académie des sciences de berlin. Séance du 18 juillet 1842. Physique du globe. — Dans cette séance l’Académie a entendu un mémoire de M. de Humboldt, dont nous devons parler avec quelque étendue. Ce mémoire a pour titre: Essai d’une détermination de la hauteur moyenne des continents. “Parmi les éléments numériques dont paraissent dépendre plus spécialement les progrès de la géographie physique, il en est un dont la détermination n’a pas même été essayée jusqu’à présent. Le préjugé qui semblait dominer, qu’il y avait impossibilité d’arriver à une semblable détermination, a peut-être été la cause principale pour laquelle on a négligé ce sujet. Cependant l’extension de nos connaissances orographiques, ainsi que le perfectionnement des cartes qui représentent de grandes étendues de terrain, m’a déterminé, dit M. de Humboldt, à entreprendre depuis quelques années un travail laborieux et en apparence stérile, dont le but est la connaissance approchée de la hauteur moyenne des continents et la détermination de la hauteur du centre de gravité de leur volume. Dans cette circonstance, comme dans beaucoup d’autres, telles que les dimensions du globe, la distance probable des étoiles fixes, la température moyenne des pôles de la terre ou de l’épaisseur de la couche atmosphérique au dessus du niveau des mers, l’évaluation de la population générale du globe, on arrive à des nombres limites entre lesquels les résultats doivent tomber. De même c’est par la connaissance parfaite de la surface géométrique et hypsométrique d’un pays, de la France, par exemple, qu’on a pu ainsi être conduit à étendre par analogie des conclusions à une grande partie de l’Europe et de l’Amérique, et qu’il nous a été permis d’établir des données numériques qui, dans ces derniers temps, ont été complétées d’une manière bien satisfaisante pour l’Asie centrale et occidentale. “Il fallait aussi recueillir avec le plus grand soin les déterminations astronomiques de la hauteur des lieux pour établir, jusqu’à 300 ou 400 mètres de hauteur absolue, les limites entre les versants des montagnes et les bords des vallées. J’ai démontré depuis longtemps la possibilité d’une semblable détermination des limites, et de la comparaison qui en dépend, j’ai déduit l’étendue en surface des plaines et des portions horizontales et plates des montagnes, dans mes recherches géognostiques sur l’Amérique du Sud, portion de la terre pour laquelle la longueur de l’immense muraille qui forme la Cordillière des Andes et les masses soulevées du Parime et du Brésil était si incorrectement limitée et circonscrite sur toutes les cartes. En effet, une tendance générale des représentations graphiques consiste à donner aux montagnes plus de largeur qu’elles n’en ont en réalité, et même dans les portions planes à mêler les plateaux des divers ordres les uns avec les autres.” M. de Humboldt a publié en 1825 deux mémoires insérés dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, qui ont pour objet la hauteur moyenne des continents, l’évaluation du volume des arêtes de soulèvements des montagnes, comparés à l’étendue de la surface des basses régions. Une assertion de Laplace dans la Mécanique céleste (tome V. livre XI, chap. I, page 3) avait donné lieu à ces recherches. Ce grand géométre avait établi en principe que l’accord qu’on remarque entre les résultats des expériences faites avec le pendule et l’aplatissement de la terre, qu’on déduisait tant de la mesure trigonométrique des degrés du méridien que de l’inégalité de la lune, fournissait une preuve “que la surface du sphéroïde terrestre serait à peu près celle de l’équilibre, si cette surface devenait fluide. De là, et de ce que la mer laisse à découvert de vastes continents, on conclut qu’elle doit être peu profonde, et que sa profondeur moyenne est du même ordre que la hauteur moyenne des continents et des îles au-dessus de son niveau, hauteur qui ne surpasse pas 1000 mètres” (ou 3073 pieds de Paris, c’est-á-dire 463 pieds de moins seulement que le Brocken-Gipfel, suivant M. Gauss, ou un peu plus que les montagnes les plus élevées de la