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Alexander von Humboldt: „Mutis (Don Josef-Celestino)“, in: ders., Sämtliche Schriften digital, herausgegeben von Oliver Lubrich und Thomas Nehrlich, Universität Bern 2021. URL: <https://humboldt.unibe.ch/text/1821-Mutis_Don_Josef-1> [abgerufen am 11.09.2024].

URL und Versionierung
Permalink:
https://humboldt.unibe.ch/text/1821-Mutis_Don_Josef-1
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Titel Mutis (Don Josef-Celestino)
Jahr 1821
Ort Paris
Nachweis
in: Biographie universelle, ancienne et moderne, ou histoire, par ordre alphabétique, de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes, 85 Bände, Paris: L. G. Michaud 1811–1862, Band 30 (1821), S. 499–506.
Sprache Französisch
Deutsche Übersetzung dieses Textes
Typografischer Befund Antiqua; Spaltensatz; Auszeichnung: Kursivierung, Kapitälchen; Fußnoten mit Ziffern.
Identifikation
Textnummer Druckausgabe: IV.12
Dateiname: 1821-Mutis_Don_Josef-1
Statistiken
Seitenanzahl: 8
Spaltenanzahl: 16
Zeichenanzahl: 25631

Weitere Fassungen
Mutis (Don Josef-Celestino) (Paris, 1821, Französisch)
Memoir of Don Jose Celestino Mutis (London, 1843, Englisch)
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MUTIS (Don Josef-Celestino),

directeur de l’expédition botaniquedu royaume de la Nouvelle-Grenade,et astronome royal à Santa-Fé deBogota, naquit à Cadix, d’une fa-mille aisée, le 6 avril 1732. Il n’aété connu en Europe que par sesvastes connaissances en botanique(Linné l’appelle Phytologorum ame-ricanorum princeps); mais les ser-vices qu’il a rendus à toutes les bran-ches de l’histoire naturelle, la dé-couverte des quinquinas, dans desrégions où l’on en ignorait l’exis-tence, l’influence bienfaisante qu’ila exercée sur la civilisation et leprogrès des lumières dans les colo-nies espagnoles lui assignent un rangdistingué parmi les hommes qui ontillustré le Nouveau-Monde. Aprèss’être occupé avec ardeur de l’étudedes mathématiques, Mutis fut forcé,par ses parents, de se livrer à la mé-decine pratique. Il suivit des cours aucollége de San-Fernando de Cadix,prit ses grades à Séville, et fut nom-mé, en 1757, suppléant d’une chaired’anatomie à Madrid. Pendant unséjour de trois ans dans la capitalede l’Espagne, il montra plus de goûtpour les excursions botaniques quepour la visite des hôpitaux; et il eutle rare bonheur de se faire connaître |Spaltenumbruch| au célèbre naturaliste d’Upsal , quidesirait posséder dans ses herbiersles plantes de la péninsule. Cette cor-respondance de Mutis avec Linné de-vint d’autant plus importante pourles sciences, que le vice-roi, don Pedro Mesia de La Cerda, l’engagea,en 1750, à le suivre, en qualité demédecin, en Amérique. Notre jeunebotaniste avait été nommé par leministère parmi les personnes des-tinées à terminer leurs études à Pa-ris, à Leyde et à Bologne; maisil n’hésita pas de sacrifier l’espoirde visiter les plus célèbres univer-sités de l’Europe aux avantages d’uneexpédition lointaine. — Arrivé àla Nouvelle-Grenade, il fut vive-ment frappé des richesses naturellesd’un pays dans lequel les climatsse succèdent, comme par étages, lesuns au-dessus des autres. Après avoirséjourné long-temps à Carthagène des Indes, à Turbaco et à Honda (em-barcadère principal du Rio-Magda-lena), Mutis suivit le vice-roi dansson voyage à Santa-Fé de Bogota,situé sur un plateau qui a 1365 toi-ses de hauteur au-dessus du niveaude l’Océan, et dont la températureest semblable à celle de Bordeaux. Iltraversa, entre Honda et Santa-Fé,des forêts qui renferment de précieu-ses espèces de cinchona (quinquina);mais, jusqu’en 1772, il ne reconnutpas