Lettre de M. de Humboldt à la société de géographie de Londres, sur la différence du niveau entre la Mer Noire et la Mer Caspienne. «Berlin, 10 janvier 1838. «Le beau nivellement trigonométrique entre la Mer Noire et la mer Caspienne est enfin terminé. Il y a une dépression, mais bien moins considérable que M. Parrot ne l’avait annoncée d’après son premier nivellement barométrique par stations; c’est ce qui m’avait toujours semblé probable , a cause de l’élévation de Kasan (niveau du confluent de la Kazanza et du Volga), et à cause de quelques observations correspondantes que j’obtins dans mon voyage à la Caspienne. Le nivellement effectué par MM. Fuss, Sabler et Savitch, montre que le niveau de la Caspienne est de 101,2 pieds russes, égaux à 95,9 pieds de Paris (ancienne mesure) plus bas que le niveau de la Mer Noire. Voyez ma lettre à Parrot, insérée dans son voyage à l’Ararat, t. II, p. 192. «L’altitude de Kasan a été beaucoup discutée et tous les voyageurs en ont adopté une différente; j’ai donné, p. 639 du volume publié par M. Gustave Rose, les derniers résultats des travaux de M. Simonoff, astronome et professeur à Kasan. L’altitude de la citerne du baromètre, dans le bâtiment de l’université, est de 181 pieds de Paris; celle du confluent de la Kazanza et du Volga est de 53 pieds (8,9 toises). Alors, la pente du Volga, de Kasan à la Caspienne, serait de 148 pieds ou 24,7 toises. En ligne droite, on compte à peu près 157 lieues géographiques (de 15 au degré), de Kasan à la Caspienne. Cette pente est plus grande que celle de l’Amazone ou celle du Nil, et presque aussi forte que celle de l’Oder. Le fait le plus frappant est l’altitude peu considérable d’une partie de l’intérieur de l’Europe, puisque de Kasan à la mer Glaciale on compte 135 lieues géographiques. La ville de Berlin, si proche de la Baltique, est à 100 pieds au-dessus de cette Mer, d’après un excellent nivellement trigonométrique que le chef de l’état-major général a, à ma demande, fait exécuter l’an passé par M. Bayer, excellent observateur. «Je ne puis assez féliciter la société de géographie, de ce qu’elle a trouvé un voyageur aussi distingué que M. Schomburgk; ses derniers travaux en remontant le cours du Cormentin et du Berbice, dans la Guyane, le placent très hant dans mon opinion, et la zone de figures hiéroglyphiques sculptées sur les rochers d’Esméralda par 66° 50′ de longitude à l’O. de Greenwich, à la limite orientale de la Guyanne britannique, à une distance de près de 600 milles, est un phénomène éthnographique dont l’intérêt s’accroît chaque jour. «La géographie astronomique de l’Asie septentrionale sera bientôt rectifiée par la publication des travaux importans de M. Federoff, élève de M. Struve, revenu récemment après une absence de cinq ans. Si je publie le détail de mes observations astronomiques en Sibérie, ce sera seulement afin de fixer avec plus d’exactitude les points où j’en ai fait sur le magnétisme terrestre. «J’apprends avec beaucoup de satisfaction que ma lettre au duc de Sussex sur les observatoires magnétiques a produit des résultats utiles. Comme nous avons fait ici des observations, tant avec les aiguilles de Gambey munies de microscopes, qu’avec le nouvel appareil de Gauss, appareil muni d’un miroir, nous avons une occasion de nous convaincre de plus en plus de la grande perfection de cet appareil à miroir, qui certainement exige plus d’adresse et d’instruction de la part de l’observateur; le tracé des courbes des variations horaires fondé sur les observations faites dans toute l’Europe, toutes les cinq minutes de temps , prouvera quel avantage on obtient de l’usage de l’appareil de Gauss; sans doute il sera bientôt employé dans tous nos grands observatoires. Cette lettre a été publiée dans les Nouvelles Annales des Voyages, t. LXXI, p. 61, année 1836. Gauss und Weber, Resultate aus den Beobachtungen des Magnetische Vereins im Yahr 1836. — Goettingue, bei Dietrich. «Pensant que ce sujet n’est pas sans importance pour les navigateurs, je vous prie d’inviter les principaux membres de la société de géographie à vouloir bien propager la méthode d’observation de Gauss dans toutes les nouvelles stations où l’on pourra trouver des personnes intelligentes. Les points voisins de l’équateur magnétique et ceux qui sont dans les hautes latitudes de l’hémisphère austral, tels que le Cap de Bonne-Espérance, l’Australie, la terre Van Diemen, seraient à préférer, si l’on voulait observer aux mêmes époques indiquées par M. Gauss et suivies dans toute l’Asie septentrionale, en Allemagne, en Suède et à Milan.»