Plantes équinoxiales, recueillies au Mexique, dans l’île de Cuba, dans les provinces de Caracas, de Cumana et de Barcelone, aux Andes de la Nouvelle-Grenade, de Quito et du Pérou, et sur les bords du Rio-Negro, de l’Orénoque, et de la rivière des Amazones par MM. Alex. de Humboldt, et A. Bonpland, rédigées par le dernier. Livraison Ire., avec planches gravées par Sellier. In-folio. An XIII. Pap. gr. Jésus vél., 10 liv., les mêmes sur grand colombier, 16 liv. A Paris, chez Levrault, Schœll et Compagnie, rue de Seine S. G., hôtel de la Rochefoucault. Cette livraison fait le commencement de la série d’ouvrages que MM. de Humboldt et Bonpland publieront, et dont le prospectus vient de paroître. V. Magas. Encycl., année 1805, t. II, p. 219. Nous ne pouvons mieux faire connoître cet important ouvrage qu’en rapportant en entier l’intéressante préface de M. de Humboldt. «Parmi les différens travaux auxquels nous avons cru devoir nous livrer, M. Bonpland et moi, dans le cours de notre voyage à l’équateur, les recherches botaniques ont été du nombre de celles dont nous nous sommes occupés avec le plus d’assiduité. Pénétrés tous deux du même zèle pour l’étude des plantes, animés par l’aspect d’une végétation aussi riche que majestueuse, notre attention a été constamment dirigée vers les progrès de la botanique. Si notre prédilection pour cette science nous a engagés souvent dans les excursions les plus pénibles et les plus dangereuses pour notre santé, c’est elle aussi qui est devenue pour nous une source intarissable de jouissauces et de dédommagemens. Errant dans la solitude des bois, privé des charmes de la vie sociale, le physicien soutiendroit avec peine un isolement aussi parfait; j’ose dire un exil aussi long, si le sol ne lui présentoit à chaque pas le tableau intéressant et varié des formes végétales. »Le voyage au tropique, que nous avons exécuté pendant cinq ans, nous a conduits dans des pays dont une grande partie n’avoit jamais été visitée par d’autres botanistes. L’infortuné Lœfling périt victime de son zèle pour les sciences, n’ayant poussé que jusqu’aux bouches de l’Orénoque; l’illustre Jacquin n’a pu parcourir que les côtes de Venezuela et de Carthagène. Plus favorisés par le destin que ces botanistes célèbres, dont les travaux nous ont servi de modèle, nous avons pénétré dans l’intérieur de l’Amérique méridionale, depuis la côte de Caracas jusqu’aux frontières du Brésil ou du gouvernement du Grand-Para. Nous avons cherché à diriger nos excursions vers les régions qui ont été les moins visitées par les Européens. Quelle moisson de plantes précieuses ne nous ont pas offerte, d’un côté la chaîne calcaire de la Nouvelle-Andalousie, les vallées de Cumanacoa, le Cocollar et les environs du couvent de Caripé, et de l’autre, les plaines immenses qui séparent des terrains cultivés, des côtes les forèts épaisses de la Guiane! Que d’espèces et de genres nouveaux n’avons-nous pas trouvés dans cette navigation pénible exécutée sur l’Orénoque, le Cassiquiaré, le Rio-Negro et les petites rivières de Temi, Tuamini et Atabapo! Dans les plaines de Carichana, dans les environs des cataractes d’Aturès et de Maypuré, sur la pente de la montagne granitique de Duida, située vers les sources de l’Orénoque, dans ces régions arrosées par des pluies continuelles, le sol est couvert d’une multitude de végétaux inconnus; les travaux de plusieurs siècles ne suffiroient pas pour en fixer le nombre et les caractères. M. Mutis a examiné, long-temps avant nous, les forêts de Turbaco, les belles rives de la Madeleine et les environs de Mariquita; mais ce grand botaniste, dont les bontés nous imposent une reconnoissance éternelle, n’a pas pu pénétrer par les Andes de Quindiu dans les provinces de Popayan et de Pasto. C’est dans ces régions, sur les bords du Cauca et sur le haut plateau qui s’étend d’Almaguer jusqu’à la ville d’Ibarra, que nous avons recueilli des végétaux précieux. Une année de séjour dans le royaume de Quito nous a procuré les plantes qui se trouvent sur les cîmes les plus élevées de notre globe. Joseph de Jussieu est le seul voyageur qui ait été avant nous à Loxa; mais la postérité n’a pu jouir que d’une très-petite partie de ses travaux. An Pérou, nous avons examiné de nouveau un grand nombre de végétaux que le public doit aux découvertes de MM. Ruiz et Pavon; mais ces botanistes zélés n’ont pas poussé à l’est de la Cordillière des Andes