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Alexander von Humboldt: „Description du volcan de Jorullo, tirée de l’Essai politique sur le Royaume du Mexique, formant la troisième partie des Voyages d’Alexandre de Humboldt et Aimé Bompland. Troisième livraison“, in: ders., Sämtliche Schriften digital, herausgegeben von Oliver Lubrich und Thomas Nehrlich, Universität Bern 2021. URL: <https://humboldt.unibe.ch/text/1809-Description_du_volcan-01> [abgerufen am 29.03.2024].

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https://humboldt.unibe.ch/text/1809-Description_du_volcan-01
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Titel Description du volcan de Jorullo, tirée de l’Essai politique sur le Royaume du Mexique, formant la troisième partie des Voyages d’Alexandre de Humboldt et Aimé Bompland. Troisième livraison
Jahr 1809
Ort Genf
Nachweis
in: Bibliothèque britannique 14:41:4 (August 1809), S. 339–355.
Entsprechungen in Buchwerken
Alexander von Humboldt, Essai politique sur le royaume de la Nouvelle-Espagne. Avec un atlas physique et géographique, fondé sur des observations astronomiques, des mesures trigonométriques et des nivellemens barométriques, 2 Bände, Paris: F. Schoell [1808–] 1811, Band 1, S. 248–255.
Sprache Französisch
Typografischer Befund Antiqua; Auszeichnung: Kursivierung; Fußnoten mit Ziffern; Schmuck: Initialen, Kapitälchen.
Identifikation
Textnummer Druckausgabe: II.71
Dateiname: 1809-Description_du_volcan-01
Statistiken
Seitenanzahl: 18
Zeichenanzahl: 21708

Weitere Fassungen
Description du volcan de Jorullo, tirée de l’Essai politique sur le Royaume du Mexique, formant la troisième partie des Voyages d’Alexandre de Humboldt et Aimé Bompland. Troisième livraison (Genf, 1809, Französisch)
Des eaux chargées d’acide muriatique (Paris, 1809, Französisch)
Des volcans de Jorullo (Paris, 1809, Französisch)
Sur l’Acide muriatique natif (Paris, 1809, Französisch)
Sur les Volcans de Jorullo (Paris, 1809, Französisch)
On the Volcanoes of Jorullo (London, 1810, Englisch)
On the volcanos of Jorullo (Philadelphia, Pennsylvania, 1810, Englisch)
Des eaux chargées d’acide muriatique (Paris, 1810, Französisch)
On the Volcanoes of Jorullo (London, 1811, Englisch)
[Description du volcan de Jorullo, tirée de l’Essai politique sur le Royaume du Mexique, formant la troisième partie des Voyages d’Alexandre de Humboldt et Aimé Bompland. Troisième livraison] (Frankfurt am Main, 1814, Deutsch)
Account of the Eruption of the Volcano of Jorullo in Mexico (Edinburgh; London, 1826, Englisch)
Beschreibung eines Ausbruches des Vulkanes Jorullo in Mexico (Erfurt; Weimar; Leipzig, 1826, Deutsch)
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Description du volcan de Jorullo, tirée de l’Essai politique sur le royaume duMexique, formant la troisième partie desVoyages d’ Alexandre de Humboldt et Aimé Bompland. Troisième livrai-son (1).


La rapidité avec laquelle les livraisons decet ouvrage se succèdent, est à peine en me-sure avec l’empressement des lecteurs. L’au-teur mène de front les diverses parties decette belle et vaste entreprise avec la mêmeardeur qui lui a fait passer les mers et gra-vir les plus hautes cîmes équatoriales; il yporte cette force et cette permanence de vo-lonté qui applanissent toujours les obstacles.Nous avons cherché dans deux extraits pré-cédens (2), à donner une idée de la partie
(1) A Paris chez F. Schoell, et à Tubingue chez J.G. Cotta, à Strasbourg chez F. G. Lévrault. 1809.(2) Aux mois de Décembre et Janvier dernier. (Voy,T. XXXIX. p. 279, et T. XL. p. 1 de ce Recueil.) (R)
|340| astronomique de son travail; nous allonspuiser dans la troisième partie, qui contientl’Essai politique sur le royaume du Mexique, parmi les détails curieux, de tout genre, qu’ilrenferme sur les mœurs, les antiquités, l’as-pect du pays, les grands travaux hydrauliques,les peuples indigènes, etc. la notice d’un éve-nement géologique bien extraordinaire par lelieu de la scène, et par toutes les circonstancesqui l’ont accompagné. Nous emprunterons lesexpressions de l’auteur, et nous nous garde-rons bien d’y rien changer. Nous donnons l’ar-ticle sur l’Intendance de Valladolid tout en-tier, comme échantillon du genre de l’ouvrage.
