Sur les Gymnotes et autres poissons électriques; par M. de Humboldt. Les gymnotes ou anguilles électriques se trouvent en grande abondance aux environs de Calabozo, dans la terre ferme d’Amérique et dans les bassins d’eau stagnante et les affluens formés par l’Orénoque; la température des eaux dans lesquelles ils vivent habituellement est de 26° à 27°. Ce poisson, le plus grand des poissons électriques, a 3 à 5 pieds de long; il est d’un beau vert-olive; le dessous de la tête est jaune mêlé de rouge; deux rangées de petites taches jaunes sont placées symétriquement le long du dos, depuis la tête jusqu’au bout de la queue; chaque tache renferme une ouverture excrétoire; aussi la peau de l’animal est-elle constamment couverte d’une matière muqueuse, qui conduit l’électricité vingt à trente fois mieux que l’eau pure. Sa vessie natatoire, qui a 2 pieds 5 pouces de long, est séparée de la peau extérieure par une masse de graisse, et repose sur les organes électriques qui remplissent plus des deux tiers de l’animal. On ne s’expose pas témérairement aux premières commotions d’un gymnote très-grand et fortement irrité. Si par hasard on reçoit un coup avant que le poisson soit blessé, ou fatigué par une longue poursuite, la douleur et l’engourdissement sont si violens, qu’il est impossible de prononcer sur la nature du sentiment qu’on éprouve. L’action électrique du poisson dépend uniquement de sa volonté, soit qu’il ne tienne pas toujours chargés ses organes électriques, soit qu’il puisse, par la sécrétion de quelque fluide ou par un autre moyen, la diriger au dehors. Cette action sur les organes de l’homme, est transmise et interceptée par les mêmes corps qui transmettent et interceptent le courant électrique d’un conducteur chargé d’une bouteille de Leyde ou d’une pile de Volta, à l’exception des substances résineuses, du verre, du bois très-sec, de la corne et même des os: il ne sort point d’étincelle du corps même du poisson. Quoique la force de la torpille de nos mers ne soit pas à comparer à celle des gymnotes, elle est suffisante pour causer des sensations très-douloureuses; ce poisson remue convulsivement les nageoires pectorales, chaque fois qu’il lance le coup, et il peut en donner un grand nombre avec une célérité étonnante, soit que les lames ou feuillets de ses organes ne soient pas toujours épuisés en entier, soit que le poisson les recharge instantanément; lorsqu’une personne isolée touche la torpille d’un seul doigt, il est indispensable que le contact soit immédiat. Les poissons électriques, lorsqu’ils sont très-vigoureux, agissent avec la même énergie sous l’eau et dans l’air. (Annales de Physique et de Chimie, août 1819.)