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Alexander von Humboldt: „Extrait de l’ouvrage de M. de Humboldt sur les monumens de l’Amérique“, in: ders., Sämtliche Schriften digital, herausgegeben von Oliver Lubrich und Thomas Nehrlich, Universität Bern 2021. URL: <https://humboldt.unibe.ch/text/1810-Pittoreske_Ansichten_in-23-neu> [abgerufen am 20.04.2024].

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https://humboldt.unibe.ch/text/1810-Pittoreske_Ansichten_in-23-neu
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Titel Extrait de l’ouvrage de M. de Humboldt sur les monumens de l’Amérique
Jahr 1831
Ort London
Nachweis
in: Edward Kingsborough, Antiquities of Mexico: Comprising Fac-similes of Ancient Mexican Paintings and Hieroglyphics, Preserved in the Royal Libraries of Paris, Berlin, and Dresden; in the Imperial Library of Vienna; in the Vatican library; in the Borgian Museum at Rome; in the Library of the Institute at Bologna; and in the Bodleian Library at Oxford. Together with the Monuments of New Spain, by M. Dupaix: With Their Respective Scales of Measurement and Accompanying Descriptions, 9 Bände, London: Robert Havell/Colnaghi, Son, and Co. 1830–1848, Band 5 (1831), S. [1]–36.
Sprache Französisch
Typografischer Befund Antiqua; Auszeichnung: Kursivierung, Kapitälchen; Fußnoten mit Asterisken, Kreuzen, Absatzmarken und Paragraphen; Besonderes: Wiedergabe einer indigenen Granit-Gravur.
Identifikation
Textnummer Druckausgabe: III.3
Dateiname: 1810-Pittoreske_Ansichten_in-23-neu
Statistiken
Seitenanzahl: 36
Zeichenanzahl: 85089

Weitere Fassungen
Pittoreske Ansichten in den Cordilleren (Stuttgart; Tübingen, 1810, Deutsch)
Alexander von Humboldts Ansichten über Amerika, und dessen eingeborne Völkerstämme (Stuttgart; Tübingen, 1814, Deutsch)
Über Amerika und dessen eingeborne Völkerstämme (Wien, 1814, Deutsch)
View of America and its native tribes (London, 1814, Englisch)
Researches Concerning the Institutions and Monuments of the Ancient Inhabitants of America; with descriptions and views of some of the most striking scenes in the Cordilleras (London, 1815, Englisch)
Travels in South America (Ipswich, 1815, Englisch)
Ueber die Lage, Form u. s. w. des Kotopaxi, dieses kolossalen Feuerberges (Frankfurt am Main, 1817, Deutsch)
Natuurlijke brug over den Icononzo, een dal in het cordillerisch gebergte (Amsterdam, 1818, Niederländisch)
Gang der Völkercultur der neuen Welt, verglichen mit jenem europäischer Natur, Kunst und Sitte (Brünn, 1819, Deutsch)
The works of god displayed (London, 1820, Englisch)
Cotopaxi (London, 1820, Englisch)
[Über die Anden-Kordillera] (Frankfurt am Main, 1820, Deutsch)
Description of the volcano at Cotopaxi (Chillicothe, Ohio, 1821, Englisch)
Description of the volcano at Cotopaxi (Cincinnati, Ohio, 1821, Englisch)
Cotopaxi (Hartford, Connecticut, 1822, Englisch)
[Researches Concerning the Institutions and Monuments of the Ancient Inhabitants of America; with descriptions and views of some of the most striking scenes in the Cordilleras] (Boston, Massachusetts, 1822, Englisch)
Ancient mexican cities and pyramids (Shrewsbury, 1823, Englisch)
Chimborazo and Cotopaxi (London, 1823, Englisch)
Remarks on the Union of the Atlantic and Pacific Oceans, by a Canal across the Isthmus of Darien or Panama (Montreal, 1824, Englisch)
The works of God displayed in the history of Cotopaxi a mountain in South America (New York City, New York, 1825, Englisch)
Cotopaxi (Black Rock, New York, 1825, Englisch)
[Pittoreske Ansichten in den Cordilleren] (London, 1827, Englisch)
Extrait de l’ouvrage de M. de Humboldt sur les monumens de l’Amérique (London, 1831, Französisch)
Traditions du nouveau monde, en conformité avec nos croyances (Paris, 1832, Französisch)
Calendrier mexicain (Paris, 1833, Französisch)
Cargueroes, or Man-Carriers of Quindiu (Edinburgh, 1836, Englisch)
Extrait des Vues des Cordillières et monuments des peuples indigènes de l’Amérique (Paris, 1836, Französisch)
Cargueroes, or man-carriers of Quindiu (New York City, New York; Boston, Massachusetts; Cincinnati, Ohio, 1837, Englisch)
Humboldt on the Heads of the American Indians (Edinburgh; London; Glasgow; New York City, New York, 1843, Englisch)
Cotopaxi (Philadelphia, Pennsylvania; Boston, Massachusetts; New York City, New York, 1851, Englisch)
Extinct Species (Wells, 1852, Englisch)
Extinct Species (Sligo, 1852, Englisch)
Extinct Species (Belfast, 1852, Englisch)
Extinct Species (Armagh, 1852, Englisch)
The Volcano of Cotopaxi (Hertford, 1853, Englisch)
The Volcano of Cotopaxi (Wells, 1853, Englisch)
Antediluvian America (Hertford, 1853, Englisch)
Antediluvian America (Wells, 1853, Englisch)
Mexique (Paris, 1853, Französisch)
Cotopaxi (Hartford, Connecticut, 1856, Englisch)
Visita del Chimborazo, desde la mesa de Tapia (Panama City, 1858, Spanisch)
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EXTRAIT de L’OUVRAGE DE M. DE HUMBOLDT sur LES MONUMENS DE L’AMÉRIQUE.

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EXTRAIT de L’OUVRAGE DE M. DE HUMBOLDT.

Les peintures Mexicaines, dont un très-petit nombre est parvenu jusqu’à nous,inspirent un double intérêt, et par le jour qu’elles répandent sur la mythologieet l’histoire des premiers habitans de l’Amérique, et par les rapports que l’on acru y reconnoître avec l’écriture hiéroglyphique de quelques peuples de l’anciencontinent. Pour réunir dans cet ouvrage tout ce qui peut nous instruire sur lescommunications qui, dans les temps les plus reculés, paroissent avoir eu lieu entredes groupes de peuples séparés par des steps, par des montagnes, ou par desmers, nous consignerons ici les résultats de nos recherches sur les peintureshiéroglyphiques des Américains. On trouve en Éthiopie des caractères qui ont une étonnante ressemblance avecceux de l’ancien Sanskrit, surtout avec les inscriptions des caves de Canarah, dontla construction remonte au-delà de toutes les périodes connues de l’histoireIndienne.* Les arts paroissent avoir fleuri à Méroé, et à Axoum, une des plusanciennes villes d’Éthiopie, avant que l’Égypte fût sortie de la barbarie. Unécrivain célèbre, profondément instruit dans l’histoire de l’Inde, Sir WilliamJones, a cru reconnoître une seule nation dans les Éthiopiens de Méroé, dansles premiers Égyptiens et dans les Hindoux. D’un autre côté, il est presquecertain que les Abyssins, qu’il ne faut pas confondre avec les Éthiopiens autoch-thones, étoient une tribu Arabe; et, d’après l’observation de M. Langles, les
* Notes de M. Langles pour le Voyage de Norden, Tom. III. p. 299—349. Asiatic Researches, Vol. III. p. 5.
|4| mêmes caractères Hemyarites que l’on découvre dans l’Afrique orientale ornoientencore, dans le quatorzième siècle de l’ère vulgaire, les portes de la ville deSamarkand. Voilà des rapports qui ont existé indubitablement entre le Habesch,ou l’ancienne Éthiopie, et le plateau de l’Asie centrale.
Une lutte prolongée entre deux sectes religieuses, celle des Brâhmanes et celledes Bouddhistes, a fini par l’émigration des Chamans au Tibet, dans la Mongolie,en Chine, et au Japon. Si des tribus de race Tartare ont passé sur la côte nord-ouest de l’Amérique, et de-là au sud et à l’est, vers les rives de Gila et vers cellesdu Missoury, comme des recherches étymologiques* paroissent l’indiquer, il fautêtre moins surpris de trouver, parmi les peuples à demi barbares du nouveaucontinent, des idoles et des monumens d’architecture, une écriture hiéroglyphique,une connoissance exacte de la durée de l’année, des traditions sur le premier étatdu monde, qui toutes rappellent les connoissances, les arts, et les opinionsreligieuses des peuples Asiatiques. Il en est de l’étude de l’histoire du genre humain comme de l’étude de cetteimmensité de langues que nous trouvons répandues sur la surface du globe.Ce seroit se perdre dans un dédale de conjectures, que de vouloir assigner uneorigine commune à tant de races et de langues diverses. Les racines du Sanskrittrouvées dans la langue Persane, le grand nombre de racines du Persan, et mêmedu Pehlvi, que l’on découvre dans les langues d’origine Germanique, ne nousdonnent pas le droit de regarder le Sanskrit, le Pehlvi, ou la langue ancienne desMèdes, le Persan, et l’Allemand, comme dérivant d’une seule et même source. Ilseroit absurde sans doute de supposer des colonies Égyptiennes partout où l’onobserve des monumens pyramidaux et des peintures symboliques; mais, commentne pas être frappé des traits de ressemblance qu’offre le vaste tableau des mœurs,des arts, des langues, et des traditions, qui se trouvent aujourd’hui chez les peuplesles plus éloignés les uns des autres? Comment ne pas indiquer, partout où ellesse présentent, les analogies de structure dans les langues, de style dans lesmonumens, de fictions dans les cosmogonies, lors même que l’on ne se peut prononcersur les causes secrètes de ces ressemblances, et qu’aucun fait historique ne remonteà l’époque des communications qui ont existé entre les habitans des diversclimats?
* Vater, über Amerika’s Bevölkerung, p. 155—169. Adelung’s Mithridates, Th. I. sect. 277. Schlegel, über Sprache und Weisheit der Inder, sect. 7.
|5| En fixant les yeux sur les moyens graphiques que les peuples ont employéspour exprimer leurs idées, nous trouvons de vrais hiéroglyphes, tantôt cyriolo-giques, tantôt tropiques, comme ceux dont l’usage paroît avoir passé de l’Éthiopieen Égypte; des chiffres symboliques, composés de plusieurs clefs, destinés à parlerplutôt aux yeux qu’à l’oreille, et exprimant des mots entiers, comme les caractèresChinois; des syllabaires, comme ceux des Tartares-Mantchoux, dans lesquels lesvoyelles font corps avec les consonnes, mais qui sont propres à être résolus enlettres simples; enfin, de vrais alphabets, qui offrent le plus haut degré deperfection dans l’analyse des sons, et dont quelques-uns, par exemple le coréen,d’après l’observation ingénieuse de M. Langles,* paroissent encore indiquer lepassage des hiéroglyphes à l’écriture alphabétique. Le nouveau continent, dans son immense étendue, présente des nations arrivéesà un certain dégré de civilisation: on y reconnoît des formes de gouvernement etdes institutions qui ne pouvoient être que l’effet d’une lutte prolongée entre leprince et les peuples, entre le sacerdoce et la magistrature: on y trouve deslangues, dont quelques-unes, comme le Grônlandois, le Cora, le Tamanaque, leTotonaque, et le Quichua, offrent une richesse de formes grammaticales que, dansl’ancien continent, on n’observe nulle part, sinon au Congo et chez les Basques,qui sont les restes des anciens Cantabres; mais, au milieu de ces traces deculture et de ce perfectionnement des langues, il est remarquable qu’aucun peupleindigène de l’Amérique ne s’étoit élevé à cette analyse des sons qui conduit àl’invention la plus admirable, on pourroit dire la plus merveilleuse de toutes, celled’un Alphabet. Nous voyons que l’usage des peintures hiéroglyphiques étoit commun auxToltèques, aux Tlascaltèques, aux Aztèques, et à plusieurs autres tribus qui, depuisle septième siècle de notre ère, paroissent successivement sur le plateau d’Anahuac;nulle part nous ne trouvons des caractères alphabétiques: on pourroit croire que leperfectionnement des signes symboliques, et la facilité avec laquelle on peignoit lesobjets, avoient empêché l’introduction des lettres. On pourroit citer, à l’appui decette opinion, l’exemple des Chinois, qui, depuis des milliers d’années, se contententde quatre-vingt mille chiffres, composés de deux cent quatorze clefs ou hiéroglyphesradicaux: mais ne voyons-nous pas chez les Égyptiens l’usage simultané d’un
* Voyage de Norden, édition de Langles, Tom. III. p. 296. Archiv für Ethnographie, Lib. 1. sect. 345. Vater, sect. 206.
|6| alphabet et de l’écriture hiéroglyphique, comme le prouvent indubitablement lesprécieux rouleaux de papyrus trouvés dans les enveloppes de plusieurs momies, etreprésentés dans l’Atlas pittoresque* de M. Denon?