Thuringe). Plus loin Laplace ajoute: “Cette hauteur est donc une petite fraction de l’excès du rayon de l’équateur sur celui du pôle, excès qui surpasse 20000 mètres. De même que les hautes montagnes recouvrent quelques parties des continents, de même il peut y avoir de grandes cavités dans le bassin des mers; mais il est naturel de penser que leur profondeur est plus petite que l’élévation des hautes montagnes, les dépôts des fleuves et les dépouilles des animaux marins devant remplir à la longue ces grandes cavités.” “D’après les connaissances profondes et étendues que possédait au plus haut degré l’auteur de la Mécanique céleste, une assertion de cette nature était d’autant plus frappante qu’il ne pouvait ignorer que le plateau le plus élevé de la France, celui sur lequel ont surgi les volcans éteints de l’Auvergne, ne s’élève pas, d’après Ramond, à plus de 1044 pieds, et que le grand plateau ibérique n’est pas, d’après mes mesures, à plus de 2100 pieds audessus du niveau de la mer. Laplace n’a donc établi la limite supérieure à 1000 mètres que parce qu’il a considéré l’étendue et la masse des soulèvements de montagnes comme beaucoup plus considérable qu’elles ne sont, qu’il a confondu la hauteur des pics isolés ou points culminants avec la hauteur moyenne des arêtes de montagnes, qu’il a admis pour la profondeur moyenne des mers un chiffre trop faible, parce qu’il n’a pas de son temps trouvé de donnée à ce sujet, et qu’il en a conclu le rapport d’étendue de surface (en milles carrés) pour tous les continents avec l’étendue de la projection des surfaces couvertes par les montagnes.” Un calcul très-exact a fait voir que la masse de la chaîne des Andes, dans l’Amèrique du Sud, à partir de toute la partie des plaines orientales des pampas et des forêts, parties dont la surface est de ⅓ plus grande que celle de l’Europe, n’est élevée que de 486 pieds. M. de Humboldt en concluait “que la hauteur moyenne des terres continentales dépend bien moins de ces chaînons ou arêtes longitudinales de peu de largeur qui traversent les continents, de ces points culminants ou dômes qui attirent la curiosité du vulgaire, que de la configuration générale des plateaux de différents ordres et de leur série ascendante, de ces plaines doucement ondulées et à pentes alternantes qui influent par leur masse et leur étendue sur la position d’une surface moyenne, c’est-à-dire sur la hauteur d’un plan placé de manière que la somme des ordonnées positives soit égale à la somme des ordonnées négatives.” La comparaison que Laplace avait établie, dans le passage cité de la Mécanique céleste, entre la profondeur de la mer et la hauteur des continents, rappelle un passage de Plutarque dans le XVe chapitre de la Biographie d’Æmilius Paulus (Ed. Reiskii, tome II, page 276), passage d’autant plus remarquable qu’il nous fait connaître une opinion qui a régné généralement parmi les philosophes de l’école d’Alexandrie. Plutarque, après avoir cité une inscription qu’on lisait sur le mont Olympe, et donné le résultat de la mesure de sa hauteur par Xenagoras, ajoute: “Mais les géomètres (probablement ceux d’Alexandrie) croient qu’il n’y a pas de montagne plus haute et pas de mer plus profonde que 10 stades.” On ne peut élever aucun doute sur l’exactitude de la mesure faite par Xenagoras, mais on est frappé de voir que les philosophes de cette école établissaient dans la structure de la terre une égalité parfaite entre les hauteurs ou ordonnées positives et négatives. Ici il n’est question que du maximum des hauteurs et des profondeurs, et non pas d’une hauteur moyenne, considération qui s’est rarement présentée à l’esprit des philosophes anciens, et qui, pour des grandeurs variables, a été appliquée d’une manière utile à l’astronomie par les Arabes. Même dans les Metereologius de Cleomedes (I, 10), on rencontre une assertion conforme à celle de Plutarque, tandis que dans les Meteoroligicis du philosophe de Stagire (Arist. Mét., II, 2) on ne considère que l’influence de l’inclinaison du fond de la mer, de l’est à l’ouest, sur les courants. Lorsqu’on cherche à déterminer