Sur les Volcans de Jorullo; par M. de Humboldt. Une vaste plaine se prolonge depuis les collines d'Anguasatco jusque vers les villages de Toipa et Petatlan. Entre les Picachos del Mortero, les Cerros de las Cuevas et de Cuiche, cette plaine n'a que 750 a 800 metres au-dessus de l'Ocean; des collines basaltiques s'elevent au milieu d'un terrain dans lequel domine le porphyre a base de grünstein. Dans cette plaine, situee a 36 lieues de distance des cotes, et a plus de 42 lieues d'eloignement de tout autre volcan actif, s'etendoient, entre les ruisseaux de Cuitimba et de San Pedro, des champs cultives en sucre et en indigo. En juin 1759, on y ressentit de violens tremblemens de terre, et on entendit des mugissemens epouvantables; et dans la nuit du 28 au 29 septembre, un terrain de 3 a 4 milles carres, qu'on designe par le nom de Malpays, se souleva en forme de vessie. On distingue encore aujourd'hui, dans les couches fracturees, les limites de ce soulevement. Le Malpays, vers ses bords, n'a que 12 metres de hauteur au-dessus du niveau ancien de la plaine appelee las plagas de Jorullo, mais la convexite du terrain augmente progressivement vers le centre, jusqu'a 160 metres d'elevation. Des milliers de petits cones, qui n'ont que 2 a 3 metres de hauteur, sortirent de la voaute soulevee du Malpays; au milieu de ces cones, et sur une crevasse qui se dirige du N. N.-E. au S. S.-E, sont sorties six grandes buttes elevees de 4 a 500 metres au-dessus de l'ancien niveau des plaines; la plus elevee de ces buttes est le volcan de Jorullo. Cet evenement singulier et terrible fut accompagne des phenomenes qui se manifestent ordinairement dans les eruptions volcaniques: l'on vit sortir des flammes et des nuees de cendres sur l'etendue d'une demi-lieue carree; des pierres incandescentes furent lancees; les ruisseaux de Cuitimba et de San Pedro se precipiterent dans les crevasses enflammees, tandis que des eruptions boueuses sortoient d'autres crevasses. Chaque petit cone est une fumarolle dont s'eleve une fumee epaisse; dans plusieurs on entend un bruit souterrain qui paroeit annoncer la proximite d'un fluide en ebullition. Le volcan de Jorullo fut constamment enflamme pendant 5 a 6 mois, et vomit, du cote du nord, une immense quantite de laves scorifiees et basaltiques qui renferment des fragmens de roches primitives. L'air ambiant etoit encore tellement echauffe par l'action des petits cones, au moment ou M. de Humboldt les visita, que le thermometre, a l'ombre et tres-eloigne du sol, monta a 47 degres. Les rivieres de Cuitimba et de San Pedro n'ont point reparu; mais plus a l'ouest, et a une distance de 2000 metres du lieu ou elles se sont perdues, on voit deux rivieres qui ont brise la voaute argileuse des cones, et dont les eaux sont chaudes a + 52°, 7. Les Indiens leur ont conserve les noms de San Pedro et de Cuitimba. Dans ce meme lieu, et pres de l'habitation de la Presentation, il y a un ruisseau qui degage une quantite considerable de gaz hydrogene sulfure. M. de Humboldt fait remarquer que le nouveau volcan de Jorullo s'est forme dans le prolongement de la ligne des anciens volcans mexicains. A. B.