LIGNES ISOTHERMES. --Physique.--Observations nouv.--M. A. de Humboldt, de l'Instit. --1817.--L'objet que s'est propose ce savant a ete de faire connaeitre, non pas theoriquement, mais d'apres les donnees les plus recentes, la distribution de la chaleur sur le globe. Pour cela, il examine d'abord les diverses methodes que les physiciens ont successivement suivies dans la determination des temperatures moyennes. La temperature moyenne d'un jour, dans l'acception mathematique de ce terme, est la moyenne des temperatures correspondantes a tous les instans dont le jour se compose. Si l'on fixait a une minute la duree de ces instans, on diviserait par 140 = 24x60 la somme de 1440 observations thermometriques faites d'un minuit au minuit suivant, et l'on obtiendrait ainsi le nombre cherche: la somme de tous ces resultats partiels, divisee par 365, donnerait la temperature moyenne de l'annee. Les extremes des variations thermometriques, en un jour, etant en general fort rapproches, on concoit que les memes degres de chaleur appartiendront a un grand nombre d'instans; en sorte que chacun influera sur la moyenne definitive en raison de sa valeur et de sa duree. En se conformant a cette remarque dans le calcul des moyennes, on peut les obtenir avec precision, alors meme que les intervalles des observations particulieres sont plus grands qu'on ne vient de le supposer. M. de Humboldt a discute sous ce point de vue quelques suites d'observations thermometriques faites d'heure en heure et dans differentes saisons, sous l'equateur et a Paris. Il a compare les moyennes calculees suivant la methode precedente, c'est-a-dire en tenant compte de la duree de chaque temperature partielle a celles que fournissent les procedes les plus generalement usites. Il en est resulte que la demi-somme des temperatures maximum et minimum de chaque jour (celles de deux heures apres-midi et du lever du soleil) ne differe generalement que de quelques dixiemes du degre de la moyenne rigoureuse, et peut la remplacer. En calculant un grand nombre d'observations faites entre les paralleles de 46° a 48°, l'auteur a trouve que la seule epoque du coucher du soleil donne une temperature moyenne qui ne differe que de quelques dixiemes de degres de celle qui a ete conclue des obervations du lever et de deux heures. Comme il est rare que les voyageurs aient les moyens de reunir, dans chaque lieu, des observations en nombre suffisant pour donner la temperature moyenne de l'annee, il etait utile de rechercher quels mois peuvent la fournir immediatement. Dans un tableau, l'auteur montre que, jusqu'a des latitudes tres-elevees, les mois d'avril et d'octobre, mais surtout le dernier, jouissent de cette propriete. Les temperatures moyennes des annees sont beaucoup plus egales qu'on ne serait tente de le supposer d'apres le temoignage de nos sens et les produits variables des recoltes. Les oscillations extremes atteignent a peine 2° centigrades. A Paris, de 1803 a 1816 inclusivement, on a trouve: + 10°,6... 11°,1... 9°,7... 11°,9... 10°,8... 10,3... 10°,5 10°,5... 11°,5... 9°,9... 9°,9... 9°,7... 10°,5... 9°,4. A Geneve, entre 1803 et 1815 inclusivement, on a trouve: + 10°,2... 10°,6... 8°,8... 10°,8... 9°,6... 8°,3... 9°,4 10°,6... 10°,9... 8°,8... 9°,2... 9°,0... 