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Alexander von Humboldt: „Les palmiers“, in: ders., Sämtliche Schriften digital, herausgegeben von Oliver Lubrich und Thomas Nehrlich, Universität Bern 2021. URL: <https://humboldt.unibe.ch/text/1852-Les_palmiers-1-neu> [abgerufen am 25.04.2024].

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https://humboldt.unibe.ch/text/1852-Les_palmiers-1-neu
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Titel Les palmiers
Jahr 1852
Ort Liège
Nachweis
in: La Belgique Horticole, Journal des Jardins, des Serres et des Vergers 2 (1852), S. 13–20.
Entsprechungen in Buchwerken
Alexander von Humboldt, Tableaux de la nature, übersetzt von Ch. Galusky, 2 Bände, Paris: Gide et J. Baudry 1851, Band 2, S. 144–159, Anmerkung 15.

Alexander von Humboldt, Ansichten der Natur, Dritte verbesserte und vermehrte Ausgabe, 2 Bände, Stuttgart und Tübingen: Cotta 1849, Band 2, S. 152–166, Anmerkung 15.

Alexander Humboldt, Ansichten der Natur, Zweite verbesserte und vermehrte Ausgabe, 2 Bände, Stuttgart und Tübingen: Cotta 1826, Band 2, S. 91–103, Anmerkung 15.

Alexander Humboldt, Ansichten der Natur, Stuttgart und Tübingen: Cotta 1808, S. 243–256, Anmerkung 15.
Sprache Französisch
Typografischer Befund Antiqua; Auszeichnung: Kursivierung.
Identifikation
Textnummer Druckausgabe: VII.32
Dateiname: 1852-Les_palmiers-1-neu
Statistiken
Seitenanzahl: 8
Zeichenanzahl: 21657

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LES PALMIERS, Par M. Alexandre De Humboldt.

Il est surprenant qu’à l’époque de la mort de Linné, on n’eut encoredécrit que quinze espèces de cette majestueuse famille des Palmiers, dontquelques-uns atteignent une hauteur double du château royal de Berlin,et que l’Indien Amarasinha caractérisait très-heureusement en les appelantles rois des graminées. Ruiz et Pavon, à la suite de leur voyage au Pérou,n’ajoutèrent que huit espèces. Après avoir parcouru un pays plus considé-rable, depuis le 12e degré de latitude australe jusqu’au 21e degré de la-titude boréale, nous avons décrit, M. Bonpland et moi, 20 espèces nou-velles de Palmiers, et nous en avons reconnu 20 autres espèces que nousavons désignées sous des noms distincts, sans pouvoir nous procurer desspecimens complets de leurs fleurs (Humboldt, de Distributione geogra-phica plantarum, p. 225-233). Actuellement, 44 ans après mon retourdu Mexique, on connaît, par des descriptions méthodiques, dans l’an-cien et le nouveau continent, plus de 440 espèces de Palmiers, en y com-prenant celles qui ont été apportées par Griffith. L’Enumeration planta-rum, de Kunth, publiée en 1841, contient déjà, à elle seule, 356 espèces. Il n’y a qu’un petit nombre de Palmiers qui, comme nos Conifères, nosQuercinées et nos Bétulinées, appartiennent aux plantes sociales. Ce sont,par exemple, le Palmier Moriche (Mauritia flexuosa) et les deux espècesde chamærops, dont l’une, Chamærops humilis, couvre de vastes espacesde terrain, à l’embouchure de l’Ebre et dans le royaume de Valence, etdont l’autre, Chamærops Mocini, découverte par nous au Mexique, sur lesrivages de l’Océan Pacifique, est tout-à-fait dépourvue de piquants. Demême que certains Palmiers, entre autres, les chamærops et les cocotiers,croissent au bord des eaux, il existe aussi sous les tropiques un groupeparticulier de Palmiers des montagnes, qui, si je ne me trompe, étaitentièrement inconnu avant mon voyage en Amérique, puisque toutes lesespèces de la famille des Palmiers végètent dans la plaine, sous une tem-pérature moyenne de 22° et de 24 degrés. Il est rare qu’ils s’élèvent sur lachaîne des Andes jusqu’à 1800 pieds; au contraire, le beau Palmier à cireCeroxylon andicola, le Palmeto de l’Azufral (Oreodoxa frigida) et le Kun-thia montana de Pasto, qui ressemble à un roseau, en espagnol Cana