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Alexander von Humboldt: „Rapport sur le voyage fait par MM. Ehrenberg et Hemprich en Égypte, Dongola, Syrie, Arabie, et à la pente orientale du plateau de l’ Abyssinie, de 1820 à 1824; lu à l’Académie des sciences de Berlin“, in: ders., Sämtliche Schriften digital, herausgegeben von Oliver Lubrich und Thomas Nehrlich, Universität Bern 2021. URL: <https://humboldt.unibe.ch/text/1827-Bericht_ueber_die-3> [abgerufen am 25.04.2024].

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Titel Rapport sur le voyage fait par MM. Ehrenberg et Hemprich en Égypte, Dongola, Syrie, Arabie, et à la pente orientale du plateau de l’ Abyssinie, de 1820 à 1824; lu à l’Académie des sciences de Berlin
Jahr 1827
Ort Paris
Nachweis
in: Nouvelles annales des voyages et des sciences géographiques 2:6 (Oktober–Dezember 1827), S. 369–397.
Sprache Französisch
Typografischer Befund Antiqua; Auszeichnung: Kursivierung, Kapitälchen.
Identifikation
Textnummer Druckausgabe: IV.77
Dateiname: 1827-Bericht_ueber_die-3
Statistiken
Seitenanzahl: 29
Zeichenanzahl: 49184

Weitere Fassungen
Bericht über die naturhistorischen Reisen der Herren Ehrenberg und Hemprich durch Aegypten, Dongola, Syrien, Arabien und den östlichen Abfall des habessinischen Hochlandes, in den Jahren 1820–1825. Gelesen in der königlichen preußischen Akademie der Wissenschaften (Stuttgart; Tübingen, 1827, Deutsch)
Extrait du Rapport der M. le baron de Humboldt, sur les Voyages entrepris pour l’Histoire naturelle par MM. Ehrenberg et Hemprich, en Égypte, à Dongola, en Syrie, en Arabie, et le long de la pente orientale du haut pays de l’Abyssinie, dans les années 1820 à 1825 (Paris, 1827, Französisch)
Rapport sur le voyage fait par MM. Ehrenberg et Hemprich en Égypte, Dongola, Syrie, Arabie, et à la pente orientale du plateau de l’ Abyssinie, de 1820 à 1824; lu à l’Académie des sciences de Berlin (Paris, 1827, Französisch)
Bericht über die Naturhistorischen Reisen der Herren Ehrenberg und Hemprich, durch Aegypten, Dongola, Syrien, Arabien, und den östlichen Abfall des Habessinian Hochlandes, in den Jahren 1820–1825. Gelesen in der Königlichen Akademie der Wissenschaften. Berlin. Gedruckt in der Druckerei der Königlichen Acadmie der Wissenschaften. 1826 [...] (Boston, Massachusetts, 1828, Englisch)
Auszug aus dem ‚Bericht über die Naturhistorischen Reisen der Herren Ehrenberg und Hemprich durch Aegypten, Dongola, etc. etc. in den Jahren 1820–1825.‘ Gelesen in der Königl. Akademie der Wissenschaften (Berlin, 1828, Deutsch)
Bericht über die Naturhistorischen Reisen der Herren Ehrenberg und Hemprich (Berlin, 1829, Deutsch)
A Scientific Harvest (London, 1830, Englisch)
A Scientific Harvest (London, 1830, Englisch)
A Scientific Harvest (Edinburgh, 1830, Englisch)
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Rapport sur le voyage fait par MM. Ehrenberg etHemprich en Égypte, Dongola, Syrie, Arabie, età la pente orientale du plateau de l’Abyssinie, de1820 à 1824; lu à l’Académie des sciences de Berlinpar M. A. de Humboldt.

L’académie des sciences nous a chargés, MM. Link,Lichtenstein, Rudolphi, Weiss et moi, de lui faire unrapport sur les voyages entrepris, aux frais de l’état, parMM. Ehrenberg et Hemprich, dans le désert de Libye,en Egypte, à Sennaar, à Dongola, au Liban, en Cœlésy-rie, dans l’Arabie occidentale, et à la pente orientale duplateau de l’Abyssinie, de 1820 à 1825; voyages qui ont en-richi, de la manière la plus remarquable, toutes lesparties de l’histoire naturelle et de la géographie phy-sique.Si, par l’influence bienfaisante que chaque nouvellecollection d’objets relatifs aux sciences exerce sur l’avan-cement des connoissances humaines, c’est déjà un mé-rite incontestable, dans la longue durée d’un voyage pé-rilleux, de découvrir un grand nombre de nouvellesproductions de la nature, de les conserver, et de lesrapporter en Europe, ce mérite s’accroît bien davantage|370| lorsque des hommes, envoyés par l’état, sont déjà profon-dément instruits, et que, pénétrés du sentiment élevé queleur vocation leur inspire, ils parcourent le monde, nonseulement comme des naturalistes infatigables, maisaussi comme des observateurs attentifs et remplis de sa-gacité.Tout ce qui est relatif à la répartition géographiquedes formes animales et végétales, à l’influence que lanature du sol, l’élévation des lieux et les nombreux effetsdu climat exercent sur la vie organique, ne peut être ap-profondi que par l’examen immédiat du voyageur. Laconnoissance des mœurs des animaux n’est pas moinsimportante que celle de leur structure qui détermineleurs habitudes. Un grand nombre des observations lesplus délicates en anatomie et en physiologie ne peuventêtre recueillies que sur les lieux où l’on trouve les ani-maux. La géognosie ne peut être redevable de ses progrèsà l’envoi de minéraux qui ont été détachés de rochers iso-lés, sans un principe de direction première, sans nulégard à la manière dont ils sont groupés dans les monta-gnes, à leur gisement relatif, à leur transition de l’un àl’autre, ni à leur date de formation. Le géognoste observa-teur peut seul contribuer aux progrès de la science qu’ilcultive; car cette science, dont le caractère essentiel estd’exposer l’enchaînement des phénomènes et d’appro-fondir le rapport des roches hétérogènes, ne pourra ob-tenir des efforts les plus actifs des hommes les plus zélésà recueillir ce qu’ils trouvent, mais dénués de connois-sances, les mêmes avantages que ces mêmes efforts pro-curent pour la description des animaux et des végétaux.MM. Ehrenberg et Hemprich, sur lesquels le choix del’académie s’étoit dirigé à cause de plusieurs travaux dis-tingués qu’on leur devoit, ont répondu de la manière la|371| plus satisfaisante à tout ce que, dans l’état des sciences,on pouvoit exiger de voyageurs instruits. Le simple récitde ce qu’ils ont fait en est une preuve sans réplique. Ilsont recueilli, comme si recueillir eût été leur uniqueobjet; pour préparer et conserver les choses et leur don-ner des noms spécifiques, ils ont effectué des travauxauxquels peut-être ne se sont pas livrés des voyageursplacés dans des circonstances semblables à celles où ilsse sont trouvés. Ce qu’ils ont envoyé au muséum royalremplissoit cent quatorze caisses de 20 à 30 pieds cubes.Le nombre des plantes dépasse 46,000 individus, parmilesquels il y a 2,900 espèces. Le nombre des animaux estde 34,000 