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Alexander von Humboldt: „Analyse de l‘eau du Rio Vinagre, dans les Andes de Popayan; par M. Mariano de Rivero (Extrait d’une Lettre en date du 8 octobre 1823), avec des éclaircissemens géognostiques et physiques sur quelques phénomènes que présentent le soufre, l’hydrogène sulfuré et l’eau dans les Volcans“, in: ders., Sämtliche Schriften digital, herausgegeben von Oliver Lubrich und Thomas Nehrlich, Universität Bern 2021. URL: <https://humboldt.unibe.ch/text/1824-Analyse_de_l-4> [abgerufen am 19.04.2024].

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Titel Analyse de l‘eau du Rio Vinagre, dans les Andes de Popayan; par M. Mariano de Rivero (Extrait d’une Lettre en date du 8 octobre 1823), avec des éclaircissemens géognostiques et physiques sur quelques phénomènes que présentent le soufre, l’hydrogène sulfuré et l’eau dans les Volcans
Jahr 1825
Ort Paris
Nachweis
in: Annales des sciences naturelles 4 (1825), S. 66–88.
Sprache Französisch
Typografischer Befund Antiqua; Auszeichnung: Kursivierung; Fußnoten mit Ziffern; Schmuck: Kapitälchen.
Identifikation
Textnummer Druckausgabe: IV.38
Dateiname: 1824-Analyse_de_l-4
Statistiken
Seitenanzahl: 23
Zeichenanzahl: 38055

Weitere Fassungen
Analyse de l’eau du Rio Vinagre, dans les Andes de Popayan, par M. Mariano de Rivero, avec des éclaircissemens géognostiques et physiques sur quelques phénomènes que présentent le soufre, l’hydrogène sulfuré et l’eau dans les volcans (Paris, 1824, Französisch)
Analysis of the Water of the Rio Vinagre, in the Andes of Popayan, by M. Mariano de Rivero; with geognostic and Physical Illustrations of some Phenomena which are exhibited by Sulphur, Sulphuretted Hydrogen, and Water, in Volcanoes (Boston, Massachusetts, 1825, Englisch)
Analysis of the Water of the Rio Vinagre, in the Andes of Popayan, by M. Mariano de Rivero; with geognostic and physical Illustrations of some Phænomena which are exhibited by Sulphur, Sulphuretted Hydrogen, and Water, in Volcanos (London, 1825, Englisch)
Analyse de l‘eau du Rio Vinagre, dans les Andes de Popayan; par M. Mariano de Rivero (Extrait d’une Lettre en date du 8 octobre 1823), avec des éclaircissemens géognostiques et physiques sur quelques phénomènes que présentent le soufre, l’hydrogène sulfuré et l’eau dans les Volcans (Paris, 1825, Französisch)
Mariano de Rivero’s Analyse des Wassers vom Rio Vinagre (Essigfluß), mit physikalischen Erläuterungen über einige Erscheinungen, welche der Schwefel, der Schwefelwasserstoff und das Wasser in den Vulkanen darbieten (Halle, 1825, Deutsch)
Sulphur Mountain of Ticsan (London, 1825, Englisch)
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Analyse de l’eau du Rio Vinagre, dans les Andes dePopayan; par M. Mariano de Rivero (Extrait d’uneLettre en date du 8 octobre 1823), avec des éclair-cissemens géognostiques et physiques sur quelques phé-nomènes que présentent le soufre, l’hydrogène sulfuréet l’eau dans les Volcans;Par M. le baron Alex. de Humboldt.

«Conformément au désir de M. de Humboldt, je me|67| suis procuré l’eau du Rio Vinagre. Elle m’a été envoyéepar M. Torrès, qui s’intéresse à tout ce qui peut con-tribuer aux recherches scientifiques. Cette eau m’a donnépar litre: acide sulfurique, 1,080; acide muriatique,0,184; alumine, 0,240; chaux, 0,160, et quelques in-dices de fer (1). La présence de l’acide muriatique con-firme les observations faites sur les vapeurs et les pro-ductions lithoïdes du Vésuve et de plusieurs autres vol-cans.»Rivero.J’avais annoncé, au moment de mon retour d’Améri-que, la présence des acides sulfurique et muriatiquedans l’eau du Rio Vinagre, que les indigènes appellentPusambio. (Voyez Vues des Cordillères et Monumens despeuples de l’Amérique, vol. 11, p. 166; Nivellement ba-rométrique des Andes, n° 126; Caldas, Semanario delNuevo Reyno de Granada, t. 1, p. 265); mais dépourvude sels de baryte, j’avais engagé MM. Rivero et Boussin-gault, lors de leur départ pour Bogota, à vérifier cesfaits. L’analyse que nous devons à un de ces habiles chi-mistes est la première qui ait été tentée sur l’eau du RioVinagre. Je vais extraire de mon Journal de Voyages,en grande partie encore inédit, quelques éclaircissemenssur les circonstances locales.La ville de Popayan est située dans la belle vallée duRio Cauca, sur le chemin de Bogota à Quito, au pied
(1) Il ne peut être douteux que les indications sont par grammes etfractions de grammes: un litre d’eau du Rio Vinagre renferme 1gr.,080 d’acide sulfurique et ogr., 184 d’acide muriatique. Cette propor-tion d’acide sulfurique est encore très-sensible au goût, et se mani-feste par d’abondans précipités avec les sels de baryte. G.-L.