dela Vibora, croissent entre 6,000 et 9,000 pieds au-dessus du niveaude la mer, dans des lieux où le thermomètre descend souvent pendantla nuit à 4°, 8 et 6°, et où la température moyenne atteint à peine 11°.Ces Palmiers alpestres sont confondus pèle-mèle avec des noyers, des |14| espèces de Podocarpus dont les feuilles ressemblent à celles des Ifs, et avecdes chênes (quercus granatensis). J’ai déterminé soigneusement à l’aidede mesures barométriques, la limite supérieure et la limite inférieure desCéroxylon. Nous commençâmes à les rencontrer à la hauteur de 7440pieds sur la pente orientale des Andes de Quindiu, où ils montent jusqu’àla Garita del Peramo et à Los Volcancitos, c’est-à-dire à 9,100 pieds au-dessus du niveau de la mer. Plusieurs années après mon départ, un bo-taniste très-distingué, don José Caldas, qui, longtemps, nous accom-pagna dans les montagnes de la Nouvelle-Grenade et a péri victime deshaines des partis qui divisaient l’Espagne, a trouvé dans le Peramo deGuanacos, trois espèces de Palmiers très-voisins de la ligne des neigeséternelles, probablement à plus de 15,000 pieds de hauteur (seminariode Santa-Fé de Bogata, 1809, n° 21, p. 163), même en dehors de larégion tropicale par 28° de latitude, le chamærops Martiana s’élève dansles montagnes intérieures de l’Himalaya à la hauteur de 4,690 pieds ou5,000 pieds anglais (Wallich, Plantæ asiaticæ, t. III, tab. 211). En considérant les limites extrêmes de latitude, et par conséquent detempérature, entre lesquelles sont compris les Palmiers dans des lieux peuélevés au-dessus du niveau de la mer, on voit quelques formes, telles quele dattier, le chamærops humilis, le chamærops palmetto et l’areca sa-pida de la Nouvelle-Zélande, pénétrer dans la zone tempérée des deuxhémisphères jusqu’à des contrées où la température moyenne de l’annéeatteint à peine 11°,2 et 12°,5. Si l’on range les plantes cultivées selonle degré de chaleur qu’elles exigent, on trouve en commençant par cellesqui en demandent le plus: le cacao, l’indigo, le pisang, le caféier, le co-tonnier, le dattier, le citronnier, l’olivier, le châtaigner et la vigne. Ledattier s’avance en Europe, accompagné de chamærops humilis jusqu’à43°,30 et 44° de latitude, par exemple, sur la Rivera del Ponentès, dansle golfe de Gênes; près de Bordighera, entre Monaco et Santo-Stephano,où existe un bois de Palmiers composé de plus de 4000 tiges et autour deSpalatro en Dalmatie. Il est singulier que le chamærops humilis, quiabonde à Nice et dans l’ile de Sardaigne, manque absolument à la Corse,située entre ces deux contrées. Dans le Nouveau-Monde, le chamæropspalmetto, haut de 40 pieds, ne pénètre pas vers le Nord au-delà du 34°degré de latitude, ce qui s’explique par la courbure des lignes isothermes.De l’autre côté de l’équateur, les Palmiers, selon Robert Brown, s’arrêtentaussi dans la Nouvelle-Hollande au 34° parallèle; ils y sont d’ailleurs fortrares, et l’on n’en compte pas plus de six ou sept espèces (General Re-marks on the botany of terra australis, p. 45). Dans la Nouvelle-Zélande,où sir Joseph Banks a vu le premier areca, ils s’avançent jusqu’au 38°.L’Afrique, contrairement à un ancien préjugé, répandu encore de nosjours, possède très-peu d’espèces de cette famille; une seule, l’Hyphænecoriacea, s’étend jusqu’au port Natal sous le 30° degré au-delà de l’équa-teur. Le continent de l’Amérique méridionale nous offre à peu près les |15| mêmes limites. A l’est de la chaine des Andes, dans les Pampas de Buénos-Ayres et dans la province qui s’étend au-delà de la Plata, les Palmierspénètrent, selon Auguste de St.