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Alexander von Humboldt: „Extrait de plusieurs lettres de M. A. de Humboldt“, in: ders., Sämtliche Schriften digital, herausgegeben von Oliver Lubrich und Thomas Nehrlich, Universität Bern 2021. URL: <https://humboldt.unibe.ch/text/1803-Extrait_de_plusieurs-01-neu> [abgerufen am 23.04.2024].
Permalink: https://humboldt.unibe.ch/text/1803-Extrait_de_plusieurs-01-neu |
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Titel | Extrait de plusieurs lettres de M. A. de Humboldt | ||||
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Jahr | 1803 | ||||
Ort | Paris | ||||
Nachweis in: Magasin encyclopédique, ou Journal des Sciences, des Lettres et des Arts 9:2 (Thermidor an 11, 1803 [Juli/August]), S. 241–258.
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Sprache | Französisch | ||||
Typografischer Befund | Antiqua; Auszeichnung: Kursivierung; Fußnoten mit Ziffern. | ||||
Identifikation |
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Statistiken
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Extrait de plusieurs lettres de M. A. de Humboldt.
A Lima, ce 25 novembre 1802.
Vous devez savoir mon arrivée à Quito par meslettres précédentes, mon cher frère. Nous y arrivâmes,en traversant les neiges de Quiridien et de Tolima: |242| car, comme la Cordillière des Andes forme troisbranches séparées, et que nous nous trouvions àSanta Fé de Bogota sur celle qui est la plus orien-tale, il nous fallut passer la plus élevée pour nousapprocher des côtes de la mer du Sud. Il n’y aque les bœufs dont on puisse se servir à ce passagepour faire porter son bagage. Les voyageurs se fontporter ordinairement par des hommes que l’onnomme largeros. Ils ont une chaise liée sur le dos,sur laquelle le voyageur est assis; ils font trois àquatre heures de chemin par jour, et ne gagnentque quatorze piastres en cinq à six semaines. Nouspréférâmes d’aller à pied; et, le temps étant très-beau, nous ne passâmes que dix-sept jours dansces solitudes, où l’on ne trouve aucune trace qu’ellesaient jamais été habitées: on y dort dans des ca-banes formées de feuilles d’héliconia que l’on portetout exprès avec soi. A la descente occidentale des Andes, il y a des marais dans lesquels on enfoncejusqu’aux genoux. Le temps avoit changé; il pleu-voit à verse les derniers jours; nos bottes nouspourrirent aux jambes, et nous arrivâmes les piedsnus et couverts de meurtrissures à Carthago, maisenrichis d’une belle collection de nouvelles plantes,dont je rapporte un grand nombre de dessins. De Carthago, nous allâmes à Popayan par Buga,en traversant la belle vallée de la rivière Cauca, etayant toujours à nos côtés la montagne du Chocaet les mines de platine qui s’y trouvent. Nous restâmes le mois de novembre de l’année1801 à Popayan, et nous y allâmes visiter les mon- |243| tagnes basaltiques de Julusuito, les bouches duvolcan de Puracé, qui, avec un bruit effrayant,dégagent des vapeurs d’eau hydro-sulfureuse, etles granites porphyritiques de Pisché, qui formentdes colonnes de cinq à sept pans, semblables àcelles que je me souviens d’avoir vues dans lesmonts Euganéens de l’Italie, et qui sont décritespar Strange. La plus grande difficulté nous resta à vaincrepour venir de Popayan à Quito. Il fallut passer lesParamos de Pasto, et cela dans la saison des pluies,qui avoit commencé en attendant. On nomme Pa-ramo dans les Andes tout endroit où, à la hauteurde dix-sept cents à deux mille toises, la végétationcesse, et où l’on sent un froid qui pénètre les os.Pour éviter les chaleurs de la vallée de Patia, oùl’on prend, dans une seule nuit, des fièvres quidurent trois ou quatre mois, et qui sont connuessous le nom de calcuturas (fièvres) de Patia, nouspassâmes au sommet de la Cordillière, par des pré-cipices affreux, pour aller de Popayan à Almager,et de là à Pasto, situé au pied d’un volcan ter-rible. L’entrée et la sortie de cette petite ville, où nouspassâmes les fêtes de Noël, et où les