Ueber die Mittel den Erdmagnetismus durch permanente Anstalten und correspondirende Beobachtungen zu erforschen. Von Alexander von Humboldt. Bei seinem letzten Aufenthalte in Paris hat Herr v. Humboldt von dem, die Wissenschaften sehr begünstigenden Seeminister Admiral Duperre das officielle Versprechen erhalten, daß im nächsten Frühjahre, bei Rückkehr der Expedition, die den unglücklichen Blosseville und seine Mannschaft sucht, eine Boussole für die stündliche Magnet-Abweichung von Gambey nach Island gebracht werde und dort verbleibe. Wir glauben unsern Lesern einen angenehmen Dienst zu erzeigen, wenn wir ihnen den Auszug eines Briefes (in der Ursprache) mittheilen, den derselbe hochberühmte Gelehrte vor kurzem an den Herzog von Sussex, Präsidenten der Königlichen Societät zu London, gerichtet hat. Monseigneur, Votre Altesse Royale, noblement interessee aux progres des connoissances humaines, daignera agreer, je m'en flatte, la priere que j'enonce avec une respectueuse confiance. J'ose fixer Son attention sur des travaux propres a approfondir, par des moyens precis et d'un emploi presque continu, les variations du Magnetisme terrestre. C'est en sollicitant la cooperation d'un grand nombre d'observateurs zeles et munis d'instrumens de construction semblable, que nous avons reussi, depuis huit ans, Mr. Arago, Mr. Kupffer et moi, a etendre ces travaux sur une partie tres-considerable de l'hemisphere boreal. Des stations magnetiques permanentes etant etablies aujourd'hui depuis Paris jusqu'en Chine, en suivant vers l'est les paralleles de 40° a 60°, je me crois en droit, Monseigneur, de solliciter par Votre organe le concours puissant de la Societe Royale de Londres pour favoriser cette entreprise et pour l'agrandir en fondant de nouvelles stations, tant dans le voisinage de l'equateur magnetique que dans la partie temperee de l'hemisphere austral. Un objet aussi important pour la Physique du Globe et pour le perfectionnement de l'art nautique est doublement digne de l'interet d'une Societe qui, des son origine, avec un succes toujours croissant, a feconde le vaste champ des sciences exactes. Ce seroit avoir peu suivi l'histoire du developpement progressif de nos connoissances sur le Magnetisme terrestre que de ne pas se rappeler le grand nombre d'observations precieuses qui ont ete faites a differentes epoques et qui se font encore dans les Iles Britanniques et dans quelques parties de la zone equinoxiale soumises au meme Empire. Il ne s'agit ici que du desir de rendre ces observations plus utiles, c'est-a-dire plus propres a manifester de grandes lois physiques, en les coordonnant d'apres un plan uniforme et en les liant aux observations qui se font sur le continent de l'Europe et de l'Asie boreale. Ayant ete vivement occupe dans le cours de mon voyage aux Regions equinoxiales de l'Amerique, pendant les annees 1799--1804, des phenomenes de l'intensite des forces magnetiques, de l'inclinaison et de la declinaison de l'aiguille aimantee, je concus, au retour dans ma patrie, le projet d'examiner la marche des variations horaires de la declinaison et les perturbations qu'eprouve cette marche, en employant une methode que je croyois n'avoir point encore ete suivie sur une grande echelle. Je mesurai a Berlin dans un vaste jardin, surtout a l'epoque des solstices et des equinoxes, pendant les annees 1806 et 1807, d'heure en heure (souvent de demi-heure en demi-heure) sans discontinuer pendant quatre, cinq ou six jours et autant de nuits, les changemens angulaires du meridien magnetique. Mr. Oltmanns, avantageusement connu des astronomes par ses nombreux calculs de positions geographiques, voulut bien partager avec moi les fatigues de ce travail. L'instrument dont nous nous servions, etoit une lunette aimantee de Prony, susceptible de retournement sur son axe, suspendue d'apres la methode de Coulomb, placee dans une cage de verre et dirigee sur une mire tres-eloignee dont les divisions, eclairees pendant la nuit, indiquoient jusqu'a six ou sept secondes de variation horaire. Je