MUTIS (Don Josef-Celestino), directeur de l'expedition botanique du royaume de la Nouvelle-Grenade, et astronome royal a Santa-Fe de Bogota, naquit a Cadix, d'une famille aisee, le 6 avril 1732. Il n'a ete connu en Europe que par ses vastes connaissances en botanique (Linne l'appelle Phytologorum americanorum princeps); mais les services qu'il a rendus a toutes les branches de l'histoire naturelle, la decouverte des quinquinas, dans des regions ou l'on en ignorait l'existence, l'influence bienfaisante qu'il a exercee sur la civilisation et le progres des lumieres dans les colonies espagnoles lui assignent un rang distingue parmi les hommes qui ont illustre le Nouveau-Monde. Apres s'etre occupe avec ardeur de l'etude des mathematiques, Mutis fut force, par ses parents, de se livrer a la medecine pratique. Il suivit des cours au college de San-Fernando de Cadix, prit ses grades a Seville, et fut nomme, en 1757, suppleant d'une chaire d'anatomie a Madrid. Pendant un sejour de trois ans dans la capitale de l'Espagne, il montra plus de goaut pour les excursions botaniques que pour la visite des hopitaux; et il eut le rare bonheur de se faire connaeitre au celebre naturaliste d'Upsal , qui desirait posseder dans ses herbiers les plantes de la peninsule. Cette correspondance de Mutis avec Linne devint d'autant plus importante pour les sciences, que le vice-roi, don Pedro Mesia de La Cerda, l'engagea, en 1750, a le suivre, en qualite de medecin, en Amerique. Notre jeune botaniste avait ete nomme par le ministere parmi les personnes destinees a terminer leurs etudes a Paris, a Leyde et a Bologne; mais il n'hesita pas de sacrifier l'espoir de visiter les plus celebres universites de l'Europe aux avantages d'une expedition lointaine. -- Arrive a la Nouvelle-Grenade, il fut vivement frappe des richesses naturelles d'un pays dans lequel les climats se succedent, comme par etages, les uns au-dessus des autres. Apres avoir sejourne long-temps a Carthagene des Indes, a Turbaco et a Honda (embarcadere principal du Rio-Magdalena), Mutis suivit le vice-roi dans son voyage a Santa-Fe de Bogota, situe sur un plateau qui a 1365 toises de hauteur au-dessus du niveau de l'Ocean, et dont la temperature est semblable a celle de Bordeaux. Il traversa, entre Honda et Santa-Fe, des forets qui renferment de precieuses especes de cinchona (quinquina); mais, jusqu'en 1772, il ne reconnut pas cette utile production. Nomme professeur de mathematiques dans le Colegio mayor de Nuestra-Sennora del Rosario, il repandit a Santa-Fe les premieres notions du vrai systeme planetaire. Les Dominicains ne virent pas sans inquietude que "les heresies de Copernic," deja professees par Bouguer, Godin et La Condamine, a Quito, penetrassent dans la Nouvelle-Grenade; mais le vice-roi protegea Mutis contre les moines, qui voulaient que la terre demeurat immobile. Ceux ci s'accoutumerent peua-peu a ce qu'ils appellent encore "les hypotheses de la nouvelle philosophie." Mutis, anime du desir d'examiner les plantes de la region chaude, et de visiter les mines argentiferes de la Nouvelle-Grenade, quitta le plateau de Santa-Fe. Il fit un long sejour, d'abord a la Montuosa, entre Giron et Pamplona, puis (de 1777 a 1782) au Real-del-Sapo et a Mariquita, situes au pied des Andes de Quindio, et du Paramo de Herveo. C'est a la Montuosa qu'il commenca la grande Flore de la Nouvelle-Grenade, ouvrage botanique auquel il travailla sans relache pendant quarante ans, et qui, nous devons le craindre, ne sera peut-etre jamais publie en entier. Linne, dans le Supplement du Species plantarum, et dans son Mantissa, a signale un grand nombre d'especes rares, que Mutis lui avait envoyees de la Montuosa; mais, par une erreur bizarre et funeste pour la geographie des plantes, il les a indiquees comme venant du Mexique. Le peu d'argent que notre voyageur gagnait par la pratique de son art, quelquefois dans l'exploitation des mines, il l'employait a se former une bibliotheque botanique, a se procurer des barometres, des instruments de geodesie, et des lunettes pour observer les occultations des satellites de Jupiter. Il s'associa des peintres qui dessinaient les plantes les plus curieuses, et qui peignaient