|68| des deux grands volcans de Puracé et de Sotarà. Cesvolcans, presque éteints, et n’offrant que les phénomènesdes solfatares, font partie du chaînon central des Andesde la Nouvelle-Grenade. Par les 1° 55′ et 2° 20′ de la-titude boréale, le nœud des montagnes qui renferme lessources du Magdalena se divise en trois rameaux, dontl’oriental se prolonge vers Timanà et les Nevados deChita et de Merida; l’intermédiaire et central vers lesParamos de Guanacas et de Quindiù; l’occidental versle terrain platinifère du Choco et l’isthme de Panama.En montant de la ville de Popayan à la cime du volcande Puracé, nous avons trouvé, M. Bonpland et moi, à1356 toises de hauteur, une petite plaine (Llano delCorazon), habitée par de pauvres Indiens cultivateurs.Ce plateau est séparé du reste du contre-fort par deuxravins extrêmement profonds: c’est au bord de cesprécipices qu’est construit le village de Puracé. Dessources jaillissent partout du roc trachytique; chaquejardin est entouré d’une haie vive d’euphorbes (lechero),à feuilles minces et du vert le plus tendre. Cette belleverdure contraste d’une manière frappante avec le ri-deau de montagnes noires et arides qui entourent levolcan, et qui sont déchirées par l’effet des tremblemensde terre.
Le site du village est célèbre dans le pays à cause detrois belles cascades (choreras) de la rivière de Pusambio,dont l’eau est acide, et que le peuple, qui ne connaîtd’autre acide que le vinaigre, appelle Rio Vinagre, quel-quefois Gran Vinagre. Cette rivière prend naissance àpeu près à 1700 toises de hauteur, dans un endroit très-inaccessible. Quoique la température de l’eau soit peu dif-férente, dans les cascades inférieures, de celle de l’atmos-|69| phère ambiante, il n’en est pas moins certain que lessources du Rio Pusambio ou Vinagre sont très-chaudes. Cefait m’a été attesté par les indigènes et par le missionnairedu village de Puracé. En allant à la cime du volcan,j’ai vu une colonne de fumée s’élever à l’endroit où leseaux acides viennent au jour. J’ai dessiné la seconde deschutes du Vinagre (planche xxx des Vues des Cordil-lères); l’eau qui s’ouvre un chemin à travers une ca-verne se précipite à plus de 60 toises de profondeur. Lachute est d’un effet très-pittoresque; mais les habitansde Popayan désireraient que la rivière, au lieu de sejeter dans le Rio Cauca, s’engouffrât dans quelque cre-vasse; car telle est la délicatesse de constitution des ani-maux qui respirent par des branchies, et qui absorbentl’oxigène dissous dans l’eau, que le Cauca, pendant uncours de quatre lieues, est dépourvu de poissons, àcause du mélange de ses eaux avec celles du Rio Vina-gre (1), qui sont chargées à la fois d’oxide de fer et d’a-cides sulfurique et muriatique. Lorsqu’on reste long-temps sur le mur du rocher taillé à pic qui avoisine lacascade, on sent un picotement dans les yeux à causedes gouttelettes dispersées et suspendues dans l’atmos-phère. Les poissons reparaissent dans le Rio Cauca, làoù il s’agrandit par les deux affluens du Pindamon et duPalacé (2).Un peu au nord des sources du Pusambion naissentdeux autres ruisseaux également chargés d’acide sulfu-
(1) M. Caldas a même attribué à ce mélange, avec bien peu de raisonsans doute, l’absence des goîtres dans la vallée du Rio Cauca. Sema-nario, t. 1, p. 265. Voyez mon Mémoire sur les Goîtres dans les Cor-dillères (Magendie, Journ. de Physiol., t. IV, p. 109.)(2) Journal de Physique, t. LXII, p. 61.
|70| rique libre, que le peuple appelle les Petits-Vinaigres(los dos Vinagres chicos): ils se jettent dans le Rio deSan-Francisco, qui lui-même n’est qu’un affluent duGran Vinagre. Pendant mon séjour à Popayan, c’étaitune opinion généralement reçue que toutes ces eauxacides contenaient du fer dissous par une grande quan-tité d’acide carbonique. En se rappelant seulement queles sources du Vinagre sont très-chaudes, on aurait dûabandonner cette opinion. Je fis bouillir des eaux pui-sées à la cascade, et je trouvai, après l’ébullition, lemême goût acide et les mêmes précipités que dans l’eaunon bouillie. Il me restait, à cette époque, très-peu deréactifs. Le nitrate d’argent (1) donnait un précipitéblanc et laiteux, indiquant la présence de muriates.Celle du fer s’annonçait par le prussiate de chaux, cellede la chaux par l’oxalate de potasse. En pesant l’eauavec beaucoup de soin dans les ateliers de la Monnaiede Popayan, le poids d’un même volume d’eau du Vi-nagre a été trouvé au poids de l’eau distillée dans le rap-port de 2735 \( \frac{1}{2} \) grains à 2731 gr., c’est-à-dire que la pe-santeur spécifique de l’eau de la cascade était = 1,0015.
