The following letters from Baron Von Humboldt to the Earl of Minto, and from Professor Erman to Major Sabine, having been communicated to the Royal Society, the Committee have deemed it desirable that they should form a part of this publication, with the permission of the respective parties. Letter from the Baron Alexander von Humboldt to the Earl of Minto. Milord: Berlin, ce 12 Oct., 1839. Lorsq'au printems de l'annee 1836, j'adressai une lettre a S. A. R. Mgr. le Duc de Sussex sur les moyens propres a perfectionner la connoissance du magnetisme terrestre par l'etablissement de stations magnetiques et d'observations correspondantes, je sollicitai le concours puissant de la Societe Royale de Londres en faveur de travaux qui, emanant a la fois de plusieurs grands centres scientifiques de l'Europe, pourroient conduire progressivement a la connoissance precise des lois de la nature. Ma demarche fut accueillie avec bienveillance, et la Societe Royale daigna recommander a la protection speciale du Gouvernement de Sa Majeste l'etablissement de plusieurs stations permanentes dans les regions tropicales, et dans les parties temperees de l'hemisphere austral. Cette protection du Gouvernement a ete accordee avec une munificence qui depasse de bien loin l'espoir des hommes le plus ardemment occupes des variations du magnetisme terrestre, selon les trois coordonnees de declinaison, d'inclinaison, et d'intensite absolue. Ce ne sont pas seulement des stations magnetiques qui seront fondees dans les lieux les plus propres a la manifestation des changemens que subit la distribution des forces; c'est une grande expedition antarctique qui a ete ordonnee sous le commandement d'un savant et intrepide navigateur, le Capitaine James Clark Ross; expedition qui embrassera dans des travaux sagement prepares tous les problemes du magnetisme terrestre, de la configuration du globe, de la distribution de la chaleur, du mouvement des eaux de l'ocean, de la constitution geologique du sol, de la geographie des plantes et des animaux. Je crois remplir un devoir sacre en offrant au Premier Lord de l'Amiraute, a Monsieur le Comte de Minto, l'hommage respectueux de la plus vive reconnoissance dont sont penetres tous ceux qui cultivent les sciences, et leur ont voue une vie laborieuse. Cette reconnoissance est due au Ministre qui, dans des vues elevees et si favorables aux progres de l'intelligence, a realise l'execution du voyage antarctique. La bienveillance personnelle dont votre Excellence m'a honore, pendant Son sejour a Paris et a la Cour de mon Souverain, me donne le courage de Lui communiquer en meme-tems quelques considerations qui se rattachent au but principal d'une vaste et noble entreprise. Ma franchise ne sera pas mal interpretee. La variabilite des phenomenes est ce qui caracterise le plus le magnetisme terrestre: variabilite selon une marche lente et periodique, quelquefois intermittente aussi, comme effet de perturbations brusques et instantanees. Il en resulte que pour approfondir les lois du magnetisme terrestre, il est d'une haute importance de connoeitre l'etat magnetique du Globe a une meme epoque donnee: ou, du moins, selon des observations faites a des epoques tres rapprochees. Il y a presque deja trente ans que, dans le Recueil de mes Observations astronomiques, j'ai indique combien il serait precieux pour la Physique du globe, si plusieurs batimens munis d'excellens instrumens, parcouraient simultanement l'equateur magnetique et les lignes sans declinaison, pour fixer a la meme epoque, dans le vaste bassin des mers, la declinaison, l'inclinaison, et l'intensite des forces magnetiques. J'insistai aussi, (malgre l'imperfection des instrumens et des methodes d'alors,) d'apres ma propre experience, sur la possibilite de determiner sur mer, et avec une precision suffisante, les variations de ces deux derniers elemens. (Rel. hist. T. 1. p. 262.) Je montrai combien ces determinations oceaniques sembloient offrir d'avantages, la, ou les couches d'eau sont assez epaisses pour que l'on ait moins a craindre les perturbations locales dues a la constitution mineralogique du fond. Guide par des considerations analogues, j'ose exprimer le desir, que