Description du volcan de Jorullo, tiree de l'Essai politique sur le royaume du Mexique, formant la troisieme partie des Voyages d' Alexandre de Humboldt et Aime Bompland. Troisieme livraison . A Paris chez F. Schoell, et a Tubingue chez J. G. Cotta, a Strasbourg chez F. G. Levrault. 1809. La rapidite avec laquelle les livraisons de cet ouvrage se succedent, est a peine en mesure avec l'empressement des lecteurs. L'auteur mene de front les diverses parties de cette belle et vaste entreprise avec la meme ardeur qui lui a fait passer les mers et gravir les plus hautes ceimes equatoriales; il y porte cette force et cette permanence de volonte qui applanissent toujours les obstacles. Nous avons cherche dans deux extraits precedens , a donner une idee de la partie astronomique de son travail; nous allons puiser dans la troisieme partie, qui contient l'Essai politique sur le royaume du Mexique, parmi les details curieux, de tout genre, qu'il renferme sur les moeurs, les antiquites, l'aspect du pays, les grands travaux hydrauliques, les peuples indigenes, etc. la notice d'un evenement geologique bien extraordinaire par le lieu de la scene, et par toutes les circonstances qui l'ont accompagne. Nous emprunterons les expressions de l'auteur, et nous nous garderons bien d'y rien changer. Nous donnons l'article sur l'Intendance de Valladolid tout entier, comme echantillon du genre de l'ouvrage. Aux mois de Decembre et Janvier dernier. (Voy, T. XXXIX. p. 279, et T. XL. p. 1 de ce Recueil. ) (R) Intendance de Valladolid. Cette intendance, du temps de la conquete des Espagnols, faisoit partie du royaume de Michuacan (Mechoacan), qui s'etendoit depuis le Rio de Zacatula jusqu'au port de la Navidad, et depuis les montagnes de Xala et de Colima jusqu'a la riviere de Lerma et au lac de Chapala. La capitale de ce royaume de Michuacan, qui de tout temps (comme les republiques de Tlaxcallan, Huexocingo et Chollollan) fut independant de l'empire mexicain, etoit Tzintontzan, ville situee sur les bords d'un lac infiniment pittoresque, appele lac de Patzquaro. Tzintzontzan, que les Atzeques, habitans de Tenochtitlan, nommerent Huitzitzila, n'est aujourd'hui qu'un pauvre village indien, quoiqu'il aeit conserve le titre fastueux de cite (ciudad). L'intendance de Valladolid, que, dans le pays, on appelle vulgairement celle de Michuacan, est limitee au nord par le Rio de Lerma, qui, plus a l'est, prend le nom de Rio Grande de Santiago. Elle touche a l'est et au nord-est a l'intendance de Mexico; au nord, a celle de Guanaxuato; a l'ouest a celle de Guadalaxara. La plus grande longueur de la province de Valladolid est de soixante-dix-huit lieues, depuis le port de Zacatula jusqu'aux montagnes basaltiques de Palangeo; par consequent dans la direction du sud sud-est au nord nord-ouest. Elle est baignee par les eaux de la mer du sud sur une etendue de cotes de plus de trente-huit lieues. Situee sur la pente occidentale de la Cordilliere d'Anahuac, entrecoupee de collines et de vallees charmantes, offrant a l'oeil du voyageur un aspect peu commun sous la zone torride, celui de prairies etendues et arrosees de ruisseaux; la province de Valladolid jouit, en general, d'un climat doux, tempere et extremement favorable a la sante des habitans. Ce n'est qu'en descendant le plateau d'Ario, en approchant de la cote, que l'on trouve des terrains dans lesquels les nouveaux colons et souvent meme les indigenes sont exposes au fleau des fievres intermittentes et putrides. La ceime de montagne la plus elevee de l'intendance de Valladolid est le pic de Tancitaro, a l'est de Tuspan. Je n'ai pas pau le voir d'assez pres pour en faire une mesure exacte; mais il est certain qu'il est plus haut que le volcan de Colina, et qu'il se couvre plus souvent de neige. A l'est du pic de Tancitaro, s'est forme, dans la nuit du 29 septembre 1759, le volcan de Jorullo (Xorullo ou Juruyo) dont nous avons parle plus haut , et dans le cratere duquel nous sommes parvenus, Mr. Bompland et moi, le 19 septembre de l'annee 1803. La grande catastrophe dans laquelle cette montagne est sortie de terre, et par laquelle un terrain d'une etendue considerable a totalement change de face, est peut-etre une des revolutions physiques les plus extraordinaires que nous presentent les annales