a l'huile, le plus souvent de grandeur naturelle, les animaux indigenes. L'auteur de cet article a vu une partie de cette precieuse collection, formee avant que Mutis deveint l'objet de la munificence de son souverain. C'est aussi pendant le sejour au Real-del-Sapo (1786), qu'il fit la decouverte importante d'une mine de mercure, pres d'Ibague-Viejo, entre le Nevado de Tolima et le Rio-Saldanna. Tant de travaux utiles trouverent enfin d'honorables encouragements. La cour de Madrid, d'apres la demande du viceroi-archeveque don Antonio Caballero y Gongora, resolut, en 1782, de fonder, d'abord a Mariquita, puis (1790) a Santa-Fe de Bogota, un grand etablissement d'histoire naturelle, sous le nom d'Expedicion real botanica, a la tete duquel on placa don Celestino Mutis. Un vaste edifice de la capitale fut destine a cet etablissement. Il renfermait les herbiers, l'ecole de dessin, et la bibliotheque, une des plus belles et des plus riches que l'on ait jamais consacrees, dans aucune partie de l'Europe, a une seule branche d'histoire naturelle. Mutis avait embrasse l'etat ecclesiastique, des l'annee 1772: il fut nomme chanoine de l'eglise metropolitaine de Santa-Fe, et confesseur d'un couvent de religieuses. Zele dans l'exercice des devoirs qu'il s'etait imposes, il ne put faire des excursions que dans la proximite de la capitale; mais il envoya les peintres attaches a son Expedition, dans les regions chaudes et temperees qui environnent le plateau de Bogota. Des artistes espagnols, dont il avait perfectionne les talents par ses conseils, formerent, en peu d'annees, une ecole de jeunes dessinateurs indigenes. Les Indiens, les metis, et les naturels de races melees, montrerent des dispositions extraordinaires, pour imiter la forme et la couleur des vegetaux. Les dessins de la Flore de Bogota etaient faits sur du papier grand-aigle; on choisissait les branches les plus chargees de fleurs. L'analyse ou l'anatomie des parties de la fructification etait ajoutee au bas du dessin. Generalement chaque plante etait representee sur trois ou quatre grandes feuilles, a-la-fois en couleur et en noir. Les couleurs etaient tirees en partie de matieres colorantes indigenes et inconnues en Europe. Jamais collection de dessins n'a ete faite avec plus de luxe, on pourrait dire sur une echelle plus grande. Mutis avait pris pour modeles les ouvrages de botanique les plus admires de son temps, ceux de Jacquin, de L'Heritier, et de l'abbe Cavanilles. L'aspect de la vegetation, la physionomie des plantes, etaient rendus avec la plus grande fidelite: les botanistes modernes qui etudient les affinites des vegetaux d'apres l'insertion et l'adherence des organes, auraient peutetre desire une analyse plus detaillee des fruits et des graines. Lorsque MM. de Humboldt et Bonpland sejournerent a Santa-Fe de Bogota, dans l'annee 1801, et qu'ils jouirent de la noble hospitalite de Mutis, celui-ci evaluait le nombre des dessins deja termines a 2000, parmi lesquels on admirait 43 especes de passiflores, et 120 especes d'orchidees. Ces voyageurs etaient d'autant plus surpris de la richesse des collections botaniques (formees par Mutis, par ses dignes eleves, MM. Valenzuela, Zea et Caldas, par ses peintres les plus habiles, MM. Rizo et Mathis), que les plus fertiles contrees de la Nouvelle-Grenade, les plaines de Tolu et de San-Benito Abad, les Andes de Quindio, les provinces de Sainte-Marthe, d'Antioquia et du Choco, n'avaient, a cette epoque, encore ete parcourues par aucun botaniste. Plus la masse des materiaux reunis par son zele infatigable, etait grande, plus ce savant trouvait de difficultes a publier les fruits de ses travaux. Il avait fait multiplier les dessins de la Flore de Bogota (ou comme l'on dit aujourd'hui, de Cundinamarca), pour en envoyer un exemplaire en Espagne, et en conserver d'autres a Santa-Fe. Mais comment esperer que les savants pussent jouir de cet immense ouvrage, quand la Flora Peruviana et Chilensis, de Ruiz et Pavon (V. Dombey, XI, 506), malgre les secours pecuniaires du gouvernement et des colonies, n'avancait qu'avec une extreme lenteur? Mutis etait trop attache aux etablissements qu'il avait fondes, il aimait trop un pays qui etait