SUR LES VARIATIONS DU MAGNETISME TERRESTRE A DIFFERENTES LATITUDES Par MM. HUMBOLDT et BIOT. Lu par M. Biot a la classe des Sciences mathematiques et physiques de l'Institut national, le 26 frimaire an 13. La recherche des lois du magnetisme terrestre est, sans doute, une des questions les plus importantes que les physiciens puissent se proposer. Les observations deja faites sur cet objet ont decouvert des phenomenes si curieux que l'on ne peut s'empecher de chercher a resoudre les enigmes qu'ils presentent; mais malgre les efforts tentes jusqu'a ce jour, il faut avouer avec verite que nous ne savons absolument rien sur leurs causes. Il etoit difficile que l'on paut acquerir sur ce point des connoissances bien precises, lorsque la construction des boussoles etoit encore imparfaite, et il s'est ecoule si peu de temps depuis que les decouvertes de M. Coulomb ont appris a les rendre tout-a-fait exactes, qu'il ne faut pas s'etonner si l'on trouve jusqu'a present peu de faits dignes d'une entiere confiance dans les observations des voyageurs. L'expedition que M. Humboldt vient de terminer offre, pour cette partie de la physique, une collection non moins precieuse que celles dont il a enrichi les autres branches des connoissances humaines; muni d'une excellente boussole d'inclinaison construite par Le Noir, sur les principes de Borda, M. Humboldt a fait plus de trois cents observations sur l'inclinaison de l'aimant, et sur l'intensite des forces magnetiques, dans la partie de l'Amerique qu'il a parcourue. En joignant a ces resultats ceux qu'il avoit deja obtenus en Europe avant son depart, on aura, pour la premiere fois, une suite de faits exacts sur la variation des forces magnetiques dans la partie boreale du globe, et dans quelques points de sa partie australe. L'amitie que M. Humboldt m'a temoignee depuis son retour m'ayant mis a portee de lui communiquer quelques experiences de ce genre, que j'ai faites cette annee dans les Alpes, il m'offrit aussitot de les reunir aux siennes dans le Memoire que nous presentons aujourd'hui a la Classe: mais si le sentiment de l'amitie, et le desir de connoeitre des phenomenes nouveaux, m'a fait accepter cette offre de M. Humboldt, la justice me defend d'en profiter a son prejudice, et je dois declarer ici le peu de part que j'ai dans ces observations. Pour mettre de l'ordre dans les faits et dans les consequences que l'on en peut deduire, il est necessaire de considerer l'action du magnetisme terrestre sous divers points de vue, correspondans aux diverses classes de phenomemes qu'elle produit. Si nous la considerons d'abord en general, nous voyons qu'elle agit sur toute la surface du globe terrestre, et qu'elle s'etend au-dehors dans l'espace. Ce dernier fait, qui avoit ete revoque en doute, a ete prouve depuis par un de nous, et sur-tout par notre ami M. Gay Lussac, dans les deux derniers voyages areostatiques; et si ces observations, faites avec tout le soin possible, n'ont point laisse apercevoir de diminution sensible dans l'intensite des forces magnetiques a la plus grande hauteur ou l'homme se soit jamais eleve, on est en droit de conclure que cette force s'etend indefiniment dans l'espace ou elle decroeit, peut-etre, d'une maniere tres-rapide, mais qui nous est jusqu'a present inconnue. Si nous considerons maintenant le magnetisme, a la surface meme de la terre, nous trouvons trois grandes classes de phenomenes qu'il est necessaire d'etudier separement, pour avoir une connoissance complete de sa maniere d'agir. Ces phenomenes sont la declinaison de la boussole, son inclinaison et l'intensite de la force magnetique, considerees soit comparativement dans les differens lieux, soit en elles-memes en ayant egard aux variations qu'elles eprouvent. C'est ainsi qu'apres avoir reconnu l'action de la pesanteur comme une force centrale, on a ensuite constate sa variation a differentes latitudes, resultante de la figure de la terre. La declinaison de la boussole paroeit etre jusqu'a present le phenomene qui a fixe plus particulierement l'attention des physiciens; sans doute a cause des secours que l'on esperoit en tirer pour la mesure des longitudes; mais lorsque l'on sut que la declinaison change dans le meme lieu avec le temps, lorsqu'on eut remarque ses variations diurnes, et ses affollemens irreguliers occasionnes par differens meteores; enfin, la difficulte de l'observer sur mer a 1° pres, on dut abandonner cet espoir, et regarder la cause de ces phenomenes comme beaucoup plus compliquee, et plus profonde qu'on ne l'avoit pense d'abord. Quant a l'intensite des forces magnetiques dans les differentes parties du globe, elle n'avoit pas encore ete mesuree d'une maniere comparative. Les observations de M. Humboldt sur cet objet, decouvrent un phenomene tres-remarquable; c'est la variation de l'intensite a differentes latitudes, et son accroissement en allant de l'equateur aux poles. En effet, la meme boussole qui, lors du depart de M. Humboldt, donnoit a Paris 245 oscillations en 10 minutes de temps, n'en a plus donne au Perou que 211, et elle a constamment varie dans le meme sens, c'est-a-dire, que le nombre des oscillations a toujours diminue en s'approchant de l'equateur, et toujours augmente en s'en eloignant vers le nord. On ne peut pas attribuer ces differences a une diminution de forces dans le magnetisme de la boussole, ni supposer qu'elle se seroit affoiblie par l'effet du temps et de la chaleur. Car apres trois annees de sejour dans les pays les plus chauds de la terre, cette meme boussole a donne de nouveau au Mexique des oscillations aussi rapides qu'a Paris. On ne peut pas non plus revoquer en doute la justesse des observations de M. Humboldt, car il a souvent observe les oscillations dans le plan du meridien magnetique, et ensuite dans le plan vertical perpendiculaire a ce meridien: or en decomposant la force magnetique dans ce dernier plan, et la comparant a son action totale qui s'exerce dans le premier, on peut d'apres ces donnees calculer sa direction, et parconsequent la direction de l'aiguille . Cette inclinaison ainsi calculee se trouve toujours conforme a celle que M. Humboldt a observee directement. Cependant, lorsqu'il a fait ces experiences il ne pouvoit pas prevoir qu'on leur feroit subir cette epreuve, par laquelle M. La Place a imagine de les verifier. Soit HOC (fig. 1), le plan du meridien magnetique qui passe la verticale OC, soit OL la direction de l'aiguille situee dans ce plan, et OH une horisontale. L'angle LOH sera l'inclinaison de l'aiguille, que nous designerons par I. Si l'on nomme F la force magnetique totale qui agit suivant OL, la partie de