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Alexander von Humboldt: „Extrait d’une lettre écrite de l’Amérique méridionale par M. de Humboldt, naturaliste prussien, de l’académie royale de Berlin“, in: ders., Sämtliche Schriften digital, herausgegeben von Oliver Lubrich und Thomas Nehrlich, Universität Bern 2021. URL: <https://humboldt.unibe.ch/text/1801-Extrait_d_une_lettre_ecrite-1> [abgerufen am 19.04.2024].

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https://humboldt.unibe.ch/text/1801-Extrait_d_une_lettre_ecrite-1
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Titel Extrait d’une lettre écrite de l’Amérique méridionale par M. de Humboldt, naturaliste prussien, de l’académie royale de Berlin
Jahr 1801
Ort Paris
Nachweis
in: Le Publiciste (3 Pluviôse an 9 [12. Februar 1801]), S. 1–2.
Postumer Nachdruck
Alexander von Humboldt, Briefe aus Amerika 1799–1804, herausgegeben von Ulrike Moheit, Berlin: Akademie 1993, S. 105–108.
Sprache Französisch
Typografischer Befund Antiqua; Spaltensatz; Auszeichnung: Kursivierung; Fußnoten mit Ziffern.
Identifikation
Textnummer Druckausgabe: II.11
Dateiname: 1801-Extrait_d_une_lettre_ecrite-1
Statistiken
Seitenanzahl: 2
Spaltenanzahl: 4
Zeichenanzahl: 8810

Weitere Fassungen
Extrait d’une lettre écrite de l’Amérique méridionale par M. de Humboldt, naturaliste prussien, de l’académie royale de Berlin (Paris, 1801, Französisch)
Auszug eines Schreibens des Herrn Alexander von Humboldt, aus Cumana in Südamerika vom 17ten Oktbr. 1800, an seinen Bruder, Herrn Wilhelm von Humboldt in Paris. Uebersetzt aus dem Publiciste, Tridi 3 Pluviose An IX (Berlin; Stettin, 1801, Deutsch)
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Extrait d’une lettre écrite de l’Amérique méridionale parM. de Humboldt (1) , naturaliste prussien, de l’académieroyale de Berlin.