jusqu’à la province de Jaen de Bracamorros, où, entre le Chinchippé et l’Amazone, la nature a étalé toutes ses richesses végétales. Le royaume du Mexique vient d’être examiné aussi par des savans distingués par leurs connoissances autant que par le zèle avec lequel ils se sont livrés à leurs recherches. MM. Cervantes, Sessé et Mocinò nous feront connoître sous peu la flore de ce pays; mais sur un terrain aussi immense, la nature est pour ainsi dire inépuisable, et nous possédons sans doute plusieurs végétaux mexicains qui ont échappé à la sagacité de ces botanistes. »De grandes difficultés se sont présentées à nous pour le transport de nos collections dans des voyages de terre de plusieurs milliers de lieues: ces difficultés, faciles à vaincre pour des expéditions faites aux frais d’un gouvernement, deviennent presque insurmontables pour des particuliers. Le hasard cependant a si bien secondé nos entreprises, que nous n’avons fait qu’une seule perte bien considérable. Pour que le public pût jouir du fruit de nos travaux, même dans le cas où nous aurions péri dans ces régions incultes, j’avois résolu de partager nos plantes en trois collections, dont nous garderions l’une avec nous, tandis que nous ferions passer les deux autres en Europe par la voie de l’Angleterre et de la France: c’est une de ces dernières que nous avons perdue dans le naufrage que le vaisseau qui les portoit fit sur les còtes d’Afrique. »Le nombre des plantes équinoxiales que nous avons recueillies dans les deux hémisphères monte au-delà de six mille deux cents espèces. Les botanistes célèbres qui ont examiné nos herbiers ont été surpris du grand nombre de genres nouveaux qui s’y trouvent; mais depuis le peu de temps que nous sommes de retour en Europe, nous n’avons pas encore assez consulté les ouvrages de botanique les plus récens, et les grands herbiers, pour oser prononcer nous-mêmes sur le nombre de genres et d’espèces nouvelles que nous avons rapportés. Nos collections en palmiers, en graminées et en cryptogames des tropiques, sont surtout très-considérables. Nous avons cru devoir d’autant plus fixer notre attention sur ces trois familles de plantes, que d’autres botanistes les ont trop négligées. Nous possédons au-delà de cent cinquante espèces de melastomes, quatre-vingtsix espèces du genre mollina, quatre-vingt-huit d’eupatorium, cinquante-deux de calcéolaires, cinquante-huit psychotria, quarante lobélia, quarante de renoncules, et près de quatre cents graminées. Plus le nombre des espèces que nous ont fourni ces régions peu connues est grand, plus nous respecterons la loi que nous nous sommes imposée de ne pas l’augmenter en élévant de simples variétés au rang des espèces. »Pour réunir deúx intérêts opposés, celui de faire bientôt jouir le public du fruit de nos voyages, et celui de ne pas trop hâter l’ensemble de notre travail, nous avons préféré le diviser en deux parties séparées. Nous donnerons dans cet ouvrage les dessins et les descriptions des plantes équinoxiales, sans nous assujétir à un ordre particulier: nous les publierons à mesure que nous croirons les avoir suffisamment comparées aux genres et aux espèces connus; dix plantes, à commencer du deuxième fascicule, fourniront un cahier. L’anatomie des parties essentielles de la fructification sera poussée jusqu’au plus grand détail; nous nous flattons que sous ce rapport surtout le public s’intéressera au travail de MM. Turpin et Poiteau, qui ont embelli notre ouvrage de leurs dessins, comme M. Sellier l’a orné de ses gravures. Nous chercherons à lui donner toute la précision et l’élégance dont il est susceptible, sans cependant prétendre rivaliser avec les chefs-d’œuvres dont MM. Ventenat et Redouté viennent d’enrichir la botanique. Dix cahiers de nos plantes équinoxiales formeront un volume, et nous nous empresserons de les faire suivre aussi promptement que le permettront et la lenteur de la gravure et l’étude des espèces. Nous faisons graver pour les premiers cahiers de ce volume trois nouveaux genres, une passiflore en arbre, des cinchonas et plusieurs espèces de symplocos. »Nous pourrons aussi faire connoître un grand nombre de chênes, en ayant trouvé dans la Cordillière des Andes quarante-trois espèces, dont plusieurs n’ont pas encore été décrites. »Nous tâcherons de rendre notre ouvrage intéressant pour le physicien, par les notes que nous ajouterons sur la hauteur à laquelle croissent les