de l'histoire de notre planete . La geologie designe les parages de l'ocean ou, a des epoques recentes, depuis deux mille ans, pres des Acores, dans la mer Egee, et au sud de l'Islande, des ilots volcaniques se sont eleves au-dessus de la surface des eaux. Mais elle ne nous offre aucun exemple ou, dans l'interieur d'un continent, a trente-six lieues de distance des cotes, a plus de quarante-deux lieues d'eloignement de tout autre volcan actif, il se soit forme soudainement, au centre d'un millier de petits cones enflammes, une montagne de scories et de cendres, haute de 517 metres, en ne la comparant qu'au niveau ancien des plaines voisines. Ce phenomene remarquable a ete chante en hexametres latins, par un pere jesuite, Raphael Landivar, natif de Guatimala. L'abbe Clavigero en a fait mention dans l'histoire ancienne de sa patrie; et cependant il est reste inconnu aux mineralogistes et aux physiciens de l'Europe, quoiqu'il n'aeit encore que cinquante annees de date, et qu'il aeit eu lieu a six journees de la capitale de Mexico, en descendant du plateau central vers les cotes de la mer du sud! Chap. III, pag. 47, et Geographie des plantes, p. 130. Les hauteurs que j'indique aujourd'hui se fondent sur la formule barometrique de Mr. La Place. Elles sont le resultat du dernier travail de Mr. Oltmanns; elles different quelquefois de 20 a 30 metres de celles consignees dans la Geographie des plantes, qui a ete redigee peu de mois apres mon retour en Europe, a une epoque ou il etoit impossible de donner a un si grand nombre de calculs toute la precision dont ils sont susceptibles. (Voyez la note ecrite au mois de nivose de l'an 13, a la fin de la Geographie des plantes, p. 147.) (A) Strabon rapporte (edit. alm., T. I, p. 102) que, dans les plaines voisines de Methone, au bord du golfe d'Hermione, une explosion volcanique fit naeitre une montagne de scories (un monte novo) auquel il attribue la hauteur enorme de sept stades; ce qui, dans la supposition des stades olympiques (Voyages de Nearque, par Mr. Vincent, p. 56), feroit 1249 metres! Quelque exageree que soit cette assertion, le fait geologique merite sans doute de fixer l'attention des voyageurs. (A) Storia antica di Messico, Vol. I, p. 42, et Rusticatio Mexicana (poeme du P. Landivar, dont la seconde edition a paru a Bologne, en 1782), p. 17. (A) Une vaste plaine se prolonge depuis les collines d'Aguasarco jusques vers les villages de Teipa et Petatlan, egalement celebres par leurs belles cultures de coton. Entre les Picachos del Mortero, les Cerros de las Cuevas et de Cuiche, cette plaine n'a que 750 a 800 metres de hauteur au-dessus du niveau de l'ocean. Des cones basaltiques s'elevent au milieu d'un terrain dans lequel domine le porphyre a base de grünstein. Leurs ceimes sont couronnees de chenes toujours verts, a feuillages de lauriers et d'oliviers, entremeles parmi de petits palmiers a feuilles flabelliformes. Cette belle vegetation contraste singulierement avec l'aridite de la plaine, qui a ete devastee par l'effet du feu volcanique. Jusqu'au milieu du dix-huitieme siecle, des champs cultives en canne a sucre et en indigo s'etendoient entre deux ruisseaux appeles Cuitimba et San Pedro. Ils etoient bordes par des montagnes basaltiques, dont la structure semble indiquer que tout ce pays, a une epoque tres-reculee, avoit deja ete bouleverse plusieurs fois par des volcans. Ces champs arroses avec art appartenoient a l'habitation (Hacienda) de San Pedro de Jorullo, une des plus grandes et des plus riches du pays. Au mois de juin de l'annee 1759 un bruit souterrain s'y fit entendre. Des mugissemens epouvantables (bramidos) furent accompagnes de frequens tremblemens de terre. Ils se succederent pendant cinquante a soixante jours, et plongerent les habitans de l'Hacienda dans la plus grande consternation. Depuis le commencement du mois de septembre, tout sembloit annoncer une tranquillite parfaite, lorsque dans la nuit du 28 au 29 un horrible fracas souterrain se manifesta de nouveau. Les Indiens epouvantes se sauverent sur les montagnes d'Aguasarco. Un terrain de trois a quatre milles carres, que l'on designe par le nom du Malpays, se souleva en forme de vessie. On distingue encore aujourd'hui dans des couches fracturees les limites de ce soulevement. Le