OBSERVATIONS sur l'intensite et l'inclinaison des forces magnetiques, faites en France, en Suisse, en Italie et en Allemagne: Par MM. A. de Humboldt et Gay-Lussac. Lu a l'Institut le 8 septembre 1806. Les causes et les lois du magnetisme terrestre sont restees dans la plus grande obscurite, au milieu des progres rapides que la physique vient de faire. Les variations tant diurnes que seculaires de l'aiguille aimantee, son inclinaison et sa declinaison sur les principaux points du globe; l'intensite des forces magnetiques, le nombre et le cours des bandes sans declinaison, ne sont encore que tres-peu connus. Les observations des voyageurs et des physiciens, qui d'ailleurs ne portent presque uniquement que sur la declinaison de l'aiguille aimantee, ont ete faites a des epoques trop eloignees les unes des autres, et en employant des instrumens ou des methodes trop peu exacts, pour qu'il soit possible d'asseoir sur elles les bases d'une theorie qui embrasseroit les divers phenomenes du magnetisme terrestre. Le desir de concourir a fournir quelques materiaux pour l'avancement de cette partie de nos connoissances, nous a engages, M. Humboldt et moi, dans une suite d'observations sur l'inclinaison et l'intensite des forces magnetiques. Nous nous en sommes occupes dans un voyage d'une annee, que nous avons fait en France, en Suisse, en Italie et en Allemagne, et dans lequel j'ai pu profiter des vastes connoissances de mon ami. Ce sont ces observations que nous avons l'honneur de presenter aujourd'hui a l'Institut. Le court espace de tems dans lequel elles ont ete faites et qui les rend presque simultanees; la grande etendue qu'elles embrassent, et, nous osons le dire, leur exactitude, nous font esperer qu'il les accueillera avec interet . Toutes nos observations ont ete faites entre le 15 mars 1805 et le 1er. mai 1806. La boussole dont nous nous sommes servis pour determiner les inclinaisons magnetiques est celle de Borda. Elle avoit ete executee par M. Lenoir, pour l'expedition d'Entrecasteaux, et nous avoit ete confiee par S. E. le ministre de la marine. Celle pour les oscillations horisontales consistoit en une aiguille aimantee, parallelogrammique, suspendue a un fil de soie plate. Une boeite, dont deux faces opposees etoient en verre, servoit a la garantir des agitations de l'air. La simplicite de cet instrument, la grande exactitude a laquelle on peut atteindre par son moyen, et la methode due a Borda de conclure des oscillations de l'aiguille la force qui les produit, sont aujourd'hui connues de tout le monde. Il n'en est peut-etre pas de meme de la meilleure maniere de determiner pour un lieu l'inclinaison et l'intensite des forces magnetiques: les opinions ne nous paroissent pas encore fixees a cet egard, et c'est pour cela que nous croyons pouvoir nous permettre les details dans lesquels nous allons entrer. Lorsqu'une aiguille d'inclinaison est dans son meridien magnetique, une variation de position a droite ou a gauche de ce plan produit une augmentation dans l'inclinaison. On peut donc, pour determiner le meridien magnetique, chercher le plan pour lequel l'inclinaison de l'aiguille est un minimum; mais ce procede n'a point la simplicite qu'il paroeit avoir au premier abord, et nous allons voir qu'il en existe un autre plus exact et plus expeditif. Si on concoit une aiguille d'inclinaison dans un plan perpendiculaire a son meridien, la force horisontale qui est une des composantes de la force magnetique etant alors sans effet, l'aiguille se tiendra verticale. La position de ce plan est extremement facile a determiner; parce que, sans attendre que l'aiguille soit arrivee au repos, on peut juger si ses oscillations de part et d'autre de la verticale qui passe par son centre de suspension sont egales, et par consequent la faire tourner si elles ne le sont pas. Il ne faut alors qu'un