fus frappe en constatant la regularite habituelle d'une periode nocturne, de la frequence des perturbations, surtout de ces oscillations dont l'amplitude depassoit toutes les divisions de l'echelle, qui se repetoient souvent aux memes heures avant le lever du soleil et dont les mouvemens violents et acceleres ne pouvaient etre attribues a aucune cause mecanique accidentelle. Ces affollemens de l'aiguille dont une certaine periodicite a ete confirmee recemment par Mr. Kupffer d'apres le recit de son Voyage au Caucase, me paroissoient l'effet d'une reaction de l'interieur du Globe vers sa surface, j'oserois dire des orages magnetiques, qui indiquent un changement rapide de tension. Je desirois des lors d'etablir a l'est et a l'ouest du meridien de Berlin, des appareils semblables aux miens pour obtenir des observations correspondantes faites a de grandes distances et aux memes heures; mais la tourmente politique de l'Allemagne et un prompt depart pour la France, ou je fus envoye par mon Gouvernement, entravoient pour longtems l'execution de ce projet. Heureusement mon illustre ami, Mr. Arago, entreprit, je crois vers l'an 1818, apres son retour des cotes d'Afrique et des prisons d'Espagne, une serie d'observations de declinaisons magnetiques a l'Observatoire de Paris, qui, faites journellement a des intervalles uniformement fixes, et continuees, d'apres un meme plan, jusqu'a ce jour, l'emportent par leur nombre et leur liaison mutuelle, sur tout ce qui a ete tente dans ce genre d'investigations physiques. L'appareil de Gambey dont on se sert, est d'une execution parfaite. Muni de micrometres a microscopes, il est d'un emploi plus commode et plus saur que la lunette de Prony, attachee a un fort barreau aimante de 20 [Formel] pouces de longueur. C'est dans le cours de ce travail que Mr. Arago a decouvert et constate par de nombreux exemples un phenomene qui differe essentiellement de l'observation faite par Olof Hiorter a Upsal en 1741: il a reconnu non seulement que les aurores boreales troublent la marche reguliere des declinaisons horaires la ou elles ne sont pas visibles, mais aussi que des le matin, souvent dix ou douze heures avant que le phenomene lumineux se developpe dans un lieu tres-eloigne, ce phenomene s'annonce par la forme particuliere que presente la courbe des variations diurnes, c. a. d. par la valeur des maxima d'elongation du matin et du soir. Un autre fait nouveau se manifesta dans les perturbations. Mr. Kupffer, ayant etabli a Kasan, presque aux limites orientales de l'Europe, une boussole de Gambey, entierement semblable a celle dont se sert Mr. Arago a Paris, les deux observateurs purent se convaincre par un certain nombre de mesures correspondantes de declinaison horaire, que, malgre une difference de longitude de plus de 47°, les perturbations etoient isochrones. C'etoient comme des signaux qui de l'interieur du Globe arrivoient simultanement a sa surface, vers les bords de la Seine et du Wolga. Lorsque en 1827 je me fixai de nouveau a Berlin, mon premier soin etoit de reprendre le cours des observations faites a de petits intervalles pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, dans les deux annees de 1806 et 1807. Je tachai en meme tems de generaliser les moyens d'observations simultanees dont l'emploi accidentel venoit de donner des resultats si importans. Une boussole de Gambey fut placee dans le pavillon magnetique, entierement depourvu de fer que je fis construire au milieu d'un Jardin. Le travail regulier ne put commencer que dans l'automne de 1828. Appele, au printemps de l'annee 1829, par S. M. l'Empereur de Russie pour faire un voyage mineralogique dans le nord de l'Asie et a la Mer Caspienne, j'eus occasion d'etendre rapidement la ligne des stations vers l'est. A ma priere l'Academie Imperiale et le Curateur de l'universite de Kasan firent construire des maisons magnetiques a St. Petersbourg et a Kasan. Au sein de l'Academie Imperiale, dans une commission que j'ai eu l'honneur de presider, on discutoit les avantages immenses