MÉMOIRE Sur le guano, ou sur l’engrais naturel des îlots de la mer du sud, près des côtes du Pérou, Par MM. Fourcroy et Vauquelin. Lu le 5 frimaire an 13. M. Humboldt nous a donné à son retour une matière singulière qui se trouve en couches pulvérulentes dans des îlots de la mer du sud, près des côtes du Pérou, et dont les habitans de ces côtes se servent pour engraisser leurs terres. Ce célèbre naturaliste avoit pensé, lors de la lecture de notre Mémoire sur la découverte de l’acide urique dans les excrémens des oiseaux, que le guano pourroit être de la même nature, à cause des grandes quantités d’oiseaux qui fréquentent les îlots des côtes du Pérou. «Le guano, dit M. Humboldt, se trouve dans la plus grande abondance dans la mer du sud, aux îles de Chinche, près de Pisco; mais il existe aussi sur les côtes et îlots plus méridionaux, à Ilo, Iza et Arica. Les habitans de Chancay, qui font le commerce du guano, vont et viennent des îles de Chinche en vingt jours. Chaque bateau en charge 1500 à 2000 pieds cubes. Une vanéga vaut à Chancay 14 livres, à Arica 15 livres tournois. »Il forme des couches de 50 à 60 pieds d’épaisseur, que l’on travaille comme les mines de fer ochracé. Ces mêmes îlots sont habités d’une multitude d’oiseaux, sur-tout d’Ardea, de Phœnicopterus, qui y couchent la nuit; mais leurs excrémens n’ont pu former depuis trois siècles que des couches de 4 à 5 lignes d’épaisseur. Le guano seroit-il un produit des bouleversemens du globe, comme les charbons de terre et les bois fossiles? La fertilité des côtes stériles du Pérou est fondée sur le guano, qui est un grand objet de commerce. Une cinquantaine de petits bâtimens qu’on nomme guaneros vont sans cesse chercher cet engrais et le porter sur les côtes. On le sent à un quart de lieue de distance. Les matelots, accoutumés à cette odeur d’ammoniaque, n’en souffrent pas: nous éternuïons sans cesse en nous en approchant. C’est le maïs sur-tout pour lequel le guano est un excellent engrais. Les Indiens ont enseigné cette méthode aux Espagnols. Si l’on jette trop de guano sur le maïs, la racine en est brûlée et détruite. Le guano est trop acidifiable; et voilà un engrais d’hydrure d’azote, quand les autres engrais sont plutôt des hydrures de carbone.»