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Alexander von Humboldt: „Nouvelles Recherches sur les lois que l’on observe dans la distribution des formes végétales“, in: ders., Sämtliche Schriften digital, herausgegeben von Oliver Lubrich und Thomas Nehrlich, Universität Bern 2021. URL: <https://humboldt.unibe.ch/text/1821-Nouvelles_recherches_sur-01> [abgerufen am 24.04.2024].

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Titel Nouvelles Recherches sur les lois que l’on observe dans la distribution des formes végétales
Jahr 1821
Ort Paris
Nachweis
in: Annales de chimie et de physique 16 (1821), S. 267–296.
Sprache Französisch
Typografischer Befund Antiqua; Auszeichnung: Kursivierung; Fußnoten mit Ziffern; Schmuck: Kapitälchen; Tabellensatz.
Identifikation
Textnummer Druckausgabe: IV.13
Dateiname: 1821-Nouvelles_recherches_sur-01
Statistiken
Seitenanzahl: 27
Zeichenanzahl: 45717

Weitere Fassungen
Nouvelles Recherches sur les lois que l’on observe dans la distribution des formes végétales (Paris, 1821, Französisch)
Neue Untersuchungen über die Gesetze, welche man in der Vertheilung der Pflanzenformen bemerkt (Jena; Leipzig, 1821, Deutsch)
Natural history (Liverpool, 1822, Englisch)
Natural History (London, 1822, Englisch)
Natural History (Paris, 1822, Englisch)
Natural History (London, 1822, Englisch)
Natural History (London, 1822, Englisch)
New Inquiries into the Laws which are observed in the Dirstribution of Vegetable Forms (Edinburgh, 1822, Englisch)
Natural History (London, 1822, Englisch)
Natural History I / Histoire naturelle I (Moskau, 1823, Englisch; Französisch)
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Nouvelles Recherches sur les lois que l’on observedans la distribution des formes végétales. Par M. Alex. de Humboldt. (Extrait d’un Mémoire lu à l’Académie des Sciences le 19 février 1821.)

Il y a quatre ans que, dans un Mémoire présenté àl’Institut (1), j’ai fixé l’attention des botanistes sur lesrapports numériques des formes végétales. La discussiondes matériaux qui ont servi à ce travail se trouve con-signée dans un ouvrage que j’ai publié à la même époque,sous le titre de Prolegomena de distributione geogra-phicâ plantarum, secundùm cœli temperiem et altitu-dinem montium. Il en est de la distribution des êtres or-ganisés comme de tous les autres phénomènes du mondephysique. Au milieu du désordre apparent qui semblenaître de l’influence d’une multitude de causes locales,on reconnaît les lois immuables de la nature dès qu’onfixe les yeux sur une grande étendue de pays, ou qu’onemploie une masse de faits dans laquelle se compeusentmutuellement les perturbations partielles. J’ai eu la satis-faction de voir ce travail soumis à un examen détaillé,en Allemagne, en Angleterre, en Italie, et récemmenten Danemarck. Un des plus grands botanistes de notretemps et de tous les siècles, M. Robert Brown, a com-paré chaque résultat numérique à ceux qu’offrent lesriches herbiers qu’il a pu consulter. Beaucoup de nombres
(1) Voyez Annales de Chimie et de Physique, année 1816,t. 1, p. 225.
|268| ont été rectifiés, d’autres se sont trouvés dans un accordpresqu’inattendu. La masse des faits s’est accrue par làmême qu’on a voulu infirmer ou appuyer les résultatsauxquels je m’étais arrêté. C’est ainsi que, dans la marchedes sciences physiques, des idées générales qui d’abordn’ont été déduites que d’un petit nombre de faits forcentles observateurs à multiplier les données partielles. Enri-chi de ces matériaux, profitant toujours de ce que la cri-tique la plus sévère de mes ouvrages renferme de vraiet d’utile, j’ai pu donner aux résultats numériques dontse compose le tableau des formes végétales, un degréd’exactitude que je n’avais pu atteindre jusqu’alors. Il estde la nature de ces recherches de ne pouvoir rectifier les coefficiens que progressivement, à mesure que les obser-vations se multiplient. Je ne m’arrèterai ici qu’au déve-loppement général des principes. Comme cette espèced’arithmétique botanique exige des discussions minu-tieuses sur les rapports de chaque famille de plantes àtoute la masse des phanérogames, j’ai réuni ces discussionsdans des notes que j’ai publiées séparément (1).
Il est à prévoir que le travail que j’ai fait sur les fa-milles des plantes s’appliquera un jour avec succès à plu-sieurs classes d’animaux vertébrés. Les immenses col-lections qui se trouvent à Paris, au Musée d’Histoirenaturelle, font voir que déjà l’on connaît sur le globeentier près de 56,000 espèces de plantes cryptogameset phanérogames, 44,000 insectes, 2500 poissons, 700 reptiles, 4000 oiseaux et 500 espèces de mammiferes.
(1) Voyez Dictionnaire des Sciences naturelles, rédigépar le Professeur du Jardin des Plantes, tome xviii, p. 432-436.
|269| D’après des recherches que nous avons faites, M. Valen-ciennes et moi, il existe dans l’Europe seule à-peu-près 80 mammifères, 400 oiseaux et 30 reptiles: il y apar conséquent, sous cette zone tempérée boréale, cinqfois autant d’espèces d’oiseaux que de mammifères, commeil y a (en Europe) cinq fois autant de composées qued’amentacées et de conifères, cinq fois autant de légumi-neuses que d’orchidées et d’euphorbiacées. Les belles col-lections rapportées récemment du Cap de Bonne-Espérancepar M. Delalande prouvent (si on les compare aux ouvra-ges de MM. Temmink et Levaillant), que, dans cette partiede la zone tempérée australe, les mammifères sont aussiaux oiseaux = 1:4,3. Une telle concordance entre deuxzones opposées est assez frappante. Les oiseaux, et surtoutles reptiles, augmentent beaucoup plus vers la zone équa-toriale que les mammifères. D’après les découvertes deM. Cuvier sur les ossemens fossiles, on pourrait croireque ces rapports n’ont pas été les mêmes de tous les temps,et qu’il a disparu, dans les anciennes catastrophes denotre planète, beaucoup plus de mammifères que d’oi-seaux. M. Latreille, dans un excellent Mémoire sur la dis-tribution géographique des insectes, n’a pas comparé lenombre des animaux articulés au nombre des plantes et àcelui des différentes classes d’animaux vertébrés qui habi-tent les mêmes climats; mais il a fait voir d’une manière inté-ressante quels groupes d’insectes augmentent ou dimi-nuent, en avançant du pole vers l’équateur. Je passe soussilence les laborieuses recherches de M. Illiger sur la Géo-graphie des oiseaux (1). L’auteur a discuté l’habitation de
(1) Mémoires de l’Academie de Berlin, pour les an-nées 1812 et 1813, p. 221-237.
