ESQUISSE D'UN TABLEAU GEOLOGIQUE DE L'AMERIQUE MERIDIONALE, Par F. A. Humboldt. Cette esquisse est l'extrait d'un memoire que M. Humboldt a envoye, avec une collection geologique, aux directeurs du cabinet d'histoire naturelle de Madrid. Je continue de tracer le tableau geologique de l'Amerique meridionale, dont j'ai envoye deux esquisses avec les caisses de graines et de mineraux que j'ai fait partir pour Madrid depuis Caracas et Nueva-Valencia. J'ai termine depuis ce temps un voyage de 1200 lieues decrivant un carre entre Caripe, Portocabello, le Pimichin et l'Esmeralde; carre qui embrasse un espace de plus de 59,000 lieues carrees, ne connoissant le terrein depuis la montagne de Parca jusqu'a Portocabello, et depuis la cote septentrionale jusqu'a la vallee de la riviere noire qui se joint a celle de l'Amazone. Plus vaste est ce terrein et plus je dois me contenter d'esquisser a grands traits, d'eviter les details, de peindre la charpente du globe, le nivellement du continent, la direction des couches, leurs inclinaisons, leur anciennete relative, leur analogie avec les formations de l'Europe... Ce sont-la les besoins urgens de la science; il faut s'orienter en mineralogie comme on s'oriente en geographie: nous connoissons des pierres et non des montagnes; nous avons des materiaux et nous ignorons leur ensemble. Puissai-je me flatter que parmi le grand nombre d'objets qui m'occupent dans ce voyage autour du monde, mes recherches servent a repandre quelque jour sur la construction du globe. Les voyages penibles que j'ai fais depuis huit ans dans les differentes parties de l'Europe n'ont eu que ce meme but, et si j'ai le bonheur de retourner et de retoucher les manuscrits geognostiques que j'ai laisses en France et en Allemagne, je dois esperer de pouvoir hasarder un tableau general de la charpente du globe. On verra alors ce que j'ai annonce depuis longtemps, que la direction et inclinaison des couches primitives, l'angle qu'elles forment avec le meridien du lieu et de l'axe de la terre, sont independantes de la direction et de la pente des montagnes, et qu'elles suivent des loix et un parallelisme general qui ne peut etre fonde que dans l'attraction et la rotation du globe. On verra, ce que les excellens mineralogistes, Mrs. Freieleben, Buch et Gruner, ont prouve mieux que moi, que la suite des couches secondaires que l'on croyoit propres a quelques provinces bien recherchees et fouillees, telles que la Thuringe et le Derbyshire, est un phenomene general, et qu'il existe une identite de couches en formations, qui annoncent que les memes depots se sont precipites en meme temps sur toute la surface du globe. Toutes ces idees sont du plus grand interet, non-seulement pour le philosophe qui cherche a s'elever a des idees generales, mais aussi pour le mineur, dont l'art consiste a deviner ce qu'il ne voit pas, et qui doit se fonder sur l'analogie des experiences bien faites. Elles fondent une science certaine et nouvelle, parce qu'elles se bornent a la partie descriptive; elles tracent le tableau du monde tel qu'il est, et non le mode par lequel il s'est forme. La geologie n'est devenue une science incertaine que depuis que l'imagination des hommes s'est plus attachee a cette partie de l'histoire qui manque presque totalement de traditions et de monumens intelligibles. Avant de decrire les couches que j'ai reconnues depuis l'equateur jusqu'a la cote de la province de Venezuela, jetons un coup-d'oeil general sur la forme de ce continent. Malheureusement nous manquons presqu'entierement de donnees pour servir de base a notre raisonnement. Depuis un demi-siecle on a ramasse quelques materiaux curieux, mais aucune idee que l'on puisse nommer geologique n'est devenue publique. Le grand genie de la Condamine, le zele de D. George Juan de Ulloa n'auroient pas manque de nous eclairer, mais alors la mineralogie n'existoit presque pas. Buffon dit encore, en 1768, que le feldspath des porphyres etoit des pointes d'oursins reunies par un ciment. Tout ce que l'on put faire alors, c'etoit de mesurer et de niveler. Travaillant dans la haute Cordillere des Andes qui va du nord au sud, depuis Zitara au cap Pilar, et admirant leur hauteur immense, on oublia que l'Amerique meridionale presente d'autres cordilleres qui vont de l'est a l'ouest paralleles a l'equateur, et qui, par leur elevation, meritent du moins autant l'attention des naturalistes que les Carpathes, le Caucase, les Alpes du Valais et les Pyrenees. On nous depeint tout ce vaste terrein qui a l'est des Andes se prolonge en talus vers les cotes de la Guiane et du Bresil, comme de basses pleines sujettes aux inondations des rivieres; comme il n'y a que quelques moines, missionnaires de S. Francois, et rarement quelques soldats qui passent en avant au-dela des cataractes jusqu'au Rio-Negro, les habitans de la cote de Caracas meme s'imaginent que les vastes pleines (Llanos de Calabozo, del Guarico, de Apure) qu'ils voient au sud des vallees de Aragua, se prolongent sans interruption jusqu'aux Pampas de Buenos-Ayres et les Patagons, mais il s'en faut de beaucoup que ces Llanos se prolongent jusques-la. Les Llanos ne sont pas contigus, mais ce sont des phenomenes repetes au Canada, a Yucatan; a l'eile de S. Domingue, au nord de la Sierra de S. Martha, dans la province de Barcelone, et entre Monte-Video et Mendoza; comme dans la Nouvelle-Hollande, la partie occidentale de la Hongrie et le pays d'Hanovre. Ils sont separes par des cordilleres et ne sont pas situes dans le meme niveau, tout aussi peu que les deserts (Llanos) de l'Afrique et les Steppen de la Tartarie qui forment des gradins a mesure que l'on s'eloigne de la mer. Lorsqu'on fait abstraction des irruptions que la mer du nord, la mediterranee etc. ont causees dans l'ancien continent, on voit que la direction de ces cordilleres n'est pas si differente de celle du nouveau continent, que la plupart des naturalistes le pretendent; nous y reconnoissons aussi les traces de plusieurs hautes chaeines de montagnes, qui vont du nord au sud et d'ou partent d'autres qui se prolongent de l'est a l'ouest. Nous croyons voir que d'un cote les granits et schistes micaces de la Norwege, de l'Ecosse, du pays de Galles, de la Bretagne, de la Galice, de l'Alentejo, du cap Bogador (j'en ai trouve a Tenerife avec des grenats), de la haute Guinee, du Congo et du Tafelberg, et que d'un autre cote les montagnes primitives