Digitale Ausgabe

Download
TEI-XML (Ansicht)
Text (Ansicht)
Text normalisiert (Ansicht)
Ansicht
Textgröße
Originalzeilenfall ein/aus
Zeichen original/normiert
Zitierempfehlung

Alexander von Humboldt: „Lettre de M. de Humboldt à S. A. R. le duc de Sussex, président de la société royale de Londres, sur les moyens de perfectionner la connaissance du magnétisme terrestre par l’établissement de stations magnétiques permanentes“, in: ders., Sämtliche Schriften digital, herausgegeben von Oliver Lubrich und Thomas Nehrlich, Universität Bern 2021. URL: <https://humboldt.unibe.ch/text/1836-Ueber_die_Mittel-4-neu> [abgerufen am 25.04.2024].

URL und Versionierung
Permalink:
https://humboldt.unibe.ch/text/1836-Ueber_die_Mittel-4-neu
Die Versionsgeschichte zu diesem Text finden Sie auf github.
Titel Lettre de M. de Humboldt à S. A. R. le duc de Sussex, président de la société royale de Londres, sur les moyens de perfectionner la connaissance du magnétisme terrestre par l’établissement de stations magnétiques permanentes
Jahr 1836
Ort Paris
Nachweis
in: Nouvelles annales des voyages et des sciences géographiques 2 (1836), S. 257–276.
Sprache Französisch
Typografischer Befund Antiqua; Auszeichnung: Kursivierung, Kapitälchen.
Identifikation
Textnummer Druckausgabe: V.52
Dateiname: 1836-Ueber_die_Mittel-4-neu
Statistiken
Seitenanzahl: 20
Zeichenanzahl: 28060

Weitere Fassungen
Ueber die Mittel den Erdmagnetismus durch permanente Anstalten und correspondirende Beobachtungen zu erforschen (Hamburg, 1836, Französisch)
Letter from Baron von Humboldt to His Royal Highness the Duke of Sussex, K.G., President of the Royal Society of London, on the Advancement of the Knowledge of Terrestrial Magnetism, by the Establishment of Magnetic Stations and corresponding Observations (London, 1836, Englisch)
Observations correspondantes sur le magnétisme terrestre (Genf, 1836, Französisch)
Lettre de M. de Humboldt à S. A. R. le duc de Sussex, président de la société royale de Londres, sur les moyens de perfectionner la connaissance du magnétisme terrestre par l’établissement de stations magnétiques permanentes (Paris, 1836, Französisch)
[Ueber die Mittel den Erdmagnetismus durch permanente Anstalten und correspondirende Beobachtungen zu erforschen] (München, 1840, Deutsch)
Lettre de M. de Humboldt à S. A. R. monseigneur le duc de Sussex, président de la Société royale de Londres, sur les moyens propres à perfectionner la connaissance du magnétisme terrestre par l’établissement de stations magnétiques et d’observations correspondantes (Paris, 1840, Französisch)
|257|

LETTRE DE M. DE HUMBOLDT AS. A. R. LE DUC DE SUSSEX,PRÉSIDENTDE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES, sur les moyens de perfectionner la connaissance dumagnétisme terrestre par l’établissement de stationsmagnétiques permanentes.