individus, comprenant 135 espèces de mam-mifères, 430 d’oiseaux, 546 de possons et d’amphibies,600 d’annelides et de crustacées, et 2,000 d’insectes. Lacollection de minéraux a été enrichie de 300 échantil-lons de roches qui, disposées d’après leur gisement, ré-pandent une vive lumière sur la structure intérieure dela terre dans des pays lointains et entièrement nouveauxpour la géognosie. Mais toutes ces collections de miné-raux, de végétaux phanérogames et cryptogames, parmilesquels les premiers seulement renferment probablement5 à 600 especes nouvelles; de formes animales de toutesles classes, notamment des inférieures, ordinairementnégligées par les voyageurs zoologistes; tous ces objets,dis-je, quoique leur possession matérielle soit très im-portante pour le musée royal, et que leur usage libre lesoit pour l’accroissement de l’histoire naturelle, ne doi-vent cependant être considérées que comme un avantagesecondaire, et inférieur à celui qui doit résulter de la pu-blication des observations faites par MM. Ehrenberg etHemprich.L’étude de la nature dans la variété de ses productions|372| et dans l’action de ses forces est le but essentiel d’une ex-pédition du genre de celle dont notre rapport est le sujet.Les découvertes géographiques d’un Mungo-Park, d’unBurckhardt, d’un Caillaud, d’un Clapperton, ont unautre caractère et une autre fin. En séparant soigneuse-ment les objets différens dont les deux espèces de voyagesont à s’occuper, les membres de la commission se pla-ceront dans une position qui les mettra en état, ils l’es-pèrent, de porter un jugement équitable sur ce qui a étéfait. Pénétrer dans l’intérieur d’un continent encorefermé, examiner des jonctions de rivières, ou de lignesde partage, entièrement nouvelles, et, comme témoinsinattendus des progrès secrets de la civilisation humaine,trouver des villes peuplées et industrieuses, sont des dé-couvertes qui valent avec raison au voyageur qui les a faitesun honneur de très-peu inférieur à celui qui appartient aucourage. Des expéditions, qui, par des déterminations as-tronomiques de lieux, accroissent lentement et presqueimperceptiblement la géographie et rectifient ce que l’onconnoît déjà, excitent en général peu d’intérêt; mais cellesqui résolvent soudainement un problème long-temps enquestion, en font, presque uniquement, naître un qui sepropage rapidement: le langage usuel restreint mêmel’expression de découvertes au résultat des entreprisespurement géographiques.Cette manière partiale de considérer les choses neconvient pas aux hommes qui, intimement persuadés del’action réciproque des connoissances humaines, doiventembrasser, sous le même point de vue, l’histoire natu-relle et la géographie dans toutes leurs parties. Pénétrerprofondément dans la vie intérieure des plantes et desanimaux; trouver de nouvelles formes organiques qui,comme des membres intermédiaires, réunissent des|373| groupes éloignés et, suivant les apparences, isolés; étudierattentivement l’ensemble des phénomènes météorologi-ques, où le jeu, toujours actif des forces magnetico-élec-triques, n’honore pas moins les efforts pénibles de l’esprithumain que la découverte de lieux nouveaux, que la dé-termination de rapports d’espace dont s’occupe la géo-graphie descriptive. De même qu’en appréciant avec équitéce que le hardi Mungo-Park a fait dans sa marche rapide,on ne peut le blâmer de ce que son premier voyage n’apas offert de résultats pour la botanique ou la zoologie,de même on ne peut exiger d’une expédition essentielle-ment consacrée à l’histoire naturelle qu’elle brille pardes découvertes géographiques. Chaque classe de voyagesa son caractère particulier; louange aux voyageurs quandils atteignent le but qui leur étoit proposé.Nous avons cru devoir faire précéder de ces considé-rations générales notre rapport sur les voyages deMM. Ehrenberg et Hemprich, afin d’indiquer ce qui dis-tingue, des autres voyages en Afrique, une expédition siimportante, suggérée par l’académie royale des sciences.La multitude des objets traités par ces naturalistes nousa obligés de parler, dans des sections particulières, desobligations que doivent à leurs efforts la botanique, lazoologie, l’anatomie comparée et la géographie. Quelzèle persévérant, quelle énergie n’a-t-il pas fallu pourproduire ces résultats! c’est ce que prouveront le tableauhistorique du voyage et le récit des obstacles nombreuxque les voyageurs ont eu, presque sans interruption, àcombattre, et sous lesquels ils ont, hélas! souvent suc-combé.Revue historique du Voyage.En 1820, le général Menu de Minutoli ayant résolu de|374| faire en Orient un voyage, dont l’objet principal étoit larecherche des objets d’antiquités, il proposa à l’académiede se faire accompagner, aux frais de l’état, de quelquesjeunes gens instruits. Le ministère permit à M. Liman,professeur d’architecture, de se joindre à l’expédition,et l’académie des sciences accorda à MM. Ehrenberg etHemprich, docteurs en médecine et naturalistes, qui s’é-toient déjà distingués par leurs travaux, une somme quiparoissoit suffisante pour remplir, pendant les premièresannées, l’objet proposé. A Rome, la générosité de S. A. R.le prince Henri de Prusse permit à la société de s’ad-joindre M. Scholz, savant orientaliste.Le plan du général Minutoli étoit de parcourir l’Egypteavec ses oasis, la Cyrénaïque, le Dongola, la presqu’îledu mont Sinaï, la Palestine, la Syrie, et une partie del’Asie-Mineure, et de revenir par la Grèce, en Alle-magne.Les naturalistes reçurent de l’académie des sciencesdes instructions écrites fort succinctes, ainsi que desquestions sur les choses qui devoient principalementfixer leur attention dans ces pays lointains.Au mois d’août, toute la troupe, à l’exception deM. Liman, se trouva réunie à Trieste, puis se partageasur deux navires qui, au mois de septembre suivant, en-trèrent heureusement dans le port d’Alexandrie. Les ren-seignemens que l’on obtint des person nes qui connoissoientle pays, sur la possibilité d’un voyage dans la Cyrénaïque,furent tels que l’entreprise parut praticable sans dan-ger imminent. M. Drovetti, qui, pendant plusieurs années,avoit rempli en Egypte les fonctions de consul de France,et qui avoit visité l’oasis de Siouah, dirigea, avec unecomplaisance prévenante, l’équipement de la caravane,qui étoit composée de cinquante-six chameaux, et de|375| vingt-cinq Bédouins armés, au nombre desquels il y avoitun cheikh