Kalm rapporte, dans son Voyage en Amérique, que M. de Verandrier avoitdécouvert, en 1746, dans les savannes du Canada, à neuf cents lieues à l’ouest deMontréal, une tablette de pierre fixée dans un pilier sculpté, et sur laquelle setrouvoient des traits que l’on prit pour une inscription Tartare. Plusieurs Jésuitesà Québec assurèrent au voyageur Suédois avoir eu en main cette tablette que leChevalier de Beauharnois, alors gouverneur du Canada, avoit fait passer àM. de Maurepas, en France. On ne sauroit assez regretter de n’avoir eu aucunenotion ultérieure sur un monument si intéressant pour l’histoire de l’homme.Mais existoit-il à Québec des personnes capables de juger du caractère d’unalphabet? et si cette prétendue inscription eût été véritablement reconnue enFrance pour une inscription Tartare, comment un ministre éclairé et ami des artsne l’auroit-il pas fait publier? Les antiquaires Anglo-Américains ont fait connoître une inscription qu’on asupposé Phénicienne, et qui est gravée sur les rochers de Dighton, dans la Baie deNarangaset, près des bords de la rivière de Taunton, à douze lieues au sud deBoston. Depuis la fin du dix-septième siècle jusqu’à nos jours, Danforth, Mather,Greenwood, et Sewells, en ont donné successivement des dessins, dans lesquels ona de la peine à reconnoître des copies du même original. Les indigènes quihabitoient ces contrées, lors des premiers établissemens Éuropéens, conservoientune ancienne tradition, d’après laquelle des étrangers, naviguant dans des maisonsde bois, avoient remonté la rivière de Taunton, appelée jadis Assoonet. Cesétrangers, après avoir vaincu les hommes rouges, avoient gravé des traits dans leroc, qui est aujourd’hui couvert des eaux de la rivière. Court de Gebelin n’hésitepas, avec le savant Docteur Stiles, de regarder ces traits comme une inscriptionCarthaginoise. Il dit, avec cet enthousiasme qui lui est naturel, et qui esttrès-nuisible dans des discussions de ce genre, “que cette inscription vient d’arriver“tout exprès du nouveau monde, pour confirmer ses idées sur l’origine des peuples;“et que l’on y voit, d’une manière évidente, un monument Phénicien, un tableau“qui, sur le devant, désigne une alliance entre des peuples Américains et la nation“étrangère, arrivant, par des vents du nord, d’un pays riche et industrieux.”
* Denon, Voyage en Égypte, Pl. 136 et 137. Kalm’s Reise, Liv. iii. sect. 416.
|7| J’ai examiné avec soin les quatre dessins de la fameuse pierre de Taunton River,que M. Lort * a publiés à Londres dans les Mémoires de la Société des Antiquaires.Loin d’y reconnoître un arrangement symétrique de lettres simples ou decaractères syllabiques, je n’y vois qu’un dessin à peine ébauché, et analogue àceux que l’on a trouvés sur les rochers de la Norwège, et dans presque tous lespays habités par des peuples Scandinaves. On distingue, à la forme des têtes, cinqfigures humaines, entourant un animal qui a des cornes, et dont le devant estbeaucoup plus haut que l’extrémité postérieure. Dans la navigation que nous avons faite, M. Bonpland et moi, pour constaterla communication entre l’Orénoque et la rivière des Amazones, nous avons aussieu connoissance d’une inscription que l’on nous assuroit avoir été trouvée dans lachaîne de montagnes granitiques qui, sous les sept dégrés de latitude, s’étenddepuis le village Indien d’Uruana ou Urbana jusqu’aux rives occidentales duCaura. Un missionnaire, Ramon Bueno, religieux Franciscain, s’étant réfugié parhasard dans une caverne formée par la séparation de quelques bancs de rochers, vitau milieu de cette caverne un gros bloc de granit, sur lequel il crut reconnoître descaractères réunis en plusieurs groupes et rangés sur une même ligne. Lescirconstances pénibles dans lesquelles nous nous trouvions au retour du Rio Negroà Saint-Thomas de la Guayane, ne nous ont malheureusement pas permis devérifier nous-mêmes cette observation. Le missionnaire m’a communiqué la copied’une partie de ces caractères, dont je donne ici la gravure.
On pourroit reconnoître, dans ces caractères, quelque ressemblance avecl’alphabet Phénicien; mais je doute fort que le bon religieux, qui paroîssoit mettrepeu d’intérêt à cette prétendue inscription, l’ait copiée avec beaucoup de soin.Il est assez remarquable que, sur sept caractères, aucun ne s’y trouve répétéplusieurs fois: je ne les ai fait graver que pour fixer, sur un objet aussidigne d’examen, l’attention des savans qui pourront un jour visiter les forêts de laGuayane. Il est d’ailleurs assez remarquable que cette même contrée sauvage et déserte,dans laquelle le Père Bueno a cru voir des lettres gravées sur le granit, présente
* Account of an ancient Inscription by Mr. Lort, Archæologia, Vol. VIII. p. 290. Suhm, Samlinger til ten Danske Historie, Lib. II. p. 215.
|8| un grand nombre de rochers qui, à des hauteurs extraordinaires, sont couverts defigures d’animaux, de représentations du soleil, de la lune, et des astres, et d’autressignes peut-être hiéroglyphiques. Les indigènes racontent que leurs ancêtres, dutemps des grandes eaux, sont parvenus en canot jusqu’à la cime de ces montagnes,et qu’alors les pierres se trouvoient encore dans un état tellement ramolli, que leshommes ont pu y tracer des traits avec leurs doigts. Cette tradition annonce unehorde dont la culture est bien différente de celle du peuple qui l’a précédée: elle décèle une ignorance absolue de l’usage du ciseau et de tout autre outil métallique.
Il résulte de l’ensemble de ces faits, qu’il n’existe aucune preuve certaine de laconnoissance d’un alphabet parmi les Américains. Dans des recherches de cegenre, on ne sauroit être assez sur ses gardes pour ne pas confondre ce qui est dûau hasard et aux jeux de l’oisiveté, avec des lettres ou des caractères syllabiques.M. Truter * rapporte qu’à l’extrémité méridionale de l’Afrique, chez les Betjuanas,il a vu des enfans occupés à tracer sur un rocher, au moyen d’un instrument tranchant, des caractères qui avoient la plus parfaite ressemblance avec le P et le Mde l’alphabet Romain, et cependant ces peuples grossiers sont bien éloignés de connoître l’écriture. Ce manque de lettres observé dans le nouveau continent, lors de sa seconde découverte par Christophe Colomb, conduit à l’idée que les tribus de race Tartare ou Mongole, que l’on peut supposer être venues de l’Asie orientale enAmérique, ne possédoient pas elles-mêmes l’écriture alphabétique, ou, ce quiest moins probable, qu’étant retombées dans la barbarie, sous l’influence d’un climat peu favorable au développement de l’esprit, elles avoient perdu cet artmerveilleux, connu seulement d’un très-petit nombre d’individus. Nousn’agiterons point ici la question si l’alphabet Dêvanâgari est d’une hauteantiquité sur les bords de l’Indus et du Gange, ou si, comme le dit Strabon, d’après Megasthènes, les Hindoux ignoroient l’écriture avant les conquêtesd’Alexandre. Plus à l’est et plus au nord, dans la région des langues monosylla-biques, de même que dans celle des langues Tartares, Samojèdes, Ostiaques, etKamtschadales, l’usage des lettres, partout où on le trouve aujourd’hui, n’a étéintroduit que très-tard. Il paroît même assez probable que c’est le ChristianismeNestorien qui a donné l’alphabet Stranghelo aux Oïghours et aux Tartares-
* Bertuch, Geogr. Ephem. Lib. xii. sect. 67. Strabo, Lib. xv. p. 1035—1044. Langles, Dictionnaire Tartare-Mantchou, p. 18. Recherches Asiatiques, Tom. II. p. 62, n. d.
|9| Mantchoux; alphabet qui, dans les régions septentrionales de l’Asie, est encoreplus récent que ne le sont les caractères Runiques dans le nord de l’Europe.On n’a donc pas besoin de supposer que les communications entre l’Asie orientaleet l’Amérique remontent à une antiquité très-reculée, pour comprendre commentcette dernière partie du monde n’a pu recevoir un art qui, pendant une longuesérie de siècles, n’a été connu* qu’en Égypte, dans les colonies Phéniciennes etGrecques, et dans le petit espace de terrain contenu entre la Méditerranée, l’Oxus,et le Golfe Persique.
En parcourant l’histoire des peuples qui ignorent l’usage des lettres, onvoit que, presque partout, dans les deux hémisphères, les hommes ont essayéde peindre les objets qui frappent leur imagination, de représenter les chosesen indiquant une partie pour le tout, de composer des tableaux en réunissant desfigures ou les parties qui les rappellent, et de perpétuer ainsi la mémoire dequelques faits remarquables. L’Indien Delaware, en parcourant les bois, tracedes traits dans l’écorce des arbres, pour annoncer le nombre d’hommes et defemmes qu’il a tués à l’ennemi: le signe conventionnel qui indique la peauarrachée de la tête d’une femme, ne diffère que par un simple trait de celuiqui caractérise la chevelure de l’homme. Si l’on veut nommer hiéroglyphe toutepeinture des idées par les choses, il n’y a, comme l’observe très-bien M. Zoega,pas un coin de la terre dans lequel on ne trouve l’écriture hiéroglyphique: maisce même savant, qui a fait une étude approfondie des peintures Mexicaines, observe aussi qu’il ne faut pas confondre l’écriture hiéroglyphique avec la repré-sentation d’un événement, avec des tableaux dans lesquels les objets sont enrapport d’action les uns avec les autres. Les premiers religieux qui ont visité l’Amérique, Valades et Acosta, ontdéjà nommé les peintures Aztèques, “Une écriture semblable à celle des Égyptiens.”Si depuis, Kircher, Warburton, et d’autres savans, ont contesté la justesse decette expression, c’est parce qu’ils n’ont pas distingué les peintures d’un genre mixte, dans lesquelles de vrais hiéroglyphes, tantôt cyriologiques, tantôt tropiques, sontajoutés à la représentation naturelle d’une action, et l’écriture hiéroglyphique simple, telle qu’on la trouve, non sur le pyramidion, mais sur les grandes faces des obé-
* Zoega, de Origine Obeliscorum, p. 551. Ibid. pp. 525—534. Rhetorica Christiana, auctore Didaco Valades. Romæ, 1579, Pars II. Cap. xxvii. p. 93. Acosta,Lib. vi. Cap. vii.
|10| lisques. La fameuse inscription de Thèbes, citée par Plutarque et par Clement d’Alexandrie,* la seule dont l’explication soit parvenue jusqu’à nous, exprimoit,dans les hiéroglyphes d’un enfant, d’un vieillard, d’un vautour, d’un poisson, etd’un hippopotame, la sentence suivante: “Vous qui naissez et qui devez mourir,“sachez que l’Éternel déteste l’impudence.” Pour exprimer la même idée, unMexicain auroit représenté le grand esprit Teotl, châtiant un criminel: certainscaractères placés au-dessus de deux têtes auroient suffi pour indiquer l’âge del’enfant et celui du vieillard: il auroit individualisé l’action; mais le style de sespeintures hiéroglyphiques ne lui auroit pas fourni de moyen pour exprimer engénéral le sentiment de haine et de vengeance.