la hauteur moyenne de l’élévation des continents au-dessus du niveau actuel des mers, cela signifie qu’il s’agit de trouver le centre de gravité du volume des continents au-dessus de ce niveau, recherche fort différente de celle qui consiste à chercher le centre de gravité du volume de la masse continentale ou le centre de gravité des masses, attendu que la portion qui s’élève au-dessus des mers, dans la croûte du globe, n’est nullement de la même densité, ainsi que la géognosie et les expériences du pendule l’ont démontré. La marche du calcul simple est celle-ci. On considère chaque chaîne de montagne comme un prisme triangulaire posé horizontalement. La hauteur moyenne des cols ou passes qui déterminent la hauteur moyenne de la crête des montagnes est la hauteur de l’arête du prisme, verticalement au-dessus de la surface qui constitue la base de la chaîne. Les plateaux sont calculés comme des prismes droits pour établir leur solidité. Pour donner un exemple pris en Europe de ce genre de calcul, M. de Humboldt rappelle que la surface de la France est de 10087 milles géographiques carrés. D’après M. Charpentier, les Pyrénées couvrent 430 de ces milles carrés, et, quoique la hauteur moyenne des crêtes des Pyrénées s’élève à 7500 pieds, M. de Humboldt y opère une réduction, à cause des érosions qui se sont opérées sur le prisme supposé couché, et qui ont agi surtout pour diminuer le volume des vallées profondes transverses. L’effet des Pyrénées sur toute la France n’est que de 35 mètres ou de 108 pieds; c’est-à-dire que c’est de cette quantité que serait augmentée la surface normale du plan de toute la France, qui, par la comparaison d’un grand nombre de mesures très exactes sur des lieux placés vers le centre (tels que Bourges, Chartres, Nevers, Tours, etc.), est élevé de 480 pieds. Ce calcul, que M. de Humboldt a fait en commun avec M. Elie de Beaumont, fournitensuit, le résultat général que voici, en mesures telles que les donne l’auteur: Toises. 1. Effet des Pyrénées......... 18 2. Les Alpes françaises, le Jura et les Vosges, quelques toises de plus que les Pyrénées; effet commun ............. 20 3. Reste les plateaux du Limousin, de l’Auvergne, des Cevennes, de l’Aveyron, du Forez, du Morvant, de la Côte-d’Or; effet commun, égal à peu près à celui des Pyrénées ....... 18 Or, comme la hauteur normale du plan de la France est dans son maximum de........ 80 il s’ensuit que la haut. moyenne de la France ne dépasse pas 136 ou 816 pieds. Les plaines baltiques, sarmates et russes ne sont séparées de celles du nord de l’Asie que par la chaîne méridienne de l’Oural. C’est à cause de cela qu’Hérodote, qui connaissait la liaison de l’extrémité méridionale de l’Oural dans le pays des Issidons appelait Europe toute l’Asie au nord de l’Altaï. Dans la portion limitrophe des plaines baltiques, il y a, près du littoral de la mer Baltique des masses partielles de soulèvement qui méritent une attention particulière. A l’occident de Dantzig, entre cette ville et Bütow, dans le point où le rivage de la mer s’avance beaucoup vers le nord, il y a beaucoup de villages placés à une hauteur de 400 pieds; de plus le Thurmberg, dont la mesure a donné lieu á beaucoup de controverses hypsométriques, s’élève, suivant les opérations trigonométriques du major Baeyer, á 1024 pieds, ce qui est peut-être la plus grande élévation qu’il y ait entre le Harz et l’Oural. Il est étonnant que, d’après les mesures faites par M. Struve du point culminant de la Livonie, le Munamaggi, cette montagne ne s’élève que de 4 toises de plus que le Thurmberg de la Poméranie, tandis que, d’un autre côté, d’après la carte du capitaine Albrecht, la plus grande profondeur de la mer Baltique entre Gothland et Windau n’est que de 167 toises, hauteur presque identique avec celle du Thurmberg. Le pays plat exclusivement européen, dont la hauteur normale ne saurait s’évaluer á plus de 60 toises, a, d’après des mesures exactes, neuf fois la surface de la France. L’étendue extraordinaire de cette région basse est la cause pour laquelle la hauteur continentale moyennede toute