Malpays vers ses bords, n'a que douze metres de hauteur au-dessus du niveau ancien de la plaine, appelee las playas de Jorullo. Mais la convexite du terrain souleve augmente progressivement vers le centre jusqu'a 160 metres d'elevation. Ceux qui de la ceime d'Aguasarco ont ete temoins de cette grande catastrophe, assurent que l'on vit sortir des flammes sur une etendue de plus d'une demi lieue carree, que des fragmens de roches incandescens furent lances a des hauteurs prodigieuses, et qu'a travers une nuee epaisse de cendres, eclairee par le feu volcanique, semblable a la mer agitee, on crut voir se gonfler la croaute ramollie de la terre. Des lors les rivieres de Cuitimba et de San Pedro se precipiterent dans les crevasses enflammees. La decomposition de l'eau contribuoit a ranimer les flammes; on les distingua a la ville de Pascuaro, quoique situee sur un plateau tres-large, et elevee de 1400 metres au-dessus des plaines de las playas de Jorullo. Des eruptions boueuses, sur-tout des couches d'argile, qui enveloppent des boules de basalte decomposees, a couches concentriques, semblent indiquer que des eaux souterraines ont joue un role tres-important dans cette revolution extraordinaire. Des milliers de petits cones, qui n'ont que deux a trois metres de hauteur, et que les indigenes appellent des fours (hornitos) sortirent de la bouche soulevee du Malpays. Quoique depuis quinze ans, d'apres le temoignage des Indiens, la chaleur de ces fours volcaniques aeit beaucoup diminue, j'y ai encore vu monter le thermometre a 95° en le plongeant dans des crevasses qui exhalent une vapeur aqueuse. Chaque petit cone est une fumarole, de laquelle s'eleve une fumee epaisse jusqu'a dix ou quinze metres de hauteur. Dans plusieurs, on entend un bruit souterrain, qui paroeit annoncer la proximite d'un fluide en ebullition. "Au milieu des fours, sur une crevasse qui se dirige du nord-nord-est au sud-sud-ouest, sont sorties de terre six grandes buttes toutes elevees de quatre a cinq cents metres au-dessus de l'ancien niveau des plaines. C'est le phenomene du Monte nuovo de Naples, repete plusieurs fois dans une rangee de collines volcaniques. La plus elevee de ces buttes enormes qui rappellent les puys de l'Auvergne, est le grand volcan de Jorullo. Il est constamment enflamme, et il a vomi, du cote du nord, une immense quantite de laves scorifiees et basaltiques qui renferment des fragmens de roches primitives. Ces grandes eruptions du volcan central ont continue jusqu'au mois de fevrier de l'annee 1760. Dans les annees suivantes elles sont devenues progressivement plus rares. Les Indiens epouvantes du fracas horrible cause par le nouveau volcan, avoient d'abord abandonne les villages situes a sept ou huit lieues de distance des playas de Jorullo. Ils s'accoutumerent en peu de mois a ce spectacle effrayant; retournes dans leurs chaumieres, ils descendirent vers les montagnes d'Aguasarco et de Santa Innes, pour admirer les gerbes de feu lancees par une infinite de grandes et de petites bouches volcaniques. Les cendres alors couvroient les toeits des maisons de Queretaro a plus de quarantehuit lieues de distance en ligne droite du lieu de l'explosion. Quoique le feu souterrain paroisse peu actif en ce moment, et que le Malpays et le grand volcan commencent a se couvrir de vegetaux, nous trouvames pourtant l'air ambiant tellement echauffe par l'action des petits fours (hornitos) que treseloigne du sol, et a l'ombre, le thermometre monta a 43°. Ce fait paroeit prouver qu'il n'y a pas d'exageration dans le temoignage de quelques vieux Indiens, qui rapportent que plusieurs annees apres la premiere eruption, meme a de grandes distances du terrain souleve, les plaines de Jorullo etoient inhabitables a cause de l'excessive chaleur qui y regnoit. Nous trouvames dans le fond du cratere l'air a 47°, en quelques endroits a 58 et 60°. Nous eumes a passer sur des crevasses qui exhaloient des vapeurs sulfureuses, et dans lesquelles le thermometre montoit a 85°. Le passage de ces crevasses et les amas de scories qui couvrent des creux considerables, rendent la descente dans le cratere assez dangereuse. Je reserve le detail de mes recherches geologiques sur le volcan de Jorullo, pour la relation historique de mon voyage. L'atlas qui accompagnera