|270| plus de 3800 espèces; mais il s’est contenté de les envisagerd’après leur distribution entre les cinq parties du monde:méthode peu philosophique et tout-à-fait impropre à recon-naître l’influence des climats sur le développement des êtresorganisés. Tous les continens, à l’exception de l’Europe,s’étendent de la zone tempérée dans la zone équatoriale;les lois de la nature ne peuvent donc pas se manifesterlorsqu’on groupe les phénomènes d’après des divisions ar-bitraires et qui ne dépendent, pour ainsi dire, que de laseule différence des méridiens. Il ne m’appartient pas depousser plus loin ces considérations sur les rapports nu-mériques entre les animaux de différentes classes. Il mesuffit d’avoir rappelé l’attention des savans sur une branchede la philosophie naturelle, qui me paraît bien digned’être étudiée. Nous concevons comment, sur un espacede terrain donné, les individus appartenant à différentestribus de plantes et d’animaux peuvent se limiter numé-riquement; comment, après une lutte opiniâtre et aprèsde longues oscillations, il s’établit un état d’équilibre quirésulte des besoins de la nourriture et des habitudes de lavie; mais les causes qui ont limité les formes sont ca-chées sous ce voile impénétrable qui dérobe à nos yeuxtout ce qui tient à l’origine des choses, au premier déve-loppement de la vie organique.
Les rapports numériques des formes végétales peuventêtre considérées de deux manières très-distinctes. Si l’onétudie les plantes, groupées par familles naturelles, sansavoir égard à leur distribution géographique, on demandequels sont les types d’organisation d’après lesquels le plusgrand nombre d’espèces sont formées? Y a-t-il plus deglumacées que de composées sur le globe? ces deux tribus |271| de végétaux font-elles ensemble le quart des phanéro-games? quel est le rapport des monocotylédonées aux di-cotylédonées? Ce sont là des questions de Phytologiegénérale, de la science qui examine l’ organisation des vé-gétaux et leur enchaînement mutuel. Si l’on envisage lesespèces qu’on a réunies d’après l’analogie de leur forme,non d’une manière abstraite, mais selon leurs rapportsclimatériques ou leur distribution sur la surface du globe,les questions que l’on se propose offrent un intérêt beau-coup plus varié. Quelles sont les familles de plantes quidominent sur les autres phanérogames plus dans la zonetorride que sous le cercle polaire? les composées sont-ellesplus nombreuses, soit à la même latitude géographique,soit sur une même bande isotherme, dans le nouveau con-tinent que dans l’ancien? Les types qui dominent moinsen avançant de l’équateur au pole, suivent-ils la même loide décroissement à mesure qu’on s’élève vers le sommetdes montagnes équatoriales? Les rapports des famillesentre elles ne varient-ils pas sur des lignes isothermes demême dénomination, dans les zones tempérées au nord etau sud de l’équateur? Ces questions appartiennent à laGéographie des végétaux proprement dite; elles se lientaux problêmes les plus importans qu’offrent la Météoro-logie et la Physique du globe en général. De la prépondé-rance de certaines familles de plantes dépend aussi lecaractère du paysage, l’aspect d’une nature riante ou ma-jestueuse. L’abondance des graminées qui forment devastes savannes, celle des palmiers ou des conifères, ontinflué puissamment sur l’état social des peuples, sur leursmœurs et le développement plus ou moins lent des artsindustriels. |272| En étudiant la distribution géographique des formes,on peut s’arrêter aux espèces, aux genres et aux famillesnaturelles (Humboldt, Prolog. in Nov. Gen., tom. 1,pag. 13, 51 et 33). Souvent une seule espèce de plantes,surtout parmi celles que j’ai appelées sociales, couvreune vaste étendue de pays. Telles sont, dans le nord, lesbruyères et les forêts de pins; dans l’Amérique équinoxiale,les réunions de cactus, de croton, de bambusa et de bra-thys de la même espèce. Il est curieux d’examiner ces rap-ports de multiplication et de développement organique:on peut demander quelle espèce, sous une zone donnée,produit le plus d’individus; on peut indiquer les famillesauxquelles, sous différens climats, appartiennent les es-pèces qui dominent sur les autres. Notre imagination estsingulièrement frappée de la prépondérance de certainesplantes qu’à cause de leur facile reproduction, et dugrand nombre d’individus qui offrent les mêmes caractèresspécifiques, on considère comme les plantes les plusvulgaires de telle ou telle zone. Dans une région boréale,où les composées et les fougères sont aux phanérogamesdans les rapports de 1:13 et de 1:25 (c’est-à-dire, oùl’on trouve ces rapports en divisant le nombre total desphanérogames par le nombre des espèces de composéeset de fougères), une seule espèce de fougère peut oc-cuper dix fois autant de terrain que toutes les espèces decomposées ensemble. Dans ce cas, les fougères dominentsur les composées par la masse, par le nombre des individus appartenant aux mêmes espèces de pteris ou de polypo-dium; mais elles ne dominent pas, si l’on compare à lasomme totale des espèces de phanérogames les formes dif-férentes qu’offrent les deux groupes de fougères et de com- |273| posées. Comme la multiplication de toutes les espèces nesuit pas les mêmes lois, comme toutes ne produisent pasle même nombre d’individus, les quotiens obtenus en di-visant le nombre total des phanérogames par le nombredes espèces des différentes familles ne décident pas seulsde l’aspect, je dirais presque du genre de monotonie de lanature dans les différentes régions du globe. D’un autrecôté, si le voyageur est frappé de la répétition fréquente desmêmes espèces, de la vue de celles qui dominent par leurmasse, il ne l’est pas moins de la rareté des individus dequelques autres espèces utiles à la société humaine. Dansles régions où les rubiacées, les légumineuses ou les téré-binthacées composent des forêts, on est supris de voircombien sont rares les troncs de certaines tribus de cin-chona, d’hæmatoxylum et de baumiers. En s’arrêtant aux espèces, on