Sur les Lois que l’on observe dans la distribution des formes végétales . Par Alexandre de Humboldt. Extrait d’un Mémoire lu à l’Institut, dans la séance du 5 février 1816. — Pour le détail des observations, voyez les Prolegomena de distributione geographicâ plantarum, secundum cœli temperiem et altitudinem montium, que M. de Humboldt a placés en tête des Nova genera et species, publiés conjointement avec MM. Bonpland et Kunth. La botanique, long-temps restreinte à la simple description des formes extérieures des plantes et à leur classification artificielle, offre aujourd’hui plusieurs genres d’études qui la mettent dans un rapport plus intime avec les autres branches des sciences physiques. Telles sont la distribution des végétaux d’après une méthode naturelle, fondée sur l’ensemble de leur structure; la physiologie, qui dévoile leur organisation intérieure; la géographie botanique, qui assigne à chaque tribu sa hauteur, ses limites et son climat. Les mots plantes alpines, plantes des pays chauds, plantes voisines de la mer se trouvent dans toutes les langues, même dans celles des peuples les plus sauvages de l’Orénoque. Ils prouvent que l’attention des hommes a été constamment fixée sur la distribution des végétaux et sur leurs rapports avec la température de l’air, l’élévation du sol, et la nature du terrain qu’ils habitent. Il ne fallut pas une grande sagacité pour observer que, sur la pente des hautes montagnes de l’Arménie, des végétaux de différente latitude se suivent comme les climats superposés les uns aux autres. Cette idée de Tournefort, développée par Linné dans deux dissertations intéressantes (Stationes et coloniæ plantarum), renferme cependant le germe de la géographie botanique. Menzel, l’auteur d’une Flore inédite du Japon, recommanda vivement aux voyageurs les recherches sur la distribution des espèces dans les différentes régions du globe. Il désigna même déjà le résultat de ces recherches par le nom de Géographie des plantes. Ce nom fut employé de nouveau et presqu’en même temps, vers l’année 1783, par l’abbé Giraud- Soulavie et par le célèbre auteur des Études de la Nature, ouvrage qui, parmi un grand nombre d’idées inexactes sur la physique du globe, renferme quelques vues profondes et ingénieuses sur les formes, les rapports et les habitudes des végétaux. L’abbé Giraud- Soulavie s’occupe de préférence des plantes cultivées: il distingue les climats des oliviers, des vignes et des châtaigniers. Il donne une coupe verticale du Mont- Mézin, à laquelle il joint l’indication des hauteurs du mercure dans le baromètre, «parce qu’il se méfie de tout résultat tiré de mesures barométriques.» La Géographie des plantes de la France méridionale a été suivie par le Tentamen historiæ geographicæ vegetabilium du savant professeur Strohmayer, publié en 1800 à Gottingue, sous la forme d’une dissertation; mais ce Tentamen offre plutôt le plan d’un ouvrage futur et le catalogue des auteurs à consulter, que des renseignemens sur les limites de hauteurs qu’atteignent, sous les différens climats, les plantes spontanées. Il en est de même des vues très-philosophiques énoncées par M. Treviranus dans son Essai de Biologie: on y trouve des considérations générales, mais point de mesures de hauteurs, point d’indications thermométriques, qui sont les bases solides de la géographie des plantes. Cette étude ne s’est élevée au rang d’une science que depuis que l’on a perfectionné et les mesures de hauteur par l’emploi des nivellemens barométriques, et la détermination des températures moyennes, ou, ce qui est plus important pour le développement de la végétation, la détermination des différences entre la température dé l’été et de l’hiver, entre celle du jour et de la nuit. Peu d’études ont fait, de notre temps, des progrès plus rapides, et il y a loin des premiers essais que nous