cette relation contiendra trois planches: 1°. la vue pittoresque du nouveau volcan, qui est trois fois plus eleve que le Monte Nuovo de Pouzzole, sorti de terre en 1538, presque sur les bords de la Mediterranee; 2°. la Coupe verticale ou le Profil du Malpays et de toute la partie soulevee; 3°. la Carte geographique des plaines de Jorullo, dressee au moyen du sextant, et en employant la methode des bases perpendiculaires et des angles de hauteur. Les productions volcaniques de ce terrain bouleverse se trouvent dans le cabinet de l'Ecole des mines a Berlin. Les plantes cueillies dans les environs font partie des herbiers que j'ai deposes au Museum d'histoire naturelle a Paris. On montre encore au voyageur, aupres du Cerro de Santa Innes, les rivieres de Cuitimba et de San Pedro, dont les eaux limpides arrosoient jadis la canne a sucre cultivee dans l'habitation de Don Andre Pimentel. Ces sources se sont perdues dans la nuit du 29 septembre 1759; mais plus a l'ouest a une distance de 2000 metres dans le terrain souleve meme, on voit aujourd'hui deux rivieres qui brisent la voaute argileuse des hornitos, et se presentent comme des eaux thermales dans lesquelles le thermometre monte a 52°,7. Les Indiens leur ont conserve les noms de San Pedro et de Cuitimba, parce que dans plusieurs parties du Malpays on croit entendre couler de grandes masses d'eau dans la direction de l'est a l'ouest, depuis les montagnes de Santa Innes vers l'Hacienda de la Presentation. Pres de cette habitation il y a un ruisseau qui degage de l'hydrogene sulfureux. Il a plus de sept metres de large, et c'est la source hydrosulfureuse la plus abondante que j'aie jamais observe. Selon l'opinion des indigenes, ces changemens extraordinaires, que nous venons de decrire, cette croaute de la terre soulevee et crevassee par le feu volcanique, ces montagnes de scories et de cendres amoncelees, sont l'ouvrage des moines, le plus grand sans doute qu'ils aient produit dans les deux hemispheres! Aux Playas de Jorullo, dans la chaumiere que nous habitions, notre hote Indien nous raconta qu'en 1759, des capucins en mission precherent a l'habitation de San Pedro; mais que n'ayant pas trouve un accueil favorable, (ayant deine peut-etre moins bien qu'ils ne s'y attendoient) ils chargerent cette plaine alors si belle et si fertile, des imprecations les plus horribles et les plus compliquees; ils prophetiserent que d'abord l'habitation seroit engloutie par des flammes qui sortiroient de terre, et que plus tard l'air ambiant se refroidiroit a tel point que les montagnes voisines resteroient eternellement couvertes de neige et de glace. La premiere de ces maledictions ayant eu des suites si funestes, le bas peuple Indien voit deja dans le refroidissement progressif du volcan, le presage sinistre d'un hiver perpetuel. J'ai cru devoir citer cette tradition vulgaire, digne de figurer dans le poeme epique du Jesuite Landivar, parce qu'elle ajoute un trait assez piquant au tableau des moeurs et des prejuges de ces pays eloignes. Elle prouve l'industrie active d'une classe d'hommes, qui abusant trop souvent de la credulite du peuple, et feignant de suspendre par leur influence les lois immuables de la nature, savent profiter de tout pour fonder leur empire par la crainte des maux physiques. La position du nouveau volcan de Jorullo donne lieu a une observation geologique trescurieuse. Nous avons deja remarque plus haut dans le troisieme chapitre, qu'il existe a la Nouvelle-Espagne un parallele des grandes elevations, ou une zone etroite contenue entre les 18° 59', et les 19° 12' de latitude dans laquelle sont situees toutes les ceimes d'Anahuac qui s'elevent au-dessus de la region des neiges perpetuelles. Ces ceimes sont ou des volcans encore actuellement enflammes, ou des montagnes dont la forme ainsi que la nature de leurs roches rendent infiniment probable qu'elles ont recele jadis un feu souterrain. En partant des cotes de la mer des Antilles, nous trouvons de l'est a l'ouest le pic d'Orizaba, les deux volcans de la Puebla, le Nevado de Toluca, le pic de Tancitaro et le volcan Colima. Ces grandes hauteurs, au lieu de former la crete de la Cordiliere d'Anahuac, et de suivre sa direction, qui est du sud-est au nord-ouest, sont, au contraire, placees sur une