arabe et ses parens. Un firman du grand-sei-gneur, et des lettres de recommandation spéciales dupacha d’Egypte, adressées à Halil, bey de Derna, fai-soient espérer au général Minutoli qu’il n’auroit pas àredouter des obstacles de nature politique.M. Liman n’étoit arrivé à Alexandrie qu’après le départde la caravane; il ne la rejoignit qu’à Aboukir. Son em-pressement extrême lui avait fait négliger le soin de sepourvoir de vêtemens convenables; et, quoique ses com-pagnons de voyage offrissent tout ce qu’ils pouvoient poursuppléer à ce qui lui manquoit, il est très-vraisemblableque ce défaut de vêtemens contribua beaucoup au déran-gement de sa santé.La méchanceté des Bédouins occasionnoit journelle-ment des querelles sérieuses dans la caravane; ils appar-tenoient à des tribus différentes; et, lorsque l’on eut péné-tré très-avant dans le désert de Libye, Hadji Endaoui,cheikh bédouin, déclara qu’il n’avoit aucun pouvoir surelles. Son impatience égaloit celle des voyageurs.Ce fut au milieu de ces circonstances contrariantes,qui obligeoient d’avoir toujours des gardes pendant lanuit, que la caravane parvint à un lieu qui n’est éloignéque d’une journée de route des frontières du territoire deTripoli. Alors le cheikh annonça que, sans la permissionexpresse de Halil, bey de Derna, il ne pouvoit franchirles limites. En conséquence, des messagers furent en-voyés avec des lettres de recommandation. Les dissentionsentre les Arabes augmentant tous les jours, la caravanese partagea. Le général Minutoli, avec le cheikh et leprincipal interprète, prît la route de l’Ammonium, pourretourner de là au Caire; l’autre partie de la caravane,à laquelle les naturalistes et les artistes appartenoient,|376| résolut d’attendre le retour des messagers. Ce fut á Bir-el Kor que la séparation eut lieu. On attendit vainementpendant dix-sept jours dans le désert; les messagers neparurent pas. Des voyageurs, que l’on rencontra, racon-tèrent que Halil, bey de Derna, avoit été extrêmementtroublé de l’arrivée d’une caravane dans laquelle se trou-voit un général. Par un plus long retard, on auroit passéle terme pour lequel les chameaux avoient été loués; onse détermina donc à gagner l’oasis de Siouah, où l’on es-péroit trouver protection de la part des Bédouins qui l’ha-bitoient. Un présent considérable fut promis à un guidequi restoit dans un camp de Bédouins, s’il pouvoit rap-porter à Siouah une réponse favorable du bey de Derna;mais on fut déçu dans toutes ces espérances.La caravane traversa, presque sans interruption, le dé-sert, pendant cinq jours et cinq nuits. A Siouah, les chefsqui exerçoient le pouvoir suprême dans l’oasis, direntque les voyageurs étoient des espions, et les menacèrentde faire tirer sur eux s’ils franchissoient les bornes d’unespace qui leur fut assigné. En revenant à Alexandrie,MM. Liman, et Guillaume Söllner, aide naturaliste, tom-bèrent malades par suite du refroidissement de la tem-pérature et de la fatigue de la marche. Ils arrivèrent tousdeux jusqu’au bord de la mer; mais, au mois de décem-bre, ils moururent victimes de leurs efforts pénibles.Au Caire, M. Scholz se sépara des naturalistes, et sedirigea vers la Palestine. MM. Ehrenberg et Hemprichsuivirent alors seuls le plan du voyage qui leur avoit ététracé. Une excursion entreprise au mois de mars dans laprovince de Fayoum, fut interrompue par une fièvrenerveuse qui retint M. Ehrenberg pendant trois mois dansune tente, au pied de la grande pyramide de Sakhara.Les soins assidus de son ami purent seuls le sauver; ce|377| ne fut qu’à la fin de mai 1821, qu’il devint possible decontinuer le voyage du Fayoum. Il fut le plus productifpour l’entomologie. François Kreysel, natif d’Auras, enSilésie, qui avoit remplacé Söllner, s’étant refroidi dansle lac Mœris, en chassant aux oiseaux aquatiques, mou-rut de la dyssenterie.La somme que l’académie des sciences avoit fourniede ses propres moyens étoit épuisée; alors le voyageauroit été terminé, si les souhaits de l’académie n’eussentpas été accomplis avec promptitude par M. le baron d’Al-tenstein, ministre du roi. Les voyageurs, s’attendantavec raison à découvrir de nouvelles formes de corpsorganiques dans des pays plus méridionaux, résolurentde suivre l’armée victorieuse de Mehemed-Ali. Depuis lemois d’août 1821 jusqu’en février 1823, ils parcoururentla Nubie, et arrivèrent à Dongola. Toutes les espérancesque pouvoient faire naître ces contrées, non encore par-courues par des naturalistes, furent accomplies de lamanière la plus satisfaisante. MM. Ehrenberg et Hem-prich arrivèrent, par la Nubie, jusque dans le désertd’Emboukol et de Corti, qui sépare le Cordofan de Don-gola. La diminution de leurs finances, et le désir demettre en sûreté les objets d’histoire naturelle déjà re-cueillis, engagèrent les voyageurs à se séparer dans celieu.M. Hemprich conduisit les collections à Alexandrie;mais, au lieu de l’argent qu’il attendoit, il y trouval’ordre de revenir. M. Ehrenberg, resté à Dongola, quittace pays qu’une révolution et l’assassinat d’Ismaël-Pachaavoient jeté dans une grande confusion. Une fièvre in-te mittente des tropiques avoit affoibli la santé deM. Ehrenberg. Dans ce voyage, Vincenzo, Italien, senoya dans le Nil, et Ibrahim, l’interprète, mourut de|378| la peste. MM. Ehrenberg et Hemprich furent alors obli-gés de vendre, en Égypte, leurs chameaux et leurseffets. Pendant qu’ils faisoient les préparatifs de leurdépart pour revenir en Europe, arriva la nouvelleagréable que le gouvernement leur avoit accordé dessommes considérables pour la continuation de leur en-treprise. Afin d’employer utilement le temps qui pou-voit s’écouler jusqu’à ce que cet argent leur parvînt,ils résolurent de visiter le golfe de Suez, le mont Sinaï,et les îles le long de la côte, depuis Akaba jusqu’à Moïlé.Cette excursion dura du mois de mai 1823 au mois demars 1824. Hemprich revint à Alexandrie avec les col-lections faites dans la presqu’île; mais il ne trouva quela moitié de la somme qu’il attendoit. Ehrenberg restacinq mois au Tor, et dans une si grande pénurie qu’ilmanquoit des choses indispensables à l’existence.Le projet formé précédemment par les deux voyageursde s’embarquer au Tor, pour l’Abyssinie, dut alors êtreabandonné. Ce ne fut qu’au retour d’Ehrenberg à Alexan-drie, que s’éclaircit l’obscurité qui planoit sur l’arrivéedes nouvelles sommes qui leur avoient été accordées parl’état. Le bruit s’étoit répandu