D’après les idées que les anciens nous ont transmises des inscriptions hiéro-glyphiques des Égyptiens, il est très-probable qu’elles pouvoient être lues commeon lit des livres Chinois. Les recueils que nous appelons assez improprement des manuscrits Mexicains, renferment un grand nombre de peintures qui peuvent êtreinterprétées ou expliquées comme les reliefs de la colonne Trajane; mais on n’yvoit qu’un très-petit nombre de caractères susceptibles d’être lus. Les peuplesAztèques avoient de vrais hiéroglyphes simples pour l’eau, la terre, l’air, le vent,le jour, la nuit, le milieu de la nuit, la parole, le mouvement; ils en avoient pourles nombres, pour les jours et les mois de l’année solaire: ces signes, ajoutés àla peinture d’un événement, marquoient d’une manière assez ingénieuse si l’actions’étoit faite le jour ou la nuit; quel étoit l’âge des personnes qu’on vouloit désigner;si elles avoient parlé, et laquelle d’entre elles avoit parlé le plus. On trouve mêmechez les Mexicains des vestiges de ce genre d’hiéroglyphes que l’on appelle phonétiques, et qui annoncent des rapports, non avec la chose, mais avec la langueparlée. Chez des peuples à demi-barbares, les noms des individus, ceux des villeset des montagnes, font généralement allusion à des objets qui frappent les sens,tels que la forme des plantes et des animaux, le feu, l’air, ou la terre. Cette cir-constance a fourni des moyens aux peuples Aztèques de pouvoir écrire les nomsdes villes et ceux de leurs souverains. La traduction verbale d’Axajacatl est visage d’eau, celle d’Ilhuicamina, flèche qui perce le ciel: or, pour représenter lesrois Moteuczoma Ilhuicamina et Axajacatl, le peintre réunissoit les hiéroglyphesde l’eau et du ciel à la figure d’une tête et d’une flèche. Les noms des villes de
* Plut. de Iside, ed. Par. 1624, Tom. II. p. 363. F. Clem. Alexandr. Stromat. Lib. v. Cap. vii.ed. Potter, Oxon. 1715, Tom. II. p. 670, lin. 30.
|11| Macuilxochitl, Quauhtinchan, et Tehuilojoccan, signifient cinq fleurs, maison del’aigle, et lieu des miroirs: pour indiquer ces trois villes, on peignoit une fleurplacée sur cinq points, une maison de laquelle sortoit la tête d’un aigle, et unmiroir d’obsidienne. De cette manière, la réunion de plusieurs hiéroglyphessimples indiquoit les noms composés; elle le faisoit par des signes qui parloientà la fois aux yeux et à l’oreille: souvent aussi les caractères qui désignoientles villes et les provinces étoient tirés des productions du sol ou de l’industrie deshabitans.
Il résulte de l’ensemble de ces recherches, que les peintures Mexicaines quise sont conservées jusqu’à nos jours offrent une grande ressemblance, non avecl’écriture hiéroglyphique des Égyptiens, mais bien avec les rouleaux de papyrustrouvés dans l’enveloppe des momies, et que l’on doit aussi considérer comme despeintures d’un genre mixte, parce que des caractères symboliques et isolés y sontajoutés à la représentation d’une action: on reconnoît, dans ces papyrus, desinitiations, des sacrifices, des allusions à l’état de l’âme aprés la mort, des tributspayés aux vainqueurs, les effets bienfaisans de l’inondation du Nil et les travauxde l’agriculture: parmi un grand nombre de figures représentées en action, ou enrapport les unes avec les autres, on observe de vrais hiéroglyphes, de ces caractèresisolés qui appartenoient à l’écriture. Mais ce n’est pas seulement sur les papyruset sur les enveloppes de momies, c’est sur les obélisques mêmes que l’on trouvedes traces de ce genre mixte, qui réunit la peinture à l’écriture hiéroglyphique:la partie inférieure et la pointe des obélisques Égyptiens présentent généralementun groupe de deux figures qui sont en rapport l’une avec l’autre, et que l’on ne doitpas confondre* avec les caractères isolés de l’écriture symbolique. En comparant les peintures Mexicaines avec les hiéroglyphes qui ornoient lestemples, les obélisques, et peut-être même les pyramides de l’Égypte; en réflé-chissant sur la marche progressive que l’esprit humain paroît avoir suivie dansl’invention des moyens graphiques propres à exprimer des idées, on voit que lespeuples de l’Amérique étoient bien éloignés de cette perfection qu’avoient atteinteles Égyptiens: en effet, les Aztèques ne connoissoient encore que très-peu d’hié-roglyphes simples; ils en avoient pour les élémens comme pour les rapports dutemps et des lieux: or, ce n’est que par le grand nombre de ces caractères, suscep-tibles d’être employés isolément, que la peinture des idées devient d’un usage facile,
* Zoega, p. 438.
|12| et qu’elle se rapproche de l’écriture. Nous trouvons chez les Aztèques le germedes caractères phonétiques: ils savoient écrire des noms en réunissant quelquessignes qui rappeloient des sons: cet artifice auroit pu les conduire à la belledécouverte d’un syllabaire; il auroit pu les porter à alphabétiser leurs hiéroglyphessimples; mais que de siècles se seroient écoulés avant que ces peuples montagnards,qui tenoient à leurs habitudes avec cette opiniâtreté qui caractérise les Chinois, lesJaponois, et les Hindoux, se fussent élevés à la décomposition des mots, à l’analysedes sons, à l’invention d’un alphabet!
Malgré l’imperfection extrême de l’écriture hiéroglyphique des Mexicains,l’usage de leurs peintures remplaçoit assez bien le défaut de livres, de manuscrits,et de caractères alphabétiques. Du temps de Montezuma, des milliers depersonnes étoient occupées à peindre, soit en composant à neuf, soit en copiantdes peintures qui existoient déjà. La facilité avec laquelle on fabriquoit le papier,en se servant des feuilles de maguey ou pite (agave), contribuoit sans doutebeaucoup à rendre si fréquent l’emploi de la peinture. Le roseau à papier(Cyperus papyrus) ne vient, dans l’ancien continent, que dans des endroits humideset tempérés: la pite, au contraire, croît également dans les plaines et sur lesmontagnes les plus éleveés; elle végète dans les régions les plus chaudes de laterre comme sur des plateaux où le thermomètre descend jusqu’au point de lacongélation. Les manuscrits Mexicains (codices Mexicani) qui ont été conservés,sont peints, les uns sur des peaux de cerfs, les autres sur des toiles de coton, ousur du papier de maguey. Il est très-probable que, parmi les Américains, commechez les Grecs, et chez d’autres peuples de l’ancien continent, l’usage des peauxtannées et preparées a précédé celui du papier: du moins les Toltèques paroissentdéjà avoir employé la peinture hiéroglyphique à cette époque reculée à laquelle ilshabitoient des provinces septentrionales, dont le climat est contraire à la culturede l’agave. Chez les peuples du Mexique, les figures et les caractères symboliques n’étoientpas tracés sur des feuillets séparés. Quelle que fût la matière employée pourles manuscrits, il est très-rare qu’ils fussent destinés à former des rouleaux; presquetoujours on les plioit en zigzag, d’une manière particulière, à peu près comme lepapier ou l’étoffe de nos éventails: deux tablettes d’un bois léger étoient colléesaux extrémités, l’une par dessus, l’autre par dessous; de sorte qu’avant de déve-lopper la peinture, l’ensemble offre la plus parfaite ressemblance avec nos livresreliés. Il résulte de cet arrangement, qu’en ouvrant un manuscrit Mexicain |13| comme on ouvre nos livres, on ne parvient à voir à la fois que la moitié descaractères, ceux qui sont peints d’un même côté de la peau ou du papier demaguey: pour examiner toutes les pages (si toutefois on peut appeler pages lesdifférens replis d’une bande qui a souvent douze à quinze mètres de longueur), ilfaut étendre le manuscrit entier une fois de gauche à droite, et une autre fois dedroite à gauche: sous ce rapport, les peintures Mexicaines offrent la plus grandeconformité avec les manuscrits Siamois que l’on conserve à la bibliothèque impérialede Paris, et qui sont aussi pliés en zigzag. Les volumes que les premiers missionnaires de la Nouvelle-Espagne appeloientassez improprement des livres Mexicains, renfermoient des notions sur un grandnombre d’objets très-différens: c’étoient des annales historiques de l’empireMexicain, des rituels indiquant le mois et le jour auxquels on doit sacrifier à telleou telle divinité, des représentations cosmogoniques et astrologiques, des piècesde procès, des documens relatifs au cadastre ou à la division des propriétés dansune commune, des listes de tributs payables à telle ou telle époque de l’année,des tableaux généalogiques d’après lesquels on régloit les héritages ou l’ordrede succession dans les familles, des calendriers manifestant les intercalations del’année civile et de l’année religieuse; enfin, des peintures qui rappelloient lespeines par lesquelles les juges devoient punir les délits. Mes voyages dansdifférentes parties de l’Amérique et de l’Europe m’ont procuré l’avantaged’examiner un plus grand nombre de manuscrits Mexicains que n’ont pu lefaire Zoega, Clavigero, Gama, l’Abbé Hervas, l’auteur ingénieux des LettresAmericaines, le Comte Rinaldo Carli, et d’autres savans, qui, après Boturini, ont écrit sur ces monumens de l’ancienne civilisation de l’Amérique. Dans laprécieuse collection conservée au palais du Vice-roi, à Mexico, j’ai vu desfragmens de peintures relatives à chacun des objets dont nous venons de fairel’énumération. On doit être frappé de l’extrême ressemblance que l’on observe entre lesmanuscrits Mexicains conservés à Veletri, à Rome, à Bologne, à Vienne, et auMexique; au premier abord on les croiroit copiés les uns des autres: tous offrentune extrême incorrection dans les contours, un soin minutieux dans les détails,et une grande vivacité dans les couleurs, qui sont placées de manière à produireles contrastes les plus tranchans: les figures ont généralement le corps trapucomme celles des reliefs Étrusques; quant à la justesse du dessin, elles sontau-dessous de tout ce que les peintures des Hindoux, des Tibétains, des Chinois, |14| et des Japonois, offrent de plus imparfait. On distingue dans les peinturesMexicaines des têtes d’une grandeur énorme, un corps excessivement court, etdes pieds qui, par la longueur des doigts, ressemblent à des griffes d’oiseau: lestêtes sont constamment dessinées de profil, quoique l’œil soit placé comme si lafigure étoit vue de face. Tout ceci indique l’enfance de l’art; mais il ne fautpas oublier que des peuples qui expriment leurs idées par des peintures, et quisont forcés, par leur état social, de faire un usage fréquent de l’écriture hiéro-glyphique mixte, attachent aussi peu d’importance à peindre correctement que lessavans d’Europe à employer une belle écriture dans leurs manuscrits. On ne