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Alexander von Humboldt: „Copie d’une lettre lue à la Classe des Sciences physiques et mathématiques de l’Institut national. Alexandre Humboldt, au cit. Delambre, Secrétaire perpétuel de l’Institut national“, in: ders., Sämtliche Schriften digital, herausgegeben von Oliver Lubrich und Thomas Nehrlich, Universität Bern 2021. URL: <https://humboldt.unibe.ch/text/1803-Copie_d_une-05-neu> [abgerufen am 23.04.2024].

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https://humboldt.unibe.ch/text/1803-Copie_d_une-05-neu
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Titel Copie d’une lettre lue à la Classe des Sciences physiques et mathématiques de l’Institut national. Alexandre Humboldt, au cit. Delambre, Secrétaire perpétuel de l’Institut national
Jahr 1803
Ort Paris
Nachweis
in: Journal des arts, des sciences, et de littérature 5:1:296 (10 Fructidor an 11 [28. August 1803]), S. 319–325.
Sprache Französisch
Typografischer Befund Antiqua; Auszeichnung: Kursivierung, Kapitälchen; Tabellensatz.
Identifikation
Textnummer Druckausgabe: II.17
Dateiname: 1803-Copie_d_une-05-neu
Statistiken
Seitenanzahl: 7
Zeichenanzahl: 19632

Weitere Fassungen
Copie d’une lettre de M. Humboldt, adressée au C. Delambre, l’un des secrétaires perpétuels de l’Institut national (datée de Lima le 25 novembre 1802) (Paris, 1803, Französisch)
Auszug aus einem Briefe des Hrn. Alexander von Humboldt an Hrn. Delambre (Weimar, 1803, Deutsch)
Letter from M. Humboldt to C. Delambres, one of the perpetual Secretaries of the National Institute (London, 1803, Englisch)
Copie d’une lettre lue à la classe des sciences physiques et mathématiques de l’Institut national. Alexandre Humboldt au citoyen Delambre, secrétaire perpétuel de l’Institut national (Paris, 1803, Französisch)
Copie d’une lettre lue à la Classe des Sciences physiques et mathématiques de l’Institut national. Alexandre Humboldt, au cit. Delambre, Secrétaire perpétuel de l’Institut national (Paris, 1803, Französisch)
Alexandre Humboldt au Citoyen Delambre, Secrétaire perpétuel de l’Institut National (London, 1803, Französisch)
Kurzer Auszug aus Hrn. Alexand. v. Humboldt’s Brief (aus Lima vom 25 Nov. 1802) an B. Delambre zu Paris (Weimar, 1803, Deutsch)
Schreiben Alexanders v. Humbold, an den B. Delambre, immerwährenden Sekretär des National-Instituts, Lima, vom 25 Nov. 1802 (Ulm, 1803, Deutsch)
Copy of a letter read in the class of physical and mathematical sciences. Alexander Humboldt to Citizen Delambre, Perpetual Secretary of the National Institute. From Lima, the 25th November, 1802 (London, 1803, Englisch)
Extrait d’une lettre d’Alexandre Humboldt au C. Delambre, secrétaire-perpétuel de l’institut national (Brüssel, 1803, Französisch)
Letter from M. Humboldt to M. Delambre, relative to his Travels in South America (London, 1803, Englisch)
Copie d’une lettre de M. Humboldt, adressée au citoyen Delambre, l’un des secrétaires perpétuels de l’Institut national (datée de Lima le 25 novembre 1802) (Paris, 1803, Französisch)
Brief van Alexander v. Humbold aan den B. Delambre, Aanhoudenden Geheimschryver van het Nat. Institut te Parys (Haarlem, 1803, Niederländisch)
Briefe des Herrn Oberbergraths von Humboldt (Berlin; Stettin, 1803, Deutsch)
Brief des Herrn von Humboldt an Delambre, beständigen Secretär des Instituts (Leipzig, 1803, Deutsch)
A letter from Baron Humboldt to a member of the National Institute at Paris (Philadelphia, Pennsylvania, 1804, Englisch)
[Copie d’une lettre de M. Humboldt, adressée au citoyen Delambre, l’un des secrétaires perpétuels de l’Institut national (datée de Lima le 25 novembre 1802)] (London, 1805, Englisch)
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Copie d’une lettre lue à la Classe des Sciences physiques et ma-thémathiques de l’Institut national. Alexandre Humboldt, au cit. Delambre, Secrétaire perpétuelde l’Institut national.