cette utile production. Nomméprofesseur de mathématiques dans leColegio mayor de Nuestra-Señora delRosario, il répandit à Santa-Fé lespremières notions du vrai systèmeplanétaire. Les Dominicains ne virentpas sans inquiétude que «les hérésies«de Copernic,» déjà professées par Bouguer, Godin et La Condamine, à Quito, pénétrassent dans la Nou-velle-Grenade; mais le vice-roi pro-tégea Mutis contre les moines, qui |500| |Spaltenumbruch| voulaient que la terre demeurât im-mobile. Ceux ci s’accoutumèrent peu-à-peu à ce qu’ils appellent encore «les«hypothèses de la nouvelle philo-«sophie.» Mutis, animé du desird’examiner les plantes de la régionchaude, et de visiter les mines argen-tifères de la Nouvelle-Grenade, quittale plateau de Santa-Fé. Il fit un longséjour, d’abord à la Montuosa, entre Giron et Pamplona, puis (de 1777 à1782) au Réal-del-Sapo et à Mariqui-ta, situés au pied des Andes de Quin-dio, et du Paramo de Herveo. C’està la Montuosa qu’il commença lagrande Flore de la Nouvelle-Grenade,ouvrage botanique auquel il travaillasans relâche pendant quarante ans,et qui, nous devons le craindre, nesera peut-être jamais publié en en-tier. Linné, dans le Supplément du Species plantarum, et dans son Man-tissa, a signalé un grand nombre d’es-pèces rares, que Mutis lui avait en-voyées de la Montuosa; mais, par uneerreur bizarre et funeste pour la géo-graphie des plantes, il les a indiquéescomme venant du Mexique. Le peud’argent que notre voyageur gagnaitpar la pratique de son art, quelque-fois dans l’exploitation des mines,il l’employait à se former une biblio-thèque botanique, à se procurer desbaromètres, des instruments de géo-désie, et des lunettes pour observerles occultations des satellites de Ju-piter. Il s’associa des peintres quidessinaient les plantes les plus cu-rieuses, et qui peignaient à l’huile,le plus souvent de grandeur naturelle,les animaux indigènes. L’auteur decet article a vu une partie de cetteprécieuse collection, formée avantque Mutis devînt l’objet de la muni-ficence de son souverain. C’est aussipendant le séjour au Réal-del-Sapo (1786), qu’il fit la découverte im- |Spaltenumbruch| portante d’une mine de mercure,près d’Ibaguè-Viejo, entre le Ne-vado de Tolima et le Rio-Saldaña.Tant de travaux utiles trouvèrentenfin d’honorables encouragements.La cour de Madrid, d’après la de-mande du viceroi-archevêque don Antonio Caballero y Gongora, réso-lut, en 1782, de fonder, d’abord à Mariquita, puis (1790) à Santa-Féde Bogota, un grand établissementd’histoire naturelle, sous le nomd’Expedicion real botanica, à latête duquel on plaça don CelestinoMutis. Un vaste édifice de la capitalefut destiné à cet établissement. Ilrenfermait les herbiers, l’école dedessin, et la bibliothèque, une desplus belles et des plus riches que l’onait jamais consacrées, dans aucunepartie de l’Europe, à une seule bran-che d’histoire naturelle. Mutis avaitembrassé l’état ecclésiastique, dèsl’année 1772: il fut nommé cha-noine de l’église métropolitaine de Santa-Fé, et confesseur d’un couventde religieuses. Zélé dans l’exercicedes devoirs qu’il s’était imposés, ilne put faire des excursions que dansla proximité de la capitale; mais ilenvoya les peintres attachés à son Expédition, dans les régions chau-des et tempérées qui environnent leplateau de Bogota. Des artistes es-pagnols, dont il avait perfectionnéles talents par ses conseils, formè-rent, en peu d’années, une école dejeunes dessinateurs indigènes. LesIndiens, les métis, et les naturelsde races mêlées, montrèrent des dis-positions extraordinaires, pour imi-ter la forme et la couleur des végé-taux. Les dessins de la Flore de