tres-petit mouvement; car la force horisontale croissant comme le sinus de l'angle de deviation, il en resulte une variation tres-sensible dans la direction de l'aiguille. Le plan perpendiculaire au meridien magnetique etant ainsi trouve, il est facile d'en conclure ce dernier et d'y determiner ensuite l'inclinaison; mais l'aiguille pouvant, a cause du frottement, rester un peu au-dessus ou au-dessous de sa vraie direction, il sera necessaire de faire plusieurs observations pour en prendre la moyenne. Telles seroient les operations a faire pour trouver l'inclinaison si l'aiguille etoit parfaite. Il s'en faut de beaucoup qu'elle le soit ordinairement, et de la naissent plusieurs causes d'erreur qu'il faut chercher a corriger. Voici en peu de mots comment on peut y parvenir. Le centre de gravite de l'aiguille pouvant se trouver hors de son axe de suspension et de sa ligne de figure, le plan meridien n'est plus celui qui seroit perpendiculaire au plan dans lequel elle se tient verticale. Il se determine en faisant tourner la boussole jusqu'a ce que l'aiguille prenne de nouveau une direction verticale, et en divisant en deux parties egales l'angle decrit. L'inclinaison a de meme besoin d'une correction. Si le centre de gravite de l'aiguille est au-dessus du centre de suspension, l'inclinaison est trop petite; s'il est au-dessous elle est trop grande. Mais en changeant les poles de l'aiguille, les effets des causes perturbatrices sont alors en sens contraire, et la moyenne de toutes les observations donne la vraie inclinaison. Il n'est cependant pas necessaire de renverser les poles chaque fois qu'on veut la determiner. Quand la correction est connue pour un lieu, on peut la regarder, sans erreur sensible, comme constante pour un autre qui seroit peu eloigne du premier, en supposant d'ailleurs que l'aiguille n'eprouve pas de changemens. M. Laplace a propose une autre methode egalement simple pour determiner l'inclinaison. En nommant M et P les nombres d'oscillations faites dans le meme tems par l'aiguille dans le meridien magnetique et dans le plan qui lui est perpendiculaire, l'inclinaison I est donnee par la formule sin [Formel] Comme cette methode est fondee sur les oscillations dont on peut mesurer rigoureusement le tems, nous sommes convaincus qu'elle peut donner une tres-grande precision; mais nous avons a regretter que notre aiguille n'ayant pas beaucoup de grandeur et une mobilite parfaite, il ne nous ait pas ete possible de compter un assez grand nombre d'oscillations pour l'employer avec succes. L'intensite des forces magnetiques se determine en faisant osciller l'aiguille d'inclinaison dans son meridien, et en prenant pour sa mesure le carre du nombre d'oscillations faites dans un tems donne. Il peut arriver cependant que l'aiguille eprouve une alteration, et dans ce cas toutes les observations seroient affectees d'une erreur qui pourroit etre considerable. On peut, il est vrai, changer les poles de l'aiguille et l'aimanter a saturation; mais les differences qu'on observe dans ses oscillations, quand elle a ete ainsi aimantee deux fois en sens contraire, sont souvent assez grandes pour que, dans ces experiences qui demandent de l'exactitude, on ne puisse se permettre de faire ces changemens. La methode que nous avons employee nous paroeit a l'abri de tout inconvenient. Elle consiste a se servir des oscillations d'une aiguille horisontale suspendue a un fil, pour en conclure ensuite, lorsque l'inclinaison est donnee, celles qu'elle feroit dans sa vraie direction. Soit F la force magnetique totale pour un lieu determine, I l'inclinaison et N le nombre d'oscillations horisontales faites pendant le tems T; [Formel] sera le nombre d'oscillations faites par l'aiguille dans sa vraie direction, pendant l'unite de tems. Et si on veut comparer tout de suite l'intensite de la force magnetique avec