venons de citer, à cette époque où, par les travaux réunis d’un grand nombre de voyageurs, on est parvenu à fixer la limite des végétaux en Laponie, dans les Pyrénées, sur le dos des Alpes, au Caucase, et dans les Cordillières de l’Amérique. Les végétaux qui couvrent la vaste surface du globe offrent, en les étudiant par classes ou par familles naturelles, des différences frappantes dans les distributions des formes: ce sont les lois de cette distribution sur lesquelles j’ai tenté récemment quelques recherches. En les limitant aux pays dont le nombre des espèces est exactement connu , et en divisant ce nombre par celui des glumacées , des légumineuses, des labiées et des composées, on trouve des rapports numériques qui forment des séries très-régulières. On voit certaines formes devenir plus communes depuis l’équateur vers le pole, comme les fougères, les glumacées, les éricinées et les rhododendrons. D’autres formes au contraire augmentent des poles vers l’équateur, et peuvent être considérées dans notre hémisphère comme des formes méridionales: telles sont les rubiacées, les malvacées, les euphorbiacées, les légumineuses et les composées. D’autres enfin atteignent leur maximum dans la zone tempérée même, et diminuent également vers l’équateur et les poles: telles sont les labiées, les amentacées, les crucifères et les ombellifères. Une partie de ces données a frappé depuis longtemps les voyageurs botanistes et tous ceux qui ont parcouru des herbiers. On a su que les crucifères et les ombellifères disparaissaient presqu’entièrement dans les plaines de la zone torride, et qu’aucune malvacée ne se trouve au-delà du cercle polaire. Il en est de la géographie des plantes comme de la météorologie; les résultats de ces sciences sont si simples, que de tout temps on a eu des aperçus généraux: mais ce n’est que par des recherches laborieuses et après avoir réuni un grand nombre d’observations précises, que l’on a pu parvenir à des résultats numériques, et à la connaissance des modifications partielles qu’éprouve la loi de la distribution des formes. Un tableau général, que nous donnerons plus bas, offre cette loi pour seize familles de plantes répandues dans les zones équatoriale, tempérée et glaciale. On y voit, avec une satisfaction mêlée de surprise, comment, dans la nature organique, les formes présentent des rapports constans sous les mêmes parallèles isothermes, c’est-à-dire, sur des courbes tracées par des points du globe qui reçoivent une égale quantité de chaleur. Les graminées forment en Angleterre [Formel] , en France [Formel] , dans l’Amérique du nord [Formel] de toutes les plantes phanérogames. Les glumacées font en Allemagne [Formel] , en France [Formel] , dans l’Amérique du nord [Formel] , dans la Nouvelle-Hollande, d’après les belles recherches de M. Brown, [Formel] des phanérogames connues. D’un autre côté, les légumineuses font en Allemagne [Formel] , en France [Formel] , dans l’Amérique septentrionale [Formel] de toute la masse des plantes phanérogames. Les composées augmentent un peu dans la partie septentrionale du nouveau continent; car, d’après la Flore nouvelle de Pursh, il y en a entre les parallèles de la Géorgie et de Boston [Formel] , tandis qu’en Allemagne nous en trouvons [Formel] , et en France [Formel] du nombre total des espèces à fructification visible. Dans toute la zone tempérée, les glumacées et les composées font ensemble à-peuprès [Formel] des phanérogames; les glumacées, les composées, les crucifères et les légumineuses ensemble près d’un tiers. Il résulte de ces recherches, que les formes des êtres organisés se trouvent dans une dépendance mutuelle, et que l’unité de la nature est telle, que les formes se sont limitées les unes par les autres d’après des lois constantes et faciles à déterminer. Lorsqu’on connaît sur un point quelconque du