Votre Altesse Royale, noblement intéressée auxprogrès des connaissances humaines, daignera agréer,je m’en flatte, la prière que j’énonce avec une res-pectueuse confiance. J’ose fixer son attention surdes travaux propres à approfondir, par des moyensprécis et d’un emploi presque continu, les variationsdu magnétisme terrestre. C’est en sollicitant lacoopération d’un grand nombre d’observateurs zéléset munis d’instrumens de construction semblable,que nous avons réussi, depuis huit ans, M. Arago,M. Kupffer et moi, à étendre ces travaux sur une |258| partie très considérable de l’hémisphère boréal. Des stations magnétiques permanentes étant établies au-jourd’hui depuis Paris jusqu’en Chine, en suivantvers l’est les parallèles de 40° à 60°, je me crois endroit, Monseigneur, de solliciter par votre organele concours puissant de la Société Royale de Lon-dres pour favoriser cette entreprise et pour l’a-grandir en fondant de nouvelles stations, tant dansle voisinage de l’équateur magnétique que dans lapartie tempérée de l’hémisphère austral. Un objet aussi important pour la physique duglobe et pour le perfectionnement de l’art nautiqueest doublement digne de l’intérêt d’une Société qui,dès son origine, avec un succès toujours croissant,a fécondé le vaste champ des sciences exactes. Ceserait avoir peu suivi l’histoire du développementprogressif des connaissances sur le magnétisme ter-restre que de ne pas se rappeler le grand nombred’observations précieuses qui ont été faites à diffé-rentes époques et qui se font encore dans les IlesBritanniques et dans quelques parties de la zoneéquinoxiale soumises au même empire. Il ne s’agitici que du désir de rendre ces observations plusutiles, c’est-à-dire plus propres à manifester de gran-des lois physiques, en les coordonnant d’après unplan uniforme et en les liant aux observations quise font sur le continent de l’Europe et de l’Asieboréale. Ayant été vivement occupé dans le cours de |259| mon voyage aux régions équinoxiales de l’Amé-rique, pendant les années 1799—1804, des phéno-mènes de l’intensité des forces magnétiques, de l’in-clinaison et de la déclinaison de l’aiguille aimantée,je conçus, à mon retour dans ma patrie, le projetd’examiner la marche des variations horaires de la dé-clinaison et les perturbations qu’éprouve cette mar-che, en employant une méthode que je croyais n’a-voir point encore été suivie sur une grande échelle.Je mesurai à Berlin dans un vaste jardin, surtout àl’époque des solstices et des équinoxes, pendant lesannées 1806 et 1807, d’heure en heure (souvent dedemi-heure en demi-heure) sans discontinuer pen-dant quatre, cinq ou six jours et autant de nuits,les changemens angulaires du méridien magné-tique. M. Oltmanns, avantageusement connu desastronomes par ses nombreux calculs de positionsgéographiques, voulut bien partager avec moi lesfatigues de ce travail. L’instrument dont nous nousservions, était une lunette aimantée de Prony, suscep-tible de retournement sur son axe, suspendue d’aprèsla méthode de Coulomb, placée dans une cage de verreet dirigée sur une mire très éloignée dont les divi-sions, éclairées pendant la nuit, indiquaient jusqu’asix ou sept secondes de variation horaire. Je fusfrappé en constatant la régularité habituelle d’une période nocturne, de la fréquence des perturbations,surtout de ces oscillations dont l’amplitude dépassaittoutes les divisions de l’échelle, qui se répétaient |260| souvent aux mêmes heures avant le lever du soleilet dont les mouvemens violens et accélérés ne pou-vaient être attribués à aucune cause mécaniqueaccidentelle. Ces affollemens de l’aiguille dont unecertaine périodicité a été confirmée récemment parM. Kupffer dans la relation de son Voyage au Cau-case, me parurent l’effet d’une réaction de l’inté-rieur du globe vers sa surface, j’oserais dire des orages magnétiques, qui indiquent un changementrapide de tension. Je désirai dès-lors établir