celle F' d'un autre endroit, on aura [Formel] Tels sont les moyens que nous avons employes pour determiner l'inclinaison et l'intensite des forces magnetiques dans les divers lieux que nous avons parcourus. Tous nos resultats ont ete reunis dans un tableau particulier, et voici dans quel ordre ils y ont ete disposes. La premiere colonne comprend les noms des lieux; leur latitude et leur longitude forment la seconde et la troisieme. Pour comparer nos observations sur l'inclinaison aux resultats de la theorie, d'apres les formules que M. Biot a publiees , nous avons ramene les latitudes et longitudes terrestres a l'equateur et au meridien magnetiques determines l'un et l'autre, d'apres les observations de MM. Lapeyrouse et Humboldt, en Amerique. Ce sont ces latitudes et longitudes qui forment la quatrieme et la cinquieme colonnes de notre tableau. La huitieme renferme les inclinaisons observees; la neuvieme celles qui ont ete calculees, et la dixieme les differences des unes aux autres. Dans la sixieme colonne on trouve, exprime en secondes, le tems qu'il a fallu dans chaque lieu a notre aiguille horisontale pour faire 60 oscillations, et dans la septieme les intensites totales correspondantes. Pour comparer ces dernieres entre elles, nous avons pris pour terme de comparaison l'intensite des forces sous l'equateur magnetique, et nous l'avons supposee egale a 10000. Nous nous sommes servis, pour cet objet, des observations de l'un de nous, desquelles il resulte qu'une aiguille d'inclinaison qui feroit 245 oscillations a Paris, n'en feroit plus que 211 sous l'equateur magnetique pendant le meme espace de tems. Connoissant l'inclinaison a Paris et les oscillations de notre aiguille horisontale, il nous a ete facile, d'apres ce que nous avons dit, de calculer ses oscillations dans sa vraie direction, et par suite celles qu'elle feroit sous l'equateur magnetique; car en supposant egaux les rapports des intensites donnes par deux aiguilles dans deux lieux differens, on demontre que leurs nombres d'oscillations dans ces memes lieux, pendant le meme tems, sont proportionnels entre eux. Journal de Physique, tom. 59. En faisant nos observations, nous avons eu soin en meme tems de reconnoeitre la nature du sol et son elevation au-dessus du niveau de la mer. Il y a des roches qui, par leur nature, ne peuvent avoir aucune influence sur l'aiguille aimantee; mais il en est d'autres, telles que les basaltes et les serpentines, qui renferment quelquefois beaucoup de fer, et qui peuvent alors en avoir une tres-forte. Il a ete reconnu qu'a des hauteurs bien plus considerables que celles auxquelles on peut s'elever sur les montagnes, la force magnetique ne varie pas sensiblement, et d'apres cela, il seroit inutile de tenir compte de l'elevation des lieux. Elle pourroit cependant donner une idee de l'influence qu'ils auroient sur l'aiguille, s'ils receloient du fer. Mais outre cela, la constitution d'un pays dependant tout aussi bien de sa hauteur que de sa position geographique, il nous a paru d'autant plus utile de rapporter tout ce qui peut la faire connoeitre, que jusqu'a present cet objet a ete trop neglige. Ainsi donc l'elevation du sol au-dessus du niveau de la mer et sa nature, occuperont dans notre tableau deux colonnes separees. Lorsque nous sommes partis de Paris, nos instrumens, que nous n'avions pu avoir a notre disposition que la veille du jour de notre depart, ne nous ont pas permis d'y determiner l'inclinaison et l'intensite des forces magnetiques. Nous n'avons pu commencer nos observations qu'a Villeneuve-sur-Yonne, mais de la nous les avons continuees sur tous les points de notre passage qui pouvoient meriter quelque attention. J'observerai cependant que les resultats que j'ai obtenus a Paris, sur l'intensite des forces magnetiques, un an apres en etre parti, doivent etre, relativement a