que pouvoit offrir a la connaissance des lois du magnetisme terrestre, la vaste etendue de pays limitee d'un cote par la courbe sans declinaison de Doskino (entre Moscou et Kasan ou plus exactement, d'apres Mr. Adolphe Erman, entre Osablikowo et Doskino, par lat. 56° 0' et long. 40° 36' a l'est de Paris) et de l'autre par la courbe sans declinaison d'Arsentchewa pres du Lac Baikal que l'on croit identique avec celle de Doskino par une difference de meridiens de 63° 21'. Le departement Imperial des Mines ayant genereusement concouru au meme but, des stations magnetiques ont ete etablies successivement a Moscou, a Barnaoul dont j'ai trouve la position astronomique au pie de l'Altai par lat. 53° 19' 21"; long. 5h 27' 20" (a l'est de Paris) et a Nertschinsk. L'Academie de St. Petersbourg a fait plus encore: elle a envoye un astronome courageux et habile, Mr. George Fuß, frere de son secretaire perpetuel, a Peking et y a faite construire, dans le jardin du convent des moines de rite grec, un pavillon magnetique. On ne peut faire mention de cette entreprise sans se rappeler que (selon le Penthsaoyani, histoire naturelle medicale, composee sous la dynastie des Soung, presque 400 ans avant Christophe Colomb et avant que les Europeens eussent la moindre notion de la declinaison magnetique), les Chinois suspendoient leurs aiguilles au moyen d'un fil pour leur donner le mouvement le plus libre et qu'ils savoient que ainsi suspendues a la Coulomb (comme dans l'appareil du Jesuite Lana au 17me siecle) les aiguilles declinoient au sud-est et ne s'arretoient jamais au veritable point sud. Depuis le retour de Mr. Fuß un jeune officier des mines, Mr. Kowanko que j'ai eu le plaisir de rencontrer dans l'Oural, continue en Chine les observations de declinaison horaires correspondantes a celles d'Allemagne, de St. Petersbourg, de Kasan et de Nicolajeff en Krimmee, ou l'Amiral Greigh a fait etablir une boussole de Gambey, confiee au directeur de l'Observatoire, Mr. Knorre. J'ai obtenu aussi que dans les mines de Freiberg en Saxe, dans une galerie d'ecoulement, a 35 toises de profondeur un appareil magnetique ait ete place. Mr. Reich auquel on doit un excellent travail sur la temperature moyenne de la terre a differentes profondeurs, y observe assidument et a des epoques convenues. De l'Amerique du Sud Mr. Boussingault qui n'a rien neglige de ce qui peut avancer les progres de la Physique du Globe, nous a envoye des observations de declinaison horaires faites a Marmato dans la province d'Antioquia, par les 5° 27' de latitude boreale, dans un lieu ou la declinaison est orientale comme a Kasan et a Barnaoul en Asie, tandisque sur les cotes nord-ouest du Nouveau Continent, a Sitka dans l'Amerique Russe, le Baron de Wrangel, egalement muni d'une boussole de Gambey, a pris part aux observations simultanees faites a l'epoque des solstices et des equinoxes. Un Amiral espagnol, Mr. de Laborde, ayant eu connoissance d'une priere que j'avois adressee a la Societe patriotique de la Havane, eut la bonte de me charger, de son propre mouvement, de lui envoyer des instrumens qui serviroient a determiner avec precision l'inclinaison, la declinaison absolue, les variations horaires de declinaison et l'intensite des forces magnetiques. Ces precieux instrumens entierement semblables a ceux que possede l'Observatoire de Paris, sont heureusement arrives a l'Ile de Cuba, mais le changement du commandement maritime a la Havane et d'autres circonstances locales n'ont point encore permis d'etablir la station magnetique sous le tropique du Cancer et de faire usage des instrumens. Il en a ete de meme jusqu'ici de la boussole de Gambey que Mr. Arago a fait construire a ses frais pour obtenir des observations de l'interieur du Mexique ou le sol s'eleve a plus de 6000 pies au dessus du niveau de la mer. Enfin, pendant mon dernier sejour a Paris, j'ai eu l'honneur de proposer a Mr. l'Amiral Duperre, Ministre de la Marine, de fonder une station magnetique en Islande. Cette demande a ete accueillie avec l'empressement le