Rapport verbal sur la Flore du Brésil méridional de M. Auguste de Saint-Hilaire, fait à l’Académie des sciences, dans sa séance du 19 septembre 1825, par M. Alexandre de Humboldt. L’Académie m’a chargé de lui faire un rapport verbal sur l’ouvrage de M. Auguste Saint-Hilaire, ayant pour titre: Flora Brasiliæ meridionalis auctore Auguste de Saint-Hilaire, accedunt tabulæ delineatæ à Turpinio ærique incisæ. Regiæ Majestati consecratum . Chaque livraison se vend 15 fr. avec figures noires, 60 fr. avec figures coloriées. A Paris, chez Belin. L’auteur occupe un des premiers rangs parmi les grands botanistes de notre siècle. Il n’avait publié jusqu’ici que des fragmens épars de l’immense travail auquel il s’est livré pendant six années de séjour au Brésil, sous un climat où le sol, dans sa sauvage fécondité, offre au voyageur à chaque pas les productions les plus belles et les plus extraordinaires. L’ouvrage dont je présente l’analyse, tenfermera l’ensemble des observations de M. de Saint- Hilaire. C’est un des plus grands monumens élevés à la botanique; non à la science qui se borne à une nomenclature stérile, mais à celle qui saisit les rapports et les affinités de divers tribus de végétaux, qui assigne à chaque organe sa valeur, aux caractères des familles, des genres et des espèces, les limites entre lesquels ils peuvent servir de base aux divisions naturelles. M. Auguste de Saint-Hilaire a rapporté six à sept mille espèces de plantes du Brésil méridional: c’est probablement la plus grande récolte qu’ait jamais faite un voyageur; mais il ne s’est pas contenté de recueillir et d’accumuler des matériaux, il a étudié les végétaux sur les lieux mêmes; il a réuni tous les renseignemens qui pouvaient jeter quelque lumière sur leur développement progressif, sur leurs stations ou rapports géographiques, sur leur utilité pour la nourriture de l’homme, pour les arts et la médecine. Les plantes qui seront décrites successivement dans la Flore du Brésil ont été recueillies à des hauteurs et sous des climats très-variés, dans les provinces du Saint-Esprit, de Rio Janeiro, de Minas Geraes, de Goyaz, de Saint-Paul, de Sainte-Catherine, de Rio-Grande et de la Cisplatine. L’auteur a senti que des descriptions complètes de tous les organes des plantes pouvaient seules mettre son ouvrage en harmonie avec l’état actuel de la science. Les caractères génériques et les descriptions des espèces sont en latin, tandis que les notes également importantes, qui sont ajoutées aux families, aux genres et aux espèces, sont rédigées en français. On a cru que par ce moyen une plus grande partie du public des deux continens pourrait jouir d’un travail si utile. M. de Saint Hilaire ne commence pas la Flore par les monocotyledonées, mais par les plantes dont l’organisation est la plus compliquée: par les ranunculacées, les dilleniacées et les magnoliacées. Les trois fiscicules qui ont été publiés jusqu’ici renferment 10 familles et 24 planches, dont le soin est confié à M. Turpin, qui réunit le double talent du botaniste et du dessinateur. L’exécution typographique de ce grand ouvrage est digne du gouvernement sous les auspices duquel il paraît. Lorsqu’on jette un coup-d’œil général sur les voyages entrepris depuis un siècle pour les progrès des sciences naturelles, on voit avec douleur que le public a été frustré de la majeure partie des observations qui ont été les résultats de ces expéditions lointaines. Des collections de plantes et d’animaux sont restées amoncelées, sans être décrites; le plus souvent (et c’est encore là une des chances les plus heureuses) les gouvernemens se sont bornés à publier un choix des objets récoltés. Après le courage qui fait endurer les privations dans des pays inhabités, il en faut un autre pour ne pas discontinuer des publications qui par leur nature absorbent plus de tems que le voyage même. Ce courage qui consiste dans une longue patience, nous le retrouverons chez M. Auguste de Saint Hilaire. Il n’oubliera pas que la gloire nationale de la France est interessée à l’achèvement d’un ouvrage pour lequel il a fait de si grands et de si nobles sacrifices.