l'aiguille, en parfaite harmonie avec les autres; car ayant passe deux fois a Milan, a six mois d'intervalle, nous avons trouve que notre aiguille y faisoit exactement le meme nombre d'oscillations la seconde fois que la premiere, soit dans l'interieur de la ville, soit hors ses murs. Nos observations sur l'intensite des forces magnetiques a Turin, influencees sans doute par quelque cause tres-particuliere, nous ayant paru quelque tems apres s'ecarter beaucoup en sens contraire de la loi que suivoient les autres, nous avons fait osciller une nouvelle aiguille a Milan, comparativement avec la notre, et nous l'avons envoyee a M. Vassali, qui a eu la complaisance de compter ses oscillations en divers endroits dans l'interieur et a l'exterieur de Turin. C'est d'apres ses resultats et ceux que nous avions obtenus a Milan que nous avons calcule les oscillations que notre aiguille auroit faites dans la premiere de ces villes. Nous devons faire remarquer encore, avant d'aller plus loin, quel est le degre de precision auquel on peut atteindre dans ce genre d'experiences, afin qu'on ne se meprenne pas sur de legeres anomalies qui pourroient se trouver dans nos resultats. D'abord, pour les inclinaisons, avec un instrument de 0m,07 de rayon, il seroit difficile, meme dans le calme le plus parfait, de les determiner a plus de six minutes pres. Dans un voyage, dans lequel on n'a pas toujours ni le tems ni les commodites qu'on pourroit desirer, les limites des erreurs doivent etre un peu plus eloignees entre elles. Nous croyons neanmoins que les plus grands ecarts de nos observations, principalement de celles que nous avons faites en allant de Rome a Berlin, ne s'etendent pas audela de 10 minutes. Relativement a l'influence des localites particulieres, on ne peut assurer jusqu'ou elle peut s'etendre, quoique, en general, elle doive etre assez petite. Nous n'avons pu toujours observer en plein air, et quand nous avons ete obliges de le faire a couvert, nous avons choisi les appartemens les plus grands, en evitant ceux ou nous decouvrions quelque masse de fer un peu considerable. Pour les oscillations horisontales, nous pouvons repondre de leur parfaite exactitude. Nous en avons toujours mesure le tems avec un chronometre de M. Berthoud, et d'ailleurs il n'y a rien de plus facile que de les observer. Dans le meme endroit, elles presentent toujours le plus grand accord. Si, comparees dans des lieux differens, elles paroissent quelquefois ne pas suivre une loi parfaitement reguliere, c'est dans les localites qu'il faut en chercher la cause. Maintenant que nous avons expose comment nous avons fait nos observations, ainsi que la maniere de les reduire et de les comparer les unes aux autres, nous allons passer aux resultats qu'elles nous ont presentes. Un des principaux buts que nous nous etions proposes dans notre voyage, etoit de nous assurer si la haute chaeine des Alpes pouvoit avoir de l'influence sur l'intensite et l'inclinaison des forces magnetiques. Nous l'avons traversee deux fois en deux endroits differens, la premiere au Mont-Cenis, entre Lyon et Turin; la seconde au St.-Gothard, entre Come et Altorf. En fixant les yeux sur le tableau, on voit que, lorsque l'inclinaison est a Lyon 66° 14', elle est a Chambery, a St.-Michel et a Modane, presque a la meme latitude, et dans la chaeine meme, 66° 12', 66° 12' et 66° 6'; qu'a Lanslebourg, qui est au pied du Mont-Cenis, elle est 66° 9', et qu'enfin sur cette montagne, a l'Hospice et a la hauteur de 2120m on la trouve 66° 22'. A Turin, de l'autre cote de la chaeine des Alpes, nous l'avons observee de 66° 3', c'est-a-dire de 9' plus petite qu'a Lyon; mais aussi cette derniere ville est un peu plus au nord que la premiere. Si, sur le Mont-Cenis, l'inclinaison paroeit un peu plus forte qu'elle ne devroit l'etre, en la comparant a celles des lieux voisins, a Chambery, a St.