Des lignes isothermes, et de la distribution de la chaleur sur le globe. Par Alexandre de Humboldt. Tiré des Mémoires de physique et de chimie de la Société d’Arcueil. T. III. Paris 1817. (Extrait). Le troisième volume des Mémoires de la Société d’Arcueil, attendu depuis si long-temps et avec tant d’impatience par les amateurs des sciences naturelles et de la bonne physique, vient enfin de paroître. Des difficultés de plusieurs genres, qui en ont retardé la publication, ôtent le mérite de la nouveauté à la plupart des travaux particuliers dont il contient les résultats; mais le volume n’en est pas moins précieux comme continuant une collection distinguée par l’importance des objets qu’elle renferme et par le mérite personnel des collaborateurs , qu’il suffit de nommer, pour que l’ouvrage trouve sa place au premier degré dans l’estime des savans. MM. Arago, Bérard, Berthollet, Biot, Chaptal, De Candolle (de Genève) Dulong, Gay-Lussac, Humboldt, Laplace, Poisson, Thénard. (R) «Toutefois, (est-il dit dans la préface) nous devons aux délais de la publication un ouvrage de Mr. de Humboldt, qui fait une partie considérable du livre, et dans lequel on reconnoîtra cette fécondité dans l’art d’observer la nature, et cette profondeur de vues qui distinguent notre célèbre confrère.» C’est de cette intéressante recherche que nous allons entretenir nos lecteurs; et nous espérons que l’apparition d’un nouveau volume de son Voyage, nous fournira plus d’une occasion de fouiller à leur profit, dans la mine inépuisable de faits et de connoissances de tout genre, qu’il a ouverte à l’Europe étonnée et reconnoissante. Le travail particulier dont nous allons tracer l’esquisse, a pour objet l’Examen de la manière dont la chaleur est répartie sur le globe. On sait bien qu’en général elle diminue à mesure qu’en partant de l’Equateur on s’approche des pôles; et l’ancienne distinction des trois zônes, torride, tempérée, et glaciale, celle, tout aussi vague, des climats, indiquent seulement une marche générale de décroissement; mais cette marche est soumise à tant d’exceptions dues à tant d’influences particulières, que l’étude de ces modifications et de leurs causes étoit digne de toute l’attention, et réclamoit toute la sagacité d’un physicien tel que Mr. de Humboldt. Il reconnut d’entrée, que l’action simultanée, et les entrelacemens des causes très-différentes desquelles résulte la température, ne laissoient aux théories, en général, que bien peu de prise sur l’ensemble des phénomènes; et que la méthode empyrique pouvoit seule promettre quelque succès dans ces difficiles recherches. Trois élémens, indépendans les uns des autres, influent sur les températures moyennes des divers lieux et sur la distribution des êtres organisés, qui est en rapport immédiat avec cette température; ce sont, comme l’expriment les géomètres, les trois coordonnées de latitude, de longitude, et de hauteur sur le niveau des mers; c’est-àdire, trois lignes qui, partant d’un point donné du globe, sont réciproquement perpendiculaires; deux, (celles qui expriment la latitude et la longitude) dans le plan de l’horizon; et la troisième verticale. L’étude de la botanique et de la zoologie a été l’objet constant et favori de Mr. de H. Aussi profond physicien qu’ardent naturaliste; voyageur intrépide et robuste; attentif et persévérant dans les recherches de cabinet et de longue haleine, critique éclairé et impartial; personne n’étoit plus que lui à la hauteur de l’entreprise. Il a cherché à rassembler et à comparer un nombre immense d’observations de température faites dans divers points du globe, depuis les plateaux les plus élevés de l’ancien et du nouveau continent, jusques aux plaines, dans diverses latitudes, et sous divers méridiens.« J’ai tâché, dit-il, de trouver, de dix en dix degrés de latitude, mais sur des méridiens différens, un petit nombre de lieux dont on connût avec précision la température moyenne. Ce sont autant de points fixes par lesquels je fais passer mes lignes isothermes, ou lignes d’égale chaleur.» Ce travail a exigé une discussion longue et délicate, des observations qui devoient lui servir de base; il étoit hérissé de difficultés dont l’auteur trace d’entrée le tableau.« Nous voulons, dit-il, faire connoître la quantité de chaleur annuelle que reçoit chaque point du globe, et, ce qui importe le plus à l’agriculture et au bien-être des habitans, la répartition de cette quantité de chaleur entre les différentes parties de l’année, et non ce qui est dû à l’action solaire seule, à la hauteur de l’astre sur l’horizon, à la durée de son influence, c’est-à-dire, à la grandeur des arcs semidiurnes.» «Il y a plus encore, nous prouverons que la méthode des moyennes est insuffisante pour reconnoître ce qui appartient exclusivement au soleil (autant que ses rayons éclairent un seul point de la surface du globe), et ce qui est dû à-la-fois et au soleil et à l’influence des causes étrangères. C’est parmi ces causes que nous comptons le mélange des températures de différentes latitudes, produit par les vents; le voisinage des mers, qui sont d’immenses réservoirs d’une chaleur peu variable; l’inclinaison, la nature chimique, la couleur, la force rayonnante, et l’évaporation du sol; la direction des chaînes de montagnes qui agissent, soit en favorisant le jeu des courans descendans, soit en abritant contre certains vents; la forme des terres, leur masse, et leur prolongement vers les pôles; la quantité de neige qui les couvre pendant l’hiver; leur élévation de température et leur reverbération en été; enfin ces glaces, qui forment comme des continens circompolaires, variables dans leur étendue, et dont les parties détachées, entraînées par les courans, modifient sensiblement le climat de la zône tempérée.» Il suffit assurément de cette énumération des coëfficiens du résultat cherché, pour exclure toute prétention à y arriver par une théorie générale; la théorie n’est applicable qu’à une seule des causes de ce résultat, c’està-dire, la répartition de la chaleur sur le globe, autant qu’elle dépend de l’action immédiate et instantanée du soleil, action qui, elle-même, est combinée de l’inclinaison des rayons calorifères, et de la durée de leur apparition; c’est là ce qu’on pourroit appeler la chaleur géométrique, par opposition à la température physique ou réelle, dont la première n’est que l’un des élémens. Halley avoit examiné cette question il y a plus d’un siècle (1693), il avoit trouvé, qu’en ne considérant que l’action seule du soleil, la chaleur d’un jour d’été à l’Equateur, et sous le cercle polaire, devoit être dans le rapport des nombres 1834 et 2310. De Mairan (en 1719 et 1765) essaya de résoudre d’une manière plus générale, les problêmes de l’action solaire; la différence considérable qu’il trouva entre les résultats du calcul, et l’observation, lui fit imaginer la théorie bizarre d’un feu central, qui feroit compensation. Lambert, dans sa Pyrométrie, (1779) releva les erreurs de la théorie de Mairan, mais sans être à portée lui-même, faute d’un nombre suffisant de bonnes observations, d’établir l’ensemble des phénomênes. Euler ne réussit pas mieux que de Mairan, dans ses Essais théoriques sur la chaleur solaire; la théorie pure le conduisit à cet étrange résultat, (auquel il attacha peu d’importance autrement que comme indice d’une erreur) savoir, que sous l’Equateur, à minuit, le froid doit être plus rigoureux que pendant l’hiver sous le pôle. Comment. Petrop. Tom. II. p. 98. Mayer, (le réformateur des tables de la lune) fut plus