àl’est et à l’ouest du méridien de Berlin, des appa-reils semblables aux miens pour obtenir des obser-vations correspondantes faites à de grandes distan-ces et aux mêmes heures; mais la tourmente poli-tique de l’Allemagne et un prompt départ pour laFrance, où je fus envoyé par mon gouvernement,entravèrent pour long-temps l’exécution de ce pro-jet. Heureusement mon illustre ami, M. Arago, en-treprit, je crois vers l’an 1818, après son retour descôtes d’Afrique et des prisons d’Espagne, une séried’observations de déclinaisons magnétiques à l’Ob-servatoire de Paris, qui, faites journellement à desintervalles uniformément fixés, et continuées, d’a-près un même plan, jusqu’à ce jour, l’emportent parleur nombre et leur liaison mutuelle, sur tout cequi a été tenté dans ce genre d’investigations phy-siques. L’appareil de Gambey dont on se sert, estd’une exécution parfaite. Muni de micromètres àmicroscopes, il est d’un emploi plus commode et plus |261| sûr que la lunette de Prony, attachée à un fort bar-reau aimanté de 20 ¼ pouces de longueur. C’est dans le cours de ce travail que M. Arago adécouvert et constaté par de nombreux exemples unphénomène qui diffère essentiellement de l’observa-tion faite par Olof Hiorter à Upsal en 1741: il a re-connu non-seulement que les aurores boréales trou-blent la marche régulière des déclinaisons horaireslà où elles ne sont pas visibles, mais aussi que dès lematin, souvent dix ou douze heures avant que lephénomène lumineux se développe dans un lieu trèséloigné, ce phénomène s’annonce par la forme parti-culière que présente la courbe des variations diurnes,c’est-à-dire par la valeur des maxima d’élongationdu matin et du soir. Un autre fait nouveau se ma-nifesta dans les perturbations. M. Kupffer, ayantétabli à Kasan, presque aux limites orientales de l’Eu-rope, une boussole de Gambey, entièrement sem-blable à celle dont se sert M. Arago à Paris, lesdeux observateurs purent se convaincre par un cer-tain nombre de mesures correspondantes de décli-naison horaire, que, malgré une différence de lon-gitude de plus de 47°, les perturbations étaientisochrones. C’étaient comme des signaux qui de l’in-térieur du globe arrivaient simultanément à sa sur-face, vers les bords de la Seine et du Volga. Lorsque, en 1827, je me fixai de nouveau à Ber-lin, mon premier soin fut de reprendre le coursdes observations faites à de petits intervalles pendant |262| plusieurs jours et plusieurs nuits, dans les deux an-nées de 1806 et 1807. Je tâchai en même temps degénéraliser les moyens d’observations simultanéesdont l’emploi accidentel venait de donner des résul-tats si importans. Une boussole de Gambey fut pla-cée dans le pavillon magnétique, entièrement dé-pourvu de fer, que je fis construire au milieu d’unjardin. Le travail régulier ne put commencer quedans l’automne de 1828. Appelé, au printemps del’année 1829, par S. M. l’empereur de Russie pourfaire un voyage minéralogique dans le nord de l’Asieet à la mer Caspienne, j’eus occasion d’étendre ra-pidement la ligne des stations vers l’est. A ma prière,l’Académie impériale et le curateur de l’Universitéde Kasan firent construire des maisons magnétiques à Saint-Pétersbourg et à Kasan. Au sein de l’Acadé-mie impériale, dans une commission que j’ai eul’honneur de présider, on discuta les avantagesimmenses que pouvait offrir à la connaissance deslois du magnétisme terrestre, la vaste étendue depays limitée d’un côté par la courbe sans inclinaisonde Doskino (entre Moscon et Kasan, ou plus exac-tement, d’après M. Adolphe Erman, entre Osabli-kovo et Doskino, par latit. 