Il ne faut pas confondre les eaux que je décris et dontM. Rivero a donné la première analyse, avec celles desdeux lagunes souterraines que nous avons trouvées prèsde la cime du volcan, l’une à 2245 toises de hauteur,l’autre au-dessus des neiges, à 2420 toises. Ce volcan dePuracé est un dôme de trachyte semi-vitreux, gris-bleuâ-tre et à cassure conchoïde. Il offre, non un grand cratère
(1) La présence simultanée des acides sulfurique et muriatique a étéreconnue aussi par M. Vauquelin, dans l’eau que M. Leschenault avaitpuisée dans le cratère-lac du Mont-Idienne de Java. (Journal dePhysique, t. LXV, p. 406.)
|71| à son sommet, mais plusieurs petites bouches. Il diffèrebeaucoup du volcan voisin, le Sotarà, qui est de formeconique, et qui a lancé une immense quantité d’obsi-diennes. Ces masses, couvrant les plaines de Julumito,sont des boules ou larmes d’obsidienne dont souvent lasurface est tuberculeuse. Elles présentent, ce que je n’aivu nulle part ailleurs dans les deux hémisphères, toutesles nuances de couleur, depuis le noir foncé jusqu’àcelle du verre artificiel entièrement incolore. On peutêtre surpris de voir que cette décoloration n’ait étéaccompagnée d’aucun boursoufflement. Les obsidiennesde Sotarà sont mêlées de fragmens d’émaux qui ressem-blent à la porcelaine de Réaumur, et auxquels j’aitrouvé adhérentes des masses de feldspath qui ont résistéà la fusion.
Ici, comme dans les Andes de Quito, comme au Mexi-que et aux îles Canaries, le système de roches basaltiquesreste éloigné des trachytes qui forment les volcans dePuracé et de Sotarà. Les basaltes de la Tetilla de Julu-mito n’appartiennent qu’à la rive gauche du Cauca: ilssortent au milieu de porphyres de transition dépourvusde pyroxène, renfermant un peu d’amphibole, très-peude quarz en petits cristaux implantés dans la masse, etun feldspath qui passe du feldspath commun au vitreux.Ce porphyre est recouvert, près de Los Serillos, d’uncalcaire gris-noirâtre, traversé de filons de carbonatede chaux, et tellement surchargé de carbone, que, dansquelques parties, il tache les doigts comme un schistealumineux ou comme les lydiennes (1) de Steeben,
(1) M. Vauquelin a constaté récemment, par une analyse directe,la présence du carbone dans les lydiennes les plus pures. J’avais re-
|72| dans le Fichtelgebirge. Le dôme trachytique de Puracé,qui donne naissance à la petite rivière d’acide sulfurique,sort d’une syénite porphyrique (avec feldspath com-mun), qui, à son tour, est superposée à un granitede transition abondant en mica. Cette observation (1),très-importante pour le gisement des roches volca-niques, peut être faite près de Santa-Barbara, en mon-tant de Popayan au village de Puracé. Le volcan, commela plupart des grands volcans des Andes, présente descouches ou nappes de matières lithoïdes fondues, nonde véritables courans de laves. Des fragmens de calcairegrenu, vraisemblablement magnésien, que j’ai trouvés àplus de 2000 toises de hauteur, paraissent avoir été lancéspar des crevasses qui se sont refermées depuis. Ils ressem-blent à ceux du Fosso Grande du Vésuve, qui doivent leurtexture grenue au feu volcanique. On ne peut aller à che-val que jusqu’aux cascades du Rio Vinagre. De-là, nousmîmes huit heures pour monter à pied à la cime du volcanet pour en descendre. Le temps était affreux, il tombaitde la grêle et de la neige. J’eus beaucoup de peine àenflammer l’amadou à la pointe du conducteur de l’é-lectromètre de Volta; les boules de moelle de sureaus’écartaient de 5 à 6 lignes, et l’électricité passa sou-
connu, dans une série d’expériences faites sur les excitateurs galva-niques en 1798, que les lydiennes des schistes de transition de Steebenproduisaient, conjointement avec le zinc, le même effet que le gra-phite ou carbure de fer. Je fis dès-lors des essais pour prouver chi-miquement la présence du carbone dans plusieurs variétés de lydiennes.Voyez mes Expériences sur la Fibre nerveuse et musculaire (en alle-mand), t. II, p. 163.(1) Voyez, sur l’ensemble de ces phénomènes des volcans de Po-payan, mon Essai sur le gisement des roches, 1823, p. 129, 139,340.
|73| vent du positif au négatif sans qu’il n’y eût aucun autresigne d’orage; car les éclairs et le tonnerre sont (d’aprèsmon expérience) en général très-rares lorsqu’on estau-dessus de 2000 ou 2200 toises de hauteur. La grêleétait blanche (1); les grains, de 5 à 7 lignes de dia-mètre, composés de couches diversement translucides,n’étaient pas seulement très-aplatis vers les poles, maistellement renflés dans leur zône équatoriale, que desanneaux de glace s’en séparaient au moindre choc. J’a-vais déjà deux fois observé et décrit ce phénomène dansles montagnes de Bareuth et près de Cracovie, pendantun voyage en Pologne. Peut-on admettre que les couchessuccessives qui s’ajoutent à un noyau central sont dansun état de fluidité assez grand pour que le mouvementde rotation puisse causer l’aplatissement des sphéroïdes?Lorsque le baromètre indiquait que nous étions parvenustrès-près de la limite des neiges perpétuelles, nous vî-mes augmenter les masses de soufre disséminées dansdes roches trachytiques imparfaitement colonnaires. Cephénomène me frappa d’autant plus que je savais com-bien le soufre est rare sur le flanc des volcans enflammés:une colonne de fumée jaunâtre et un bruit épouvantablenous annonçaient le voisinage d’une des bouches (bocas)du volcan. Nous eûmes quelque peine à nous appro-cher de son bord; la pente de la montagne étant très-rapide et les crevasses n’étant couvertes que par unecroûte de soufre dont nous ignorions l’épaisseur. Nous
(1) J’ai déjà rappelé ailleurs, dans ce Journal, qu’au Paramo deGuanacas où le chemin de Bogota à Popayan passe à la hauteur de2300 toises, on a vu tomber, non de la neige, mais de la grêle rouge.Renfermait-elle ces mêmes germes d’organisation végétale qui ont étédécouverts au-delà du cercle polaire?