plus bienveillant, et l'instrument, deja commande, sera depose cet ete meme au port de Reikiawig, lorsque l'expedition qui avait ete dirigee vers le nord a la recherche de Mr. de Blosseville et de ses compagnons d'infortune, retournera en Islande pour y continuer ses travaux scientifiques. On peut etre saur que le gouvernement Danois qui protege avec une si noble ardeur l'astronomie et les progres de l'art nautique, daignera favoriser l'etablissement d'une station magnetique dans une de ses possessions voisine du cercle polaire. Au Chili Mr. Gay a fait aussi un grand nombre d'observations horaires correspondantes, d'apres les instructions de Mr. Arago. Je suis entre dans ce long et minutieux detail historique pour faire voir jusqu'ou j'ai reussi, conjointement avec mes amis, a etendre le concours d'observations simultanees. Apres mon retour de Siberie, nous avons publie, Mr. Dove et moi, en 1830 le trace graphique des courbes de declinaisons horaires de Berlin, Freiberg, Petersbourg et Nicolajeff en Krimmee, pour faire voir le parallelisme qu'affectent ces lignes, malgre le grand eloignement des stations et sous l'influence de perturbations extraordinaires. Dans la comparaison des observations de St. Petersbourg et de Nicolaieff on a pu faire usage d'observations faites dans des intervalles tres-rapproches de 20 en 20 minutes. Il ne faut pas se persuader cependant que ce parallelisme d'inflexions existe toujours dans les courbes horaires. Nous avons eprouve que meme dans des lieux tres-voisins, par exemple a Berlin et dans les mines de Freiberg, les reactions magnetiques de l'interieur de la terre vers la surface ne sont pas constamment simultanees, que l'une des aiguilles presente des perturbations considerables, tandis que l'autre continue cette marche reguliere qui, sous chaque meridien, est fonction du tems vrai du lieu. J'ai propose aussi dans le memoire publie en 1830, pour le concours d'observations simultanees les epoques suivantes: 20 et 21 Mars 4 et 5 Mai 21 et 22 Juin 6 et 7 Aoaut 23 et 24 Septembre 5 et 6 Novembre 21 et 22 Decembre depuis 4h du matin du premier jour jusqu'a minuit du second jour, en observant pour le moins, dans chaque station magnetique, jour et nuit, d'heure en heure. Comme plusieurs observateurs places sur la ligne des stations, ont trouve ces epoques trop rapprochees les unes des autres, on a dau insister de preference sur le seul tems des solstices et des equinoxes. L'Angleterre, depuis les travaux anciens de William Gilbert, Graham et Halley jusqu'aux travaux modernes de Mrs. Gilpin, Beaufoy (a Bushy Heath), Barlow et Christie, a offert une riche collection de materiaux propres a decouvrir les lois physiques qui reglent les variations de la declinaison magnetique, soit dans un meme lieu selon la difference des heures et des saisons, soit a differentes distances de l'equateur magnetique et des lignes sans declinaison. Mr. Gilpin a observe chaque jour douze heures, pendant plus de seize mois. Les nombreuses observations du Colonel Beaufoy ont ete regulierement publiees dans les Annales de Thomson. De memorables expeditions dans les regions les plus inhospitalieres du nord ont fait cueillir a Mrs. Sabine, Franklin, Hood, Parry, Henry Foster, Beechey et James Clark Roß une riche moisson d'observations importantes. C'est sous le rapport du magnetisme terrestre et de la meteorologie que la geographie physique doit un accroissement considerable de connoissances aux tentatives faites recemment pour determiner la forme du Detroit ou Passage du Nord-Ouest. Elle en doit aussi aux perilleuses explorations des cotes glacees d'Asie par les Capitaines Wrangel, Lütke et Anjou. Pendant le cours de ces nobles efforts une impulsion inattendue a ete donnee aux sciences physiques. Une partie de la philosophie naturelle dont les progres theoriques avoient ete si lents depuis deux siecles, a jete un vif eclat et feconde d'autres sciences. Tel a ete l'effet des grandes decouvertes d'Oersted, Arago, Ampere, Seebeck et Faraday sur la nature des forces