que le consul de Prusseà Trieste, chez lequel cet argent avoit été déposé, avoitfait banqueroute et s’étoit tué. Dans de telles conjonc-tures, il ne restoit plus aux deux naturalistes qu’à at-tendre de nouveaux ordres et de nouvelles remises.La peste dévastoit l’Égypte; il parut plus avantageuxde profiter de la saison favorable pour visiter le Liban,éloigné seulement de douze journées de navigation,que de passer le temps à ne rien faire. Un séjour de troismois fut suffisant pour gravir deux fois sur le sommetneigeux de cette chaîne; la première par Sarnin, entraversant ensuite la Cœlésyrie jusqu’à Balbeck; la|379| seconde, en allant de Balbeck, par Bischerra, et la forêtdes Cèdres, à Tripoli, sur la côte maritime.Dans les premiers jours d’août 1824, les voyageursrevirent Damiette et Alexandrie; mais leur sociétééprouva une nouvelle perte: en revenant de Syrie, undes aides-naturalistes fut enlevé par la fièvre. Heureuse-ment l’argent et de nouveaux ordres pour la continua-tion du voyage étoient arrivés à Alexandrie. MM. Ehren-berg et Hemprich, animés d’un courage renaissant, sedécidèrent à entreprendre à l’instant le voyage en Abys-sinie, depuis si long-temps l’objet de leurs vœux. Lamer Rouge leur promettoit une grande richesse en an-nelides, en mollusques, en animaux du corail. Lesfragmens d’observations, sauvés des papiers de Fors-kol, faisoient désirer de nouvelles recherches sur l’ich-tyologie de ces parages dont l’eau est toujours échauffée.Le 27 novembre 1824, MM. Ehrenberg et Hemprichpurent enfin se mettre en route pour l’Abyssinie. Ilsallèrent d’abord par mer de Suez à Djedda, d’où ilsfirent une excursion vers la Mecque, afin de déterminerle végétal célèbre qui donne le baume. Plus au sud, àGoumfoudé, dans l’Arabie déserte, un gouverneur turcse montra reconnoissant des soins que les médecins-voyageurs lui avoient donnés. Il les fit accompagnerd’une escorte militaire avec laquelle ils purent aller ensûreté se livrer à des recherches dans le mont Derban,situé à peu de distance.La sûreté de leur traversée leur offrit des objets im-portans à observer; tels que Ketoumboul, île rocail-leuse et volcanique, et une autre dans laquelle paissentdes gazelles, et que les habitans nomment Farsan. Cettedernière ne se trouve pas sur la carte qui est jointé auvoyage de lord Valentia. De Ghisan, lieu situé sur la|380| limite entre l’Arabie-Heureuse et l’Arabie-Déserte, lesvoyageurs allèrent à Loheia, ville dans le voisinage delaquelle l’infortuné Forskol se vante d’avoir recueilli laplus grande quantité de plantes de l’Arabie.Plus au sud encore, on visita Kaméran, Haouakel etDalac; enfin, le 24 avril 1824, les voyageurs entrèrentdans le port de Massaoua.Au sud-ouest de cette ville, s’élève le plateau del’Abyssinie qui devoit être le but du voyage. Hemprichfit une excursion au mont Ghedan; Ehrenberg alla dansles montagnes de Taranta jusqu’aux sources thermalesd’Eilet. Sur la pente du plateau d’Abyssinie, on recueillitdes productions de la nature qui, seulement par le lieuoù elles se trouvent, appartiennent aux plus rares qu’unmuséum européen puisse posséder.Malheureusement une perspective si flatteuse fut trou-blée par de nouveaux accidens. Une maladie épidémiquerégnoit à Massaoua; elle coûta la vie à Niemeyer, natifde Brunswick, et aide des naturalistes; tous les autresvoyageurs, à l’exception de Fienzi, peintre italien, tom-bèrent malades et furent long-temps dans un granddanger. Hemprich, fatigué de son voyage pénible dansles montagnes, succomba, le 30 juin, après avoir donné,pendant cinq ans, des preuves d’un talent distingué,d’une activité infatigable, et d’un courage sans lequelil est impossible d’entreprendre un voyage en Orient.M. Ehrenberg, vivement affecté de la perte de son ami,ne s’occupa plus que de son retour, et, après une ab-sence de dix mois, revint, par Djedda, Cosseir et leCaire, à Alexandrie, où, au commencement de no-vembre 1825, il s’embarqua pour Trieste.Voilà l’aperçu géneral des contrées dans lesquelles lesvoyageurs ont recueilli leurs observations. Dans l’exposé|381| qui va suivre de ce qu’ils ont fait pour la botanique et lágéographie des plantes, pour la zoologie et l’anatomiécomparée, pour la géognosie et la minéralogie, pourla géographie et l’ethnographie, nous ne sépareronspas les travaux d’Ehrenberg de ceux d’Hemprich;ces deux naturalistes, unis par les liens de l’amitié laplus intime, ayant exprimé, avant et durant le voyage,le vœu que tout ce qu’ils avoient fait fût considérécomme leur appartenant en commun.Résultats pour la botanique.A l’exception de la collection nombreuse de plantesque M. Delile avoit faite en Égypte, il n’y avoit eu, dansces derniers temps, rien d’effectué pour la botanique dece pays; mais M. Delile n’étoit pas allé très-loin au sud.Les excursions entreprises en Nubie avoient enrichi lesarts, mais n’avoient rien produit pour la botanique.Nous recevions de ces contrées beaucoup de droguestrès-efficaces et très-usitées en médecine; et nous neconnoissions nullement leur origine, ou du moins nousn’avions sur ce point que des notions peu sûres; nousne sommes donc pas en état de juger suffisamment sielles ne sont pas falsifiées et si elles sont de bonnequalité.La plupart des botanistes, hors de l’Europe, faisoientpeu d’attention à ces rudimens de végétation que nousdésignons sous les noms de champignons et d’algue, bienqu’ils soient très-importans pour l’histoire de la nature.Long-temps avant d’entreprendre son voyage, M. Ehren-berg avoit montré une connoissance si intime de cettevégétation cachée, que, sous ce rapport, on attendoitbeaucoup de lui. Depuis Forskol, qui faisoit partie decette expédition de savans dont Niebuhr seul revint en|382| Europe, nul botaniste n’avoit parcouru l’Arabie; maisForskol mourut dans le voyage, et ce qui a été sauvé deses collections est dans un état qui a plutôt occasionnédes méprises que donné des lumières. La mort malheu-reuse de M. Hemprich empêcha de pénétrer en Abys-sinie; mais la petite quantité de plantes que l’on obtintfut importante pour la connoissance de ce pays, Bruceet Salt n’ayant fait que très-peu de chose pour labotanique.Quoique les plantes du Liban aient été examinées avecbeaucoup de soin par M. La Billardière, cette chaîne estsi riche en végétaux, que l’on pouvoit s’attendre à y faireune récolte abondante. Les voyageurs ont, par leurstravaux, répondu à cette espérance d’une manière si-gnalée. Le