heureux mais il s’y prit autrement; il ne chercha point à présenter le résultat de l’action solaire, dégagée de l’influence des circonstances étrangères; il évalua, au contraire, les températures, telles qu’elles sont distribuées sur le globe, et trouva qu’elles décroissoient de l’Equateur au pôle comme les carrés des sinus de la latitude; formule qui représente assez bien les observations lorsqu’on compare des régions voisines en longitude; mais si on veut l’appliquer, sans quitter l’hémisphère boréal, à des lieux distans de 70 à 80 degrés en longitude, les calculs ne s’accordent plus avec les observations; ainsi, la courbe isotherme de zéro, c’est-àdire, celle qui passe par les régions où la température moyenne annuelle est le terme de la glace, cette courbe, qui en Europe, dans la péninsule scandinave, répond au 65 ou au 68e. de latitude, se trouve dans le nord de l’Amérique et dans l’Asie orientale vers les parallèles de 53 à 68, c’est-à-dire, de 10 degrés, au moins, plus au sud. Ainsi, les formules empyriques de Mayer exigent l’application d’un coëfficient qui dépend de la longitude, c’est-à-dire, d’un élément différent des trois considérés par Mayer, savoir, la saison de l’année, la longueur du jour, et la hauteur du lieu au-dessus du niveau de la mer; et les corrections que propose notre auteur, d’après le tracé des lignes isothermes fourni par l’observation, loin d’être incompatibles, dit-il, avec la méthode de Mayer, sont, au contraire, du nombre de celles que ce géomètre semble avoir vaguement prévues. De variationibus Therm. accuratius definiendis. Mayori O per. inedita. Vol. I. Mr. Daubuisson (Journal de phys. T. LXII, p. 449) a donné une formule qui satisfait aux observations mieux que celle de Mayer; il admet que la température augmente du pôle à l’Equateur comme les cosinus de la latitude, élevée à la puissance 2 [Formel] ; mais, il ajoute judicieusement, que cette formule n’est applicable qu’à une bande de l’ancien Continent voisine de l’Océan atlantique boréal. (Note de l’auteur.) Kirwan ayant trouvé que la méthode de Mayer ne s’accordoit pas avec les observations très-nombreuses que ce savant Irlandais avoit recueillies, a tenté une marche différente. Il a cherché à déterminer, mois par mois, la température moyenne de l’océan Pacifique et de l’océan Atlantique à divers degrés de latitude; et partant de ces données comme d’autant de normales, il leur compare celles observées sur les mêmes parallèles dans les continens hérissés de montagnes et inégalement prolongés vers les pôles. Mais ces normales reposent sur un trop petit nombre d’observations, combinées en partie avec la théorie de Mayer, ce qui introduit dans la méthode un cercle vicieux, qui doit la rendre suspecte. Estim. of the température, etc. ch. III. Les immenses et laborieuses compilations du P. Cotte ne pourroient conduire à des résultats généraux qu’autant qu’une critique préalable, et très-difficile, pour ne pas dire impossible, auroit assigné à chacun des élémens qu’il a rassemblés leur valeur exacte. Nous empruntons les expressions mêmes de notre auteur pour indiquer, d’une manière abrégée, le plan qu’il a suivi. «Avant, dit-il, de jeter les bases d’un systême, il faut grouper les faits, fixer les rapports numériques, et, comme je l’ai indiqué dès le commencement de ce Mémoire, soumettre les phénomènes de la chaleur, comme Halley l’a fait avec ceux du magnétisme terrestre, à des lois empiriques. En suivant cette marche, j’ai d’abord examiné la question de savoir si la méthode employée par les physiciens pour déduire les températures moyennes de l’année, des mois, et des jours, est sujette à des erreurs sensibles. Rassuré sur la précision des moyennes numériques, j’ai tracé sur une carte les lignes isothermes, (analogues aux lignes d’inclinaison et de déclinaison magnétiques; je les ai considérées à la surface de la terre dans un plan horizontal, et sur la pente des montagnes dans un plan vertical. J’ai examiné l’accroissement de la température, du pôle à l’équateur, inégal sous différens méridiens; le partage d’une même quantité de chaleur entre les différentes saisons sur un même parallèle isotherme, et à différentes latitudes; la courbe des neiges perpétuelles, qui n’est point une ligne d’égale chaleur. La température de l’intérieur de la terre, un peu plus grande vers le nord, et sur les hautes montagnes, que la température moyenne de l’atmosphère sous le même parallèle; enfin, la répartition de la chaleur dans l’océan, et la position de ces bandes, que l’on peut désigner par le nom de bandes des eaux les plus chaudes. L’auteur entend ici par analogie, la simple ressemblance des procédés graphiques qui ont procuré sur certaines cartes destinées à cet objet les courbes qui représentent les suites de points à la surface du globe où la déclinaison, ou l’inclinaison de l’aiguille aimantée sont les mêmes; car ces phénomènes sont sans rapport direct avec la température (R). La détermination de la température moyenne d’une année, d’un mois, d’une seule journée, n’est point une opération aussi simple qu’elle peut le paroître au premier aperçu. La base même, c’est-à-dire, l’observation de la véritable température de l’air dans un moment donné, est sujette à beaucoup d’incertitude, si l’on ignore, ou si l’on néglige, les précautions à prendre pour obtenir un résultat exact. Cette dernière considération nous a occupés dans une époque de beaucoup antérieure au temps actuel; et, comme l’auteur ne la fait point entrer dans un ensemble dont on peut juger qu’elle doit faire partie, nous prendrons la liberté d’ajouter, en façon de supplément, ce que nos propres recherches nous ont appris sur l’examen d’une température diurne. Jadis, pour obtenir la température moyenne d’une année entière, on se contentoit d’ajouter ensemble les degrés de la plus haute et de la plus basse observée dans le cours de l’année, et on appeloit température moyenne la demi somme de ces deux observations. On procéda ainsi depuis les temps de Maraldi jusqu’à ceux de Duhamel inclusivement; et on s’exposoit ainsi à de grandes erreurs dont l’auteur donne un exemple. «Jusques en 1777, dit-il, la température moyenne de Toulon fut évaluée par Cotte à 25°,6, tandis que plus tard, en employant la masse de toutes les observations, le même savant réduisit cette température à ce qu’elle est effectivement, à 15°,17.» Voilà dix degrés de différence! On comprit enfin qu’en conservant la méthode d’une moyenne entre deux extrêmes, il falloit au moins multiplier ceux-ci dans le cours d’une année, pour obtenir une expression plus juste de la température moyenne. Ainsi, la moyenne entre douze extrêmes de chaleur, et autant de froid, observés dans les douze mois de l’année, devoit donner quelque chose de plus exact. Mais il pouvoit y avoir (et il y a effectivement) dans la méthode des moyennes arithmétiques, appliquée à ce genre d’observations, un vice radical que voici: cette méthode suppose implicitement, que les quantités dont on cherche les valeurs moyennes, croissent et décroissent en progression arithmétique régulière, c’est-à-dire, par des difſérences égales en temps égaux; et c’est ce qui n’a point lieu en réalité; mais plus on employe de termes dans la série, plus ces termes sont rapprochés, et moins il y aura d’erreur dans la supposition d’une progression arithmétique dans la marche des observations. On n’est pas encore d’accord sur les heures du jour auxquelles il convient de les faire pour en tirer le plus de parti possible. L’auteur indique trois méthodes. 