Bogota étaient faits sur du papiergrand-aigle; on choisissait les bran-ches les plus chargées de fleurs. L’a-nalyse ou l’anatomie des parties de |501| |Spaltenumbruch| la fructification était ajoutée au basdu dessin. Généralement chaque plan-te était représentée sur trois ou qua-tre grandes feuilles, à-la-fois encouleur et en noir. Les couleursétaient tirées en partie de matièrescolorantes indigènes et inconnues en Europe. Jamais collection de dessinsn’a été faite avec plus de luxe, onpourrait dire sur une échelle plusgrande. Mutis avait pris pour modè-les les ouvrages de botanique lesplus admirés de son temps, ceuxde Jacquin, de L’Héritier, et del’abbé Cavanilles. L’aspect de la vé-gétation, la physionomie des plan-tes, étaient rendus avec la plus gran-de fidélité: les botanistes modernesqui étudient les affinités des végé-taux d’après l’insertion et l’adhé-rence des organes, auraient peut-être desiré une analyse plus détailléedes fruits et des graines. LorsqueMM. de Humboldt et Bonpland sé-journèrent à Santa-Fé de Bogota,dans l’année 1801, et qu’ils jouirentde la noble hospitalité de Mutis,celui-ci évaluait le nombre des des-sins déja terminés a 2000, parmilesquels on admirait 43 espèces depassiflores, et 120 espèces d’orchi-dées. Ces voyageurs étaient d’autantplus surpris de la richesse des col-lections botaniques (formées par Mutis, par ses dignes élèves, MM. Valenzuela, Zea et Caldas, par sespeintres les plus habiles, MM. Rizo et Mathis), que les plus fertiles con-trées de la Nouvelle-Grenade, lesplaines de Tolu et de San-BenitoAbad, les Andes de Quindio, lesprovinces de Sainte-Marthe, d’An-tioquia et du Choco, n’avaient, àcette époque, encore été parcouruespar aucun botaniste. Plus la massedes matériaux réunis par son zèleinfatigable, était grande, plus ce |Spaltenumbruch| savant trouvait de difficultés à pu-blier les fruits de ses travaux. Ilavait fait multiplier les dessins dela Flore de Bogota (ou comme l’ondit aujourd’hui, de Cundinamarca),pour en envoyer un exemplaire en Espagne, et en conserver d’autres à Santa-Fé. Mais comment espérerque les savants pussent jouir de cetimmense ouvrage, quand la FloraPeruviana et Chilensis, de Ruiz et Pavon (V. Dombey, XI, 506),malgré les secours pécuniaires dugouvernement et des colonies, n’a-vançait qu’avec une extrême lenteur? Mutis était trop attaché aux établis-sements qu’il avait fondés, il aimaittrop un pays qui était devenu sa se-conde patrie, pour entreprendre, àl’âge de 76 ans, le retour en Europe (1). Il continua, jusqu’à sa mort, àaccumuler des matériaux pour sontravail, sans s’arrêter à un projetfixe sur le mode de publication. Ac-coutumé à vaincre des obstacles quiparaissaient insurmontables, il selivrait avec plaisir à l’idée d’établirun jour une imprimerie dans samaison, et d’enseigner à graver àces mêmes indigènes qui avaient ap-pris à peindre avec tant de succès.Malgré son grand âge, il entreprit,en 1802, au milieu de son jardin,la construction d’un observatoire.C’est une tour octogone de soixante-douze pieds d’élévation, qui renfer-mait, en 1808, un gnomon de trente-sept pieds, un quart-de-cercle de Sisson, la pendule de Graham que
(1) Chalmers, qui a consacré un article à Mutis,dans son Biographical dictionary, se trompe évi-demment en disant que ce botaniste vint à Paris, en1797, y demeura jusqu’en 1801, et qu’il etait, en1804, professeur de botanique, et directeur du jardinbotanique de Madrid. Il l’a vraisemblablement con-fondu avec un neveu de Don Celestino Mutis, qui apassé quelque temps à Paris; et avec M. Zea, élèvede Mutis, qui était alors démonstrateur du jardinbotanique de Madrid. Z.