Intendance de Valladolid. Cette intendance, du temps de la conquêtedes Espagnols, faisoit partie du royaume deMichuacan (Mechoacan), qui s’étendoit de-puis le Rio de Zacatula jusqu’au port de laNavidad, et depuis les montagnes de Xala etde Colima jusqu’à la rivière de Lerma et aulac de Chapala. La capitale de ce royaumede Michuacan, qui de tout temps (commeles républiques de Tlaxcallan, Huexocingo etChollollan) fut indépendant de l’empire mexi-cain, étoit Tzintontzan, ville située sur lesbords d’un lac infiniment pittoresque, appelé |341| lac de Patzquaro. Tzintzontzan, que les At-zèques, habitans de Tenochtitlan, nommèrentHuitzitzila, n’est aujourd’hui qu’un pauvrevillage indien, quoiqu’il aît conservé le titrefastueux de cité (ciudad). L’intendance de Valladolid, que, dans lepays, on appelle vulgairement celle de Mi-chuacan, est limitée au nord par le Rio deLerma, qui, plus à l’est, prend le nom deRio Grande de Santiago. Elle touche à l’estet au nord-est à l’intendance de Mexico; aunord, à celle de Guanaxuato; à l’ouest à cellede Guadalaxara. La plus grande longueur de laprovince de Valladolid est de soixante-dix-huitlieues, depuis le port de Zacatula jusqu’auxmontagnes basaltiques de Palangeo; par con-séquent dans la direction du sud sud-est aunord nord-ouest. Elle est baignée par les eauxde la mer du sud sur une étendue de côtesde plus de trente-huit lieues. Située sur la pente occidentale de la Cor-dillière d’Anahuac, entrecoupée de collines etde vallées charmantes, offrant à l’œil du voya-geur un aspect peu commun sous la zône tor-ride, celui de prairies étendues et arrosées deruisseaux; la province de Valladolid jouit, engénéral, d’un climat doux, tempéré et extrê-mement favorable à la santé des habitans. Cen’est qu’en descendant le plateau d’Ario, en |342| approchant de la côte, que l’on trouve desterrains dans lesquels les nouveaux colons etsouvent même les indigènes sont exposés aufléau des fièvres intermittentes et putrides. La cîme de montagne la plus élevée de l’in-tendance de Valladolid est le pic de Tancitaro, à l’est de Tuspan. Je n’ai pas pû le voir d’as-sez près pour en faire une mesure exacte;mais il est certain qu’il est plus haut que levolcan de Colina, et qu’il se couvre plus sou-vent de neige. A l’est du pic de Tancitaro,s’est formé, dans la nuit du 29 septembre1759, le volcan de Jorullo (Xorullo ou Ju-ruyo) dont nous avons parlé plus haut (1),et dans le cratère duquel nous sommes parve-nus, Mr. Bompland et moi, le 19 septembrede l’année 1803. La grande catastrophe danslaquelle cette montagne est sortie de terre, et
(1) Chap. III, pag. 47, et Géographie des plantes, p. 130. Les hauteurs que j’indique aujourd’hui se fon-dent sur la formule barométrique de Mr. La Place.Elles sont le résultat du dernier travail de Mr. Olt-manns; elles diffèrent quelquefois de 20 à 30 métresde celles consignées dans la Géographie des plantes, qui a été rédigée peu de mois après mon retour enEurope, à une époque où il étoit impossible de don-ner à un si grand nombre de calculs toute la préci-sion dont ils sont susceptibles. (Voyez la note écriteau mois de nivose de l’an 13, à la fin de la Géogra-phie des plantes, p. 147.) (A)
|343| par laquelle un terrain d’une étendue con-sidérable a totalement changé de face, estpeut-être une des révolutions physiques lesplus extraordinaires que nous présentent lesannales de l’histoire de notre planète (1). Lagéologie désigne les parages de l’océan où, àdes époques récentes, depuis deux mille ans,près des Açores, dans la mer Egée, et au sudde l’Islande, des ilots volcaniques se sont éle-vés au-dessus de la surface des eaux. Maiselle ne nous offre aucun exemple où, dansl’intérieur d’un continent, à trente-six lieuesde distance des côtes, à plus de quarante-deuxlieues d’éloignement de tout autre volcan ac-tif, il se soit formé soudainement, au centred’un millier de petits cônes enflammés, unemontagne de scories et de cendres, haute de517 métres, en ne la comparant qu’au niveauancien des plaines voisines. Ce phénomène re-