1. ° Trois fois par jour, au lever, au coucher du soleil, et à deux heures après midi: c’est ainsi qu’on observoit à Genève en 1796, 97, et 98 . Dans les observations on préfère l’heure de midi à celle du coucher du soleil. 2°. Deux fois par jour aux époques que l’on regarde comme le minimum et le maximum de la température diurne, savoir au lever du soleil, et à deux heures après midi. 3. ° Une seule fois par jour, à une heure telle que dans différentes saisons, elle représente la température moyenne de la journée. Voyez Bibliothèque Brit. Tableaux météorologiques de ces trois années. L’auteur a trouvé, d’après un grand nombre d’observations faites entre les parallèles de 46 à 48°, que l’observation seule faite au coucher du soleil donne une température extrêmement raprochée de celle qui a été conclue de la moyenne entre les observations du lever et de deux heures après midi. Mr. Arago a examiné pour sept ans les observations de midi; elles donnent pour Paris trois degrés de plus que la température moyenne de l’année entière. Si l’on fait entrer trois observations diurnes dans le calcul de la moyenne, le résultat se raproche beaucoup de celui conclu des deux extrêmes diurnes, si l’observation intermédiaire est éloignée de quatre ou cinq heures du maximum et du minimum; mais, toutes les fois qu’on néglige dans le calcul l’élément (pourtant essentiel) de la durée de la température, indiquée numériquement, on commet une erreur, dont l’influence est variable selon la saison; l’auteur en donne un exemple: il considère comme plus sûre la méthode dans laquelle on prend pour moyenne diurne la demi-somme des températures extrêmes. «Mais, dit l’auteur, tous les calculs seront en défaut, si les 365 ordonnées de chaque jour par lesquelles passe la courbe de l’année, n’expriment pas une progression arithmétique, et si les irrégularités partielles ne se compensent pas sensiblement les unes les autres.» Pour reconnoître jusqu’à quel point on pouvoit se fier à ces résultats qu’on désigne par le nom de températures moyennes, l’auteur avoit passé, sous l’équateur, des journées entières à déterminer la marche croissante et décroissante de la température, en notant les thermomètres à l’ombre et au soleil, en choisissant des jours et des nuits entièrement calmes et sans nuages. Il a trouvé que, sous la zône torride, la courbe du matin , depuis le lever du soleil jusqu’au maximum, différoit très-régulièrement de la courbe du soir. Le matin, la vraie chaleur moyenne, celle qu’on trouve en ayant égard à la durée, est un peu plus grande que la demi somme des extrêmes; le soir, l’erreur est en sens contraire, et la série des températures se raproche plus d’une progression par quotiens.« Les différences, dit l’auteur, n’excèdent généralement pas un demi degré, et le calcul prouve qu’il y a une compensation régulière.» L’auteur en donne deux exemples tirés d’observations faites en 1799, dans la latitude de 48° 50′; dans célle de 10° 25′. L’auteur fait ici allusion à la méthode trop peu usitée, de représenter les observations, ou leurs résultats, par des lignes courbes dont les inflexions peignent à l’œil la marche des phénomènes, bien mieux que les registres ou tableaux de chiffres ne peuvent le faire. On en aura tout à l’heure des exemples. (R) Vingt ans auparavant, une recherche sur le même objet, mais plus étendue, nous occupa dans plusieurs années consécutives (1778 à 1781), pendant un séjour à la campagne. Nous en consignames les résultats principaux onze ans après, dans un Essai sur le feu, où nous allons puiser quelques détails qui vont au sujet; ils seront accompagnés d’une exposition graphique des phénomènes, qui n’a jamais été publiée, et qui nous semble très-propre à les faire nettement concevoir; nous transcrivons de l’ouvrage même l’indication de l’objet de la recherche. «§ 132. Mon but étoit en général d’observer, au moyen de cet appareil (nous le décrirons tout-à-l’heure) ce qui se passoit dans la couche d’air qui repose immédiatement sur la terre, jusqu’à 75 pieds de hauteur — de voir quelle marche suivoit l’augmentation et la diminution de la chaleur produite par la présence du soleil, dans le cours d’une journée d’un temps calme et serein. — Quel étoit le moment le plus froid, quel étoit le plus chaud du jour? — Quelle étoit la chaleur moyenne dans les 24 heures? — Enfin, quelle étoit l’influence des nuages, des brouillards, des vents, etc. sur ces premiers résultats? — Mais sur-tout, je cherchois à découvrir s’il existoit quelque rapport constant entre les températures à 75 pieds et à 5 pieds de terre; et supposé que ce rapport fût variable, quelles étoient la nature et les périodes de ces variations? Pour appliquer ensuite ces résultats à l’estimation plus aprochée de la vraie température d’une colonne verticale d’air, d’après l’observation faite à l’ordinaire à 5 pieds de terre.» (p. 175-176) L’appareil employé à ces observations étoit un mât de 75 pieds, élevé au milieu d’une prairie horizontale. Il portoit à son extrémité un bras terminé par une poulie destinée à faire monter et descendre, à l’aide d’un cordon, un ou plusieurs thermomètres, et un hygromètre, instrumens dont la descente avoit lieu en 5 à 6 secondes. D’autres thermomètres, et un hygromètre, étoient suspendus, à demeure, auprès du mât, à diverses distances du sol, depuis 5 pieds jusques à quelques lignes; enfin, un thermomètre avoit sa boule précisément enterrée à la surface du sol, pour indiquer sa température, pendant que les observations simultanées avoient lieu dans l’air. Tous les thermomètres étoient à mercure et bien d’accord entr’eux; leurs boules étoient isolées. Voici les résultats généraux des observations faites avec assiduité, et dans diverses saisons, autour de cet observatoire thermométrique. Nous les tirons textuellement de l’ouvrage. cité. «Je commençois pour l’ordinaire à observer ces instrumens à la pointe du jour; et tous s’accordoient à indiquer une augmentation de fraîcheur à mesure qu’on s’approchoit du lever du soleil; le moment le plus froid avoit lieu pendant ce lever; et, depuis ce moment, les thermomètres commençoient à remonter, mais en suivant des marches différentes, jusques à trois heures après midi, heure à laquelle on éprouvoit communément la plus grande chaleur; le thermomètre enterré à la surface du sol indiquoit pour lors, en été, une chaleur considérable; je l’ai vu à 45° de la division en 80 parties, dans une journée chaude du mois d’août.» Telle étoit la marche diurne de la température dans les jours calmes et sereins; le vent et les nuages la modifioient plus ou moins. Nous l’avons exprimée par deux lignes courbes (Pl. II) qui représentent la marche diurne de la chaleur dans deux de ces journées uniformes, choisies à dessein dans des saisons très-différentes, la courbe supérieure répond aux observations du 19 mars 1781, et la courbe inférieure, à celles du 16 août 1779, l’une et l’autre de ces courbes sont doubles; la première pour représenter la marche simultanée des deux thermomètres à cinq pieds de terre, l’un au soleil, l’autre à l’ombre; la courbe pointillée indique la marche du thermomètre au soleil. La courbe d’été est aussi double, mais pour montrer la marche correspondante des deux thermomètres, l’un à cinq pieds, l’autre à soixante et quinze pieds de terre; celle du premier, est désignée par la ligne noire continue; la seconde, par une ligne pointillée. Les lignes horizontales du chassis de ces courbes répondent aux degrés du thermomètre en 80 parties, indiqués sur le bord latéral; et