Mon respectable ami, je viens de l’intérieur des terres, où, dansune grande plaine, j’ai fait des expèriences sur les variations horairesde l’aiguille aimantée, et j’apprends avec regret que la frégate Asti-garraga, qui ne devait partir que dans quinze jours, a accéléré sondépart pour Cadix, et qu’elle met cette nuit même à la voile. C’est,depuis cinq mois, la première occasion que nous ayons eue pourl’Europe dans les solitudes de la mer du Sud; et le défaut du temsme met dans l’impossibilité d’écrire, comme je le devais, à l’Ins-titut national, qui vient de me donner la marque la plus touchantede l’intérêt et des bontés dont il m’honore. C’est peu de jours avantmon départ de Quito pour Jean et l’Amazone, que j’ai reçu la lettreen date du 2 Pluviôse an 9, que cette Société illustre m’a adresséepar votre organe. Cette lettre a mis deux ans à venir me trouverdans la cordillière des Andes. Je la reçus le lendemain d’une secondeexpédition que je fis au cratère du volcan Pichincha, pour y porterun ellécitomètre de Volta, et pour en mesurer le diamètre, queje trouve de 752 toises, tandis que celui du Vésuve n’en a que 312.Cela me rappelle qu’au sommet de Guaguapichincha, où j’ai étésouvent (et que j’aime comme sol classique), la Condamine et Bouguer reçurent leur première lettre de la ci-devant Académie, etje me figure que Pichincha, si magna licet componere parvis, portebonheur aux Physiciens. Comment vous exprimer, citoyens, la jouissance avec laquellej’ai lu cette lettre de l’Institut, et les assurances réitérées de votresouvenir! Qu’il est doux de savoir que l’on vit dans la mémoire deceux dont les travaux avancent sans cesse les progrès de l’esprithumain! Dans les déserts des plaines de l’Apure, dans les bois épaisdu Casiguian et de l’Orénoque, partout vos noms m’ont été pré-sens; et parcourant les différentes époques de ma vie errante, jeme suis arrêté avec jouissance à celle des ans 6 et 7, où je vivais aumilieu de vous, et où les Laplace, Fourcroy, Vauquelin, Guyton, Chaptal, Jussieu, Desfontaines, Hallé, Lalande, Prony, et vous,sur-tout, ame généreuse et sensible, me comblâtes de bontés dansles plaines de Lieursaint recevez tous ensemble l’hommage de montendre attachement et de ma reconnaissance constante. Long tems avant de recevoir votre lettre en qualité de Secrétaire |320| de l’Institut, j’ai adressé successivement trois lettres à la Classe dePhysique et de Mathématique; deux de Santa Fé de Bogota, accom-pagnées d’un travail sur le genre chincona (c’est-à-dire, des échan-tillons d’écorces de sept espèces, des dessins coloriés qui représen-taient ces végétaux avec l’anatomie de la fleur, si différente par lalongueur des étamines, et les squelettes séchés avec soin.) Le doc-teur Mutis, qui m’a fait mille amitiés, et pour l’amour duquel j’airemonté la riviere de la Madelaine en quarante jours; le docteur Mutis m’a fait cadeau de plus de cent dessins magnifiques en grand in folio, figurant de nouveaux genres et de nouvelles espèces de sa Flore deBogota, manuscrite: j’ai pensé que cette collection, aussi intéres-sante pour la botanique que remarquable à cause de la beauté ducoloris, ne pourrait être en de meilleures mains qu’entre celles des Jussieu, Lamarck et Desfontaines et je l’ai offerte à l’Institut na-tional comme une faible marque de mon attachement. Cette collec-tion et les chincona sont partis pour Carthagene des Indes, versle mois de Juin de cette année, et c’est M. Mutis lui-même quis’est chargé de les faire passer à Paris. Une troisième lettre pourl’Institut est partie de Quito avec une collection géologique desproductions de Pichincha, Cotopaxi et Chimborazo. Qu’il est affli-geant de rester dans une si triste incertitude sur l’arrivée de ces ob-jets, comme sur celle des collections de graines rares que depuistrois ans, nous avons