56° 0′ et long. 40° 36′ àl’est de Paris), et de l’autre par la courbe sans dé-clinaison d’Arsentcheva, près du lac Baikal, que l’oncroit identique avec celle de Doskino par une dif-férence de méridiens de 63° 21′. Le département im-périal des Mines ayant généreusement concouru au |263| même but, des stations magnétiques ont été établiessuccessivement à Moscou, à Barnaoul, dont j’ai trouvéla position astronomique au pied de l’Altai par la-titude 53° 19′ 22″; long. 27′ 20″ (à l’est de Pa-ris) et à Nertchinsk. L’Académie de Saint-Péters-bourg a fait plus encore: elle a envoyé un astronomecourageux et habile, M. George Fuss, frère de sonsecrétaire perpétuel, à Peking, et y a fait construire,dans le jardin du couvent des moines du rite grec,un pavillon magnétique. On ne peut faire mentionde cette entreprise sans se rappeler que (selon le Penthsaoyani, histoire naturelle médicale, compo-sée sous la dynastie des Soung, presque 400 ansavant Christophe Colomb et avant que les Européenseussent la moindre notion de la déclinaison magné-tique) les Chinois suspendaient leurs aiguilles aumoyen d’un fil pour leur donner le mouvement leplus libre, et qu’ils savaient qu’ainsi suspendues à laCoulomb (comme dans l’appareil du jésuite Lana,au dix-septième siècle), les aiguilles déclinaient ausud-est et ne s’arrêtaient jamais au véritable pointsud. Depuis le retour de M. Fuss, un jeune officierdes mines, M. Kovanko que j’ai eu le plaisir de ren-contrer dans l’Oural, continue en Chine les obser-vations de déclinaison horaires correspondantes àcelles d’Allemagne, de Saint-Pétersbourg, de Kasanet de Nicolaïeff, en Krimée, où l’amiral Greigh afait établir une boussole de Gambey, confiée au di-recteur de l’Observatoire, M. Knorre. J’ai obtenu |264| aussi que dans les mines de Freiberg, en Saxe, dansune galerie d’écoulement, à 35 toises de profon-deur, un appareil magnétique ait été placé. M. Reich,auquel on doit un excellent travail sur la tempéra-ture moyenne de la terre à différentes profondeurs,y observe assidûment et à des époques convenues.De l’Amérique du sud, M. Boussingault, qui n’arien négligé de ce qui peut avancer les progrès dela physique du globe, nous a envoyé des observa-tions de déclinaison horaire faites à Marmato dansla province d’Antioquia, par les 5° 27′ de latitudeboréale, dans un lieu où la déclinaison est orientale,comme à Kasan et à Barnaoul, en Asie, tandis quesur les côtes nord-ouest du Nouveau Continent, àSitka, dans l’Amérique russe, le baron de Wrangel,également muni d’une boussole de Gambey, a prispart aux observations simultanées faites à l’époquedes solstices et des équinoxes. Un amiral espagnol,M. de Laborde, ayant eu connaissance d’une prièreque j’avais adressée à la Société patriotique de laHavane, eut la bonté de me charger, de son propremouvement, de lui envoyer des instrumens qui ser-viraient à déterminer avec précision l’inclinaison, ladéclinaison absolue, les variations horaires de dé-clinaison et l’intensité des forces magnétiques. Cesprécieux instrumens, entièrement semblables à ceuxque possède l’Observatoire de Paris, sont heureuse-ment arrivés à l’île de Cuba, mais le changement ducommandement maritime à la Havane et d’autres |265| circonstances locales n’ont point encore permis d’é-tablir la station magnétique sous le tropique duCancer et de faire usage des instrumens. Il en a étéde même jusqu’ici de la boussole de Gambey, queM. Arago a fait construire à ses frais pour obtenirdes observations de l’intérieur du Mexique, où lesol s’élève à plus de 600 pieds au-dessus du niveaude la mer. Enfin, pendant mon dernier séjour àParis, j’ai eu l’honneur de proposer à M. l’amiralDuperré, ministre de la marine, de fonder une sta-tion magnétique en Islande. Cette demande a étéaccueillie avec l’empressement le plus bienveillant,et l’instrument, déja commandé, sera déposé cet étémême au port de Reikiavik, lorsque l’expédition quiavait été dirigée vers le nord à la recherche de M. deBlosseville et de ses compagnons d’infortune, re-tournera en Islande pour y continuer ses travauxscientifiques. On peut être sûr que le gouvernementdanois, qui protège avec une si noble ardeur l’as-tronomie et les progrès de l’art nautique, daignerafavoriser l’établissement d’une station magnétiquedans