nombre des espèces de plantes qu’ils ont re-cueillies se monte à 2,875; savoir, 1,035 en Égypte et dansle Dongola, 700 en Arabie et en Abyssinie, 1,140 dans leLiban, proportion d’autant plus remarquable pour cettechaîne que les voyageurs ne purent lui consacrer quedeux mois, par conséquent une seule saison. Les grainesde 699 espèces ont été recueillies et envoyées au jardinroyal; plus de 300 y ont fleuri; il y en a dans le nombrede nouvelles et de remarquables. On peut estimer lenombre des espèces non encore décrites à 600. Il y a,dans la collection, 44 échantillons de bois, et 44 droguesmédicinales tirées du règne végétal. On doit regretterque, de 48 arbres vivans, un seul, qui est une espècede saule (Salix subserrata), soit arrivé en bon état;tous les autres sont morts. Plus de 1,000 espèces deplantes ont été examinées vivantes; beaucoup de fleurset de fruits ont été disséqués; les plantes grasses ont étésoigneusement dessinées.La plupart des espèces décrites par Forskol ont été|383| retrouvées. Les voyageurs ont recueilli la myrrhe surl’Amyris Kataf; déterminé avec exactitude les différensarbres qui donnent la gomme arabique et les follicules deséné, et fourni des détails sur la manière dont on seprocure l’aloès. La manne du Sinaï est produite par uneespèce de tamarisc non encore dècrite. Trois nouvellesespèces de plantes alimentaires ont été observées; cesont le Zygophyllum album, le Panicum turgidum et leCucumis farinosa.La couleur de la mer Rouge a depuis long-temps occa-sionné beaucoup de recherches, M. Ehrenberg, le pre-mier, a vu qu’elle est due à une petite oscillatoria, unede ces plantes exiguës qui tiennent le milieu entre lesvégétaux et les animaux. Nous savons actuellement parM. Ehrenberg que les moisissures, petites plantes quinaissent sur les choses gâtées, sont entièrement lesmêmes sous les différentes zones, et qu’en général lesvégétaux de l’ordre inférieur restent les mêmes sous lesdivers climats. Les commencemens de la végétationsur les îles basses de la mer Rouge ont été observés avecsoin. Les voyageurs ont remarqué, avec beaucoup d’at-tention, la propagation des plantes tant cultivées quesauvages; ce qui fait espérer un grand accroissement àla géographie des plantes.Résultats pour la Zoologie.Ce que les voyageurs ont fait pour la zoologie est nonseulement aussi important que leur travail dans les autresbranches de l’histoire naturelle, mais aussi par la ri-chesse, la diversité, et la préparation des objets recueillis,ainsi que par la profondeur des observations écrites etdes expériences auxquelles ces objets ont donné lieu,|384| cette partie est d’une si haute conséquence que l’on au-roit sujet d’être satisfait, quand même l’expédition n’au-roit pas eu d’autre résultat. En effet, il est si considérableque l’on a de la peine à comprendre comment les voya-geurs ont été en état de tant faire pour les autres divisionsde l’histoire naturelle.Ils ont envoyé 590 individus qui appartiennent à135 espèces différentes. Le plus petit nombre étoitconnu, soit en général, soit par des descriptions exactes.Des individus, ou les observations dont ils ont été le sujet,ont fourni des explications très-importantes de passagesd’auteurs anciens, de doutes des auteurs modernes, dela signification de sculptures anciennes. La quantité et lechoix des exemplaires ont produit des lumières sur lesvariations résultant du genre, de l’âge et des saisons; desrecherches anatomiques, faites en même temps, ontcomplété l’idée que l’on doit concevoir de leur nature,de sorte qu’il reste bien peu à faire aux observateurs fu-turs. Les formes les moins connues ont procuré des ren-seignemens utiles pour connoitre leur extension géogra-phique, et faire considérer les changemens des individuscomme des conséquences de l’influence des climats dif-férens sous lesquels ils ont été rencontrés.Les bornes que doit avoir ce rapport ne permettent deciter que quelques exemples de ce que les travaux desdeux voyageurs offrent de plus important.Dans l’ordre des rongeurs, ils nous ont les premiersfait connoître avec exactitude le lièvre de Libye, et en ontdécouvert deux variétés remarquables qui sont peut-êtredes espèces particulières, l’une en Nubie, l’autre sur leSinaï. La singulière famille des gerboises, tant de la di-vision à trois doigts (dipus) que de celle à cinq doigts(meriones), a obtenu, par la découverte de plusieurs|385| espèces nouvelles, une richesse que l’on n’auroit pas pudeviner. Des opinions de Bruce, de Meyer et même dePallas qui paroissoient singulières, ont été rendues clairesou rectifiées de la manière la plus satisfaisante. On a eulieu d’être surpris de la diversité et du caractère particu-lier des formes de tant de petits rongeurs de la familledes rats qui vivent sous terre et dans la vallée du Nil, enArabie, et en Syrie, et il a été très-intéressant de les com-parer avec les rongeurs d’Asie, si bien décrits par Pallas,et dont une coïncidence heureuse nous a, à la mêmeépoque, procuré par MM. Eversman et Gebler un si grandnombre venant de la Sibérie. Le Liban et le versantoriental des montagnes d’Abyssinie ont fourni de nou-velles espèces d’écureuils très-curieuses; ce dernier paysa aussi donné le babouin d’Arabie (Simia Hamadryas),jusqu’à présent si imparfaitement connu, et qui vit surles hauteurs des parties équinoxiales des deux côtés dela mer Rouge. Le fameux singe rouge (Simia Patas) futapporté vivant du Sennaar; l’individu étoit si grand et sifort, qu’il a changé toutes les idées que l’on avoit sur cetteespèce et sa place dans les systèmes.Parmi les carnassiers, les genres du chien, du chat,de la civette, de l’ichneumon, de la marte, de la belette etde la musaraigne ont été soit enrichis de nouveaux gen-res, soit rendus plus clairs par le complément de faitsconnus et par l’authenticité des individus envoyés. Lefameux cerdo des anciens, ou fennek à longues oreillesde Bruce, expédié en Europe par nos voyageurs, est lepremier qui y soit parvenu, et, de même que deux autresespèces, le canis riparius et le canis pygmaeus, se montrecomme un diminutif de la forme des renards, et ne de-vant pas former un genre séparé de cette grande famille.Les questions relatives aux points qui établissent la diffé-|386| rence entre le vrai chacal et les autres espèces de chiensorientaux et à la dégénération que notre renard subitdans les pays chauds et secs, trouveront une réponse pas-sablement satisfaisante