de Orenbourg, du Caucase, du Liban, de l'Abyssinie et de Madagascar ne constituoient originairemet que deux grandes cordilleres paralleles au meridien. Dans le nouveau continent cette cordillere parallele au meridien, se prolonge depuis le cap Pilar jusqu'au nord de la Californie, au-dela de Nutca et prince-Williams-sound, vers les montagnes Aleganhy que M. Stewart a reconnues en 1792, dans son voyage aux sources du Missury, partie septentrionale des Andes, habitee par des Indiens presqu'aussi cultives que les Peruviens du 15e. siecle. De cette cordillere partent des rameaux de montagnes primitives qui courent de l'ouest a l'est; je ne connois pas celles de l'Amerique septentrionale, mais il paroeit qu'il y en a au Canada sous le 50°. et 42°. de latitude b., comme dans le continent detruit du golfe du Mexique, sous les 19°. et 22° (temoins les montagnes de Cubes et S. Domingue). Dans l'Amerique meridionale, il y a trois chaeines primitives paralleles a l'equateur sous le 9°. et 10°. la chaeine de la cote, sous le 3° a 7° la chaeine qui donnant lieu aux grandes cataractes de Atures (lat. 5° 39') et Maypure (5° 12' 58"), que je nommerai la chaeine des cataractes ou de la Parime, et sous les 15° et 20° de latitude meridionale la chaeine de Chiquitos. On peut suivre ces chaeines au-dela de l'ocean a l'est dans l'ancien continent, et l'on voit que sous la meme hauteur du pole, les montagnes primitives des gouvernemens de Fernanbouc, de Minas, de la Bahia et de Janeyro correspondent avec celles de Congo: que l'immense plaine de l'Amazone se trouve vis-a-vis des plaines de la Basse-Guinee; la cordillere des cataractes vis-a-vis de la Haute-Guinee, et les Llanos du Mississippi, engloutis sous les flots, lors de l'irruption du golfe du Mexique, vis-a-vis le desert de Serah. Cette idee paroeit moins hasardee lorsqu'on envisage l'ancien et le nouveau continens comme separes par la force des eaux. La forme des cotes, les angles rentrans et saillans de l'Amerique, de l'Afriqueet de l'Europe, annoncent cette catastrophe; ce que nous nommons ocean atlantique n'est qu'une vallee creusee par la force des eaux. La forme pyramidale de tous les continens dont la pointe est dirigee au sud, le plus grand applatissement du globe au pole austral, et d'autres phenomenes observes par M. Reinhold Forster paroissent prouver que l'impulsion des eaux venoit du sud. Trouvant de la resistance sur la cote du Bresil depuis Rio Janeiro jusqu'a Fernanbouc, elles se dirigerent depuis les 50° lat. b. au nord-est, en creusant le golfe de Guinee, pres de Loango, Benin et Minc; de la les montagnes de la Haute-Guinee les forcerent de se porter au nord-ouest, detruisant jusqu'a 23° lat. b., les cotes de la Guiane, du Mexique et de la Floride. Retenues par la haute cordillere des Etats-Unis, elles detournerent une seconde fois vers le nord-est, epargnant moins les cotes occidentales de l'Europe que celles du nord de l'Amerique. Ce canal est le moins large au Bresil et au Gronlande, mais la geographie des animaux et des vegetaux paroeit indiquer qu'il se forma dans un temps ou aucun ou peu de germes d'etres organises ne s'etoient developpes sur le globe. Il seroit tres-interessant pour la geologie, si dans une navigation faite aux frais d'un gouvernement, on faisoit rechercher la direction, l'inclinaison et le rapport des couches que presentent les angles rentrans et saillans de l'Amerique et de l'Afrique; on y decouvriroit les memes analogies que l'on a observees au Pas-de-Calais, au Sund, aux colonnes d'Hercule et a l'Hellespont; petites irruptions aussi recentes que les formations secondaires de la roche calcaire du Jura, de Pappanheim, de la Mancha, de Marseille, du Derbyshire et de Suez, qui ne sont toutes qu'un seul depot forme dans le meme temps. Des trois cordilleres de montagnes primitives qui traversent l'Amerique meridionale de l'ouest a l'est, la plus septentrionale, ou celle de la cote de Venezuela est la plus elevee mais la moins large. Depuis le grand plateau du Quito, la vraie chaeine des Andes se prolonge par le Popayan et le Choco a l'ouest du rio Atrato (ou rio San Juan), entre la vallee de Tatabe de la province de Zitara et la province de Biruguete, vers l'isthme ou elle ne forme plus au bord du Chagre qu'un terrein montagneux de 2 a 300 toises de hauteur. C'est de ces memes andes que naeit la cordillere de la cote de Venezuela; des rangees de montagnes plus elevees mais plus irregulieres dans leur agroupement, se dirigent a l'est du rio Atrato, sous le nom de la Sierra de Abibe et des Montes de Cauca par les hautes Savanes de Folu, vers la riviere de la Magdelena et la province de Ste. Marthe. La cordillere de la cote se retrecit a mesure qu'elle s'approche du golfe du Mexique au cap de la Vela, et dirigee d'abord du sud-sud-ouest au nord-nord-est, elle court dehors ouest a l'est, jusqu'a la montagne de Paria, ou plutot jusqu'a la punta de la Galera de l'eile de la Trinite. Sa plus haute elevation est dans les parties que l'on connoeit sous le nom de Sierra Nevada de S. Martha (lat. 11° 2'), et la Sierra Nevada de Merida (lat. 8° 30"), dont la premiere a pres de 5000 et la seconde 5400 varres (pres de 2350 toises) d'elevation. Les Paramo de la Rosa et de Mucuchi, et les montagnes de Merida perpetuellement couvertes de neiges, et vomissant de leurs flancs des eaux bouillantes (hydro sulfureuses), sont plus elevees que le pic de Teneriffe, et ne cedent peutetre en rien au Mont-blanc, qui est plus exactement mesure. Ces colosses et Ste. Marthe se trouvent presque isoles, c'esta-dire entoures de montagnes peu elevees; jusqu'a l'ouest de S. Fe, ou jusqu'a la Sierra de Zuindiu, il ne se presente aucucune ceime couverte de neige, et la Sierra Nevada de Merida se trouve meme au bord du Llano de Caracas qui n'a pas 40 toises d'elevation au-dessus du niveau de la mer. Le Mont-blanc qui termine la haute chaeine des Alpes, presente le meme phenomene. La hauteur des montagnes les plus elevees est si immensement petite en raison de la masse du globe, qu'il paroeit que de tres-petites causes locales ont pu faire accumuler plus de matieres sur un point quelconque. La partie de la cordillere de la cote qui se trouve a l'ouest du lac de Maracaybo, et qui tient immediatement aux Andes, a de grandes vallees dirigees du sud au nord; celles de la Magdelaine, du Cauca, de S. George, du Sinu et de l'Atrato. Ce sont des vallees tres