les lignes verticales représentent, dans leurs intervalles, chacune des heures du jour et de la nuit, telles qu’elles sont notées au bas. Chaque point noir de la courbe répond à une observation de thermomètre, et cette courbe devient une ligne droite ponctuée, dans la portion qui répond à la nuit, intervalle non observé, mais dans lequel on a tout lieu de supposer que la chaleur a dû décroître régulièrement, c’est-à-dire, par différences égales en temps égaux, entre la dernière observation du soir, et la première, à l’aube du jour. Ce qui s’exprime par une droite oblique. On voit, à l’aspect des deux courbes, celle d’un jour de printems, et celle d’un jour d’été, qu’elles se ressemblent dans leur forme générale et que l’accroissement et le décroissement de la chaleur sont bien éloignés de suivre une marche arithmétique dans des intervalles de temps égaux; dans la région du maximum, la courbe demeure long-temps presque parallèle à l’axe; la branche ascendante ne ressemble point d’ailleurs à la descendante, ni dans l’une ni dans l’autre saison; mais ce qui est remarquable, c’est le résultat que présentent ces courbes relativement à la véritable température moyenne de la journée, résultat dans lequel il faut nécessairement faire entrer l’élément du temps. «La vraie moyenne, disions-nous (ibid. p. 191) résulteroit à la rigueur de la somme des degrés d’un nombre infini d’observations faites dans les vingt-quatre heures, divisée par le nombre des observations elles-mêmes; et plus la marche qu’on suivra pour la déterminer par le fait s’approchera de ce principe rigoureux, plus son résultat sera voisin de la vérité.» »Il m’est arrivé plus d’une fois dans le cours de mes expériences sur la température atmosphérique, d’observer le thermomètre de demi heure en demi heure, depuis l’aube du matin jusqu’à dix heures du soir; d’autres fois j’ai observé tous les quarts d’heure durant cet intervalle; et en ajoutant à ces observations réellement faites, celles qu’on peut supposer pendant la nuit depuis dix heures à l’aube, et qui suivent probablement une marche décroissante assez régulière en progression arithmétique, on peut ainsi calculer la température moyenne des vingt-quatre heures d’après quarante-huit observations; ou d’après quatre-vingt-seize, si l’on a observé tous les quarts d’heure.» »En suivant cette méthode, j’ai choisi dans mes registres d’observations celles qui avoient été faites dans la saison la plus chaude et dans la température voisine de l’équinoxe du printems, par des jours bien sereins et uniformes, pour en déduire la chaleur moyenne des 24 heures à ces deux époques. Les observations du 16 août 1779 peuvent représenter assez bien la température d’une journée d’été dans notre climat; et celles du 19 mars 1781, une journée du commencement du printems.» »En procédant, comme je viens de l’indiquer, je trouve pour la température moyenne des vingt-quatre heures, déduite de quarante-huit observations, faites à l’ombre, à cinq pieds de terre, 16°,1 (R.)» »En cherchant dans la suite des observations, à quelles heures de la journée, le matin et le soir, le thermomètre a indiqué cette température, je trouve huit heures du matin, et sept heures trois quarts du soir. Si donc l’on vouloit, dans une journée ordinaire et sereine d’été se faire une idée, par une seule observation du thermomètre, de la température moyenne des vingt-quatre heures, ce seroit à l’une des deux heures indiquées qu’il faudroit faire cette observation.» »La moyenne entre les températures extrêmes observées ce jour-là, savoir au lever du soleil, et à trois heures après midi donne 16,05, bien approchante de celle des vingt-quatre heures trouvée ci-dessus.» (Voyez la courbe du 16 août qui présente à l’œil ce résultat). »La moyenne entre trois observations de cette même journée, faites au lever, au coucher du soleil, et dans le moment le plus chaud du jour, donne 16,5; ce qui ne s’éloigne pas beaucoup de la moyenne de 24 heures.» »La différence entre l’heure la plus froide et la plus chaude du jour étoit de 12°,8.» »En combinant de même les observations du 19 mars faites tous les quarts d’heure, on trouve les résultats suivans,» (que la courbe de ce jour indique aussi.) »La chaleur moyenne à cinq pieds de terre, à l’ombre est = 5°,8; on trouve cette température à 8 h. du matin et à 10 h. du soir. Il est assez remarquable que, dans des saisons aussi différentes, et dans lesquelles la température moyenne de la journée diffère de plus de 10° R. cette température soit également représentée par les observations faites à 8 h. du matin et vers dix heures du soir.» »Mais, la moyenne entre les températures extrêmes de cette journée donne 7,9, qui diffère en excès de 2,1, de la vraie moyenne, celle des 24 heures.» »La moyenne entre trois observations faites au lever et au coucher du soleil, et au moment le plus chaud du jour donne 9°,3 ce qui surpasse encore davantage la moyenne des 24 heures.» »La différence entre les températures extrêmes de cette journée de printems étoit de 14°. (R)» Si l’on jette encore les yeux sur ces courbes, celle qui représente la marche simultanée des deux thermomètres à 5 pieds et à 75 pieds de terre présentera aussi à l’œil ce fait, si remarquable, dont cette recherche nous donna la première connoissance. On voit, dans les heures qui répondent au crépuscule du matin, la courbe du thermomètre supérieur (à 75 pieds) indiquer une température plus chaude que celle du thermomètre inférieur (à 5 pieds). Les deux courbes se rapprochent à mesure que le soleil s’élève, elles se coupent environ deux heures après son lever; et depuis cette époque, le thermomètre inférieur indique constamment plus de chaleur que l’autre; leur plus grande différence s’élève à environ deux degrés, et elle répond à l’heure la plus chaude du jour. On voit ensuite après midi les deux courbes se raprocher et se couper de nouveau quelque temps avant le coucher du soleil; depuis ce moment le thermomètre inférieur se tient de nouveau plus bas que le supérieur, et leur différence, dans ce sens, augmente rapidement dès que le soleil est couché; elle s’élève à deux degrés et quelquefois davantage, vers la fin du crépuscule, et on la retrouve la même dans le crépuscule du matin. On voit donc que, suivant l’heure de la journée à laquelle on observe le thermomètre à l’ombre à 5 pieds de terre, on croit l’air plus froid, ou plus chaud qu’il ne l’est à 75 pieds; et que c’est environ 2h. [Formel] après le lever du soleil, et quelque temps avant son coucher, que la température observée à 5 pieds se raproche le plus de celle à 75 pieds, c’est-à-dire de celle qui est dégagée de l’influence locale immédiate, et qui par conséquent appartient plus véritablement à la base de la colonne d’air dont on voudroit aprécier la température avec précision. »Telle est (disions-nous encore) la marche constante des deux thermomètres à 5 pieds et à 75 pieds de terre, toutes les fois que le temps est calme et serein; elle a lieu de la même manière dans les diverses saisons de l’année et malgré les vents et les nuages (quoique moins sensiblement dans ce dernier cas); et ce n’est que dans les jours complétement et uniformément couverts, et lorsqu’il règne un vent violent, ou un brouillard épais, que les deux thermomètres, distans l’un de l’autre de 70 pieds s’accordent à-peu-près pendant tout le cours de la journée.» »Je n’aperçus pas sans une extrême surprise dès le premier jour de mes observations, cette marche singulière: je croyois, et je n’étois sans doute pas seul dans cette