adressées au Jardin des Plantes de Paris! Le peu de loisir qui me reste aujourd’hui, ne me permet pas devous tracer le tableau de mes voyages et de mes occupations depuisnotre retour de Rio-Negro; vous savez que c’est à la Havane quenous avons reçu la fausse nouvelle du départ du capitaine Baudin pour Buenos-Ayres. Fidelle à la promesse que j’avais faite de le re-joindre où je le pourrais, et pèrsuadé que je serais plus utile auxSciences en joignant mes travaux à ceux des Naturalistes qui suiventle capitaine Baudin, je n’ai pas hésité un moment à sacrifier la pe-tite gloire de finir ma propre expédition, et j’ai frété à l’instant unpetit bâtiment au Batabano, pour me rendre à Carthagène desIndes. Les tempêtes ont alongé ce court trajet de plus d’un mois, lesbrises ayant cessé dans la mer du sud, où je comptais chercher lecit. Baudin, et je me suis engagé dans la pénible route de Honda,d’Ibagué, du passage de la montagne de Quindiù, de Popayan, dePasta à Quito. Ma santé a continué de résister au changement detempérature auquel on est exposé dans cette route en descendantchaque jour des neiges de 2,460 toises à des vallées ardentes, oùle thermomètre de Réaumur n’est jamais au-dessous de 24 ou 26 de-grés. Mon compagnon, dont les lumières, le courage et l’immenseactivité m’ont été du plus grand secours dans les recherches bota-niques et d’anatomie comparée, le cit. Bompland, a souffert desfièvres tierces pendant deux mois. Le temps des grandes pluies nousa pris dans le passage le plus critique, le haut plateau des Pastas, et,après un voyage de huit mois, nous sommes arrivés à Quito, pour yapprendre que le cit. Baudin avait pris la route de l’ouest à l’est parle cap de Bonne-Espérance. Accoutumés aux revers, nous noussommes consolés par l’idee d’avoir fait de si grands sacrifices pouravoir voulu le bien. En jetant les yeux sur nos herbiers, nos me-sures barométriques et géodésiques, nos dessins, nos expériences, |321|sur l’air de la Cordillière, nous n’avons pas regretté d’avoir parcourudes pays dont la majeure partie n’a jamais été visitée par aucun Na-turaliste. Nous avons senti que l’homme ne doit compter sur rienque ce qu’il produit par sa propre énergie. La province de Quito, leplateau le plus élevé du Monde, et déchiré par la grande castatrophedu 4 Février 1797, nous a fourni un vaste champ d’observationsphysiques. De si énormes volcans dont les flammes s’élèvent souventà 1000 mètres de hauteur, n’ont jamais pu produire une goutte delave coulante; elles vomissent de l’eau, du gaz hydrogène sulfuré,de la boue et de l’argile carbonné. Depuis 1797, toute cette partiedu Monde est en agitation. Nous éprouvons à chaque instant dessecousses affreuses; et dans les plaines de Riobomba, le bruit sou-terrain ressemble à celui d’une montagne qui s’écroule sous nospieds. L’air atmosphérique et les terres humectées (tous ces volcansse trouvent dans un porphyre décomposé) paraissent les grandsagens de ces combustions, de ces fermentations souterraines.....On a cru jusqu’ici à Quito que 2,470 toises était la plus grandehauteur à laquelle les hommes pussent résister à la rareté de l’air. Aumois de Mars 1802, nous passâmes quelques jours dans les grandesplaines qui entourent le volcan d’Antisana, à 2,107 toises, où lesbœufs, quand on les chasse, vomissent souvent du sang. Le 16Mars, nous reconnûmes un chemin sur la neige, une pente doucesur laquelle nous montâmes à 2.773 toises de hauteur. L’air y con-tenait 0,008 d’acide carbonnique, 0,218 d’oxigène, et 0,774 d’azote.Le thermomètre de Réaumur n’était qu’à 15°; il ne fit pas froid dutout, mais le sang nous sortait des lèvres et des yeux. Le local nepermit de faire l’expérience de la boussole de Borda que dans unegrotte plus basse, à 2,467 toises. L’intensité des forces magnètiquesétait plus grande à cette hauteur