dans nos rapports ultérieurs. Pa-reillement les chats de ces contrées, désignés, dans lesmanuels systématiques, sous les noms de Felis Libyca,F. ocreata, F. Manul, etc., ne doivent être considérésque comme des variétés du chat sauvage ordinaire,et les lignes constantes que nos individus y forment mé-ritent sans doute, sous ce rapport, l’attention des nou-velles méthodes de zoologie.Parmi les autres carnassiers, on se contentera de citerune petite belette assez semblable à notre hermine avecson pelage d’été, mais chez laquelle on observe distinc-tement des membranes natatoires, et qui, d’ailleurs,rapproche encore plus les belettes et les loutres entre les-quelles il y a tant d’affinité.Le voyage a aussi fait connoître une espèce d’ourstrouvée dans le Liban; sa petite taille et la couleur clairede son poil peuvent faire croire, en attendant un exa-men exact du crâne, que ce n’est pas seulement unevariété de l’ours terrestre d’Europe.Sur le Sinaï et dans toutes les hauteurs moyennes desmontagnes de la Nubie et de l’Arabie, vit un hyrax (hy-rax syriacus), qui a beaucoup d’affinité avec le klipp-dachs du Cap. On ignoroit en quoi consistoient les diffé-rences entre ces deux espèces, et on doutoit même qu’ilen existât. Mais nous avons trouvé une dissemblancefrappante dans le rapport de la longueur des pattes àcelle du corps, et nous présumons que les suppositionsde Schreber et de Shaw, à cet égard, sont exactes.Mais ce sont surtout les découvertes faites dans l’ordredes ruminans que l’on peut qualifier de brillantes, car|387| elles fournissent de nombreux matériaux pour expliquerdivers passages des anciens. L’académie a déjà sous lesyeux un rapport étendu sur ce résultat de l’examen desantilopes de Nubie. Depuis, une nouvelle espèce a étédécouverte en Arabie: probablement elle avoit toujoursété confondue avec l’antilope dorcas. Elle a été trouvéedans l’île de Farsan, jusqu’a présent inconnue. L’antilopemodoqua (antilope saltiana de Blainville), la plus élé-gante de toutes, qui précédemment n’étoit connue que parun fragment conservé dans le musée de Londres, a étéapportée en plusieurs individus pris dans les différensétats de la vie. Son véritable caractère est donné pour lapremière fois.Les voyageurs ont également retrouvé, en Nubie, letragelaphus de Pline, et ont obtenu, en Egypte, des chè-vres semblables à celles de ce dernier pays qui ont lemuseau aplati, mais qui, par l’abondance et la finessede leur laine, le cèdent de bien peu à celles des Kirghizqui ont été prises dans le troupeau de M. Ternaux à Saint-Ouen et amenées ici. Un crâne et les cornes d’un apis,apporté des pyramides de Sakhara, fait connoître aveccertitude l’espèce et la forme de l’ancien taureau sacré.Un grand nombre de chauve souris a été trouvé dansles pyramides et les cavernes de la vallée du Nil; d’abordtoutes celles qui sont décrites par M. Geoffroy dans laDescription de l’Egypte, et plusieurs nouvelles, une entreautres avec de très-grandes mamelles abdominales que,jusqu’à présent, on n’a pas observées dans ce genre demammifères.La syrène de la mer Rouge est, selon les renseignemensobtenus, une espèce du genre halicore, nommée par lesArabes, naga et lothum. Les voyageurs ont trouvé dansune île déserte et rapporté un crâne qui ne laisse aucun|388| doute à cet égard. Il a besoin d’être examiné avec plusd’attention, pour s’assurer si l’espèce n’est pas identiqueavec celle de l’Inde que l’on connoît déjà.M. Hemprich obtint en présent, d’Abdim-bey, gouver-neur de Dongola, une peau d’hippopotame, ainsi qu’unsquelette et une peau de girafe.Le nombre des oiseaux recueillis et préparés de diver-ses manières est de 4,671 individus compris dans 429espèces.Les premiers envois renfermoient tout ce qui est re-présenté dans les planches d’ornithologie de la Descrip-tion de l’Egypte, planches excellentes, mais malheureu-sement trop peu nombreuses; les envois suivans ontaugmenté proportionnellement l’admiration causée parl’inépuisable richesse de ces contrées et le zèle infatigabledes voyageurs. La vallée du Nil a donné plusieurs oiseauxeuropéens qui cependant sont d’un grand prix pour l’é-tude de l’ornithologie indigène, dont les progrès sont sirapides; mais les excursions au Dongola, en Arabie, enSyrie, enfin en Abyssinie, ont procuré une quantité tou-jours croissante de formes d’oiseaux des tropiques. Lesdéserts ont fourni des outardes, des ganga, des alouettes,des tourne-pierres d’espèces inconnues, et même denouveaux degrés de formes dans ces genres; les rivageshumides, une foule de merles, de grives, de guêpiers,de martins-pêcheurs; les bords de la mer, des pluviers,des barges, des spatules, des mouettes et des hirondellesde mer, et, dans tous ces genres, plus d’espèces nouvelleset rares que de connues et de communes.Parmi les plus remarquables, nous ne citerons qu’unetrès-belle autruche du Kordofan, la magnifique cigognepourprée (ciconia abdimii), l’ibis à longue chevelure (ibiscomata), le grand vautour chauve d’Egypte, le faucon à|389| tête blanche qui est vraisemblablement le type du fauconsacré, souvent représenté avec Phré, dieu du soleil; lesmouettes à tête noire et grise; enfin le dromas ardeola,peint, il y a vingt ans, par Paykull, d’après un individuunique, dont on ignoroit la patrie et qui n’avoit pas étéretrouvé.Les genres anas, totanus et tringa, quoique leurs es-pèces soient très-nombreuses en Orient, n’en ont donnéque d’européennes. Dans les autres genres, le nombredes espèces étrangères est plus considérables mêmepour ceux qui, vu la proximité des continens, devroientoffrir beaucoup d’espèces européennes; par exemple, lesgenres falco, strix, columba, turdus, fringilla, emberiza,charadrius; et une particularité remarquable est l’identitéparfaite entre quelques oiseaux de la mer Rouge et ceuxde la côte du Brésil; par exemple, le sterna cayennensis, lelarus macrorynchos, le dysporus sula, et d’autres qui n’ontencore été trouvés que dans les parages cités.Le nombre des espèces d’amphibies est de 120.M. Ehrenberg en a dessiné beaucoup d’après l’individuvivant.Les espèces de poisson s’élèvent à 426, dont 310 ap-partenant à la mer Rouge, comprennent, à peu d’excep-tions près, toutes les espèces citées par Forskol, et sontune fois plus nombreuses. M. Ehrenberg, et dans la der-nière année, M. Finzi, peintre italien que ce savant avoitinstruit, ont mesuré presque toutes les formes de pois-sons, les ont dessinées