|502| |Spaltenumbruch| La Condamine avait laissée à Quito,deux chronomètres d’Emery, et deslunettes de Dollond. — Mutis eutle bonheur de ne pas voir le com-mencement des sanglantes révolu-tions qui ont désolé ces belles con-trées. La mort l’enleva le 11 sep-tembre 1808, au moment où il jouis-sait de tout le bonheur que peuventrépandre, sur une vie laborieuse etutile, la considération des hommesde bien, la gloire littéraire, et lacertitude d’avoir contribué, dans le Nouveau-Monde, par son instruc-tion, par son exemple et par la pra-tique de toutes les vertus, à l’amé-lioration de l’état social. — Nous ve-nons de donner un aperçu succinctde la vie de Mutis. Nous allons in-diquer sommairement ses travaux,qui embrassent presque toutes lesbranches des sciences naturelles. Iln’existe de lui qu’un petit nombrede Dissertations imprimées dans lesMémoires de l’académie royale de Stockholm (pour l’année 1769), etdans un excellent journal publié à Santa-Fé, en 1794, sous le titre de Papel periodico. Mais le Supplé-ment de Linné, les ouvrages de l’ab-Cavanilles et de M. de Humboldt,le Semanario del Nuevo-Reino deGranada, redigé par M. Caldas,en 1808 et 1809, ont fait connaîtreune partie de ses observations. Nousignorons l’état des manuscrits quecet homme célèbre avait recomman-dés aux soins de ses amis et de sesplus proches parents. M. Caldas, ledirecteur de l’observatoire de Santa-, et l’élève chéri de Mutis, don Salvador Rizo, premier peintre del’Expédition botanique, et la plu-part des citoyens distingués par leursconnaissances et leurs talents, ontété mis à mort pendant la funesteréaction du parti de la métropole. |Spaltenumbruch| La précieuse collection des dessinsa été envoyée en Espagne où se trou-vent deja les materiaux inédits dela Flore du Pérou et du Mexique.Espérons que, quand les agitationspolitiques auront cessé dans la pé-ninsule et dans les colonies, les tra-vaux de Mutis ne resteront pas vouésà l’oubli comme ceux de Sessé et de Mociño. — Ce sont les communica-tions que Mutis avait faites à Linné,qui l’ont rendu célèbre en Europe,long-temps avant qu’on eût con-naissance des ouvrages qu’il prépa-rait. Beaucoup de genres (Alstonia,Vallea, Bainadesia, Escallonia,Manettia, Acæna, Brathys, Myro-xylum, Befaria, Telipogon, Brabe-jum, Gomozia, et tant d’autres, pu-bliés dans le Supplément de Linné),sont dus à la sagacité du botanistede Santa-Fé. En parlant du genre Mutisia, Linné ajoute: Nomen im-mortale quod nulla ætas unquamdelebit. C’est Mutis qui a fait con-naître, le premier, les véritables ca-ractères du genre Cinchona. Com-me ce travail est devenu très-impor-tant, nous allons rappeler ce quel’on savait avant cette époque surles quinquinas du Nouveau-Monde. La Condamine et Joseph de Jussieu avaient examiné, en 1738, les ar-bres qui, dans les forêts de Loxa,donnent l’écorce fébrifuge. Le pre-mier a publié la description et ledessin du quinquina du Pérou, dansles Mémoires de l’académie: c’est l’es-pèce que MM. de Humboldt et Bon-pland ont fait connaître sous le nomde Cinchona condaminea, et que lesbotanistes ont confondue long-tempsavec plusieurs autres, sous le nomvague de Cinchona officinalis. Ce Cinchona condaminea (appelé aussi Cascarilia fina de Loxa, de Caxanu-ma et d’Uritusinga), est l’espèce la |503| |Spaltenumbruch| plus rare, la plus précieuse, et vrai-semblablement la plus anciennementemployée. Il n’en est exporté tousles ans, par Guayaquil, port dela mer du Sud, que 100 quintauxd’écorces. L’exportation de l’Amé-rique entière (en différentes espècesde quinquina) est annuellement de14,000 quintaux. Linné avait formé,en 1742, son genre Cinchona, dontle nom devait rappeler celui d’unevice-reine du Pérou (V. Cinchon, VIII, 564). Il n’avait pu fonderce genre que sur la description im-parfaite de La Condamine. En 1753,un intendant de la monnaie de Santa- de Bogota (don Miguel de Santes-tevan), visita les forêts de Loxa, etdécouvrit