opinion, que la fraîcheur, qu’on éprouve le soir venoit d’en haut; et, je n’en croyais pas mes yeux en voyant alors le thermomètre à 75 pieds plus élevé de deux degrés que celui à 5 pieds! C’est donc du sol, que provient cette fraîcheur me disois-je; et effectivement, le thermomètre suspendu à quatre lignes du terrain étoit pour l’ordinaire encore plus bas, que celui à cinq pieds; mais, en revanche, le thermomètre enterré tout juste sous cette surface étoit beaucoup plus haut qu’aucun des autres; et la terre conservoit une partie de la chaleur considérable qu’elle avoit acquise pendant le jour; elle formoit donc ainsi comme une espèce de poële, sur lequel régnoit immédiatement une couche d’air frais; et au-dessus de cette couche on retrouvoit l’air plus chaud.» »On pourroit croire que c’étoit là un phénomène local et dû à quelques exhalaisons particulières; mais le sol n’étoit point humide; les mêmes expériences répétées dans une plus grande plaine, où je transportai ensuite mon appareil, m’offrirent le même résultat, et je l’ai obtenu encore sur la montagne du Môle (à cinq lieues de Genève) sur une croupe isolée élevée de plus de 700 toises au-dessus de la mer, et sur laquelle j’ai séjourné quelque temps pour des recherches barométriques.» On sait combien la véritable estimation de la température de la colonne d’air qui sépare les stations, dans les mesures barométriques, est un élément important du résultat qu’on cherche. On nous pardonnera donc peut-être la digression qui précède et qui est en rapport immédiat avec cette classe d’opérations si précieuses aux physiciens, aux naturalistes, et aux simples amateurs qui voyagent. On excusera encore les nombreuses citations dont nous l’avons accompagnée, en considérant que l’ouvrage d’où nous les tirions est rare, l’édition étant épuisée depuis long-temps; et que sa date, ainsi que celle des expériences rapportées, leur donnent une grande priorité sur celles du même genre, faites longtemps après en Angleterre par Mr. Six. Nous avons lieu de croire aussi, que nos recherches sur les températures moyennes diurnes étoient peu connues, puisqu’un auteur aussi profondément érudit que l’est celui dont nous exposions le travail, n’en a pas fait mention . Quant aux courbes qui représentent les résultats de nos observations, elles n’avoient point été publiées. Essai sur le feu, par M. A. Pictet. Genève 1790. Voyez lettre de Mr. Pictet sur la température moyenne à J. C. De la Metherie, Journal de Physique, Tome 42. (1793) page 78. (La suite à un autre Cahier). Des lignes isothermes, et de la distribution de la chaleur sur le globe. Par Alexandre de Humboldt. Tiré des Mémoires de physique et de chimie de la Société d’Arcueil. T. III. Paris 1817. (Second extrait). Le savant auteur du Mémoire dont nous continuons l’extrait, après avoir discuté la manière d’estimer les moyennes, discussion à laquelle nous avons osé prendre quelque part; Mr. de Humboldt, disons-nous, donne les élémens du tracé d’une courbe isotherme, ou d’égale température, à la surface du globe, au niveau des mers. Ces courbes sont fort éloignées de marcher parallèlement à l’équateur, ou parallèlement à elles-mêmes; les régions d’égale température moyenne annuelle ne répondent point aux mêmes latitudes, en Europe, en Asie, et en Amérique. En essayant de les tracer de 5° en 5° du thermomètre centigrade, et commençant à zéro, ou au terme de la glace, il trouve les résultats suivans: La ligne, ou bande isotherme de zéro, (c’est-à-dire où la température moyenne de l’année est au terme de la glace) passe entre Uleo et Enontekies en Laponie, (lat. 66° 38′ long. 17° 20′ or.) et Tablebaie, dans le Labrador (lat. 54°. long. 60° occ.) Voilà donc un même climat, par le 66.e deg. de lat. en Europe, et par le 54.e dans l’Amérique septentrionale, malgré 12 degrés de différence en latitude. La bande isotherme de 5° passe près de Stockholm, (lat. 60°, long. 15° or.) et la baie de St. Georges, en Terre-Neuve. (lat. 48°, long. 61° occ.) Voilà encore le même climat, c’est-à-dire, la même température moyenne annuelle, dans des lieux qui, en Europe, et en Amérique, diffèrent de 12 degrés en latitude. La bande isotherme de 10° passe par la Belgique, (lat. 51°, long. 3°) et près de Boston, (lat. 42° 30′, long. 73° 30′ occ.) même climat, avec une différence de 8° 30′ en latitude, en Europe et en Amérique. La bande isotherme de 15° passe entre Rome et Florence, (lat. 43° 0′, long. 9° 20′) et près de Raleigh, en Caroline (lat. 36°, long. 78° 50′ occ.) Différ. lat. 7° et même température moyenne. De ces faits que l’auteur a tirés des observations, il passe à des comparaisons assez remarquables entre les systêmes de température appartenant respectivement à l’Europe moyenne et occidentale, et à l’Amérique orientale. En voici le tableau. Latitude. Tempér. moy. ouest de l’anc. Continent. Tempér. moy. est du nouveau Continent. Différence. ————— ————— ————— ———— 30° 21°,4 19°,4 2°,0 40 17°,3 12°,5 4°,8 50 10°,5 3°,3 7°,2 60 4°,8 4°,6 9°,4 Si l’on recherche la marche du décroissement des températures moyennes annuelles, de dix en dix degrés de latitude, comparativement dans l’ancien continent et dans celui d’Amérique, on la trouve dans le tableau suivant. Les températures moyennes décroissent Latitude. Dans l’ancien Continent. Dans le nouveau Continent. —————— ————— ————— Therm. centig. Therm. centig. de 0 à 20 2° 2 20 à 30 4° 6 30 à 40 4° 7 40 à 50 7° 9 50 à 60 5°,5 7,4 —————— ————— ————— de 0 à 60 22°,5 31,4 Ici l’auteur fait une remarque frappante: c’est que «dans les deux mondes, la zône dans laquelle le décroissement de la température est le plus rapide se trouve comprise entre les parallèles de 40° et de 45°. L’observation est ici tout-à-fait d’accord avec la théorie, car la variation du carré du cosinus, qui exprime la loi de la température, est la plus grande possible vers les 45° de latit. Cette circonstance doit influer favorablement sur la civilisation et l’industrie des peuples qui habitent les pays voisins du parallèle moyen. C’est le point où les régions des vignes touchent à celles des oliviers et des citronniers; nulle part les productions végétales et les objets variés de l’agriculture ne se succèdent avec plus de rapidité. Or, une grande différence dans les productions des pays limitrophes vivifie le commerce et augmente l’industrie des peuples agriculteurs.» De tels rapprochemens ne sont ni d’un voyageur ni d’un physicien ordinaires. L’auteur, poursuivant vers l’ouest ses courbes isothermes, dans le continent de l’Amérique septentrionale, trouve que là elles demeurent presque parallèles entr’elles et à l’équateur terrestre depuis la côte orientale jusqu’à l’est du Mississipi et du Missouri; mais plus loin à l’ouest elles se relèvent, jusques vers les 60° de lat. N. En avançant de l’Europe vers l’est, les lignes isothermes se raprochent de nouveau de l’équateur; mais on possède trop peu de bonnes observations en Asie pour pouvoir y tracer ces courbes en nombre. L’auteur a eu des données pour trouver tout autour du globe les nœuds de celle qui répond à la température de 13°. Elle passe au nord de Bordeaux (latit. 