longues, mais etroites, formees par des forets. Cette partie de la cordillere, au contraire, qui se prolonge depuis Merida a la Trinite, renferme trois vallees dirigees de l'est a l'ouest, et qui, telles que la Boheme ou la vallee de Hasli en Suisse, portent toutes l'empreinte d'avoir ete des lacs, qui dans la suite des temps se sont ou evapores, ou ecoules en s'ouvrant un passage. Ces trois vallees sont fermees par les deux rangees de montagnes paralleles, dans laquelle se subdivise la cordillere de la cote depuis le cap de la Vela jusqu'au cap Codera, dont la plus septentrionale est une continuation de la Ste. Marthe, et la plus meridionale, une continuation de la Sierra Nevada de Merida. La premiere se dirige par Burburuta, le Rincon del diablo, las sierras de Mariara, la montagne de Aguasnegras, el monte de Arila et la silla de Caracas au cap Codere. La seconde, 3 a 4 lieues plus meridionale par Guigui, la Palma, les hautes ceimes de Guairaima, Tiara, Guiripa et la Savana de Ocumare aux bouches du Tuy. Ces deux rangees sont reunies par deux bras qui courent du nord au sud, et qui paroissent autant de digues formees par la nature pour contenir ces anciens lacs dans leurs justes limites. Ces digues sont a l'ouest, les montagnes de Carora, le Torito, S. Maria et celle de S. Philippe et Aroa qui separent les llanos de Monai des vallees de Aragua; a l'est, des ceimes arides de los Teques, la Coquiza, Buena Vista et los altos de S. Pedro qui separent les vallees de Aragua, ou celles de la source du Tuy (car depuis le pied de la Coquiza ou la hacienda de Brisenno jusqu'a Valence ce n'est qu'une seule vallee) de la vallee de Caracas. A l'est du cap Codere, une grande partie de la cordillere de la cote de Venezuela a ete detruite et submergee dans la grande catastrophe qui forma le golfe du Mexique. On en reconnoeit les debris dans les hautes ceimes de la Marguerite (le Macanao et le valle S. Juan) et dans la cordillere de l'isthme de Araya qui comprend les schistes micaces de Maniguares, de Chuparipari, le Distilador, le Cerro-grande, la montagne de S. Joseph et celle de Paria; debris que j'ai examines soigneusement, et qui ont tous la meme roche, la meme direction et inclinaison des couches. Les trois bassins ou vallees de Caracas, de Aragua et de Monai sont remarquables a cause de leur niveau au-dessus de la mer; elles s'abaissent par etage, et le plus haut est celui a l'est, preuve suffisante pour concevoir que leur formation est d'une epoque tres-differente et anterieure a celle des Llanos qui declinent de l' ouest a l'est, comme tout le continent de l'Amerique meridionale. J'ai trouve, par une mesure barometrique repetee, la vallee de Caracas de 416 toises, celle de Aragua de 212 toises au-dessus du niveau de la mer; les Llanos de Monai, le bassin le plus occidental paroeit avoir a peine 80 a 100 toises d'elevation. La vallee de Caracas est un lac qui s'est force un passage par la quebrada de Tipe, Catia et rio Mamon; le bassin de Aragua, au contraire, paroeit s'etre desseche peu-a-peu par evaporation, presentant encore un residu de ses anciennes eaux (surchargees de muriate de chaux) dans le lac de Valence qui se retrecit d'annee en annee, decouvrant ses bas-fonds comme des eiles connues sous le nom des Aparecidas. La hauteur de la cordillere de la cote est communement de 6 a 800 toises; ses plus hautes ceimes, la sierra Nevada de Merida et la silla de Caracas (a laquelle nous avons fait un voyage tres-penible pour y porter des instrumens), ont 2350 toises et 1316 toises. Plus a l'est, elle va toujours en abaissant, le cap Codere n'ayant que 176 toises. Le Macanao, dans l'eile de la Marguerite, que j'ai mesure trigonometriquement, n'a que 342 toises, mais cet abaissement n'est si prompt que pour la roche primitive de la cordillere de la cote. Dans cette meme partie de la cote orientale, des accumulations de matieres calcaires secondaires s'elevent depuis le cap Unare, plus haut que le granit feuillete et le schiste micace; ces roches calcaires couvertes de gres a base calcaire, qui suivent la cordillere de la cote a sa pente meridionale, tresbasses du cote de la villa de Cura, s'elevent et s'augmentent en masse vers la pointe orientale du continent. Elles s'elevent dans le Bergantin a 702 toises, dans le Coccollard a 392 toises, dans le Cucurucho du Tumiriquiri (la plus haute ceime de la province de Cumana) a 976 toises, et dans la pyramide du Guacharo a 820 toises de hauteur; et depuis le cap Unare elles forment une rangee de montagnes separees, dans laquelle aucune roche primitive ne paroeit, et qui n'est contigue a la cordillere de schiste micace (de Maniquares et de Paria), que par le Cerro de Meapire, qui, (semblable a ces rameaux du Torito et de los Teques, qui separent les bassins de Monai, Aragua et Caracas), court du sud au nord, depuis le Guacharo et Catouaro a la montagne de Paria, et divise les vallees de Cariaco (bout desseche du golfe de Cariaco) de celle de S. Boniface, qui etoit autrefois au golfe Triste. Nous verrons dans la suite que les accumulations de formation calcaire dans la partie orientale de la cote, paroissent rendre ce pays plus sujet aux tremblemens de terre, et que ce Cerro de Meapire a empeche (lors de l'irruption du golfe de Cariaco et du golfe Triste), que les eaux ne se sont pas reunies pour transformer en eile l'isthme de Araya et la montagne de Paria. La pente (Abfall) de la cordillere de la cote de Venezuela est plus douce au sud que vers le nord, comme l'on s'en appercoit sur-tout lorsqu'on descend des hauteurs de Guigue, par S. Iuan , Parapara, Ortiz vers la Mesa de Paja qui fait deja partie du grand Llano de Calabozo. La pente septentrionale est par-tout tresrapide, et il y aura a peine (a l'exception du Montblanc, audessus de Courmayeur), un precipice plus affreux que la muraille perpendiculairement elevee de 1300 toises, que presente la Silla de Caracas au-dessus de Caravalledo, muraille dont la mesure exacte a ete tres-importante pour les navigateurs, qui, a present, par l'angle d'elevation, peuvent juger de leur distance de la cote, tel que la longitude de 4 h. 37' 32" a l'occident de Paris servira pour s'orienter. Ce phenomene d'une pente plus douce au sud, paroeit contraire a ce qu'on a observe dans d'autres cordilleres du monde, que l'on pretend toutes s'abaisser plus rapidement au sud et a l'ouest. Mais cette contradiction n'est