|74| crûmes pouvoir évaluer l’étendue de cette croûte, qui estsouvent interrompue par les rochers, à plus de 12,000 piedscarrés. Ces petites arêtes de rochers trachytiques agissentfortement sur l’aimant. Je tâchai de m’en éloigner autantque possible pour déterminer l’inclinaison de l’aiguille.Elle était à la ville de Popayan (hauteur 911 toises) de23°,05, division centésimale; au village de Puracé (hau-teur 1356 toises) de 21°,81; près du sommet du volcande Puracé (hauteur 2274 toises) 20°,85: l’intensité de laforce magnétique variait très-peu à Popayan et au villagede Puracé, et la diminution de l’inclinaison n’est cer-tainement pas l’effet de la hauteur, comme le prouventtant d’autres observations que j’ai faites sur le sommet desAndes, mais l’effet d’attractions locales dépendantes decertains centres d’action dans les trachytes.
La bouche du volcan de Puracé est une fente perpen-diculaire dont l’ouverture visible n’a que 6 pieds de longet 3 de large. Elle est recouverte en forme de voûte parune couche de soufre très-pur, qui a 18 pouces d’épais-seur, et que la force des vapeurs élastiques a fendilléedu côté du nord. A 12 pieds de distance de la bouche,nous sentîmes une chaleur agréable. Le thermomètrecentigrade, qui s’était soutenu jusque-là à 6°,2 (froidbien peu considérable par un temps de grêle et à2245 toises de hauteur), s’éleva à 15°. Placés de ma-nière à ne pas être incommodés par les vapeurs, nouseûmes le plaisir de faire sécher nos vêtemens. Le bruiteffrayant que l’on entend près de cette ouverture a pres-que toujours la même intensité: il ne peut être com-paré qu’à celui que causeraient plusieurs pompes à feuréunies, au moment où l’on ferait échapper à la fois lavapeur condensée. Nous jetâmes de grosses pierres dans|75| la crevasse, et nous découvrîmes à cette occasion quel’ouverture communique à un bassin rempli d’eau enébullition. Les vapeurs qui échappent avec tant de vio-lence sont de l’acide sulfureux, comme l’indique leurodeur suffocante. Nous verrons bientôt que l’eau de lalagune souterraine est chargée d’hydrogène sulfuré;mais l’odeur de ce gaz ne se fait pas sentir au sommetdu volcan, parce qu’il est masqué par l’odeur beaucoupplus forte des vapeurs d’acide sulfureux. Je n’avais au-cun moyen de déterminer la température de ces vapeursqui paraissent subir, dans l’intérieur du volcan, unepression prodigieusement forte. Comme les Indiens pré-tendent que l’ouverture a plusieurs compartimens quine sont pas tous remplis d’eau, et que le bruit que l’onentend parfois dans l’intérieur de la crevasse annoncedes flammes, j’introduisis, au moyen d’une longue per-che, des papiers teints avec la teinture de violette sousla voûte, là où je pouvais être sûr de ne pas toucher lasurface de l’eau. En retirant la perche, je trouvai lespapiers fortement rougis, mais aucunement enflammés,comme il était facile de le prévoir.Nous réussîmes, après plusieurs vaines tentatives, àpuiser de l’eau dans la crevasse: c’était en liant une tutuma(fruit du Crescentia Cujete) à une tige de 8 pieds delongueur. L’eau fut de suite versée dans une bouteillehermétiquement bouchée. Nous l’examinâmes à notreretour au village de Puracé: elle exhalait une forte odeurd’hydrogène sulfuré, elle n’avait pas de goût acide,mais de faibles précipités causés par le nitrate d’argentannonçaient la présence de l’acide muriatique. La croûtede soufre qui se forme au-dessus de la bouche naît sansdoute du contact des vapeurs d’acide sulfureux avec l’hy-|76| drogène sulfuré que dégage la lagune souterraine. L’eaumême de cette lagune est recouverte d’une peau de sou-fre qui disparut dans les endroits où nous jetâmes lespierres. Il résulte de ces observations que la seule pré-sence de l’acide muriatique ou des combinaisons de cetacide avec des bases salifiables indique une faible ana-logie entre les eaux du Rio Vinagre et celles des lagu-nes: les premières, qui naissent beaucoup plus bas, àla pente du volcan de Puracé, sont chargées d’acide sul-furique libre: les autres, que l’on trouve au sommetdu volcan, contiennent de l’hydrogène sulfuré. Commeles bouches supérieures se trouvent à des hauteurs très-différentes au-dessus du niveau de la mer, on peut sup-poser que leurs eaux souterraines sont dues à la fontedes neiges et qu’elle ne communique pas. Le Rio Vinagrereçoit son acide dans l’intérieur d’un volcan qui abondeen soufre, et dont la température paraît extrêmementélevée, quoique depuis des siècles on n’ait aperçu aucunphénomène lumineux à son sommet.Le bon curé du village de Puracé croyait rendre ungrand service à ses paroissiens comme aux habitans dela ville de Popayan, en faisant, comme il disait, net-toyer de temps en temps les cheminées du volcan. Ilordonnait aux Indiens d’enlever la croûte de soufre quis’élève en forme de dôme au-dessus de la crevasse.Cette croûte a pris quelquefois, à ce qu’on assure, enmoins de