(1) Strabon rapporte (édit. alm., T. I, p. 102) que,dans les plaines voisines de Methone, au bord dugolfe d’Hermione, une explosion volcanique fit naîtreune montagne de scories (un monte novo) auquel ilattribue la hauteur énorme de sept stades; ce qui,dans la supposition des stades olympiques (Voyages deNéarque, par Mr. Vincent, p. 56), feroit 1249 métres!Quelque exagérée que soit cette assertion, le fait géo-logique mérite sans doute de fixer l’attention desvoyageurs. (A)
|344| marquable a été chanté en hexamètres latins,par un père jésuite, Raphaël Landivar, natifde Guatimala. L’abbé Clavigero (1) en a faitmention dans l’histoire ancienne de sa patrie;et cependant il est resté inconnu aux minéra-logistes et aux physiciens de l’Europe, quoi-qu’il n’aît encore que cinquante années dedate, et qu’il aît eu lieu à six journées dela capitale de Mexico, en descendant du pla-teau central vers les côtes de la mer du sud!
Une vaste plaine se prolonge depuis les col-lines d’Aguasarco jusques vers les villages deTeipa et Petatlan, également célèbres par leursbelles cultures de coton. Entre les Picachos delMortero, les Cerros de las Cuevas et de Cuiche, cette plaine n’a que 750 à 800 métres de hau-teur au-dessus du niveau de l’océan. Des cônesbasaltiques s’élèvent au milieu d’un terraindans lequel domine le porphyre à base degrünstein. Leurs cîmes sont couronnées de chê-nes toujours verts, à feuillages de lauriers etd’oliviers, entremêlés parmi de petits palmiersà feuilles flabelliformes. Cette belle végétationcontraste singuliérement avec l’aridité de laplaine, qui a été dévastée par l’effet du feuvolcanique.
(1) Storia antica di Messico, Vol. I, p. 42, et Rusti-catio Mexicana (poëme du P. Landivar, dont la se-conde édition a paru à Bologne, en 1782), p. 17. (A)
|345| Jusqu’au milieu du dix-huitième siècle, deschamps cultivés en canne à sucre et en indigos’étendoient entre deux ruisseaux appelés Cui-timba et San Pedro. Ils étoient bordés par desmontagnes basaltiques, dont la structure sem-ble indiquer que tout ce pays, à une époquetrès-reculée, avoit déjà été bouleversé plusieursfois par des volcans. Ces champs arrosés avecart appartenoient à l’habitation (Hacienda)de San Pedro de Jorullo, une des plus gran-des et des plus riches du pays. Au mois dejuin de l’année 1759 un bruit souterrain s’yfit entendre. Des mugissemens épouvantables(bramidos) furent accompagnés de fréquenstremblemens de terre. Ils se succédèrent pen-dant cinquante à soixante jours, et plongèrentles habitans de l’Hacienda dans la plus grandeconsternation. Depuis le commencement dumois de septembre, tout sembloit annoncerune tranquillité parfaite, lorsque dans la nuitdu 28 au 29 un horrible fracas souterrain semanifesta de nouveau. Les Indiens épouvantésse sauvèrent sur les montagnes d’Aguasarco.Un terrain de trois à quatre milles carrés,que l’on désigne par le nom du Malpays, sesouleva en forme de vessie. On distingue en-core aujourd’hui dans des couches fracturéesles limites de ce soulévement. Le Malpays vers ses bords, n’a que douze métres de hau- |346| teur au-dessus du niveau ancien de la plaine,appelée las playas de Jorullo. Mais la con-vexité du terrain soulevé augmente progressi-vement vers le centre jusqu’à 160 métres d’é-lévation. Ceux qui de la cîme d’Aguasarco ont ététémoins de cette grande catastrophe, assurentque l’on vit sortir des flammes sur une étenduede plus d’une demi lieue carrée, que des frag-mens de roches incandescens furent lancés àdes hauteurs prodigieuses, et qu’à travers unenuée épaisse de cendres, éclairée par le feu vol-canique, semblable à la mer agitée, on crutvoir se gonfler la croûte ramollie de la terre.Dès lors les rivières de Cuitimba et de SanPedro se précipitèrent dans les