cette force qui agit suivant OC, sera F sin I: or les forces magnetiques qui determinent les oscillations de l'aiguille dans un plan quelconque, sont entr'elles comme les quarres des nombres d'oscillations faites dans le meme temps. Si donc on designe par M le nombre des oscillations faites en 10' de temps dans le meridien magnetique, et par P le nombre des oscillations aussi faites en 10' dans le plan perpendiculaire, on aura la proportion [Formel] , d'ou l'on tire [Formel] . On peut donc calculer l'inclinaison par cette formule, quand on a les oscillations faites dans les deux plans. On pourrait de meme, en faisant osciller successivement une aiguille dans plusieurs plans verticaux, determiner la direction du meridien magnetique. La justesse de ces observations ne pouvant pas etre contestee, il faut accorder aussi la verite du resultat qu'elles indiquent, et qui est l'accroissement de la force magnetique en allant de l'equateur vers les poles. Pour suivre ces resultats avec plus de facilite, il convient de partir d'un terme fixe, et il paroeit naturel de choisir pour cela les points ou l'inclinaison de l'aiguille aimantee est nulle, parcequ'ils semblent indiquer les lieux ou les actions opposees des deux hemispheres terrestres sont egales entr'elles. La suite de ces points forme sur la surface de la terre une ligne courbe qui differe tres-sensiblement de l'equateur terrestre, dont elle s'ecarte au midi, dans l'Ocean atlantique, et au nord dans la mer du sud. On a nomme cette courbe l'equateur magnetique par analogie avec l'equateur terrestre, quoiqu'on ne sache pas jusqu'a present si elle forme precisement un grand cercle sur le globe. Nous examinerons plus bas cette question; mais pour le moment il nous suffit de dire, qu'au Perou, M. Humboldt a rencontre cet equateur vers 7°,7963 (7°. 1') de latitude australe, ce qui le place, pour cette partie de la terre, a-peu-pres a l'endroit ou Wilke et Lemonnier l'avoient mis. Les lieux situes au nord de ce point peuvent se partager en quatre zones, dont les trois premieres, plus rapprochees de l'equateur, ont environ 4°,5 (4°) de largeur en latitude, tandis que la derniere, plus etendue et plus variable, en a 16° (14°). De sorte que le systeme de ces zones s'etend dans l'Amerique, depuis l'equateur magnetique, jusqu'a 25°,5556 (23°) de latitude boreale, et embrasse en longitude un intervalle d'environ 56° (50°). La premiere zone s'etend depuis 7°,7963 (7°,1') de latitude australe, jusqu'a 3°,22 ( 2°, 54'). Le nombre moyen des oscillations de l'aiguille dans le meridien magnetique en 10' de temps, y est de 211,9; aucune observation n'en presente moins de 211 ni plus de 214: on pourroit, d'apres les observations de M. Humboldt, former une zone semblable du cote austral de l'equateur magnetique, elle donneroit les memes resultats. La deuxieme zone s'etend depuis 2°,4630 (2°,13') de latitude australe, jusqu'a 3°,61 (3°,15') de latitude boreale. Le terme moyen des oscillations y est de 217,9; aucune n'est au-dessous de 214, ni au-dessus de 223. La troisieme zone s'etend depuis 5° (4°,36') a 9°,9259 (8°,56') de latitude boreale. Le terme moyen des oscillations y est de 224; aucune n'est au-dessous de 220, ni au-dessus de 226. Enfin la quatrieme zone, plus large que les deux autres, s'etend depuis 10°,2778 (9°,15'), jusqu'a 25°,7037 (23°,8') de latitude boreale. Son terme moyen est de 237; elle ne presente aucune observation au-dessous de 229, ni au-dessus de 240. On ignore, pour cette partie de la terre, l'intensite des forces magnetiques au-dela de 26° (23°) de latitude boreale, et au contraire, dans notre Europe, ou l'on a des observations faites a de hautes latitudes, on n'en a point aux environs de l'equateur; mais nous ne nous hasarderons point a comparer ces deux classes d'observations qui peuvent appartenir a differens systemes de forces, comme nous le dirons plus bas. Quoi qu'il en soit, le seul rapprochement des resultats recueillis en Amerique par M. Humboldt nous paroeit etablir avec certitude l'accroissement des forces magnetiques de l'equateur aux poles, et sans vouloir les lier de trop pres avec les experiences que l'on a faites en Europe, nous devons cependant remarquer que celles-ci s'accordent egalement avec les precedentes pour indiquer ce phenomene. Si nous avons ainsi partage les observations par zones paralleles a l'equateur, c'est pour mieux faire ressortir la verite du fait qui en resulte, et sur-tout c'est pour en rendre la demonstration independante des petites anomalies qui se melent inevitablement a ces resultats. Quoique ces anomalies soient fort legeres, elles sont cependant assez sensibles et assez frequentes, pour qu'on ne puisse pas les attribuer tout entieres aux erreurs des observations. Il paroeit plus naturel de les attribuer a l'influence des circonstances locales, et aux attractions particulieres exercees par les amas de matieres ferrugineuses, par les chaeines de montagnes ou par les grandes masses des continens. En effet, l'un de nous ayant emporte, cet ete, dans les Alpes, l'aiguille aimantee dont il avoit fait usage dans une des dernieres ascensions aerostatiques, il a trouve que sa tendance a revenir au meridien magnetique etoit constamment plus forte dans ces montagnes qu'elle ne l'etoit a Paris avant son depart, et qu'elle ne s'est trouvee depuis son retour. Cette aiguille qui faisoit d'abord a Paris 83°,9 en 10 minutes de temps, a varie ainsi qu'il suit dans les differens lieux ou on l'a transportee. LIEUX des observations. Nombre des oscillations en 10' de temps Paris avant le depart...... 83,9 Turin............. 87,2 Sur le mont Genevre...... 88,2 Grenoble........... 87,4 Lyon............. 87,3 Geneve............ 86,5 Dijon............. 84,5 Paris, au retour........ 