peut, sans avoir égardà leur multiplication et au nombre plus ou moins granddes individus, comparer, sous chaque zone, d’une ma-nière absolue, les espèces qui appartiennent à diffé-rentes familles. Cette comparaison intéressante a été faitedans le grand ouvrage de M. de Candolle (Regni vege-tabilis Systema Naturæ, t. 1, p. 128, 396, 439, 464,510). M. Kunth l’a tentée sur plus de 3300 composéesdéjà connues jusqu’à ce jour. (Nov. gen., t. iv, p. 238).Elle n’indique pas quelle famille domine au même degrésur les autres phanérogames indigènes, soit par la massedes individus, soit par le nombre des espèces; mais elleoffre les rapports numériques entre les espèces d’unemême famille appartenant à différens pays. Les résultatsde cette méthode sont généralement plus précis, parcequ’on les obtient sans évaluer la masse totale des phané- |274| rogames, après s’être livré avec soin à l’étude de quelquesfamilles isolées. Les formes les plus variées des fougères,par exemple, se trouvent sous les tropiques; c’est dansles régions montueuses, tempérées, humides et ombragéesde la zone équatoriale, que la famile des fougères ren-ferme le plus d’espèces. Sous la zone tempérée, il y ena moins que sous les tropiques; leur nombre absolu di-minue encore en avançant vers le pole: mais comme larégion froide, par exemple, la Laponie, nourrit des es-pèces de fougères qui résistent plus au froid que la grandemasse des phanérogames, les fougères, par le nombredes espèces, dominent plus sur les autres plantes en La-ponie qu’en France et en Allemagne. Les rapports numé-riques qu’offre le tableau que j’ai publié dans mes Prole-gomena de distributione geographicâ plantarum, et quireparaît ici perfectionné par les grands travaux de M. Ro-bert Brown, diffèrent entièrement des rapports que donnela comparaison absolue des espèces qui végètent sous leszones diverses. La variation qu’on observe en se portantde l’équateur aux poles, n’est par conséquent pas la mêmedans les résultats des deux méthodes. Dans celle des frac-tions que nous suivons, M. Brown et moi, il y a deuxvariables, puisqu’en changeant de latitude, ou plutôt dezone isotherme, on ne voit pas varier le nombre total desphanérogames dans le même rapport que le nombre desespèces qui constituent une même famille. Lorsque des espèces ou des individus de même forme quise reproduisent d’après des lois constantes, on passe à cesdivisions de la méthode naturelle qui ne sont que des ab-stractions diversement graduées, on peut s’arrêter aux gen-res, aux familles, ou à des sections plus générales encore. Il |275| y a quelques genres et quelques familles qui appartiennentexclusivement à de certaines zones, à une réunion par-ticulière de conditions climatériques; mais il y a un plusgrand nombre de genres et de familles qui ont des repré-sentans sous toutes les zones et à toutes les hauteurs. Lespremières recherches qui ont été tentées sur la distribu-tion géographique des formes, celles de M. Treviranus,publiées dans son ingénieux ouvrages de Biologie (t. ii,p. 47, 63, 83, 129), ont eu pour objet la répartition desgenres sur le globe. Cette méthode est moins propre àprésenter des résultats généraux que celle qui compare lenombre des espèces de chaque famille ou les groupesprincipaux d’une même famille à la masse totale des pha-nérogames. Dans la zone glaciale, la variété des formesgénériques ne diminue pas au même degré que la variétédes espèces: on y trouve plus de genres dans un moindrenombre d’espèces. (De Candolle, Théorie élém., p. 190;Humboldt, Nova gen., t. i, p. 17 et 50.) Il en est presquede même sur le sommet des hautes montagnes qui reçoiventdes colons d’un grand nombre de genres que nous croyonsappartenir exclusivement à la végétation des plaines. J’ai cru devoir indiquer les points de vue différens souslesquels on peut envisager les lois de la distribution desvégétaux. C’est en les confondant que l’on croit trouver descontradictions qui ne sont qu’apparentes, et que l’on at-tribue à tort à l’incertitude des observations. (BerlinerJahrbücher der Gewǎchskunde, Bd., t. i, p. 18, 21, 30.)Lorsqu’on se sert des expressions suivantes: «cette forme«ou cette famille se perd vers la zone glaciale; elle a«sa véritable patrie sous tel ou tel parallèle; c’est une«forme australe; elle abonde dans la zone tempérée,» |276| il faut énoncer expressément si l’on considère le nombreabsolu des espèces, leur fréquence absolue croissante oudécroissante avec les latitudes, ou si l’on parle des fa-milles qui dominent, au même degré, sur le reste desplantes phanérogames. Ces expressions sont justes; ellesoffrent un sens précis, si l’on distingue les différentesméthodes d’après lesquelles on peut étudier la variété desformes. L’île de Cuba (pour citer un exemple analogueet tiré de l’économie politique) renferme beaucoup plusd’individus de race africaine que l’île de la Martinique;et cependant la masse de ces individus domine bien plussur le nombre des blancs dans cette dernière île que danscelle de Cuba. Les progrès rapides qu’a faits la géographie des plantesdepuis douze ans, par les travaux réunis de MM. Brown,Wahlenberg, De Candolle, Léopold de Buch, Parrot,Ramond, Schouw et Hornemann, sont dus en grandepartie aux avantages de la méthode naturelle de M. deJussieu. En suivant, je ne dirai pas les classifications ar-tificielles du système sexuel, mais des familles établiesd’après des principes vagues et erronés (Dumosæ, Coryda-les, Oleraceæ), on ne reconnaît plus les grandes lois phy-siques dans la distribution des végétaux sur le globe. C’estM. Robert Brown qui, dans un Mémoire célèbre sur lavégétation de la Nouvelle-Hollande, a fait connaître lepremier les véritables rapports entre les grandes divisionsdu règne végétal, les acotylédonées, les monocotylédo-nées et les dicotylédonées (Brown, dans Flinder’s Voyageto Terra australis, tom. ii, p. 538; et Observ. syst.and geographical on the herbal of the Congo, p. 3.). J’aiessayé, en 1815, de suivre ce genre de recherches, en |277| l’étendant aux différens ordres ou