45° 46′, long. 2° 57′ O.); près de Pekin (lat. 39° 54′, long. 114° 7′ E.) et le cap Fowlweather sur la côte N. O. de l’Amérique au sud de l’embouchure du fleuve Columbia (lat. 44° 40′, long. 106° 20′ O.); ses nœuds sont éloignés au moins de 162° en longitude. Les grandes courbes isothermes éprouvent des inflexions locales quelquefois bizarres; par exemple sur les côtes de la Méditerranée, entre Marseille, Gènes, Lucques et Rome. Comme aussi sur les côtes occidentales et dans l’intérieur de la France; mais, à mesure qu’on se rapproche de l’équateur, et sur-tout au-dessous du parallèle de 30°, les courbes isothermes deviennent peuà-peu parallèles entre elles et à ce cercle. L’auteur ne croit point (contre une opinion mal à propos accréditée) qu’entre les tropiques, l’ancien continent soit plus chaud que le nouveau. Il établit la température moyenne sous l’équateur à 27°,5 centigrades. L’auteur considère ensuite le mode de répartition de la chaleur dans les différentes parties de l’année, sur une même ligne isotherme; car, de ce que la température moyenne annuelle sera la même dans deux lieux différens, il ne s’ensuit point que celle des saisons soit respectivement identique. Il se fait à cet égard des partages inégaux qui caractérisent les deux systêmes de climats de l’Europe, et de l’Amérique atlantique. Pour faire ressortir les effets, l’auteur présente plusieurs tableaux curieux. Dans un premier, il montre qu’à mesure qu’on s’avance de l’équateur vers le pôle, la différence des températures moyennes de l’hiver, et de l’été, s’accroît considérablement; elle est de 12 deg. sur la ligne isotherme de 20°. de chaleur; et de 22°, sur la ligne de 0, en Europe. En Amérique, cette différence est, pour les mêmes lignes isothermes (de 20° et de 0) respectivement de 15°. et de 30°. Ces régions sont comprises entre les parallèles de 28 à 30, et ceux de 55° à 65°. Si, au lieu de mettre ainsi en comparaison les températures moyennes des deux saisons extrêmes, composées chacune de trois mois, on examine la différence du mois le plus chaud au mois le plus froid, l’accroissement des différences, à mesure qu’on s’éloigne de l’équateur, devient encore plus sensible. On voit dans le tableau que présente l’auteur, qu’à Cumana, par exemple, (lat. 10° 27′) la différence des températures moyennes du mois le plus froid, au plus chaud, n’est que de 2°, 4; qu’à la Havane, (lat. 23°. 10′) elle est de 7°, 7; à Natchez (lat. 31°. 38′) de 17°, 7; à New-York (lat. 40°. 40′ bande transatlantique, côtes orientales) de 30°,8; à Paris (lat. 48°. 50 bande cisatlantique) 19°,3, à Quebec (lat. 46°.47′ bande transatlantique) de 33°; à Pétersbourg (lat. 59°.56′, Europe orientale) de 31,7; enfin au Cap-nord (lat. 71°, climat des côtes et des isles) de 13°,6 seulement. Ainsi, ces différences, dont l’étendue absolue constitue ces climats que Buffon appeloit excessifs, non-seulement dépendent des latitudes, mais d’autres élémens, tels que la situation ou insulaire, ou méditerranée, etc. et elles ont une influence très-marquée sur la constitution physique des habitans. Après avoir comparé les différences des saisons extrêmes dans le sens de la latitude, l’auteur poursuit cet examen dans le sens de la longitude. Il remarque que les étés deviennent plus chauds et les hivers plus froids, à mesure qu’en partant du méridien du Mont-Blanc, sous lequel la différence de ces saisons est la moindre, on avance à l’est, ou à l’ouest. Il regarde l’Europe comme le prolongement occidental de l’ancien continent, et il remarque que, sous la même latitude, non-seulement les parties occidentales de tous les grands continens sont plus chaudes que les parties orientales; mais que dans les zônes isothermes, les hivers sont plus froids et les étés plus chauds sur les côtes orientales que sur les côtes occidentales des deux continens. Le nord de la Chine comme le nord de l’Amérique offrent des climats excessifs, et des saisons fortement contrastées, tandis que les côtes de la nouvelle Californie et l’embouchure du Colombia ont des hivers et des étés presque également tempérés.« On trouve, dit l’auteur, à New-Yorck l’été de Rome, et l’hiver de Coppenhague; à Quebec, l’été de Paris, et l’hiver de Pétersbourg; à Pekin, où la température moyenne de l’année est celle des côtes de Bretagne, les chaleurs de l’été sont plus fortes qu’au Caire, et les hivers, aussi rigoureux qu’à Upsal.» Quoique sur chaque ligne isotherme le partage de la chaleur annuelle entre l’hiver et l’été suive un type déterminé, les températures moyennes de ces deux saisons éprouvent des déviations, ou font autour de ce type des oscillations, renfermées dans certaines limites, ou soumises à une même loi sur les bandes qui passent par ces sommets concaves ou convexes des courbes isothermes. Les écarts autour de la moyenne, c’est-à-dire, l’inégalité des hivers sur une même ligne isotherme, augmentent à mesure que la chaleur annuelle diminue, depuis Alger jusqu’en Hollande, et depuis la Floride jusqu’en Pensylvanie. L’auteur a ingénieusement imaginé, d’après ces considérations, de tracer entre les courbes isothermes, (ou d’égale chaleur moyenne annuelle) des courbes d’égale chaleur d’hiver, et d’égale chaleur d’été; il appelle les premières, isochimènes, et les secondes, isothères; elles suivent des inflexions exactement contraires. La courbe isothère de Moscou, au centre de la Russie, passe vers l’embouchure de la Loire, quoiqu’il y ait 11 degrés de différence de latitude entre ces deux régions. L’auteur a porté son attention vers les rapports des saisons qui ont lieu dans l’intérieur, et sur les côtes; ces différences avoient été remarquées sans qu’on eût tenté de ramener les résultats à des expressions numériques. Il a pour cet effet choisi huit lieux, dont les uns sont placés sur le même parallèle géographique, les autres sur une même courbe isotherme; les uns pris sur la côte, depuis St. Malo jusqu’à l’embouchure de la Garonne, les autres dans l’intérieur et correspondant respectivement aux mêmes parallèles, depuis Châlons sur Marne jusques à Montauban. Les résultats moyens qu’il a obtenus sont tirés de cent vingt-sept mille observations thermométriques; et en admettant que les erreurs d’instrumens et d’observation se soient à-peu-près compensées, il a établi, soit pour un même parallèle soit pour une même ligne isotherme, l’hiver et l’été moyen de la côte, et ceux de l’intérieur. Le tableau suivant présente ces résultats. Différence. Ligne isoth. de 11°,5 côtes hiv. 4°,8; été 18°,4 13,6 intér. 3°,6 20°,0 16,4 12,°6 côtes 5°,2 19°,6 14,4 intér. 4°,0 20°,2 16,2 Temp. ann. Latit. 47° à 49 côtes 5°,0 19°,3 11°,8 intér. 3°,2 19°,2 10°,9 45° à 46 côtes 5°,7 19°,9 13°,2 intér. 4°,0 20°,7 12°,6 Toutefois, après ces recherches, dont nous ne donnons ici que l’abrégé très-succinct, l’auteur ne prétend point avoir résolu le problème, dans ses rapports avec la végétation.