83,9 Ces experiences ont ete faites avec le plus grand soin, conjointement avec d'excellens observateurs, en employant toujours la meme montre verifiee par de petits pendules, et en prenant des termes moyens entre plusieurs suites d'observations qui differoient toujours extremement peu les unes des autres. Il paroeit en resulter que l'action des Alpes influe sensiblement sur l'intensite des forces magnetiques. M. Humboldt a observe des effets analogues au pied des Pyrenees, par exemple, a Perpignan. Peut-etre sont-ils dus a la masse meme de ces montagnes, ou a la grande quantite de matieres ferrugineuses qui y sont renfermees; mais quoi qu'il en soit, on voit par ces exemples que l'action generale du magnetisme terrestre est sensiblement modifiee par les circonstances locales dont les differences peuvent se faire appercevoir dans des lieux tres-peu eloignes les uns des autres. La suite de ce Memoire confirmera de plus en plus cette verite. C'est sans doute a des causes de ce genre qu'il faut attribuer la diminution des forces magnetiques observee sur quelques montagnes, diminution qui paroeitroit au premier coup-d'oeil contraire aux resultats obtenus dans les derniers voyages aeriens. Plusieurs observations de M. Humboldt viennent a l'appui de cette conjecture: en faisant osciller son aiguille sur la montagne de la Guadeloupe, elevee de 676 metres (338 toises) au-dessus de Santa-Fe, il a trouve en 10' de tems deux oscillations de moins que dans la plaine. A La Silla, pres de Caracas, a 2632m. (1316t.) au-dessus de la cote, la diminution alla jusqu'a cinq oscillations, et au contraire, sur le volcan d'Antisana, a 4934m. (2467t.) de hauteur, le nombre des oscillations en 10' de temps fut de 230, quoiqu'il ne faut a Quito que de 218, ce qui indique un accroissement d'intensite. J'ai observe un effet semblable sur le sommet du mont Genevre, a 1600 ou 1800m. (8 a 900t.) de hauteur, comme on peut le voir par les nombres que j'ai rapportes precedemment, et c'est meme sur cette montagne que j'ai trouve la plus grande intensite des forces magnetiques. J'ai vu sur la colline de la Superga, pres de Turin, un exemple egalement frappant de ces varietes. En observant avec Vassali sur cette colline qui a environ 600m. (300t.) d'elevation, nous avons trouve 87osc, en 10' de temps. Sur le flanc de la colline nous avons eu 88osc, 8, et au pied, sur la rive du Po, nous avons obtenu 87osc, 3. Quoique ces resultats se rapprochent beaucoup les uns des autres, leur difference est cependant sensible, et montre bien qu'il faut regarder leurs petites varietes comme de legeres anomalies produites par les circonstances locales. Cet examen nous conduit a considerer l'intensite du magnetisme sur les divers points de la surface du globe, comme sujette a deux sortes de differences: les unes sont generales; elles ne dependent que de la situation des lieux relativement a l'equateur magnetique, et elles tiennent a un phenomene general, qui est l'accroissement d'intensite des forces magnetiques a mesure que l'on s'eloigne de cet equateur; les autres variations, beaucoup plus petites et tout-a-fait irregulieres, paroissent dependre entierement des circonstances locales, et modifient soit en plus, soit en moins, les resultats generaux. Si l'on veut regarder le magnetisme terrestre comme l'effet d'une force attractive inherente a toutes les particules materielles du globe, ou seulement a quelques-unes de ces particules, ce que nous sommes loin de decider; la loi generale sera le resultat total du systeme d'attraction de toutes les particules, et les petites anomalies seront produites par les attractions particulieres des systemes partiels de molecules magnetiques repandues irregulierement autour de chaque point; attractions rendues plus sensibles par la diminution de la distance. Il nous reste a considerer l'inclinaison de l'aiguille aimantee par rapport au plan horizontal. On sait depuis long-temps que cette inclinaison n'est pas par-tout la meme: dans l'hemisphere boreal l'aiguille se penche vers le nord; dans l'hemisphere austral elle se penche vers le sud; les lieux ou elle devient horizontale forment l'equateur magnetique; et ceux ou l'inclinaison est egale, mais non pas nulle, forment de part et d'autre de cet equateur des lignes courbes, auxquelles on a donne le nom de paralleles magnetiques, par analogie avec les paralleles terrestres. On peut voir dans plusieurs ouvrages, et en particulier dans celui de Lemonnier, intitule, Lois du Magnetisme, la figure de ces paralleles, et leur disposition sur la surface du globe. Il resulte evidemment de cette disposition que l'inclinaison augmente a mesure que l'on s'eloigne de l'equateur magnetique; mais on n'a pas encore, du moins a ce qu'il nous semble, donne la loi qu'elle suit dans son accroissement. Cette loi seroit cependant fort utile a connoeitre; car l'inclinaison paroeit etre le plus constant des phenomenes magnetiques, et elle offre beaucoup moins d'anomalies que l'intensite. D'ailleurs si l'on trouvoit a cet egard quelque regle bien constatee, on pourroit s'en servir utilement a la mer pour connoeitre la latitude quand le temps ne permet pas d'observer le ciel, ce qui arrive dans certains parages pendant une grande partie de l'annee. On n'est pas eloigne d'en attendre cette application, quand on voit la delicatesse de cet indice dans les observations de M. Humboldt, ou l'on trouve jusqu'a 0°,65 (35',6") de difference entre deux villes aussi rapprochees l'une de l'autre, que le sont Neimes et Montpellier. Ces motifs nous ont portes a etudier avec un grand interet la serie des observations de M. Humboldt sur l'inclinaison, et il nous a paru qu'on peut les representer tres-exactement par une hypothese mathematique, a laquelle nous sommes loin d'attacher pour ellememe aucune realite, mais que nous offrons seulement comme un moyen commode et saur pour enchaeiner les resultats. Pour decouvrir cette loi, il faut premierement determiner avec exactitude la position de l'equateur magnetique, qui est comme un intermediaire entre les inclinaisons boreales et australes. A cet effet nous avons l'avantage de pouvoir comparer deux observations directes, l'une de Lapeyrouse, l'autre de M. Humboldt. Le premier a rencontre l'equateur magnetique sur les cotes du Bresil, a 12°,1666 (10°,57') de latitude australe, et 28,2407 (25°,25') de longitude occidentale, comptee du meridien de Paris. Le second a trouve ce meme equateur au Perou, a 7°,7963 (7°,1') de latitude australe, et 89°,6481 (80°,41') de longitude aussi occidentale, comptee du meme meridien. Ces donnees suffisent pour calculer la position de l'equateur magnetique, en supposant qu'il soit un grand cercle de la sphere terrestre, hypothese qui paroeit assez conforme aux observations. On trouve ainsi l'inclinaison de ce plan sur l'equateur terrestre egale a 11°,0247 (10°,58',56"), et son noeud occidental sur cet equateur a 133,3719 (120°,2',5"), a l'occident de Paris, ce qui le place un peu au-dela du continent de l'Amerique pres des eiles Gallipagos, dans la mer du sud; l'autre noeud est a 66°,6281 (59°,57',55"), a l'orient de Paris, ce qui le place dans la mer des Indes . Pour calculer cette position, soit NEE' l'equateur terrestre (fig. 2), NHL l'equateur magnetique suppose aussi un grand cercle, et HL les deux points de cet equateur que MM. Humbold et Lapeyrouse ont observes. On connaeit les latitudes HE, LE' et l'arc EE' qui est la difference des longitudes de ces deux points. Parconsequent si l'on suppose HE = b, LE' = b', EE' = v, EN = x et l'angle ENH = y, on aura deux triangles spheriques NEH, NE'L qui donneront les deux equations [Formel] [Formel] , d'ou l'on tire [Formel] , et en developpant [Formel] prenons un angle auxiliaire ph tel que l'on ait [Formel] , et il viendra [Formel] . Avec ces deux equations on calculera x, et l'on trouvera ensuite y, par une quelconque des deux premiers. Nous ne donnons pas cette determination comme rigoureusement exacte; on pourroit sans doute y faire quelques corrections si l'on avoit un plus grand nombre d'observations egalement precises; mais nous croyons cependant que ces corrections seroient fort petites, et l'on verra plus bas qu'independamment de la confiance que meritent les deux observations dont nous avons fait usage, nous avons encore d'autres raisons de penser ainsi . Depuis la lecture de ce Memoire, nous avons recueilli de nouveaux renseignemens qui confirment ces premiers resultats. Lapeyrouse, apres avoir double le cap Horn, a rencontre une seconde fois l'equateur magnetique, par 18' de latitude nord, et 119° 7' de longitude, a l'occident de Paris. Il etoit donc alors fort pres du noeud de l'equateur magnetique, tel que nous venons de le deduire d'observations. Ce fait etablit positivement deux consequences importantes: c'est d'abord que les determinations precedentes n'exigent que de fort petites corrections; et en second lieu, que l'equateur magnetique est reellement un grand cercle du globe terrestre, sinon exactement, du moins a fort peu pres. (Note des Auteurs du Memoire.) Il est tres-remarquable que cette determination de l'equateur magnetique s'accorde presque parfaitement avec celle qui a ete donnee depuis long-temps par Wilke et Lemonnier. Ce dernier sur-tout qui, faute d'observations directes, avoit discute un grand nombre d'observations correspondantes, indique l'equateur magnetique au Perou, vers 7° [Formel] de latitude australe, et M. Humboldt l'a trouve dans le meme lieu a 7°,7963 (7°,1'); de plus la carte de Lemonnier, ainsi que celle de Wilke, indiquent pour l'inclinaison de l'equateur magnetique 12°,22 (environ 11°), et ils placent le noeud vers 155°,56' (140) de longitude occidentale, comptee du meridien de Paris. Seroit-ce donc par hasard que ces elemens trouves depuis plus de 40 ans s'accordent si bien avec les notres fondes sur des observations recentes, ou seroit-ce que l'inclinaison de l'equateur magnetique sur l'equateur terrestre n'eprouve que de tres-petites variations, tandis que tous les autres symptomes du magnetisme terrestre changent si rapidement. On ne seroit pas eloigne d'admettre cette derniere opinion, si l'on considere que l'inclinaison de la boussole n'a pas change a Paris de 3° depuis au moins 60 ans qu'on l'observe, et qu'a Londres, suivant les observations de Graham, elle n'a pas change en 200 de 2°, tandis que la declinaison a varie de plus de 20° dans le meme intervalle, et a passe de l'est a l'ouest: mais d'un autre cote l'observation de l'inclinaison est si difficile a faire avec exactitude, et il y a si peu de temps qu'on sait la mesurer avec precision, qu'il est peut-etre plus sage de s'abstenir de toute opinion prematuree sur des phenomenes dont la cause nous est totalement inconnue. Pour employer les autres observations de M. Humboldt sur l'inclinaison, j'ai d'abord reduit les latitudes et les longitudes terrestres en latitudes et en longitudes rapportees a l'equateur magnetique, ces dernieres etant comptees depuis le noeud de cet equateur dans la mer du sud. J'ai pu voir d'abord par ces calculs que la position de ce plan, determinee par nos recherches precedentes, etoit assez exacte: car des lieux tels que Santa-Fe et Javita, ou M. Humboldt avoit observe des inclinaisons a tres-peu pres egales, se sont trouves a fort peu pres sur le meme parallele magnetique, quoique distans l'un de l'autre de plus de 6°,6666 (6°) en longitude . Ceci confirme encore ce que nous avons dit plus haut, que l'equateur magnetique est sensiblement un grand cercle de la terre. (Note des Auteurs du Memoire.) Ces reductions faites, j'ai cherche a representer la serie des inclinaisons observees, et pour laisser au hasard aussi peu qu'il etoit possible, j'ai essaye d'abord une hypothese mathematique assez conforme aux idee que l'on s'est faites jusqu'a present sur le magnetisme terrestre. J'ai suppose sur l'axe de l'equateur magnetique et a egale distance du centre de la terre, deux centres de forces attractives, l'un austral, et l'autre boreal, de maniere a representer les deux poles magnetiques opposes du globe terrestre. J'ai ensuite calcule l'effet qui devoit resulter de l'action de ces centres sur un point quelconque de la surface de la terre, en faisant varier leur force attractive reciproquement au quarre de la distance, et j'ai ainsi obtenu la direction de la resultante de leurs forces, direction qui devoit etre aussi celle de l'aiguille aimantee a cette latitude. Voici le detail de ce calcul: Je suppose que le point B (fig. 3) soit le pole magnetique boreal de la terre, et que le point A soit le pole magnetique austral. Je suppose qu'il y ait au point M, a la surface de la terre, une molecule de fluide austral qui soit attiree par B et repoussee par A, en raison inverse du quarre de la distance, et je demande quelle sera la direction de la resultante des deux forces dont cette molecule est animee. Il est evident que cette direction sera aussi celle que prendroit au point M une aiguille de boussole suspendue librement; car a cause de la petitesse de l'aiguille, par comparaison avec le rayon de la terre, les lignes menees de ses points a un meme centre B ou A, peuvent etre censees paralleles, sur-tout si les points A et B sont pres du centre de la terre, ce qui est le cas de la nature comme on va le voir. Je supposerai d'abord que la terre a une figure spherique et que les deux poles A et B sont egaux en force. J'examinerai ensuite jusqu'a quel point cette derniere supposition s'accorde avec les resultats observes, soient donc AM = D', BM = D, CP = x, PM = y, l'angle MCP = u, CA = CB = a, et je ferai a = Kr, r etant le rayon de la terre, et K une constante indeterminee. Soient de plus X, Y, les forces qui sollicitent M parallelement aux axes des co-ordonnees, et b l'angle que la direction de la resultante fait avec l'axe ABC. On aura d'abord ces equations, ou F est la force magnetique a une distance egale a l'unite. [Formel] ; [Formel] [Formel] ; [Formel] , ou en mettant pour les cosinus leurs valeurs: [Formel] [Formel] et comme on a [Formel] , on aura aussi [Formel] ou, en mettant pour x, y et a leurs valeurs r cos. u; r