une de ses possessions voisine du cercle po-laire. Au Chili, M. Gay a fait aussi un grand nom-bre d’observations horaires correspondantes, d’aprèsles instructions de M. Arago. Je suis entré dans ce long et minutieux détail his-torique pour faire voir jusqu’où j’ai réussi, con-jointement avec mes amis, à étendre le concoursd’observations simultanées. Après mon retour de Si- |266| bérie, nous avons publié, M. Dove et moi, en 1830le tracé graphique des courbes de déclinaisons ho-raires de Berlin, Freiberg, Pétersbourg et Nico-laïeff en Krimée, pour faire voir le parallélismequ’affectent ces lignes, malgré le grand éloignementdes stations et sous l’influence de perturbations ex-traordinaires. Dans la comparaison des observationsde Saint-Pétersbourg et de Nicolaïeff on a pu faireusage d’observations faites dans des intervalles trèsrapprochés de 20 en 20 minutes. Il ne faut pas sepersuader cependant que ce parallélisme d’inflexionsexiste toujours dans les courbes horaires. Nous avonséprouvé que même dans les lieux très voisins, parexemple à Berlin et dans les mines de Freiberg, lesréactions magnétiques de l’intérieur de la terre versla surface ne sont pas constamment simultanées,que l’une des aiguilles présente des perturbationsconsidérables, tandis que l’autre continue cettemarche régulière qui, sous chaque méridien, estfonction du temps vrai du lieu. J’ai proposé aussidans le Mémoire publié en 1830, pour le concoursd’observations simultanées les époques suivantes:
    • 20 et 21 mars
    • 4 et 5 mai
    • 21 et 22 juin
    • 6 et 7 août
    • 23 et 24 septembre
    • 5 et 6 novembre
    • 21 et 22 décembre
    depuis 4 heures du matin dupremier jour jusqu’à mi-nuit du second jour, enobservant pour le moins,dans chaque station ma-gnétique, jour et nuit,d’heure en heure.
Comme plusicurs observatcurs placés sur la ligne |267| des stations ont trouvé ces époques trop rapprochéesles unes des autres, on a dû insister de préférencesur le seul temps des solstices et des équinoxes. L’Angleterre, depuis les travaux anciens de Wil-liam, Graham et Halley jusqu’aux travaux mo-dernes de MM. Gilpin, Beaufoy (à Bushy Heath),Barlow et Christie, a offert une riche collection dematériaux propres à découvrir les lois physiquesqui règlent les variations de la déclinaison magné-tique, soit dans un même lieu selon la différence desheures et des saisons, soit à différentes distances del’équateur magnétique et des lignes sans déclinai-son. M. Gilpin a observé chaque jour douze heures,pendant plus de seize mois. Les nombreuses obser-vations du colonel Beaufoy ont été régulièrementpubliées dans les Annales de Thomson. De mémo-rables expéditions dans les régions les plus inhos-pitalières du nord ont fait cueillir à MM. Sabine,Franklin, Hood, Parry, Henry Foster, Beechey etJames Clark Ross une riche moisson d’observationsimportantes. C’est sous le rapport du magnétismeterrestre et de la météorologie que la géographiephysique doit un accroissement considérable de con-naissances aux tentatives faites récemment pour dé-terminer la forme du détroit ou passage du Nord-Ouest. Elle en doit aussi aux périlleuses explora-tions des côtes glacées d’Asie par les capitainesWrangel, Lütke et Anjou. Pendant le cours de cesnobles efforts une impulsion inattendue a été donnée |268| aux sciences physiques. Une partie de la philosophienaturelle dont les progrès théoriques avaient été silents depuis deux siècles, a jeté un vif éclat et fé-condé d’autres sciences. Tel a été l’effet des grandesdécouvertes d’Oersted, Arago, Ampère, Seebeck etFaraday sur la nature des forces électro-magnétiques.Excités par ce concours de talens et de travaux in-génieux, de savans voyageurs MM. Hansteen, Due etAdolphe Erman ont exploré dans toute l’immenseétendue de l’Asie boréale, par la réunion heureusede moyens astronomiques et physiques très exacts,presque pour une même époque, la trace des courbesisoclines, isogones