10°,0... Les differences entre les moyennes du mois de janvier s'elevent a 7°; pour le mois d'aoeit, elles atteignent rarement 4°. Apres avoir indique avec precision le sens que l'on doit attacher a l'expression de temperature moyenne, l'auteur s'occupe du trace des lignes isothermes ou d'egale chaleur. On fera abstraction ici de quelques inflexions bornees a de petites localites, telles, par exemple, que celles qu'on observe sur les cotes de la Mediterranee, entre Marseille, Genes, Lucques et Rome. Il sera un jour utile de les comprendre dans des cartes detaillees. "L'emploi des moyens graphiques, dit M. de Humboldt, jettera beaucoup de jour sur des phenomenes qui sont du plus haut interet pour l'agriculture et pour l'etat social des habitans. Si, au lieu des cartes geographiques, on ne possedait que des tables renfermant les coordonnees de latitude, de longitude et de hauteur, un grand nombre de rapports curieux qu'offrent les continens dans leur configuration et leurs inegalites de surface, seraient restes a jamais inconnus. Pour tracer les lignes isothermes, il faut chercher les points du globe dont les temperatures moyennes se rapprochent le plus de 0°, 5°, 10° ou 15°. On reconnaeit, au premier abord, si les lignes passent au sud ou au nord de tel ou tel endroit; pour determiner precisement a combien de distance en latitude, il faut avoir recours aux methodes ordinaires d'interpolation, c'est-a-dire a des tables que les observations fournissent, et qui font connaeitre, pour differens meridiens et au niveau de l'Ocean, comment decroeit la temperature moyenne annuelle quand on s'avance du sud au nord. A 1° de variation dans la temperature moyenne annuelle correspondent, dans differentes zones, les changemens de latitude suivans: dans le nouveau continent, par les longitudes. dans l'ancien continent, par les longitudes. 70°. a 80°. ouest. 2°. a 17°. est. Entre 30° et 40° latitude nord. 1°. 24'.... 2°. 30'. 40° et 50° 1°. 6'.... 1°. 24'. 50° et 60° 1°. 18'.... 1°. 48'. D'apres ces donnees, les moyennes les plus precises que l'auteur ait pu recueillir, en ayant egard a la hauteur des lieux ou les observations ont ete faites, sont, jusqu'a ce moment, les suivantes: La bande isotherme de 0° passe 3°,54' au sud de Nain dans le Labrador, par le centre de la Laponie; et 1° au nord d'Oleo, par Soliskamsky. La bande isotherme de 5° passe 0°,5 au nord de Quebec; 1° au nord de Christiana; 0°,5 au nord d'Upsal, par Petersbourg et par Moscou. La bande isotherme de 10° passe par 42° [Formel] dans les Etats-Unis; 1° au sud de Dublin; 0°,5 au nord de Paris; 1°,5 au sud de Franecker; 0°,5 au sud de Prague; 1°,5 au nord de Bude; 2° [Formel] au nord de Pekin. La bande isotherme de 15° passe 4°,5' au nord de Natchez, par Montpellier; 1° au nord de Rome, et 1°,5' au nord de Nangasacki. La bande isotherme de 20° passe 2°,5' au sud de Natchez; 50' au nord de Funchal, et, autant qu'on en peut juger d'apres les materiaux que l'on possede, par 33°,5 de latitude, sous le meridien de Chypre. Il resulte de ces donnees que les noeuds des lignes isothermes, ou leurs intersections avec les paralleles a l'equateur, sont places comme il suit: Bande isotherme de O: long. 94°, O; latit. 54° 12'; -- long. 63° 40' O., latit. 55° 15'; -- long. 18° 30' E., latit. 65° 15'; -- long. 23° E., latit. 66° 20'; -- long. 56° E.; latit. 62° 12' Une branche va le long des cotes sept. par long. 18° E., latit. 70°, long. 23° 1/2, latit. 71°. Bande isotherme de 5°: long. 73° 30' O., latit. 47° 20'; -- long. 50° 1/2 O., latit 62°; -- long. 8° 1/2 E., latit. 61° 15'; -- long. 15° 18' E., latit. 60° 20'; -- long. 20° E., latit. 59°. 37'; -- long. 35° 12' E., latit. 57° 45'. Bande isotherme de 10°: long. 86° 40' O., latit. 41° 20'; -- long. 73° 30' O., latit. 42° 45'; -- long. 8° 40' O., latit. 52° 20'; -- long. 5° O., lat. 51°; -- long. 3° O., latit. 52°; -- long. 0°, latit. 51°; -- long. 12° E., lat. 49° 30'; -- long. 16° 40' E., latit. 48° 50': -- long. 114° E., latit. 43° 30'. Bande isotherme de 15°: long. 93° O., latit. 36°; -- long. 1° E., latit. 43° 30'; -- long. 9° E., latit. 43°; -- long. 127° 30' E., lat. 34° 15'. Bande isotherme de 20°: long. 94° O., latit. 29°; -- long. 19° 15' O., latit. 33° 40'; -- long. 28° E., latit. 