deux ans, jusqu’à quatre pieds d’épaisseur.Elle rétrécit sans doute l’ouverture par laquelle sortentles vapeurs d’acide sulfureux; mais on conçoit que laforce élastique de ces vapeurs est telle que, si l’ouver-ture était entièrement bouchée pour quelques instans,elle briserait plutôt la voûte nouvelle que de produire|77| des commotions en agissant contre les parois rocheusesdu volcan. Depuis plusieurs années, les lagunes, quireprésentent en petit les craters-lacs de nos volcanséteints, paraissent conserver chacune le même niveau deleur ligne d’eau; ce qui prouve que la vaporation estégale à l’infiltration des eaux de neige et de pluie;mais cet équilibre n’a pas toujours été également stable.Vers l’année 1790, la Boca grande causait des inon-dations partielles. J’insiste sur ce phénomène parce qu’ilsemble jeter quelque jour sur un problème de la géologiedes volcans, qui n’a pas été suffisamment examiné, je veuxdire sur les éjections d’eau et de boue. Au Vésuve, ceséjections ne sont qu’apparentes et ne viennent ni de l’in-térieur du cratère ni de crevasses latérales. Une immensetension électrique se manifeste dans l’atmosphère qui en-vironne le sommet du volcan au moment des grandeséruptions. Des éclairs sillonnent l’air: les vapeurs aqueusesémises par le cratère se refroidissent, des nuages épaisenveloppent le sommet; pendant la durée de cet orage,restreint à un petit espace, l’eau descend par torrens et semêle aux matières tuffacées qu’elle entraîne avec elle (1).
(1) Déjà M. de la Condamine (Mémoire de l’Académie, 1754,p. 18) a eu des idées très-précises sur la cause de ces phénomènesqui se trouvent également exposés dans la Storia dell’ incendio del1737, publiée par l’Académie de Naples. J’ai vu, dans mon derniervoyage à Naples (décembre 1822), les dégâts qu’ont causés les torrensd’eau du côté d’Ottajano, au pied du Vésuve. Ils ont transporté dansla plaine, non-seulement des boues, mais des masses de laves de 48pieds de circonférence et de 25 pieds de hauteur. Voyez l’excellentedescription de ces phénomènes, pár MM. Monticelli et Covelli. (Storiadel Vesuvio degli anni 1821-1823, p. 91-98.) Par le mélange de lapluie et des cendres volcaniques, il se forme dans l’air (l. c., p. 94)des espèces de pisolithes à couches concentriques, que j’ai aussi trou-
|78| Ces effets, purement météorologiques, ont-donné lieuaux traditions sur les eaux bouillantes sorties du cratèredu Vésuve en 1631; traditions fabuleuses que perpétueune inscription à Portici.
Dans les volcans des Andes qui dépassent la limite desneiges perpétuelles, les causes des inondations sonttrès-différentes de celle que nous venons d’indiquer.Comme les éruptions de ces cimes colossales n’ont lieuqu’après de longs intervalles (tous les trente à quaranteans, et même plus rarement encore), des bancs deneige d’une épaisseur énorme s’accumulent sur le flancdes montagnes. Ces neiges ne fondent pas seulement aumoment de l’explosion, mais quelquefois plusieurs joursauparavant. C’est ainsi qu’en février 1803, pendantmon séjour à Guayaquil, les habitans de la province deQuito furent effrayés de l’aspect du cône du Cotopaxi,qui perdit une grande partie de ses neiges dans une seulenuit, et montra à découvert la couleur noire de ses rochesbrûlées. Quelle que soit l’idée que l’on se forme de lapuissance des forces volcaniques et de l’intensité des feuxsouterrains dans les Andes, on ne saurait admettre queles parois épaisses d’un cône puissent se chauffer uni-formément et transmettre avec une telle rapidité (parla conductibilité de leur masse) la chaleur au dehors.La fonte subite des neiges, lorsque, dans les Cordil-lères, elle précède les éruptions, n’est probablementdue qu’à une infinité de petites fumaroles qui dégagentdes vapeurs chaudes à travers la roche fendillée du cône.Ces vapeurs, d’après ce que j’ai eu occasion d’observer
vées sur le plateau d’Hambato, parmi les anciennes éjections du Car-guairazo. Les habitans de la province de Quito appellent naïvementces phisolites des grêlons de terre.
|79| dans les cratères du Vésuve, du Pic de Ténériffe et duvolcan de Jorullo au Mexique, sont le plus souvent del’eau pure, qui n’agit aucunement sur les réactifs lesplus sensibles: d’autres fois elles renferment de l’acidemuriatique. On remarque qu’une même crevasse donne,à des époques très-rapprochées, de l’eau distillée (pure)et des eaux très-acides. La source artificielle, queM. Gimbernat a eu l’ingénieuse idée de former au som-met du Vésuve par la condensation des vapeurs dansun tube de verre, a montré quelquefois ces variations:elles prouvent ou le changement d’action chimiquedans l’intérieur du volcan, ou l’ouverture accidentellede quelques nouvelles communications. Dans les Andesde Quito, comme en Islande et dans les éruptions del’Etna du 23 mars 1536 et du 6 mars 1755, la fontesubite des bancs de neige a produit de grandes dévas-tations (1).