et isodynamiques. En parlant dece grand travail que M. Hansteen avait conçu etproposé depuis long-temps, je devrais peut-être pas-ser sous silence les observations d’inclinaison ma-gnétique que j’ai faites sur la frontière peu visitée dela Dzoungarie chinoise et sur les bords de la merCaspienne, observations publiées dans le deuxièmevolume de mes Fragmens asiatiques. Mon savantcompatriote, M. Adolphe Erman, embarqué auKamtchatka et retournant en Europe par le capHorn, a eu le rare avantage de continuer, pendantune longue navigation, la mesure des trois manifes-tations du magnétisme terrestre à la surface duglobe. Il a pu employer les mêmes instrumens et lesmêmes méthodes qui lui avaient servi de Berlin àl’embouchure de l’Obi et de cette embouchure à lamer d’Okhotsk. |269| Ce qui caractérise notre époque, dans un tempsmarqué par de grandes découvertes d’optique, d’é-lectricité et de magnétisme, c’est la possibilité delier les phénomènes par la généralisation de loisempiriques, c’est le secours mutuel que se rendentdes sciences restées long-temps isolées. Aujourd’huide simples observations de déclinaison horaire oud’intensité magnétique faites simultanément dans desendroits très éloignés les uns des autres, nous ré-vèlent, pour ainsi dire, ce qui se passe à de grandesprofondeurs dans l’intérieur de notre planète, oudans les régions supérieures de l’atmosphère. Cesémanations lumineuses, ces explosions polaires quiaccompagnent l’orage magnétique, semblent succé-der à de grands changemens qu’éprouve la tension habituelle ou moyenne du magnétisme terrestre. Il serait, Monseigneur, d’un vif intérêt pour l’a-vancement des sciences mathématiques et physiques,que sous votre présidence et sous vos auspices, laSociété royale de Londres, à laquelle je me fais gloired’appartenir depuis vingt ans, voulût bien exercersa puissante influence en étendant la ligne d’obser-vations simultanées et en fondant des stations ma-gnetiques permanentes soit dans la région des tro-piques, des deux côtés de l’équateur magnétiquedont la proximité diminue nécessairement l’ampli-tude des déclinaisons horaires, soit dans les hauteslatitudes de l’hémisphère austral et au Canada. J’oseproposer ce dernier point parce que les observations |270| de déclinaisons horaires faites dans la vaste étenduedes États-Unis sont encore très rares. Celles de Sa-lem (de 1810), calculées par M. Bowditch et com-parées par M. Arago aux observations de Cassini,Gilpin et Beaufoy, méritent cependant beaucoupd’éloges. Elles pourront guider les observateurs duCanada pour examiner si, contrairement à ce quiarrive dans l’Europe occidentale, la déclinaison n’ydiminue pas dans l’intervalle entre l’équinoxe duprintemps et le solstice d’été. Dans un Mémoire quej’ai publié, il y a cinq ans, j’ai désigné, comme sta-tions magnétiques extrêmement favorables pour lesprogrès de nos connaissances: la Nouvelle-Hollande,Ceylan, l’île Maurice, le Cap de Bonne-Espérance(illustré de nouveau par les travaux de sir JohnHerschell), l’île Sainte-Hélène, quelque point sur lacôte orientale de l’Amérique du sud et Quebec. Déjadans le siècle passé, en 1794 et 1796, un voyageuranglais, M. Macdonald, avait fait des observationsnouvelles et importantes sur la marche diurne del’aiguille à Sumatra et à Sainte-Hélène, observationsqui ont été confirmées et étendues sur une grandeéchelle dans les expéditions scientifiques des capi-taines Freycinet et Duperrey, l’un commandant(1817-1820) la corvette l’Uranie, l’autre qui a coupésix fois l’équateur magnétique, commandant (1822-1825) la corvette la Coquille. Pour avancer rapide-ment la théorie des phénomènes du magnétisme ter-restre ou du moins pour établir avec plus de préci- |271| sion des lois empiriques, il faudrait à la fois prolongeret varier les lignes d’observations correspondantes, distinguer dans les observations de variations ho-raires ce qui est dû à l’influence des