globe le nombre d’espèces qu’offre une des grandes familles des glumacées, des composées, des crucifères ou des légumineuses, on peut évaluer, avec beaucoup de probabilité et le nombre total des plantes phanérogames, et le nombre des espèces qui composent les autres familles végétales. C’est ainsi qu’en connaissant sous la zone tempérée le nombre des cypéracées ou des composées, on peut deviner celui des graminées ou des légumineuses . La Laponie, la France, l’Angleterre, etc., d’après les observations de MM. Wahlenberg, Buch, Ramond, Decandolle et Smith. Les glumacées renferment les trois familles des graminées, des cypéracées et des joncacées. Le nombre des espèces végétales décrites par les botanistes, ou existantes dans les herbiers de l’Europe, s’élève à 44,000, dont 6,000 agames. On a déjà compris dans ce nombre 3,000 nouvelles espèces phanérogames rapportées par M. Bonpland et par moi. La France compte, d’après M. Decandolle, 5,645 phanérogames, dont 460 glumacées, 490 composées, 230 légumineuses, etc. En Laponie, il n’y a que 497 phanérogames, parmi lesquelles 124 glumacées, 58 composées, 14 légumineuses, 23 amentacées, etc. Voyez mon Essai sur la Géographie des plantes, auquel est joint le tableau physique des regions équinoxiales, présenté à l’Institut en 1804, et publié en 1806. (On prépare en ce moment une nouvelle édition de cet ouvrage). GROUPES fondés sur l’analogie des formes. RAPPORT à toute la masse des Phanérogames. OBSERVATIONS. (Therm. Cent.) Zone équatoriale. (Chal. moyen. 27°). Zone tempérée. (Chal. moyen. 10° — 14°). Zone glaciale. (Chal. moyen. 0° — 1°). Agames cellulaires .. 1 : 5 1 : 2 1 : 1 Mousses, Lichens, Champignons. Fougères.......... 1 : 60 1 : 25 Allem. [Formel] . France [Formel] . Monocotylédones ... 1 : 6 1 : 4 1 : 3 All. [Formel] . Fr. [Formel] . Amér. bor. [Formel] . Joncacées ......... 1 : 400 1 : 90 1 : 25 All. [Formel] . Fr. [Formel] . Cypéracées ........ 1 : 60 1 : 30 1 : 9 All. [Formel] . Fr. [Formel] . Graminées......... 1 : 15 1 : 12 1 : 10 All. [Formel] . Fr. [Formel] . Glumacées ........ 1 : 11 1 : 8 1 : 4 Les Gl. renferment les 3 fam. préc. Labiées ........... 1 : 40 1 : 25 1 : 70 All. [Formel] . Fr. [Formel] . Am. bor. [Formel] . Éricinées et Rhod . 1 : 130 1 : 100 1 : 25 All. [Formel] . Fr. [Formel] . Am. bor. [Formel] . Composées ........ 1 : 6 1 : 8 1 : 13 All. [Formel] . Fr. [Formel] . Am. bor. [Formel] . Rubiacées......... 1 : 29 1 : 60 1 : 80 All. [Formel] . Fr. [Formel] . Ombellifères....... 1 : 2000 1 : 30 1 : 60 Fr. [Formel] . Am. bor. [Formel] . Crucifères......... 1 : 3000 1 : 18 1 : 24 Fr. [Formel] All. [Formel] . Am. bor. [Formel] . Malvacées......... 1 : 50 1 : 200 0 Fr. [Formel] . All. [Formel] . Am. bor. [Formel] . Légumineuses...... 1 : 12 1 : 18 1 : 35 Fr. [Formel] . All. [Formel] . Am. bor. [Formel] . Euphorbiacées ..... 1 : 35 1 : 80 1 : 500 Fr. [Formel] . All. [Formel] . Amentacées........ 1 : 800 1 : 45 1 : 20 Fr. [Formel] . All. [Formel] . Am. bor. [Formel] . Pour expliquer les différences qui se trouvent quelquefois entre les rapports qu’offrent l’Allemagne, l’Amérique septentrionale et la France, il faut avoir égard aux climats de ces régions plus ou moins tempérées. La France s’étend des 42° [Formel] aux 51° de latitude. Sur cette étendue, la chaleur moyenne annuelle est de 16°,7 à 11°: les chaleurs moyennes des mois d’été sont de 24° — 19°. L’Allemagne, comprise entre les 46° et 54° de latitude, présente à ses extrémités des températures moyennes annuelles de 12°,5 et 8°,5. Les chaleurs moyennes des mois d’été y sont de 21 et 18°. L’Amérique septentrionale, dans son immense étendue, offre les climats les plus variés. M. Pursh nous en a fait connaître 2,900 plantes phanérogames qui croissent entre les parallèles de 35 et de 44°, par conséquent par des températures moyennes annuelles de 16 et 7°. La