sauroit nier que les peuples montagnards du Mexique appartiennentà une race d’hommes qui, semblable à plusieurs hordes Tartares et Mongoles, seplaît à imiter la forme des objets. Partout à la Nouvelle-Espagne, comme àQuito et au Pérou, on voit des Indiens qui savent peindre et sculpter; ilsparviennent à copier servilement tout ce qui s’offre à leur vue: ils ont appris,depuis l’arrivée des Européens, à donner de la correction à leurs contours; maisrien n’annonce qu’ils soient pénétrés de ce sentiment du beau, sans lequel lapeinture et la sculpture ne peuvent s’élever au-dessus des arts mécaniques.Sous ce rapport, et sous bien d’autres encore, les habitans du nouveau monderessemblent à tous les peuples de l’Asie orientale. On conçoit d’ailleurs comment l’usage fréquent de la peinture hiéroglyphiquemixte devoit contribuer à gâter le goût d’une nation en l’accoutumant à l’aspectdes figures les plus hideuses, des formes les plus éloignées de la justesse desproportions. Pour indiquer un roi qui, telle ou telle année, a vaincu une nationvoisine, l’Égyptien, dans la perfection de son écriture, rangeoit sur la mêmeligne un petit nombre d’hiéroglyphes isolés, qui exprimoient toute la série des idéesqu’on vouloit rappeler; et ces caractères consistoient en grande partie en figuresd’objets inanimés: le Mexicain, au contraire, pour résoudre le même problème,étoit obligé de peindre un groupe de deux personnes, un roi armé terrassant unguerrier qui porte les armes de la ville conquise. Or, pour faciliter l’emploi de cespeintures historiques, on commença bientôt à ne peindre que ce qui étoit absolu-ment indispensable pour reconnoître les objets. Pourquoi donner des bras à unefigure représentée dans une attitude dans laquelle elle n’en fait aucun usage? Deplus, les formes principales, celles par lesquelles on indiquoit une divinité, un temple,un sacrifice, devoient être fixées de bonne heure. L’intelligence des peinturesseroit devenue extrêmement difficile, si chaque artiste avoit pu varier à son gré la |15| représentation des objets que l’on étoit obligé de désigner fréquemment. Il suit delà que la civilisation des Mexicains auroit pu augmenter beaucoup, sans qu’ils eussentété tentés d’abandonner les formes incorrectes dont on étoit convenu depuis dessiècles. Un peuple montagnard et guerrier, robuste, mais d’une laideur extrême,d’après les principes de beauté des Européens, abruti par le despotisme, accoutuméaux cérémonies d’un culte sanguinaire, est déjà par lui-même peu disposé às’élever à la culture des beaux arts: l’habitude de peindre au lieu d’écrire, l’aspectjournalier de tant de figures hideuses et disproportionnées, l’obligation de conserverles mêmes formes sans jamais les altérer; toutes ces circonstances devoientcontribuer à perpétuer le mauvais goût parmi les Mexicains. C’est en vain que nous cherchons, sur le plateau de l’Asie centrale, ou plusau nord et à l’est, des peuples qui aient fait usage de cette peinture hiéroglyphiqueque l’on observe dans le pays d’Anahuac depuis la fin du septième siècle: lesKamtschadales, les Tongouses, et d’autres tribus de la Sibérie, décrites par Strahlenberg, peignent des figures qui rappellent des faits historiques: soustoutes les zones, comme nous l’avons observé plus haut, l’on trouve des nationsplus ou moins adonnées à ce genre de peinture: mais il y a bien loin d’uneplanche chargée de quelques caractères, à ces manuscrits Mexicains qui sont touscomposés d’après un système uniforme, et que l’on peut considérer comme lesannales de l’empire. Nous ignorons si ce système de peinture hiéroglyphiquea été inventé dans le nouveau continent, ou s’il est dû à l’émigration de quelquetribu Tartare qui connoissoit la durée exacte de l’année, et dont la civilisationétoit aussi ancienne que chez les Oïghours du plateau de Turfan. Si l’anciencontinent ne nous présente aucun peuple qui ait fait de la peinture un usageaussi étendu que les Mexicains, c’est qu’en Europe et en Asie nous ne trouvonspas une civilisation également avancée sans la connoissance d’un alphabet ou decertains caractères qui le remplacent, comme les chiffres des Chinois et desCoréens. Avant l’introduction de la peinture hiéroglyphique, les peuples d’Anahuac seservoient de ces nœuds et de ces fils à plusieurs couleurs, que les Péruviensappellent quippus, et que l’on retrouve* non seulement chez les Canadiens, maistrès-anciennement aussi chez les Chinois. Le Chevalier Boturini a été encore
* Lafitau, Mœurs des Sauvages, Tom. I. pp. 233, 503. Histoire Générale des Voyages, Tom. I. Liv. x.Chap. viii. Martini, Histoire de la Chine, p. 21. Boturini, Nueva Historia de la America Septentrional,p. 85.
|16| assez heureux pour se procurer de vrais quippus Mexicains, ou nepohualtzitzin, trouvés dans le pays des Tlascaltèques. Dans les grandes migrations des peuples,ceux de l’Amérique se sont portés du nord au sud, comme les Ibériens, les Celtes,et les Pelasges, ont reflué de l’est à l’ouest. Peut-être que les anciens habitansdu Pérou avoient jadis passé par le plateau du Mexique: en effet, Ulloa,* familiarisé avec le style de l’architecture Péruvienne, avoit été frappé de lagrande ressemblance qu’offroient, dans la distribution des portes et des niches,quelques anciens édifices de la Louisiane occidentale, avec les tambos construitspar les Incas; et il ne paroît pas moins remarquable que, d’après les traditionsrecueillies à Lican, l’ancienne capitale du royaume de Quito, les quippus étoientconnus aux Puruays long-temps avant que les descendans de Manco-Capac leseussent subjugués.
L’usage de l’écriture et celui des hiéroglyphes ont fait oublier au Mexique,comme à la Chine, les nœuds ou les nepohualtzitzin. Ce changement s’est opérévers l’année 648 de notre ère. Un peuple septentrional, mais très-policé, lesToltèques, paroît dans les montagnes d’Anahuac, à l’est du Golfe de Californie:il se dit chassé d’un pays situé au nord-ouest du Rio Gila, et appelé Huehuet-lapallan; il porte avec lui des peintures qui indiquent, année par année, lesévénemens de sa migration; il prétend avoir quitté cette patrie, dont la positionnous est totalement inconnue, l’année 544, à la même époque à laquelle la ruinetotale de la dynastie des Tsin avoit occasionné de grands mouvemens parmi lespeuples de l’Asie orientale; cette circonstance est très-remarquable: de plus,les noms que les Toltèques imposoient aux villes qu’ils avoient fondées, étoientceux des villes du pays boréal qu’ils avoient été forcés d’abandonner; ainsi l’onsaura l’origine des Toltèques, des Cirimèques, des Acolhues, et des Aztèques, deces quatre nations qui parloient toutes la même langue, et qui entrèrent succes-sivement, et par le même chemin, au Mexique, si jamais on découvre dans lenord de l’Amérique ou de l’Asie un peuple qui connoisse les noms deHuehuetlapallan, d’Aztlan, de Teocolhuacan, d’Amaquemecan, de Tehuajo, et deCopalla. Jusqu’au parallèle de 53 degrés, la température de la côte nord-ouest del’Amérique est plus douce que celle des côtes orientales; on pourroit croire que
* Ulloa, Noticias Americanas, p. 43. Clavigero, Storia di Messico, Tom. I. p. 126; Tom. IV. pp. 29, 46.
|17| la civilisation avoit fait anciennement des progrès sous ce climat, et même àdes latitudes plus élevées: encore aujourd’hui on observe que, sous les 57 degrés,dans le canal de Cox et dans la baie de Norfolk, appelée par Marchand le Golfede Tchinkitané, les indigènes ont un goût décidé pour les peintures hiéro-glyphiques sur bois. J’ai examiné,* dans un autre endroit, s’il est probable queces peuples industrieux, et d’un caractère généralement doux et affable, sont descolons Mexicains réfugiés vers le nord, après l’arrivée des Espagnols, ou s’ils nedescendent pas plutôt des tribus Toltèques ou Aztèques, qui, lors de l’irruptiondes peuples d’Aztlan, sont restées dans ces régions boréales. Par la réunionheureuse de plusieurs circonstances, l’homme s’élève à une certaine culture, mêmedans les climats les moins favorables au développement des êtres organisés: près ducercle polaire, en Islande, nous avons vu, depuis le douzième siècle, les peuplesScandinaves cultiver les lettres et les arts avec plus de succès que les habitans duDanemarck et de la Prusse.
Quelques tribus Toltèques paroissent s’être mêlées aux nations qui habitoientjadis le pays contenu entre la rive orientale du Mississipi et l’Océan Atlantique.Les Iroquois et les Hurons faisoient sur bois des peintures hiéroglyphiques quioffrent des rapports frappans avec celles des Mexicains: ils indiquoient le nomdes personnes qu’ils vouloient désigner, en employant le même artifice dont nousavons parlé plus haut dans la description d’un tableau généalogique. Lesindigènes de la Virginie avoient des peintures appelées sagkokok, qui repré-sentoient, par des caractères symboliques, les événemens qui avoient eu lieu dansl’espace de soixante ans: c’étoient de grandes roues divisées en soixante rayonsou en autant de parties égales. Lederer rapporte avoir vu, dans le villageIndien de Pommacomek, un de ces cycles hiéroglyphiques, dans lequel l’époquede l’arrivée des blancs sur les côtes de la Virginie étoit marquée par la figured’un cygne vomissant du feu, pour indiquer à la fois la couleur des Européens,leur arrivée par eau, et le mal que leurs armes à feu avoient fait aux hommesrouges. Au Mexique, l’usage des peintures et celui du papier de maguey s’étendoient
* Voyez mon Essai Politique, Vol. I. p. 372; Vol. II. p. 507. Marchand, Tom. I. pp. 259, 261,299, 375. Lafitau, Tom. II. pp. 43, 225, 416. La Hontan, Voyage dans l’Amérique Septentrionale, Tom. II.p. 193. Journal des Savans, 1681, p. 75.
|18| bien au delà des limites de l’empire de Montezuma, jusqu’aux bords du lac deNicaragua, où les Toltèques, dans leurs migrations, avoient porté leur langueet leurs arts. Dans le royaume de Guatimala, les habitans de Teochiapan con-servoient des traditions qui remontoient jusqu’à l’époque d’un grand déluge, aprèslequel leurs ancêtres, sous la conduite d’un chef appelé Votan, étoient venus d’unpays situé vers le nord. Dans le village de Teopixca il existoit encore auseizième siècle des descendans de la famille de Votan ou Vodan (ces deux nomssont les mêmes, les Toltèques et les Aztèques n’ayant pas dans leur langue lesquatre consonnes d, b, r, et s). Ceux qui ont étudié l’histoire des peuplesScandinaves dans les temps héroïques, doivent être frappés de trouver au Mexiqueun nom qui rappelle celui de Vodan ou Oudin, qui régna parmi les Scythes,et dont la race, d’après l’assertion très-remarquable de Beda,* “a donné des rois à“un grand nombre de peuples.”