rigoureusement, et en ont colorié110 espèces d’après nature. Le poisson volant de la merRouge, qui est peut-être le salwa ou l’animal volant del’histoire des Israélites, n’était connu par l’ouvrage deForskol que comme un phénomène en haute mer: nosvoyageurs l’ont vu fréquemment; et une fois, par un|390| hasard extrêmement heureux, ils l’ont trouvé mort surle rivage, mais nullement endommagé, à peu de dis-tance de Rhalim (Elim), lieu duquel les Israélites étoientpeu éloignés, à moins que l’on ne veuille prendre cesanimaux volans pour des sauterelles. Dans les gros temps,ce poisson tombe parfois en troupe sur les navires. Onn’a pas pu apprendre qu’on le pêche soit à la ligne, soitavec les filets usités dans ces contrées, parce qu’il nes’approche pas de la côte, et ne mord à aucun appât. Lesvoyageurs l’ont nommé trigla israelitarum.Parmi les poissons d’eau douce, indépendamment deceux du Nil dont plusieurs sont nouveaux, entre autresune grande espèce qui a de l’affinité avec le sudis duSénégal, et un poisson du Dongola qui forme un genrenouveau, et qu’ils ont nommé heterotis nilotica, ils enont aussi découvert d’autres dans le Nahr-el-Kelb (ri-vière du Chien), et dans le Nahr-Ibrahim (rivière d’A-braham), en Syrie; dans le ruisseau que forment leseaux thermales de Rhalim, près de Tor, dans le Sinaï,dans le Ouadi-Kammé, rivière précedemment inconnue,et dans le Ouadi-Djara, dans l’Arabie-Déserte, et dans leruisseau qui sort de la source du soleil, dans l’oasisd’Ammon: celui-ci fut trouvé dans le ventre d’un héronqu’on venoit de tuer.Les voyageurs ont recueilli 3,508 mollusques; savoir,2,657 coquillages et 851 animaux conservés dans l’espritde vin. Ils comptent 310 espèces. On conçoit aisémentque, dans le grand nombre des coquilles, il doit, en pro-portion des autres divisions, s’en trouver peu de nou-velles, mais en revanche les mollusques nus et les ascidiesen ont offert beaucoup. En comparant les animaux decette classe qui habitent la mer Rouge, avec ceux de lamer Méditerranée qui en est si voisine, on obtiendra un|391| résultat assez précis. La dernière liste des coquillages dela mer Rouge, donnée par Brocchi dans la Bibliothecaitaliana de 1822, n’en contient que 91 espèces. La plu-part des mollusques nus ont été peints par M. Ehrenbergd’après les in dividus vivans.251 flacons sont remplis d’annélides au nombre de67 espèces, la plupart très-remarquable par la diversitéde leurs formes. M. Ehrenberg pense que c’est un desrésultats les plus importans du voyage. Tous ces animauxont été examinés avec le microscope et décrits: les ca-ractères nouveaux ont été dessinés. Les voyageurs sontredevables de la possibilité d’un examen exact en cegenre à la complaisance de M. Savigny de Paris, qui aeu la bonté de leur envoyer un travail classique sur cesujet.Il y a eu 675 crustacées recueillis, dont 103 espèces.Une certaine quantité des plus beaux ont été coloriésd’après l’individu vivant. Le nombre des arachnoïdes estde 275 individus appartenant à 120 espèces, la plupartdans l’esprit de vin; toutes ont été peintes par M. Ehren-berg, et décrites en détail. Cette division, jusqu’à pré-sent si peu étudiée, pourroit avoir un intérêt particulierpour l’histoire naturelle.Il a été envoyé plus de 20,000 insectes, mais un grandnombre ont été gâtés en chemin; cependant il paroît quepeu d’espèces sont perdues; la quantité en est de 1,500à 2,000. Les voyageurs ont porté leur attention non seu-lement sur les coléoptères et les papillons, mais princi-palement sur les hyménoptères, les diptères et d’autresdivisions peu étudiées auparavant; plus des deux tiersdes espèces sont probablement nouveaux. A chaque caisseétoit joint un catalogue détaillé avec des observations surle développement, la manière de vivre et la métamor-|392| phose des individus, sur le lieu où ils ont été rencontrés.Les espèces les plus difficiles à conserver ont été dessinéesen couleur. Les voyageurs ont eu la satisfaction de dé-couvrir dans un petit coccus du tamaix mannifera, arbris-seau du Sinaï, très rapproché du T. gallica, le producteurde la manne cherché en vain depuis si long-temps.Les espèces d’épizoaires, d’epinodermes, d’entozoaires,d’achlephes, de polypes, d’animaux du corail sont très-nombreuses. Des observations sur les infusoires ont étéfaites en Egypte et dans le Dongola, dans l’oasis de Ju-piter Ammon et sur le Sinaï. Les voyageurs ont essayé,mais inutilement, de découvrir des infusoires dans larosée récemment tombée.Enfin, par leur attention à noter les lieux où ils onttrouvé les divers animaux, ils ont enrichi considérable-ment la géographie zoologique qui embrasse jusqu’auxformes les plus basses, sans donner à une division lapréférence sur une autre.Résultats pour la zootomie et la physiologie.Les voyageurs ont apporté autant et même plus d’at-tention à l’examen des animaux les plus simples et lesplus petits, qu’à celui des plus grands, ce qui étoit d’au-tant plus à désirer que, pour les premiers, cette opérationn’est possible que lorsqu’ils sont dans un état de fraî-cheur. Ainsi, par ce procédé, le nombre des espèces etdes genres a été beaucoup augmenté, et très-fréquem-ment leur structure a été représentée d’une manière très-satisfaisante. L’on éprouve un grand plaisir en parcourantla quantité de figures excellentes de polypes, d’ento-zoaires, de radiaires, de mollusques, etc., et en rencon-trant partout des observations intéressantes.|393| Rèsultats pour la géognosie et l’oryktognosie.Dans les vastes régions qu’ils ont parcourues, les voya-geurs ont examiné partout les roches, d’après leur gise-ment relatif. Celles qu’ils ont recueillies peuvent se divi-ser en cinq groupes principaux; 1° formations récentes àcouches et tertiaires de l’Egypte et du désert voisin;2° roche primitive et de transition des cataractes,onyx d’Assouan, gneis granitique, calcaire grenu, rocheamphibolique de Nubie, et sel gemme du Dongola;3° formations porphyritiques et syénitiques du Sinaïet de la presqu’île où il est situé; 4° calcaire juras-sique du Liban, avec des pétrifications de poissons,à 3000 pieds au-dessus de la mer, à Djebbehl, avec descoquillages marins à Sanin, près de la limite des neiges,et avec du braunkohl dans le grès et l’argile schisteuse àBischerra, et avec du basalte à Haddet, à 6,000 pieds dehauteur absolue; 5° côtes de la mer Rouge, Ketoumboul,île volcanique, versant sud-est des montagnes d’Abyssinie.MM. Ehrenberg et Hemprich ont