familles naturelles. Laphysique du globe a ses élémens numériques, comme lesystème du monde, et l’on ne parviendra que par lestravaux réunis des botanistes voyageurs, à reconnaître lesvéritables lois de la distribution des végétaux. Il ne s’agitpas seulement de grouper les faits; il faut, pour obtenirdes approximations plus précises (et nous ne prétendonsdonner que des approximations), discuter les circon-stances diverses sous lesquelles les observations ont étéfaites. Je pense, comme M. Brown, qu’on doit préféreren général, aux calculs faits sur les inventaires incom-plets de toutes les plantes publiées, les exemples tirés depays considérablement étendus, et dont la Flore est bienconnue, tels que la France, l’Angleterre, l’Allemagne etla Laponie. Il serait à desirer qu’on eût déjà une Florecomplète de deux terrains de 20,000 lieues carrées, dé-pourvus de hautes montagnes et de plateaux, et situésentre les tropiques dans l’ancien et le nouveau Monde.Jusqu’à l’époque où ce vœu sera accompli, il faut se con-tenter des grands herbiers formés par des voyageurs qui ontséjourné dans les deux hémisphères. Les habitations desplantes sont si vaguement et si incorrectement indiquéesdans les vastes compilations connues sous les noms de Systema vegetabilium et de Species plantarum, qu’ilserait très-dangereux de s’en servir d’une manière ex-clusive. Je n’ai employé ces inventaires que subsidiai-rement, pour contrôler et modifier un peu les résultatsobtenus par les Flores et les herbiers partiels. Le nombredes plantes équinoxiales que nous avons rapportées enEurope, M. Bonpland et moi, et dont notre savant col-laborateur, M. Kunth, aura bientôt terminé la publication, |278| est peut-être numériquement plus grand qu’aucun des her-biers formés entre les tropiques; mais il se compose devégétaux des plaines et des plateaux élevés des Andes. Lesvégétaux alpins y sont même beaucoup plus considérablesque dans les Flores de la France, de l’Angleterre et des In-des, qui réunissent aussi les productions de différens cli-mats appartenant à une même latitude. En France, le nom-bre des espèces qui végètent exclusivement au-dessus de500 toises de hauteur, ne paraît être que \( \frac{1}{9} \) de la masseentière des phanérogames. (De Candolle, dans les Mé-moires de la Société d’Arcueil, tom. iii, pag. 295). Il sera utile de considérer un jour la végétation destropiques et celle de la région tempérée, entre les paral-lèles de 40° et de 50°, d’après deux méthodes différentes,soit en cherchant les rapports numériques dans l’en-semble des plaines et des montagnes qu’offre la naturesur une grande étendue de pays, soit en déterminant cesrapports exclusivement dans les plaines de la zone tem-pérée et de la zone torride. Comme nos herbiers sont lesseuls qui font connaître, d’après un nivellement baro-métrique, pour plus de 4000 plantes de la région équi-noxiale, la hauteur de chaque station au-dessus du ni-veau de la mer, on pourra, lorsque notre ouvrage des Nova Genera sera terminé, rectifier les rapports numé-riques du tableau que je publie aujourd’hui, en défal-quant des 4000 phanérogames que M. Kunth a employésà ce travail (Prolegom., pag. 16) les plantes qui crois-sent au-dessus de 1000 toises, et en divisant le nombretotal des plantes non alpines par celui des espèces dechaque famille qui végètent, entre les tropiques, au-des-sous de 1000 toises de hauteur. Cette manière d’opérer |279| doit affecter le plus, comme nous le verrons tantôt,les familles qui ont des espèces alpines très-nombreuses,par exemple, les graminées et les composées. A 1000toises d’élévation, la température moyenne de l’air estencore, sur le dos des Andes équatoriales, de 17° cent.,égale à celle du mois de juillet à Paris. Quoique dans lesplateaux des Cordillières, on trouve la même températureannuelle que dans les hautes latitudes (parce que la ligneisotherme de 17°, par exemple, est la trace marquée dansles plaines par l’intersection de la surface isotherme de17° avec la surface du sphéroïde terrestre), il ne fautpas trop généraliser ces analogies des climats tempérésdans les montagnes équatoriales et les basses régions dela zone circompolaire. Ces analogies sont moins grandesqu’on ne le pense; elles sont modifiées par l’influencede la distribution partielle de la chaleur dans les diffé-rentes parties de l’année. (Proleg., p. 54, et mon Mé-moire sur les lignes isothermes, p. 137). Les quotiens nechangent pas toujours en montant de la plaine vers lessommets arides des montagnes, de la même manière qu’ilschangent en approchant du pole: c’est le cas des mono-cotylédonées considérées en général; c’est le cas des fou-gères et des composées. (Proleg., p. 51 et 52; Brown, on Congo, pag. 5.). On peut d’ailleurs remarquer que le développement desvégétaux de différentes familles et la distribution des formesne dépendent ni des latitudes géographiques seules, ni mêmedes seules latitudes isothermes; mais que les quotiensne sont pas toujours semblables sur une même ligne iso-therme de la zone tempérée, dans les plaines de l’Amé-rique et dans celles de l’ancien continent. Il existe sous les |280| tropiques une différence très-remarquable entre l’Améri-que, l’Inde et les côtes occidentales de l’Afrique. La distri-bution des êtres organisés sur le globe dépend non-seu-lement de circonstances climatériques très-compliquées,mais aussi de causes géologiques qui nous sont entière-ment inconnues, parce qu’elles ont rapport au premierétat de notre planète. Les grands animaux pachydermesmanquent aujourd’hui dans le Nouveau-Monde, quandnous les trouvons encore abondamment sous des climatsanalogues, en Afrique et en Asie. Dans la zone équinoxialede l’Afrique, la famille des palmiers est bien peu nom-breuse, comparée au grand nombre d’espèces de l’Amé-rique méridionale. Ces différences, loin de nous détour-ner de la recherche des lois de la nature, doivent nousexciter à étudier ces lois dans toutes leurs complications.Les lignes d’égale chaleur ne suivent pas les parallèles àl’équateur; elles