les arbres de quinquina(entre Quito et Popayan), dansplusieurs endroits, surtout près du Pueblo de Guanacas, et du Sitio delos Corales. Il communiqua des é-chantillons de cinchona à Mutis.C’est sur ces échantillons que celui-ci fit la première description exactedu genre. Il se hâta d’envoyer à Linné la fleur et le fruit du quin-quina jaune (Cinchona cordifolia);mais le grand naturaliste d’Upsal,en publiant les observations de Mu-tis (Syst. nat. éd. 12, pag. 164),confondit le quinquina jaune aveccelui qu’avait décrit La Condamine.Jusqu’à cette époque, l’Europe nerecevait l’écorce fébrifuge du quin-quina que par les ports de la mer duSud. On ne connaissait point encoreau nord du parallèle de 2° ½ delatitude boréale, l’arbre qui donnecette production précieuse. En 1772, Mutis reconnut le quinquina, à sixlieues de Santa-Fé de Bogota, dansle Monte de Tena. Cette découverteimportante fut bientôt (1773) sui-vie de celle du même végétal dans lechemin de Honda à Villeta et à la |Spaltenumbruch| Mesa de Chinga. Nous sommes en-trés dans quelques détails sur cetobjet, parce que le quinquina de la Nouvelle-Grenade, exporté par Car-thagène des Indes, et conséquem-ment par un port de la mer des An-tilles rapproché de l’Europe, aeu l’influence la plus bienfaisante surl’industrie coloniale et sur la dimi-nution du prix des écorces fébrifugesdans les marchés de l’Ancien-Monde. Mutis a eu raison de mettre unegrande importance à cette décou-verte, pour laquelle il n’a jamaisété récompensé par son gouverne-ment. Un habitant de Panama, don Sébastien-Jose-Lopez Ruiz, qui avouelui-même, dans ses Informes alRey, n’avoir connu les quinquinas de Honda qu’en 1774, a passé long-temps pour le véritable descubridorde las cascarillas de Santa-Fé. Ila joui, à ce titre, d’une pension de10,000 fr., jusqu’à ce qu’en 1775,le vice-roi de Gongora eût démontréà la cour la priorité des droits deMutis. Vers la même époque (1776),don Francisco Renquifo trouva lequinquina dans l’hémisphère aus-tral, sur le dos des Andes péruvien-nes de Guanuco. Aujourd’hui, onle connaît tout le long des Cordilliè-res , entre 700 et 1500 toises de hau-teur, sur une étendue de plus de 600lieues, depuis le Paz et Chuquisaca,jusqu’aux montagnes de Sainte-Mar-the et de Mérida. Mutis à le mérited’avoir distingué, le premier, lesdifférentes espèces de Cinchona, dontles unes à corolles velues, sont beau-coup plus actives que les autres àcorolles glabres. Il a prouvé qu’onne doit pas employer indistincte-ment les espèces actives, dont lespropriétés médicales varient avec laforme et la structure organique. La Quinologia de Mutis, qui va être |504| |Spaltenumbruch| publiée par M. Lagasca, à Madrid,et dont une partie seulement a étéinsérée dans le Papel periodicode Santa-Fé de Bogota, février1794, renferme l’ensemble de cesrecherches médicales et botaniques.Cet ouvrage a fait connaître aussiune préparation de quinquina fer-menté, qui est célèbre à Santa-Fé,a Quito et à Lima, sous le nom debière (Cerveza) de Quina (1). —Parmi les plantes utiles dans la mé-decine et le commerce, que Mutis adécrites le premier, il faut compterle Psychotria emetica ou Ipeca-cuanha (Raizilla) du Rio-Magda-lena; le Toluifera, et le Myroxylum,qui donnent les baumes de Tolu etdu Pérou, la Wintera grenadensis,voisin de la Canella alba de nospharmacies, et l’Alstonia theæfor-mis, qui fournit le thé de Santa-Fé,dont l’infusion ne saurait être assezrecommandée aux voyageurs quirestent long-temps exposés auxpluies des tropiques. A Mariquita,sous un climat délicieux et tempéré, Mutis a formé une petite plantationde quinquina, de ces canelliers (Lau-rus cinnamomoïdes), qui abondentdans les missions des Andaquies, etde noix de muscades indigènes (My-ristica Otoba). Le nom de ce bota-niste célèbre se rattache aussi à unedécouverte qui a beaucoup occupé |Spaltenumbruch| les esprits en Amérique. On savaitque les Indiens et les Nègres qui