S’il étoit vrai, comme plusieurs savans l’ont supposé, que ces mêmes Toltèques,qu’une peste, jointe à une grande sécheresse, avoit chassés du plateau d’Anahuacvers le milieu du onzième siècle de notre ère, ont reparu dans l’Amériqueméridionale comme fondateurs de l’empire des Incas, comment les Péruviensn’auroient-ils pas abandonné leurs quippus pour adopter l’écriture hiéroglyphiquedes Toltèques? Presque à la même époque, au commencement du douzièmesiècle, un évêque Grœlandois avoit porté, non sur le continent de l’Amérique, maisà la Terre-Neuve (Vinland), des livres Latins, les mêmes peut-être que les frères Zeni y trouvèrent en 1380. Nous ignorons si des tribus de race Toltèque ont pénétré jusque dansl’hémisphère austral, non par les Cordillères de Quito et du Pérou, mais ensuivant les plaines qui se prolongent à l’est des Andes, vers les rives du Marañon:un fait extrêmement curieux, et dont j’ai eu connoissance pendant mon sejour àLima, porteroit à le supposer. Le Père Narcisse Gilbar, religieux Franciscain,avantageusement connu par son courage et par son esprit de recherche, trouva,parmi les Indiens indépendans Panos, sur les rives de l’Ucayale, un peu au nordde l’embouchure du Sarayacu, des cahiers de peintures qui, par leur formeextérieure, ressembloient parfaitement à nos livres in-quarto: chaque feuilletavoit trois décimètres de long sur deux de large; la couverture de ces cahiers
* Beda, Hist. Eccles. Lib. I. Cap. xv. Francisco Nunez de la Vega, Constitutiones Synodales,p. 74. Viaggio de’ Fratelli Zeni, (Venezia, 1808) p. 67.
|19| étoit formée de plusieurs feuilles de palmiers collées ensemble, et d’un parenchymetrès-épais: des morceaux de toile de coton, d’un tissu assez fin, représentoientautant de feuillets, qui étoient réunis par des fils de pite. Lorsque le Père Gilbar arriva parmi les Panos, il trouva un vieillard assis au pied d’un palmier, et entouréde plusieurs jeunes gens auxquels il expliquoit le contenu de ces livres. Lessauvages ne voulurent d’abord pas souffrir qu’un homme blanc s’approchât duvieillard: ils firent savoir au missionnaire, par l’intermède des Indiens de Manoa,les seuls qui entendoient la langue des Panos, “que ces peintures contenoient“des choses cachées qu’aucun étranger ne devoit apprendre.” Ce ne fut qu’avecbeaucoup de peine que le Père Gilbar parvint à se procurer un de ces cahiers,qu’il envoya à Lima pour le faire voir au Père Cisneros, savant rédacteur d’unjournal* qui a été traduit en Europe. Plusieurs personnes de ma connoissanceont eu en main ce livre de l’Ucayale, dont toutes les pages étoient couvertes depeintures: on y distingua des figures d’hommes et d’animaux, et un grandnombre de caractères isolés, que l’on crut hiéroglyphiques, et qui étoient rangéspar lignes, avec un ordre et une symétrie admirables: on fut frappé surtout de lavivacité des couleurs; mais comme personne à Lima n’avoit eu occasion devoir un fragment de manuscrits Aztèques, on ne put juger de l’identité dustyle entre des peintures trouvées à une distance de huit cents lieues les unes desautres.
Le Père Cisneros voulut faire déposer ce livre au couvent des missions d’Ocopamais, soit que la personne à laquelle il le confia le perdît au passage de laCordillère, soit qu’il fût soustrait et envoyé furtivement en Europe, il est certainqu’il n’arriva point au lieu de sa première destination: toutes les recherchesfaites pour retrouver un objet aussi curieux ont été inutiles, et on regretta troptard de n’avoir pas fait copier ces caractères. Le missionnaire Narcisse Gilbar,avec lequel j’ai été lié d’amitié pendant mon séjour à Lima, m’a promis de tentertous les moyens pour se procurer un autre cahier de ces peintures des Panos: ilsait qu’il en existe plusieurs parmi eux, et qu’ils disent eux-mêmes que ces livresleur ont été transmis par leurs pères. L’explication qu’ils donnent de ces peinturesparoît fondée sur une tradition antique qui se perpétue dans quelques familles.Les Indiens de Manoa, que le Père Gilbar chargea de faire des recherches sur lesens de ces caractères, crurent deviner qu’ils indiquoient des voyages et d’anciennesguerres avec des hordes voisines.
* El Mercurio Peruano.
|20| Les Panos différent aujourd’hui très-peu du reste des sauvages qui habitentces forêts humides et excessivement chaudes: nus, vivant de bananes et duproduit de la pêche, ils sont bien éloignés de connoître la peinture, et de sentirle besoin de se communiquer leurs idées par des signes graphiques. Comme laplupart des tribus fixées sur les rives des grands fleuves de l’Amérique méridionale,ils ne paroissent pas très-anciens dans le lieu où on les trouve maintenant: sont-ilsles foibles restes de quelque peuple civilisé retombé dans l’abrutissement, oudescendent-ils de ces mêmes Toltèques qui ont porté l’usage des peintureshiéroglyphiques à la Nouvelle-Espagne, et que, poussés par d’autres peuples, nousvoyons disparoître aux rives du lac de Nicaragua? Voilà des questions d’ungrand intérêt pour l’histoire de l’homme; elles se lient à d’autres dont l’importancen’a pas été suffisamment sentie jusqu’ici. Des rochers granitiques qui s’élèvent dans les savannes de la Guayane, entre leCassiquiare et le Conorichite, sont couverts de figures de tigres, de crocodiles, etd’autres caractères que l’on pourroit croire symboliques. Des dessins analogues setrouvent tracés cinq cents lieues au nord et à l’ouest, sur les rives de l’Orénoque,près de l’Encaramada et de Caicara; sur les bords du Rio Cauca, près de Timba,entre Cali et Jelima; enfin, sur le plateau même des Cordillères, dans le Paramode Guanacas. Les peuples indigènes de ces régions ne connoissent pas l’usagedes outils métalliques: tous conviennent que ces caractères existoient déjà lorsqueleurs ancêtres arrivèrent dans ces contrées. Est-ce à une seule nation industrieuse,adonnée à la sculpture, comme l’étoient les Toltèques, les Aztèques, et tout legroupe de peuples sorti d’Aztlan, que sont dues ces traces d’une anciennecivilisation? En quelle région doit-on placer le foyer de cette culture? Est-ceau nord du Rio Gila, sur le plateau du Mexique, ou bien dans l’hémisphère dusud, dans ces plaines élevées de Tiahuanacu, que les Incas même trouvèrent déjàcouvertes de ruines d’une grandeur imposante, et que l’on peut considérer commele Himala et le Tibet de l’Amérique méridionale? Ces problèmes ne peuvent êtrerésolus dans l’état actuel de nos connoissances. Nous venons d’examiner les rapports qu’offrent les peintures Mexicaines avecles hiéroglyphes de l’ancien monde; nous avons tâché de répandre quelqueslumières sur l’origine et les migrations des peuples qui ont introduit à laNouvelle-Espagne l’usage de l’écriture symbolique et la fabrication du papier: ilnous reste à indiquer les manuscrits (Codices Mexicani) qui, depuis le seizièmesiècle, ont passé en Europe, et qui sont conservés dans les bibliothèques publiques |21| et particulières. On sera étonné de remarquer combien sont devenus rares cesmonumens précieux d’un peuple qui, dans sa marche vers la civilisation, paroîtavoir lutté contre les mêmes obstacles qui s’opposent à l’avancement des arts cheztoutes les nations du nord et même de l’est de l’Asie. D’après les recherches que j’ai faites, il paroît qu’il n’existe aujourd’hui enEurope que six collections de peintures Mexicaines: celles de l’Escurial, deBologne, de Veletri, de Rome, de Vienne, et de Berlin. Le savant Jésuite Fabrega, qui est souvent cité dans les ouvrages de M. Zoega, et dont leChevalier Borgia, neveu du cardinal de ce nom, a bien voulu me communiquerquelques manuscrits relatifs aux antiquités Aztèques, suppose que les archives deSimancas en Espagne renferment aussi quelques-unes de ces peintures hiéro-glyphiques que Robertson désigne si bien par le mot de picture-writings. Le recueil conservé à l’Escurial a été examiné par M. Waddilove,* aumônierde l’ambassade Angloise à Madrid du temps de la mission de Lord Grantham:il a la forme d’un livre in-folio, ce qui pourroit faire soupçonner qu’il n’est qu’unecopie d’un manuscrit Mexicain, car les originaux que j’ai examinés ressemblenttous à des volumes in-quarto. Les objets représentés paroissent prouver que lerecueil de l’Escurial, comme ceux d’Italie et de Vienne, sont ou des livresastrologiques ou des vrais rituels, qui indiquoient les cérémonies religieusesprescrites pour tel ou tel jour du mois. Au bas de chaque page se trouve uneexplication en Espagnol, qui a été ajoutée lors de la conquête. Le recueil de Bologne est déposé à la bibliothèque de l’Institut des Sciencesde cette ville: on ignore son origine, mais on lit, sur la première page, que cettepeinture, qui a 326 centimètres (onze palmi Romani) de longueur, a été cédée, le26 Décembre, 1665, par le Comte Valerio Zani au Marquis de Caspi. Lescaractères, qui sont tracés sur une peau épaisse et mal préparée, paroissent en grandepartie avoir rapport à la forme des constellations et à des idées astrologiques. Ilexiste une copie au simple trait de ce Codex Mexicanus de Bologne, dans le muséedu Cardinal Borgia, à Veletri. Le recueil de Vienne, qui a soixante-cinq pages, est devenu célèbre, parce qu’ila fixé l’attention du Docteur Robertson, qui, dans son ouvrage classique surl’histoire du nouveau continent, en a publié quelques pages, mais sans couleurs eten simples contours. On lit, sur la première page de ce manuscrit Mexicain, “qu’il
* Robertson’s History of America, 1802, Vol. III. p. 403.
|22| “a été envoyé par le Roi Emmanuel de Portugal au Pape Clement VII, et que“depuis il a été entre les mains des Cardinaux Hippolyte de Medicis etCapuanus.” Lambeccius,* qui a fait graver assez incorrectement quelquesfigures du Codex Vindobonensis, observe que, le Roi Emmanuel étant mort deuxans avant l’élection du Pape Clement VII, le don de ce manuscrit n’a pu être faità ce dernier Pontife, mais bien à Leon X, auquel le Roi de Portugal envoya uneambassade en 1513: mais je demande comment on pouvoit avoir en Europe despeintures Mexicaines en 1513, puisque Hernandez de Cordova ne découvrit lescôtes de Yucatan qu’en 1517, et que Cortez ne débarqua à la Vera-Cruz qu’en1519? Est-il probable que les Espagnols aient trouvé des peintures Mexicainesà l’Ile de Cuba, quand les habitans de cette île, malgré la proximité du Cap Catocheau Cap Saint-Antoine, ne paroissent pas avoir eu de communication avec lesMexicains? Il est vrai que, dans la note ajoutée au recueil de Vienne, celui-cin’est pas nommé Codex Mexicanus, mais Codex Indiæ Meridionalis: cependantl’analogie parfaite qu’offre ce manuscrit avec ceux conservés à Veletri et à Rome,ne laisse aucun doute sur une origine commune. Le Roi Emmanuel est mort en1521: le pape Clement VII en 1534: il me paroît peu croyable qu’avant lapremière entrée des Espagnols à Ténochtitlan (le 8 Novembre, 1519), il puisse yavoir eu un manuscrit Mexicain à Rome. Quelle que soit l’époque à laquelle il estparvenu en Italie, il est certain qu’après avoir passé de main en main, il fut offert,en 1677, à l’Empereur Leopold, par le Duc de Saxe-Eisenach.
On ignore absolument ce qu’est dcvenu le recueil de peintures Mexicainesqui existoit encore à la fin du dix-septième siècle à Londres, et que Purchas apublié. Ce manuscrit avoit été envoyé à l’Empereur Charles-Quint, par lepremier Vice-roi du Mexique, Antonio de Mendoza, Marquis de Mondejar: lebâtiment qui porta cet objet précieux fut pris par un vaisseau François, et lerecueil tomba entre les mains d’Andre Thevet, géographe du Roi de France,et qui avoit visité lui-même le nouveau continent. Après la mort de ce voyageur, Hakluyt, qui étoit aumônier de l’ambassade Angloise à Paris, acheta le manuscritpour vingt couronnes, et de Paris il passa à Londres, où Sir Walter Raleigh voulut le faire publier. Les frais que devoit causer la gravure des dessinsretardèrent cette publication jusqu’en 1625, où Purchas, cédant aux vœux dusavant antiquaire Spelman, inséra tout le recueil de Mendoza dans sa collection
* Lambeccii Commentar. de Bibliothecá Cæsar. Vindobonensi, ed. 1776, p. 966.
|23| de voyages.* Ces mêmes figures ont été copiées par Thevenot dans sesRelations de divers Voyages; mais cette copie, comme l’a très-bien observé l’Abbé Clavigero, fourmille de fautes: par exemple, les faits arrivés sous le règne duRoi Ahuizotl y sont indiqués sous le règne de Montezuma.