ont, comme j’ai tâché de le prouver ail-leurs, des sommets convexes et des sommets concaves, qui sont distribués très-régulièrement sur le globe, etforment différens systèmes le long des côtes orientales etoccidentales des deux Mondes, au centre des continens,et dans la proximité des grands bassins des mers. Il estprobable que, lorsque des physiciens-botanistes aurontparcouru une plus vaste étendue du globe, on trouveraque souvent les lignes des maxima d’agroupement (leslignes tirées par les points où les fractions sont ré-duites au dénominateur le plus petit) dévient des lignesisothermes. En divisant le globe par bandes longitudi-nales comprises entre deux méridiens, et en en compa-rant les rapports numériques sous les mêmes latitudesisothermes, on reconnaîtra l’existence de différens sys- |281| tèmes d’agroupement. Déjà, dans l’état actuel de nosconnaissances, nous pouvons distinguer quatre systèmesde végétation, ceux du Nouveau-Continent, de l’Afriqueoccidentale, de l’Inde et de la Nouvelle-Hollande. Demême que, malgré l’accroissement régulier de la chaleurmoyenne du pole à l’équateur, le maximum de chaleurn’est pas identique dans les différentes régions par diffé-rens degrés de longitude, il existe aussi des lieux oùcertaines familles atteignent un développement plus grandque par-tout ailleurs. C’est le cas de la famille des Com-posées dans la région tempérée de l’Amérique du nord,et surtout à l’extrémité australe de l’Afrique. Ces accu-mulations partielles déterminent la physionomie de lavégétation; elles sont ce que l’on appelle vaguement lestraits caractéristiques du paysage. Il résulte de mes recherches que, dans toute la zonetempérée, les glumacées et les composées font ensembleplus d’un quart des phanérogames, et que les formes desêtres organisés se trouvent dans une dépendance mu-tuelle. L’unité de la nature est telle, que les formes sesont limitées les unes les autres d’après des lois con-stantes et immuables. Lorsqu’on connaît sur un pointquelconque du globe le nombre d’espèces qu’offre unegrande famille (par exemple, celle des glumacées, descomposées ou des légumineuses), on peut évaluer avecbeaucoup de probabilité, et le nombre total des plantesphanérogames, et le nombre des espèces qui composentles autres familles végétales. C’est ainsi qu’en connais-sant, sous la zone tempérée, le nombre des cypéracéesou des composées, on peut deviner celui des graminéesou des légumineuses. Ces évaluations nous font voir aussi |282| dans quelles tribus de végétaux les Flores d’un pays sontencore incomplètes: elles sont d’autant moins incer-taines que l’on évite de confondre les quotiens qui ap-partiennent à différens systèmes de végétation. La géographie des plantes peut être considérée commeune partie de la Physique du globe. Si les lois qu’a sui-vies la nature dans la distribution des formes végétalesétaient beaucoup plus compliquées encore qu’elles nele paraissent au premier abord, il ne faudrait pas moinsles soumettre à des recherches exactes. On n’a pas aban-donné le tracé des cartes lorsqu’on s’est aperçu des sinuo-sités des fleuves et de la forme irrégulière des côtes. Leslois du magnétisme se sont manifestées à l’homme dèsque l’on a commencé à tracer des lignes d’égale décli-naison et d’égale inclinaison, et que l’on a comparé ungrand nombre d’observations qui paraissaient d’abordcontradictoires. Ce serait oublier la marche par laquelleles sciences physiques se sont élevées progressive-ment à des résultats certains, que de croire qu’iln’est pas encore temps de chercher les élémens nu-mériques de la géographie des plantes. Dans l’étude d’unphénomène compliqué, on commence toujours par unaperçu général des conditions qui déterminent ou modi-fient le phénomène. Après avoir découvert un certainnombre de rapports, on s’aperçoit que les premiers ré-sultats auxquels on s’est arrêté ne sont pas assez déga-gés des influences locales. C’est alors qu’on corrige les élémens numériques, et qu’on reconnaît de la régula-rité dans les effets mêmes des perturbations partielles.La critique s’exerce sur tout ce qui a été annoncé pré-maturément comme un résultat général, et l’esprit de |283| critique, une fois excité, favorise la recherche de la vé-rité, et accélère le progrès des sciences physiques.
notes. 1°. En comparant les différens systèmes d’agroupe-ment dans les deux Mondes, on trouve en général,dans le nouveau, sous la zone équatoriale, moins decypéracées et de rubiacées, et plus de composées; sousla zone tempérée, moins de joncacées, de labiées, d’om-bellifères et de crucifères, et plus de composées, d’éri-cinées et d’amentacées, que dans les zones correspondantesde l’ancien Monde. Les familles qui augmentent de l’é-quateur vers le pole (selon la méthode des fractions)sont les glumacées, les éricinées et les amentacées; lesfamilles qui diminuent du pole vers l’équateur sont leslégumineuses, les rubiacées, les euphorbiacées et les mal-vacées; les familles qui semblent atteindre le maximum sous la zone tempérée sont les composées, les labiées,les ombellifères et les crucifères. 2°. Quoique les résultats principaux de mon nouveautravail aient été réunis dans un seul tableau, j’engagepourtant les physiciens à recourir aux éclaircissemens surles diverses familles, chaque fois que les nombres par-tiels leur paraissent douteux. Les quotiens des tropiquessont modifiés de telle manière qu’ils ont rapport auxrégions dont la température moyenne est de 28° à 20°(de 0 à 750 toises de hauteur). Les quotiens de la zonetempérée sont adaptés à la partie centrale de cette zone,entre 13° et 10° de température moyenne. Dans la zoneglaciale, la température moyenne est de 0° ou 1°. A ce ta- |284| bleau des quotiens ou des fractions, qui indique les rap-ports de chaque famille à la masse totale des phané-rogames, on pourrait ajouter un tableau dans lequelseraient comparés entre eux les nombres absolus desespèces. Nous en donnerons ici un fragment qui n’em-brasse que les zones tempérée et glaciale.
France. Amérique boréale. Laponie.