qu’à Quito dans le rapport de230 :: 218; mais il ne faut pas oublier que souvent le nombre desoscillations augmente quand l’inclinaison diminue, et que cette in-tensité augmente par la masse de la montagne dont les porphyres af-fectent l’aimant. Dans l’expédition que je fis le 23 juin 1802, auChimborazo, nous avons prouvé qu’avec de la patience on peutsoutenir une plus grande rareté de l’air. Nous parvînmes 500 toisesplus haut que la Condamine (au Corazon), et nous portâmes auChimborazo des instrumens à 3,031 toises; voyant descendre lemercure dans le baromètre à 13 pouces 11,2 lignes, le thermomètreétant de 1 degré 3 minutes au-dessous de zéro, nous saignâmes en-core des lèvres. Nos Indiens nous abandonnèrent comme de cou-tume; le cit. Bompland et M. Montuson, fils du marquis de Selva-lègre, de Quito, furent les seuls qui résistèrent; nous sentîmes tousun malaise, une débilité, une envie de vomir, qui certainementprovient du manque d’oxigène de ces régions, plus que de la raretéde l’air. Je n’ai trouvé que 0,20 d’oxigène à cette immense hauteur.Une crevasse affreuse nous empêcha de parvenir à la cime du Chim-borazo même, pour laquelle il ne nous manquait que 206 toises.Vous savez qu’il y a encore une grande incertitude sur la hauteur de ce colosse, que la Condamine ne mesura que de très loin, lui don-nant à peu près 3220 toises, tandis que don Georges Juan le met de3380 toises, sans que la différence provienne de la différente hauteurqu’adoptent ces astronomes pour le signal de Carabourou. J’ai me-suré dans la plaine de Tapia une base de 1702 mètres (pardonnez- |322|moi de parler tantôt de toises et tantôt de mètres, selon la nature demes instruments; vous sentez bien qu’en publiant mes opérations,je réduirai tout au mètre et au thermomètre centigrade), deux opé-rations géodésiques me donnent Chimborazo de 3267 toises au-dessus de la mer: mais il faut rectifier les calculs par la distance du sectantà l’horison artificiel, et d’autres circonstances. Le volcan Tongou-ragoa a diminué beaucoup depuis le tems de la Condamine: au lieude 2620 toises, je ne le trouve plus que 2531, et j’ose croire quecette différence ne provient pas d’une erreur d’opérations, parce quedans mes mesures de Cayambo, d’Antisana, de Cotopaxi, d’Ili-niga, je ne diffère souvent pas de 10 ou 15 toises des résultats de laCondamine et de Bouguer. Aussi tous les habitans de ces malheu-reuses contrées, disent que Tongouragoa a baissé à vue d’œil; aucontraire Cotopaxi, qui a eu de si fortes explosions, est de la mêmehauteur qu’en 1744, et même de quelque chose de plus, ce quiprovient peut-être d’une erreur de ma part; mais aussi la cîme pier-reuse du Cotopaxi indique que c’est une cheminée qui résiste etconserve sa figure. Les opérations que nous avons faites de Janvier àJuillet, dans les Andes de Quito, ont donné à ces habitans la tristenouvelle que le cratère de Pichincha, que la Condamine vit plein deneige, brûle de nouveau, et que Chimborazo, que l’on croyaitêtre si paisible et innocent, a été un volcan, et peut-être le sera unjour de nouveau. Nous avons des roches brûlées et de la pierre ponceà 3031 toises de haut. Malheur au genre humain si le feu volcanique(car on peut dire que tout le haut plateau de Quito est un seul vol-can à plusieurs cîmes) se fait jour à travers le Chimborazo. On asouvent imprimé que cette montagne est de granit, mais on n’entrouve pas un atome; c’est un porphyre par-ci par-là, en colonnes,enchâssant du pelu-Spath vîtreux, de la cornéenne et de l’olivin.Cette couche de porphyre à 2908 toises d’épaisseur. Je pourrais vousparler à ce sujet d’un porphyre polarisant que nous avons découvertà Vaisaco, près de Pasta; porphyre qui, analogue à la serpentineque j’ai décrite dans le Journal de Physique, a des pôles sans at-tractions: je pourrais vous citer d’autres