Flore de l’Amérique septentrionale est un mélange de plusieurs Flores. Les régions méridionales lui donnent une abondance de malvacées et de composées; les régions boréales, plus froides que l’Europe, sous le même parallèle, fournissent à cette Flore beaucoup de rhododendrons, d’amentacées et de conifères. Les caryophyllées, les ombellifères et les crucifères sont en général plus rares dans l’Amérique du nord que dans la zone tempérée de l’ancien continent . Nous rappellerons ici, en faveur des physiciens peu versés dans l’étude de la botanique descriptive, les plantes qui servent de type aux formes ou familles principales: glumacées, souchet, ivraie, jonc; orchidées, orchis, satirion, vanille; labiées, sauge; éricinées, bruyère; composées, aster, tussilage; rubiacées, garance, quinquina; ombellifères, fenouil; crucifères, radis, giroflée, chou; malvacées, alcée, coton; légumineuses, genêt, trèfle, sensitive; euphorbiacées, titimale lactescent; amentacées, saule, orme, chène; conifères, pin, if, genièvre. Ces rapports constans observés sur la surface du globe, dans les plaines, depuis l’équateur jusqu’au pole, se retrouvent près des neiges perpétuelles, sur les cimes des montagnes. On peut admettre, en général, que, sur les Cordillières de la zone torride, les formes boréales deviennent plus fréquentes. C’est ainsi qu’on voit dominer à Quito, sur le sommet des Andes, les éricinées, les rhododendrons et les graminées. Au contraire, les labiées, les rubiacées, les malvacées et les euphorbiacées y deviennent aussi rares qu’elles le sont en Laponie. Mais cette analogie ne se soutient pas dans les composées et les fougères. Les premières abondent sur le dos des Andes, tandis que les dernières se perdent peu à peu lorsqu’on s’élève au-dessus de 1,800 toises de hauteur. Aussi le climat des Andes ne ressemble à celui de l’Europe boréale que sous le rapport de la température moyenne de l’année. La répartition de la chaleur dans les différentes saisons est entièrement différente, et influe puisamment sur les phénomènes de la végétation. En général, les formes qui dominent parmi les plantes alpines sont, d’après mes recherches: sous la zone torride, les graminées (ægopogon, podosœmum, deyeuxia, avena); les composées (culcitium, espeletia, aster, baccharis); et les caryophyllées (arenaria, stellaria). Sous la zone tempérée, les composées (senecio, leontodon, aster); les caryophyllées (cerastium, cherleria, silene); et les crucifères (draba, lepidium). Sous la zone glaciale, les caryophyllées (stellaria, alsine); les éricinées (andromeda) et les renonculacées. Ces recherches sur la loi de la distribution des formes conduisent naturellement à la question de savoir s’il existe des plantes communes aux deux continens; question qui inspire d’autant plus d’intérêt, qu’elle tient immédiatement à un des problêmes les plus importans de la zoonomie. On sait depuis long-temps, et c’est un des plus beaux résultats de la géographie des animaux, qu’aucun quadrupède, aucun oiseau terrestre, et, à ce qui paraìt d’après les belles recherches de M. Latreille, presqu’aucun insecte n’est commun aux régions équatoriales des deux Mondes. M. Cuvier s’est convaincu, par des recherches exactes, que cette règle s’applique même aux reptiles. Il a constaté que le vrai boa constrictor n’est propre qu’à l’Amérique, et que les boas de l’ancien continent sont des pytons. Quant aux régions placées hors des tropiques, Buffon a multiplié outre mesure le nombre des animaux communs à l’Amérique, à l’Europe et à l’Asie septentrionale. On s’est assuré que le bison, le cerf et le chevreuil d’Amérique, le lapin et le rat musqué, la loutre, la musaraigne, la taupe, l’ours, les chauve-souris, la martre et les putois sont des espèces différentes de celles d’Europe, quoique Buffon ait affirmé le contraire. Il ne reste que le glouton, le