-Michel, a Modane et a Lanslebourg, qui sont egalement dans la chaeine, elle paroeit etre telle a-peu-pres qu'elle devroit etre en raison de leur position geographique seulement. On ne peut donc tirer aucune consequence de cette foible augmentation d'inclinaison dans un seul endroit, d'autant plus que sur le St.-Gothard, a une hauteur egale, nous avons trouve, au contraire, une inclinaison un peu plus foible qu'a Airolo et a Ursern, situes l'un a la pente meridionale de cette montagne, et l'autre a sa pente septentrionale. En considerant a present l'influence des Alpes sur l'intensite des forces magnetiques, nous la trouverons en general tres-foible, si meme elle existe. A Lyon, l'intensite est a-peu-pres la meme qu'a Turin. Sur le Mont-Cenis elle est un peu plus forte que dans ces deux villes; mais a Lanslebourg, au contraire, elle est plus foible. A l'hospice du St.-Gothard, nous l'avons trouvee de 0,005 environ plus grande qu'a Airolo et a Ursern, et plus petite de 0,01 qu'a Altorf. Il faut bien d'ailleurs accorder quelque chose pour les erreurs des observations, car une erreur de quelques minutes dans l'inclinaison en produit une de plusieurs milliemes dans l'intensite. Il est permis outre cela de croire, jusqu'a ce qu'on ait prouve le contraire, que l'inclinaison eprouve de meme que la declinaison, des variations aux differentes heures du jour et de la nuit. Mais, en admettant meme qu'il y ait une difference due a l'influence des Alpes, elle ne va qu'a un centieme lorsqu'on compare quelques endroits du milieu de la chaeine a ceux qui en sont eloignes, et pour d'autres elle est encore plus petite. Nous croyons donc pouvoir conclure que la chaeine des Alpes, au moins dans les endroits ou nous l'avons traversee, a une influence peu sensible sur l'inclinaison et l'intensite des forces magnetiques. Pendant notre sejour sur le Mont-Cenis, ou nous etions occupes d'experiences particulieres, nous avons voulu voir si l'intensite des forces magnetiques n'eprouvoit pas de variations sensibles aux differentes heures du jour et de la nuit. Nous avons fait faire 250 oscillations a notre aiguille, mais le tems de 1234" qu'elles ont employe n'a jamais varie de plus d'une seconde au-dessus ou au-dessous de ce nombre. A Rome, ou nous avons encore fait un grand nombre d'experiences de ce genre, nous avons obtenu des resultats semblables. D'apres cela, il nous paroeit evident que la force magnetique ne varie pas sensiblement en intensite pendant le jour ou pendant la nuit . Nous observerons pour ceux qui voudroient s'occuper de cet objet, qu'on peut s'epargner l'ennui de compter a chaque observation toutes les oscillations; car en prenant une aiguille tres-paresseuse et dont le tems, pour chaque oscillation, seroit suppose plus long que les variations qu'on cherche a evaluer, on peut employer le moyen dont se servent les astronomes pour observer les revolutions des taches du soleil. En supposant tous les phenomenes magnetiques dependans les uns des autres, on pourroit aussi en conclure que l'inclinaison n'eprouve pas de variations appreciables; celles de la declinaison etant deja tres-petites. Pendant le court espace de tems que nous avons passe dans Naples, nous avons ete temoins du violent tremblement de terre, du 26 juillet 1805, et de l'eruption du Vesuve, du 12 aoaut de la meme annee. Nous nous sommes empresses de voir quels pourroient etre les effets de ce volcan sur l'intensite et l'inclinaison des forces magnetiques. On sait que dans les produits des eruptions volcaniques, il y a quelquefois beaucoup de fer peu oxide qui agit fortement sur l'aiguille aimantee. Il etoit naturel d'apres cela d'attribuer aux volcans une tres-grande influence, mais nous allons voir que pour le Vesuve elle est tres-bornee. A Naples, qui est a environ deux lieues de ce volcan, nous avons trouve l'inclinaison egale a 61° 35'. En suivant la marche des inclinaisons depuis des endroits situes beaucoup plus au nord, on les voit decroeitre jusqu'a Naples, suivant une loi assez reguliere. A Portici, qui s'est eleve sur les ruines d'Herculanum, et qui est traverse par des courans de laves, nous avons observe l'inclinaison de 60° 50'. A l'hermitage de S.