Glumacées, 460 365 124
Composées, 490 454 38
Légumineuses, 230 148 14
Crucifères, 190 46 22
Ombellifères, 170 50 9
Caryophyllées, 165 40 29
Labiées, 149 78 7
Rhinanthées, 147 79 17
Amentacées, 69 113 23
Ces nombres absolus sont tirés des Flores de MM. deCandolle, Pursh et Wahlenberg. La masse des plantesphanérogames décrites en France est à celle de l’Amé-rique boréale dans le rapport de 1 \( \frac{1}{3} \): 1; à celle de La-ponie, dans le rapport de 7:1. 3°. En examinant en détail tout ce que nous savonsdéjà sur le rapport des monocotylédonées aux dicotylé-donées, on observe que le dénominateur devient pro-gressivement plus petit (et avec la plus grande régula-rité) en allant de l’équateur vers le 62e de latitude nord;il augmente peut-être de nouveau dans des régions plusboréales encore, sur la côte du Groenland, où les grami-nées paraissent très-rares (Congo, p. 4). Le rapport varie |285| de \( \frac{1}{5} \) à \( \frac{1}{6} \) dans les différentes parties des tropiques. Sur3880 phanérogames de l’Amérique équinoxiale que nousavons trouvées, M. Bonpland et moi, en fleur et enfruit, il y a 654 monocotylédonées et 3226 dicotylédo-nées: donc la grande division des monocotylédonées se-rait \( \frac{1}{6} \) des phanérogames. D’après M. Brown, ce rapportest par-tout dans l’ancien continent (dans l’Inde, dansl’Afrique équinoxiale et dans la Nouvelle-Hollande), \( \frac{1}{5} \). Sous la zone tempérée, on trouve (d’après mes Proleg., p. xii, et les données partielles publiées par M. de Candolle, Dict. des Sciences nat., t. xviii, p. 594—597) que lesmonocotylédonées sont aux dicotylédonées:
  • En Barbarie ................. = 1:4,8
  • En Egypte *................. = 1:5,0
  • Dans le Caucase et en Crimée * . = 1:6,0
  • Dans le royaume de Naples..... = 1:4,7
  • Dans l’état de Venise. ......... = 1:4,0
  • En France .................. = 1:4,7
  • En Allemagne ............... = 1:4,0
  • En Suisse................... = 1:4,3
  • Dans les Iles britanniques *..... = 1:3,6
  • Dans l’Amérique septentrionale. = 1:4,6.
Sous la zone glaciale, le rapport est:
  • En Laponie ................. = 1:2,8
  • En Islande .......... ....... = 1:2,8.
On voit que des tropiques au pole l’augmentationrelative des monocotylédonées est très-régulière. Commeles monocotylédonées aiment l’humidité, elles sont plusnombreuses dans les Iles britanniques, et plus rares enEgypte et dans les montagnes arides du Caucase. J’avaisdéjà observé que, dans les Alpes de la Suisse, au-dessus |286| de la rêgion des Rhododendrons, les monocotylédonéessont aux phanérogames = 1:7,1 quand dans les plaines,elles sont, au pied des Alpes, = 1:4,3. ( Prolegomena, p. lii.) 4°. Dans la partie la plus fertile de l’Europe, aucentre de la zone tempérée, une étendue de pays de30,000 lieues carrées nourrit près de 6000 espèces deplantes, dont 2200 acotylédonées ou cryptogames et3800 phanérogames. Parmi les dernières, il y a presque500 composées, 300 graminées (en excluant les cypé-roïdées et les joncacées), 250 légumineuses et 200 cru-cifères; mais seulement 70 amentacées, 50 euphor-biacées et 25 malvacées. Les grandes familles forment \( \frac{1}{7} \) à \( \frac{1}{20} \), les petites au-dessous de \( \frac{1}{50} \) de la masse totale desphanérogames: c’est là, pour ainsi dire, l’état moyende la végétation en Europe, dans des terrains fertiles,entre 42°—50° de latitude boréale. Pour convaincre lesplus incrédules de la réalité des proportions fixes ou de larégularité que l’on observe en Europe dans la distributiondes formes, sous une même zone, je vais offrir ici les rap-ports qu’offrent deux pays limitrophes, la France etl’Allemagne. On peut regarder les chiffres indiqués dansle tableau suivant comme les coefficiens de chaque famille;car, en multipliant le nombre des phanérogames de lazone tempérée de l’Europe par 0.076 ou 0.053, ontrouve le nombre des espèces qui composent les famillesdes graminées ou des crucifères.
  • Composées......
    • en France, 1/7,4 = 0.135
    • En Allemagne, 1/8 = 0.125
  • Glumacées ......
    • Fr. 1/7,9 = 0.127
    • All. 1/7,1. = 0.141.
|287|
  • Graminées seules.
    • Fr. 1/13 = 0.077
    • All. 1/13 = 0.077
  • Légumineuses ...
    • Fr. 1/16 = 0.063
    • All. 1/18 = 0.056
  • Crucifères.......
    • Fr. 1/19 = 0.052
    • All. 1/18 = 0.056
  • Ombellifères ....
    • Fr. 1/21 = 0.048
    • All. 1/22 = 0.046
  • Labiées.........
    • Fr. 1/24 = 0.042
    • All. 1/26 = 0.038
  • Cypéracées* seules.
    • Fr. 1/27 = 0.037
    • All. 1/18 = 0.056
  • Amentacées .....
    • Fr. 1/50 = 0.020
    • All. 1/40 = 0.025
  • Orchidées * .....
    • Fr. 1/67 = 0.015
    • All. 1/43 = 0.023
  • Boraginées ......
    • Fr. 1/74 = 0.014
    • All. 1/72 = 0.014
  • Rubiacées .......
    • Fr. 1/73 = 0.014
    • All. 1/70 = 0.014
  • Euphorbiacées* ..
    • Fr. 1/70 = 0.014
    • All. 1/100 = 0.010
  • Joncacées .......
    • Fr. 1/85 = 0.012
    • All. 1/94 = 0.011
  • Ericinées * ......
    • Fr. 1/125 = 0.008
    • All. 1/90 = 0.011
  • Malvacées * .....
    • Fr. 1/140 = 0.007
    • All. 1/230 = 0.004
  • Conifères.......