electromagnetiques. Excites par ce concours de talens et de travaux ingenieux de savans voyageurs, Mrs. Hansteen, Due et Adolphe Erman ont explore dans toute l'immense etendue de l'Asie boreale, par la reunion heureuse de moyens astronomiques et physiques tres-exacts, presque pour une meme epoque, la trace des courbes isoclines, isogones et isodynamiques. En parlant de ce grand travail que Mr. Hansteen avoit concu et propose depuis longtems, je devrois peut-etre passer sous silence les observations d'inclinaison magnetique que j'ai faites sur la frontiere peu visitee de la Dzoungarie chinoise et sur les bords de la Mer Caspienne, observations publiees dans le deuxieme volume de mes Fragmens asiatiques. Mon savant compatriote, Mr. Adolphe Erman, embarque au Kamtschatka et retournant en Europe par le Cap Horn, a eu le rare avantage de continuer, pendant une longue navigation, la mesure des trois manifestations du Magnetisme terrestre a la surface du Globe. Il a pu employer les memes instrumens et les memes methodes qui lui avoient servi de Berlin a l'embouchure de l'Obi et de cette embouchure a la Mer d'Okhotsk. Ce qui caracterise notre epoque, dans un tems marque par de grandes decouvertes d'optique, d'electricite et de magnetisme, c'est la possibilite de lier les phenomenes par la generalisation de lois empiriques, c'est le secours mutuel que se rendent des sciences restees longtems isolees. Aujourd'hui de simples observations de declinaison horaire ou d'intensite magnetique faites simultanement dans des endroits tres-eloignes les uns des autres, nous revelent pour ainsi dire, ce qui se passe a de grandes profondeurs dans l'interieur de notre planete, ou dans les regions superieures de l'atmosphere. Ces emanations lumineuses, ces explosions polaires qui accompagnent l'orage magnetique, semblent succeder a de grands changemens qu'eprouve la tension habituelle ou moyenne du magnetisme terrestre. Il seroit, Monseigneur, d'un vif interet pour l'avancement des sciences mathematiques et physiques, que sous Votre Presidence et sous Vos auspices, la Societe Royale de Londres, a laquelle je me fais gloire d'appartenir depuis vingt ans, voulut bien exercer sa puissante influence en etendant la ligne d'observations simultanees et en fondant des stations magnetiques permanentes soit dans la region des tropiques, des deux cotes de l'equateur magnetique dont la proximite diminue necessairement l'amplitude des declinaisons horaires, soit dans les hautes latitudes de l'hemisphere austral et au Canada. J'ose proposer ce dernier point parceque les observations de declinaisons horaires faites dans la vaste etendue des Etats-Unis sont encore tres rares. Celles de Salem (de 1810), calculees par Mr. Bowditch et comparees par Mr. Arago aux observations de Cassini, Gilpin et Beaufoy, meritent cependant beaucoup d'eloges. Elles pourront guider les observateurs du Canada pour examiner si, contrairement a ce qui arrive dans l'Europe occidentale, la declinaison n'y diminue pas dans l'intervalle entre l'equinoxe du printemps et le solstice d'ete. Dans un memoire que j'ai publie, il y a cinq ans, j'ai designe, comme stations magnetiques extremement favorables pour les progres de nos connoissances: la Nouvelle Hollande, Ceylan, l'ile Mauritius, le Cap de Bonne-Esperance (illustre de nouveau par les travaux de Sir John Herschel), l'ile St. Helene, quelque point sur la cote orientale de l'Amerique du Sud et Quebec. Deja dans le siecle passe, en 1794 et 1796, un voyageur anglais, Mr. Macdonald, avoit fait des observations nouvelles et importantes sur la marche diurne de l'aiguille a Sumatra et a St. Helene, observations qui ont ete confirmees et etendues sur une grande echelle dans les expeditions scientifiques des Capitaines Freycinet et Duperrey, l'un commandant (1817- 1820) la corvette l'Uranie, l'autre qui a coupe six fois l'equateur magnetique, commandant (1822-1825) la corvette la Coquille. Pour avancer rapidement la theorie des phenomenes du magnetisme terrestre ou du moins pour etablir avec plus de