D’autres fois, par de lentes infiltrations, les eaux deneiges s’accumulent dans les cavités latérales du volcan;des secousses de violens tremblemens de terre, qui necoïncident pas toujours avec l’époque des éruptionsignées, ouvrent ces cavités, et des eaux long-temps re-tenues, qui nourrissent de petits poissons du genrePimelodes, entraînent avec elles des trachytes broyées,des ponces, des tufs et d’autres matières incohérentes.Ces éjections liquides répandent, pour des siècles, lastérilité dans les campagnes. Des boues argileuses (lo-dazales) ont couvert un espace de plus de quatre lieuescarrées, lorsque, dans la nuit du 19 juin 1698, le pic
(1) Ferrara, Campi Flegrei, 1810, p. 165. — Idem, Descriz. dell’Etna, 1818, p. 89, 116-120.
|80| du Carguairazo, dont la hauteur actuelle excède encore2450 toises, s’affaissa avec fracas. Les lagunes d’eauxsulfureuses que nous avons trouvées à la cime du Puracéexpliquent ce que les habitans de Quito rapportent del’odeur fétide des eaux qui descendent quelquefois duflanc des volcans pendant les grandes éruptions. Frappésde la nouveauté de ces phénomènes que nous ne faisonsque rappeler ici, les Conquistadores espagnols ont, dèsle seizième siècle, distingué deux sortes de volcans, lesvolcans de feu et les volcans d’eau (volcanes de fuego yde agua). Cette dernière dénomination, qu’on dirait in-ventée pour rapprocher les volcanistes des neptunistes,et pour mettre fin au fameux schisme de la Géologiedogmatique, a été appliquée surtout aux montagnes duGuatimala et de l’archipel des Philippines. Le Volcan deagua, placé entre le volcan de Guatimala (1) et celui dePacaya, a ruiné, par des torrens d’eau et de pierres qu’illança le 11 septembre 1541, la ville d’Almolonga,qui est l’ancienne capitale du pays. Cette montagnen’atteint pas la limite des neiges perpétuelles, mais ellereste couverte de neige pendant plusieurs mois de l’an-née. Lorsqu’on se rappelle la confusion des récits quel’on trouve de nos jours dans les feuilles publiques del’Europe, chaque fois que l’Etna ou le Vésuve sont enaction, on ne saurait se plaindre de l’incertitude danslaquelle nous laissent les chroniqueurs de l’Amérique
(1) Juarros, Compendio de la Historia de Guatemala, 1809, t. I,p. 72; t. II, p. 351. — Remesal, Hist. de la Provincia de San-Vicente,lib. IV, cap. 6. — Aussi dans la grande éruption du volcan de la pro-vince de Sinano au Japon (27 juillet 1783), des eaux bouillantes étaientmêlées aux rapilli. (Mémoire sur la Dynastie régnante des Djogouns,1820, p. 182.)
|81| espagnole
et les Conquistadores du seizième siècle surdes phénomènes d’inondations volcaniques si dignes defixer l’attention des physiciens. Pendant l’éruption del’Etna en 1792, il s’ouvrit sur la pente du volcan, à 3milles de distance du cratère, un gouffre (1) duquel sortit,pendant plusieurs semaines, de l’eau mêlée de cendres,de scories et d’argiles. Ces éjections liquides, qu’il nefaut pas confondre avec le phénomène des Salses (2) ouvolcans d’air, étaient très-épaisses. On conçoit que, dansla zône équinoxiale, même des montagnes très-bassespeuvent, par une disposition particulière de leurs cavitéssouterraines et par l’abondance excessive des pluies tro-picales, être sujettes à causer d’effrayantes inondationschaque fois qu’elles éprouvent des secousses de tremble-mens de terre. Il y a plus encore: les phénomènes quenous venons de décrire se répètent de temps en tempsloin des volcans, dans les montagnes secondaires, aucentre de l’Europe. De tristes exemples ont prouvé denos jours que, dans les Alpes de la Suisse, là où aucunesecousse de tremblement de terre ne se fait sentir, unesimple pression hydrostatique soulève et brise violem-ment des bancs de rochers, en les projetant à de grandesdistances, comme s’ils étaient lancés par des forcesélastiques.

(1) Ferrara, Descr. dell’ Etna, p. 132. Comme ce phénomènesemble avoir quelque rapport avec celui de la Moya de Pelileo, quicontient des carbures d’hydrogène, et que j’ai fait connaître à monretour d’Amérique, je me suis procuré très-récemment une note ma-nuscrite explicative du savant géologue sicilien, M. Ferrara, sur l’é-ruption boueuse de l’Etna observée le 25 mars 1792.(2) Il n’y a que le torrent fangeux (fiume di fango) de Santa-Maria-Nascemi (18 mars 1790), dans le Val di Noto, qui me sembleappartenir à l’action des Salses.