tra-vaillent dans les lavages d’or et deplatine de la province du Choco,possèdent ce qu’ils appellent le secretd’une plante qui est l’antidote leplus puissant contre la piqûre desserpents venimeux. Mutis est parve-nu à découvrir ce mystère, et à faireconnaître cette plante: elle est de lafamille des composées, et connuedans le pays sous le nom de Vejucodel Guaco. MM. de Humboldt et Bon-pland l’ont figurée les premiers (V. la Mikania Guaco, dans les Plantææquinoctiales, t. 11, p. 85, pl. 105).La plante a une odeur nauséabonde,qui paraît affecter les organes de l’o-dorat des vipères: l’odeur du Gua-co se mêle sans doute à la transpi-ration cutanée de l’homme. On secroit garanti du danger de la morsu-re des serpents, pendant un tempsplus ou moins long, lorsqu’on s’est curado, c’est-à-dire, introduit (inocu-lé) dans le système dermoïde, le sucdu Guaco. Des expériences hardies,faites dans la maison de Mutis parMM. Zea, Vargas et Mathis, et pen-dant lesquelles on les a vus manier im-punément les vipères les plus veni-meuses, sont décrites dans le Semana-rio de agricultura de Madrid, 1798,tom. iv, p. 397. Comme on a dé-couvert le Guaco dans plusieurs val-lées chaudes des Andes, depuis le Pérou jusqu’à Carthagène des Indes et aux montagnes de Varinas, ungrand nombre de personnes doiventleur guérison à cette belle découver-te de Mutis. Il est à regretter quecette plante, qu’on a souvent confon-due avec l’Ayapana, perde sa ver-tu, lorsque les feuilles et les tigessont conservées dans l’alcohol. LeGuaco ne se trouve pas dans tousles endroits où abondent les ser-
(1) On mèle 32 livres de sucre, trois quarts delivre de quinquina en poudre (surtout le quinquinablanc, Cinchona ovalifolia), et 15 bouteilles d’eau:dans l’espace de 20 jours, on obtient (la temperaturede l’atmosphère étant de 15°), une boisson fer-mentée d’un goût agréable, spiritueuse, même unpeu enivrante, et très-utile aux convalescents defièvres tierces. Cette bière de quinquina se conservependant 4 à 5 mois, et Mutis la convertit en un vi-naigre de quinquina, en laissant continuer la fer-mentation à l’air libre, et en ajoutant des tranchesde bananes. Ce vinaigre de quina a été reconnu très-utile dans des navigations de long cours. Les proprié-tés médicales de ces boissons prophylactiques, qu’onn’a point encore imitées en Europe, prouvent que lafermentation n’a pas dissous la matière vegétale ences derniers éléments.
|505| |Spaltenumbruch| pents venimeux. — Nous ne connais-sons que très-peu les travaux de zoo-logie et de physique de Mutis; maisnous savons qu’il avait étudié long-temps les mœurs des fourmis, etde ces termites qui, en Amérique comme au Sénégal, construisentdes tertres de 5 à 6 pieds de hau-teur. Il a fait peindre avec unegrande fidélité beaucoup d’espècesde mammifères, d’oiseaux et depoissons de la Nouvelle-Grenade. Ila décrit, d’après la méthode Lin-enne, dans les Mémoires de l’aca-démie de Stockholm, dont il étaitmembre, une nouvelle espèce de pu-tois (Viverra mapurito). — Les ma-nuscrits de Mutis renferment aussiun grand nombre d’observations pré-cieuses sur les marées atmosphéri-ques qui se manifestent sous les tro-piques, mieux encore que sous lesclimats tempérés, par les variationshoraires du baromètre. Cet instru-ment monte et baisse quatre fois envingt-quatre heures sous la zône tor-ride, avec une telle régularité, auniveau de la mer, comme sur lesplateaux les plus élevés, que l’onpeut, presque à un quart-d’heureprès, savoir l’heure qu’il est par laseule inspection de la colonne demercure. Il paraît que cette obser-vation curieuse, qui a tant occupéles physiciens, et dont La Conda-mine (Voyage à l’équateur, pag.50), attribue si faussement la décou-verte à Godin, avait déjà été faite à Surinam, en 1722 (Journal litté-raire de la Haye, pour l’année 1722,pag. 234). Le père Bondier (1742)s’en était occupé à Chandernagor; Godin (1737) à Quito; Thibault deChanvalon (1751), à la Martinique; Lamanon, en 1786, dans la mer duSud. Mutis assure avoir trouvé quela Lune exerce une influence sensi- |Spaltenumbruch| ble sur la période et l’étendue desvariations horaires (Caldas, dans le Semanario del Nuevo Reino deGrenada, tom. 1er., pag. 55 et 361,n°. 