devenu sa seconde patrie, pour entreprendre, a l'age de 76 ans, le retour en Europe . Il continua, jusqu'a sa mort, a accumuler des materiaux pour son travail, sans s'arreter a un projet fixe sur le mode de publication. Accoutume a vaincre des obstacles qui paraissaient insurmontables, il se livrait avec plaisir a l'idee d'etablir un jour une imprimerie dans sa maison, et d'enseigner a graver a ces memes indigenes qui avaient appris a peindre avec tant de succes. Malgre son grand age, il entreprit, en 1802, au milieu de son jardin, la construction d'un observatoire. C'est une tour octogone de soixantedouze pieds d'elevation, qui renfermait, en 1808, un gnomon de trentesept pieds, un quart-de-cercle de Sisson, la pendule de Graham que La Condamine avait laissee a Quito, deux chronometres d'Emery, et des lunettes de Dollond. -- Mutis eut le bonheur de ne pas voir le commencement des sanglantes revolutions qui ont desole ces belles contrees. La mort l'enleva le 11 septembre 1808, au moment ou il jouissait de tout le bonheur que peuvent repandre, sur une vie laborieuse et utile, la consideration des hommes de bien, la gloire litteraire, et la certitude d'avoir contribue, dans le Nouveau-Monde, par son instruction, par son exemple et par la pratique de toutes les vertus, a l'amelioration de l'etat social. -- Nous venons de donner un apercu succinct de la vie de Mutis. Nous allons indiquer sommairement ses travaux, qui embrassent presque toutes les branches des sciences naturelles. Il n'existe de lui qu'un petit nombre de Dissertations imprimees dans les Memoires de l'academie royale de Stockholm (pour l'annee 1769), et dans un excellent journal publie a Santa-Fe, en 1794, sous le titre de Papel periodico. Mais le Supplement de Linne, les ouvrages de l'abbe Cavanilles et de M. de Humboldt, le Semanario del Nuevo-Reino de Granada, redige par M. Caldas, en 1808 et 1809, ont fait connaeitre une partie de ses observations. Nous ignorons l'etat des manuscrits que cet homme celebre avait recommandes aux soins de ses amis et de ses plus proches parents. M. Caldas, le directeur de l'observatoire de Santa- Fe, et l'eleve cheri de Mutis, don Salvador Rizo, premier peintre de l'Expedition botanique, et la plupart des citoyens distingues par leurs connaissances et leurs talents, ont ete mis a mort pendant la funeste reaction du parti de la metropole. La precieuse collection des dessins a ete envoyee en Espagne ou se trouvent deja les materiaux inedits de la Flore du Perou et du Mexique. Esperons que, quand les agitations politiques auront cesse dans la peninsule et dans les colonies, les travaux de Mutis ne resteront pas voues a l'oubli comme ceux de Sesse et de Mocinno. -- Ce sont les communications que Mutis avait faites a Linne, qui l'ont rendu celebre en Europe, long-temps avant qu'on eaut connaissance des ouvrages qu'il preparait. Beaucoup de genres (Alstonia, Vallea, Bainadesia, Escallonia, Manettia, Acaena, Brathys, Myroxylum, Befaria, Telipogon, Brabejum, Gomozia, et tant d'autres, publies dans le Supplement de Linne), sont dus a la sagacite du botaniste de Santa-Fe. En parlant du genre Mutisia, Linne ajoute: Nomen immortale quod nulla aetas unquam delebit. C'est Mutis qui a fait connaeitre, le premier, les veritables caracteres du genre Cinchona. Comme ce travail est devenu tres-important, nous allons rappeler ce que l'on savait avant cette epoque sur les quinquinas du Nouveau-Monde. La Condamine et Joseph de Jussieu avaient examine, en 1738, les arbres qui, dans les forets de Loxa, donnent l'ecorce febrifuge. Le premier a publie la description et le dessin du quinquina du Perou, dans les Memoires de l'academie: c'est l'espece que MM. de Humboldt et Bonpland ont fait connaeitre sous le nom de Cinchona condaminea, et que les botanistes ont confondue long-temps avec plusieurs autres, sous le nom vague de Cinchona officinalis. Ce Cinchona condaminea (appele aussi Cascarilia fina de Loxa, de Caxanuma et d'Uritusinga), est l'espece la plus rare, la plus precieuse, et vraisemblablement la plus anciennement employee. Il n'en est exporte tous les ans, par Guayaquil, port de la mer du Sud, que 100 quintaux d'ecorces. L'exportation de l'Amerique