comme le dit M. de Humbold, des divers principes d'apres lesquels on classe les volcans, en volcans eteints et en volcans actifs, et de l'insuffisance des materiaux. L'experience historique a montre que des volcans qui passaient pour eteints se sont reveilles apres de longs intervalles, de sorte que M. de Humboldt estime que le chiffre qu'il donne est plutot trop faible que trop eleve. "J'ai retrace jusqu'ici, dit M. de Humboldt, dans leur intime connexite, tous les signes qui manifestent la vie volcanique de notre planete, et montre la gradation du grand et mysterieux phenomene qu'enfante la reaction de l'interieur de la terre contre sa surface recouverte de vegetaux et d'organismes vivants. Aux effets dynamiques des tremblements de terre et des ebranlements ont succede les sources thermales et les salses, c'est-a-dire les phenomenes qui determinent, avec ou sans inflammation spontanee, l'elevation persistante de temperature communiquee aux sources d'eau ou aux emanations gazeuses, et la diversite des combinaisons chimiques. La reaction du dedans au dehors a son expression la plus haute et la plus complexe dans les volcans, qui produisent par la voie seche les grands effets si divers de la formation cristalline. Et pour cela, ils ne se bornent pas a dissoudre et a detruire; ils se presentent aussi comme agents createurs, et soumettent les substances a des combinaisons nouvelles. Une partie considerable de roches tres-recentes, si ce ne sont les plus recentes, est l'oeuvre de l'activite volcanique, soit que, comme cela est encore le cas sur plusieurs points de la terre, les masses liquefiees s'elancent des echafaudages en forme de cone ou de dome, que la nature a disposes pour cet usage, soit que, dans la jeunesse de notre planete, les roches basaltiques et trachytiques se soient fait jour directement et sans echafaudage, pres des couches sedimentaires, a travers un reseau de failles ouvertes a la surface de la terre. "J'ai mis un grand soin a determiner exactement les points ou se sont longtemps conservees les communications entre l'atmosphere et l'interieur du globe; il me reste a faire le releve de ces points, a separer des nombreux volcans qui ont ete actifs a des epoques historiques, mais fort reculees ceux qui le sont encore aujourd'hui, et a partager les derniers en deux classes, suivant qu'ils appartiennent aux continents ou aux eiles. Si tous les volcans que je crois devoir comprendre dans cette recapitulation, pour former ce que l'on appelle le nombre limite ou la limite inferieure des volcans actifs, exercaient simultanement leur activite, ils auraient certainement une remarquable influence sur la composition de l'atmosphere, sur ses conditions climatologiques et surtout electriques. Mais les intervalles des eruptions en diminuent l'effet, et le renferment le plus souvent dans des localites circonscrites. Lors des grandes eruptions, il se forme autour des crateres, par suite de l'evaporation, des orages volcaniques, accompagnes d'eclairs et d'averses violentes, qui souvent devastent les environs; mais ce phenomene atmospherique n'a point de consequences generales. Le remarquable obscurcissement qui, en 1783, couvrit pendant plusieurs mois, du mois de mai au mois d'aoaut, une partie considerable de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique septentrionale, tandis que le ciel restait pur et sans nuage sur les hautes montagnes de la Suisse, fut attribue, il est vrai, et l'est souvent encore, a la grande activite volcanique de l'Islande et aux tremblements de terre de la Calabre; mais l'etendue du phenomene rend cette origine fort invraisemblable pour moi. On doit reconnaeitre cependant que les tremblements de terre, lorsqu'ils embrassent un vaste espace, peuvent avoir, sur l'avance de la saison des pluies, une influence plus vraisemblable que le fait isole d'une eruption volcanique; c'est ce que l'on a vu sur le plateau de Quito et a Riobamba, en fevrier 1797, dans la partie sud-est de l'Europe, et dans l'Asie Mineure durant le printemps de 1856." Dans le tableau qui suit, les chiffres de la premiere colonne indiquent le nombre des volcans cites dans l'ouvrage, ceux de la seconde marquent combien d'entre eux ont donne des preuves recentes d'activite volcanique. Nombre des volcans repartis sur la surface du globe. Lieux. Nombre. Europe ...................................... 7 4 Iles de l'Ocean atlantique ......................... 14 8 Afrique ...................................... 3 1 Asie continentale ............................... 25 15 Asie occidentale et centrale ........................ 11 6 Asie, presqu'eile du Kamtschatka .................... 14 9 Iles de l'Asie orientale ........................... 69 54 Iles de l'Asie meridionale ......................... 120 56 Ocean indien ................................... 9 5 Mer du Sud ................................... 40 26 Amerique continentale ........................... 115 53 Amerique du Sud ............................... 56 26 Chili ......................................... 24 13 Perou et Bolivie ................................ 14 3 Quito et la Nouvelle-Grenade ...................... 18 10 Amerique centrale .............................. 29 18 Mexique, au sud du rio Gila ....................... 6 4 Partie N.-O. de l'Amerique, au nord du rio Gila ......... 24 5 Antilles ....................................... 5 3 407 225 "Ce long travail, continue M. de Humboldt, pour lequel je me suis fait un devoir de remonter aux sources, c'est-a-dire aux relations de voyage des geologues et des geographes, constate que sur 407 volcans, 225 ont donne, dans les temps modernes, des temoignages d'activite. Les listes anterieures des volcans actifs en contenaient les unes 30, les autres 50 de moins (95), parce qu'elles etaient composees d'apres des principes differents. Je n'ai cependant fait entrer dans cette categorie que les volcans qui ont exhale des vapeurs ou qui ont eu, dans le dix-neuvieme siecle ou dans la seconde moitie du dix-huitieme, des eruptions historiquement constatees. Il existe, il est vrai, des volcans dont l'activite s'est reveillee apres des intervalles de quatre cents ans et plus; mais ces phenomenes sont extremement rares. On peut suivre la longue serie des grandes eruptions du Vesuve, dans les annees 79, 203, 512, 652, 983, 1138 et 1500. Pour l'Epomeo d'Ischia, on ne connaeit, anterieurement a la grande eruption de 1302, que celles des annees 36 et 45 avant l'ere chretienne." Plus loin, M. de Humboldt dit encore: "Si d'apres les exemples que j'ai cites des longs intervalles apres lesquels peut se reveiller l'activite assoupie des volcans, il reste beaucoup d'incertitude sur l'avenir de ceux qui semblent eteints, il n'en est pas moins tres-important de constater, a une epoque determinee, la distribution geographique des volcans actifs. Sur les 225 gouffres qui, au milieu du dix-neuvieme siecle, mettent l'interieur liquefie du globe en communication avec l'atmosphere, 70, c'esta-dire un peu moins d'un tiers, appartiennent aux continents, et 155 aux eiles. Des 70 volcans continentaux, 53, ou les trois quarts, sont situes en Amerique; 15 en Asie; 1 ou 2 dans la partie de l'Afrique qui nous est connue; il n'y en a qu'un seul en Europe. C'est dans les eiles de l'Asie meridionale, dans les archipels de la Sonde et des Molluques, ainsi que dans les eiles Aleoutiennes et les eiles Kouriles qui se rattachent a l'Asie, que se trouvent reunis, sur un plus petit espace, le plus grand nombre de volcans insulaires. Sur toute la surface terrestre, la zone dirigee du sudest au nord-ouest, entre les 75° de longitude occidentale et 125° de longitude orientale, entre 47° de latitude australe et 66° de latitude boreale, qui comprend la partie occidentale de l'ocean Pacifique, est la plus riche en volcans.