pour rendre plus fructueux encore l'immense travail qui sera execute en trois annees, soit par l'expedition du Capitaine Ross, soit dans les nombreuses stations magnetiques repandues sur la surface des continens et des iles, Votre Excellence voulaut bien ordonner simultanement quelques expeditions partielles et supplementaires. Deux savans, auxquels nous devons des travaux importans sur la connoissance des variations du magnetisme terrestre, M. le Major Sabine et M. Lloyd, professeur a Dublin, m'ont deja donne l'heureuse nouvelle que le Gouvernement de Sa Majeste enverroit a Otaheite, a cette metropole de l'Ocean pacifique, illustree par d'anciens travaux astronomiques, un officier tres-instruit et muni d'appareils magnetiques. Le grand nombre de batimens de la marine royale qui se trouvent le plus souvent en station sur les cotes occidentales de l'Amerique du sud, et dans les mers de l'Inde, faciliteront peut-etre les moyens de multiplier les investigations que j'appelle supplementaires, et dont, pour le moment, le but principal seroit la connoissance experimentale de l'equateur magnetique, et des lignes sans declinaison. I. Un batiment muni d'instrumens propres a mesurer l'inclinaison, la declinaison, et l'intensite, pourroit, en partant des cotes du Perou, suivre l'equateur magnetique, ou la courbe d'inclinaison zero, jusqu' aux cotes de la peninsule de Malacca, et, si le vent le permet, jusq'au detroit de Bab-el-Mandel. Un second batiment pourroit parcourir l'equateur magnetique depuis le Golfe de Guinee jusqu'aux cotes du Bresil. On determineroit avec une grande precision astronomique les points du littoral ou la courbe d'inclinaison zero, qui n'est pas un grand cercle de la Sphere, coupe les continens et les iles: on apprendroit a connoeitre les changemens de sinuosite et le mouvement des noeuds (points d'intersection des equateurs magnetique et terrestre) qui ont eu lieu depuis les epoques des voyages anterieurs. Comme les lignes isodynamiques et isoclines ne sont aucunement paralleles, il seroit a desirer que les intensites fussent aussi determinees le long de l'equateur magnetique, ou dans sa proximite la plus immediate. II. Quant aux parties des lignes sans declinaison qui deviennent accessibles aux navigateurs, j'oserai, Monsieur le Comte, les indiquer toutes, non dans le vain espoir que des observations simultanees puissent les embrasser dans leur ensemble pendant la duree du sejour du Capt. Ross dans les hautes regions antarctiques, mais seulement pour faciliter le choix a Votre Excellence selon les combinaisons fortuites que peuvent offrir des traversees ou les stations ephemeres de batimens de la marine royale. Je n'ignore pas que d'apres les grandes vues sur les veritables fondemens d'une Theorie generale du magnetisme terrestre qui sont dues a M. Gauss, soit la connoissance approfondie de l'intensite horizontale, soit la multiplicite et la sage repartition des points dans lesquels les trois elemens de declinaison, d'inclinaison et d'intensite ont ete simultanement mesures, pour trouver la valeur de V (§. 4 et 27), et par consequent aussi de [Formel] , sont les points vitaux du probleme qu'a resolu l'illustre Geometre: mais les besoins actuels du Pilotage, les corrections habituelles du rumb, et des chemins parcourus, donnent encore une importance speciale et pratique a l'element de la declinaison. On apprecieroit une determination experimentale, c. a. d. par observation immediate, avant que l'edifice theorique ait pu etre complete et termine dans son ensemble; on l'apprecieroit d'autant plus que les lignes isogones ont un mouvement tres-inegal dans les differentes portions de leurs traces, et que l'action combinee des petites attractions magnetiques locales cause des deviations partielles de la direction moyenne des lignes d'egale declinaison, deviations qui interessent la securite des routes, et qui resteront long-temps hors de l'atteinte de la theorie generale la plus solidement etablie. Je signale ici de preference la direction des lignes sans declinaison, auxquelles des considerations de Geographie physique doivent conserver une partie de leur ancienne importance. (a.) L'expedition antarctique, en