entiere (en differentes especes de quinquina) est annuellement de 14,000 quintaux. Linne avait forme, en 1742, son genre Cinchona, dont le nom devait rappeler celui d'une vice-reine du Perou (V. Cinchon, VIII, 564). Il n'avait pu fonder ce genre que sur la description imparfaite de La Condamine. En 1753, un intendant de la monnaie de Santa- Fe de Bogota (don Miguel de Santestevan), visita les forets de Loxa, et decouvrit les arbres de quinquina (entre Quito et Popayan), dans plusieurs endroits, surtout pres du Pueblo de Guanacas, et du Sitio de los Corales. Il communiqua des echantillons de cinchona a Mutis. C'est sur ces echantillons que celuici fit la premiere description exacte du genre. Il se hata d'envoyer a Linne la fleur et le fruit du quinquina jaune (Cinchona cordifolia); mais le grand naturaliste d'Upsal, en publiant les observations de Mutis (Syst. nat. ed. 12, pag. 164), confondit le quinquina jaune avec celui qu'avait decrit La Condamine. Jusqu'a cette epoque, l'Europe ne recevait l'ecorce febrifuge du quinquina que par les ports de la mer du Sud. On ne connaissait point encore au nord du parallele de 2° 1/2 de latitude boreale, l'arbre qui donne cette production precieuse. En 1772, Mutis reconnut le quinquina, a six lieues de Santa-Fe de Bogota, dans le Monte de Tena. Cette decouverte importante fut bientot (1773) suivie de celle du meme vegetal dans le chemin de Honda a Villeta et a la Mesa de Chinga. Nous sommes entres dans quelques details sur cet objet, parce que le quinquina de la Nouvelle-Grenade, exporte par Carthagene des Indes, et consequemment par un port de la mer des Antilles rapproche de l'Europe, a eu l'influence la plus bienfaisante sur l'industrie coloniale et sur la diminution du prix des ecorces febrifuges dans les marches de l'Ancien-Monde. Mutis a eu raison de mettre une grande importance a cette decouverte, pour laquelle il n'a jamais ete recompense par son gouvernement. Un habitant de Panama, don Sebastien-Jose-Lopez Ruiz, qui avoue lui-meme, dans ses Informes al Rey, n'avoir connu les quinquinas de Honda qu'en 1774, a passe longtemps pour le veritable descubridor de las cascarillas de Santa-Fe. Il a joui, a ce titre, d'une pension de 10,000 fr., jusqu'a ce qu'en 1775, le vice-roi de Gongora eaut demontre a la cour la priorite des droits de Mutis. Vers la meme epoque (1776), don Francisco Renjifo trouva le quinquina dans l'hemisphere austral, sur le dos des Andes peruviennes de Guanuco. Aujourd'hui, on le connaeit tout le long des Cordillieres , entre 700 et 1500 toises de hauteur, sur une etendue de plus de 600 lieues, depuis le Paz et Chuquisaca, jusqu'aux montagnes de Sainte-Marthe et de Merida. Mutis a le merite d'avoir distingue, le premier, les differentes especes de Cinchona, dont les unes a corolles velues, sont beaucoup plus actives que les autres a corolles glabres. Il a prouve qu'on ne doit pas employer indistinctement les especes actives, dont les proprietes medicales varient avec la forme et la structure organique. La Quinologia de Mutis, qui va etre publiee par M. Lagasca, a Madrid, et dont une partie seulement a ete inseree dans le Papel periodico de Santa-Fe de Bogota, fevrier 1794, renferme l'ensemble de ces recherches medicales et botaniques. Cet ouvrage a fait connaeitre aussi une preparation de quinquina fermente, qui est celebre a Santa-Fe, a Quito et a Lima, sous le nom de biere (Cerveza) de Quina . -- Parmi les plantes utiles dans la medecine et le commerce, que Mutis a decrites le premier, il faut compter le Psychotria emetica ou Ipecacuanha (Raizilla) du Rio-Magdalena; le Toluifera, et le Myroxylum, qui donnent les baumes de Tolu et du Perou, la Wintera grenadensis, voisin de la Canella alba de nos pharmacies, et l'Alstonia theaeformis, qui fournit le the de Santa-Fe, dont l'infusion ne saurait etre assez recommandee aux voyageurs qui restent long-temps exposes aux pluies des tropiques. A Mariquita, sous un climat delicieux et tempere, Mutis a forme une petite plantation de quinquina, de ces canelliers (Laurus cinnamomoides), qui abondent dans les missions des Andaquies, et de noix de muscades indigenes (Myristica Otoba). Le nom de ce botaniste celebre se rattache