qu'apparente, la partie septentrionale de la cordillere ayant ete emportee par les eaux du golfe du Mexique lors de la grande catastrophe de sa formation, il est possible que la pente du nord ait ete un jour plus douce encore que celle du sud. En fixant ses regards sur la conformation de la cote, on voit qu'elle est assez regulierement dentelee. Les caps de tres Puntas, Codera, S. Roman et Chichibacoa (a l'est du cabo de la Vela), forment une progression de pointes, dont les plus occidentales s'avancent plus au nord que les orientales. Au vent de chaque cap il s'est forme une anse, et l'on ne peut se refuser de reconnoeitre en cette configuration singuliere, l'effet du courant des tropiques (que l'on pourroit nommer le courant de la rotation du globe), effet qui se manifeste aussi dans la direction des cotes de l'eile de Cube, de S. Domingue, de Portorique, de Yacatan et Honduras, meme dans la rangee d'eiles sous le vent (la Grenade, Orchila, Rocca, Aves, Buenayre, Curacao et Aruba), qui sont les ruines de la cordillere du cap Chichibacoa, et sont toutes paralleles a l'equateur. C'est ce meme cap Chichibacoa qui, quoique pas trop eleve, par la resistance qu'il a presentee aux eaux, a sauve le royaume de la Nouvelle- Grenade de ne pas perdre tant de terrein que la capitanie generale de Caracas. La seconde cordillere primitive de l'Amerique meridionale, que j'ai nommee celle des cataractes de l'Orinoco, n'est encore que tres-peu connue. Dans le voyage que nous avons fait a la riviere Noire jusqu'aux frontieres du grand Bara, nous l'avons traversee en plus de 200 lieux, d'abord du nord au sud, depuis le cerro de Uruana jusqu'a l'Atabapo et Tuamini, et puis de l'ouest a l'est depuis les bouches du Ventuari jusqu'au volcan de Duida, que j'ai trouve latitude 3° 13' 26", longitude 4 h. 34' 7" a l'occident de Paris. Cette cordillere, que l'on pourroit aussi nommer celle de la Parime ou du Dorado (nom qui a cause tant de malheurs en Amerique et tant de plaisanteries en Europe), n'est devenue transitable que depuis 30 ans, depuis l'expedition de MM. Ituriaga et Solano; mais tous les etablissemens europeens du Alto Orinoco et du Rio Negro ne contenant aujourd'hui que 400 familles indiennes, et le chemin depuis l'Esmeralde a l'Erevato et Caura s'etant entierement perdu, il s'est presente plus de difficultes a nos recherches dans un pays si peu conquis, que la Condamine n'en a trouve dans sa navigation un peu plus longue sur l'Amazone, riviere dont les bords ont ete peuples depuis tant de siecles. La cordillere des cataractes ou de la Parime se separe des Andes du Quito et du Popayan sous les 3° -- 6° de latitude. Elle se dirige de l'ouest a l'est depuis le Paramo de Tuquillo et S. Martin ou les sources du Guaviare (theatre des exploits du valeureux Philippe de Urre, et ancienne demeure des Orneguas), sur Morocote, Piramena et Macuco en suivant les terres des Indiens Guajibos, Sagi Dagueres et Poigraves ou les grandes rivieres de Meta, Vichada, Zama, Guaviare et Ymirida, sous les 7° de longitude occidentale de Paris, entre les hautes ceimes de Uniama et de Cunavami. Elles forment les raudals de Atures et Maypure, cataractes affreuses, qui offrent le seul passage ouvert aujourd'hui pour penetrer par l'interieur du continent a la vallee de l'Amazone. Depuis le 70° de longitude cette cordillere des cataractes s'eleve et s'elargit beaucoup, occupant tout le vaste terrein compris entre les rivieres de Caura, Erevato, Cavony, Paraguamusi, Ventuari, Jao, Padamo et Manariche, et descendant meme du sud vers les sources de Pasimona, Cachevayneris et Cababury, vers les forets ou les Portugais (s'introduisant dans la domination espagnole), cueillent la salspareille (smilax sarsaparilla, L.), la plus active que l'on connoisse en medecine. Dans ces parages, la cordillere de la Parime ou des cataractes, a plus de 120 lieues de large. Plus a l'est, entre les 68° et 60° de longitude occidentale de Paris, sa continuation est peu connue. Je n'ai avance avec les instrumens astronomiques que jusqu'au rio Guapo, qui entre dans l'Orinoco vis-a-vis le cerro de la Cauclilla (longit. 68° 33' occidentale de Paris). Les Indiens Catarapeni et Maquiritares qui vivent dans la petite mission de l'Esmeralde, ont ete encore 15 lieues plus a l'est au-dela des montagnes de Guanaja et Yamariquin jusqu'au canno Chiguire, mais aucun Europeen ni aucun Indien avec qui les Europeens ont parle, ne connoissent la source de l'Orinoco, qui porte ici le nom de Canno Paragua, et qui (au lieu des 4632 toises de largeur que je lui trouvai, sans eiles, a la Boca de Apure, en latit. 7° 32' 20"), n'y a plus qu'a peine 150 a 200 toises de largeur. La ferocite des Indiens Guaicas, hommes de 4 pieds de haut, mais tres-blancs et tres-guerriers, et sur-tout la valeur des Guajaribos, plus anthropophages encore que les autres nations que nous avons visitees, ne permettroit qu'a une expedition militaire de penetrer au-dela de la petite cataracte (Raudal de Guajaribos), qui se trouve a l'est du Chiguire. Mais le voyage etonnant que D. Antonio Santos a fait nud, peint d'Onotho et deguise tantot en Caribe, tantot en Macacis dont il parloit les langues; ce voyage fait depuis l'Orinoco (la bouche du Rio Caronis), au petit lac de la Parime et a l'Amazone, nous a fait connoeitre la continuation de la cordillere des cataractes. Sous les 4°--5° de latitude et 63° de longitude, elle se retrecit beaucoup, ayant a peine 60 lieues de large. Elle y prend le nom de la Serrania de Quimiropaca et Pacaraimo, chaeine de montagnes peu elevees qui divise les eaux. Celles de la pente septentrionale, le Nocapray, Paraguamuci, Benamo et Mazuruni decoulent vers l'Orinoco et le Rio Esquibo, et celles de la pente meridionale, le rio Curaricana, Parime, Madari et Mao se melent aux eaux de l'Amazone. Quelques degres plus a l'est, la cordillere s'elargit de nouveau, descendant au sud vers le Canno Pirara, le long du Mao ou les Hollandais ont donne au Cerro d'Ucucuamo, le nom magnifique de la montagne d'Or ou du Dorado, montagne d'un schiste micace tres-luisant, qui a aussi fonde la reputation de la petite eile Ypumucena dans le lac de Parime. A l'est du rio Esquibo ou au-dela des terres des Indiens Aturajos, la cordillere se dirige au sud-est; se reunissant aux montagnes granitiques de la Guiane hollandaise et francaise, habitees par des Negres et Caraibes confederes, et donnant naissance aux