arrivant, par l'ouest, de la Terre Kerguelen a celle de Van Diemen, aura traverse la ligne sans declinaison qui remonte au nord vers la Terre de Nuyts (Australie). Il seroit important de fixer astronomiquement, comme je l'ai fait observer pour l'equateur magnetique, les points meridionaux et septentrionaux du littoral de la Nouvelle Hollande, ou la ligne de declinaison zero traverse le continent australien, et de poursuivre cette courbe, d'abord vers l'O. N. O, et ensuite vers le nord, depuis la Baie de Vansittart, ou le Cap Bougainville, jusq'aux iles Maldives, et les atterrages de Surate dans l'Inde. Les connoissances acquises par les beaux travaux de Hansteen, d'Adolphe Erman et de George Fuss sur la grande sinuosite des lignes isogones de la Siberie rendent tresdifficile de se former aujourd'hui une idee exacte de la liaison de ces lignes avec les lignes correspondantes dans les Mers de l'Inde et de la Chine. D'apres les cartes interessantes qui accompagnent l'expose de la Theorie generale par M. Gauss, la ligne de declinaison zero ne coupe le continent asiatique que pres de l'entree du Golfe Persique; elle remonte directement de la vers le nord a la Mer Caspienne et a la Mer Blanche. D'apres M. Barlow elle se replie du Golfe de Cambaye vers le N.E. et reparoeit dans les Mers de la Chine et du Japon, entre l'extremite septentrionale de l'Ile Formose et la peninsule Seghalienne. Ce seroit jeter une vive lumiere sur un des points les plus obscurs du magnetisme terrestre que de lever les doutes qui enveloppent le prolongement de cette ligne de declinaison zero de la mer des Indes, et de faire connoeitre par des observations precises la direction et la distribution des forces a l'ouest de l'Indus entre Candahar, Balkh, Koundouz, et le Pendjab (la Pentapotamie). Il est probable que la marche victorieuse des armees de S. M. vers Caboul, et le sejour des troupes dans l'Afghanistan pourront donner lieu a des recherches de ce genre, au moyen des petits appareils magnetiques que l'on destine pour l'Inde. Il resteroit a examiner pour la meme epoque la position de la ligne zero dans les mers du Japon au nord de l'Isle Formose, comme dans l'Ocean Glacial dans la partie tresaccessible entre Spitzberg et la Mer Blanche. Suivre les traces de l'equateur magnetique, ou celles des lignes sans declinaison, c'est gouverner (diriger la route du vaisseau) de maniere a couper les lignes zero dans les intervalles les plus petits, en changeant de rumb chaque fois que les observations d'inclinaison ou de declinaison prouvent qu'on a devie. (b.) Si du systeme oriental, ou de l'ancien continent, nous passons au systeme magnetique americain et atlantique, nous aurions a desirer la determination simultanee des portions de la ligne sans declinaison qui remonte a l'est de la Georgie du sud vers St. Salvador du Bresil, quitte le continent pres de Maranham, et se dirige au N. O. vers le Cap Charles et la Baye de Chesapeak. Les mers que traverse cette ligne sont si frequentees que de nombreuses observations magnetiques y ont ete faites, et se trouvent conservees dans les archives du Depot de la Marine Royale; mais il ne suffit pas d'avoir coupe souvent et a differentes epoques la ligne zero, il s'agit de la poursuivre, autant que les vents le permettent, dans toute son etendue. Je devrais hesiter, M. le Comte, a faire mention du prolongement le plus boreal de la ligne atlantique a travers le Canada et la Baie d'Hudson, mais je dois considerer la surface du globe dans son ensemble, et fixer l'attention des navigateurs sur les changemens qui peuvent etre survenus dans les dernieres annees. (c.) La Mer du Sud, si l'on en excepte les cotes du Japon n'a de nos jours pas de variation zero. Le noeud circulaire qui renferme l'archipel des Marquesas pres du minimum des variations orientales (5°) merite de nouvelles investigations dont pourroit se charger le batiment qui suivrait l'equateur magnetique du Perou vers l'Inde. La forme de ce noeud circulaire c. a d. l'espacement variable des courbes isogones qui le constituent, et le deplacement progressif du noeud entier, sont des phenomenes egalement remarquables et qui contrastent avec le grand noeud circulaire