    • Fr. 1/192 = 0.005
    • All. 1/269 = 0.004
|288| Cette harmonie dans la majeure partie des résultats estd’autant plus frappante que les coefficiens ont été obtenussur des masses de plantes très-inégales. En France, 3645;en Allemagne, seulement 1884 phanérogames ont été em-ployées pour déterminer les rapports partiels des familles.Quoique les deux pays soient limitrophes, il s’en faut debeaucoup que les espèces soient les mêmes. La concor-dance des résultats entre des limites aussi étroites (le plussouvent au-dessous de \( \frac{1}{8} \) de différence) prouve deux faitségalement remarquables: 1° que les 1700 à 1800 espèces dephanérogames qu’a de plus le catalogue de plantes fran-çaises que l’excellent catalogue de M. Schrader employépour l’Allemagne, sont réparties entre les diverses famillesà-peu-près dans les mêmes rapports que l’on observe parmiles plantes communes aux deux pays; 2° que les espècesde légumineuses, de crucifères et d’ombellifères, que l’Al-lemagne paraît avoir exclusivement, se trouvent rempla-cées en France par un nombre à-peu-près égal d’espècesappartenant aux mêmes familles. Par-tout où l’on observedes écarts très-sensibles, on peut les attribuer à la cir-constance que l’Allemagne est plus boréale que la France.Nous savons que les cypéracées et les éricinées augmen-tent si rapidement vers le nord, qu’il y a sous la zone tem-pérée \( \frac{1}{20} \) de cypéracées et \( \frac{1}{100} \) d’éricinées, tandis que, sousla zone glaciale on compte \( \frac{1}{9} \) de cypéracées et \( \frac{1}{25} \) d’éricinées.D’un autre côté, les rapports des orchidées, des malva-cées et des euphorbiacées augmentent avec une égalerapidité vers le sud. En comparant le tableau précédentau tableau des trois zones (torride, tempérée et glaciale),on reconnaît les mêmes lois. J’ai ajouté à ce tableau com-paratif de la France et de l’Allemagne les flèches qui, dans |289| le tableau général, indiquent les directions de l’ac-croissement du pole à l’équateur et de l’équateur au pole.Ce qui est bien remarquable aussi, c’est que les coeffi-ciens des familles ne changent pas beaucoup, si, aulieu d’examiner de vastes contrées, qui ont 2600 à3800 espèces de phanérogames, on restreint ses recher-ches à une étendue de quelques lieues carrées; par exem-ple, à la Flore de Berlin, qui, d’après l’ouvrage deM. Kunth, ne renferme que 900 espèces. Dans cettepetite étendue de terrain, les légumineuses sont \( \frac{1}{19} \); (danstoute la France, \( \frac{1}{16} \); dans toute l’Allemagne, \( \frac{1}{18} \)); les glu-macées, \( \frac{1}{6} \); (en France, \( \frac{1}{7\cdot9} \); en Allemagne, \( \frac{1}{7} \)) de lamasse totale des phanérogames. 5°. De même que le système de climats du nouveaucontinent diffère essentiellement de celui de l’ancienà cause de la répartition inégale de la chaleur entre lesdifférentes parties de l’année, de même aussi le systèmed’agroupement des plantes américaines offre des traitsqui lui sont propres. C’est aux nouvelles recherches del’Arithmétique botanique que l’on doit la connaissance deces contrastes entre les zones tempérées des deux Mondes.J’ai réuni dans le tableau suivant les résultats de la Floreaméricaine de Pursh et de la Flore française de M. deCandolle. J’ai ajouté quelques coefficiens de la régionglaciale européenne, pour prouver combien l’Amériquetempérée présente un caractère boréal dans les cinq fa-milles des éricinées (et des rosages), des conifères, desamentacées, des ombellifères et des labiées.
Composées. Amériq. tempérée. 1/6 France. 1/7
Glumacées............ 1/8....... 1/7,9
|290|
Graminées seules ...... 1/10...... 1/13
Joncacées seules........ 1/152..... 1/85
Cyperacées seules....... 1/40...... 1/27
Crucifères ............. 1/62...... 1/19
Légumineuses ......... 1/19 ...... 1/16
Malvacées ............ 1/125 ..... 1/140
Labiées ............... 1/40 ...... 1/24 Laponie. 1/70
Ericinées et Rosages .... 1/36...... 1/125...... 1/25
Ombellifères........... 1/57...... 1/20....... 1/55
Amentacées ........... 1/25...... 1/50....... 1/21
Conifères ............. 1/103..... 1/200...... 1/160
Les différences qui se manifestent dans ce tableau, entreles deux continens, portent non-seulement sur les cinqdernières familles que l’on pourrait appeler des formesboréales, mais aussi sur les crucifères, les joncacées etles cypéracées, qui sont également rares sous la zone tor-ride et sous la zone tempérée du nouveau continent. 6°. On conçoit que les recherches sur les rapports nu-mériques des familles végétales offriront des résultats beau-coup plus intéressans lorsque les flores des différens paysseront circonscrites entre des limites géographiques plusprécises, et que les botanistes se seront mieux entendussur les principes d’après lesquels on doit distinguer lesvariétés et les espèces. Les catalogues que l’on observe,sous le nom vague de Flore des Etats-Unis de l’Amérique, comprennent des pays situés sous des climats très-différens,depuis 18° à 9° de température moyenne. C’est la diffé-rence des climats qu’il y a, en Europe, entre la Calabreet l’Autriche. Lorsqu’on aura décrit un jour isolément, etavec la même exactitude, la végétation de la Caroline duSud, de la Pensylvanie et de la Nouvelle-Angleterre, ondistinguera un accroissement et un décroissement réguliersdans les rapports numériques des familles du sud au nord.Nous ne connaissons aujourd’hui que la moyenne géné-rale de ces rapports partiels. Beaucoup de contrées nousparaissent plus riches en plantes, parce que les botanistesy élèvent plus légèrement des variétés au rang des espèces. |291| D’un autre côté, les voyageurs négligent souvent les plantesqu’ils croient les mêmes que celles de leur patrie. Maislorsqu’on s’arrête à de grandes divisions, et lorsque lenombre des espèces que l’on compare est assez