loup, l’ours blanc, le renard roux, peut-être aussi le renne et l’élan, qui n’ont point de caractères suffisans pour paraître spécifiques. Parmi les plantes, il faut distinguer entre les agames et les cotylédonées; et en considérant ces dernières, entre les monocotylédones et les dicotylédones. Il ne reste aucun doute que beaucoup de mousses et de lichens se trouvent à-la-fois et dans l’Amérique équinoxiale et en Europe: nos herbiers en font foi. Mais il n’en est pas des agames vasculaires comme des agames à tissu cellulaire. Les fougères et les lyocopodiacées ne suivent pas les mêmes lois que les mousses et les lichens. Les premières surtout offrent très-peu d’espèces universellement répandues, et les exemples que l’on cite sont le plus souvent douteux. Quant aux plantes phanérogames (à l’exception du rhizophora, de l’avicennia et de quelques autres plantes littorales), la loi de Buffon paraît exacte pour les espèces munies de deux cotylédons. Il est absolument faux, quoiqu’on l’ait souvent affirmé, que les plateaux des Cordillières du Pérou, dont le climat a quelqu’analogie avec le climat de la France ou de la Suède, produisent des plantes semblables. Les chênes, les pins, les ifs, les renoncules, les rosiers, les alchemilla, les valérianes, les stellaria, les draba des Andes péruviennes et mexicaines ont à-peu-près la même physionomie que les espèces des mêmes genres de l’Amérique septentrionale, de la Sibérie ou de l’Europe. Mais toutes ces plantes alpines des Cordillières, sans en excepter une seule, parmi trois ou quatre mille que nous avons examinées, diffèrent spécifiquement des espèces analogues de la zone tempérée de l’ancien continent. En général, dans la partie de l’Amérique située entre les tropiques, les plantes monocotylédones seules, et parmi celles-ci presque seulement les cypéracées et les graminées, sont communes aux deux mondes. Ces deux familles font exception à la loi générale que nous examinons ici, loi qui est si importante pour l’histoire des catastrophes de notre planète, et d’après laquelle les êtres organisés des régions équinoxiales diffèrent essentiellement dans les deux continens. J’ai donné dans les Prolegomena un catalogue exact de ces plantes monocotylédones, communes aux rives de l’Orénoque, à l’Allemagne et aux Indes orientales. Leur nombre ne s’élève qu’à vingt ou vingt-quatre espèces, parmi lesquelles il suffit de citer le Cyperus mucronatus, C. hydra, Hypælyptum argenteum, Poa eragrostis, Andropogon Allioni, etc. Funaria hygrometrica, octoblepharum albidum, lichen hirtus, sticta tomentosa, st. crocata, etc. Dans l’Amérique septentrionale placée hors des tropiques, on trouve près de [Formel] de plantes monocotylédones et dicotylédones communes aux deux continens. Sur 2,900 espèces phanérogames rapportées dans la nouvelle Flore de Pursh, il y en a 390 européennes. Il est vrai qu’on peut jeter quelque doute tant sur le nombre des plantes qui ont suivi les colons d’un hémisphère à l’autre, que sur celles qui, mieux examinées, seront reconnues dans la suite pour des espèces nouvelles; mais il est impossible que cette incertitude s’étende à toutes, et il est à présumer que, même après un examen approfondi, le nombre des espèces communes aux zones tempérées des deux mondes restera très-considérable encore. M. Brown s’est livré récemment à des recherches analogues sur les plantes de la Nouvelle-Hollande. Un vingt-huitième de toutes les monocotylédones trouvées jusqu’ici dans ce continent austral, lui sont communes avec l’Angleterre, la France et l’Allemagne. Parmi les dicotylédones, le rapport n’est que de [Formel] , ce qui prouve de nouveau comment, dans les deux hémisphères, les graminées et les cypéracées sont les plus répandues, à cause de l’extrême flexibilité de leur organisation. Il serait à desirer que de savans zoologistes tentassent