sin. u; Kr; [Formel] ; [Formel] ; [Formel] ; ce qui donne enfin le systeme des deux equations [Formel] [Formel] . Ces equations determinent la direction de l'aiguille aimantee relativement a chaque point M, dont on connoeit la distance a l'equateur magnetique; mais on voit que cette direction depend de la quantite K, qui represente la distance des centres magnetiques au centre de la terre, cette distance etant exprimee en parties du rayon terrestre. Il faut donc avant tout determiner cette quantite d'apres les observations. Pour le faire d'une maniere approchee, et prendre ainsi une premiere idee de la valeur de K, j'ai choisi une observation faite par M. Humboldt a Carichana, par 7°,2978 (6°,34',5") de latitude boreale comptee de l'equateur terrestre, et 78°,1111 (70°,18') de longitude occidentale comptee du meridien de Paris, ce qui donne 16°,526 (14°,52',25") de latitude relativement a l'equateur magnetique, et 53°,7390 (48°,21',53") de longitude orientale a partir du noeud de cet equateur avec l'equateur de la terre. L'inclinaison de l'aiguille aimantee a ete observee dans ce lieu par M. Humboldt, dans le mois de messidor de l'an 8, et il l'a trouvee egale a 33°,78 (division centig.) . La comparaison de ce resultat avec les autres observations de M. Humboldt, fait voir qu'on peut en effet le regarder comme convenant a cette latitude. Toutes les mesures d'inclinaison que je rapporterai dans ce Memoire seront exprimees, comme celles de M. Humboldt, en parties decimales du quart de cercle. Pour en faire usage j'ai donne successivement a K diverses valeurs dans la formule; j'ai calcule les inclinaisons qui en resultoient a cette latitude, et en comparant ces resultats avec celui que M. Humboldt avoit reellement observe, la marche des erreurs m'a conduit naturellement vers la supposition la plus convenable. Voici le tableau de ces essais. Valeurs de K. Inclinaisons de l'aiguille. Erreurs. K = 1 7°,73 26°,04 K = 0,6 18°,80 14°,97 K = 0,5 22°,04 11°,73 K = 0,2 29°,38 4°,39 K = 0,1 30°,64 3°,13 K = 0,01 31°,04 2°,73 K = 0,001 31°,07 2°,7 La premiere valeur de K placeroit les centres des forces magnetiques a la surface meme de la terre, et aux poles de l'equateur magnetique; on voit que cette supposition ne sauroit etre admise, parcequ'elle donneroit un accroissement d'inclinaison beaucoup moins rapide que celui qui est indique par les observations. Il en est de meme des resultats suivans qui placent les centres d'action sur le rayon terrestre, a diverses distances du centre de la terre; mais on voit aussi en general qu'ils approchent de plus en plus de la verite, a mesure que cette distance devient moindre, ce qui indique evidemment que les deux centres d'action des forces magnetiques sont situes tres-pres du centre de la terre. Toutes les autres observations de M. Humboldt conduiroient de meme a cette consequence. La supposition la plus convenable seroit donc de faire K nul, ou si petit qu'il deveint inutile d'y avoir egard; ce qui revient a regarder les deux centres d'action comme places pour ainsi dire dans une meme molecule. En effet, le resultat obtenu de cette maniere est le plus exact de tous: il est egal a 31°,0843; cette valeur est encore un peu moindre que celle que M. Humboldt a observee, et la difference est egale a 2°,69; mais il faut considerer aussi que la formule d'ou nous tirons ces valeurs, suppose la position de l'equateur magnetique parfaitement determinee: or elle pourroit ne pas l'etre avec la derniere exactitude, d'apres les deux seules observations de Lapeyrouse et de M. Humboldt dont nous avons fait usage. C'est donc en etudiant la marche de la formule, en la comparant aux observations que nous pourrons apprecier sa justesse; apres quoi nous pourrons songer a remedier aux petites erreurs qu'elle peut encore entraeiner. Pour parvenir au resultat que je viens d'indiquer, et qui est comme la limite de tous ceux que l'on peut obtenir en donnant a K diverses valeurs, il faut remarquer que la quantite [Formel] ou [Formel] devient [Formel] quand K est nul; mais en lui appliquant les methodes connues, on trouvera que sa valeur dans cette supposition est reellement determinee et egale a [Formel] . En la substituant dans la formule, il vient [Formel] equation qui peut etre mise sous la forme [Formel] . Elle donnera facilement la valeur de b, et quand cette valeur sera connue, on aura l'inclinaison I par la formule [Formel] , qui servira dans toute l'etendue des deux hemispheres. D'apres la marche que je viens de tracer, on voit que la formule precedente n'est pas simplement une construction empyrique des observations, elle en est au contraire tout-afait independante, et elle suppose seulement l'inclinaison de l'aiguille aimantee produite par l'action d'un aimant infiniment petit, place au centre de la surface terrestre: or en calculant d'apres cette formule les inclinaisons pour differentes latitudes, j'ai trouve precisement les memes nombres que M. Humboldt a observes soit en Europe, soit en Amerique, et ce ne sont pas seulement ses observations qui se trouvent representees de cette maniere; mais celles qui ont ete faites en Russie et a Kola, en Laponie, lors du dernier passage de Venus, sont aussi comprises dans la meme loi. C'est ce que prouve le tableau joint a ce Memoire, ou j'ai calcule les observations de Mallet et de Pictet, avec une partie de celles de M. Humboldt que j'ai prises au hasard, mais cependant de maniere a embrasser toutes les autres dans leurs intervalles. On voit que les resultats de la formule s'ecartent tres-peu des observations; mais ces differences peuvent etre rendues encore plus petites. En effet, en examinant la marche des erreurs, on voit que les nombres donnes par le calcul, sont un peu trop foibles en Amerique pour les petites latitudes, et un peu trop forts dans les latitudes elevees, ce qui indique que l'on pourra tout accorder par quelques legeres modifications, soit en changeant tant soit peu le noeud et l'inclinaison de l'equateur magnetique, que deux observations ne peuvent pas determiner avec la derniere exactitude; soit en deplacant un peu notre petit aimant, en laissant toujours son centre dans le plan de l'equateur magnetique, et le placant de maniere qu'il soit un peu plus pres de l'Amerique que de l'Europe. Ce sont les observations memes, quand nous en aurons un plus grand nombre, qui devront nous guider dans ces petites corrections. Au reste il ne faut pas s'attendre a representer rigoureusement par une loi mathematique toutes les inclinaisons observees; car le phenomene de l'inclinaison, quoique plus regulier que les autres effets magnetiques, n'est pas exempt de quelques