-Hilaire, jusqu’à 34° ou 35°. (Voyage auBrésil, p. 60.) Suivant M. Claude Gay, le coco de Chili, probablementnotre Jubæa spectabilis, la seule espèce de Palmier qui croisse au Chili,atteint précisément la même limite, à l’ouest des Andes, sur les bordsdu Rio-Maule (Ch. Darwin, Journal of Researches, édit. de 1845, p. 244et 256). J’insère ici quelques remarques que j’écrivis en 1801, au moment oùje quittais l’embouchure du Rio-Sinn, ombragée par un grand nombre dePalmiers et située à l’ouest du golfe de Darien, pour faire voile vers Car-tagena de Indias. «Depuis deux ans, nous avons vu plus de 27 espèces différentes dePalmiers dans l’Amérique du Sud. Combien Commerson, Thunberg,Banks, Solander, les deux Forster, Adanson et Sonnerat, ne doivent-ilspas en avoir observées dans leurs longs voyages! Cependant, au momentoù j’écris ces lignes, il n’existe pas plus de 14 à 18 espèces de Palmiers,dont on possède une description systématique. Il est réellement plusmalaisé qu’on ne le supposerait d’atteindre et de se procurer des fleursde ces arbres. Dirigeant de préférence notre attention sur les Palmiers,les graminées, les cypéracées, les juncées, les cryptogames et d’autresvégétaux très-négligés jusqu’à ce jour, nous avons vivement senti cettedifficulté. La plupart des palmiers ne portent des fleurs qu’une fois paran, et fleurissent, du moins auprès de l’équateur, dans le mois de janvieret de février. Quel est le voyageur qui puisse être sûr de passer précisé-ment ces deux mois dans les contrées fertiles en Palmiers? La période defloraison est d’ailleurs pour beaucoup d’espèces, limitée à un si petitnombre de jours, qu’on arrive presque toujours trop tard, quand l’ovaireest déjà gonflé et que les fleurs mâles ont disparu. Souvent sur une éten-due de plus de 10,000 lieues carrées, on ne rencontre que trois ou quatreespèces de Palmiers. Qui peut se trouver simultanément, pendant un lapsde deux mois, dans les missions de Rio Caroni, dans les Morichales quibordent l’embouchure de l’Orénoque, dans la vallée de Caura et d’Erevato,au bord de l’Atabapo ou de Rio-Negro, et sur les pentes du Duida? Ajoutezà cela la difficulté d’atteindre, dans d’épaisses forêts ou sur des rives ma-récageuses, comme au bord du Terni et du Tuamini, des fleurs qui pen-dent à des tiges, hautes de 60 pieds et hérissées de piquants. Les voya-geurs qui se préparent en Europe à des expéditions scientifiques se fontd’étranges illusions: ils se figurent des ciseaux ou des couteaux recourbésqui, attachés à des gaules, doivent tout abattre, ou de jeunes garçons qui,à l’aide d’une corde fixée à leurs pieds, peuvent grimper au sommet desplus hauts arbres. Ces rêves ne se réalisent presque jamais; telle est lahauteur de ces palmiers qu’il est impossible d’atteindre l’enveloppe flo-rale. Dans les missions établies au milieu du réseau des fleuves de la |16| Guyane, on se trouve parmi des indiens satisfaits de leur pauvreté etrendus assez riches par leur stoïcisme et leur sauvagerie. Ni argent, nioffres d’aucune espèce ne les décideraient de s’écarter de trois pas de leurchemin, quand, par hasard, il y a un chemin. Cette apathie insurmon-table des indigènes, irrite d’autant plus le voyageur européen, qu’il lesvoit en même temps gravir partout avec une rapidité extraordinaire, dèsqu’il s’agit de satisfaire leurs propres désirs, d’attraper un perroquet, unigname ou un singe, qui, frappé d’une flèche, se rattrape aux branchesavec sa queue. Durant le mois de janvier, nous avons vu à la Havane,dans la promenade publique et dans les prairies qui avoisinent la villetous les troncs de palma reals, notre Oreodoxa regia, couronnés de fleursblanches comme la neige. Plusieurs jours de suite nous offrimes aux né-grillons que nous rencontrions dans les rues étroites de Regla ou deGuanavacoa deux piastres pour un seul spadice de ces fleurs hermaphro-dites; ce fut en vain. Sous les tropiques l’homme n’est capable d’aucuneffort, sans y être contraint par la nécessité absolue. Les botanistes et lespeintres de la