EXTRAIT du mémoire de MM. Fourcroy et Vauquelin sur le Guano, ou sur l’engrais naturel des îlots de la mer du Sud, près des côtes du Pérou lu à l’Institut le 5 frimaire an 12; Par A. Laugier. Parmi le grand nombre d’objets dignes de l’attention des naturalistes, que le savant Humboldt a observés et recueillis pendant son voyage, le guano n’est pas un de ceux qui offrent le moins d’intérêt. En nous faisant connoître cette matière singulière, l’une des principales ressources de l’agriculture dans les pays qu’il a visités, ce célèbre naturaliste a fourni, aux illustres chimistes auteurs de ce mémoire, l’occasion de confirmer une découverte qu’ils avoient faite à l’époque de son retour. La lecture de leur mémoire sur l’existence de l’acide urique dans les excrémens des oiseaux, lui a fait naître l’idée que le guano trouvé dans les îlots des côtes du Pérou, fréquentés par un grand nombre d’oiseaux, pouvoit bien être de la même nature. Il n’appartenoit qu’à la chimie de décider jusqu’à quel point cette conjecture étoit fondée; messieurs Fourcroy et Vauquelin ont entrepris l’examen de cette matière, et ce sont les résultats de leur travail, inséré parmi les mémoires de l’Institut, que nous nous proposons de faire connoître. Avant de donner le précis des expériences faites sur le guano pour en connoître la nature, il ne sera pas inutile de rapporter ce que M. Humboldt dit lui-même de cette substance, dans une note qu’il a communiquée aux auteurs de ce mémoire: «Le guano, dit M. Humboldt, se trouve très-abondamment dans la mer du Sud, aux îles de Chinche, près de Pisco; mais il existe aussi sur les côtes et îlots plus méridionaux, à Ilo, Iza et Arica. Les habitans de Chancay, qui font le commerce du guano, vont et viennent des îles de Chinche en vingt jours. Chaque bateau en »charge 1,500 à 2,000 pieds cubes. Une vanega vaut à Chancay 14 livres; à Arica, 15 livres tournois. »Il forme des couches de 50 à 60 pieds d’épaisseur, que l’on travaille comme les mines de fer ochracé. Ces mêmes îlots sont habités d’une multitude d’oiseaux, surtout d’ardea, de phénicopterus, qui y couchent la nuit; mais leurs excrémens n’ont pu former, depuis trois siècles, que des couches de 4 à 5 lignes d’épaisseur. Le guano seroit-il un produit des bouleversemens du globe, comme les charbons de terre et les bois fossilles? La fertilité des côtes stériles du Pérou est fondée sur le guano, qui est un grand objet de commerce. Une cinquantaine de petits bâtimens qu’on nomme guaneros, vont sans cesse chercher cet engrais, et le porter sur les côtes; on le sent à un quart de lieue de distance. Les matelots, accoutumés à cette odeur d’ammoniaque, n’en souffrent pas; nous éternuïons sans cesse en nous en approchant. C’est le maïs surtout, pour lequel le guano est un excellent engrais. Les Indiens ont enseigné cette méthode aux Espagnols. Si l’on jette trop de guano sur le maïs, la racine en est brûlée et détruite. Le guano est trop acidifiable; et voilà un engrais d’hydrure d’azote, quand les autres engrais sont plutôt des hydrures de carbone.»