anomalies; c'est ce que l'on peut aisement voir en construisant la courbe donnee par les observations memes. Ainsi, par exemple, l'inclinaison observee a Popayan est de 0°,10 plus forte qu'a St-Carlos Del Rio Negro, quoique la latitude magnetique de ce second lieu soit de 0°,6852 (3°,7') plus considerable. Il en est de meme des observations faites a Javita et a Santa-Fe. D'autres anomalies se decelent par la marche comparee des observations et de la formule: c'est ce qui arrive pour Carichana, St-Thomas de la Guyane, et Carthagene des Indes; l'accroissement de l'inclinaison du premier au second de ces points n'est nullement en harmonie avec l'accroissement du second au troisieme, et si l'on compare entre elles les intensites observees dans ces differens endroits, les anomalies qu'elles presentent, annoncent en quelque sorte celles que l'inclinaison doit y eprouver. La cause de ces anomalies devient evidente d'apres ce que nous avons remarque plus haut; elles sont uniquement l'effet des circonstances locales, et sont dues a de petits systemes d'attraction qui modifient les phenomenes generaux. Cela doit etre sur-tout sensible pour la partie de l'Amerique que M. Humboldt a parcourue, et qui est traversee dans toute sa longueur par la grande chaeine de la Cordiliere des Andes. C'est aussi dans ces lieux qu'existent les differences les plus considerables. Popayan, par exemple, est situe pres des volcans de Sotara et de Pourace; il est adosse a des montagnes basaltiques chargees de fer magnetique. Pres de Sulumito, a l'est de Popayan, ces colonnes basaltiques ont des poles tresmarques; de meme le Mexique est situe a 1160t de hauteur sur le dos de le grande cordiliere de Lenschtitlan: le terrein y est couvert de basaltes et d'amigdaloides poreuses, qui sont presque toutes chargees de fer magnetique. Toutes ces causes ne doivent-elles pas influer sensiblement sur l'inclinaison de l'aiguille aimantee, et la disposition differente des masses ferrugineuses, ou leur changement d'etat par suite des actions de la nature, ne doivent-elles pas y produire aussi des variations. M. Humboldt a fait sur ce point une observation decisive: le tremblement de terre du 4 novembre 1799, a change a Camana l'inclinaison de l'aiguille; elle etoit le 1er novembre de 43°,65; le 7 elle n'etoit plus qu'a 42°,75, et 10 mois apres elle revint a 42°,85, mais elle ne regagna plus son ancienne valeur: l'intensite des forces magnetiques n'avoit pas change par l'effet de ce tremblement. Il est donc prouve par ces diverses observations, que les circonstances locales peuvent avoir sur l'inclinaison une influence sensible, et cette influence se fait remarquer dans les contrees que M. Humboldt a parcourues . Nous pouvons observer que les anomalies sont sur-tout sensibles dans les eiles. (Note des Auteurs du Memoire.) Ainsi il paroeit que l'hypothese mathematique dont nous avons fait usage, exprime reellement la loi de la nature, du moins au nord de l'equateur magnetique; car quoique les premiers resultats observes du cote du sud paroissent s'y plier encore, l'incertitude ou nous sommes relativement a la vraie cause de ces phenomenes, doit arreter nos conjectures, et nous empecher d'etendre trop loin les consequences des lois que nous observons . Depuis la lecture de ce Memoire nous pouvons avancer quelque chose de plus positif. Les observations faites au cap de Bonne-Esperance, au cap Horn et a la Nouvelle-Hollande par divers navigateurs, sont tres-exactement representees par notre formule, et il s'ensuit qu'elle s'etend aussi a l'hemisphere austral. Nous esperons avoir bientot des renseignemens nombreux et tres-exacts sur l'inclinaison de l'aiguille dans cette partie de la terre. Mais nous avons cru devoir joindre des a present a notre tableau les resultats qui s'y rapportent et que nous avons pu nous procurer. Nous y avons insere de plus deux observations de l'intensite, faites avec beaucoup de soin par M. Rossel, dans l'expedition d'Entrecasteaux: observations tres-importantes, parcequ'elles prouvent que la force du magnetisme terrestre augmente aussi dans l'hemisphere austral a mesure que l'on s'eloigne de l'equateur. (Note des Auteurs du Memoire.) D'apres les resultats precedens on peut calculer les points ou l'axe de l'equateur magnetique perce la surface terrestre; car leurs latitudes sont egales au complement de l'obliquite de cet equateur, et leur meridien est a 100° de longitude de ses noeuds. On trouve ainsi le pole magnetique boreal a 97°,7975 (79°,1',4") de latitude boreale, et a 33°,3719 (30°,2',5") de longitude a l'occident de Paris, ce qui le place au nord de l'Amerique. L'autre pole magnetique, symetrique, au precedent, est situe a la meme latitude australe, et a 66°,6281 (149°,67',55") de longitude a l'orient de Paris, ce qui le place dans les glaces eternelles; indications tout-a-fait analogues a celles de Wilke et de Lemonnier. Si l'on pouvoit arriver jusqu'a ces poles, on y verroit la boussole verticale; mais si l'on peut accorder quelque confiance a la loi que nous venons de decouvrir, ce seroit la l'unique difference qu'on y appercevroit relativement a l'inclinaison, et l'on seroit encore aussi eloigne que dans notre Europe des veritables centres qui la produisent. Ce resultat paroeitroit de nature a diminuer l'interet que l'on pourroit avoir a visiter ces affreuses regions, si l'on n'avoit pas aussi l'espoir d'y decouvrir de nouveaux phenomenes relativement a l'intensite des forces magnetiques, et a l'influence des meteores. Ces consequences ne sont pas tout-a-fait d'accord avec l'opinion recue assez generalement, et qui attribue l'augmentation des effets magnetiques vers le nord, a la grande quantite de mines de fer repandues dans ces regions; mais il nous semble que cette opinion n'est pas conforme a la verite. La cordiliere des Andes contient une enorme quantite de fer magnetique; le fer natif de Chaco, cette masse problematique analogue a celle de Pallas, et celles de Xacateras, dans le Mexique, se trouvent sous les tropiques memes . On peut maintenant ajouter aux considerations precedentes, ce fait decisif, que l'intensite augmente aussi lorsqu'on approche du pole austral. (Note des Auteurs du Memoire.) En voyant les inclinaisons de la boussole si exactement representees dans notre hypothese, nous avons cherche si elle pourroit s'appliquer aussi aux intensites observees par M. Humboldt; mais nous avons vu qu'elle n'y satisfait pas. Elle donne bien, a la verite, un accroissement de forces magnetiques de l'equateur au pole; mais cet accroissement d'abord trop lent, est ensuite beaucoup trop rapide: je n'ai pas encore pu essayer