faits relatifs à la grande loides couches et à leur énorme épaisseur près l’équateur, mais ceserait trop pour une lettre qui peut-être se perdra, et j’y reviendraiune autre fois. J’ajoute seulement qu’en outre des dents d’éléphantque nous avons envoyées au cit. Cuvier, du plateau de Santa Fé, de1350 toises de hauteur, nous lui en conservons d’autres plus belles:les unes de l’éléphant carnivore, les autres d’une espece un peudifferente de celle d’Afrique, du val de Timana, de la ville d’Ibarraet de Chili. Voilà done l’existence de ce monstre carnivore constatée,depuis l’Ohio à 50 degrés latitude boréale jusqu’au 35.e degré delatitude australe. J’ai passé des momens fort agréables à Quito; le président de l’au-dience, le baron de Corondèles, nous a comblé de bontés: et de-puis trois ans, je n’ai pas eu à me plaindre un seul jour des agensdu Gouvernement espagnol, qui m’a traité partout avec une déli-catesse et une distinction qui m’obligent à une reconnaissance éter-nelle. Je me suis beaucoup occupé de pyramides et de leurs fonde-mens (que je ne crois pas du tout dérangés quant aux pierres mo-laires). Un particulier généreux, ami des Sciences et des hommes quiles ont illustrées, tels que la Condamine, Godin et Bouguer, le |323| marquis de Selvalègre, à Quito, pense à les faire reconstruire. Maiscela me mène trop loin. Après avoir passé l’Assonay et Cuença (où l’on a donné des fêtesde taureau), nous avons pris la route de Loxa, pour compléter nostravaux sur le Chinchona. De là nous passâmes un mois dans laprovince de Taen, de Bracamoros et dans les Pongos de l’Amazone,dont les rivages sont ornès d’andira et de bougainvillea, de Jussieu.Il me parut intéressant de fixer la longitude de Tomependa et deChuchenga, où commence la carte de la Condamine, et de lier cespoints à la côte. La Condamine n’a pu fixer que la longitude de labouche de Napo; les gardes tems n’existaient pas; de sorte que leslongitudes de ces contrées ont besoin de beaucoup de changemens.Mon chronomètre de Louis Berthoud, fait merveilles, ainsi que jem’en assure, en m’orientant de tems en tems, par le premier sa-tellite de Jupiter, et en comparant, point pour point, mes diffé-rences de méridiens à celles qu’a trouvées l’expédition de M. Fidalga,qui, par ordre du Roi, a fait des opérations trigonométriques deCumana à Carthagène. Depuis l’Amazone, nous avons passé les Andes par les mines de Haalgayac (qui donnent un million depiastres par an, et où la mine de cuivre grise argentifère se trouve à2065 toises). Nous descendîmes à Truxilla, par Cascamarca (où,dans le palais d’Atatualpa, j’ai dessiné des arcs de voûtes péruviennes);suivant de là par les déserts de la côte de la mer du Sud à Lima, oùla moitié de l’année le ciel est couvert de vapeurs épaisses, je mehâtais d’arriver à Lima pour y observer le passage de Mercure, du 9Novembre 1802. Par un heureux hasard j’en ai vu, et je crois bienvu, la sortie au Callas...... (Suivent deux pages de calculs et dedétails purement astronomiques). Nos collections de plantes et de dessins, que j’ai faits sur l’anato-mie des genres, conformément aux idées que le cit. Jussieu m’avaitcommuniquées dans des conversations à la Société d’Histoire-natu-relle, ont augmenté beaucoup par les richesses que nous avons trou-vées dans la province de Quito, à Loxa, à l’Amazone et dans laCordillière du Pérou. Nous avons retrouvé beaucoup de plantes vuespar Joseph Jussieu, telles que le Llogue affinis quillajac et d’autres.Nous avons une espèce de julienne qui est charmante; des collatix,plusieurs passiflores et loranthus en arbre de soixante pieds de haut;sur-tout nous sommes très-riches en palmes et en graminées, surlesquelles le cit. Bompland a fait un travail très-étendu. Nous avonsaujourd’hui 3784 descriptions très-complètes en latin, et près d’untiers de plantes