considé-rable, d’heureuses compensations favorisent ces recher-ches. C’est ainsi que les nouvelles flores, beaucoup pluscomplètes, de l’Amérique et de la Laponie, publiees parMM. Pursh et Wahlenberg, n’ont pas sensiblement altéréles rapports numériques que l’on trouve en s’arrtêant auxanciennes flores de Michaux et de Linné. (Berl. Jahrb.der Gew., B. i, S. 24.) Quelles que soient les rectifica-tions que l’on pourra apporter à mon travail, je suis per-suadé d’avance que plus on réunira d’observations exactes,et plus on verra que dans un même hémisphère, dans unmême système d’agroupement, les variations partiellesdes coefficiens ne se font point par sauts brusques, maisselon des lois invariables. Il se peut que la proportion tro-picale des malvacées soit \( \frac{1}{32} \) ou \( \frac{1}{33} \), au lieu de \( \frac{1}{35} \); mais iln’en est pas moins certain que les légumineuses et les mal-vacées augmentent vers l’équateur, comme les joncacéeset les éricinées augmentent vers le pole. On peut révoqueren doute les quantités des variations, la rapidité de l’ac-croissement, mais non sa direction. 7°. En comparant les coefficiens qui appartiennentaux mêmes familles sous différentes zones, on apprendà connaître, dans la rapidité de l’accroissement, des con-trastes très-marquans. Dans l’ancien continent, les rap-ports des graminées, des légumineuses et des euphor-biacées changent beaucoup moins de la zone tempérée àl’équateur, que de la zone tempérée au pole. 8°. Les savans qui aiment à considérer chaque phéno-mène dans l’isolement le plus absolu, qui regardent lestempératures moyennes des lieux, les lois que l’on ob-serve dans les variations du magnétisme terrestre, dansles rapports entre les naissances et les décès, comme deshypothèses hardies et comme de vagues spéculations théo-riques, dédaigneront peut-être les discussions qui fontl’objet principal de ce Mémoire: ceux, au contraire, quise plaisent à contempler l’enchaînement mutuel des êtres |292| organisés, qui savent que les résultats numériques se rec-tifient par l’accumulation et l’étude soignée des faitsparticuliers, accueilleront un genre de recherches quijettent du jour sur l’économie de la nature, sur la liai-son qu’on remarque entre les climats et la forme des êtres,sur la distribution des plantes et des animaux dans les di-verses régions de notre planète. Ce n’est que par l’exa-men numérique et la comparaison des espèces que l’onpeut se former une juste idée de l’état de la végétation dans un pays donné; de l’influence générale qu’exercela température sur la fréquence de certaines formes, prèsde l’équateur, sous le parallèle moyen et vers le cerclepolaire; des traits caractéristiques qui distinguent, sousdes zones isothermes, les deux systèmes d’agroupementde l’ancien et du nouveau Monde (1).
(1) A l’usage des personnes qui n’ont pas fait une étudespéciale de la botanique descriptive, et qui desirent cependantconnaître les travaux que l’on a tentés dans les diverses bran-ches des sciences naturelles, nous ajouterons ici les noms dequelques plantes très-communes qui caractérisent, pour ainsidire, les tribus ou familles dont il est souvent question dansce Mémoire. Joncacées (joncs); — Cypéracées (souchet, laiche);Graminées (froment, avoine, ivraie); — Composées (chardon, bluet, grand soleil); — Légumineuses ou Papil-lonacées (haricot, vesce, fève, acacia); — Rubiacées (caille-lait, garence); — Euphorbiacées (titimale, ricin); — La-biées (sauge, menthe, ortie blanche); — Malvacées (gui-mauve, coton); — Ombellifères (fenouil, cerfeuil, ca-rotte); — Crucifères (navet, moutarde, giroflée).L’ensemble des plantes qui couvrent le globe est divisé parles botanistes en phanérogames (plantes à fleurs visibles) et Cryptogames ou Agames (fougères, lichens, champi-gnons).
|Tome XVI[]| Tome XVI, pages 293-296.
GROUPESFONDÉS SUR L’ANALOGIE DES FORMES. RAPPORTS A TOUTE LA MASSE DES PHANÉROGAMES. SIGNES indiquant la directionde l’accroissement.
ZONE ÉQUATORIALE;lat. 0° — 10°. ZONE TEMPÉRÉE;lat. 45° — 52°. ZONE GLACIALE;lat. 67° — 70°.
Agames (Fougères, Lichens, Mousses, Champign.) Plaines.............. 1/15Montagnes........... 1/5 1/2 1/1
Fougères seules........................... Pays peu montueux ... 1/20Pays très-montueux. 1/3 à 1/8 1/70 1/25
Monocotylédonées ........................ Ancien continent ...... 1/5Nouveau continent ..... 1/6 1/4 1/3
Glumacées (Joncacées, Cypéracées, Graminées). 1/11 1/8 1/4
Joncacées seules........................... 1/400 1/90 1/25
Cypéracées seules.......................... Ancien continent ..... 1/22Nouveau continent .... 1/50 1/20 1/9
Graminées seules........................... 1/14 1/12 1/10
Composées................................ Ancien continent ..... 1/18Nouveau continent .... 1/12 Ancien continent ... 1/8Nouveau continent.. 1/6 1/13 → ←
Légumineuses............................. 1/10 1/18 1/35
Rubiacées ................................ Ancien continent ..... 1/14Nouveau continent .... 1/25 1/60 1/80
Euphorbiacées ............................ 1/52 1/80 1/500
Labiées .................................. 1/40 Amérique ........ 1/40Europe .......... 1/25 1/70 → ←
Malvacées ............................... 1/35 1/200 0
Éricinées et Rosages ....................... 1/130 Europe .......... 1/100Amérique ....... 1/36 1/25
Amentacées .............................. 1/800 Europe .......... 1/45Amérique ........ 1/25 1/20
Ombellifères ............................. 1/500 1/40 1/60 → ←
Crucifères ............................... 1/800 Europe .......... 1/18Amérique ........ 1/60 1/24 → ←
Explication des signes: ↗ le dénominateur de la fraction diminue de l’équateur vers le pole nord; ↙ le dénominateur diminue du pole nord vers l’équateur;→ ← le dénominateur diminue du pole nord et de l’équateur vers la zone tempérée. (Humboldt.)