Extrait d’un Mémoire de M. Humboldt, inséré dans les Annales de Chimie et de Physique, tome III. Depuis peu, le désir de connaître l’élévation des montagnes de l’Inde, par des mesures directes et précises, parut avoir été satisfait par les travaux trigonométriques de M. Webb, lieutenant au corps d’infanterie du Bengale, le même à qui nous devons la connaissance plus exacte du cours du Gange. M. Webb a été chargé de lever la carte du Kumaon et de la province de Nepaul, récemment pacifiée. Il à envoyé au gouverneur général, lord Moira, les hauteurs de 27 pics couverts de neiges perpétuelles, et situés dans la grande chaîne de montagnes visible a Kumaon, au sud-est de Sirinagour. Vingt de ces pics excèdent 20,000 pieds anglais; le plus bas est de 15,733 pieds; le plus élevé a 25,669 pieds anglais, ou 4012 toises. M. Webb assure que les distances et les bases ont été vérifiées avec le plus grand soin, et il cite comme une preuve de la précision de la triangulation, que la latitude de la ville de Philibheet, déduite de la position seule des pics, coïncide à 5″ près avec celle qui a été déterminée par les observations astronomiques de M. Reuben-Burrow. La distance de la grande mosquée de Philibheet au pic le plus voisin, est de 98,000 fathoms ou, 112 milles. M. Webb ajoute que le 14e pic, celui qui a 25,669 pieds anglais au-dessus du niveau de l’Océan, est d’un mille plus élevé que le Chimborazo. D’après le Dictionnaire de Hutton, celui-ci n’est supposé que de 19,595 pieds anglais [ou 3014 toises] . Voici la hauteur des quatre cimes les plus élevées de l’Himêlaya: La Condamine donne au Chimborazo 3217 toises; don George Juan, 3380 toises. Dans les mesures de ces savans voyageurs, les angles de hauteur n’excédaient pas 4° 19′. On peut s’étonner de la grande différence que l’on trouve entre des résultats tirés des mêmes élémens. Mais ces élémens sont très compliqués, car les erreurs qui affectent les angles de dépression, celles de la hauteur du plateau de Quito, et du sommet d’Ilinissa, influent toutes sur la mesure tentée dans le plateau de Tapia, près de Riobambanuevo, au près de la montagne écroulée de l’Altar, que les indigènes supposent avoir été plus élevée que le Chimborazo; je trouve ce dernier de 9530 mètres. J’ai publié le détail de cette opération dans l’introduction de mon Recueil d’Observations astronomiques, tom. I er , pag. 74. Pieds anglais. toises. metres. Le 14e pic a 25,669 . . . . . . . (4013) . . . . . . . . [7821] Le 12e . . . . . 23,263 . . . . . . . (3637) . . . . . . . . [7088] Le 3e . . . . . 22,840 . . . . . . . (3571) . . . . . . . . [6959] Le 23e . . . . . 22,722 . . . . . . . (3553) . . . . . . . . [6925] Comme nous ignorons encore les détails des importantes opérations de M. Webb, il est difficile d’évaluer les erreurs que le jeu des réfractions a pu causer par une latitude de 30 à 32°. Si nous supposons que la plaine dans laquelle les angles de hauteur ont été pris a 1500 mètres d’élévation au-dessus du niveau de la mer, et que la distance ait été de 1° 30′ en arc, le pic le plus élevé se sera présenté sous un angle de 2° 17′; en supposant une réfraction moyenne de 0,08 de l’arc compris entre la station dans la plaine et la cime. Or, pour que ce pic ne fût élevé au-dessus du niveau de la mer, que de 6800 mètres, c’est-à-dire 270 mètres plus que le Chimborazo , il faudrait que le coefficient de la réfraction fût de 0,30, au lieu de 0,08; ce qui n’est guère probable, d’après ce que nous savons sur les réfractions dans une zone si méridionale. D’après la supposition de 6530 mètres. Les opérations de M. Webb paraissent inspirer d’autant plus de confiance, qu’en 1808, lorsque ce voyageur, dépourvu de baromètre, tenta pour la première fois la mesure des hautes cimes de l’Himalaya, le Gangautri ou Mahadeva-Calinga et le Jamautri . Il s’exprime, dans une lettre à M. Colebrooke, avec la plus grande réserve sur cet essai: «La hauteur de l’Himalaya, dit-il, reste encore à déterminer; mais en prenant la moyenne d’un grand nombre d’angles d’élévation pris à différentes heures du jour, avec un instrument très précis, et appuyant ces angles à une base suffisamment longue, mesurée dans la plaine de Rohilkhand, au sud-est de Philibheet (lat. 28° à 29°), je trouve que les pics les plus élevés de l’Himalaya ont 21,000 pieds anglais au-dessus de ma base, en comptant ⅛ pour la réfraction; ce que je crois, pour ce climat, une réfraction très forte.» Par les 31° 4′ et 31° 23′ de latitude au nord de Sirinagour, près Lallari, sur un plateau de 4000 pieds d’élévation, les deux pics se présentent sous un angle de 3° 17′ à 30 milles de distance. Asiat. Res., tom. XI, pag. 469. Nous ignorons la hauteur des plaines de Rohilkhand au-dessus du niveau de l’Océan; les deux baromètres qu’on avait envoyés de Calcutta à M. Webb, avaient malheureusement été brisés en chemin . Dans l’opération plus récente dont nous venons de présenter les principaux résultats, M. Webb a probablement pu déterminer la hauteur de sa base au-dessus de l’Océan, par une mesure barométrique. Asiat. Res., tom. II, pag. 448. La partie perpétuellement couverte de neige, a, dans le Mont-Blanc, 2085 m , dans le Chamborazo, 1735 m de hauteur. Si le plus haut pic de l’Himalaya, mesuré par M. Webb, a effectivement 7821 m d’élévation absolue, il doit y avoir en été au moins 4271 m de hauteur perpendiculaire, depuis la limite inférieure de la neige jusqu’au sommet du pic; car entre les 31° et 32° de latitude, on peut supposer cette limite des neiges à 3550 m au-dessus du niveau de l’Océan.