habitans nousreçurent avec l’hospitalité la plus touchante, esttout ce qu’il y a de plus affreux au monde. Ce sontdes forêts épaisses, situées entre des marais, lesmules y enfoncent à mi-corps; et l’on passe pardes ravins si profonds et si étroits, que l’on croitentrer dans les galeries d’une mine. Aussi les che- |244| mins sont-ils pavés des ossemens des mules qui yont péri de froid et de fatigue. Toute la provincede Pasto, y compris les environs de Guachucal etde Tuquères, est un plateau gelé, presque au dessusdu point où la végétation peut durer, et entouréde volcans et de soufrières qui dégagent conti-nuellement des tourbillons de fumée. Les malheu-reux habitans de ces déserts n’ont d’autres alimensque les patatas; et si elles leur manquent, commel’année dernière, ils vont dans les montagnes man-ger le tronc d’un petit arbre nommé achupalla(Pourretia pitcarnia): mais ce même arbre étantl’aliment des ours des Andes, ceux-ci leur dis-putent souvent la seule nourriture que leur pré-sentent ces régions élevées. Au nord du volcan dePasto, j’ai découvert dans le petit village indiende Voisaco, à treize cent soixante-dix toises audessus de la mer, un porphyre rouge, à base ar-gileuse, enchâssant du feldspath vitreux, et de lacornéenne qui a toutes les propriétés de la serpen-tine du fichtel-gebirge. Ce porphyre a des pôlestrès-marqués, et ne montre aucune force attrac-tive. Après avoir été mouillés jour et nuit pendantdeux mois, et après avoir manqué de nous noyerprès de la ville d’Ibarra par une crue d’eau très-subite, accompagnée de tremblemens de terre,nous arrivâmes, le 6 janvier 1802, à Quito, où le marquis de Selvaalègre avoit eu la bonté de nouspréparer une belle maison, qui, après tant de fa-tigues, nous offroit toutes les commodités que l’onpourroit desirer à Paris ou à Londres. |245| La ville de Quito est belle, mais le ciel y esttriste et nébuleux; les montagnes voisines offrentpeu de verdure, et le froid y est très considérable.Le grand tremblement de terre du 4 février 1797,qui bouleversa toute la province et tua, dans unseul instant, trente-cinq à quarante mille hommes,a aussi été funeste à cet égard aux habitans. Il atellement changé la température de l’air, que lethermomètre y est ordinairement à 4—10° de Réau-mur; et que rarement il monte à 16 ou 17°, tandisque Bouguer le voyoit constamment à 15 ou 16°.Depuis cette catastrophe, il y a des tremblemensde terre continuels; et quelles secousses! il est pro-bable que toute la partie haute n’est qu’un seul vol-can. Ce qu’on nomme les montagnes de Cotopaxi et de Pinchincha ne sont que des petites cîmes,dont les cratères forment des tuyaux differens, tousaboutissant au même creux. Le tremblement deterre de 1797 n’a malheureusement que trop prouvécette hypothèse; car la terre s’est ouverte partoutalors, et a vomi du soufre, de l’eau, etc. Malgréces horreurs et ces dangers dont la nature les a en-vironnés, les habitans de Quito sont gais, vifs etaimables. Leur ville ne respire que la volupté et leluxe, et nulle part peut-être il ne règne un goûtplus décidé et plus général de se divertir. C’estainsi que l’homme s’accoutume à s’endormir paisi-blement sur le bord d’un précipice. Nous avons fait un séjour de près de huit moisdans la province de Quito, depuis le commence-ment de janvier jusqu’au mois d’août. Nous avons |246| employé ce temps à visiter chacun des volcans quis’y trouvent; nous avons examiné, l’une apres l’au-tre, les cimes du Pichincha, Cotopoxi, Antisana et Iliniça, en passant quinze jours à trois semainesauprès de chacune d’elles, et en revenant dans lesintervalles toujours à la ville de Quito, dont noussommes partis le 9 juin 1802, pour nous rendre auxenvirons du Chimboraço, qui est situé dans la partieméridionale de la province. Je suis parvenu deux fois, le 26 et le 28 de mai1802, au bord du cratère du Pichincha, montagnequi domine la ville de Quito. Jusqu’ici personne, quel’on sache, si ce n’est la Condamine, ne l’avoit jamaisvu; et la