33° 30'. Les lignes isothermes different des paralleles terrestres. Leurs sommets, convexes en Europe, sont presque situes sur le meme meridien. A partir de ces points et en marchant vers l'ouest, ces lignes descendent vers l'equateur, auquel elles restent a peu pres paralleles, depuis les cotes atlantiques du Nouveau Monde jusqu'a l'est du Mississipi et du Missouri; il n'est pas douteux qu'elles ne se relevent ensuite au dela des montagnes rocheuses sur les cotes opposees de l'Asie, entre les 35° et 55° de latitude. En effet, on cultive avec succes l'olivier le long du canal de Santa-Barbara, dans la Nouvelle Californie; et a Noutka, presque dans la latitude du Labrador, les plus petites rivieres ne gelent pas avant le mois de janvier. Le tableau ci-apres prouve, d'une maniere non moins frappante, qu'en allant de l'Europe vers l'est les lignes isothermes s'abaissent de nouveau. Latit., temps moyen. Saint-Malo..... 48° 39' + 12°, 5' Amsterdam..... 52° 22' + 11°, 9' Naples ....... 40° 50' + 17°, 4' Copenhague..... 55° 41' + 7°, 6' Upsal........ 59° 51' + 5°, 5' Latit., temps moyen. Vienne ....... 48° 11' + 10°, 3' Varsovie ...... 52° 14' + 9°, 2' Pekin........ 39° 54' + 12°, 7' Moscou....... 55° 45' + 4°, 5' Petersbourg..... 59° 56' + 3°, 8' A la remarque qu'on avait deja faite depuis plus d'un siecle, que les temperatures ne sont pas egales dans toute l'etendue de chaque parallele terrestre, et qu'en avancant de 70° en longitude a l'est ou a l'ouest du meridien de Paris, le climat est plus froid, on doit ajouter que les differences entre les temperatures des lieux situes sous les memes paralleles ne sont pas egalement considerables dans toutes les latitudes. Latit. Temp. moy. a l'Ouest de l'anc. cont. Temp. moy. a l'Est du nouv. cont. Difference. 30° N...... 21°, 4 cent. 19°, 4 cent. 2°, 0 cent. 40° ...... 17°, 3 12°, 5 4°, 8 50° ...... 10°, 5 3°, 3 7°, 2 60° ...... 4°, 8 --4°, 6 9°, 4 Dans le tableau ci-apres on trouve la loi de decroissement des temperatures moyennes: de 0° a 20° de lat. dans l'anc. cont. 2°; dans le nouv. 2°. de 20° a 30°............ 4°;.......6°. de 30° a 40°............ 4°;.......7°. de 40° a 50°............ 7°;.......9°. de 50° a 60°............ 5°7;.......7°9. Dans les deux mondes, la zone dans laquelle le decroissement de la temperature moyenne est le plus rapide, se trouve comprise entre les paralleles de 40° et de 45°. Cette circonstance, dit M. de Humboldt, doit influer favorablement sur la civilisation et l'industrie des peuples qui habitent les pays voisins du parallele moyen. C'est le point ou les regions des vignes touchent a celles des oliviers et des citronniers. Nulle part ailleurs sur le globe, en avancant du nord au sud, on ne voit accroeitre plus sensiblement les temperatures; nulle part aussi les productions vegetales et les objets varies de l'agriculture ne se succedent avec plus de rapidite. Or, une grande difference dans les productions des pays limithrophes vivifie le commerce et augmente l'industrie des peuples agriculteurs. Dans la zone torride, au-dessous du parallele de 30°, les lignes isothermes deviennent peu a peu paralleles entre elles et a l'equateur terrestre, en sorte que l'opinion admise pendant long-temps, que l'ancien monde est plus chaud que le nouveau, meme entre les tropiques, n'a aucun fondement. Temp. moyen. Senegambia.... (lat. 14° 40' N.) 26, 5. Madras...... (lat. 13° 5' N.) 26°, 9. Batavia ...... (lat. 6° 12' S.) 26°, 9. Manille...... (lat. 14° 36' N.) 25°, 6. Cumana...... (lat. 10° 28' N.) 27°, 7. Antilles...... (lat. 16° N.) 27°, 5. Vera-Cruz.... (lat. 19° 12' N.) 25°, 6. Havanne ..... (lat. 23° 9' N.) 25°, 6. D'apres la definition des temperatures moyennes, il est clair qu'une egale quantite de chaleur annuelle peut etre, dans divers lieux, tres-inegalement repartie entre les differentes saisons. L'auteur demontre ensuite combien les hivers et les etes different entre eux sur toutes les lignes isothermes, depuis les 