Parmi le grand nombre des faits que l’illuſtre M. de Humbold a recueillis dans ſon voyage, en voici un des plus curieux, qu’il vient de communiquer à l’Inſtitut national. Pluſieurs volcans de la Cordillière des Andes, lancent par intervalles des éruptions boueuſes, mêlées de grandes maſſes d’eau donce, & ce qui eſt extrêmement remarquable, d’une multitude infinie de poiſſons. Le volcan d’Imbaburu, entr’autres, en jeta une fois un ſi grand nombre près de la ville d’Ibarra, que leur putréfaction occaſionna des maladies. Ce phénomène, tout étonnant qu’il eſt, n’eſt pas même extraordinaire; il eſt au contraire aſſez fréquent, & l’autorité publique en a conſervé les époques d’une manière authentique, avec celles des tremblemens de terre. Ce qui eſt ſur-tout ſingulier, c’eſt de voir que ces poiſſons ne ſont nullement endommagés, quoique leur corps ſoit extrêmement mou; ils ne paroiſſent pas même avoir été expoſés à une forte chaleur. Les Indiens asſurent qu’ils arrivent quelquefois encore vivans au pied de la montagne. Tantôt ces animaux ſont lancés par les bouches du cratère; tantôt ils ſont vomis par des fentes latérales, mais toujours à 12 ou 1300 toiſes au-deſſus des plaines environnantes. M. de Humbold penſe qu’ils vivent dans des lacs ſitués à cette hauteur dans l’intérieur du cratère; & ce qui confirme cette opinion, c’eſt qu’on trouve la même eſpèce dans les ruiſſeaux qui coulent au pied de ces montagnes. Elle eſt la ſeule qui ſubſiſte à 1400 toiſes de hauteur dans le royaume de Quito.