Condamine lui-même n’y étoit arrivéqu’apres cinq ou six jours de recherches inutiles etsans instrumens, et n’y avoit pu rester que douzeà quinze minutes, à cause du froid excessif qu’ily faisoit. J’ai réussi à y porter mes instrumens; j’aipris les mesures qu’il étoit intéressant de connoître,et j’ai recueilli de l’air pour en faire l’analyse. Jefis mon premier voyage seul avec un Indien. Comme la Condamine s’étoit approché du cratère par lapartie basse de son bord, couverte de neige, c’est làqu’en suivant ses traces, je fis ma premiere tenta-tive. Mais nous manquâmes périr. L’Indien tombajusqu’à la poitrine dans une crevasse, et nous vîmesavec horreur que nous avions marché sur un pont deneige glacée; car à quelques pas de nous il y avoitdes trous par lesquels le jour donnoit. Nous noustrouvions donc, sans le savoir, sur des voûtes quitiennent au cratère même. Effrayé, mais non pas |247| découragé, je changeai de projet. De l’enceinte ducratère sortent, en s’élançant pour ainsi dire surl’abîme, trois pics, trois rochers qui ne sont pascouverts de neige, parce que les vapeurs qu’exhalela bouche du volcan les y fondent sans cesse. Jemontai sur un de ces rochers, et je trouvai à sonsommet une pierre qui, étant soutenue par un côtéseulement, et minée par dessous, s’avançoit en formede balcon sur le précipice. C’est la que je m’établispour faire mes expériences. Mais cette pierre n’aqu’environ douze pieds de longueur, sur six de lar-geur, et est fortement agitée par des secousses fré-quentes de tremblemens de terre, dont nous comp-tâmes dix-huit en moins de trente minutes. Pourmieux examiner le fond du cratère, nous nous cou-châmes sur le ventre, et je ne crois pas que l’imagi-nation puisse se figurer quelque chose de plus triste;de plus lugubre et de plus effrayant que ce que nousvîmes alors. La bouche du volcan forme un trou cir-culaire de près d’une lieue de circonférence, dont lesbords, taillés à pic, sont couverts de neige par enhaut; l’intérieur est d’un noir foncé: mais le gouffreest si immense, que l’on distingue la cîme de plu-sieurs montagnes qui y sont placées. Leur sommetsembloit être à trois cents toises au-dessous de nous:jugez donc où doit se trouver leur base. Je ne doutepoint que le fond du cratère ne soit de niveau avec laville de Quito. La Condamine avoit trouvé ce cratèreéteint et couvert même de neige; mais c’est une tristenouvelle que nous avons du porter aux habitans deQuito, que le volcan qui leur est voisin, est embrasé |248| actuellement. Des signes évidens nous en convain-quirent cependant à n’en pouvoir douter. Les vapeursde soufre nous suffoquoient presque, lorsque nous nousapprochions de la bouche; nous voyions même sepromener çà et là des flammes bleuâtres; et de deuxà trois minutes nous sentions de fortes secousses detremblemens de terre, dont les bords du cratère sontagités, et dont on ne s’aperçoit plus à cent toises delà. Je suppose que la grande catastrophe du 7 février1797 a aussi allumé les feux du Pichincha. Aprèsavoir visité cette montagne seul, j’y retournai deuxjours après, accompagné de mon ami Bonpland et de Charles de Montufar, fils du marquis de Selvaalegre.Nous étions munis de plus d’instrumens encore que lapremière fois, et nous mesurâmes le diamètre du cra-tère et la hauteur de la montagne. Nous trouvâmes àl’un 754 toises (1), et à l’autre 2477. Dans l’intervallede deux jours qu’il y eut entre nos deux courses auPichincha, nous eûmes un tremblement de terretrès-fort à Quito. Les Indiens l’attribuèrent à des pou-dres que je devois avoir jetées dans le volcan. A notre voyage au volcan d’Antisana, le tempsnous favorisa si bien, que nous montâmes jusqu’à lahauteur de 2773 toises. Le baromètre baissa, danscette région élevée, jusqu’à 14 pouces 7 lignes, et lepeu de densité de l’air nous fit jeter le sang par leslèvres, les gencives et les yeux même; nous sentionsune foiblesse extrême, et un de ceux qui nous accom-pagnoit dans cette course s’évanouit. Aussi avoit-on