aussi a une decouverte qui a beaucoup occupe les esprits en Amerique. On savait que les Indiens et les Negres qui travaillent dans les lavages d'or et de platine de la province du Choco, possedent ce qu'ils appellent le secret d'une plante qui est l'antidote le plus puissant contre la piqaure des serpents venimeux. Mutis est parvenu a decouvrir ce mystere, et a faire connaeitre cette plante: elle est de la famille des composees, et connue dans le pays sous le nom de Vejuco del Guaco. MM. de Humboldt et Bonpland l'ont figuree les premiers (V. la Mikania Guaco, dans les Plantae aequinoctiales, t. 11, p. 85, pl. 105). La plante a une odeur nauseabonde, qui paraeit affecter les organes de l'odorat des viperes: l'odeur du Guaco se mele sans doute a la transpiration cutanee de l'homme. On se croit garanti du danger de la morsure des serpents, pendant un temps plus ou moins long, lorsqu'on s'est curado, c'est-a-dire, introduit (inocule) dans le systeme dermoide, le suc du Guaco. Des experiences hardies, faites dans la maison de Mutis par MM. Zea, Vargas et Mathis, et pendant lesquelles on les a vus manier impunement les viperes les plus venimeuses, sont decrites dans le Semanario de agricultura de Madrid, 1798, tom. iv, p. 397. Comme on a decouvert le Guaco dans plusieurs vallees chaudes des Andes, depuis le Perou jusqu'a Carthagene des Indes et aux montagnes de Varinas, un grand nombre de personnes doivent leur guerison a cette belle decouverte de Mutis. Il est a regretter que cette plante, qu'on a souvent confondue avec l'Ayapana, perde sa vertu, lorsque les feuilles et les tiges sont conservees dans l'alcohol. Le Guaco ne se trouve pas dans tous les endroits ou abondent les serpents venimeux. -- Nous ne connaissons que tres-peu les travaux de zoologie et de physique de Mutis; mais nous savons qu'il avait etudie longtemps les moeurs des fourmis, et de ces termites qui, en Amerique comme au Senegal, construisent des tertres de 5 a 6 pieds de hauteur. Il a fait peindre avec une grande fidelite beaucoup d'especes de mammiferes, d'oiseaux et de poissons de la Nouvelle-Grenade. Il a decrit, d'apres la methode Linneenne, dans les Memoires de l'academie de Stockholm, dont il etait membre, une nouvelle espece de putois (Viverra mapurito). -- Les manuscrits de Mutis renferment aussi un grand nombre d'observations precieuses sur les marees atmospheriques qui se manifestent sous les tropiques, mieux encore que sous les climats temperes, par les variations horaires du barometre. Cet instrument monte et baisse quatre fois en vingt-quatre heures sous la zone torride, avec une telle regularite, au niveau de la mer, comme sur les plateaux les plus eleves, que l'on peut, presque a un quart-d'heure pres, savoir l'heure qu'il est par la seule inspection de la colonne de mercure. Il paraeit que cette observation curieuse, qui a tant occupe les physiciens, et dont La Condamine (Voyage a l'equateur, pag. 50), attribue si faussement la decouverte a Godin, avait deja ete faite a Surinam, en 1722 (Journal litteraire de la Haye, pour l'annee 1722, pag. 234). Le pere Bondier (1742) s'en etait occupe a Chandernagor; Godin (1737) a Quito; Thibault de Chanvalon (1751), a la Martinique; Lamanon, en 1786, dans la mer du Sud. Mutis assure avoir trouve que la Lune exerce une influence sensible sur la periode et l'etendue des variations horaires (Caldas, dans le Semanario del Nuevo Reino de Grenada, tom. 1er., pag. 55 et 361, n°. 3). -- L'homme qui a deploye une si etonnante activite, pendant quarante-huit ans de travaux dans le Nouveau-Monde, etait doue, par la nature, de la constitution physique la plus heureuse. Il etait d'une stature elevee: il avait de la noblesse dans les traits, de la gravite dans le maintien, de l'aisance et de la politesse dans les manieres. Sa conversation etait aussi variee que les objets de ses etudes. S'il parlait souvent avec chaleur, il aimait a pratiquer aussi cet art d'ecouter, auquel Fontenelle attachait tant de prix, et que deja il trouvait si rare de son temps. Quoique fort occupe d'une science qui rend necessaire l'etude la plus minutieuse de l'organisation, Mutis ne perdait jamais de vue les grands problemes de la physique du