3). — L’homme qui a déployéune si étonnante activité, pendantquarante-huit ans de travaux dansle Nouveau-Monde, était doué, parla nature, de la constitution physiquela plus heureuse. Il était d’une sta-ture élevée: il avait de la noblessedans les traits, de la gravité dans lemaintien, de l’aisance et de la poli-tesse dans les manières. Sa conver-sation était aussi variée que les ob-jets de ses études. S’il parlait sou-vent avec chaleur, il aimait à prati-quer aussi cet art d’écouter, auquel Fontenelle attachait tant de prix,et que déjà il trouvait si rare de sontemps. Quoique fort occupé d’unescience qui rend nécessaire l’étude laplus minutieuse de l’organisation,Mutis ne perdait jamais de vue lesgrands problèmes de la physique dumonde. Il avait parcouru les Cor-dillières, le baromètre à la main:il avait déterminé la températuremoyenne de ces plateaux qui for-ment comme des îlots au milieu del’Océan aérien. Il avait été frappé del’aspect de la végétation, qui varieà mesure que l’on descend dans lesvallées, ou que l’on gravit vers lessommets glacés des Andes. Toutesles questions qui ont rapport à la géo-graphie des plantes, l’intéressaientvivement; et il avait cherché à con-naître les limites plus ou moins étroi-tes entre lesquelles se trouvent ren-fermées, sur la pente des montagnes,les différentes espèces de Cinchona.Ce goût pour les sciences physiques,cette curiosité active qui se portesur l’explication des phénomènes del’organisation et de la météorologie,s’est maintenu en lui jusqu’au der- |506| |Spaltenumbruch| nier moment de sa vie. Rien neprouve plus la supériorité de sontalent, que l’enthousiasme avec le-quel il recevait la nouvelle d’unedécouverte importante. Il n’avaitpas vu de laboratoire de chimie de-puis 1760; et cependant la lectureassidue des ouvrages de Lavoisier,de Guyton-Morveau et de Fourcroy,lui avait donné des connaissancestrès-précises sur l’état de la chimiemoderne. — Mutis accueillait avecbonté les jeunes gens qui montraientdes dispositions pour l’étude; il leurfournissait des livres et des instru-ments: il en fit voyager plusieurs àses frais. Après avoir parlé de sa li-béralité et des sacrifices qu’il faisaitjournellement pour les sciences, ilest inutile de vanter son désintéres-sement. Il a joui long-temps de laconfiance des vice-rois, qui exer-çaient un pouvoir presque illimitédans ces contrées; mais il ne s’estservi de son crédit que pour êtreutile aux sciences, pour faire con-naître le mérite qui aime à se ca-cher, pour plaider avec courage lacause de l’infortune. Il n’ambition-nait d’autres succès que de fairetriompher la vérité et la justice. Ilremplissait avec zèle, on pourraitdire avec une ferveur austère, lesdevoirs que lui imposait l’état qu’ilavait embrassé; mais sa piété necherchait point le vain éclat de larenommée: elle était douce, commeelle l’est toujours lorsqu’elle se trou-ve unie à la sensibilité du cœur et àl’élévation dans le caractère. H-dt.
MUTIUS, architecte romain,acheva, par l’ordre de Marius,d’embellir, par les plus riches orne-ments de l’architecture, le templede l’Honneur et de la Vertu, bâtipar Marcellus. Cet édifice était enpierre; et si le marbre eût fait res- |Spaltenumbruch| sortir la beauté du travail et des or-nements, on eût pu le mettre aunombre des temples les plus magni-fiques de l’antiquité. Il existe desmédailles d’argent, qu’on croit avoirété frappées en l’honneur de cet ar-chitecte; on y voit les initiales no.et virt., et dans l’exergue, cet autremot cordi... Or, le surnom deCordus était particulier à l’une desbranches de la famille Mutia, dontdescendait aussi le triumvir moné-taire Cordus. L—s—e.