-Salvador, a-peu-pres a la moitie de la hauteur du Vesuve, et a cote de courans recens de laves, nous l'avons trouvee de 62° 15'; et enfin dans le cratere meme du Vesuve, sur des scories, de 62° 0'. On voit donc que quoi qu'il y ait une difference dans la plupart de ces inclinaisons, en les comparant les unes aux autres, elle n'est pas aussi grande que celle a laquelle on auroit pu s'attendre; et que, si le Vesuve a une influence sur l'inclinaison de l'aiguille aimantee, elle est au moins tres-petite et tres-locale. Si, en effet, a l'hermitage de S.-Salvador, l'inclinaison est plus grande de 40' qu'a Naples, a Portici elle est de 35' plus petite. L'intensite paroeit avoir varie d'une maniere plus sensible et plus irreguliere. Quoique Naples soit plus au midi que Rome, l'intensite y est plus grande d'un centieme. A Portici elle est encore d'un quatre-vingt-onzieme plus grande qu'a Naples, et a l'hermitage d'un quarantecinquieme. Mais dans le cratere du Vesuve, elle est au contraire d'un quinzieme plus petite. Tant d'irregularite et un decroissement si rapide dans l'intensite, de la base du Vesuve a son sommet, prouvent que ce volcan ne peut etre considere comme un centre magnetique dont l'influence s'etendroit au loin. Cette influence paroeit au contraire tres-locale et doit dependre entierement de l'action de quelques parties de laves un peu plus chargees de fer dans un endroit que dans un autre. Au milieu du cratere, comme nous etions immediatement sur les scories, notre aiguille a oscillations horisontales a pu se trouver pres d'une scorie magnetique, dont les poles auroient ete places en sens contraire des siens. Dans ce cas, on concoit la diminution d'intensite que nous avons observee. Mais telle supposition qu'on fasse d'ailleurs, on ne peut l'expliquer par l'incandescence des matieres que renferme le Vesuve. Car, s'il est vrai que la chaleur detruise la force d'un aimant, un volcan n'est aussi qu'un point sur le globe, et l'influence du noyau magnetique penetreroit dans son interieur pour se propager au-dela, de la meme maniere qu'elle penetre et se propage dans l'espace au-dela de la surface de la terre. Considerons actuellement nos observations d'une maniere generale, depuis Berlin jusqu'a Naples. Nous verrons d'abord a la colonne des tems, pour 60 oscillations horisontales, que le tems diminue progressivement avec la latitude. A Berlin, il faut pour 60 oscillations 316", 5; a Paris, il n'en faut que 314; a Milan, 295,5; a Rome, 281,8, et a Naples, 279,0. Il est donc evident qu'a partir de Berlin, la force horisontale va en augmentant a mesure qu'on s'approche de l'equateur. Un accroissement semblable auroit toujours lieu, quelle que faut la loi de l'intensite de la force en raison de la distance aux poles; mais on peut concevoir une loi croissante de l'equateur magnetique aux poles, telle qu'il y auroit un point intermediaire ou la force horisontale seroit a son maximum. Il est possible que d'apres la loi du magnetisme terrestre, que nous ne connoissons pas encore, mais que nous savons croissante de l'equateur aux poles, il existe un point semblable dont la position, si elle etoit bien connue, seroit utile dans la determination de cette loi. D'apres nos observations, ce point ne pourroit se trouver qu'au-dessous de la latitude de Naples. Si on reduit les oscillations horisontales a celles qui auroient lieu dans la vraie direction des forces magnetiques, les intensites totales suivent alors une loi differente; elles vont en diminuant