ligne qui est perpendiculaire a l'axe de la grande chaeine de montagnes. Il est sans doute tres-digne d'etre observe que, l'annee 1759, le nouveau volcan de Jorullo se soit forme dans le prolongement de cette ligne, sur ce meme parallele des anciens volcans mexicains! "Un coup-d'oeil jete sur mon plan des environs de Jorullo prouve que les six grandes buttes sont sorties de terre sur un filon qui traverse la plaine depuis le Cerro de las Cuevas au Picacho del Mortero: les boche nove du Vesuve se trouvent aussi rangees sur le prolongement d'une crevasse. Ces analogies ne nous donnent-elles pas le droit de supposer qu'il existe dans cette partie du Mexique, a une grande profondeur dans l'interieur de la terre, une crevasse dirigee de l'est a l'ouest sur une longueur de cent trente-sept lieues, et a travers laquelle, en rompant la croaute exterieure des roches porphyritiques, le feu volcanique s'est fait jour, a differentes epoques, depuis les cotes du golfe du Mexique jusqu'a la mer du sud? Cette crevasse se prolongeroit-elle jusqu'au petit groupe d'isles appele par Mr. Collnet l'Archipel de Revillagigedo, et autour desquelles, sur le meme parallele des volcans mexicains, on a vu nager de la pierre ponce? Des naturalistes, qui distinguent les faits qu'offre la geologie descriptive, des reveries theoriques sur l'etat primitif de notre planete, nous pardonneront d'avoir consigne ces observations sur la carte generale de la Nouvelle Espagne contenue dans l'Atlas mexicain. D'ailleurs, depuis le lac de Cuiseo, qui est charge de muriate de soude, et qui exhale de l'hydrogene sulfure, jusqu'a la ville de Valladolid, sur une etendue de terrain de quarante lieues carrees, il y a une grande quantite de sources chaudes, qui ne contiennent generalement que de l'acide muriatique sans vestiges de sulfates terreux ou de sels metalliques. Telles sont les eaux thermales de Chucandiro, de Cuinche, de San Sebastian et de San Juan Tararamco. L'etendue de l'intendance de Valladolid est d'un cinquieme plus petite que celle de l'Irlande, mais sa population relative est deux fois plus grande que celle de la Finlande. On compte dans cette province trois ciudades (Valladolid, Tzintzontzan, et Pascuaro), trois villas (Citaquaro, Zamora et Charo), deux cent soixante-trois villages, deux cent cinq paroisses, et trois cent vingt-six metairies. Le denombrement imparfait de 1793 donna une population totale de 289,314 ames, parmi lesquelles se trouverent 40,399 blancs males, 39,081 blancs femelles, 61,352 Indiens, 58,016 Indiennes; 154 religieux, 138 religieuses, et 293 individus du clerge seculier. Les Indiens qui habitent la province de Valladolid forment trois peuples d'une origine differente, les Tarasques, celebres au seizieme siecle par la douceur de leurs moeurs, par leur industrie dans les arts mecaniques, et par l'harmonie de leur langue riche en voyelles; les Otomites, tribu encore aujourd'hui tres-arrieree dans la civilisation, et parlant une langue pleine d'aspirations nasales et gutturales; les Chichimeques, qui, comme les Tlascalteques, les Nahuatlaques, et les Atzeques, ont conserve la langue mexicaine. Toute la partie meridionale de l'intendance de Valladolid est habitee par des Indiens. On n'y rencontre dans les villages d'autre figure blanche que celle du cure, qui souvent aussi est Indien ou mulatre. Les benefices y sont si pauvres, que l'eveque de Michoacan a la plus grande difficulte de trouver des ecclesiastiques qui veuillent se fixer dans un pays ou l'on n'entend presque jamais parler l'espagnol, et ou le long de la cote du grand ocean, les cures atteints par les miasmes contagieux des fievres malignes, perissent souvent apres un sejour de sept ou huit mois. La population de l'intendance de Valladolid a diminue dans les annees de disette de 1786 et 1790. Elle auroit bien plus souffert encore, si l'eveque respectable, dont nous avons parle au sixieme chapitre, n'avoit fait des sacrifices extraordinaires pour soulager les Indiens; il perdit volontairement en peu de mois la somme de 230,000 francs, en achetant cinquante mille fanegues de mais, qu'il revendit a vil prix pour contenir l'avarice sordide de plusieurs riches proprietaires, qui a l'epoque des calamites publiques, cherchoient a profiter de la misere du peuple."