crevasses en-flammées. La décomposition de l’eau contri-buoit à ranimer les flammes; on les distinguaà la ville de Pascuaro, quoique située sur unplateau très-large, et élevée de 1400 métresau-dessus des plaines de las playas de Jorullo.Des éruptions boueuses, sur-tout des couchesd’argile, qui enveloppent des boules de basaltedécomposées, à couches concentriques, sem-blent indiquer que des eaux souterraines ontjoué un rôle très-important dans cette révo-lution extraordinaire. Des milliers de petitscônes, qui n’ont que deux à trois métres dehauteur, et que les indigènes appellent des |347| fours (hornitos) sortirent de la bouche sou-levée du Malpays. Quoique depuis quinze ans,d’après le témoignage des Indiens, la chaleurde ces fours volcaniques aît beaucoup dimi-nué, j’y ai encore vu monter le thermomètreà 95° en le plongeant dans des crevasses quiexhalent une vapeur aqueuse. Chaque petitcône est une fumarole, de laquelle s’élèveune fumée épaisse jusqu’à dix ou quinze mè-tres de hauteur. Dans plusieurs, on entendun bruit souterrain, qui paroît annoncer laproximité d’un fluide en ébullition. »Au milieu des fours, sur une crevasse quise dirige du nord-nord-est au sud-sud-ouest,sont sorties de terre six grandes buttes toutesélevées de quatre à cinq cents métres au-dessusde l’ancien niveau des plaines. C’est le phé-nomène du Monte nuovo de Naples, répétéplusieurs fois dans une rangée de collinesvolcaniques. La plus élevée de ces buttes énor-mes qui rappellent les puys de l’Auvergne,est le grand volcan de Jorullo. Il est cons-tamment enflammé, et il a vomi, du côtédu nord, une immense quantité de laves sco-rifiées et basaltiques qui renferment des frag-mens de roches primitives. Ces grandes érup-tions du volcan central ont continué jusqu’aumois de février de l’année 1760. Dans les an-nées suivantes elles sont devenues progressi- |348|vement plus rares. Les Indiens épouvantés dufracas horrible causé par le nouveau volcan,avoient d’abord abandonné les villages situésà sept ou huit lieues de distance des playasde Jorullo. Ils s’accoutumèrent en peu de moisà ce spectacle effrayant; retournés dans leurschaumières, ils descendirent vers les monta-gnes d’Aguasarco et de Santa Innes, pouradmirer les gerbes de feu lancées par uneinfinité de grandes et de petites bouches vol-caniques. Les cendres alors couvroient les toîtsdes maisons de Queretaro à plus de quarante-huit lieues de distance en ligne droite du lieude l’explosion. Quoique le feu souterrain pa-roisse peu actif (1) en ce moment, et que le
(1) Nous trouvames dans le fond du cratère l’air à47°, en quelques endroits à 58 et 60°. Nous eumesà passer sur des crevasses qui exhaloient des vapeurssulfureuses, et dans lesquelles le thermomètre montoità 85°. Le passage de ces crevasses et les amas de scoriesqui couvrent des creux considérables, rendent la des-cente dans le cratère assez dangereuse. Je réserve le dé-tail de mes recherches géologiques sur le volcan de Jo-rullo, pour la relation historique de mon voyage. L’atlasqui accompagnera cette relation contiendra trois plan-ches: 1°. la vue pittoresque du nouveau volcan, qui esttrois fois plus élevé que le Monte Nuovo de Pouzzole, sortide terre en 1538, presque sur les bords de la Méditer-ranée; 2°. la Coupe verticale ou le Profil du Malpays etde toute la partie soulevée; 3°. la Carte géographique des
|349| Malpays et le grand volcan commencent àse couvrir de végétaux, nous trouvames pour-tant l’air ambiant tellement échauffé par l’ac-tion des petits fours (hornitos) que très-éloigné du sol, et à l’ombre, le thermomètremonta à 43°. Ce fait paroît prouver qu’il n’ya pas d’exagération dans le témoignage dequelques vieux Indiens, qui rapportent que plu-sieurs années après la première éruption, mêmeà de grandes distances du terrain soulevé,les plaines de Jorullo étoient inhabitables àcause de l’excessive chaleur qui y régnoit.