Quelques auteurs§ ont annoncé que l’original du fameux recueil de Mendoza étoit conservé à la bibliothèque impériale de Paris; mais il paroît certain que,depuis un siècle, il n’y a existé aucun manuscrit Mexicain. Comment le recueilacheté par Hakluyt, et transporté en Angleterre, seroit-il revenu en France?On ne connoît aujourd’hui point d’autres peintures Mexicaines à Paris, que descopies contenues dans un manuscrit Espagnol qui provient de la bibliothèque de Tellier, et dont nous aurons occasion de parler dans la suite. Ce livre, tres-intéressant d’ailleurs, est conservé dans la superbe collection des manuscrits de labibliothèque impériale: il ressemble au Codex anonymus du Vatican, No. 3738, quiest l’ouvrage du moine Pedro de los Rios. Le Père Kircher a fait copier unepartie des gravures de Purchas.** Le recueil de Mendoza jette du jour sur l’histoire, l’état politique et la vieprivée des Mexicains. Il est divisé en trois sections, qui, comme les Skandhasdes Pouranas Indiens, traitent d’objets tout-à-fait différens: la première sectionprésente l’histoire de la dynastie Aztèque, depuis la fondation de Ténochtitlan,l’an 1325 de notre ère, jusqu’à la mort de Montezuma II, proprement appeléMonteuczoma Xocojotzin, en 1520; la seconde section est une liste des tributsque chaque province et chaque bourgade paient aux souverains Aztèques; latroisième et dernière section peint la vie domestique et les mœurs des peuplesAztèques. Le Vice-roi Mendoza avoit fait ajouter à chaque page du recueil uneexplication en Mexicain et en Espagnol, de sorte que l’ensemble forme un ouvragetrès-intéressant pour l’histoire. Les figures, malgré l’incorrection des contours,offrent plusieurs traits de mœurs extrêmement piquans: on y voit l’éducationdes enfans depuis leur naissance jusqu’à ce qu’ils deviennent membres de lasociété, soit comme agriculteurs ou artisans, soit comme guerriers, soit commeprêtres. La quantité de nourriture qui convient à chaque âge, le châtiment qui
* Purchas, Pilgrimes, Tom. III. p. 1065. Thevenot (1696), Tom. II. Pl. iv. pp. 1—85. Clavigero, Tom. I. p. 23.§ Warburton, Essais sur les Hiéroglyphes, Tom. I. p. 18. Papillon, Histoire de la Gravure en Bois,Tom. I. p. 364. Voyez plus haut la description de la Pl. vii.** Kircheri Œdipus, Tom. III. p. 32.
|24| doit être infligé aux enfans des deux sexes; tout chez les Mexicains étoit prescritdans le détail le plus minutieux, non par la loi, mais par des usages antiquesdont il n’étoit pas permis de s’éloigner. Enchaînée par le despotisme et labarbarie des institutions sociales, sans liberté dans les actions les plus indifférentesde la vie domestique, la nation entière étoit élevée dans une triste uniformitéd’habitudes et de superstitions. Les mêmes causes ont produit les mêmes effetsdans l’ancienne Égypte, dans l’Inde, en Chine, au Mexique, et au Pérou, partoutoù les hommes ne présentoient que des masses animées d’une même volonté,partout où les lois, la religion, et les usages, ont contrarié le perfectionnement et lebonheur individuel.
On reconnoît, parmi les peintures du recueil de Mendoza, les cérémonies quise faisoient à la naissance d’un enfant. La sage-femme, en invoquant le Dieu Ometeuctli et la Déesse Omecihuatl, qui vivent dans le séjour des bienheureux,jetoit de l’eau sur le front et la poitrine du nouveau-né: après avoir prononcédifférentes prières,* dans lesquelles l’eau étoit considérée comme le symbole dela purification de l’âme, la sage-femme faisoit approcher des enfans qui avoient étéinvités pour donner un nom au nouveau-né. Dans quelques provinces on allumoiten même temps du feu, et on faisoit semblant de passer l’enfant par la flamme,comme pour le purifier à la fois par l’eau et le feu. Cette cérémonie rappelle desusages dont l’origine, en Asie, paroît se perdre dans une haute antiquité. D’autres planches du recueil de Mendoza représentent les châtimens souventbarbares que les parens doivent infliger à leurs enfans, selon la gravité du délit,et selon l’âge et le sexe de celui qui l’a commis: une mère expose sa fille à lafumée du piment (Capsicum bacatum): un père pique son fils de huit ans avecdes feuilles de pite qui sont terminées par de fortes épines; la peinture indiqueen quels cas l’enfant ne peut être piqué qu’aux mains seules, et en quels autrescas il est permis aux parens d’étendre cette opération douloureuse sur le corpsentier: un prêtre, teopixqui, châtie un novice, en lui jetant des tisons ardenssur la tête, parce qu’il a passé la nuit hors de l’enceinte du temple: un autreprêtre est peint assis, dans l’attitude d’observer les étoiles, pour indiquer l’heurede minuit; on distingue, dans la peinture Mexicaine, l’hiéroglyphe de minuitplacé au-dessus de la tête du prêtre, et une ligne ponctuée qui se dirige de l’œilde l’observateur vers une étoile: on voit aussi avec intérêt les figures qui
* Clavigero, Tom. II. p. 86. Thevenot, Tom. II. Pl. iv. fig. 49, 51, 55, 61.
|25| représentent des femmes filant au fuseau ou tissant en haut-lice; un orfèvrequi souffle dans le charbon à travers un chalumeau; un vieillard de soixante-dixans, auquel la loi permet de s’enivrer, de même qu’à une femme lorsqu’elle estgrand’mère: une entremetteuse de mariage, appelée cihuatlanque, qui porte lajeune vierge sur son dos à la maison du fiancé; enfin, la bénédiction nuptiale,dont la cérémonie consistoit en ce que le prêtre ou teopixqui nouoit ensemblele pan du manteau (tilmatli) du garçon, avec le pan du vêtement (huepilli) de lajeune fille. Le recueil de Mendoza offre en outre plusieurs figures de templesMexicains (téocallis), dans lesquelles on distingue très-bien le monument pyramidaldivisé par assises, et la petite chapelle, le νεὼς, à la cime: mais la peinture laplus compliquée et la plus ingénieuse de ce Codex Mexicanus, est celle quireprésente un tlatoani ou gouverneur de province, étranglé parce qu’il s’estrévolté contre son souverain; car le même tableau rappelle les délits dugouverneur, le châtiment de toute sa famille, et la vengeance exercée par sesvassaux* contre les messagers d’état, porteurs des ordres du Roi de Ténochtitlan.
Malgré l’énorme quantité de peintures qui, regardées comme des monumensde l’idolâtrie Mexicaine, ont été brûlées au commencement de la conquête, parordre des évêques et des premiers missionnaires, le Chevalier Boturini, dontnous avons rappelé plus haut les malheurs, réussit encore, vers le milieu dudernier siècle, à réunir près de cinq cents de ces peintures hiéroglyphiques.Cette collection, la plus belle et la plus riche de toutes, a été dispersée commecelle de Siguenza, dont quelques foibles restes se sont conservés, jusqu’àl’expulsion des Jésuites, à la bibliothèque de Saint-Pierre et de Saint-Paul, à Mexico.Une partie des peintures recueillies par Boturini a été envoyée en Europe, sur unvaisseau Espagnol qui fut pris par un corsaire Anglois. On n’a jamais su si cespeintures sont parvenues en Angleterre, ou si on les a jetées à la mer commedes toiles d’un tissu grossier et mal peintes: un voyageur très-instruit m’a assuré,il est vrai, que l’on montre à la bibliothèque d’Oxford un Codex Mexicanus qui,pour la vivacité des couleurs, ressemble à celui de Vienne; mais le Docteur Robertson, dans la dernière édition de son Histoire de l’Amérique, dit expressémentqu’il n’existe en Angleterre aucun autre monument de l’industrie et de lacivilisation Mexicaine, qu’une coupe d’or de Montezuma, appartenant à Lord Archer. Comment ce recueil d’Oxford seroit-il resté inconnu à l’illustre historienÉcossois?
* Thevenot, fig. 52, 53, 58, 62. Boturini, Tableau Général, pp. 1—96.
|26| La majeure partie des manuscrits de Boturini, celle qui lui fut confisquée àla Nouvelle-Espagne, a été déchirée, pillée, dispersée, par des personnes quiignoroient l’importance de ces objets: ce qui en existe aujourd’hui, dans le palaisdu Vice-roi, ne compose que trois liasses, chacune de sept décimètres en carré etde cinq de hauteur. Elles sont restées dans un de ces appartemens humides durez-de-chaussée, desquels le Vice-roi Comte de Revillagigedo a fait sortir lesarchives du gouvernement, parce que le papier s’y altéroit avec une rapiditéeffrayante. On est saisi d’un sentiment d’indignation, lorsqu’on voit l’abandonextrême dans lequel on laisse ces restes précieux d’une collection qui a coûtétant de travail et de soin, et que l’infortuné Boturini, doué de cet enthousiasmequi est propre à tous les hommes entreprenans, nomme, dans la préface de sonEssai Historique, “le seul bien qu’il possède aux Indes, et qu’il ne voudroit pas“échanger contre tout l’or et l’argent du nouveau monde.” Je n’entreprendraipas ici de décrire en détail les peintures conservées au palais de la vice-royauté;j’observerai seulement qu’il en existe qui ont plus de six mètres de long surdeux de large, et qui représentent les migrations des Aztèques depuis le Rio Gilajusqu’à la vallée de Ténochtitlan, la fondation de plusieurs villes, et les guerres avecles nations voisines. La bibliothèque de l’université de Mexico n’offre plus de peintures hiéro-glyphiques originales: je n’y ai trouvé que quelques copies linéaires, sans couleurs,et faites avec peu de soin. La collection la plus riche et la plus belle de lacapitale est aujourd’hui celle de Don Jose Antonio Pichardo, membre de lacongrégation de San Felipe Neri. La maison de cet homme instruit et laborieuxa été pour moi ce que la maison de Siguenza étoit pour le voyageur Gemelli.Le Père Pichardo a sacrifié sa petite fortune à réunir des peintures Aztèques, àfaire copier toutes celles qu’il ne pouvoit pas acquérir lui-même: son ami Gama,auteur de plusieurs mémoires astronomiques, lui a légué tout ce qu’il possédoitde plus précieux en manuscrits hiéroglyphiques.* C’est ainsi qu’au nouveaucontinent, comme presque partout ailleurs, de simples particuliers, et les moinsriches, savent réunir et conserver les objets qui devroient fixer l’attention desgouvernemens. J’ignore si, dans le royaume de Guatimala ou dans l’intérieur du Mexique,il y a des personnes animées du même zèle que l’ont été le Père Alzate,
* Voyez mon Essai Politique sur la Nouvelle-Espagne, Vol. II. p. 22 de l’édition in-octavo.
|27| Velasquez, et Gama. Les peintures hiéroglyphiques sont aujourd’hui si raresà la Nouvelle-Espagne, que la plupart des personnes instruites qui y résidentn’en ont jamais vu; et, parmi les restes de la collection de Boturini, il n’y a pasun seul manuscrit qui soit aussi beau que les Codices Mexicani de Veletri et deRome. Je ne doute cependant pas que beaucoup d’objets très-importans pourl’étude de l’histoire ne se trouvent encore entre les mains des Indiens qui habitentla province de Mechuacan, les intendances de Mexico, de Puebla, et d’Oaxaca,la péninsule de Yucatan, et le royaume de Guatimala. Ce sont là les contréesoù les peuples sortis d’Aztlan étoient parvenus à une certaine civilisation; etun voyageur qui, sachant les langues Aztèque, Tarasque, et Maya, sauroit gagnerla confiance des indigènes, réuniroit encore aujourd’hui, trois siècles après laconquête, et cent ans après le voyage du Chevalier Boturini, un nombreconsidérable de peintures historiques Mexicaines.