|82| Les trachytes de Puracé renferment du soufre commeceux du Mont-d’Or en Auvergne, de Budoshegy enTransylvanie, de l’île Montserrat dans les petites-An-tilles, et de l’Antisana dans les Andes de Quito. Il s’enforme encore journellement dans les fentes, autour desgouffres de Puracé, soit par une sublimation très-lente,soit par le contact des vapeurs d’acide sulfureux avecl’hydrogène sulfuré des lagunes. Le volcan travaille dansson intérieur comme les solfatares; mais il n’offre danssa forme rien qui ressemble aux lieux que l’on désignepar ce nom et que j’ai visités, par exemple aux solfataresde Pouzzoles, du Pic de Ténériffe et du volcan de Jo-rullo au Mexique. Ces trois dernières sont des cratèresqui ont vomi des laves; elles annoncent que leur pre-mier état était très-différent de celui dans lequel nousles voyons aujourd’hui. Par des températures très-élevées,les produits chimiques d’un volcan ne sont pas les mêmesque par une température très-basse. Si l’on veut appelervaguement solfatare tout lieu où il se forme ou déposedu soufre, cette dénomination pourra même être appliquéeà un terrain que je vais décrire ici et qui contraste sin-gulièrement avec les trachytes des volcans. En traversantla Cordillère des Andes de Quindiù, entre les bassinsdu Cauca et du Magdalena (lat. 4° 30′—4° 45′), j’ai vuune immense formation de gneiss et de micaschiste re-poser immédiatement sur un granite ancien. Les couchesde micaschiste qui alternent avec des strates de gneisssont dépourvues de grenats, tandis que le gneiss en con-tient beaucoup. Or, dans ces mêmes micaschistes primi-tifs, un peu à l’ouest de la station du Moral, à la hau-teur de 1,065 toises au-dessus du niveau de la mer, dansla Quebrada del Azufral, des filons pourris, extrême-|83| ment crevassés, sont remplis de soufre (1) et exhalentune vapeur sulfureuse dont la température s’élevait à47°,8 centésimaux lorsque l’air ambiant était à 20°,2.Voilà donc répétés en petit, dans les fentes d’une rocheprimitive, les phénomènes de la solfatare trachytique deBudoshegy en Transylvanie, qui a été récemment exa-minée par M. Boué. Le micaschiste de Quindiù qui en-toure les filons ouverts est décomposé, et le soufre setrouve en masse assez considérable pour devenir l’objetd’une exploitation qui nourrit une famille établie dansle ravin de l’Azufral. La roche renferme quelques py-rites décomposées; mais je doute fort que ces pyritesjouent dans la nature le rôle important dont on les a char-gées si long-temps dans des explications géologiques. Aumilieu des roches granitiques de Quindiù s’élèvent lestrachytes du volcan de Tolima, cône tronqué qui rap-pelle la forme du Cotopaxi, et qui, d’après une mesuregéodésique que j’ai faite à l’ouest d’Ibagué, est la plushaute cime des Andes dans l’hémisphère boréal (2). Unruisseau qui répand fortement l’odeur de l’hydrogène sul-furé descend du pic de Tolima, et prouve que les tra-chytes qui ont percé les roches granitiques renfermentégalement du soufre. Récemment deux savans voyageurs,MM. Rivero et Boussingault, ont visité cette petite sol-fatare dans le schiste micacé de Quindiù: ils en ontenvoyé des échantillons au Cabinet de l’Ecole des Mines,à Paris, qui renferme les suites géognostiques les pluscomplètes et les plus instructives.
(1) Voyez mon Nivellement barométrique et géognostique des Cor-dillères, N° 102.(2) Hauteur, 2,865 toises; lat. bor., 4°,46′.
|84| En suivant la Cordillère des Andes vers le sud, onretrouve ces mêmes alternances de formations primitiveset de régions porphyriques et trachytiques; mais quellea été ma surprise lorsque, au-delà de l’équateur, j’ai re-connu que la célèbre montagne de soufre de Ticsan(lat. aust. 2° 10′), entre Quito et Cuença, n’est compo-sée ni de trachyte, ni de calcaire ou de gypse, maisde micaschiste! Cette montagne de soufre, que les In-diens appellent Quello, se trouve, d’après ma mesurebarométrique, à 1,250 toises de hauteur au-dessus duniveau de l’Océan. Elle est entièrement composée demicaschiste (glimmerschiefer) primitif, qui n’est pasmême anthraciteux, comme le sont les variétés de cetteroche propres aux terrains de transition. Dans des ravinstrès-profonds, entre Ticsan et Alausi, on voit le mi-caschiste reposer sur du gneiss. Le soufre est contenudans une couche de quarz qui a plus de 1,200 piedsd’épaisseur: elle est assez régulièrement dirigée N. 18°E.,et inclinée, comme le micaschiste, de 70° à 80°, au nord-ouest. La couche de quarz qui passe quelquefois auhornstein est exploitée à ciel ouvert. La pente du CerroQuello, sur laquelle les travaux sont commencés depuisdes siècles, est opposée au sud-sud-est, et la couchede quarz paraît se prolonger vers le nord-nord-ouest,c’est-à-dire vers la côte de l’océan Pacifique. On as-sure cependant n’avoir pas trouvé de soufre à fleur deterre, dans cette direction, à la distance de 2,000 toisesde Ticsan. Tout y est couvert d’une épaisse végétation.Vers la fin du dix-huitieme siècle, on exploitait encoredes masses de soufre qui avaient 2 à 3 pieds de diamètre;aujourd’hui on travaille sur des strates quarzeux beau-coup moins riches, dans lesquels le soufre n’est dissé-|85| miné que par rognons de 3 à 4 pouces d’épaisseur. Onobserve que l’abondance de soufre augmente avec la pro-fondeur; mais le travail a été dirigé si imprudemmentque les strates inférieurs sont à peu près inaccessibles.Le quarz dans lequel le soufre est disséminé ne pré-sente ni de grandes fissures ni des cavités ou des dru-ses: aussi n’ai-je pu trouver aucun échantillon de soufrecristallisé.Le minerai