si le petit deplacement de l'aimant terrestre contribuera a les mieux representer, ou il faut remarquer que la serie des intensites est extremement bisarre, et renferme une infinite d'anomalies, ensorte qu'il se pourroit que les circonstances locales eussent, sur ce phenomene, une influence beaucoup plus sensible que sur l'inclinaison. En resumant les resultats que nous avons exposes dans ce Memoire, on voit que nous avons d'abord determine la position de l'equateur magnetique par des observations directes, ce qui n'avoit pas encore ete fait. Nous avons ensuite prouve que la force magnetique augmente en allant de cet equateur vers les poles; enfin nous avons donne une hypothese mathematique qui, reduite en formule, satisfait a toutes les inclinaisons observees jusqu'a present. En supposant que nous ayons fait a cette formule les petites corrections dont elle est susceptible, son utilite devient evidente, soit pour faire connoeitre par la suite des temps les variations qui peuvent survenir dans l'action du magnetisme terrestre, soit pour reconnoeitre, ou meme prevoir la valeur de l'inclinaison, ce qui est d'une tres-grande importance dans un grand nombre de cas. Par exemple, pres de l'equateur magnetique, l'augmentation ou la diminution de l'inclinaison indiquera a un batiment qui fait son cours, s'il a gagne ou perdu en latitude par les courans. Cette connoissance de la latitude est quelquefois tout aussi importante que celle de la longitude. Sur les cotes du Perou, par exemple, les courans portent depuis Chiloe, avec une telle force au nord et au nord-est, que l'on va de Lima a Guaya-Quil en trois ou quatre jours, et qu'il faut deux, trois et quelquefois cinq mois pour en revenir. Il est parconsequent de la plus grande importance pour les batimens qui viennent du Chili, longer la cote du Perou, de connoeitre leur latitude. S'ils depassent le port auquel ils sont destines, ils ont a remonter au sud, et chaque jour de marche exige souvent un mois de retour. Malheureusement les brumes qui regnent pendant quatre ou cinq mois sur les cotes du Perou, empechent de distinguer la configuration de la cote: on ne voit que la cime des Andes et celle des pics qui s'elevent au-dessus de cette couche de vapeurs, mais dont la figure est trop uniforme pour que le pilote puisse s'y reconnoeitre. Il reste souvent 12 et 15 jours sans voir le soleil ou les astres, et pendant cet intervalle il se met a l'ancre, craignant de depasser le port: mais si l'on suppose que l'on connoisse l'inclinaison de l'aiguille aimantee dans les ports qui sont au nord de Lima, par exemple a Chancay, Huaura et Santa, la boussole d'inclinaison indiquera si l'on est, par rapport a Lima, au sud ou au nord. Elle apprendra meme a-peu-pres vis-a-vis quel point de la cote on se trouve, et cette indication comporte meme une plus grande exactitude que l'on n'auroit ose l'esperer, parceque, dans ces parages, l'inclinaison varie avec une rapidite extraordinaire. M. Humboldt, a qui ces remarques appartiennent, a observe dans ces parages les valeurs suivantes: Lieux. Latitudes australes. Inclinaisons. Huancey. 10° 4' 6°,80 Huaura. 11° 3' 9°,00 Chancay. 11° 33' 10°,35 Ces observations prouvent que l'erreur de 3 ou 4 degres sur l'inclinaison dans ces parages, ne produiroit encore qu'un degre d'erreur en latitude, et avec la tranquillite de l'Ocean pacifique on observe tres-aisement l'inclinaison a un degre pres. On peut voir dans les Voyages maritimes de frequens exemples de ces resultats. De meme si l'on connoissoit exactement l'inclinaison a la bouche du Rio de la Plata, elle seroit tres-utile aux navigateurs qui, lorsque soufflent les Pamperos, restent quinze ou dix-huit jours sans voir les astres, et courent des bordees de peur de perdre le parallele de cette bouche. Enfin l'inclinaison peut aussi indiquer la longitude dans ces parages; c'est un moyen qui peut servir quand tous les autres manquent. Un batiment qui y fait son cours dans la direction d'un parallele, ne sauroit trouver sa longitude soit par un chronometre, soit par la declinaison de Halley, sans voir un astre pour prendre un angle horaire, ou l'azimuth magnetique; la boussole d'inclinaison jette alors du jour sur la longitude au milieu des brumes les plus epaisses. Nous indiquons ce moyen comme un de ceux qui n'ont qu'une application locale, mais dont on s'est tres-peu occupe jusqu'a ce jour. Des navigateurs habiles pourront etendre et rectifier ces idees. En general, si l'on pouvoit compter sur l'inclinaison de la boussole, et sur la loi que nous avons essaye d'etablir, il suffiroit d'observer cette inclinaison et la latitude terrestre pour connoeitre aussi la longitude; mais nous n'avons pas encore examine quelle est l'etendue des erreurs dont cette methode est susceptible, et parconsequent nous nous bornons a l'indiquer. Le phenomene de l'inclinaison a, dans les observations maritimes, un avantage particulier et bien remarquable; c'est de n'etre pas sujet aux grandes variations progressives qui affectent la declinaison. Sans rappeler ce que nous avons deja dit plus haut sur la constance presumee de ce phenomene, on peut remarquer que notre formule meme en offre une nouvelle preuve, pour qu'elle comprenne dans une meme loi les observations faites il y a 36 ans en Laponie, celles que Lacaille a rapportees en 1751 du cap de Bonne-Esperance, et celles que M. Humboldt vient de faire en Amerique. Au reste, lorsque nous avons essaye de representer les inclinaisons a differentes latitudes, par la supposition d'un aimant infiniment petit place tout pres du centre de la terre, et perpendiculaire a l'equateur magnetique, nous n'avons pas pretendu considerer cette hypothese comme une chose reelle, mais seulement comme une abstraction mathematique utile pour enchaeiner les resultats, et propre a faire reconnoeitre par la suite s'ils subissent quelques changemens. Quant a la declinaison et a l'intensite, nous avouons franchement que nous ne savons absolument rien sur leurs lois, ni sur leurs causes, et si quelque physicien est assez heureux pour les ramener a un principe unique qui explique en meme temps les variations de l'inclinaison, ce sera sans doute une des plus belles decouvertes que l'on ait jamais faites. Mais cette recherche extremement difficile demande peut-etre, pour etre tentee, plus d'observations, et sur-tout plus d'observations precises que l'on n'a pu en recueillir jusqu'a present. C'est pourquoi nous avons cru pouvoir presenter a la Classe les recherches precedentes, tout imparfaites qu'elles sont encore, en la priant de les accueillir avec indulgence. Si nous sommes assez heureux pour que nos resultats paroissent de quelque utilite, nous nous proposons de reunir toutes les observations exactes qui ont ete faites sur cette matiere, afin de donner a la loi que nous avons decouverte le dernier degre d'exactitude. HEMISPHERE MAGNETIQUE BOREAL. NOMS des observateurs. LIEUX des observations. LATITUDES rapportees a l'equateur terrestre. LONGITUDES terrestres rapportees au meridien de Paris. LATITUDES rapporte es a l'equat. magnet. LONGITUD. orientales comptees du noeud de l'equateur magnetiq. dans la mer du Sud. NOMBRE des oscillat. en 10' de tems inclinais. donnees par la theorie. inclinais. donnees par l'observation directe. differences en degres de la division centesimale. Ancienne division. Ancienne division. Ancienne division. Ancienne div. Div. centig. Div. centig. Humboldt. Equateur magnetique au Perou. 