avec la latitude. En supposant l'intensite sous l'equateur magnetique egale a 10000, elle est a Berlin 13703, a Paris 13482, a Lyon 13334, a Milan 13364, a Rome 12642, et enfin a Naples 12745. Ainsi la loi decouverte par M. Humboldt, dans son voyage aux tropiques, de l'intensite croissante des forces magnetiques, en allant de l'equateur aux poles, se trouve confirmee en Europe pour la France, l'Italie et l'Allemagne. Si nous considerons les inclinaisons, nous remarquerons qu'elles diminuent avec la latitude d'une maniere assez reguliere. A Berlin, nous avons trouve l'inclinaison de l'aiguille 69° 53'; a Gottingen, 69° 29'; et M. Mayer, 69° 26'; a Paris, 69° 12'; a Lyon, 66° 14'; a Milan, 65° 40'; a Rome, 61° 57', et a Naples, 61° 35'. Les inclinaisons correspondantes donnees par la theorie, d'apres M. Biot, sont toutes beaucoup plus grandes, car les plus petites differences vont a pres de 4°. En supposant la position de l'equateur magnetique rigoureusement determinee, il en resulteroit qu'en Europe il y a une inflexion considerable des paralleles magnetiques vers l'equateur, occasionnee par l'influence de quelque centre particulier. Mais pour tirer aucune conclusion a cet egard, il est prudent d'attendre que des observations exactes et plus nombreuses fournissent des bases solides, sur lesquelles on puisse elever une theorie rigoureuse qui les embrasse toutes. TABLEAU DES OBSERVATIONS. Tome I, page 22. LIEUX DES OBSERVATIONS. LATITUDES mesurees en degres anciens. LONGITUDES mesurees en degres anciens. LATITUDES rapportees a l'equateur magnetique. LONGITUDES orientales comptees du noeud de l'equateur magnetique, dans la mer du sud. TEMS pour 60 oscillations horisontales. FORCES magnetiques comparees a celle qui a lieu sous l'equateur magnetique, supposee egale a 10000. INCLINAISONS observees. INCLINAISONS calculees. DIFFERENCES. HAUTEURS en metres des lieux au-dessus du niveau de la mer. NATURE DU SOL. ° ' " ° ' " ° ' " ° ' " ° ' ° ' ° ' " ° ' " metres. Berlin.................. 52.31.30 11.00.30 60.03.17 143.09.40 316.05 13703 69.53 73.55.54 4.02.54 26 Sables qui couvrent la pierre calcaire. Magdebourg............ .......... .......... .......... .......... 316.05 .......... 69.35 .......... .......... 76 Gres. Gottingen.............. 51.32.05 07.33.00 59.36.15 138.34.40 316.02 13485 69.29 73.39.13 4.10.13 192 Calcaire neuf. Cleves................. .......... .......... .......... .......... .......... .......... 70.08 .......... .......... .......... Heidelberg............. 49.24.30 06.21.23 .......... .......... .......... .......... 68.39 .......... .......... 132 Granite. Heilbronn.............. .......... .......... .......... .......... .......... .......... 68.01 .......... .......... 162 Gres. Paris.................. 48.50.14 .......... 57.57.00 128.22.47 314.00 13482 69.12 72.62 00 3.50.00 40 Gipse; calcaire de nouvelle formation. Tübingen.............. 48.31.04 06.43.15 56.46.36 136.20.20 305.02 13569 68.04 71.52.26 3.48.26 376 Gres. Wellendingen.......... 48.08.49 06.22.15 .......... .......... .......... .......... 67.57 .......... .......... 440? Calcaire du Jura. Villeneuve-sur-Yonne.... .......... .......... .......... .......... 306.04 .......... .......... .......... .......... 95 Lucie-le-bois............ .......... .......... .......... .......... .......... .......... 68.10 .......... .......... .......... Zurich................. 47.22.00 06.12.30 55.43.11 135.18.40 304.01 .......... 67.27 .......... .......... 426 Gres. Lucerne................ .......... .......... .......... .......... 301.04 .......... 67.10 .......... .......... 450 Idem. Altorf.................. .......... .......... .......... .......... 301.05 13228 66.53 .......... .......... 494 Calcaire de transition. Ursern, pente septentrionle. du S.-Gothard........ .......... .......... .......... .......... 