Le Codex Mexicanus du musée Borgia, à Veletri, est le plus beau de tous lesmanuscrits Aztèques que j’ai examinés. Nous aurons occasion d’en parler dans unautre endroit, en donnant l’explication de la quinzième Planche. Le recueil conservé à la bibliothèque royale de Berlin renferme différentespeintures Aztèques dont j’ai fait l’acquisition pendant mon séjour à la Nouvelle-Espagne. La douzième Planche offre deux fragmens de ce recueil: il contientdes listes de tributs, des généalogies, l’histoire des migrations des Mexicains,et un calendrier fait au commencement de la conquête, dans lequel les hiéro-glyphes simples des jours se trouvent réunis à des figures des saints, peintes enstyle Aztèque. La bibliothèque du Vatican à Rome possède, dans la collection précieuse deses manuscrits, deux Codices Mexicani, sous les numéros 3738 et 3776 ducatalogue. Ces recueils, de même que le manuscrit de Veletri, sont restésinconnus au Docteur Robertson, lorsqu’il a fait l’énumération des peinturesMexicaines conservées dans les différentes bibliothèques de l’Europe. Mercatus,* dans sa description des obélisques de Rome, rapporte que, vers la fin du seizièmesiècle, il existoit au Vatican deux recueils de peintures originales: on peutcroire qu’un de ces recueils est entièrement perdu, à moins que ce ne soit celui quel’on montre à la bibliothèque de l’institut de Bologne; l’autre a été retrouvé en1785 par le Jésuite Fabrega, après quinze années de recherches.
* Mercatus, degli Obelischi di Roma, Cap. ii. p. 96.
|28| Le Codex Vaticanus, No. 3776, dont Acosta et Kircher ont déjà fait mention,* a 7m,87 ou trente-un palmes et demi de long, et 0m,19 ou sept pouces en carré:ses quarante-huit replis forment quatre-vingt-seize pages, ou autant de divisionstracées des deux côtés de plusieurs peaux de cerfs collées ensemble: chaque pageest subdivisée en deux cases; mais tout le manuscrit ne renferme que centsoixante-seize de ces cases, parce que les premières huit pages contiennent leshiéroglyphes simples des jours, rangés en séries parallèles, et rapprochées les unesdes autres. La treizième Planche de l’Atlas pittoresque présente la copie exacted’un de ces replis, ou d’une page du Codex Vaticanus: comme toutes les pages seressemblent, quant à l’arrangement général, cette copie suffit pour faire connaîtrele livre entier. Le bord de chaque repli est divisé en vingt-six petites cases qui contiennentles hiéroglyphes simples des jours: ces hiéroglyphes sont au nombre de vingt,qui forment des séries périodiques. Comme les petits cycles sont de treize jours,il en résulte que la série des hiéroglyphes passe d’un cycle à l’autre. Tout leCodex Vaticanus contient cent soixante-seize de ces petits cycles, ou deux milledeux cent quatre-vingt-dix jours. Nous n’entrerons ici dans aucun détail surces subdivisions du temps, nous proposant de donner plus bas l’explication ducalendrier Mexicain, l’un des plus compliqués, mais aussi l’un des plus ingénieuxque présente l’histoire de l’astronomie. Chaque page offre, dans les deuxsubdivisions dont nous avons déjà parlé, deux groupes de figures mythologiques.On se perdroit dans de vaines conjectures, si l’on vouloit interpréter ces allégories,les manuscrits de Rome, de Veletri, de Bologne, et de Vienne, étant dépourvusde ces notes explicatives que le Vice-roi Mendoza avoit fait ajouter au manuscritpublié par Purchas. Il seroit à désirer que quelque gouvernement voulût fairepublier à ses frais ces restes de l’ancienne civilisation Américaine: c’est par lacomparaison de plusieurs monumens qu’on parviendroit à deviner le sens deces allégories, en partie astronomiques, en partie mystiques. Si de toutes lesantiquités Grecques et Romaines il ne nous étoit resté que quelques pierresgravées ou des monnoies isolées, les allusions les plus simples auroient échappé àla sagacité des antiquaires. Que de jour l’étude des bas-reliefs n’a-t-elle pasrépandu sur celle des monnoies! Zoega, Fabrega, et d’autres savans qui se sont occupés en Italie des manuscrits
* Zoega, De Orig. Obeliscor. p. 531.
|29| Mexicains, regardent le Codex Vaticanus, de même que celui de Veletri, commedes tonalamatls ou almanachs rituels; c’est-à-dire, comme des livres qui indiquoientau peuple, pour un espace de plusieurs années, les divinités qui présidoient auxpetits cycles de treize jours, et qui gouvernoient pendant ce temps la destinée deshommes, les cérémonies religieuses qu’on devoit pratiquer, et surtout les offrandesqui devoient être portées aux idoles.
La treizième Planche de mon Atlas, qui est la copie de la quatre-vingt-seizièmepage du Codex Vaticanus, représente à gauche une adoration: la divinité a uncasque dont les ornemens sont très-remarquables; elle est assise sur un petitbanc appelé icpalli, devant un temple dont on n’a figuré que la cime ou la petitechapelle placée au haut de la pyramide. L’adoration consistoit, au Mexiquecomme en Orient, dans la cérémonie de toucher le sol de sa main droite, et deporter cette main à la bouche. Dans le dessin No. 1, l’hommage est rendu par unegénuflexion: la pose de la figure qui se prosterne devant le temple se retrouve dansplusieurs peintures des Hindoux. Le groupe No. 2 représente la célèbre femme au serpent, Cihuacohuatl,appelée aussi Quilaztli ou Tonacacihua, femme de notre chair: elle est lacompagne de Tonacateuctli. Les Mexicains la regardoient comme la mère dugenre humain; et, après le dieu du Paradis céleste, Ometeuctli, elle occupoit lepremier rang parmi les divinités d’Anahuac: on la voit toujours représentée enrapport avec un grand serpent. D’autres peintures nous offrent une couleuvrepanachée, mise en pièces par le Grand Esprit Tezcatlipoca, ou par le Soleilpersonnifié, le Dieu Tonatiuh. Ces allégories rappellent d’antiques traditionsde l’Asie. On croit voir, dans la femme au serpent des Aztèques, l’Ève despeuples Sémitiques; dans la couleuvre mise en pièces, le fameux serpent Kaliya ou Kalinaga, vaincu par Vishnu, lorsqu’il a pris la forme de Krischna. Le Tonatiuh des Mexicains paroît aussi être identique avec le Krischna desHindoux, chanté dans la Bhagavata Pourâna, et avec le Mithras des Perses. Lesplus anciennes traditions des peuples remontent à un état de choses où la terre,couverte de marais, étoit habitée par des couleuvres et d’autres animaux à taillegigantesque: l’astre bienfaisant, en desséchant le sol, délivra la terre de ces monstresaquatiques. Derrière le serpent, qui paroît parler à la Déesse Cihuacohuatl, se trouventdeux figures nues; elles sont de couleur différente, et paroissent dans l’attitudede se battre. On pourroit croire que les deux vases que l’on observe au bas de la |30| peinture, et dont l’un est renversé, font allusion à la cause de cette rixe. Lafemme au serpent étoit regardée au Mexique comme mère de deux enfansjumeaux: ces figures nues sont peut-être les enfans de Cihuacohuatl; ellesrappellent le Cain et l’Abel des traditions Hébraïques. Je doute d’ailleurs quela différence de couleur que l’on remarque entre les deux figures indique unedifférence de race, comme dans les peintures Égyptiennes trouvées dans lestombeaux des rois à Thèbes, et dans les ornemens moulés en terre et appliqués surles caisses des momies de Sakharah.* En étudiant avec soin les hiéroglypheshistoriques des Mexicains, on croit reconnoître que les têtes et les mains desfigures sont peintes comme au hasard, tantôt en jaune, tantôt en bleu, tantôt enrouge. La cosmogonie des Mexicains, leurs traditions sur la mère des hommes, déchuede son premier état de bonheur et d’innocence; l’idée d’une grande inondation,dans laquelle une seule famille s’est échappée sur un radeau; l’histoire d’un édificepyramidal élevé par l’orgueil des hommes et détruit par la colère des dieux; lescérémonies d’ablution pratiquées à la naissance des enfans; ces idoles faites avec lafarine de maïs pétrie, et distribuées en parcelles au peuple rassemblé dans l’enceintedes temples; ces déclarations de péchés faites par les pénitens; ces associationsreligieuses ressemblant à nos couvens d’hommes et de femmes: cette croyanceuniversellement répandue que des hommes blancs à longue barbe, et d’une grandesainteté de mœurs, avoient changé le système religieux et politique des peuples:toutes ces circonstances avoient fait croire aux religieux qui accompagnoientl’armée des Espagnols, lors de la conquête, qu’à une époque très-reculée leChristianisme avoit été prêché dans le nouveau continent. Des savans Mexicains crurent reconnoître l’apôtre Saint Thomas dans ce personnage mystérieux, grand-prêtre de Tula, que les Cholulains connoissoient sous le nom de Quetzalcoatl.Il n’est pas douteux que le Nestorianisme, mêlé aux dogmes des Bouddhistes etdes Chamans, ne se soit répandu, par la Tartarie des Mantchoux, dans le nord-estde l’Asie: on pourroit donc supposer, avec quelque apparence de raison, que desidées Chrétiennes ont été communiquées, par la même voie, aux peuples Mexicains,surtout aux habitans de cette région boréale de laquelle sortirent les Toltèques,et que nous devons considérer comme l’officina virorum du nouveau monde.