On montre encore au voyageur, auprèsdu Cerro de Santa Innes, les rivières de Cui-timba et de San Pedro, dont les eaux lim-pides arrosoient jadis la canne à sucre cul-tivée dans l’habitation de Don André Pimen-tel. Ces sources se sont perdues dans la nuitdu 29 septembre 1759; mais plus à l’ouestà une distance de 2000 métres dans le terrainsoulevé même, on voit aujourd’hui deux ri-vières qui brisent la voûte argileuse des hor-
plaines de Jorullo, dressée au moyen du sextant, et enemployant la méthode des bases perpendiculaires et desangles de hauteur. Les productions volcaniques de ceterrain bouleversé se trouvent dans le cabinet de l’Ecoledes mines à Berlin. Les plantes cueillies dans les environsfont partie des herbiers que j’ai déposés au Muséum d’his-toire naturelle à Paris.
|350| nitos, et se présentent comme des eaux ther-males dans lesquelles le thermomètre monteà 52°,7. Les Indiens leur ont conservé les nomsde San Pedro et de Cuitimba, parce que dansplusieurs parties du Malpays on croit enten-dre couler de grandes masses d’eau dans ladirection de l’est à l’ouest, depuis les mon-tagnes de Santa Innes vers l’Hacienda de laPresentation. Près de cette habitation il ya un ruisseau qui dégage de l’hydrogène sul-fureux. Il a plus de sept métres de large,et c’est la source hydrosulfureuse la plus abon-dante que j’aie jamais observé.
Selon l’opinion des indigènes, ces chan-gemens extraordinaires, que nous venons dedécrire, cette croûte de la terre soulevée etcrevassée par le feu volcanique, ces monta-gnes de scories et de cendres amoncelées, sontl’ouvrage des moines, le plus grand sans doutequ’ils aient produit dans les deux hémisphè-res! Aux Playas de Jorullo, dans la chau-mière que nous habitions, notre hôte Indiennous raconta qu’en 1759, des capucins en mis-sion prêchèrent à l’habitation de San Pedro;mais que n’ayant pas trouvé un accueil fa-vorable, (ayant dîné peut-être moins bien qu’ilsne s’y attendoient) ils chargèrent cette plainealors si belle et si fertile, des imprécationsles plus horribles et les plus compliquées; |351| ils prophétisèrent que d’abord l’habitation se-roit engloutie par des flammes qui sortiroientde terre, et que plus tard l’air ambiant serefroidiroit à tel point que les montagnesvoisines resteroient éternellement couvertes deneige et de glace. La première de ces ma-lédictions ayant eu des suites si funestes, lebas peuple Indien voit déjà dans le refroidis-sement progressif du volcan, le présage si-nistre d’un hiver perpétuel. J’ai cru devoir citercette tradition vulgaire, digne de figurer dansle poëme épique du Jésuite Landivar, parcequ’elle ajoute un trait assez piquant au ta-bleau des mœurs et des préjugés de ces payséloignés. Elle prouve l’industrie active d’uneclasse d’hommes, qui abusant trop souventde la crédulité du peuple, et feignant de sus-pendre par leur influence les lois immuablesde la nature, savent profiter de tout pourfonder leur empire par la crainte des mauxphysiques. La position du nouveau volcan de Jorullodonne lieu à une observation géologique très-curieuse. Nous avons déjà remarqué plus hautdans le troisième chapitre, qu’il existe à laNouvelle-Espagne un parallèle des grandesélévations, ou une zône étroite contenue entreles 18° 59′, et les 19° 12′ de latitude danslaquelle sont situées toutes les cîmes d’A- |352| nahuac qui s’élèvent au-dessus de la régiondes neiges perpétuelles. Ces cîmes sont ou desvolcans encore actuellement enflammés, oudes montagnes dont la forme ainsi que lanature de leurs roches rendent infiniment pro-bable qu’elles ont recelé jadis un feu souter-rain. En partant des côtes de la mer des An-tilles, nous trouvons de l’est à l’ouest le picd’Orizaba, les deux volcans de la Puebla, leNevado de Toluca, le pic de Tancitaro etle volcan Colima. Ces grandes hauteurs, aulieu de former la crête de la Cordilière d’A-nahuac, et de suivre sa direction, qui estdu sud-est au nord-ouest, sont, au contraire,placées sur une ligne qui est perpendiculaireà l’axe de la grande chaîne de montagnes.Il est sans doute très-digne d’être observé que,l’année 1759, le nouveau volcan de Jorullose soit