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Berlin, 26 juille
On me communique une nouvelle concernant les duchés. Le 21 juillet, lecomte Kielmannsegge, membre de notre première Chambre et qui a desbiens dans le Lauenbourg, s’est rendu de Lauenbourg à Copenhague, pouressayer, en même temps que d’autres intéressés, d’obtenir le retrait desordonnances de juin à l’égard de domaines. On me dit que le comte Kiel-mannsegge lui-méme a peu d’espoir de voir réussir sa démarche. Au reste,on croit toujours que la Diète de Francfort sera saisie de l’affaire avant sesvacances. Mais elle ne pourra s’en occuper qu’après la reprise de ses tra-vaux, en automne. C’est ee que l’on avait toujours fait pressentir.
Il y a quelques jours, on n’était pas fixé, dans le monde politique, sur lechoix du diplomate qui serait chargé de porter ici et de défendre le Mé-moire danois en répouse à la note prussienne du 1er juin, Mémoire que l’onsait annoncé. Les correspondances ministérielles, d’accord sur ce pointavec quelques indications de journaux, nomment le comte Sponneck.
Un grand nombre de diplomates ont quitté Berlin. L’envoyé de Franceest parti en congé il y a plusieurs jours. L’envoyé britannique, lord Bloomfield, habite Potsdam et se rend de temps à autre à Berlin pour vaquer auxaffaires de la légation.
Il y a trente aus, Alexandre de Humboldt avait publié à Paris, en guised’extrait d’un de sesouvrages les plus considérables, son célèbre Essai politi-que sur l’île de Cuba. Il en parut plus tard une traduction en anglais et uneautre en espagnol. En ce moment, une nouvelle traduction anglaise d’aprèsle texte espagnol est publiée à New-York. Mais la traduction américaine atrouvé bon de supprimer tout le septième chapitre de la traduction espa-gnole, lequel examine la situation politique de l’ile et notamment la questionde l’esclavage. M. de Humboldt s’en plaint dans les journaux de Berlin, en di-sant qu’il attache à ce chapitre plus d’importance qu’à la partie scientifiquedu livre, quelque peine qu’elle puisse avoir coûtée. Cette déclaration té-moigne de nouveau du caractère élevé et de la noblesse des sentiments quiont toujours distingué ce prince de la science. Il cite ensuite de l’ouvrageestropié le passage que voici:
«J’ai examiné avec franchise ce qui concerne l’organisation des sociétéshumaines dans les colonies, l’inégale répartition des droits et des jouis-sances de la vie, les dangers menaçants que la sagesse des législateurs etla modération des hommes libres peuvent éloigner, quelle que soit la formedes gouvernements. Il appartient au voyageur qui a vu de près ce qui tour-mente et dégrade la nature humaine, de faire parvenir les plaintes de l’in-fortune à ceux qui ont le devoir de les soulager. J’ai rappelé dans cet ex-posé combien l’ancienne législation espagnole de l’esclavage est moinsinhumaine et moins atroce que celle des Etats à esclaves dans l’Amériquecontinentale au nord et au sud de l’équateur.»
M. de Humboldt dit, en terminant, que, ayant toujours défendu la pluslarge liberté des opinions parlées ou écrites, il aurait supporté les plus vio-lentes attaques, mais que, en retour, il aurait cru devoir s’attendre à cequ’il fût permis de dire dans les Etats libres d’Amérique ce qui avait circulédès la première apparition de l’ouvrage, dans sa production espagnole.Cette déclaration du savant le plus éminent et le plus populaire de l’Alle-magne, je devrais dire de notre époque, a produit la plus heureuse sensa-tion.