observé, dans toutes cescontrées, une analogie frappante entre les rapports géo-gnostiques, notamment dans l’association des roches.Plusieurs esquisses de cartes minéralogiques, que lesmembres de la commission ont examinées, témoignentde l’activité sans borne que les voyageurs ont déployéeégalement dans cette partie de leurs travaux.Résultats pour la géographie et l’ethnographie.Dans les considérations qui précèdent ce rapport, nousavons dit que les observations sur la géographie et l’eth-nographie, de même que les dessins qui s’y rattachent,ne devoient être regardés que comme des travaux acces-soires à l’objet du voyage; toutefois, une mention|394| sommaire de ce que les voyageurs ont fait à cet égardmontrera que, sans le secours de déterminations astro-nomiques des lieux, par de nombreuses mesures desangles que les points les plus importans font avec le mé-ridien magnétique, par l’estimation des distances, etpar des itinéraires tenus avec beaucoup d’exactitude,ils ont recueilli un grand nombre de matériaux impor-tans pour la topographie.A l’entrée du golfe d’Akaba, et à Ghisan, M. Ehrenberga dessiné plusieurs îles qui manquent entièrement surles cartes de lord Valentia. L’île Farsan, dont le circuitest de trois jours de route, et qui a trois villages et plu-sieurs ports pour les petits navires, peut passer pour unedécouverte nouvelle en géographie. Les itinéraires deTor au Sinaï et à Suez méritent une attention particu-lière, ainsi que la route par Bir Beda au marais remplide roseaux, à peu de distance du mont Goaébé; celle deSuez à l’île Caméran, en suivant la côte orientale de lamer Rouge, où des mouillages nombreux restoient in-connus aux voyageurs; celle de Goumfoudé, au pays desWekhabites, jusqu’au mont Derban; celle de Massaoua,en Abyssinie, jusqu’au mont Taranta, et aux sourcesthermales d’Eilet; celle des deux cîmes neigeuses duLiban, par la Cœlésyrie à Balbek, et de là à la côte deTripoli, celle d’Alexandrie à Bir el Kor, et de là à l’oasisde Siouah. Dans les pays qui bordent la mer Rouge aunord, les voyageurs ont recueilli des observations géo-graphiques qui servent à expliquer plusieurs des traditionsles plus anciennes et les plus respectables du genre hu-main. C’est ainsi qu’ils ont vu Beda, probablement leBedéah de l’Ecriture-Sainte, qui n’avoit pas encore étédéterminé; et le lac Iam-Souf, rempli de roseaux.Madian, lieu du séjour de Moïse, est encore indiqué par|395| la position de Magné, où il y a des maisons entourées dejardins. A Tor, nos voyageurs reconnurent, dans lessources thermales de Rhalim, Elim, station des Israé-lites. Les puits, de même que les forêts et les collines desable, sont, dans ces contrées, des monumens durables dela nature. Indépendamment de ces notices géographiques,les voyageurs ont envoyé en Europe:1° Une liste de tous les villages maronites dans la partieseptentrionale du Liban; ces noms, au nombre de 649,sont écrits en caractères arabes et latins, par un secrétairede l’émir Bschir, prince du Liban;2° Liste des mouillages, îles, récifs de corail et lieuxsitués sur la côte orientale de la mer Rouge, entre Suezet Caméran; le nombre en est de 287, la plupart des nomssont en Arabe;3° Semblable liste de 86 noms de lieux sur la côte oc-cidentale de la mer Rouge;4° Carte du pays des Wekhabites, depuis Taifé, prèsde la Mecque, jusqu’à Assir et à Goumfoudé, dresséepar un Arabe de l’armée du pacha d’Egypte.5° Profils des montagnes de la côte orientale de la merRouge, du mont Sinaï, du Liban et de l’île de Cypre,dessinés par M. Ehrenberg.Nous ne parlons pas des observations sur les races hu-maines, sur les mœurs et sur les langues que contiennentles journaux des naturalistes. Ils ont examiné partoutl’influence du climat sur l’organisme, et fait près de 800observations de thermomètre, dans des cantons situésentre les tropiques, ou sur les limites méridionales de lazone tempérée, où le froid en hiver est assez considérable, etsur lesquels on n’a encore que bien peu de déterminationsprécises. Plusieurs momies d’hommes et d’animaux, deuxrouleaux grecs en papyrus, trouvés en Egypte, sept ma-|396| nuscrits arabes, une bible abyssinienne, où les psaumessont en amharique, sont d’importantes acquisitions pourles collections royales.Voilà le tableau succinct des résultats qu’ont eus, pourles sciences, les voyages de MM. Ehrenberg et Hemprichen Egypte, en Nubie, en Syrie et sur les côtes de chaquecôté de la mer Rouge. Le but d’une entreprise si impor-tante ne seroit pas atteint, si des observations, qui con-tribuent si essentiellement à enrichir toutes les parties del’histoire naturelle et de la géographie physique, et quipeuvent être considérées comme la propriété communede toutes les nations civilisées, n’obtenoient pas l’appuide l’état pour favoriser leur publication. La protectionbienveillante que le gouvernement accorde à tous les tra-vaux qui honorent les sciences et les arts, et rehaussent lagloire de la patrie, nous permet d’éloigner entièrementcette crainte; mais il est du devoir de vos commissairesd’exprimer le vœu de l’académie pour un genre de pu-blication qui réponde complétement aux besoins actuelsdes sciences, sans rendre, par une magnificence super-flue, l’ouvrage inaccessible à une grande partie des na-turalistes. Les figures coloriées des corps organiques nepeuvent être trop exactes quand elles représentent denouvelles formes, comme le type d’une nouvelle famille,ou d’un nouveau genre. Au contraire, les dessins linéairessont suffisans lorsque l’on décrit un grand nombre denouvelles espèces de genres connus. Les excellens dessinsque M. Ehrenberg a tracés durant le voyage, en ayantles objets sous les yeux, peuvent servir de modèle pource qui reste à faire. Un livre de voyage, qui a pour ca-ractère la diversité et l’exactitude des observations, doittirer son principal ornement de la fidélité scrupuleuse etdu choix judicieux des figures qui représentent les objets.|397| De cette maniêre, l’ouvrage paroîtra plus promptement,et sera moins dispendieux pour l’état. L’académie dessciences, qui a donné lieu au voyage, et qui l’a, de sespropres moyens, soutenu si efficacement, ne rempliroitpas complétement sa vocation, qui est de propager etde vivifier la culture des sciences, si elle ne recomman-doit pas, de la manière la plus pressante, la publicationprochaine des travaux de MM. Ehrenberg et Hemprich.

A. de Humboldt, Lichtenstein, Link, Rudolphi, Weiss.