« En faisant connoître, dit-il, les lois empyriques de la répartition de la chaleur sur le globe, telles qu’on peut les déduire des variations thermométriques de l’air nous sommes loin de considérer ces lois comme les seules propres à résoudre l’ensemble des problêmes climatériques. La plupart des phénomènes de la nature offrent deux parties distinctes; l’une, qu’on peut soumettre à un calcul exact; l’autre, qu’on ne peut attendre que de la voie de l’induction et de l’analogie.» Après avoir indiqué le partage de la chaleur entre l’hiver et l’été sur une même ligne isotherme, l’auteur s’occupe à rechercher les rapports numériques entre les températures moyennes de l’hiver, et du printems; entre celles de l’année entière et du mois le plus chaud. Il remarque, que de tous les mois qui se succèdent immédiatement dans la période croissante de la température, pendant la première partie de l’année, ceux d’avril et de mai sont ceux qui présentent cet accroissement le plus rapide, c’est-à-dire, de 6 à 7 degrés. Il trouve un rapport marqué entre l’étendue de cet accroissement de la température vernale, et l’inégalité du partage de la chaleur annuelle entre les saisons, comme elle a lieu dans le nord de l’Europe et dans les Etats- Unis. Cet accroissement vernal est grand, (aux environs de 5 à 6 deg.) mais peu prolongé, dans l’Europe tempérée; il est peu considérable, (à peine de 4°) et également prolongé partout où règne le climat des isles. Lorsqu’on représente la température annuelle par une courbe, le printems et l’automne sont les saisons du passage du minimum au maximum, et vice versa; et les accroissemens, comme les décroissemens, sont bien plus lents près des sommets que dans la partie intermédiaire de la courbe. L’auteur trouve que le décroissement automnal de la température annuelle est moins rapide que l’accroissement vernal; nous verrons tout-àl’heure que la règle n’est pas générale, et qu’elle peut être modifiée par les localités. Dans le systême des climats européens, depuis Rome jusqu’à Upsal, entre les lignes isothermes de 15° et 5°, la température du mois le plus chaud est plus élevée de 9 à 10 degrés que la température moyenne de l’année. L’auteur remarque aussi, que «de même que deux heures du jour indiquent la température de la journée entière, il y a nécessairement aussi deux jours de l’année, ou deux décades, dont la température moyenne égale celle de l’année entière. D’après les moyennes de dix années d’observations, cette température de l’année se trouve, à Bude en Hongrie, du 15 au 20 avril, et du 15 au 25 octobre; à Milan, du 10 au 15 avril, et du 18 au 23 octobre.... En considérant les températures des mois entiers, on trouve que, jusques à la bande isotherme de deux deg., (c’est-à-dire, dans toute la partie tempérée de l’Europe), la température du mois d’octobre représente généralement (à moins d’un degré), la température moyenne de l’année.» Dans un tableau que présente l’auteur, des températures annuelles comparées à celle d’octobre; dans trente lieux différens, depuis le Caire jusqu’au cap Nord, cette remarque se trouve vérifiée, à un petit nombre d’exceptions près, qui ont lieu dans la zône glaciale. Il est donc commode pour les voyageurs, de pouvoir établir, jusqu’à un certain point, la température moyenne d’un climat, par l’observation de celle du mois d’octobre; comme il l’est aussi pour les physiciens de se faire une idée assez juste de la température moyenne d’une journée par l’observation du thermomètre vers huit heures du matin, ou huit heures du soir . Voyez p. 303, du volume précédent de ce Recueil. «Quant à la quantité de chaleur, dit l’auteur, que reçoit un même point du globe, elle est beaucoup plus égale pendant une longue suite d’années, qu’on ne seroit tenté de le croire d’après le témoignage de nos sensations, et la variabilité des récoltes.... C’est moins souvent une diminution dans la température moyenne de l’année entière, qu’un changement extraordinaire dans la répartition de la chaleur entre les différens mois, qui cause les mauvaises récoltes. En examinant, par les parallèles de 47° et 49° des séries de bonnes observations météorologiques faites pendant dix ou douze années, on trouve que les températures annuelles ne varient généralement que de 1° à 1°,5. Celles des hivers et des étés, de 2° à 3°; celle des mois d’hiver, de 5° à 6°. A Genève les températures moyennes de vingt années (1796 à 1816) ont été comme suit; exprimées en degrés centigrades:» 9,6 10,8 Moyenne des 20 années. = 9,8 centig. = 7,8 octog. 10,3 9,6 10,0 8,3 9,3 9,4 10,3 10,6 10,6 10,9 10,5 8,8 10,2 9,2 10,6 9,0 8,8 10,0 »Si, dans nos climats, les oscillations thermométriques sont un sixième de la température annuelle, sous les tropiques, elles ne sont pas d’un vingt-cinquième.... A Genève, les températures moyennes des étés ont été, dans les sept années comprises de 1803 à 1809, comme suit: 19°,6 20,1 moyenne 18°,3 18°,9 17,1 18°,8 17,2 18,7 Mr. Arago a trouvé que dans les deux années 1815 et 1816, dont la dernière a été si funeste aux récoltes dans une grande partie de la France, la différence de la température moyenne annuelle n’a été que de 1°,1; celle des étés, de 1,8. L’été de 1816 a été à Paris de 15,5, c’est-à-dire inférieur de 2°,8 à la moyenne de onze années. De 1803 à 1813, les oscillations autour de la moyenne n’avoient pas dépassé — 1,6 et + 1,9. L’auteur a eu la curiosité de comparer les températures moyennes annuelles, et les moyennes des saisons d’hiver et d’été observées pendant onze ans, de 1803 à 1813 inclusivement, dans deux endroits appartenant à un même systême de climats mais éloignés entr’eux de plus de 80 lieues. Il a choisi Paris et Genève; et le tableau suivant, extrait de son ouvrage, montre qu’à cette distance les variations suivent à-peu-près la même marche, en plus et en moins, tant dans la température de l’année entière, que dans celle des saisons, sans offrir cependant les mêmes quantités thermométriques. Tableau de comparaison des températures moyennes annuelles, et de celles des saisons d’hiver et d’été à Paris et à Genève, pour chaque année pendant onze ans. Les degrés indiqués sont ceux du thermomètre centigrade. Années. Paris. Genève. Paris. Genève. Paris. Genève. Température moyenne annuelle. Différ. avec la moy. de 12 ans (10°,6.) Température moyenne annuelle. Différ. avec la moy. de 12 ans (9°,8.) Température moyenne de l’hiver. Différ. avec l’hiver moyen (3°,7.) Température moyenne de l’hiver. Différ. avec l’hiver moyen (1°,6.) Température moyenne de l’été. Différ. avec l’été moyen (18°,1.) Température moyenne de l’été. Différ. avec l’été moyen (18°,3) 1803 10°,6 0° 10°,2 +0°,4 2°,6 —0°,9 0°,1 +1°,5 19°,8 +1°,7 19°,8 +1°,5 1804 11,1 +0,5 10,6 +0,8 5,0 +1,3 3,5 +1,9 18,6 +0,5 19,0 +0,7 1805 9,7 —0,9 8,8 —1,0 2,2 —1,5 1,0 —0,6 17,3 —0,8 17,2 —1,1 1806 11,9 +1,3 10,8 +1,0 4,8 +1,1 3,6 +2,0 18,5 +0,4 18,1 —0,2 1807 10,8 +0,2 9,6 —0,2 5,7 +2,0 2,1 +0,5 19,9 +1,8 20,1 +1,7 1808 10,3 —0,3 8,2 —1,6 2,6 —1,1 1,0 —0,6 19,0 +0,9 17,6 —0,7 1809 10,5 —0,1 9,3 —0,5 4,7 +1,0 1,7 +0,1 16,9 —1,2 17,3 1810 10,5 —0,1 10,6 +0,8 2,5 —1,2 17,4 —0,7 —1,0 1811 11,5 +0,9 11,0 +1,2 4,0 +0,3 18,4 +0,3 1812 9,9 —0,7 8,8 —1,0 4,2 +0,5 17,3 —0,8 1813 9,9 —0,7 9,2 —0,6 2,3 —1,4 16,5 —1,6 La confiance qu’accorde l’auteur aux observations faites à Genève, nous encourage à sortir du porte-feuille (ainsi que nous l’avons fait dans l’extrait précédent) un travail qui date de quelques années, et dont les résultats non-seulement s’accordent assez bien avec ce qui précède, mais peuvent jeter quelque jour sur toutes ces recherches de températures moyennes, parce que nous les montrons aux yeux sous la forme de lignes courbes. Occupés, il y a environ trois ans, de recherches analogues à celles que notre auteur a poursuivies avec tant d’avantage pour la science, nous invitâmes un amateur de la même étude, qui nous est attaché de fort près par alliance, et par les liens de l’amitié à se donner la peine de calculer pour chaque jour de l’année la température moyenne de dix ans, pour le minimum et le maximum diurne, tirés des tableaux que nous publions tous les mois dans ce Recueil depuis vingt-deux ans. Il exécuta ce travail de patience. Il en conclut ensuite pour chaque mois, la température moyenne au lever du soleil, et au moment le plus chaud du jour; la différence entre ce minimum et ce maximum, et la moyenne entre ces deux extrêmes, représentent assez bien la température moyenne du mois. Il représente ensuite toutes ces moyennes diurnes par deux lignes courbes, dont les inflexions plus ou moins parallèles en général, vont en s’écartant l’une de l’autre à mesure que les deux températures extrêmes de la journée s’éloignent davantage; les moyennes de chaque mois sont représentées par des lignes droites parallèles à l’axe; et le canevas entier de ces courbes, qui a plus de cinq pieds de long, présente la valeur moyenne du maximum et du minimum calculée pour chaque jour sur dix années d’observations. En voici le tableau abrégé. Mr. Prevost-Pictet. Tableau des températures moyennes de chaque mois, au lever du soleil et à 2 h. après midi, au jardin botanique de Genève, 203 toises au-dessus de la mer. Calculées sur dix années d’observations de 1803 à 1812 inclusivement. Therm. en 80 parties. Au lever du Soleil. A deux heures après midi. différence Moyenne entre les extrêmes. Janvier... —1°,54 +1,48 3,02 —0,03 Février... —0,57 +3,82 4,39 +1,62 Mars.... +1,34 7,02 5,68 4,18 Avril ... 