de l'Asie orientale, auquel, selon le memoire de M. Gauss, appartient la courbe de declinaison zero des mers du Japon et de la Chine. Je compte sur votre ancienne bienveillance, Milord, en osant vous importuner si longuement de considerations sur l'utilite que pourraient offrir des observations simultanees, par l'emploi d'instrumens et de methodes semblables, dans les differentes regions des deux hemispheres. J'ai touche aux moyens de completer les resultats de la grande expedition antarctique, et d'en augmenter la valeur. Votre Excellence choisera dans sa sagesse, de ce qui, parmi tant d'objets importans pour l'art nautique et pour la Geographie physique, pourra lui paroeitre d'une execution facile. Je sais borner mes esperances. Je supplie V. E. de jetter les yeux sur quelques additions aux instructions scientifiques que j'ose Lui adresser. C'est presque etre presomptueux que de vouloir ajouter a un excellent travail, redige en partie par Sir J. Herschel. J'ai cede aux instances amicales de MM. Sabine et Lloyd, et je vous supplie, Milord, de vouloir bien faire mettre entre les mains de Sir J. Herschel un ecrit fragmentaire dans lequel ce grand astronome et savant physicien effacera librement tout ce qui lui paroeitra peu exact, ou moins digne de l'attention des voyageurs. Je suis, &c., &c. A. DE HUMBOLDT. Additions fragmentaires aux "Instructions for the Scientific Expedition to the Antarctic Regions." Les personnes qui sont chargees des observations scientifiques, ayant des connoissances tres-variees, il suffit de leur rappeler avec la plus grande concision les points qui paroissent de quelque importance dans le cours de leurs travaux. I. Forme de la Surface Continentale. Mouvemens des terres par soulevement ou par depression, soit lents et progressifs, soit brusques et instantanes, toujours comme effet de la reaction de l'interieur fluide d'une planete vers sa croaute plus ou moins consolidee. Il seroit important de placer des marques sur les cotes des continens et des iles, a une elevation rigoureusement determinee au dessus des plus hautes marees. Je prefererois des barres de cuivre preparees d'avance en Angleterre, ayant une inscription de la date et le nom du Capitaine Ross. Un trait ou sillon creuse dans le rocher, reuniroit deux marques metalliques eloignees l'une de l'autre au moins de 15 pieds. Le sillon doit etre tres-exactement horizontal. Pour chaque endroit on aura verifie l'elevation moyenne des marees d'une maniere approximative. Des marques semblables, mais de fer et de 2 pieds de long, ont ete placees (a ma priere, apres mon retour de Siberie) par M. Lenz, membre de l'Academie de St. Petersbourg, sur les cotes rocheuses de la Mer Caspienne pres de Bakou (voyez Poggendorf, Annalen, t. xxvi. p. 364.). Les barres sont scellees par du plomb fondu. II. Magnetisme Terrestre. Tout ce qui a rapport a l'importance de la simultaneite des determinations d'inclinaison, de declinaison et d'intensite magnetiques a ete consigne dans la lettre que j'ai eu l'honneur d'adresser a M. le Comte de Minto, Premier Lord de l'Amiraute. J'ai rappele ce qui est relatif a la forme, et aux directions actuelles de l'equateur magnetique (courbe d'inclinaison zero) et des lignes sans declinaison. Je n'ajoute ici que le desir que l'on puisse observer en outre des epoques prescrites par M. Gauss, aux epoques astronomiquement importantes des solstices et des equinoxes, comme je l'ai fait conjointement avec M. Oltmanns en 1806 et 1807, pendant 5 et 6 jours et autant de nuits. A cause de la plus grande precision des instrumens actuels, 24 ou 36 heures suffiroient. Je signale aussi les points suivans:--Examiner les influences lunaires d'apres les indications de M. Kreil, astronome de Milan, aujourd'hui a Prague; faire attention aux orages, aux grandes chutes de grele ou de neige, aux jours couverts ou sereins; voir si des changemens atmospheriques modifient les phenomenes magnetiques d'une maniere sensible et stable; examiner si sur mer ou sur les glaces polaires, on remarque quelque influence de la constitution mineralogique du fond; si des perturbations locales se font sentir sur mer, la ou l'on peut supposer que les eaux ne sont pas