commission espagnole instituée sous la direction du comtede Jaruco y Mopox, pour le progrès des sciences naturelles, MM. EstevezBoldo, Guio et Echeveria, nous ont avoué que faute de pouvoir parvenirà ces fleurs, ils étaient restés plusieurs années sans les examiner. «Après l’énumération de ces obstacles, on conçoit ce qui, en Europe,m’eut paru à moi-même incompréhensible, que, tout en ayant reconnu,dans l’espace de deux ans, plus de vingt espèces différentes de palmiers,nous n’ayons pu en décrire systématiquement que douze. Quel intérêt n’offrirait pas l’ouvrage d’un voyageur qui parcourrait l’Amérique méri-dionale en se livrant exclusivement à cette étude, et représenterait avecleurs dimensions naturelles la spathe, le spadice, les parties florales et lesfruits des palmiers!» (J’écrivais ces lignes plusieurs années avant levoyage de Martius et de Spix, au Brésil, par conséquent avant l’apparitionde l’excellent ouvrage que Martius a publié sur les palmiers.) «Il y a une grande uniformité dans les feuilles; elles sont ou pinnées(pinnata) ou digitées (palmo-digitata), tantôt le pétiole est sans piquants,tantôt il est découpé de telle façon que chaque dent est terminée par uneépine (serrato-spinosus). La feuille du Caryota urens et du Martineziacaryotifolia que nous avons vus aux bords de l’Orenoque et de l’Atabapo,et plus tard sur les Andes, dans le passage de Quindiu, à une hauteur de3,000 pieds, a une forme presque unique parmi les palmiers, comme lafeuille du Gingko parmi les arbres dycotylédonés. Ce qui distingue surtoutles palmiers c’est une physionomie et un port majestueux qu’il est difficilede représenter par des paroles. Le stipe (caudex) est très-rarement diviséen branches comme l’est celui des dragoniers; il est simple en particulierdans le Cucifera thebaïca ou palmier Doum, et dans l’Hyphæne coriacea.Tantôt il a la souplesse d’un roseau, comme dans le Piritu, le Kunthiamontana et le Corypha nana du Mexique, celui de cocotier est renflé vers |17| la base. Quelquefois les stipes sont unis, quelquefois ils sont couvertsd’écailles comme dans le palma de Covija y de Sombrero des Llanos. Enfinon en voit d’épineux, comme par exemple le Corozo de Cumana et duMacanilla du Caripe, dont les longs piquants sont très-régulièrementdistribués en anneaux concentriques. «On remarque aussi des différences caractéristiques dans les racinesdes palmiers qui, bien qu’elles ne prennent pas naissance à plus d’unpied ou d’un pied et demi au-dessus du sol exhaussent le tronc sur unesorte d’échafaudage, ou s’enroulent tout autour en forme de bourrelets.J’ai vu des civettes et de très-petits singes se glisser entre les racines duCaryota. Souvent la tige est renflée au milieu et va en s’amincissant au-dessus et au-dessous, comme dans le palma real de l’île de Cuba. Tantôtles feuilles sont d’un vert sombre, comme dans le Mauritia et le cocotier,tantôt elles présentent sur le revers la blancheur de l’argent, commecelles de Corypha miraguana, espèce de palmier élancé que nous avonstrouvé dans l’île de Cuba, près du port de la Trinité. Parfois aussi lemilieu de la feuille déployée en éventail est orné de raies concentriquesjaunes et bleuâtres, comme une queue de paon; on peut citer en exemplele mauritia épineux que M. Bonpland a découvert sur les rives de l’A-tabapo. «La direction des feuilles n’est pas un caractère moins important queleur forme et leur couleur. Les folioles sont tantôt pectinées, c’est-à-direrangées sur le même plan les unes contre les autres et formées d’un pa-renchyme raide et allongé comme dans le cocotier et le phœnix. De là lesjeux de lumière que produit le soleil, puisqu’il tombe sur la surface supé-rieure des feuilles, d’un vert clair dans les cocotiers, d’un vert plus matet cendré dans les dattiers. Quelquefois aussi le feuillage