l’Europe sur les 17000 milles géographiques carrés, est de 30 toises au-dessous du résultat que nous avons trouvé pour la France. Au reste, pour ne pas s’arrêter plus longtemps à des nombres, M. de Humboldt ajoute qu’une considération importante dans l’étude des phénomènes généraux de la géologie, c’est que les masses soulevées, sur des pays étendus, sous forme de plateaux, produisent un tout autre effet sur l’élévation du centre de gravité du volume que les chaînes de montagnes, lorsqu’ils ont la même importance en longueur et en hauteur. Tandis que les Pyrénées produisent à peine sur toute l’Europe un effet d’une toise; le système des Alpes, qui couvrent une surface presque quadruple de celle des Pyrénées, un effet de 3 ½ toises; la péninsule ibérique, avec sa masse-plateau compacte de 300 toises, produit un effet de 12 toises. Le plateau ibérique agit donc sur l’Europe entière quatre fois autant que le système des Alpes. Ce résultat des calculs est d’autant plus satisfaisant qu’il paraît se déduire en dehors de toute hypothèse préalable. Nous avons dans ces derniers temps acquis beaucoup de notions sur la configuration de l’Asie. L’effet des masses colossales de soulèvements de la partie méridionale se trouve affaibli, parce que [Formel] de tout le continent de l’Asie, une portion de la Sibérie, qui, seule, dépasse d’un tiers la surface totale de l’Europe, n’a pas une hauteur normale de 40 toises. C’est aussi la hauteur d’Orenbourg, sur le bord septentrional de la Caspienne. Tobolsk n’a pas même la moitié de cette hauteur, et Casan, qui est cinq fois plus éloignée du littoral de la mer Glaciale que Berlin ne l’est de la Baltique, a à peine la moitié de la hauteur de cette dernière ville. Dans l’Irtysch supérieur entre Buktormensy et le lac Saysan, dans un point où l’on est plus voisin de la mer des Indes que de la mer Glaciale, M. de Humboldt a trouvé que les plaines n’avaient pas 800 pieds de hauteur; c’est cependant là ce qu’on a nommé le plateau de l’Asie centrale, et qui n’a pas la moitié de la hauteur des rues de la ville de Munich au-dessus du niveau de la mer. Le plateau si célèbre entre le lac Baikal et la muraille de la Chine (le désert de pierres de Gobi ou Cha-mo), que les académiciens russes, MM. Bunge et Fuss, ont mesuré au baromètre, n’a qu’une hauteur moyenne de 660 toises, qui est à peu près celle des Müggelsberge au sommet du Brocken; de plus, ce plateau a dans son milieu, au point où est placé Ergi (lat. 45° 31′) une dépression en fond de chaudière dont le fond descend jusqu’à 400 toises, c’est-à-dire la hauteur de Madrid. “Cette dépression, dit M. Bunge, dans un mémoire qui n’a pas encore été publié, est couverte d’Halophytes et d’espèces du genre Arundo, et, d’après la tradition des Mongoles qui nous accompagnaient, elle a formé autrefois une grande mer intérieure. ”Les deux extrémités de cette ancienne mer intérieure sont bornées par des falaises rocheuses, tout comme une mer ordinaire, dans les environs d’Olonbaischan et de Zukeldakan. La surface du Gobi, dans ses masses de soulèvement uniforme, et du sud-ouest au nord-ouest, est deux fois aussi grande que celle de toute l’Allemagne, et élèverait le centre de gravité de l’Asie de 20 toises, tandis que l’Himalaya et le Houen-Lun, qui prolonge l’Hindou-Kho, avec les plateaux thibétains qui relient l’Himalaya au Kouen-Lun, ne produiraient qu’un effet de 56 toises. Dans l’examen du relief considérable entre les plaines de l’Inde et le plateau déprimé de Tarim, qui, à partir de Kaschgar est incliné à l’orient vers le lac Lop, il faut examiner avec plus de soin le point voisin du méridien de Kaylasa et des deux lacs sacrés de Manasa et Ravana-Brada, à partir duquel l’Hymalaya ne court plus de l’est vers l’ouest parallèlement au Kouen-Lun, mais se dirige du sud-est au nord-ouest et se réunit aux contreforts du Tsun-Ling. Les hauteurs des nombreuses passes de Bamian jusqu’au méridien de Tschamalari (24400 pieds), par lesquelles Turner a atteint le plateau thibetain de H’Lassa, sont aussi connues sur une longueur de 21 degrés de longitude. La plupart d’entre