dans les herbiers, que faute de tems nous n’avonspu décrire. Il n’y a pas de végétal dont nous ne puissions indiquerla roche qu’il habite, et la hauteur, en toises, à laquelle il s’élève;de sorte que la géographie des plantes trouvera dans nos manuscritsdes matériaux très-exacts. Pour mieux faire, le cit. Bompland etmoi, nous avons souvent décrit la même plante séparément; maisdeux tiers et plus des descriptions appartiennent à l’assiduité seuledu cit. Bompland, dont on ne pourrait trop admirer le zèle et ledévouement pour le progrès des Sciences. Les Jussieu, les Des-fontaines, les Lamarck, ont formé en lui un disciple qui ira bien loin. Nous avons comparé nos herbiers à ceux de M. Mutis; nous avonsconsulté beaucoup de livres dans l’immense bibliothèque de cegrand homme; nous sommes persuadés que nous avons beaucoup |324|de nouveaux genres et de nouvelles espèces; mais il faudra bien dutemps et du travail pour décider ce qui est réellement neuf. Nousrapportons aussi une substance silicieuse analogue au tabaschin desIndes-Orientales, que M. Mutis a analysée. Elle existe dans lesnœuds d’un graminée gigantesque qu’on confond avec le bambou,mais dont la fleur diffère du bambusa de Schreber. Je ne sais si lecit. Fourcroy a reçu le lait de la vache végétale (comme les Indiensnomment l’arbre); c’est un lait qui, traité avec l’acide nitrique,m’a donné un caoutchouc à odeur balsamique, mais qui, loin d’êtrecaustique et nuisible comme tous les laits végétaux, est nourrissantet agréable à boire; nous l’avons découvert dans le chemin del’Orénoque, dans une plantation où les negres en boivent beaucoup.J’ai aussi envoyé au cit. Fourcroy, par la voie de la Guadeloupe,comme à sir Joseph Banks, par la Trinité, notre dapiché ou lecaoutchouc blanc oxigéné que transude par ses racines un arbre dansles forêts de Pimichin, dans le coin du monde le plus reculé, versles sources de Rio-Negro. Enfin, après trois ans d’attente, la mécanique céleste de Laplace (Novembre 1802) nous est arrivée; je me suis jeté dessus avec uneavidité sans bornes..... Ce livre m’a ranimé à continuer les recherches sur les maréesatmosphériques, sur lesquelles j’ai fait nombre d’observations, en1799, à Cumana; recherches dont j’ai parlé dans une lettre au cit. Lalande. Godin en a su quelque chose sans en indiquer la cause. Mosely, dans un Ouvrage sur les maladies des Tropiques, dit fausse-ment que le baromètre est au maximum quand le soleil est au mé-ridien; mais cela est très faux. Le maximum a lieu à 21 h. et à11 h.; le minimum à 4. h. et à 15 h. 1/2. La lune ne paraît pas autantaltérer les époques que la quantité des élévations. J’observe à pré-sent sur-tout les jours d’opposition et de conjonction; et commemon baromètre donne les 20 ’ de ligne, je ne doute pas que le cit. Laplace, dont le génie a dompté les marées de la mer, ne découvreles lois des marées de l’air, lorsque je lui aurai fourni quelquesmilliers d’observations. Voyez comme le phénomène est frappant:
p. lig.
24 Novembre 10 h. du matin, 27 5 75
— — — — — 12 45 m. .... 5 45
— — — — — 2 0 .... 5 25
— — — — — 3 30 .... 5 10
— — — — — 4 45 .... 5 0
— — — — — 5 30 .... 5 10
— — — — — 7 0 .... 5 40
— — — — — 8 0 .... 5 60
— — — — — 9 0 .... 5 65
— — — — — 10 30 .... 5 65
J’observe en même tems l’hygromètre et le thermomètre. Monbaromètre est anglais. Je me suis engagé trop loin. Je voulais écrire à mon cher ami Pommard. Je n’en ai plus le tems, il m’aime, il m’excusera. Je ne vais pas aux Philippines; je passe par Acapulco, le Mexique,la Havane, en Europe, et je vous embrasserai, a ce que j’espère, en |325| Septembre ou Octobre 1808, à Paris. Je serai en Février au Mexiqueen Juin à la Havane; car je ne pense à rien qu’à conserver les ma-nuscrits que je possède et à les publier. Que je désire être à Paris!

Salut et respect. Humboldt.