rivieres de Berbice, de Surinam, Marony, Aprouague et Oyapock. Ce dernier groupe de montagnes s'etend beaucoup: le meme granit feuillete se decouvrant au Baxo Orinoco (8° 20°) entre les bouches de l'Upatu et Acquire, et sous les 2° 14' au nord de l'Amazone dans les montagnes de Fripoupou et de Maya. Telle est la conformation de cette grande cordillere des cataractes, peuplee par une infinite de Sauvages indomptes, peu ou plutot pas du tout connus en Europe. Je dois avertir que je n'ai absolument suivi que mes propres observations, les notions acquises par les Indiens memes et quelques memoires que D. Antonio Santos et quelques-uns de ses compagnons de fortune ont dictes a leurs amis. Les cartes qui existent de cette partie du continent sont absolument fausses, et celle qui est a la suite de l'histoire de l'Evircoco du pere Caulin (ouvrage d'ailleurs plein de merite) a ete trouvee par nos dernieres observations en latitude et longitude, de plusieurs degres plus fausse que la carte que d'Anville a donnee 30 ans plutot; aussi tous les noms indiens y sont defigures, et des montagnes et des rivieres representees ou il n'y en a point: erreur tres-pardonnable, vu que l'auteur n'a jamais passe au-dela des cataractes de l'Orinoco, bien moins encore jusqu'au rio Negro. Aucune partie de la cordillere de la Parime ne s'eleve a la hauteur de la Sierra Nevada de la province de Caracas, ou a 2350 toises. Sa plus haute ceime paroeit etre el cerro de la Esmeralda, ou la montagne de Duida, que j'ai trouvee trigonometriquement a 1323 toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer, presqu'aussi elevee que le Canigou. Sa position dans une plaine riante couverte de palmiers et d'ananas, l'enorme masse qu'il presente du cote de la mission et du rio Cunucunuma et Tamatama, les flammes qu'il jette vers la fin de la saison pluvieuse, tous ces rapports le rendent egalement pittoresque et majestueux. Aucun Indien n'a jamais ete a sa ceime et sa coupe en falaise, comme la force de la vegetation de ces climats s'opposeroit a ce voyage, sans le travail de plusieurs semaines. D'apres le Duida, le Maraguaca (plus a l'est, vers la riviere Simirimoni) et la haute cordillere de Cunarami et Calitamini, connu a Maypure et S. Barbara sous le faux nom de Sipapo, sont les ceimes les plus elevees, ayant 1000--1100 toises de hauteur. L'elevation commune de la cordillere n'est cependant que de 600 toises, et quelquefois moins, toute la partie contenue entre la rive gauche du Cassiguiare (bras de l'Orinoco qui fait la communication avec le rio Negro et l'Amazone) et les sources de l'Ymirida, entre les cataractes et Piramena, entre Carichana et Morocote, ayant ete detruite, et ne representant plus que des rochers isoles sur un sol uni; il paroeit que la cause de cette destruction a ete un ecoulement des eaux du bassin de l'Amazone vers celui de Calabozo et du Baxo-Orinoco; le premier etant de 160 toises plus eleve que le second. La carte geologique que j'ai formee de ces contrees, represente une immense vallee qui reunit les Llanos du rio Negro, Cassiguiare et de l'Amazone, avec ceux de la province de Caracas, de Barcelone et de Cumana; vallee qui decline au nord, et qui est traversee par nombre de rochers isoles; qui sur les bords du Guaviare et Nuta, dans la province de Cassemore, indiquent encore la direction de l'ancienne cordillere. Le bord oriental de cette vallee est la partie la plus basse, et c'est pour cela, que ce qui y est reste d'eau (l'Orinoco d'aujourd'hui) a creuse son lit sur ce bord. La mer auroit-elle elle-meme couvert cette vallee, formant une eile de cette partie de l'Amerique meridionale qui est renfermee entre les 2° et 8° de lat. et les 55° et 70° de longitude? Cette cordillere de la Parime a deux proprietes tres-remarquables; la premiere est que (conformement a ce que l'on a observe ailleurs) sa pente meridionale est beaucoup plus rapide que la septentrionale (les hautes ceimes de Canavami, du Jao, du volcan de Duida, de Maraguaca... sont toutes situees dans la partie la plus meridionale, et taillees a pic vers le sud); la seconde est que cette cordillere ne paroeit contenir aucune roche de formation secondaire (floezgebirge), et par consequent aucune empreinte d'un corps organise. Dans le grand trajet que nous l'avons suivie, nous n'avons observe que du granit, du gneiss, du schiste micace et de corneene schisteuse (hornblendschiefer), nulle part couvert de gres ou de couches calcaires secondaires, qui, dans la cordillere de la cote de Venezuela (dans la partie de l'est), s'elevent a des hauteurs de 976 toises au-dessus du niveau de la mer: la proximite de l'equateur et la rotation at-elle eu de l'influence dans ce phenomene? La troisieme chaeine de montagnes primitives, la cordillere de Chiquitos, ne m'est connue que par les relations de quelques personnes instruites qui ont sejourne a Buenos-Ayres et parcouru les Pampas. Elle reunit les Andes du Perou et du Chili avec les montagnes du Bresil et du Paraguay, se prolongeant depuis la Paz, Potosi et le Tucuman, par les provinces de Moxos, Chiquitos et Chaco, vers le gouvernement des mines et S. Paul dans le Bresil. Les plus hautes ceimes paroissent etre entre les 15--20° de latitude australe; les eaux se partageant a cette hauteur entre l'Amazone et le rio de la Plata. Entre les trois cordilleres dont nous venons de suivre la direction, sont contenues trois larges et profondes vallees; 1°. celle du sud de la cordillere de la cote de Venezuela, limitee par la cordillere des cataractes, ou la vallee de l'Orinoco et Apure (entre les 8--10° lat.); 2°. Celle du rio Negro et de l'Amazone; bordee par les montagnes de la Parime et de la cordillere de Chiquitos (entre les 3° de lat. boreale et 10° de lat. australe), et 3° celle des Pampas de Buenos-Ayres, se prolongeant depuis S. Cruz de la Sierra jusqu'aux Patagons ou cap des Vierges (depuis le 19e au 52° de lat australe). La seconde vallee communique en quelque facon avec la premiere par la destruction d'une partie de la cordillere de la Parime. J'ignore si les Pampas en font autant avec la vallee de l'Amazone; il paroit que non, quoique les Llanos de Monso forment une sorte de canal qui descend du nord-ouest au sud-est. Toutes ces immenses vallees ou plaines sont ouvertes a l'est (se terminant dans une cote basse et sablonneuse), et fermees a l'ouest par la chaeine des hautes Andes. Ce sont des anses qui