végétaux; objet sur lequel on pourra consulter mon tableau physique de régions équinoxiales. »Nous possédons sans doute beaucoup de plantes qui se trouvent dans les herbiers de nos amis, MM. Mutis, Ruiz, Pavon, Cervantes, Mocinò et Sessé: ayant herborisé dans des pays qui jouissent d’un climat analogue, il est naturel que nous ayons rencontré les mêmes végétaux. Ce sera pour nous un devoir bien doux à remplir que d’indiquer ce que nous devons à ces botanistes célèbres; mais ce ne sera pas notre faute si quelquefois, ignorant leurs travaux, nous donnons de nouveaux noms à des genres auxquels ils peuvent en avoir destiné d’autres long-temps avant nous. Quand notre ouvrage sur les plantes équinoxiales sera assez avancé, et que nous aurons pu examiner plus attentivement le détail de nos herbiers, alors nous publierons en latin, dans un format in-8°. et sans planches, la description abrégée de toutes les espèces que nous avons rapportées: les ouvrages classiques de MM. Smith, Wildenow, Vahl et Swartz, nous serviront de modèles pour ce travail. »Quoique les plantes équinoxiales, comme tous les travaux de mon expédition, portent le nom de M. Bonpland et le mien à la fois, il s’en faut de beaucoup que nous ayons eu une égale part à cet ouvrage. M. Bonpland ne l’a pas seulement rédigé lui seul d’après nos manuscrits, mais c’est à lui aussi qu’est due la plus grande partie de ce travail botanique. Unis par les liens de l’attachement le plus tendre, nous avons partagé toutes les souffrances et les dangers de cette entreprise; nous avons herborisé ensemble pendant plus de six ans. Les plantes ont été recueillies par nous deux; et malgré les travaux astronomiques et les recherches géologiques auxquels je me suis livré, j’en ai dessiné un grand nombre sur les lieux: mais à peine un neuvième a été décrit par moi. C’est M. Bonpland qui, avec le dévouement le plus grand, au milieu des fatigues de ce voyage pénible et souvent aux dépens de son sommeil, a préparé et séché lui seul près de soixante mille échantillons de plantes. La petitesse des canots dans lesquels nous avons été renfermés des mois entiers, le climat brûlant de ces régions, la multitude d’insectes venimeux, l’humidité de l’air, qui est l’effet des pluies continuelles, et le manque de papier que l’on éprouve souvent malgré toutes les précautions, sont des obstacles qui ne peuvent être sentis que par ceux qui se sont trouvés dans des situations semblables. Si mon entreprise est regardée un jour comme intéressante pour les progrès de la botanique, ce succès devra être presque entièrement attribué au zèle actif de M. Bonpland: plus la reconnoissance qu’il m’a inspirée à cet égard est grande, plus je me plais à lui rendre la justice qui lui est due. »Je publie en ce moment mon Essai sur la géographie des plantes équinoxiales. On y trouvera un tableau présentant l’ensemble de tous les phénomènes physiques que produisent l’air et le sol. Plusieurs observations sur la physiologie des plantes et leurs propriétés chymiques se trouveront éparses dans la relation de mon voyage aux tropiques. Si le public daigne recevoir avec indulgence cet ouvrage sur les plantes équinoxiales, nous en publierons d’autres, pour lesquels les matériaux sont déjà très-avancés: la monographie des melastomes, les graminées et la cryptogamie des tropiques, sont des objets qui nous paroissent dignes de l’attention des botanistes.» A la suite de cette préface on trouve la description systématique du céroxylon. Cette description est accompagnée du mémoire qui a été lu à la première classe de l’Institut par M. Bonpland sur ce beau palmier; il se trouve sur la montagne Quindiu, dans les parties les plus élevées des Andes: c’est pourquoi on lui a donné le nom trivial andicola (céroxylon andicola); il ne commence à se montrer qu’à une hauteur de 900 toises, égale à celle du passage du Mont-Cénis: la nature ne paroît lui avoir destiné qu’un espace de 15 à 20 lieues. La hauteur de sa tige surpasse celle de tous les arbres connus; il s’élève de 160 à 180 pieds; les espaces entre les anneaux sont couverts d’un mélange de cire et de résine, ainsi que l’a observé M. Vauquelin, en soumettant ce produit à ses expériences. Son bois dur peut servir à la construction; ses larges feuilles à construire et garnir des chaumières; ses longs filamens à faire des cordages; les Indiens, habitans du pays, le nomment palma de cera, palmier cirier.