3,24 10,12 6,88 6,68 Mai..... 8,09 15,28 7,19 11,69 Juin.... 10,06 17,14 7,08 13,60 Juillet... 11,62 18,60 6,98 15,11 Août.... 11,32 18,58 7,26 14,95 Septembre. 9,00 15,32 6,32 12,16 Octobre.. 5,92 10,79 4,87 8,35 Novembre. 2,82 6,48 3,66 4,65 Décembre. —0,51 +2,48 3,00 0,98 Un tableau, qui ne présente que des chiffres, demande à être étudié plus ou moins long-temps avant qu’on en voie ressortir certains résultats, qui se montrent au premier aspect lorsqu’on présente les données sous la forme de lignes courbes. C’est ce que nous avons cherché à faire Pl. 1 de ce volume. Nous invitons nos lecteurs à y jeter les yeux. Dans le chassis de ces courbes, les lignes horizontales représentent les degrés du thermomètre en 80 parties, convenablement exposé. Les colonnes verticales répondent à chaque mois. La courbe supérieure représente, par un point placé au milieu de la largeur de la colonne, la température moyenne des maxima de chaque mois; chaque point, dans la courbe inférieure, indique de même la température moyenne des minima du mois. Les deux courbes s’écartent l’une de l’autre de plus en plus, à mesure qu’on passe de l’hiver au printems, selon ce qu’indique la colonne des différences du tableau. Leur distance est la plus grande dans les trois mois de mai, juin, et juillet. La forme de ces courbes indique, que dans notre pays, le décroissement automnal de la chaleur est au moins aussi rapide que son accroissement vernal: on a vu qu’il n’en est pas toujours ainsi ailleurs. Dans la seconde colonne de la même planche, intitulée Moyennes de chaque mois, calculées sur dix ans, on retrouve représentées respectivement, par de petites lignes horizontales, les températures moyennes de chaque mois, telles que les indiquent les nombres de la dernière colonne du tableau. On peut y faire la remarque, déjà signalée par l’auteur, sur l’accroissement considérable de température qui a lieu dans notre pays, comme ailleurs, dans les latitudes moyennes d’Europe, entre la moyenne d’avril et celle de mai; on voit que les moyennes de juillet et d’août sont bien rapprochées l’une de l’autre; et que l’époque du décroissement le plus rapide, a lieu de septembre à octobre. Enfin, dans la troisième colonne de la même planche on voit la moyenne de dix ans se rapprocher beaucoup de la moyenne du mois d’octobre, ainsi que l’a remarqué l’auteur dans les moyennes des observations de Paris. — Revenons à son ouvrage. Il discute en passant (l’ayant traitée ailleurs) la question de la température de l’hémisphère austral, qui paroît inférieure à celle de l’hémisphère boréal. Il croit qu’on a exagéré la différence, et il attribue ce qui en reste, à l’émission de la chaleur rayonnante pendant un hiver astronomiquement plus long; et au peu d’étendue comparative des terres dans cet hémisphère. Il remarque d’ailleurs qu’il existe une grande égalité dans la répartition de la chaleur annuelle, par les 34° de lat. nord et sud, d’après des observations qu’il compare; et il ne croit pas que la ligne isotherme de zéro soit plus voisine du pôle nord que du pôle sud. Passant à la température comparative des diverses plages de l’océan, l’auteur y distingue quatre phénomènes très-différens: 1. ° la température de l’eau à sa surface, correspondante à différentes latitudes: 2. ° le décroissement du calorique dans l’eau de haut en bas: 3. ° l’effet des bas-fonds sur la température des eaux de la surface: 4. ° la température des courans qui charrient les eaux d’une zône à travers celles d’une autre qui demeurent immobiles. La bande aqueuse la plus chaude, (et plus chaude que l’air contigu) se trouve dans les six degrés de latitude, de part et d’autre de l’équateur; elle est de 28 à 29 centig. — Dans l’océan atlantique qui avoisine l’Europe, les extrêmes de température à la surface sont 20°, et 5°,5 centig. selon les saisons. De la température des mers l’auteur passe à celle de l’atmosphère dans ses diverses couches verticalement superposées. Il attribue le décroissement de la température de bas en haut 1. ° à la distance verticale plus ou moins grande des couches d’air à la surface des plaines et de l’océan: 2. ° à l’extinction de la lumière, qui diminue avec la densité des couches d’air superposées: 3. ° à l’émission du calorique rayonnant, favorisée par un air très-sec, très-froid et très-serein . Il donne un tableau d’observations faites dans trente-deux stations appartenant à une zône comprise entre les parallèles de 10°. nord et 10°. sud, et à diverses hauteurs et localités; il en donne aussi, faites dans la zône tempérée; l’abrégé de tous les résultats est présenté dans la Table suivante. On y voit au premier aspect que dans l’état moyen de l’atmosphère, la chaleur ne décroît pas en progression arithmétique. Table du décroissement de la température moyenne annuelle de 500 en 500 toises de hauteur verticale, dans la zône équatoriale, et dans la zône tempérée. Hauteur Zône équator. e de 0° à 10° lat. Zône tempérée de 45° à 47. en toises. Tempér. moy. Différ. Tempér. moy. Différ. 0 27°,5 5,7 12° 500 21,8 3,4 5 7,0 1000 18,4 4,1 —0,2 5,2 1500 14,3 7,3 —4,8 4,6 2000 7,0 5,5 2500 1,5 Enfin, l’auteur présente dans son Mémoire un résumé des faits que lui-même, et MM. De Buch et Wahlenberg ont recueillis sur la distribution de la chaleur dans l’intérieur de la terre, depuis l’équateur jusqu’à 70° de lat. nord, et depuis les plaines jusqu’à 1800 toises d’élevation. Le tableau suivant présente ces résultats dans deux zônes distinctes; celle de 30° à 55° et celle de 55° à 70°. Tableau des températures moyennes de l’air et de l’intérieur de la terre dans divers lieux entre les parallèles de 30° et de 70° therm. centig. Lieux. Latitude. Températ. moyenne. Air. Températ. de l’intér. de la terre. Caire.... 30° 2′ 22,6 22°,5 Natchez... 31 28 18,2 18,3 Charlestown. 33 0 17,3 17,5 Philadelphie. 39 56 11,9 11,2 Genève ... 46 12 9,6 10,4 Dublin ... 53 21 8,5 9,6 Kendal ... 54 17 7,9 8,8 Keswick... 54 33 8,9 9,2 Zône de 55° à 70. Carlscrone.. 56 6 7,8 8,5 Upsal.... 59 51 5,5 6,5 Umeo.... 63 50 0,7 2,9 Vadsoc ... 70 — 1,3 2,2 L’auteur termine le beau travail, auquel nous n’avons pu rendre en deux Extraits qu’une foible justice, par un Tableau très-grand et très-détaillé de la distribution de la chaleur sur le globe, sur six bandes isothermes de cinq en cinq degrés de température moyenne, depuis celle de la glace, jusqu’à 25°. Ce Tableau mériteroit d’être réimprimé à part, encadré, et mis en évidence partout où l’on s’occupe de météorologie, sous tous les points de vue que peut présenter cette branche des sciences physiques dans ses rapports avec la végétation, l’animalité, et la plupart des phénomènes atmosphériques.