entrent de l'est a l'ouest (dans la direction des courans de rotation) dans l'interieur du continent, et qui y entrent d'autant plus profondement que le continent est plus large. Les vallees de l'Apure et de l'Orinoco se terminent par les montagnes qui courent depuis Pampelona a Merida, a 73° de longitude, celle des Pampas a 70° de longitude; elles ont toutes une foible pente vers l'est, et paroissent couvertes des memes formations de roches secondaires. M. Tralles dit qu'en Suisse la profondeur des lacs doit plus etonner les naturalistes que l'elevation des montagnes; j'oserois presqu'affirmer la meme chose pour les Llanos de l'Amerique meridionale. Quel spectacle frappant que celui d'un continent dont de grandes parties dans l'interieur (et des parties eloignees de plusieurs centaines de lieues de la cote, et des parties voisines de montagnes qui ont 3000 toises de haut) n'ont que 40 a 50 toises d'elevation au-dessus du niveau actuel des eaux. Si les marees de ces parages etoient elevees comme celles de S. Malo et de Bristol; si les tremblemens de terre agitoient plus l'ocean, une grande partie de ces vallees devroient etre souvent couvertes d'eau. Le plus haut Llanos que j'ai mesure est celui entre les rivieres Ymirida, Temi, Pimichia, Cassiquiare et Guainia (rio Negro), il a 180 toises de haut; mais il descend egalement vers Atures, au nord, comme vers l'Amazone au sud. La vallee de l'Apure et de l'Orinoco est beaucoup plus basse que celle du Cassiqiuare et Calabozo dans le centre du Llano (j'y ai observe, lat. 8° 56' 56", et longit. 4 h 40' 39" a l'occident de Paris). Elle n'a que 33 toises a la capitale de la Guayana, l'Angostura (lat. 8° 8' 24", longit. 4 h. 25' 2"); plus de 80 lieues a l'ouest de la cote elle a a peine 8 toises au dessus du niveau de la mer. En Europe les plaines de la Lombardie sont les plus semblables aux Llanos par leur peu d'elevation; Pavie n'ayant, d'apres Pini, que 34 toises, Cremone 24 toises; les autres plaines de l'Europe sont beaucoup plus elevees, la basse Allemagne (la Saxe, la Silesie inferieure) ayant 87 a 120 toises, les plaines de la Baviere et de la Suabe ayant 230 a 250 toises de hauteur. La pente des Llanos de l'Amerique est si douce, les inegalites en sont si peu sensibles, qu'un rien determine une grande riviere a couler de tel ou tel cote. L'Orinoco qui, sous les 70° de longitude, paroeit vouloir deboucher dans la mer vers Portocabello, se detourne pres de Cabrouta a l'est, sans que l'on en decouvre ni la, ni a S. Fernando de Atabapo (lat. 7° 55' 8") le moindre obstacle qui s'oppose a son cours. Dans la grande vallee du rio Negro et de l'Amazone, il y a (a 2 ou 3° lat, boreale) un terrein de pres de 1600 lieues carrees, limite par les quatre rivieres de l'Atabapo; Cassiquiare, Guainia et Orinoco, qui forment un parallelograme dans lequel les eaux des quatre cotes opposees suivent une direction diametralement opposee. J'ai trouve dans l'Orinoco, depuis la bouche de Guaviare a celle de l'Apure, en 70 lieues de distance, 151 toises de pente, mais depuis la capitale a la mer pas plus de 8 toises. La Condamine a observe exactement la meme chose a l'Amazone qui, depuis le detroit des Pauxis au Para, en 240 lieues, n'a que 14 toises de descente. Peut-etre existoit-il au nord de la cordillere de la cote de Venezuela un Llano qui etoit d'autant plus bas que celui de l'Orinoco, que celui ci est moins eleve que le Llano du rio Negro; peut etre ce Llano est-il pour cela reste couvert des eaux du golfe du Mexique. Guainia est le nom que les Indiens Marisitans donnent au rio Negro, et leur langue est, vers l'equateur, presqu'aussi generale que la langue caribe l'est a 10° lat. Les deux Llanos qui se trouvent aux extremites opposees de l'Amerique meridionale, se distinguent singulierement de celui du milieu ou de la vallee de l'Amazone. Celui-ci est couvert de forets si impenetrables, que les rivieres seules y forment des chemins, et qu'il n'y peut presque pas vivre d'autres animaux que ceux qui habitent les arbres: les pluies continuelles de l'equateur favorisent cette vegetation. Les Llanos de l'Orinoco ou des Pampas, au contraire, sont des plaines couvertes d'herbes, des savannes qui ne contiennent que quelques palmiers epars. Elles presentent les memes chaleurs, le meme manque d'eau, les memes phenomenes de refraction (les objets se presentent suspendus en l'air meme a rebours) que les deserts de l'Afriqueet ceux de l'Arabie . Mais existe-il ailleurs des plaines aussi complettement unies, des plaines qui (mesa de Pavone, mesa de Guanipa), en 800 lieues carrees, ne presentent aucune inegalite de 8 a 10 pouces de hauteur. Les plaines de la basse Hongrie, celles que l'on voit a l'ouest de Presbourg, s'en rapprochent le plus, car celles de la Manche, de la Champagne, de la Westphalie, du Brandebourg et de la Pologne, sont des pays montagneux en comparaison avec les Llanos de l'Amerique meridionale. Un long sejour des eaux (voyez la vallee de Hassli, le lac ecoule de Lungeru) paroeit seule avoir pu produire un sol aussi horisontal; des vestiges d'anciennes villes s'y presentent aussi, mais rarement il y en a qui s'elevent comme des chateaux. (La piedra Guanari longit. 4 h. 38' 14", lat. 1° 59' 48") dans le Llano du Cassiquiare et rio Negro. Mais depuis S. Borja jusqu'a la bouche du rio Negro, la Condamine ne vit aucune monticule, et le Llano de l'Orinoco est aussi sans eiles. Les morros de S. Juan, appartenant encore a la pente meridionale de la cordillere de la cote de Venezuela, l'impetuosite des eaux aura tout emporte, et la mer d'aujourd'hui presente des espaces immenses sans eiles; au lieu de celles-ci les Llanos ont quelques parties tresunies de 2 a 300 lieues carrees, qui sont elevees de 2 a 4 pieds au-dessus des autres, et que l'on nomme mesas ou bancos, nom qui semble deja rappeler que c'etoient des bas-fonds dans l'ancien lac. Il faut aussi observer que dans le Llano de l'Orinoco le milieu est la partie la plus belle et la plus unie (je parle du Llano en general et non du petit lit que l'Orinoco a creuse au sud). Le fond de ce vaste bassin s'eleve et devient inegal vers les bords, c'est pour cela que les Llanos que l'on traverse entre la Guayana et Barcelone sont beaucoup moins parfaits et unis que ceux de Calabozo et Uritucu. La meme difference remarquable que nous avons observee entre la cordillere de la cote de Venezuela et celle des cataractes