qui fait l’objet de l’exploitation du CerroQuello ne forme pas, comme on pourrait le supposer,un amas ou entrelacement de filons: le soufre est dissé-miné sans aucune continuité, par petites masses, dansle quarz qui traverse le micaschiste parallèlement à sesstrates. Les fentes qui peut-être ont jadis réuni ces mas-ses ne sont plus visibles; mais tout le quarz paraît avoirsubi un changement extraordinaire. Il est terne, souventfriable, et se brise dans quelques parties au moindrechoc: ce qui indique un fendillement insensible à lavue. La température de la roche ne différait pas de cellede l’air extérieur. Les habitans aiment à attribuer lesviolens tremblemens de terre auxquels leur pays a étéquelquefois exposé, à des concavités qu’ils supposentexister au-dessous de la montagne de soufre. Si cette hy-pothèse est fondée, il faut admettre que la cause qu’elleindique n’agit que localement. Dans la grande catas-trophe du 4 février 1797, qui a fait périr tant de milliersd’Indiens dans la province de Quito, les trois endroitsoù il y a le plus de soufre, le Cerro Quello, l’Azufralde Cuesaca près de la villa d’Ibarra, et le Machay deSaint-Simon, près du volcan d’Antisana, ne furent quebien faiblement agités; mais à une époque de beaucoupantérieure, on a éprouvé sur la couche de quarz même|86| qui renferme le soufre près de Ticsan, une explosionsemblable à celle d’une mine.La couche de quarz est au jour des deux côtés de lapetite rivière d’Alausi; et vis-à-vis le Cerro Quello, ontrouve un petit plateau où, dans le dix-septième siècle,était situé le village de Ticsan. On voit encore les ruinesde l’église du Pueblo Viejo. Un tremblement de terreentièrement local (car ses effets étaient restreints à untrès-petit espace de terrain) fit écrouler les collines d’a-lentour; une partie du village s’affaissa, une autre partiefut jetée en l’air, comme cela est arrivé à Riobamba, oùj’ai trouvé les ossemens des malheureux habitans de laville, lancés sur le Cerro de la Culca, à une hauteur deplusieurs centaines de pieds. Les Indiens de Ticsan quisurvécurent à cette catastrophe construisirent leurs habi-tations plus au nord, loin de la montagne de soufre, dontils redoutent le voisinage. Il se peut que la coïncidencede ces phénomènes d’explosion et de gisement d’unematière facile à convertir en vapeurs élastiques, n’ait étéqu’accidentelle: mais il se peut aussi que d’anciennescommunications avec l’intérieur du globe, celles à tra-ver lesquelles s’est formé, par sublimation, l’immensedépôt de soufre, se rétablissent de temps en temps, etpermettent aux forces volcaniques d’ébranler la surfacedu sol. Près des ruines du Pueblo Viejo de Ticsan, j’aitrouvé une colline de gypse superposée au schiste mi-cacé: comme cette colline n’est pas recouverte par d’au-tres formations, il est difficile de décider si le gypse, enpartie fibreux et mêlé d’argile, est primitif comme celuide Val Canaria, ou de transition comme les gypses de laTarentaise.L’abondance du soufre dans les terrains primitifs est|87| un fait géologique très-important sous le rapport de l’é-tude des volcans et des roches à travers lesquelles le feusouterrain s’est frayé un passage. Avant que j’eusse vi-sité les Andes de Quito et la montagne de Ticsan, on neconnaissait le soufre que dans les calcaires et les gypsesde transition, dans les gypses, les marnes et les argilesmuriatifères des terrains secondaires, et dans les rochesexclusivement appelées volcaniques. Ces divers modesde gisement, auxquels on peut joindre les terrains ter-tiaires, expliquaient très-mal la fréquence des vapeurssulfureuses exhalées par les bouches de volcans dont onplaçait (et avec raison sans doute) le centre d’actionbien au-dessous des roches secondaires et intermédiaires.A mesure que l’on apprend à connaître une plus grandepartie du globe, on ne voit pas seulement s’agrandir lagéologie positive, c’est-à-dire le tableau des formationset des gisemens: même la géogonie ou géognosie sys-tématique, la science conjecturale qui recherche lescauses des phénomènes, commence à s’appuyer sur l’a-nalogie de faits plus certains. On aurait pu être frappédepuis long-temps des petites masses de soufre natif quisont disséminées dans quelques filons métallifères etqui traversent des roches granitiques, par exemple,dans le Schwarzwald, près Riepoldsau. La montagnede Ticsan que j’ai fait connaître ne laisse plus de doutesur l’existence du soufre dans les terrains primitifs. Ré-cemment aussi on a reconnu au Brésil, que la forma-tion de quarz chloriteux qui recouvre, dans la Capita-nia de Minas-Geraes, le thonschiefer primitif, renfermede l’or et du soufre à la fois. Des plaques de cette roche,fortement chauffées, brûlent avec une flamme bleue. Prèsde Villarica, dans le site appelé Antonio Periera, un|88| schiste du même âge que celui auquel est superposé l’i-tacolumite ou quarz chloriteux, renferme un banc cal-caire traversé par des filons de quarz que le Baron d’Es-chwege (directeur des mines d’or et de diamans de cescontrées) a trouvé rempli de petits rognons de soufrepulvérulent. Tous ces phénomènes augmentent d’intérêtlorsqu’on réfléchit que ce savant géologue, de mêmequ’un autre voyageur allemand, M. Pohl, inclinent àcroire que l’or, le fer micacé, les diamans, les euclases,la platine et le palladium, qui sont propres au terraind’alluvion du Brésil, proviennent ou de la destructionde la grande formation de quarz chloriteux, ou de celled’une couche ferrugineuse (itabarite) qui est superposéeà cette formation.(Ann. de Chim. et de Phys., octob. 1824.)