tresprofondes. L'intensite des forces se trouvoit diminuee a la hauteur que M. Gay Lussac a atteinte en ballon: on reconnoit cette diminution, lorsqu'on corrige les observations de ce savant par la temperature des couches d'air qu'il a parcourues. La position dans un vaisseau a la surface des mers est une position semblable; moins par rapport a la surface moyenne de la terre, que par rapport a l'independance relative aux attractions locales. Les observations faites sur de hautes montagnes, au dessus de 2500 toises, (observations d'inclinaison et d'intensite recueillies soit par moi, soit tout recemment par d'autres voyageurs) donnent des resultats peu concordans a cause des perturbations dues aux couches soulevees de la croaute terrestre. Ces considerations sur le decroissement tres-lent des forces magnetiques dans le rapport hypsometrique, et sur la petitesse de la profondeur moyenne de l'ocean, meritent l'attention des physiciens. Meme sur le sol volcanique de Rome, nous n'avons pas trouve M. Gay Lussac et moi, de difference sensible dans l'intensite de la force horizontale au Monte Pincio, a la Villa Borghese, et a Tivoli. Ces experiences seront tres-aisees a repeter sur la glace, ou l'on peut s'eloigner a de grandes distances du navire, et ou les influences du fond de la mer, si elles existent, doivent se manifester au milieu de la marche uniforme des phenomenes d'intensite ou d'inclinaison. Les tremblemens de terre m'ont paru agir quelquefois sur l'inclinaison. Multiplier les observations d'inclinaison horaire la ou les secousses sont frequentes. Les aurores boreales changent-elles parfois la force horizontale sans influer sur l'inclinaison? Y a-t-il quelque aspect particulier a cette classe d'aurores boreales ou australes, qui affectent peu les declinaisons horaires de l'aiguille? Observer de preference les variations magnetiques aux epoques ou beaucoup d'etoiles filantes entrent dans l'atmosphere. Examiner si de grandes perturbations (les orages magnetiques) se repetent pendant plusieurs jours aux memes heures; si en general ces orages magnetiques ne sont pas beaucoup plus frequens de nuit, lorsque le soleil ne regle et ne tempere plus par son sejour au dessus de l'horizon la marche de l'aiguille. Il est d'un vif interet de decouvrir les rapports du magnetisme terrestre (et de ses manifestations variables) avec d'autres phenomenes physiques, soit dans les mouvemens qui dependent du tems vrai (du passage du soleil par le meridien de chaque lieu), soit dans les mouvemens isochrones, c. a d. dans ceux dont on peut deduire la difference de longitude avec un degre de precision inattendue. III. Mers. Observer les differences de temperature dans la haute et la basse mer, comme l'influence que la pente plus ou moins rapide des accores produit sur le refroidissement des bas-fonds; mesurer la distance a laquelle les bancs de glace agissent sur la temperature des eaux de la surface. Les temperatures des couches inferieures de la mer ont acquis un nouvel interet depuis que dans le voyage de Kotzebue, M. Lenz, muni d'excellens instrumens, a trouve souvent sous les tropiques (par 7° et par 21° de latitude, a 600 et 900 toises de profondeur) 2·21 et 2·44 du thermometre centigrade, (Poggendorf, t. xx. p. 73,) et que l'on sait que le maximum de densite de l'eau pure n'est pas applicable a l'eau de mer. Le Capitaine Berard, avec une ligne de sonde d'un millimetre de diametre, est parvenu a sonder jusqu'a 1334 toises de profondeur (Berard, Description des Cotes d'Alger, 1837, p. 41). Les thermometres a minimum et a maximum de M. Magnus et de M. Walferdin sont d'un emploi tres-precis comme l'ont prouve les belles experiences de M. Arago dans les puits artesiens. C'est dans les courans oceaniques d'une haute temperature que les sondes thermometriques seroient surtout d'un grand interet. Examiner si le courant d'eaux froides qui longe les cotes du Perou jusqu'au Cap Parinna, ou il devie vers les Galapagos, et dans lequel j'ai trouve par les 12° de latitude sud l'eau de la surface seulement a 12·4 Reaumur, quand hors du courant, la mer etoit a 22 R., prend sa source 75° a l'ouest du meridien du Cap Horn par les 60° et 65° de latitude