ou de la Parime, dont la derniere paroeit denuee de formations secondaires; cette meme difference se presente encore entre le Llano septentrional de l'Orinoco et celui de la riviere Noire et l'Amazone. Dans le premier, les roches primitives sont partout couvertes de pierre calcaire dense, de gypse et de gres; dans le second, au contraire, le granit paroeit par-tout au jour. Plus l'on avance vers l'equateur, et plus devient mince la couche de sable (et de gres decompose), qui couvre la croute primitive du globe; dans un pays ou la vegetation est si enormement forte, on voit au milieu des bois des espaces de 40,000 toises carrees de granit qui est a peine couvert de quelques lichens et qui ne s'eleve pas de deux pouces au-dessus du reste du Liano. Observera-t-on un jour la meme chose en Afrique; car il n'y a qu'en Amerique et enAfriquedu continent sous l'equateur? Apres avoir reconnu la direction des montagnes et vallees, ou la forme des inegalites du globe, jetons un coup-d'oeil sur un objet plus important et moins recherche encore; sur la direction et inclinaison des couches primitives (streichen und fallen) qui composent cette petite partie du monde que j'ai parcourue; j'ai cru observer depuis 1792, que cette direction suit une loi generale, et que (faisant abstraction des inegalites que de petites causes locales, sur-tout les couches et filons metalliferes, ou de tres-anciennes vallees ont pu produire) l'on trouve les couches du granit en masse (geschichteter grobkoerniger granit), du granit feuillete, et sur-tout du schiste micace et de l'ardoise (thonschiefer) dirige hora 3 [Formel] de la boussole du mineur en faisant un angle de 52 degres et demi avec le meridien du lieu. L'inclinaison des couches etant au nord-ouest; c'est-a-dire qu'elles tombent parallelement a un corps qu'on lanceroit vers ce cote-la, ou que l'ouverture de l'angle d'inclinaison (moindre que 90°) qu'elles font avec l'axe de la terre est oppose au nord-est. La direction est plus constante encore que l'inclinaison, sur-tout dans les roches simples (ardoises, corneenes schisteuses) ou dans les roches composees qui ont le grain moins cristallin, tel que le schiste micace. Dans le granit (il y en a cependant de tres regulierement stratifie et dirige h. 3--4, incline vers le nordouest a la Schneekoppe, au Ochsenkopf, au Siebengebirge et dans les Pyrenees), dans le gneiss, l'attraction mutuelle des molecules cristallisees paroeit souvent avoir empeche une stratification reguliere; c'est pour cela que l'on decouvre plus d'uniformite dans les schistes micaces et ardoises; ce sont elles qui m'ont fait naeitre la premiere idee de cette loi (streichungsgesez) pendant mon sejour dans le Fichtelberg et Thueringerwald. J'ai mesure depuis tres-soigneusement les angles des couches primitives dans d'autres parties de l'Allemagne, en Suisse, en Italie, dans la France meridionale, aux Pyrenees et recemment en Galice. M. Freiesleben, dont les travaux ont ete si utiles aux progres de la geologie, a bien voulu m'aider dans ces recherches; et nous avons ete surpris de l'uniformite de direction et d'inclinaison que nous avons trouvee a chaque pas dans une des plus hautes cordilleres du monde, les Alpes de la Savoie, du Valais et du Milanais. L'investigation de ce phenomene et de celui de l'identite des couches, appartiennent aux buts principaux que je me suis proposes dans ce voyage aux Indes. Les mesures des angles que j'ai faites jusqu'a present dans la cordillere de la cote de Venezuela et dans celle de la Parime, ont donne le meme resultat que mes recherches en Europe dans la chaeine des montagnes de schiste micace depuis Cavaralleda jusqu'au rio Mamon, a la Silla de Caracas a 1000 toises d'elevation, au Rincon del Diablo, a la montagne de Guigue, dans les eiles du charmant lac de Valence (eleve au-dessus de la mer presqu'autant que celui de Geneve), dans tout l'isthme de Maniquare et de Chupariparu, dans les corneenes schisteuses (hornblendschiefer) qui se decouvrent dans les rues de la capitale de la Guayane; meme dans les cataractes, et le granit stratifie au pied du Duida... Par-tout les couches font un angle de 50° avec le meridien (hora 3--4 de la boussole de Saxe), etant dirigees du nord-est au sud-ouest, et inclinees (tombant) de 60 a 80 au nord-ouest. Cette grande uniformite dans les deux mondes doit faire naeitre des reflexions serieuses; elle nous presente un grand fait geologique. Apres tant d'observations que j'ai faites dans des pays aussi eloignes les uns des autres, on ne pourra plus croire que la direction des couches suit la direction des cordilleres, et que l'inclinaison suit la pente des montagnes. Beaucoup de profils, sur-tout une coupe des montagnes depuis Genes, par la Boquete et le S. Gothard, jusqu'en Franconie en Allemagne, que je compte publier un jour, prouvent diametralement le contraire: la direction et la descente des cordilleres sur-tout; la forme des petites inegalites du globe paroissent des phenomenes plus neufs, plus petits. Un courant a creuse une vallee en tel ou tel sens, a donne telle ou telle direction apparente en emportant une partie de la cordillere. Les couches primitives inclinees et dirigees comme nous les observons aujourd'hui, paroissent avoir preexiste a toutes ces catastrophes; elles sont dans la meme position au sommet des Alpes et dans les mines que nous creusons. Lorsqu'on voyage 15 lieues de suite en traversant des couches d'ardoises inclinees parallelement de 70° au nord-ouest, on n'ose plus croire que ce sont des couches renversees (gestuerzt), et qu'un jour elles etoient horisontales; cela indiqueroit des montagnes de 15 lieues de haut, et la regularite avec laquelle tout cela seroit tombe..., et l'abeime qui recoit cette masse...: et des couches a la lanterre de Genes, ou en haut de la Boquetta, ou a S. Maurice, qui sont exactement paralleles a celles du Fichtelberg, de la Galice , de la silla de Caracas, du Robolo dans l'isthme de Araya, du Cassiquiare pres de l'equateur.... Il faut convenir que cette uniformite indique une cause tresancienne, tres-universelle, tres-fondee dans les premieres attractions qui ont agite la matiere pour l'accumuler dans des spheroides planetaires. Cette grande cause n'exclue pas l'influence des causes locales qui ont determine de petites portions de matieres de s'arranger de telle ou telle maniere, selon les loix de la cristallisation. Delametherie