composé de vais-seaux plus ténus et plus souples, et frisé vers l’extrémité, ressemble àcelui des roseaux. Telles sont les feuilles du Jagua, du Palma real delSinu, del Palma real de Cuba, du Pirritu del Orinoco. La direction desfeuilles est avec l’axe tracée par leur tige, ce qui contribue le mieux àdonner aux palmiers cet air de majesté souveraine qui les distingue. Uncaractère qui relève encore la physionomie de quelques-uns d’entre-eux,c’est qu’ils conservent non-seulement dans leur jeunesse, comme la seuleespèce de dattier qui ait été introduite en Europe, mais durant toute leurvie, la direction droite et inflexible de leurs feuilles. Plus l’angle que for-ment les palmes avec le prolongement supérieur de la tige est aigu, plusla forme est noble et grandiose. Quelle différence d’aspect entre les feuillespendantes du Corypha tectorum ou palma de Covija del Orinoco y da LosLlanos de Calabozo, les feuilles plus horizontales du Dattier et du Cocotieret enfin les branches de Jagua, du Lucurito et du Pirijao, qui semblentmenacer le Ciel. «La nature a réuni tous les genres de beauté dans les palmiers Jagua,qui, mêlés aux Cucuritos ou Vadgihai, hauts de quatre-vingts ou cent pieds |18| ornent les rochers granitiques des cataractes d’Atures et de Maypures,et que nous avons aperçus aussi cà et là sur les rives solitaires du Casi-quiare. Leurs tiges sveltes et unies atteignent une élévation de soixante àsoixante-dix pieds, de manière à former des colonnades au-dessus dufeuillage épais des arbres dicolylédonés. Leurs cimes aériennes contrastentmerveilleusement avec les branches touffues des Ceiba, avec les forêts delaurinées, les Calophyllum et les Amyris qui les entourent. Leur feuilles,au nombre de sept ou huit à peine se dressent presque verticalement dansles airs jusqu’à une hauteur de quinze à seize pieds. Les extrémités desfeuilles sont frisées et ressemblent à des panaches. Les folioles ont unparenchyme mince comme celui des graminées; elles flottent, légères etfrémissantes, autour du pétiole qui se balance lentement au gré des airs.Chez tous les palmiers, l’inflorescence sort du tronc au-dessous de la nais-sance des feuilles, mais on distingue les diverses espèces à la manière donts’opère cette éclosion. L’enveloppe florale de quelques palmiers, tels quele Corozo del Sinu, se dresse verticalement, et les fruits, suivant la mêmedirection, forment une espèce de thyrse semblable à celle du Bromelia.Dans la plupart des espèces, au contraire, les spathes tantôt lisses, tantôtrabotteuses et hérissées d’épines, sont pendantes; quelques-unes produi-sent des fleurs mâles d’une blancheur éblouissante. Le spadice de ces pal-miers brille à une grande distance, lorsqu’il a atteint son entier dévelop-pement. Chez le plus grand nombre, les fleurs mâles sont jaunâtres,pressées les unes contre les autres, et déjà presques fanées lorsqu’elles sedégagent de la spathe. «Dans les palmiers à feuillage pinné, tels que les Cocotiers, le Phœnix,le Palma real del Sinu, les pétioles sortent de la partie sèche, rude etligneuse du stipe ou bien comme dans le Palma real del Havana (Oreodoxaregia) qui faisait déjà l’admiration de Christophe Colomb, ils naissent detiges plus minces, lisses et vertes, qui se superposent au tronc commedes colonnes à des colonnes. La couronne de feuillage qui surmonte lespalmiers â éventails (foliis palmatis), tels que le Moriche et le Palma deSombrero de la Havana, repose souvent sur un lit de feuilles sèches, cir-constance qui donne à ces arbres un caractère sévère et mélancolique.Dans quelques palmiers en parasol, dans le Miraguama par exemple, lacouronne ne se compose que d’un très-petit nombre de feuilles suppor-tées par de minces pétioles. Il y a aussi dans la forme et dans la couleur des fruits plus de variétéqu’on ne croit en