precision des lois empiriques, il faudroit a la fois prolonger et varier les lignes d'observations correspondantes, distinguer dans les observations de variations horaires ce qui est dau a l'influence des saisons, au tems serein et au tems couvert et de pluyes abondantes, aux heures du jour et de la nuit, au tems vrai de chaque lieu, c'est a dire a l'influence du soleil et ce qui est isochrone sous des meridiens differens: il faudroit reunir a ces observations de declinaison horaire celles de la marche annuelle de la declinaison absolue, de l'inclinaison de l'aiguille et de l'intensite des forces magnetiques dont l'accroissement depuis l'equateur magnetique aux poles est inegal dans l'hemisphere occidental americain et dans l'hemisphere oriental asiatique. Toutes ces donnees, bases indispensables d'une theorie future, ne peuvent acquerir de l'importance et de la certitude que par le moyen d'etablissemens qui restent permanens pendant un grand nombre d'annees, Observatoires de physique dans lesquels on repete la recherche des elemens numeriques a des intervalles de tems convenus et par des instrumens semblables. Les voyageurs qui traversent un pays dans une seule direction et a une seule epoque, ne font que preparer un travail qui doit embrasser le trace complet des lignes sans declinaison a des intervalles egalement espaces, le deplacement progressif des noeuds ou points d'intersection des equateurs magnetique et terrestre, les changemens de forme dans les lignes isogones et isodynamiques, l'influence qu'exerce indubitablement la configuration et l'articulation des continens sur la marche lente ou acceleree de ces courbes. Heureux si les essais isoles des voyageurs, dont il m'appartient de plaider la cause, ont contribue a vivifier un genre de recherches qui est l'ouvrage des siecles et qui exige a la fois le concours de beaucoup d'observateurs distribues d'apres un plan maurement discute, et une direction qui emane de plusieurs grands centres scientifiques de l'Europe. Cette direction ne se renfermera pas et pour toujours dans le cercle etroit des memes instructions; elle saura les varier librement d'apres l'etat progressif des connoissances physiques et les perfectionnemens apportes aux instrumens et aux methodes d'observation. En suppliant Votre Altesse Royale de daigner communiquer cette lettre a la Societe illustre que Vous presidez, il ne m'appartient aucunement, d'examiner quelles sont les stations magnetiques qui meritent la preference pour le moment et que les circonstances locales permettent d'etablir. Il me suffit d'avoir reclame le concours de la Societe Royale de Londres pour donner une nouvelle vie a une entreprise utile et dont je m'occupe depuis un grand nombre d'annees. J'ose simplement hazarder le voeu que dans le cas ou ma proposition faut accueillie avec indulgence, la Societe Royale voulaut bien entrer directement en communications avec la Societe Royale de Göttingue, l'Institut Royal de France et l'Academie Imperiale de Russie pour adopter les mesures les plus propres a combiner ce que l'on projette d'etablir avec ce qui existe deja sur une etendue de surface assez considerable. Peut-etre voudroit-on aussi se concerter d'avance sur le mode de publication des observations partielles et (si le calcul n'exige pas trop de tems et ne retarde pas trop les communications) sur la publication des resultats moyens. C'est un des heureux effets de la civilisation et des progres de la raison qu'en s'adressant aux Societes savantes, on peut compter sur le concours general des volontes, des qu'il s'agit de l'avancement des sciences ou du developpement intellectuel de l'humanite. Des travaux d'une surprenante precision ont ete executes, depuis quelques annees, dans un pavillon magnetique de l'Observatoire de Göttingue avec des appareils d'une force extraordinaire. Ces travaux, bien dignes de fixer l'attention des physiciens, offrent un mode plus precis de mesurer les variations horaires. Le barreau aimante est d'une dimension beaucoup plus grande encore que le barreau