elles ont très uniformément 14000 pieds anglais ou 2200 toises, hauteur qui n’est pas rare dans les passes de la chaîne des Andes. La grande route que M. de Humboldt a suivie de Quito, en allant à Cuença, a par exemple à Assuay (Ladera de Cadlud) et sans neige une hauteur de 2428 toises, c’est-à-dire 1400 pieds de plus que cette passe de l’Himalaya. Les passes, comme il a été dit, donnent les hauteurs moyennes des montagnes. Dans un mémoire sur le rapport entre les cimes élevées ou points culminants et la hauteur des chaînes de montagnes, M. de Humboldt a démontré que la chaîne des Pyrénées, calculée par vingttrois passes et hourques, était de 50 toises plus élevée que la chaîne moyenne des Alpes, quoique les points de culmination des Pyrénées et des Alpes fussent dans le rapport de 1 à 1 [Formel] . Comme les passes isolées de l’Himalaya, par exemple, le Niti-Gate, par laquelle on pénètre dans la plaine des chèvres de Cachemire, sont élevées de 2629 toises, M. de Humboldt n’a pas admis pour hauteur de la chaîne de l’Hymalaya le chiffre de 14000 pieds anglais, mais il propose de la fixer, quoique l’élévation soit peut-être encore trop forte, à 15500 pieds ou 2432 toises. Le plateau des trois Tubets de Iscardo, Ladak et H’Lassa, est une intumescence entre deux chaînes qui se relient (l’Himalaya et le Kouen-Lun). Le voyage de M. Vigne dans le Baltistan et le petit Tubet, qui vient de paraître, le journal des frères Gérard, publié par Lloyd, ainsi que les travaux récents faits dans l’Inde sur la hauteur relative des neiges perpétuelles sur les versants indiens et tubetains de l’Himalaya, ont démontré que la hauteur moyenne des plateaux tubétains avait été jusqu’à présent beancoup exagérée. Dans son ouvrage intitulé Asie centrale, dont seulement quelques feuilles du tome troisième sont encore imprimées, et qui sera accompagné d’une carte hypsométrique de l’Asie depuis le Phase jusqu’au golfe Petcheli, et des embouchures communes de l’Ob et de l’Irtysch jusqu’au parallèle de Delhi, M. de Humboldt croit avoir démontré, par le rapprochement d’une foule de faits, que l’intumescence entre l’Himalaya et le Kouen-Lun (chaînes qui sont les limites méridionale et septentrionale du Tubet) ne s’élève pas en hauteur moyenne à plus de 1800 toises, et est, par conséquent, de 200 toises plus basse que le plateau du lac de Titicaca. La configuration hypsométrique du continent asiatique est peutêtre encore plus remarquable par ses plaines et ses dépressions que par ses hauteurs colossales. Ce continent se distingue par deux traits caractéristiques principaux: 1° par la longue série de chaînes méridiennes, qui, avec des axes parallèles, mais alternant entre elles (peut-être projetées comme des filons), s’étendent depuis le lac Comorin, en face Ceylan, jusqu’à la côte de la mer Glaciale, en direction uniforme du sud-sud-ouest au nord-nord ouest, sous le nom de Ghates, chaîne Soliman, de Paralasa, de Bolor et d’Oural. Cette situation alternante des chaînes méridiennes aurifères (Vigne a récemment visité sur le versant oriental du Bolos, dans la vallée de Basha, dans le Baltistan, les sables aurifères exploités, suivant les Tubétains, par des marmottes, et, d’après Hérodote, par de grosses fourmis) nous révèle cette loi qu’aucune des chaînes méridiennes qui viennent d’être nommées, entre 64° et 75° de longitude, ne s’étend sur ses voisines, soit vers l’est, soit vers l’ouest, et que chacune de ces élévations longitudinales ne commence à se montrer en latitude qu’au point où la précédente a complétement disparu. 