Europe. Les fruits du Mauritia flexuosa sont ovales;leur surface écailleuse, brune et luisante leur donne l’aspect de jeunespommes de pins. Quelle différence entre l’énorme coco triangulaire, lesbaies du Dattier et les petits drupes du Corozo. Mais il n’est pas un pal-mier dont les fruits égalent en beauté ceux du Pirijao (Pihiguao) de San-Termando de Atabapo et de San-Balthasar. Ces fruits sont des pommesde deux à trois pouces d’epaisseur, de forme ovale, de couleur dorée et |19| pourprée sur une de leurs faces; ils ont une substance farineuse, ne lais-sent pas de semence et pendent en grappes pressées du sommet de troncsmajestueux.» Nous avons déjà mentionné ailleurs ces beaux fruits qui s’agrégenten grappes au nombre de soixante-dix ou de quatre-vingts, et sontsusceptibles, comme les bananes et les pommes de terre, de prépara-tions diverses. Dans quelques espèces de palmiers, les spathes qui enveloppent lesspadices font entendre un bruit distinct, lorsqu’elles viennent à s’en-tr’ouvrir tout-à-coup. Sir Achard Schomburgk, a, comme moi, observéce phénomène dans l’Oreodoxa oleracea (Reisen in Britisch Guiana, t. I,page. 55). Cette bruyante éclosion de l’inflorescence des palmiers rappellele dithyrambe de Pindare, en l’honneur du printemps, et le moment où,dans la ville Argienne de Némée, le Dattier entr’ouvrant ses bourgeons,annonce l’approche du printemps embaumé (Cosmos, t. II, page 9 de latraduction française). Trois formes d’une beauté excellente se retrouvent dans les contréestropicales de toutes les parties du monde; les palmiers, les bananiers etles fougères arborescentes. Les lieux où la chaleur et l’humidité agissentsimultanément sont ceux où la végétation est la plus luxuriante et offreles formes les plus diverses; aussi l’Amérique du sud est-elle la plus bellepartie de la région des palmiers. En Asie, ces arbres sont plus rares, peut-être parce que la portion considérable du continent indien qui est situéesous l’équateur, fut bouleversée et recouverte par la mer, dans les pre-mières révolutions du globe. Nous ne savons presque rien des palmiersqui croissent en Afrique, entre la baie de Benin et la côte d’Ajan, et engénéral, ainsi que je l’ai déjà fait observer, nous ne connaissons qu’untrès-petit nombre de palmiers africains. Après les conifères et après les Eucalyptus de la famille des myrtacées,ce sont les palmiers qui offrent l’exemple du plus grand développementvégétal. Le chou-palmiste (Areca oleracea) fournit des tiges de cent cin-quante à cent soixante pieds de hauteur (Aug. de Saint-Hilaire, Morpho-logie végétale, 1840, page 176). Le palmier à cire, notre Céroxylon an-dicola, que nous découvrîmes dans la Montana de Quindiu, entre Ibagueet Cartago, atteint la taille énorme de cent soixante à cent quatre-vingtspieds. J’ai pu mesurer tout à mon aise des troncs de cet arbre, coupésdans les bois. Après le Céroxylon, le plus haut de tous les palmiers d’A-mérique, m’a paru être l’Oreodoxa sancona, que nous trouvâmes en fleurprès de Roldanilla, dans la vallée de Cauca, et qui fournit un bois deconstruction très-dur et excellent de tout point. Si, malgré la quantitéénorme de fruits que produit un seul tronc, il n’existe pas dans chaqueespèce, un grand nombre d’individus sauvages, cela tient sans doute à ceque la plupart des fruits avortent et à ce qu’une foule d’animaux de toutesles classes leur font une guerre acharnée; il est vrai de dire aussi qu’il |20| existe dans le bassin de l’Orénoque, des tribus entières qui durant plu-sieurs mois se nourrissent de fruits de palmiers. «In palmetis Pihiguaoconsitis, singuli trunci quotannis fere 400 fructus ferunt pomiformes,tritumque est verbum inter fratres sancti Francisci, ad ripas Orinoci etGuainiæ degentes, mire pinguescere Indorum corpora, quoties uberempalmæ fructum fundant.»