saisons, autemps serein et au temps couvert et de pluies abon-dantes, aux heures du jour et de la nuit, au tempsvrai de chaque lieu, c’est-à-dire à l’influence du so-leil et ce qui est isochrone sous des méridiens diffé-rens: il faudrait réunir à ces observations de décli-naison horaire celles de la marche annuelle de la déclinaison absolue, de l’inclinaison de l’aiguille etde l’intensité des forces magnétiques dont l’accrois-sement depuis l’équateur magnétique aux poles estinégal dans l’hémisphère occidental américain etdans l’hémisphère oriental asiatique. Toutes ces don-nées, bases indispensables d’une théorie future, nepeuvent acquérir de l’importance et de la certitudeque par le moyen d’établissemens qui restent perma-nens pendant un grand nombre d’années, observa-toires de physique dans lesquels on répète la re-cherche des élémens numériques à des intervallesde temps convenus et par des instrumens sembla-bles. Les voyageurs qui traversent un pays dans uneseule direction et à une seule époque, ne font quepréparer un travail qui doit embrasser le tracé com-plet des lignes sans déclinaison à des intervalleségalement espacés, le déplacement progressif desnœuds ou points d’intersection des équateurs ma-gnétique et terrestre, les changemens de forme dans |272| les lignes isogones et isodynamiques, l’influencequ’exercent indubitablement la configuration et l’arti-culation des continens sur la marche lente ou accé-lérée de ces courbes. Heureux si les essais isolés desvoyageurs, dont il m’appartient de plaider la cause,ont contribué à vivifier un genre de recherches quiest l’ouvrage des siècles et qui exige à la fois le con-cours de beaucoup d’observateurs distribués d’aprèsun plan mûrement discuté, et une direction quiémane de plusieurs grands centres scientifiques del’Europe. Cette direction ne se renfermera pas, etpour toujours, dans le cercle étroit des mêmes ins-tructions; elle saura les varier librement d’aprèsl’état progressif des connaissances physiques et lesperfectionnemens apportés aux instrumens et auxméthodes d’observation. En suppliant Votre Altesse Royale de daignercommuniquer cette lettre à la Société illustre quevous présidez, il ne m’appartient aucunement d’exa-miner quelles sont les stations magnétiques qui mé-ritent la préférence pour le moment et que lescirconstances locales permettent d’établir. Il mesuffit d’avoir réclamé le concours de la Société royalede Londres pour donner une nouvelle vie à uneentreprise utile et dont je m’occupe depuis un grandnombre d’années. J’ose seulement hasarder le vœuque, dans le cas où ma proposition serait accueillieavec indulgence, la Société royale voulût bien en-trer directement en communications avec la Société |273| royale de Gottingue, l’institut royal de France etl’académie impériale de Russie pour adopter lesmesures les plus propres à combiner ce que l’onprojette d’établir avec ce qui existe deja sur uneétendue de surface assez considérable. Peut-êtrevoudrait-on aussi se concerter d’avance sur le modede publication des observations partielles (si le calculn’exige pas trop de temps et ne retarde pas trop lescommunications) et sur la publication des résultatsmoyens. C’est un des heureux effets de la civilisationet des progrès de la raison qu’en s’adressant aux so-ciétés savantes, on peut compter sur le concoursgénéral des volontés, dès qu’il s’agit de l’avance-ment des sciences ou du développement intellectuelde l’humanité. Des travaux d’une surprenante précision ont étéexécutés, depuis quelques années, dans un pavillonmagnétique de l’Observatoire de Göttingue avec desappareils d’une force extraordinaire. Ces travaux,bien dignes de fixer l’attention des physiciens, of-frent un mode plus précis de mesurer les variationshoraires. Le barreau aimanté est d’une dimensionbeaucoup plus grande encore que le barreau de la lunette aimantée de Prony: il est muni à son ex-trémité d’un miroir dans lequel se