sud. Ce mouvement des eaux froides est il d'abord dirige vers le nord-nord-est, et puis (sur le parallele de 35° sud) vers l'ouest, en frappant contre les cotes du Chili, et se divisant sur ces cotes en deux courans vers le nord et le sud? Examiner la temperature de ce fleuve pelagique loin du littoral a l'ouest du Chili. (Voyez l'interessante Carte du mouvement des eaux dans le Grand Ocean Austral, par le Capitaine Duperrey, 1831, et l'Atlas Physique de Berghaus, Cahier I. No. 4.) Employer differens moyens, ou de nivellement optique le long des mats, ou de depression d'horizon (si le soleil est visible), ou de privation du vent par les vagues en mesurant en meme tems l'inclinaison de la mature, pour determiner, dans une tempete, loin des cotes, le maximum si souvent conteste de la hauteur des vagues. J'ai cru trouver ce maximum, par le moyen de la depression de l'horizon, dans la Mer du Sud, pendant une de ces tempetes designees sous le nom de Papagayos, a l'ouest des cotes de Guatimala de 43 pies francais. D'autres voyageurs croyent ce resultat de beaucoup trop grand. IV. Atmosphere. Si la pression moyenne de l'air au niveau des mers diminue dans l'hemisphere boreal, depuis le parallele de 55° vers les tropiques et vers l'equateur, elle paroeit, par de certaines longitudes, diminuer aussi, entre les 55° et 68°, et puis augmenter de nouveau. D'apres les recherches de M. Schouw, on trouve a zero de temperature et en appliquant avec M. Poggendorf la correction relative a la pesanteur, pour Nord. Lignes . Christianborg .. 5 [Formel] ° . Bar. 336·09 La Guayra .... 10 .... 6·16 Palermo ..... 38 .... 8·00? Naples ...... 41 .... 7·82 Londres ..... 51 [Formel] .... 7·53 Altona ...... 53 [Formel] .... 7·35 Danzig ...... 54 [Formel] .... 7·24 Edinburgh .... 56 .... 6·46 Christiania .... 60 .... 6·74 Bergen ...... 60 .... 6·02 Reikiavik ..... 64 .... 3·89 Godthaab ..... 64 .... 3·86 Upermaviz .... 73 .... 5·49 L'Ile Melville ... 74 [Formel] .... 6·35 Spitzbergen ..... 75 [Formel] .... 6·23 Ancienne mesure de France. En faisant abstraction de la correction relative a la pesanteur, on auroit, pour La Guayra 336·98, pour Londres 337·33, pour Reikiavik 333·36, pour l'Ile Melville 335·61. (Poggendorf, t. xxvi. p. 241 et 475.) Il est important d'avoir ces chiffres sous les yeux pour les comparer avec les hauteurs moyennes du barometre que l'on obtiendra, reduites a zero de temperature, par les differentes latitudes et longitudes de l'hemisphere austral. On comparera aussi la direction moyenne des vents de l'annee et des saisons avec la pression atmospherique. Quant a la direction du tournoiement du vent dans les deux hemispheres, effet de la rotation du Globe et de la vitesse des molecules d'air correspondant a chaque parallele, je recommande les ingenieuses recherches de M. Dove dans les Meteorologische Untersuchungen, 1837, pp. 124--138. Deja Bacon de Verulam a dit, dans le chapitre De successione ventorum: "Si ventus se mutet conformiter ad motum solis, non revertitur plerumque." La direction du tournoiement est opposee dans les deux hemispheres (Churucca, Viage al Magellanes, 1793, p. 15); mais ce fait, connu depuis long-tems des marins, n'avoit pas ete examine sous le rapport de ces importantes influences meteorologiques. Examiner les temperatures des plages et la comparer a la temperature de l'air. Placer des thermometres dans le sol a differentes profondeurs, sous differentes latitudes. L'observation des refractions par un froid tres-intense seroit surtout tres-importante, si par l'ascension a quelque montagne voisine et d'une elevation considerable, on pouvoit determiner en meme-tems le decroissement du calorique. Dans le voyage de la corvette La Recherche au Spitzberg et aux cotes de Laponie, on a voulu se servir de ballons captifs et de thermometrographes, mais des experiences de ce genre sont d'une execution peu facile. Le decroissement de la chaleur est si lent pendant de grands abaissemens du thermometre, que les observations de refraction de M. Svanberg faites en Laponie par 29° centesimaux audessous du point de la congelation donnent, d'apres les formules de M. Laplace, un decroissement de 243 metres par degre centesimal. L'Ephemeride