7° 1' 0" austr. 80° 4' 0" occ. 0° 0' 0; 40° 17' 56" 211 0°000 0°00 0°00 Lapeyrouse. Equateur magnetique en mer, entre le Bresil et l'eile de l'Ascension....... 10.57. 0 25.25. 0 0. 0. 0 95.33.56 ......... 0,000 0,00 0,00 Humboldt. Tompenda...... 5.31. 4 80.27. 0 1.30.54 39.52.51 213 3,3642 3,55 0,1858 Idem. Loxa .......... 4. 0. 0 81.12. 0 2.54.27 38.55. 0 212 6,440 6,00 + 0,44 Idem. Cuenca ......... 2.54. 9 80.43. 0 4. 3.44 39.13.52 214 8,97 9,35 -- 0,38 Idem. Quito .......... 3.13.17 80.15. 0 6.46.59 39.17.52 218 14,87 14,85 + 0.02 Idem. St. Antonio ..... 0. 0. 0 80.12. 0 7. 0.53 39.18.52 220 15,29 16,02 -- 0,73 Idem. Popayan........ 2.24.33 bor. 78.45. 0 9.36.16 40.24.27 223 ......... 23,20 ......... Idem. St. Carlos del rio negro ........ 1.52. 4 70.10. 0 10.13.14 49. 6.35 216 22,0278 23,10 -- 1,0722 Idem. Javita.......... 2.49. 0 70.30. 0 11. 7.40 48.39. 6 218 23,87 27,00 -- 3,13 Idem. Esmeralda ...... 3.13.26 68.38. 0 11.45.45 50.29.15 217 ......... 28,85 ......... Idem. Sta. Fe di Bagota. 4.36. 5 76.37. 0 12. 5.13 42.17.13 226 25,76 26,97 -- 1,21 Idem. Carichana....... 6.34. 5 70.18. 0 14.52.25 48.21.53 227 31,08 33,77 -- 2,69 Idem. St. Thomas de la Guyane....... 8. 8.24 66.26. 0 16.54.18 52. 7.26 222 34,77 39,00 -- 4,23 Idem. Carthagene des Indes .......... 10.25.57 78. 2. 0 17.38.43 39.55.13 240 36,07 39,17 -- 3,10 Idem. Mexico......... 19.26. 2 101.22. 0 22.35.14 14.36.41 242 44,87 46,85 -- 1,98 De Rossel en 1791, Humboldt en 1799. Ste. Croix de Temeriffe....... 28.28.30 18.37. 0 39.12.40 72. 0.26 238 64,9975 69,35 -- 4,35 Idem. Ocean Atlantique. 38.52. 0 16.20. 0 49.28.22 106.30.10 242 74,29 75,76 -- 1,47 Idem. Paris........... 48.50.15 0. 0. 0 57.57. 0 128.22.47 245 80,69 77,62 + 3,07 Euler fils. Petersbourg en 1755, m. p. 1755. 59.56.23 27.58. 0 ori. 64.41. 0 173.30.25 ......... 85,21 81,67 + 3,54 Mallet. Kola en Laponie en 1769......... 68.52.30 30.40.30 ori. 71.44.36 179. 9.29 ......... 89,59 86,39 + 3,20 Phipps. Dans une eile pres du Spitzberg, en 1773....... 79.50.00 7.38.00 ori. 83. 9.50 127.40. 5 ......... 96,1882 91,1111 + 5,0071 HEMISPHERE MAGNETIQUE AUSTRAL. NOMS des observateurs. LIEUX des observations. LATITUDES rapportees a l'equateur terrestre. LONGITUDES terrestres rapportees au meridien de Paris. LATITUDES australes rapportees a l'equat. magnetiq. LONGITUD. orientales comptees du noeud de l'equateur magnetique dans la mer du Sud. inclinais. donnees par la theorie. inclinais. donnees par l'observation directe. differences en degres de la division centesimale. NOMBRE des oscillat. en 10' de tems Ancienne division. Ancienne division. Ancienne division. Ancienne divis. Div. centig. Div. centig. Humboldt. Lima.......... 12° 2'31" aust. 79°33' 0 occ. 4°48'36" aust. 41°42'51" 10,6145 11,10 0°4855 219 Derossel, expedition d'Entrecasteaux. Sourabaya, eile de Java ..... 7.14.23 110.21.28 ori. 15.37.22 228.56.50 32,4660 28,5185 + 3,9475 204 Bayli en 1775 Cap-de-Bonne- Esperance.... 33.55.30 16.10. 0 ori. 26.15.34 131.38.53 49,58 47,78 + 1,8 ......... Lapeyrouse. Dans la baye de Talcaguara... 36.42 75.53. 0 occ. 28.42.14 49. 0. 5 52,8889 55.555 -- 2,6667 ......... Idem. En vue de l'eile des Patagons..... 52.21.26 69.38. 0 occ. 44.30. 3 57.13.52 70,04 68,89 + 1,15 ......... Derossel, expedition d'Entrecasteaux. Nlle. Hollande.. 43.34.30 144.36.33 occ. 54.12.43 263.21.18 78,7037 77.9667 -- 0,737 265 Les resultats compris dans ce Tableau s'etendent depuis 38° 55' jusqu'a 263° 21' 18" de longitude orientale, comptee du noeud de l'equateur magnetique dans la mer du Sud: ils comprennent parconsequent plus de 224°; et leur accord montre que, dans cette etendue, l'equateur magnetique est sensiblement un grand cercle du globe terrestre. Nous n'avons pas encore calcule d'observations pour les 36° de longitude qui completeraient le contour de cet equateur. Pour l'hemisphere austral, nous avons rapporte les observations faites avec beaucoup de soin par M. de Rossel, dans l'expedition d'Entrecasteaux. Il en resulte que l'intensite du magnetisme terrestre augmente aussi dans cet hemisphere, quand on s'eloigne de l'equateur magnetique. L'inclinaison observee par M. de Rossel a Teneriffe etant exactement la meme que celle que M. Humboldt y a observee huit ans apres, cet accord nous a permis de rendre comparables les resultats obtenus par ces Physiciens sur l'intensite; pour cela nous avons multiplie les resultats de M. de Rossel, par le rapport des nombres que lui et M. Humboldt ont observes a Teneriffe. C'est le resultat de ce calcul que nous avons rapporte dans la colonne des oscillations; on y voit de nouveau que ce phenomene est extremement modifie par les circonstances locales, et incomparablement plus que l'inclinaison. L'accroissement d'intensite deduit des observations de M. Humboldt est plus faible que celui qui resulterait de notre hypothese; et celui que donnent les observations de M. de Rossel est trop fort: ce qui prouve que l'on ne peut rien prononcer sur la veritable loi de cet accroissement. L'influence des circonstances locales sur l'inclinaison est surtout sensible dans les eiles. La declinaison et l'intensite des forces magnetiques y eprouvent aussi de semblables anomalies. Ce fait est indique par plusieurs observations, et en particulier par celles que M. de Rossel a faites a Sourabaya, dans l'eile de Java. Enfin, en comparant les resultats de notre formule avec les observations des differens voyageurs, il faut discuter ces dernieres avec beaucoup de critique, et ne les admettre que lorsqu'elles s'accordent entr'elles et avec celles des autres navigateurs. Sans cette precaution, on tomberait a chaque instant dans de grandes erreurs, causees par l'incoherence des resultats: d'ailleurs nous ne presentons les precedens, que comme une premiere approximation. Tafeln und Abbildungen