de la lunette aimantee de Prony: il est muni a son extremite d'un miroir dans lequel se reflechissent les divisions d'une mire plus ou moins eloignee selon la valeur angulaire qu'on desire donner a ses divisions. Par l'emploi de ce moyen perfectionne l'observateur n'a pas besoin d'approcher du barreau aimante et (en evitant les courans d'air que peuvent faire naeitre la proximite du corps humain ou, pendant la nuit, celle d'une lampe) on parvient a observer dans les plus petits intervalles de tems. Le grand geometre, Mr. Gauß, auquel nous devons ce mode d'observation, de meme que le moyen de reduire a une mesure absolue l'intensite de la force magnetique dans un lieu quelconque de la terre et l'invention ingenieuse d'un magnetometre mis en mouvement par un multiplicateur d'induction, a publie dans les annees 1834 et 1835 des series d'observations simultanees faites de 5 en 5 ou de 10 en 10 minutes, avec des appareils semblables a Göttingue, Copenhague, Altona, Brunsvic, Leipzig, Berlin, ou pres du Nouvel Observatoire royal Mr. Encke a deja etabli une maison magnetique tres spacieuse, Milan et Rome. L'Ephemeride allemande (Jahrbuch für 1836) de Mr. Schumacher prouve graphiquement, et par le parallelisme des plus petites inflexions des courbes horaires, la simultaneite des perturbations a Milan et a Copenhague, deux villes dont la difference de latitude est de 10° 13'. Mr. Gauß a d'abord observe aux epoques que j'avois proposees en 1830, mais dans l'interet de rapporter les mesures angulaires de declinaison magnetique aux plus petits intervalles de tems (le 7 Fevrier 1834 des changemens de 6 minutes en arc correspondoient a une seule minute de tems), Mr. Gauß a reduit les 44 heures d'observations simultanees a la duree de 24 heures: il a prescrit pour les stations qui sont munies de ses nouveaux appareils, six epoques de l'annee, c'est-a-dire les derniers samedis de chaque mois a nombre de jours impairs. Les barreaux aimantes qu'il employe comme Magnetometres sont, les petits, d'un poids de 4 livres, les grands de 25 livres. Le curieux appareil d'induction propre a rendre sensibles et mesurables les mouvemens d'oscillation que predit une theorie, fondee sur l'admirable decouverte de Mr. Faraday, est compose de deux barreaux accouples, chacun d'un poids de 25 livres. J'ai dau rappeler les beaux travaux de Mr. Gauß pour que ceux des membres de la Societe Royale de Londres qui ont le plus avance l'etude du magnetisme terrestre, et qui connoissent la localite des etablissemens coloniaux, veuillent bien prendre en consideration, si dans les nouvelles stations a etablir on doit employer des barreaux d'un grand poids munis d'un miroir et suspendus dans un pavillon soigneusement ferme, ou si l'on doit faire usage de la boussole de Gambey dont jusqu'ici on s'est uniformement servi dans nos anciennes stations d'Europe et d'Asie. En discutant cette question on evaluera sans doute les avantages qui naissent, dans l'appareil de Mr. Gauß de la moindre mobilite des barreaux par des courans d'air, comme de la lecture aisee et rapide des divisions angulaires en de tres petits intervalles de tems. Mon desir n'est que de voir s'etendre les lignes de stations magnetiques, quelques soyent les moyens par lesquels on parvienne a obtenir la precision des observations correspondantes. Je dois rappeler aussi que deux voyageurs instruits, Mrs. Sartorius et Listing, munis d'instrumens de petites dimensions et tres-portatifs, ont employe avec beaucoup de succes la methode du grand Geometre de Göttingue dans leurs excursions a Naples et en Sicile. Je supplie Votre Altesse Royale d'excuser l'etendue des developpemens que renferment ces lignes. J'ai pense qu'il seroit utile de reunir sous un meme point de vue ce qui a ete fait ou prepare dans les divers pays pour atteindre le but d'un grand travail simultane sur les lois du Magnetisme terrestre. Agreez, Monseigneur, l'hommage du plus profond respect, avec lequel j'ai l'honneur d'etre Berlin, en Avril 1836. De V. A. R. etc. etc. Alexandre de Humboldt.