DÉCOUVERTE D’UNE MINE DE PLATINE DANS LA COLOMBIE. — IMPORTANCE DE CETTE DÉCOUVERTE POUR LES ARTS. — MINES D’OR ET DE PLATINE DES MONTS OURALS EN RUSSIE. M. de Humboldt a la parole pour une communication verbale. Cet académicien célèbre annonce que M. Boussingault , chimiste français, vient de faire à Antioquia, département de Cundinamarca (Colombie) la découverte d’une mine de platine. Jusqu’à présent ce métal précieux et si important pour les arts n’avait été trouvé que dans les monts Ourals en Russie, au Brésil, et dans les provinces de Choco et Barbacoas sur les côtes de la mer du sud; mais toujours dans des terrains d’alluvion, où par conséquent il ne se rencontrait que fortuitement. Comme cette circonstance rend la découverte de M. Boussingault bien plus intéressante, M. de Humboldt s’attache particulièrement à en fournir la preuve. Il fait remarquer que dans tous les terrains où jusqu’ici on a découvert le platine, on trouve à une assez grande profondeur des troncs d’arbre très bien conservés. On ne peut donc pas supposer qu’on ait pris dans ce cas, comme on l’a fait quelquefois, pour terrain de transport, de véritables roches décomposées sur place. Quant au platine trouvé dans la province d’Antioquia par M. Boussingault, nul doute à cet égard: ce métal y existe bien en véritables filons dans la vallée des Ours ( ralle de Osos ), et il suffit de broyer les matières qui contiennent ces filons pour en obtenir ensuite par le lavage l’or et la platine qu’elles renferment. M. Boussingault, élève de l’Ecole des mines de Paris, est un des jeunes savants distingués, partis il y a quatre ans pour la Colombie, et qui ont rendu de grands services à ce pays, tout en enrichissant la science de nouvelles découvertes. Il avait pour compagnons MM. Rivero et Roulin. M. Rivero a partagé presque tous les importants travaux de M. Boussingault sur la chimie, la physique et la géographie astronomique, et en a exécuté de son côté de très curieux. Quant à M. le docteur Roulin, outre la part qu’il a prise à la plupart des travaux de ses collègues, nous lui devons plusieurs mémoires importants sur l’histoire naturelle, la médecine et la physiologie. Nous avons rendu compte de ses recherches sur le goître, et on peut prendre connaissance de deux autres mémoires de lui dans le dernier numéro du Journal de physiologie de M. Magendie. M. de Humboldt n’a pas visité lui-même les terrains où M. Boussingault a rencontré le platine et l’or; mais l’expérience lui avait prouvé que presque tous les terrains aurifères de l’Amérique appartiennent à la formation de dyorite et syénite, et c’est aussi dans cette formation que M. Boussingault a trouvé le platine mêlé à l’or. La vallée des Ours, où le platine se rencontre en filons, étant très voisine de la province de Choco, dont elle n’est séparée que par une branche de la cordillière des Andes, cette circonstance explique la présence du même métal dans les terrains d’alluvion de la vallée des Ours. M. de Humboldt annonce en même temps qu’on a récemment trouvé des mines de platine dans les monts Ourals (gouvernement de Perme). Ces mines sont si riches qu’on assure qu’elles ont fait baisser à Saint- Pétersbourg le prix du platine de près d’un tiers: on peut done justement espérer que bientôt ce métal précieux cessera d’être d’un prix aussi élevé qu’il l’a été jusqu’ici. En 1824, le terrain aurifère et platinifère de l’Oural a produit 286 puds; ce qui donne 5700 kilogrammes pesant de métal, ou une valeur de 19 millions 500 mille francs. Les mines réunies de tout le reste de l’Europe ne produisent par an que 1300 kilogrammes. Celles du Chili en fournissent seulement 3000, et toute la Colombie n’en donne que 5000. L’Oural donne aujourd’hui autant d’or qu’en a jamais fourni le Brésil à l’époque où ses mines étaient le plus productives. Le maximum de leur exploitation dans l’espace d’une année, qui a eu lieu en 1755, a été de 6000 kilogrammes d’or; aujourd’hui le Brésil n’en fournit pas 1000. Il semblerait naturel de penser que le prodigieux accroissement de rapport des mines de l’Oural pourrait avoir des résultats importants, aussi bien sur la prospérité de la Russie que sur la valeur réelle de l’or. Mais on changera bientôt d’avis, si on fait attention que la quantité de ce métal répandue actuellement sur la surface du globe est si considérable qu’une valeur de 18 millions est réellement une quantité toutà-fait insensible; qu’au surplus, la diminution de produit de presque toutes les mines du Nouveau-Monde suffirait pour établir la compensation. Relativement à la prospérité particulière de la Russie, c’est en définitive fort peu de chose pour un état aussi vaste, qu’une augmentation de 18 millions, surtout quand sur cette somme il faut prélever près d’un tiers pour les frais d’exploitation. Rien de si variable au surplus que le produit des mines; celles du Mexique, qui en 1700 ne fournissaient que 6 millions de piastres en or et en argent, en donnaient 25 millions en 1809; et cette augmentation immense était ignorée en Europe, où elle n’avait produit aucun résultat sensible, lorsque M. de Humboldt la fit connaître, assez long-temps après qu’elle avait eu lieu. Le revenu du Mexique se maintient depuis ce temps à peu près à 18 millions de piastres, sans que le prix des denrées en ait été modifié nulle part. Quant au platine, c’est tout autre chose. Comme la quantité de ce métal, qu’on n’exploite que depuis peu de temps, est encore très peu considérable, une augmentation dans le produit des mines qui le fournissent pourrait facilement l’amener à un prix beaucoup moins élevé; et cette circonstance serait, nous le répétons, extrêmement heureuse pour les arts.