formé dans le prolongement de cette li-gne, sur ce même parallèle des anciens volcansmexicains! »Un coup-d’œil jeté sur mon plan des en-virons de Jorullo prouve que les six grandesbuttes sont sorties de terre sur un filon quitraverse la plaine depuis le Cerro de las Cue-vas au Picacho del Mortero: les boche nove duVésuve se trouvent aussi rangées sur le pro-longement d’une crevasse. Ces analogies nenous donnent-elles pas le droit de supposer |353| qu’il existe dans cette partie du Mexique, àune grande profondeur dans l’intérieur de laterre, une crevasse dirigée de l’est à l’ouestsur une longueur de cent trente-sept lieues,et à travers laquelle, en rompant la croûteextérieure des roches porphyritiques, le feuvolcanique s’est fait jour, à différentes épo-ques, depuis les côtes du golfe du Mexiquejusqu’à la mer du sud? Cette crevasse se pro-longeroit-elle jusqu’au petit groupe d’isles ap-pelé par Mr. Collnet l’Archipel de Revillagi-gedo, et autour desquelles, sur le même pa-rallèle des volcans mexicains, on a vu nagerde la pierre ponce? Des naturalistes, qui dis-tinguent les faits qu’offre la géologie descrip-tive, des rêveries théoriques sur l’état primi-tif de notre planète, nous pardonneront d’a-voir consigné ces observations sur la carte gé-nérale de la Nouvelle Espagne contenue dansl’Atlas mexicain. D’ailleurs, depuis le lac deCuiseo, qui est chargé de muriate de soude,et qui exhale de l’hydrogène sulfuré, jusqu’àla ville de Valladolid, sur une étendue de ter-rain de quarante lieues carrées, il y a unegrande quantité de sources chaudes, qui necontiennent généralement que de l’acide mu-riatique sans vestiges de sulfates terreux oude sels métalliques. Telles sont les eaux ther- |354| males de Chucandiro, de Cuinche, de SanSébastian et de San Juan Tararamco. L’étendue de l’intendance de Valladolid estd’un cinquième plus petite que celle de l’Ir-lande, mais sa population relative est deuxfois plus grande que celle de la Finlande. Oncompte dans cette province trois ciudades(Valladolid, Tzintzontzan, et Pascuaro), trois villas (Citaquaro, Zamora et Charo), deuxcent soixante-trois villages, deux cent cinqparoisses, et trois cent vingt-six métairies.Le dénombrement imparfait de 1793 donnaune population totale de 289,314 ames, par-mi lesquelles se trouvèrent 40,399 blancs mâ-les, 39,081 blancs femelles, 61,352 Indiens,58,016 Indiennes; 154 religieux, 138 religieu-ses, et 293 individus du clergé séculier. Les Indiens qui habitent la province de Val-ladolid forment trois peuples d’une origine dif-férente, les Tarasques, célèbres au seizièmesiècle par la douceur de leurs mœurs, parleur industrie dans les arts mécaniques, etpar l’harmonie de leur langue riche en voyel-les; les Otomites, tribu encore aujourd’huitrès-arriérée dans la civilisation, et parlantune langue pleine d’aspirations nasales et gut-turales; les Chichimèques, qui, comme lesTlascaltèques, les Nahuatlaques, et les Atzè-ques, ont conservé la langue mexicaine. Toute |355| la partie méridionale de l’intendance de Valla-dolid est habitée par des Indiens. On n’y ren-contre dans les villages d’autre figure blancheque celle du curé, qui souvent aussi est In-dien ou mulâtre. Les bénéfices y sont si pau-vres, que l’évêque de Michoacan a la plusgrande difficulté de trouver des ecclésiastiquesqui veuillent se fixer dans un pays où l’onn’entend presque jamais parler l’espagnol, etoù le long de la côte du grand océan, lescurés atteints par les miasmes contagieux desfièvres malignes, périssent souvent après unséjour de sept ou huit mois. La population de l’intendance de Vallado-lid a diminué dans les années de disette de1786 et 1790. Elle auroit bien plus souffertencore, si l’évêque respectable, dont nous avonsparlé au sixième chapitre, n’avoit fait des sa-crifices extraordinaires pour soulager les In-diens; il perdit volontairement en peu de moisla somme de 230,000 francs, en achetant cin-quante mille fanègues de maïs, qu’il revendità vil prix pour contenir l’avarice sordide deplusieurs riches propriétaires, qui à l’époquedes calamités publiques, cherchoient à profi-ter de la misère du peuple.»