des etoiles filantes, publiee par M. Quetelet, sera indispensable aux voyageurs, pour fixer leur attention sur d'autres jours que ceux d'Aoaut et de Novembre. Examiner si les jours des grandes chutes d'etoiles filantes il y a simultanement des traces d'aurores australes. L'Amiral Wrangel assure avoir observe souvent, dans son expedition aux iles des Ours et de Kolioutchin dans la Mer glaciale, que pendant les aurores boreales, certaines regions du ciel ne sont devenues lumineuses que lorsque des etoiles filantes les ont traversees. Les aurores australes laissent-elles des traces pendant le jour: ces traces se manifestent-elles par une certaine disposition lineaire de nuages, (cumulito-stratus du journal de M. le Capitaine Fitz-Roy,) egalement espaces? Ces rangees de petits nuages ou bandes polaires m'ont paru le plus souvent dirigees dans le meridien magnetique, p. e. sur le plateau de Mexico, quelquefois, surtout dans le nord de l'Asie, je les ai vues tourner progressivement pendant des nuits tres-calmes du N. par l'E. N. E. a l'Est. Ces apparences ne seroient-elles que des effets de perspective, des convergences de stries paralleles, causees par des vents superieurs?-- Cette explication me paroeit douteuse. V. Zoologie. Les memorables travaux de mon ami et compagnon de voyage, M. Ehrenberg, et les rapports importans de ces travaux, soit avec la connoissance intime de l'organisation d'animaux que l'on croyoit jadis d'une structure infiniment simple, soit avec la phosphorescence de l'ocean, et les grandes questions de la Geologie moderne, invitent les naturalistes voyageurs a diriger leurs recherches sur les points suivans: Recueillir de l'eau de mer partout ou l'on apercoit a la surface des changemens de couleur et de densite, en forme de pellicules, de stries et de taches huileuses. Dans ces parages il y a abondance d'animaux microscopiques, et comme il est prouve par l'experience que ces petits etres, meme les infusoires pelagiques, peuvent, soit a cause de leurs carapaces siliceuses, soit a cause de la consistance de leurs membranes ou tissus organiques, etre examines sous le microscope, apres avoir ete conserves pendant plusieurs annees, on tachera, j'espere, de les recueillir de deux manieres. La ou l'on voit les stries de differentes couleurs, l'on enlevera une portion de ces stries, en enfoncant dans l'eau de mer des lames tres-minces de mica, ou du papier bien fort. Ces lames de mica, ou ces feuilles de papier seront soulevees horizontalement; on les sechera et les conservera dans un livre, les animaux restant attaches aux memes lames de mica ou feuilles de papier, au moyen desquelles on les a recueillis. Dans les parages ou l'eau de la mer paroeit entierement pure et presque incolore, elle renferme souvent des acalephes, des crustacees, et des infusoires microscopiques. Il s'agit seulement de pouvoir examiner ces eaux dans un etat pour ainsi dire concentre, d'enfermer les etres vivans dans un moindre volume du fluide. A cet effet, M. Ehrenberg a l'habitude de faire puiser de l'eau a la surface de la mer dans un seau, et de la faire filtrer ou passer a travers un linge tres fin, de maniere que chaque fois on separe la portion concentree qui n'a pas encore penetre entierement a travers le filtre. Ces portions concentrees (plus riches en animaux invisibles a l'oeil nu) sont conservees dans de petits flacons de 2 ou 3 pouces de haut. On laisse quelques bulles d'air entre le bouchon et l'eau. Si pendant l'operation de la filtration, on decouvre quelques acalephes visibles a l'oeil nu, il faudra les separer et les placer dans l'esprit de vin, afin que ces petites masses gelatineuses n'alterent pas l'eau de mer concentree. Comme ces operations sont extremement faciles, il est a desirer que pendant toute l'expedition, par differens degres de latitude et de longitude, on recueille de l'eau de mer surtout la ou les algues marines abondent. Par les moyens qu'on vient de proposer, on parviendroit a etendre d'une maniere inattendue la connaissance de la nature intime des petites organisations et de leur distribution geographique sur le globe. Il ne faut pas oublier que les estomacs remplis de carmin et d'indigo