28° et 30° de latitude nord, jusqu'aux paralleles de 55° et 60°. Dans les deux bandes de l'ancien et du nouveau monde, formant deux systemes de climats differens, le partage de la chaleur annuelle entre l'hiver et l'ete se fait de maniere que sur la ligne isotherme de 0°, la difference des deux saisons est presque double de celle que l'on observe sur la ligne isotherme de 20°. Lorsqu'au lieu de considerer les temperatures moyennes des saisons, on prend les temperatures moyennes du mois le plus chaud et du mois le plus froid, l'accroissement des differences est tres-sensible. Les differences entre les saisons de l'annee paraissent liees a la forme des lignes isothermes; elles sont moins grandes pres des sommets convexes que dans les sommets concaves, en sorte que la meme cause qui releve ces courbes vers les poles, tend aussi a egaliser les temperatures des saisons. La temperature moyenne de l'annee etant egale au [Formel] de la somme thermometrique des temperatures hivernales, vernales, estivales et automnales, on aura, par exemple, sur une meme ligne isotherme de 12°: au sommet concave, en Amerique (77° de long. a l'ouest de Paris): [Formel] ; pres du sommet convexe, en Europe (dans le meridien de Paris): [Formel] ; au sommet concave, en Asie (114° de long. orientale de Paris): [Formel] . Si au lieu de rapporter sur une carte les lignes isothermes, on y tracait les lignes d'egale temperature hyemale (lignes isochimenes), on ne tarderait pas a remarquer qu'elles s'ecartent bien plus que les premieres des paralleles terrestres. Dans le systeme des climats europeens, dit M. de Humboldt, les latitudes geographiques de deux endroits qui ont la meme temperature annuelle, ne peuvent differer que de 4° a 5°; tandis que deux lieux dont la temperature moyenne de l'hiver est la meme peuvent, en latitude geographique, differer de 9° a 10°; plus on avance vers l'est et plus ces differences s'accroissent rapidement. Les lignes d'egalite (courbes isotheres) suivent une direction entierement contraire a celle des courbes isochimenes. On trouve une meme temperature d'ete a Moscou, au centre de la Russie et vers l'embouchure de la Loire, malgre la difference de 11° en latitude. Dans ces calculs on a suppose que l'hiver se compose de la totalite du mois de decembre et des deux mois suivans; l'ete, par suite, a ete compte du 1er. juin au dernier jour d'aoeit. Au lieu de tracer tous ces systemes de courbes dont les entrelacemens multiplies n'offriraient que confusion, on a ajoute aux lignes isothermes, pres de leurs sommets, l'indication des temperatures moyennes d'ete et d'hiver. C'est ainsi qu'en suivant la ligne de 10°, on trouve en Amerique, a l'ouest de Boston, [Formel] ; en Angleterre [Formel] ; en Hongrie [Formel] et en Chine [Formel] . Les details precedens ne sont relatifs qu'a la distribution de la chaleur a la surface meme du globe. En effet, on concoit que pour trouver sous un parallele quelconque la temperature moyenne, 0°, par exemple, il doit suffire de choisir un lieu suffisamment eleve au-dessus de l'horizon. Cette hauteur varierait avec la latitude. La surface qui passerait par les sommets de toutes ces coordonnees verticales s'appellerait la surface isotherme de 0°, et son intersection avec le globe serait la ligne isotherme correspondante. Les sections doivent etre faites par un meridien transatlantique dans diverses surfaces isothermes. Les points ou ces courbes doivent rencontrer le globe sont connus par les recherches precedentes, leurs points de depart a l'equateur; leurs hauteurs par d'autres latitudes se fondent sur la discussion d'un grand nombre d'observations faites, tant sur le dos des cordillieres, entre 10° de latitude australe et 10° de latitude boreale, que dans nos climats. Annales de chimie et de physique, 1817, tome 5, page 102, avec planche.