Je ne saurois assez vous répéter combien je me trouve heureuxdans cette partie du monde, où je suis déjà si bien acclimaté qu’ilme paroît que je n’ai jamais habité l’Europe. Il n’y a peut-êtrepas d’endroit dans l’Univers où l’on puisse vivre plus agréablement& plus tranquillement que dans les colonies espagnoles que jeparcours depuis quinze mois. Le climat y est très-sain, la chaleurne commence à être forte qu’à neuf heures du matin, & ne dureque jusque vers les sept heures du soir; les nuits & les matinéesy sont plus fraîches qu’en Europe. La nature y est riche, variée,grande & majestueuse au-dessus de toute expression. Les habitanssont doux, bons & affables, insoucians & ignorans à la vérité, maissimples & sans prétentions. Nulle situation ne sauroit être plus favorable au travail & à l’étudeque celle où je me trouve; les distractions, que cause la sociétédans les pays cultivés, ne m’en détournent point ici, & la naturem’offre sans cesse des objets nouveaux & intéressans. La seule chosequ’on puisse regretter dans cette solitude, c’est de ne pas se trouveren contact avec les progrès que font les lumieres & les sciences en Europe, & d’être privé des avantages qui naissent de la commu-nication des idées. Mais si c’est là un motif pour ne pas desirerd’y rester toute sa vie, on peut y passer certainement deux ou troisans d’une maniere délicieuse. L’étude des diverses races d’hommesqui se trouvent mêlées ici, des Indiens, & sur-tout des Sauvages,suffit seule pour occuper l’observateur. Parmi ceux des habitansqui tirent leur origine de l’Europe, j’aime sur-tout à m’entreteniravec les colons qui habitent les campagnes. Ils ont conservé toutela simplicité des mœurs espagnoles du quinzieme siecle, & l’onrencontre souvent en eux des sentimens d’humanité & des maximesd’une vraie philosophie, que l’on cherche quelquefois en vain parmiles nations que nous nommons cultivées. C’est pourquoi je m’ar-racherai difficilement à ce pays, pour passer dans des colonies plusriches & plus peuplées. On y trouve, à la vérité, plus de ressourcespour l’instruction; mais on y rencontre aussi plus souvent de ceshommes qui, tout en débitant des maximes de philosophie, endémentent les premiers principes par leurs actions; qui, leur Raynal à la main, maltraîtent leurs esclaves; & en parlant avec enthou-siasme de la grande cause de la liberté, vendent les enfans de leursnegres deux ou trois mois après leur naissance. Quel désert, eneffet, ne seroit point préférable à un commerce avec des philo-sophes de cette espece! J’ai pénétré par terre depuis les côtes de Porto-Cabello & legrand lac de Valence par les Lianes & l’Apurée jusqu’aux sourcesde l’Orenoque & jusqu’à la riviere Niu, sous l’équateur; j’ai par-couru le vaste pays entre l’Orenoque & la riviere des Amazonnes ou le Popayan & la Guyane; pays dans lequel les Européens nesont entrés que depuis 1753, & dans lequel il n’y a encore au-delà des Cataractes que 1800 blancs à-peu-près, rassemblés dansdes especes de villages. J’ai passé deux fois les Cataractes, & jesuis revenu de Saint-Charles sur la riviere Noire à la Guyane, parla force des courans, en vingt-cinq jours, sans compter les joursde relâche, & en faisant cinq cents lieues. J’ai fixé la latitude & la |Spaltenumbruch| longitude de plus de cinquante endroits; j’ai observé beaucoup d’im-mersions & d’émersions de satellites, & je donnerai une carte détailléede ce vaste pays habité par plus de deux cents peuplades indiennesdont la plupart n’ont jamais vu un homme blanc, & qui ont desidiômes & des formes très-différentes. J’ai résisté heureusement auxfatigues de ce pénible voyage de 1300 lieues, où, pendant quatremois nous avons eu cruellement à souffrir des pluies, des formi-dables Mosquites, des fourmis & sur-tout de la faim. Nous avonstoujours couché dans les bois; des bananes, du manioc, de l’eau& quelquefois du riz ont été toute notre nourriture. Mon ami Bonpland (2) a été plus affecté que moi des suites decette course. Il eut, à notre arrivée à la Guyane, des vomissemens& une fievre qui me firent craindre pour lui, ce qui provenoit vrai-semblablement du mauvais effet des alimens auxquels nous n’étionspas accoutumés de puis si long-tems. Voyant qu’il ne guérissoit pointà la ville, je le transportai à la campagne d’un de mes amis D. FélixFerreras, qui est située à quatre lieues des bords de l’Orénoque,dans une vallée élevée & passablement froide. Dans ce climat dutropique, il n’y a pas de remede plus prompt que le changementd’air: aussi mon ami y rétablit-il sa santé en peu de jours. Je nesaurois vous exprimer les inquiétudes que j’ai eues pendant sa ma-ladie: jamais je n’aurois retrouvé un ami plus fidele, plus actif &plus courageux. Dans ce voyage, où souvent, tant parmi les In-diens que dans des déserts remplis de crocodiles, de boas & detigres, nous étions entourés de dangers, il a donné des preuvesétonnantes de courage & de résignation. Jamais sur-tout je n’ou-blierai l’attachement généreux qu’il m’a témoigné dans une tem-pête que nous éprouvâmes au milieu de l’Orénoque, le 6 avril1800. Notre pirogue étoit déjà aux deux tiers remplie d’eau, & lesIndiens qui étoient avec nous commençaient à se jetter à l’eau pourgagner le rivage à la nage. Mon généreux ami m’invita à imiterleur exemple, & m’offrit de me sauver en nageant. Le sort ne voulut point que nous périssions dans cet endroit désert,où, à dix lieues à la ronde, personne n’eût pu découvrir même lestraces de notre perte. Mais notre situation étoit vraiment effrayante,le rivage étoit éloigné de plus de trois quarts de lieues de nous, &un grand nombre de crocodiles se montroient à mi-corps sur l’eau.Echappés même à la fureur des vagues & à la voracité des crocodiles,arrivés au rivage, nous aurions péri de faim ou nous aurions étédévorés par les tigres, car les bois en cet endroit sont si touffus,si entrelacés de lianes, qu’il est absolument impossible d’y avancer.Une hache à la main, l’homme le plus robuste n’y feroit pas unelieue en vingt jours. La riviere même est si peu fréquentée, qu’àpeine en deux mois y passe-t-il un canot d’Indiens. A l’instant leplus critique, un coup de vent gonfla la voile de notre nacelle, &nous releva d’une maniere presque incompréhensible. Nous ne per-dîmes que quelques livres & des vivres. Quel sentiment doux nous éprouvâmes, lorsque la nuit, descendusà terre & assis sur le sable, nous soupâmes ensemble sans qu’aucun nousmanquât. La nuit étoit obscure & la lune ne pénétroit que momentané-ment à travers des nuages épais chassés par le vent. Le moine qui nousaccompagnoit adressa des prieres à Saint-François & à la Vierge. Toutle monde étoit pensif, attendri, occupé de l’avenir. Nous étions encoreau nord des grandes Cataractes que nous devions passer en deux jours;nous avions plus de 700 lieues à faire dans cette pirogue qui, commel’expérience nous l’avoit prouvé, pouvoit chavirer si facilement. Cesinquiétudes cependant ne durerent que cette nuit. La journée suivantefut belle, & le calme qui regna dans la nature rentra dans nos ames.Nous rencontrâmes le lendemain une famille de Caraïbes qui venoientdes bouches de l’Orénoque pour chercher des œufs de tortue & quifirent ce terrible voyage de 200 lieues, plus par amusement & entraînéspar la passion de la pêche, que par besoin. Cette société acheva denous faire oublier nos désastres. Après un mois de séjour à la Guyane, nous prîmes le chemin des
(1) Ce savant est déjà connu par plusieurs ouvrages de chymie& de minéralogie. Il a écrit aussi sur le galvanisme. Après avoirvisité une partie de l’Europe, il est parti pour l’Amérique en juin1799, dans la seule vue d’observer la nature & les hommes. Sa lettreest adressée à son frere, homme de beaucoup d’esprit, fort instruit,qui voyage aussi pour étendre ses connaissances, & recueillir desobservations utiles. Il réside en ce moment à Paris.(2) Naturaliste français, né à la Rochelle.
|2| |Spaltenumbruch| Lianes pour aller à Barcelonne ou Cumanagota. Nous avions déjàtraversé ce même pays au mois de janvier dernier. Alors nous y avionscruellement souffert par la poussiere & le manque d’eau; nous avionsété obligés quelquefois de faire des détours de trois à quatre lieuespour trouver un eau croupissante. Cette fois, c’étoit la saison despluies & nous avions de la peine à avancer dans des plaines entière-ment submergées. Ce pays ressemble dans cette saison à la Basse-Egypte, &c.
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