* Denon, Voyage en Egypte, pp. 298—313. Siguenza, Opera ined. Eguiara, Bibl. Mexicana, p. 78. Langles, Rituel des Tartares-Mantchoux, pp. 9, 14. Georgi Alphab. Tibetanum, p. 298.
|31| Cette supposition seroit même plus admissible que l’hypothèse d’après laquelleles traditions antiques des Hébreux et des Chrétiens auroient passé en Amériquepar les colonies Scandinaves, formées depuis le onzième siècle sur les côtes deGrœnland, au Labrador, et peut-être même dans l’Ile de Terre-Neuve. Ces colonsEuropéens visitèrent sans doute une partie du continent, qu’ils appelèrent Drogeo;ils connurent des pays qui étoient situés au sud-ouest, et habités par des peuplesanthropophages réunis dans des villes populeuses: mais, sans examiner ici si cesvilles étoient celles des provinces d’Ichiaca et de Confachiqui, visitées par Hernando de Soto, le conquérant de la Floride, il suffit d’observer que les cérémoniesreligieuses, les dogmes et les traditions qui ont frappé l’imagination des premiersmissionnaires Espagnols, se trouvoient indubitablement au Mexique depuis l’arrivéedes Toltèques, et par conséquent trois ou quatre siècles avant les navigations desScandinaves aux côtes orientales du nouveau continent. Les religieux qui, à la suite de l’armée de Cortez et de Pizarro, ont pénétré auMexique et au Pérou, ont été naturellement enclins à exagérer les analogies qu’ilscroyoient reconnoître entre la cosmogonie des Aztèques et les dogmes de la religionChrétienne. Imbus des traditions Hébraïques, entendant imparfaitement leslangues du pays et le sens des peintures hiéroglyphiques, ils rapportèrent tout ausystème qu’ils s’étoient formé; semblables aux Romains, qui ne voyoient chez lesGermains et les Gaulois que leur culte et leurs divinités. En employant une sainecritique, on ne trouve chez les Américains rien qui rende nécessaire la suppositionque les peuples Asiatiques ont reflué dans ce nouveau continent après l’établisse-ment de la religion Chrétienne. Je suis bien éloigné de nier la possibilité de cescommunications postérieures: je n’ignore pas* que les Tchoutskis traversentannuellement le détroit de Bering pour faire la guerre aux habitans de la côte nord-ouest de l’Amérique; mais je crois pouvoir affirmer, d’après les connoissances quenous avons acquises, depuis la fin du dernier siècle, sur les livres sacrés des Hindoux,que, pour expliquer ces analogies de traditions dont parlent tous les premiersmissionnaires, on n’a pas besoin de recourir à l’Asie occidentale, habitée par despeuples de race Sémitique, ces mêmes traditions, d’une haute et vénérable antiquité,se retrouvant et parmi les sectateurs de Brahmâ et parmi les Chamans du plateauoriental de la Tartarie. Nous reviendrons sur cet objet intéressant, soit en parlant des Pastoux, peuple
* Voyez mon Essai Politique sur la Nouvelle-Espagne, Vol. II. p. 502 de l’édition in-octavo. Garcilasso, Comentarios Reales, Tom. I. p. 274.
|32| Américain qui ne se nourrissoit que de végétaux, et qui avoit en horreur ceux quimangeoient de la viande; soit en exposant le dogme de la métempsycose répanduparmi les Tlascaltèques. Nous examinerons la tradition Mexicaine des quatresoleils ou des quatre destructions du monde, ainsi que les traces du trimurti ou dela trinité des Hindoux, trouvées dans le culte des Péruviens. Malgré ces rapportsfrappans entre les peuples du nouveau continent et les tribus Tartares qui ontadopté la religion de Bouddah, je crois reconnoître, dans la mythologie desAméricains, dans le style de leurs peintures, dans leurs langues, et surtout dansleur conformation extérieure, les descendans d’un race d’hommes qui, séparée debonne heure du reste de l’espèce humaine, a suivi, pendant une longue série desiècles, une route particulière dans le développement de ses facultés intellectuelleset dans sa tendance vers la civilisation.
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SUPPLÉMENT À L’EXTRAIT DEL’OUVRAGE DE M. DE HUMBOLDT.

La Bibliothèque de Paris ne possède pas de manuscrit Mexicain original, maison y conserve un volume très-précieux dans lequel un Espagnol, habitant dela Nouvelle-Espagne, a copié, soit vers la fin du seizième siècle, soit au com-mencement du dix-septième, un grand nombre de peintures hiéroglyphiques.Ces copies sont généralement faites avec soin: elles portent le caractère desdessins originaux, comme on peut en juger par les figures symboliques répétéesdans les manuscrits de Vienne, de Veletri, et de Rome. Le volume* très-peuconnu dont nous avons tiré les fragmens représentés sur les Planches LV et LVI,a appartenu jadis à l’archevêque de Reims, Le Tellier: on ignore par quellevoie il est tombé entre ses mains. Il ressemble, quant à l’exterieur, au manuscritconservé dans la Bibliothèque du Vatican, sous le No. 3738. Chaque figurehiéroglyphique est accompagnée de plusieurs explications écrites, à ce quiparoît, à des époques différentes, tant en Mexicain qu’en Espagnol. Il estprobable, que ces notes, qui répandent du jour sur l’histoire, la chronologie et leculte des Aztèques, ont été composées par quelque religieux Espagnol, au Mexiquemême, et sous la dictée des indigènes. Elles sont plus instructives que celles quel’on trouve dans le Raccolta di Mendoza, et les noms Mexicains y sont beaucoupplus correctement écrits. Le Codex Mex. Tellerianus renferme la copie de trois ouvrages différens,dont le premier est un almanach rituel, le second un livre d’astrologie, et le
* Manuscrit de 96 pages in-fol., sous le titre de Geroglyficos de qué usavan los Mexicanos. (Cod. Teller.Remens. 14 Reg. 1616.)
|34| troisième une histoire Mexicaine depuis l’année 5 tochtli, ou 1197, jusqu’àl’année 4 calli, ou 1561. Nous donnerons une idée succincte de ces troismanuscrits.
1°. Rituel.—On y trouve les images de douze divinités Toltèques et Aztèques,les fêtes principales qui ont donné leur nom aux dix-huit mois de l’année; parexemple, les fêtes de Tecuilhuitontl, ou de tous les seigneurs; de Micaylhuitl,ou de tous les morts; de Quecholi, etc. L’hiéroglyphe des cinq jours complé-mentaires termine la série des fêtes. Le propriétaire du manuscrit a suivi dansses notes le système erroné, d’après lequel on admet que l’année Mexicainecommençoit dix-huit jours avant l’équinoxe du printemps. 2°. Partie Astrologique.—On y voit l’indication des jours qui doivent êtreconsidérés comme indifférens, heureux ou malheureux. Parmi ces derniersjours il y en a onze que les Mexicains croyoient très-dangereux pour latranquillité domestique. Les maris devoient craindre les femmes nées à cetteépoque, et l’on peut supposer que celles-ci avoient grand soin de cacher oul’almanach astrologique ou le jour de leur naissance. L’infidélité, regardée commel’effet d’une aveugle destinée, n’en étoit pas moins sévèrement punie par la loi.On mettoit une corde au col de la femme adultère, et on la traînoit dans une placepublique, où elle étoit lapidée en présence du mari. Cette punition est représentéesur la neuvième feuille du manuscrit. 3°. Annales de l’Empire Mexicain.—Elles renferment trois cent soixante-quatre années. Cette partie de l’ouvrage, dont Boturini, Clavigero, et Gama,n’ont pas eu connoissance, et qui semble de la plus grande authenticité, mérited’être consultée par ceux qui voudront entreprendre une histoire classique despeuples Mexicains. Depuis l’année 1197 jusqu’au milieu du quinzième siècle,ces annales ne rapportent qu’un très-petit nombre de faits, souvent à peine unou deux dans un intervalle de treize ans: depuis 1454, la narration devient pluscirconstanciée; et depuis 1472 jusqu’en 1549, on y trouve en détail, et presqueannée par année, ce que l’état physique et politique du pays a présenté deremarquable. Il manque les pages renfermant les périodes de 1274 à 1385, de1496 à 1502, et de 1518 à 1529. C’est dans ce dernier intervalle que tombel’entrée des Espagnols à Mexico. Les peintures sont informes, mais souventd’une grande naïveté. Nous citerons, parmi les objets dignes d’attention, l’imagedu Roi Huitzilihuitl, qui, n’ayant pas eu d’enfans légitimes de son épouse, pritpour maîtresse une femme peintre, et qui mourut l’année 13 tochtli, ou 1414; les |35| chutes de neige qui eurent lieu en 1447 et 1503, et qui causèrent une grandemortalité parmi les indigènes, en détruisant les semences; les tremblemens deterre de 1460, 1462, 1468, 1480, 1495, 1507, 1533, et 1542; les éclipses de soleilde 1476, 1496, 1507, 1510, 1531; le premier sacrifice humain; l’apparition dedeux comètes en 1490 et en 1529; l’arrivée et la mort du premier évêque deMexico, Fray Juan Zumaraga, en 1532 et 1549; le départ de Nunez de Gusman pour la conquête de Xalisco; la mort du fameux Pedro Alvarado, appelé parles indigènes Tonatiuh, le soleil, à cause de ses cheveux blonds; le baptême d’unIndien par un moine; une épidémie qui dépeupla le Mexique, sous le Vice-roi Mendoza, en 1544 et 1545; l’émeute et la punition des nègres de Mexico en1537; une tempête qui dévasta les forêts; les ravages que la petite vérole fit parmiles Indiens en 1538, etc. Si les Annales du Manuscrit Le Tellier sont d’accord avec la chronologieadoptée par l’Abbé Clavigero dans une dissertation que renferme le quatrièmevolume de l’ancienne histoire du Mexique,* la correspondance des années Aztèqueset Chrétiennes diffère d’autant plus de celle suivie par Boturini et Acosta.Les annales commencent à l’année 5 tochtli, ou 1197, à l’époque de l’arrivée desMexicains à Tula, qui est la limite septentrionale de la vallée de Tenochtitlan.La grande comète dont l’apparition est indiquée près de l’hiéroglyphe de l’année11 tochtli, ou 1490, est celle qui fut regardée comme un présage de l’arrivéedes Espagnols en Amérique. Montezuma, mécontent de l’astrologue de la cour,le fit périr à cette occasion. Les présages sinistres continuèrent jusqu’en 1509,où l’on vit, selon le Manuscrit Le Tellier, pendant quarante nuits, une vivelumière vers l’est. Cette lumière, qui paroissoit s’élever de la terre même,étoit peut-être la lumière zodiacale, dont la vivacité est très-grande et très-inégalesous les Tropiques. Le peuple regarde comme nouveaux les phénomènes les pluscommuns, dès que la superstition se plaît à y attacher un sens mystérieux. Les comètes de 1490 et 1529 sont ou des comètes qui ont paru près du pôleaustral, ou celles que le Père Pingre indique comme ayant été également vuesen Europe et en Chine. Il est remarquable que l’hiéroglyphe qui désigne uneéclipse du soleil est composé des disques de la lune et du soleil, dont l’un seprojette sur l’autre. Ce symbole prouve des notions exactes sur la cause des
* Storia Antica, Tom. IV. p. 51. Clavigero, Tom. I. p. 288. Cométographie, Tom. I. pp. 478 et 486.
|36| éclipses; il rappelle la danse allégorique des prêtres Mexicains, qui représentoit lalune dévorant le soleil. Les éclipses de ce dernier astre correspondantes auxannées Matlactli Tecpatl, Nahui Tecpatl, ct Ome Acatl, sont celles du 25 Février1476, du 8 Août 1496, du 13 Janvier 1507, et du 8 Mai 1510: ce sont autant depoints fixes pour la chronologie Mexicaine. L’Art de vérifier les Dates ne faitmention d’aucune éclipse de soleil dans le cours de 1531; tandis que nos annalesen indiquent pour Matlactli Ome Acatl, qui correspond à cette année de notre ère.L’éclipse de 1476 a servi aux historiens Mexicains à fixer l’époque de la victoireque le Roi Axajacatl remporta sur les Matlatzinques: c’est celle sur laquelleM. Gama a fait un si grand nombre de calculs.*
J’ignore quel est le phénomène qui, dans le commentaire, se trouve souventdésigné par les mots: “Cette année, l’étoile répandoit de la fumée.” Le volcand’Orizava portoit le nom de Citlaltepetl, montagne de l’Étoile, et l’on pourroitcroire que les annales de l’Empire renfermoient les diverses époques de l’éruptionde ce volcan. Cependant, à la page 86 du Manuscrit Le Tellier, il est ditexpressément, “que l’étoile qui fumoit, la estrella que humeava, étoit Sitlal Choloha “que les Espagnols appellent Venus, et qui étoit l’objet de mille contes fabuleux.”Or, je demande quelle illusion d’optique peut donner à Venus l’apparence d’uneétoile qui répand de la fumée? Seroit-il question d’une espèce de halo forméautour de la planète? Comme le volcan d’Orizava est placé à l’est de la ville deCholula, et que son cratère enflammé ressemble de nuit à une étoile qui se lève, ona confondu peut-être, dans un langage symbolique, le volcan et l’étoile du matin.Le nom que Venus porte encore parmi les indigènes de race Aztèque, est celui deTlazolteotl.

* Gama, Descripcion de dos Piedras, pp. 85—89. Torquemada, Tom. I. Lib. II. cap. 59. Boturini, § 8, n. 13.