d’examiner les rapports numériques analogues que présente la distribution des différentes familles d’animaux sur le globe. Dans l’hémisphère austral, les formes végétales de la zone torride avancent plus vers le pole que dans l’hémisphère boréal. Les fougères en arbre ne dépassent presque pas, en Asie et en Amérique, le tropique du cancer; tandis que, dans la partie australe de notre globe, le dicksonia antartica, dont le tronc s’élève à 6 mètres de hauteur, pousse ses migrations jusqu’à l’île Van-Diemen, sous la latitude de 42°; il a même été trouvé dans la Nouvelle-Zélande, dans le golfe de Dusky, sous le parallèle de Lyon. D’autres formes non moins majestueuses, et que l’on croirait appartenir exclusivement à la Flore équinoxiale, les orchidées parasites , se trouvent mêlées aux fougères arborescentes bien au-delà du tropique du capricorne, au centre de la zone tempérée australe. Ces phénomènes de la géographie des plantes prouvent combien est vague ce que l’on dit généralement de la grande diminution de température dans l’hémisphère méridional, sans distinguer entre les parallèles plus ou moins rapprochés du pole, et sans avoir égard à la répartition du calorique parmi les différentes saisons de l’année. Ces régions, vers lesquelles s’étendent les formes équinoxiales, jouissent, à cause de l’immensité des mers qui les entourent, d’un véritable climat des îles. Depuis le tropique du capricorne jusqu’au parallèle de 34°, et peut-être plus loin encore, les chaleurs moyennes de l’année (c’est-àdire la quantité de chaleur que reçoit un point du globe) ne diffèrent point encore considérablement dans les deux hémisphères. En jetant les yeux sur les trois continens, la Nouvelle-Hollande, l’Afrique et l’Amérique, nous trouvons que la température moyenne annuelle du port Jackson (lat. 33° 51′) est de 19°,3 centigrades; celle du Cap de Bonne-Espérance (lat. 33° 55′) de 19°,4; celle de la ville de Buenos-Ayres (lat. 34° 36′) de 19°,7. On peut être surpris de cette grande égalité dans la distribution de la chaleur par les 34° de latitude australe. Des observations météorologiques, plus précises encore, prouvent que dans l’hémisphère boréal, sous ce même parallèle de 34°, on trouve une température moyenne de 19°,8. En avançant vers le pole antarctique, peutêtre même jusqu’au parallèle de 57°, les températures des deux hémisphères diffèrent moins en hiver qu’en été. Les îles Malouines, situées par les 51° [Formel] de latitude australe, ont des froids d’hiver moins intenses qu’on n’en éprouve à Londres. La température moyenne de l’île Van-Diemen paraît être de 10°; il y gêle pendant l’hiver, mais pas assez pour détruire les fougères en arbre et les orchidées parasites. Dans les mers voisines, le capitaine Cook, par les 42° de latitude australe, n’a pas vu descendre au milieu de l’hiver, en juillet, le thermomètre au-dessous de + 6°,6. A ces hivers très-doux succèdent des étés remarquables par une fraîcheur extraordinaire. A l’extrémité australe de la Nouvelle-Hollande (lat. 42° 41′), la température de l’air s’élève rarement, au fort de l’été, à midi, au-dessus de 12° à 14°; et à la côte des Patagons, comme dans l’Océan voisin (lat. 48° — 58°), la chaleur moyenne du mois le plus chaud n’est que de 7°—8°, tandis que dans l’hémisphère boréal, à Pétersbourg et Umeo (lat. 59° 56′ et 63° 50′), cette chaleur excède 17°—19°. C’est cette douce température des îles dont jouissent les terres australes, entre les 30° et 40° de latitude, qui permet aux formes végétales de dépasser le tropique du capricorne. Elles embellissent une grande partie de la zone tempérée; et les genres que l’habitant de l’hémisphère septentrional regarde comme appartenant exclusivement aux climats des tropiques, offrent de nombreuses espèces entre les parallèles de 35° et 38° de latitude australe. Epidendra, dendrobia.