monde. Il avait parcouru les Cordillieres, le barometre a la main: il avait determine la temperature moyenne de ces plateaux qui forment comme des eilots au milieu de l'Ocean aerien. Il avait ete frappe de l'aspect de la vegetation, qui varie a mesure que l'on descend dans les vallees, ou que l'on gravit vers les sommets glaces des Andes. Toutes les questions qui ont rapport a la geographie des plantes, l'interessaient vivement; et il avait cherche a connaeitre les limites plus ou moins etroites entre lesquelles se trouvent renfermees, sur la pente des montagnes, les differentes especes de Cinchona. Ce goaut pour les sciences physiques, cette curiosite active qui se porte sur l'explication des phenomenes de l'organisation et de la meteorologie, s'est maintenu en lui jusqu'au dernier moment de sa vie. Rien ne prouve plus la superiorite de son talent, que l'enthousiasme avec lequel il recevait la nouvelle d'une decouverte importante. Il n'avait pas vu de laboratoire de chimie depuis 1760; et cependant la lecture assidue des ouvrages de Lavoisier, de Guyton-Morveau et de Fourcroy, lui avait donne des connaissances tres-precises sur l'etat de la chimie moderne. -- Mutis accueillait avec bonte les jeunes gens qui montraient des dispositions pour l'etude; il leur fournissait des livres et des instruments: il en fit voyager plusieurs a ses frais. Apres avoir parle de sa liberalite et des sacrifices qu'il faisait journellement pour les sciences, il est inutile de vanter son desinteressement. Il a joui long-temps de la confiance des vice-rois, qui exercaient un pouvoir presque illimite dans ces contrees; mais il ne s'est servi de son credit que pour etre utile aux sciences, pour faire connaeitre le merite qui aime a se cacher, pour plaider avec courage la cause de l'infortune. Il n'ambitionnait d'autres succes que de faire triompher la verite et la justice. Il remplissait avec zele, on pourrait dire avec une ferveur austere, les devoirs que lui imposait l'etat qu'il avait embrasse; mais sa piete ne cherchait point le vain eclat de la renommee: elle etait douce, comme elle l'est toujours lorsqu'elle se trouve unie a la sensibilite du coeur et a l'elevation dans le caractere. H-dt. Chalmers, qui a consacre un article a Mutis, dans son Biographical dictionary, se trompe evidemment en disant que ce botaniste vint a Paris, en 1797, y demeura jusqu'en 1801, et qu'il etait, en 1804, professeur de botanique, et directeur du jardin botanique de Madrid. Il l'a vraisemblablement confondu avec un neveu de Don Celestino Mutis, qui a passe quelque temps a Paris; et avec M. Zea, eleve de Mutis, qui etait alors demonstrateur du jardin botanique de Madrid. Z. On mele 32 livres de sucre, trois quarts de livre de quinquina en poudre (surtout le quinquina blanc, Cinchona ovalifolia), et 15 bouteilles d'eau: dans l'espace de 20 jours, on obtient (la temperature de l'atmosphere etant de 15°), une boisson fermentee d'un goaut agreable, spiritueuse, meme un peu enivrante, et tres-utile aux convalescents de fievres tierces. Cette biere de quinquina se conserve pendant 4 a 5 mois, et Mutis la convertit en un vinaigre de quinquina, en laissant continuer la fermentation a l'air libre, et en ajoutant des tranches de bananes. Ce vinaigre de quina a ete reconnu tresutile dans des navigations de long cours. Les proprietes medicales de ces boissons prophylactiques, qu'on n'a point encore imitees en Europe, prouvent que la fermentation n'a pas dissous la matiere vegetale en ces derniers elements. MUTIUS, architecte romain, acheva, par l'ordre de Marius, d'embellir, par les plus riches ornements de l'architecture, le temple de l'Honneur et de la Vertu, bati par Marcellus. Cet edifice etait en pierre; et si le marbre eaut fait ressortir la beaute du travail et des ornements, on eaut pu le mettre au nombre des temples les plus magnifiques de l'antiquite. Il existe des medailles d'argent, qu'on croit avoir ete frappees en l'honneur de cet architecte; on y voit les initiales no. et virt., et dans l'exergue, cet autre mot cordi... Or, le surnom de Cordus etait particulier a l'une des branches de la famille Mutia, dont descendait aussi le triumvir monetaire Cordus. L--s--e.