2° Un autre trait caractéristique, et qu’on n’a pas assez remarqué dans la configuration de l’Asie, est la continuité d’une élévation considérable, est et ouest, entre 35° et 36° ½ de latitude, de Takhialoudag, dans l’ancienne Lycie, jusqu’à la province chinoise de Houpih, élévation recoupée trois fois par les chaînes méridiennes (Zagros, dans la Perse occidentale, Bolos, dans l’Afghanistan, chaîne de l’Assam dans la vallée de Dzangho), de l’ouest à l’est de cette chaîne, depuis le parallèle de Dicéarque qui est en même temps celui de Rhodes, Taurus, Elbrouz, Hindou-Kho et Kouen-Lun on A-Neoutha. Dans le troisième livre de la géographie d’Eratosthène, on trouve le premier germe de l’idée d’une chaîne de montagnes (Strabon, XV, p. 689 Cas.) courant d’une manière continue, et qui partage l’Asie en deux parties. Dicéarque a aperçu la liaison qui unit le Taurus de l’Asie-Mineure avec les montagnes couvertes de neige de l’Asie, lesquelles avaient acquis tant de célébrité parmi les Grecs par les récits et les mensonges de ceux qui avaient accompagné les Macédoniens. On mettait de l’importance au parallèle de Rhodes et à la direction de cette chaîne sans fin de montagnes. La chlamyde de l’Asie devait se trouver au plus loin sous ce parallèle (Strabon, XI, p. 519) et peut-être un peu plus à l’est il pouvait bien, dit Strabon, se trouver un autre continent. Le Taurus et les plateaux de l’Asie Mineure ont révélé pour la première fois aux philosophes grecs l’influence de la hauteur sur la température. “Même dans les latitudes méridionales, dit le grand géographe d’Amasis (Strabon, II, p. 73), quand il compare le climat des côtes septentrionales de la Cappadoce avec celui des plaines de l’Argaios, situées 3000 stades plus au sud, les montagnes et tous les terrains élevés sont froids, même quand ces terrains sont des plaines.” Au reste Strabon est le seul parmi les auteurs grecs qui se soit servi du mot ὀροπέδια, plaine de montagne. D’après le résultat final du travail entier de M. de Humboldt, le maximum donné par Laplace pour la hauteur moyenne des continents serait des ⅔ trop considérable. Ce savant trouve, pour les trois parties du monde qui ont fait l’objet de ses calculs (l’Afrique ne présentant pas encore à cet égard assez de documents), les éléments numériques suivants: Europe .... 105 toises (205 mètres). Amérique du Nord. 117 — (228 —). Amérique du Sud. 177 — (345 —). Asie..... 180 — (351 —). Pour la totalité du nouveau continent on a 146 toises (285m), et pour la hauteur du centre de gravité du volume de toutes les masses continentales (l’Afrique exceptée) au-dessus du niveau des mers actuelles, 157t,8 ou 307m. M. de Hoff, qui, sur une étendue de 224 milles géographiques carrés, a mesuré avec une extrême exactitude 1076 points, la plupart dans la portion montueuse de la Thuringe, estime qu’il y a environ cinq hauteurs par chaque mille carré, mais que ces hauteurs s’y trouvent inégalement réparties. M. de Humboldt a demandé à M. de Hoff, toujours pour vérifier l’hypothèse de Laplace sur la masse des continents, de calculer la hauteur moyenne des mesures hypsométriques qu’il a faites. Ce savant a trouvé 166 toises, c’est-à-dire 8 toises de plus que le résultat de M. de Humboldt. On doit donc en conclure que, puisqu’on a mesuré un pays très-montueux de la Thuringe, le chiffre de 157 toises, ou 942 pieds est un nombre limite plutôt trop fort que trop petit. D’après la certitude où l’on est aujourdhui d’un soulèvement progressif et partiel de la Suède (fait des plus importants de géographie physique, dont nous sommes redevables à M. de Buch), on peut croire que le centre de gravité ne restera pas toujours le même; toutefois, d’après la petitesse des masses qui sont soulevées et la faiblesse des forces souterraines qui agissent, il est présumable qu’en ayant égard aux variations, qui doivent se compenser en grande partie, ce centre de gravité ne changera pas beaucoup de position au-dessus de l’Océan; mais une chose neuve, qui paraît résulter des calculs numériques de ce travail hypsométrique, c’est que les moindres hauteurs dans notre hémisphère appartiennent aux masses continentales du Nord. Ainsi l’Europe a fourni 105 toises, l’Amérique du Nord, 117 toises, L’intumescence de l’Asie entre les 28° et 40° de latitude compense l’effet soustractif des parties basses de la Sibérie. L’Asie et et l’Amérique du Sud donnent 180 et 177 toises. On lit pour ainsi dire dans ces nombres dans quelles portions de la surface de notre globe le vulcanisme, c’est-à-dire la réaction de l’intérieur à l’extérieur, s’est fait sentir avec le plus d’intensité dans les anciens soulèvements.