réfléchissent lesdivisions d’une mire plus ou moins éloignée, selonla valeur angulaire qu’on désire donner à ses divi-sions. Par l’emploi de ce moyen perfectionné, l’ob-servateur n’a pas besoin d’approcher du barreau |274| aimanté, et (en évitant les courans d’air que peu-vent faire naître la proximité du corps humain, ou,pendant la nuit, celle d’une lampe) on parvient àobserver dans les plus petits intervalles de temps.Le grand géomètre, M. Gauss, auquel nous devonsce mode d’observation, de même que le moyen deréduire à une mesure absolue l’intensité de la forcemagnétique dans un lieu quelconque de la terre, etl’invention ingénieuse d’un magnétomètre mis enmouvement par un multiplicateur d’induction, apublié dans les années 1834 et 1835 des séries d’ob-servations simultanées faites de 5 en 5 ou de 10 en10 minutes, avec des appareils semblables, à Göt-tingue, Copenhague, Altona, Brunsvic, Leipzig,Berlin, où, près du nouvel observatoire royal,M. Encke a déja établi une maison magnétique trèsspacieuse, Milan et Rome. L’Éphéméride allemande(Jahrbuch für 1836) de M. Schumacher prouvegraphiquement, et par le parallélisme des plus pe-tites inflexions des courbes horaires, la simultanéitédes perturbations à Milan et à Copenhague, deuxvilles dont la différence de latitude est de 10° 13′.M. Gauss a d’abord observé aux époques que j’avaisproposées en 1830; mais, dans l’intérêt de rappor-ter les mesures angulaires de déclinaison magnéti-que aux plus petits intervalles de temps (le 7 fé-vrier 1834 des changemens de six minutes en arccorrespondaient à une seule minute de temps),M. Gauss a réduit les 44 heures d’observations si- |275| multanées à la durée de 24 heures: il a prescritpour les stations qui sont munies de ses nouveauxappareils, six époques de l’année, c’est-à-dire lesderniers samedis de chaque mois à nombre de joursimpair. Les barreaux aimantés qu’il emploie commemagnétomètres sont, les petits, d’un poids de 4 liv.,les grands, de 25 liv. Le curieux appareil d’induc-tion propre à rendre sensibles et mesurables lesmouvemens d’oscillation que prédit une théoriefondée sur l’admirable découverte de M. Faraday,est composé de deux barreaux accouplés, chacund’un poids de 25 liv. J’ai dû rappeler les beaux tra-vaux de M. Gauss pour que ceux des membres dela Société royale de Londres qui ont le plus avancél’étude du magnétisme terrestre, et qui connaissentla localité des établissemens coloniaux, veuillentbien prendre en considération, si dans les nouvellesstations à établir on doit employer des barreauxd’un grand poids munis d’un miroir et suspendusdans un pavillon soigneusement fermé, ou si l’ondoit faire usage de la boussole de Gambey, dont jus-qu’ici on s’est uniformément servi dans nos an-ciennes stations d’Europe et d’Asie. En discutantcette question, on évaluera sans doute les avantagesqui naissent, dans l’appareil de M. Gauss, de lamoindre mobilité des barreaux par des courans d’air,comme de la lecture aisée et rapide des divisionsangulaires en de très petits intervalles de temps.Mon désir n’est que de voir s’étendre les lignes de |276| stations magnétiques, quels que soient les moyenspar lesquels on parvienne à obtenir la précision desobservations correspondantes. Je dois rappeler aussique deux voyageurs instruits, MM. Sartorius etListing, munis d’instrumens de petites dimensionset très portatifs, ont employé avec beaucoup desuccès la méthode du grand géomètre de Göttinguedans leurs excursions à Naples et en Sicile. Je supplie Votre Altesse Royale d’excuser l’éten-due des développemens que renferment ces lignes.J’ai pensé qu’il serait utile de réunir sous un mêmepoint de vue ce qui a été fait ou préparé dans lesdivers pays pour atteindre le but d’un grand tra-vail simultané sur les lois du magnétisme terrestre. Agréez, Monseigneur, l’hommage du plus pro-fond respect, avec lequel j’ai l’honneur d’être, De Votre Altesse Royale, etc., etc.

A. de Humboldt.