302.02 13069 66.42 .......... .......... .......... Schiste micace. Hospice du S.-Gothard... .......... .......... .......... .......... 299.04 13138 66.22 .......... .......... .......... Granite de nouvelle formation. Airolo, pente meridionale du S.-Gothard........ .......... .......... .......... .......... 297.03 13090 65.55 .......... .......... .......... Schiste micace. Como.................. .......... .......... .......... .......... 298.08 13104 66.12 .......... .......... 36 Pierre calcaire de transition. Lyon.................. 45.45.52 02.29.09 54.37.42 130.22.52 296.04 13334 66.14 70.27.26 4.13.26 186 Granite feuillete. Saint-Michel............ 45.23.17 .......... .......... .......... 294.05 13488 66.12 .......... .......... .......... Schiste argileux de transition. Modane................ .......... .......... .......... .......... .......... .......... 66.06 .......... .......... .......... Idem. Lans-le-Bourg, au pied du mont Cenis........... 45.17.40 .......... .......... .......... 297.01 13227 66.09 .......... .......... .......... Hospice du mont Cenis... 45.14.10 .......... .......... .......... 296.00 13441 66.22 .......... .......... 2120 Schiste micace. Turin................. 45.04.14 05.20.00 53.35.00 133.31.09 295.00 13364 66.03 69.45.09 3.42.09 .......... Adosse a des montagnes de serpentine melee de diallage metalloide. Milan................. 45.28.05 06.51.15 53.46.14 134.34.46 295.05 13121 65.40 69.52.49 4.12.49 .......... Sable qui couvre des roches primitives. Pavie.................. 45.10.47 06.49.33 .......... .......... 291.05 .......... 65.26 .......... .......... 86 Idem. Plaisance............... 45.02.44 07.22.17 .......... .......... .......... .......... 65.00 .......... .......... .......... Parme........ ........ 44.48.01 08.00.19 .......... .......... .......... .......... 65.07 .......... .......... .......... Modene................ .......... .......... .......... .......... .......... .......... 64.55 .......... .......... .......... Bologne............... 44.29.36 09.00.15 .......... .......... 290.03 .......... 64.48 .......... .......... 124 Gres nouveau. Genes................. 44.25.00 06.38.00 .......... .......... 295.00 .......... 64.45 .......... .......... 16 Calcaire de transition au sud de la Boguetta. Rimini ................ 44.03.43 10.12.36 .......... .......... .......... .......... 63.48 .......... .......... 6 Faenza................. .......... .......... .......... .......... .......... .......... 63.54 .......... .......... 20 Pezaro................. 43.55.01 10.33.21 .......... .......... .......... .......... 64.18 .......... .......... 10 Florence............... 43.46.30 08.55.00 51.49.28 137.15.45 290.00 12782 63.57 68.42.22 4.45.22 74 Gres, grauwakke. Spoleto................ .......... .......... .......... .......... .......... .......... 62.51 .......... .......... 280 Calcaire du Jura. Nocera................ .......... .......... .......... .......... 285.04 .......... .......... .......... .......... .......... Idem. Rome.................. 41.53.54 10.07.30 49.48.50 138.03.49 281.08 12642 61.57 67.06.16 5.09.16 58 Laves basaltiques, tuf, peperino mele de fermicace. Tivoli................. .......... .......... .......... .......... 281.06 .......... .......... .......... .......... 240 Calcaire du Jura, tuf. Naples ................. 40.50.15 11.56.00 48.30.53 139.47.35 279.00 12745 61.35 66.08.54 4.33.54 16 Tuf. Portici, au pied du Vesuve. .......... .......... .......... .......... 274.02 12883 60.50 .......... .......... 20 Laves. L'hermitage de S.-Salvador, sur le flanc du Vesuve... .......... .......... .......... .......... 279.00 13026 62.15 .......... .......... .......... Idem. Cratere du Vesuve....... .......... .......... .......... .......... 290.03 11933 62.00 .......... .......... 1000 Idem. Tafeln