dans tous les Polygastres, que les yeux dans les Rotiferes et l'Eudorina elegans, et les dents des Hydatines, se conservent pendant de longues annees, lorsque ces etres microscopiques sont prepares entre des lames de mica d'apres la methode de M. Ehrenberg. Recueillir les animaux qui causent la phosphorescence de l'ocean, phosphorescence dans laquelle le Mammaria scintillans semble jouer le role principal, avec d'autres acalephes et des infusoires pelagiques (especes de Peridinium, de Synchaeta et de Prorocentrum). Observer si la phosphorescence n'est pas plus generale et plus frequente par un ciel couvert et d'apparence orageuse: examiner si pendant la phosphorescence generale de l'Ocean l'AEquorea forskoeliana, A. phosphorfera, le Pelagia cyanella, P. noctiluca et P. panopyra, luisent par scintillation c. a. d. non d'une maniere continue, mais en donnant des etincelles par la decharge spontanee de certains organes electriques cellulaires; conserver ces acalephes et les beroes phosphoriques dans l'esprit de vin; examiner si certaines especes de poissons, Chimaera arctica, Clupea erythraea, Coryphaena hippuris et Scomber pelamys, sont phosphorescentes par elles-memes, ou si ce n'est pas plutot par l'adherence d'infusoires phosphorescens. Recueillir partout celles des substances minerales qui selon les decouvertes de M. Ehrenberg, sont composees d'infusoires fossiles comme le tripoli, les schistes a polir, les semi-opales, les minerais de fer limoneux riches en Galionella ferruginea, les depots colores des sources salees ou ferrugineuses, les craies, les silex pyromaques, les marnes alternant avec la craie, les depots siliceux, les terres que mangent quelques peuples, par goaut ou par besoin. Quoique les infusoires a carapaces siliceuses, plus indifferens aux variations des latitudes et des climats, ayent manifeste generalement plus d'aptitude a resister aux grands cataclysmes geologiques, plusieurs des bryozoa calcaires ou polythalames de la craie existent cependant aussi vivans dans la mer actuelle. M. Ehrenberg en a recemment trouve de vivans dans la mer Baltique, identiques avec des polythalames enfouies dans les craies et leurs marnes. Cette circonstance d'identite donne, a cause de l'age des formations craieuses, un vif interet geologique a ce genre d'investigations. Recueillir et conserver avec soin, a cause des petites organisations qu'ils renferment, les sables des dunes, les sables de toutes les cotes que l'on visite, les sables rejetes par les hautes marees, les sables qui s'attachent a la sonde et a l'ancre des vaisseaux; recueillir des echantillons des terres qui composent les marais et des endroits inondes et desseches. Les plus petites quantites suffisent, en marquant bien exactement les localites ou elles ont ete receuillies. VI. Botanique. Plantes marines qui vivent en societe. Il reste des doutes, si dans certains parages (comme au banc d'algues anciennement connu pres des Iles Azores) le Fucus natans (Sargassum vulgare et S. bacciferum, Agardh) continue a vegeter sans racines, en flottant a la surface de l'Ocean au gre des vents et des courans, ou si le Fucus, recemment arrache a des rochers dont on suppose l'existence et la proximite, ne peut conserver son etat de fraeicheur que pendant un tres court espace de tems. Les ingenieuses considerations de M. Charles Darwin (Journal, pp. 303--305), ont repandu un nouvel interet sur ces "great aquatic forests. L'analogie des Vaucheries et du Polysperma glomerata, la facilite meme avec laquelle, dans l'eau douce, des plantes phanerogames (l'Aldrovanda vesiculosa, et des branches du Najas major) continuent a vegeter, lorsqu'elles nagent depourvues de racines, ont fait croire a un voyageur d'une instruction tres-variee, M. Meyen, que le Fucus natans peut pousser des feuilles (frondes), sans racines et sans adherence au fond, mais que dans ce cas, le Fucus natans flottant ne porte jamais de fruits. Recueillir les echantillons de Fucus qui se sont developpes en forme arrondie, les branches s'etendant comme par rayons. Mesurer la temperature de l'eau la plus froide dans laquelle vegetent ces plantes sociales. (Signe) ALEXANDRE DE HUMBOLDT. Berlin, le 26 Octobre, 1839.