a judicieusement indique ces phenomenes, cette influence d'une grande montagne (comme noyau) sur les voisines plus petites. Il ne faut pas oublier que toute matiere, en outre de l'attraction generale vers le centre s'attire aussi mutuellement. La croute du globe (car nous n'osons parler que de celle-la) doit etre le resultat d'une immensite de forces, d'attraction, d'affinites qui se sont determinees, balancees et modifiees les unes et les autres. M. Klugel a cru trouver (calcule) que le plus grand applatissement de la terre est l'ouest du pole boreal actuel; l'axe de rotation auroit-il change? Quelle sera l'inclinaison des couches dans l'hemisphere austral? Nous ignorons les causes, mais continuons a etudier les phenomenes. Cette inclinaison des couches primitives dans la cordillere de la cote de Venezuela, est d'une grande et triste influence dans la fertilite de la province de Caracas, de Cumana et de Barcelone; les eaux qui s'infiltrent au sommet des montagnes decoulent selon la direction des couches; c'est pour cela que l'on manque d'eau dans le vaste terrein au sud de cette cordillere, et que tant de sources et de petites rivieres naissent a sa pente septentrionale, qu'une humidite trop grande, une abondance de tant d'arbres (qui en outre des longues nuits, sont presque tout le jour a l'abri des rayons du soleil) rend aussi fertile que mal-saine. Les montagnes secondaires que j'ai observees jusqu'ici se trouvent a-peu-pres sous les memes rapports que celles de l'Europe, les plus anciennes paroissent encore avoir ete affectees par cette meme cause qui a determine les couches primitives a se diriger hora 3--4 (ou comme les marins s'expriment, N. 50, E.). Elles sont comme aux Alpes de Berne, du Valais, du Tyrol et de la Stirie, souvent inclinees au sud-est; mais la plupart, et sur-tout les plus neuves, qui sont les plus visibles dans le terrein que j'ai parcouru, ne suivent aucune loi fixe, etant couchees presqu'horisontalement, ou se relevant vers les bords des grands bassins desseches, que nous nommons les Llanos en Amerique, et des deserts en Afrique. La Condamine racontoit a ses amis, qu'au Perou et au Quito il n'avoit vu aucune petrification; cependant la cordillere du Quito n'est pas comme celle de la Parime un granit tout nud, car pres de Cuenca, et au sud, il y a du gypse et de la pierre calcaire secondaire. Buffon agite beaucoup la question (Epoques de la nature), si l'Amerique meridionale contient des petrifications: j'en ai trouve en immense quantite dans une formation de gres calcaire qui couvre la pente septentrionale et meridionale de la cote de Venezuela, depuis les ceimes de S. Bernardin et los altos de Conoma, jusqu'au cerro de Meapire, ou la pointe de Puria et la Trinite. La meme formation se trouve au Tabuge, a la grande terre de la Guadeloupe (car la basse terre est granitique), a S. Domingue... Une immense quantite de coquilles de mer et de terre (deux classes si rarement melees en Europe), des cellulaires, des corallines, des madrepores, des astroites se trouvent englutines dans ce gres; les coquilles sont a demibrisees: il y a des roches entieres qui ne consistent que de ces debris presque reduits en poudre. Mon compagnon de voyage, le citoyen Bonpland, y a meme decouvert des pinna, des venus et des ostrea dont les originaux existent encore vivans sur cette cote; observation tres-importante pour la geologie. Tout annonce que cette formation, que je n'ai pas vue a plus de 9 a 10 lieues de distance de la cote actuelle, est tres recente, et que le fluide dans lequel elle prit naissance, etoit en grande agitation. Plus rares, et dans des positions bien differentes, se trouvent ces coquilles petrifiees que contient une formation de reche calcaire dense, bien plus ancienne que le gres et le gypse, ce sont des anomia, des terebratulites... couchees par famille et indiquant (comme ceux du mont Saleve, de Geneve et du Heinberg pres de Gottingue, ceux de Jena) qu'elles vivoient dans l'endroit meme ou on les trouvoit petrifiees: elles ne sont pas dispersees dans toute la masse de la roche calcaire; non, elles sont propres a certaines couches. On parcourt beaucoup de roches sans en trouver, mais ou l'on en rencontre elles sont en grand nombre, tres-rapprochees, et sur-tout a de grandes hauteurs; proprietes qu'elles ont de commun avec les coquilles que contient la pierre calcaire des hautes Alpes, de la Suisse et du Salzbourg (qui est identique avec le zechstein de Thuringe) et qui repose sur de la grauwake (ou gres tres-ancien). Je dois avertir cependant qu'en outre de la nouvelle formation de gres a base calcaire, dont j'ai parle ci-dessus, les petrifications ne sont pas tres-communes en ces pays; sur-tout j'ai ete frappe de n'avoir pas trouve un seul belemnite ou ammenite, deux sortes d'animaux si communs dans toutes les montagnes de l'Europe. Le Llano de l'Orinoco, et meme celui du rio Negro sont couverts d'une breche a gros cailloux (nagelfluch) qui ne contient pas de coquilles, et qui peut-etre nous cache d'autres couches secondaires qui en sont remplies. Mais cette meme breche (breccia, gres a gros grains) contient des troncs de bois petrifies dont on decouvre les masses d'une toise de long et deux pieds de diametre: il paroeit que c'est une espece de malpigia. Le gres qui contient toutes sortes d'animaux marins petrifies (gres calcaire qui forme les carrieres de la Punta del Barrigon, pres de Araya) ne monte qu'a 30 a 40 toises de hauteur; il forme en plusieurs parages le fond du golfe du Mexique (cabo blanco, punta Araya). Dans la roche calcaire dense je n'ai vu des coquilles que jusqu'a 800 toises; mais d'autres monumens assez neufs prouvent un sejour des eaux a de beaucoup plus grandes elevations. Des cailloux arrondis trouves a la silla de Caracas a 1130 toises de hauteur, prouvent que les eaux (tel qu'au Bonhomme en Savoie), creusoient un jour cette vallee entre les deux pics ou pyramides de l'Avila, ouverture beaucoup plus ancienne que les cinq que l'on compte aujourd'hui dans la cordillere de la cote, l'ouverture du rio Neveri, celle de l'Unare, du Tuy, du Mamon et de Guayguaca. Dans les montagnes de la province de Cumana il y a des vallees circulaires tres-curieuses, qui paroissent des lacs desseches, peut-etre formes par des affaissemens, tels que la vallee de Cumanacoa et celle de S. Augustin (a 507 toises de haut), celebres par la fraeicheur delicieuse qu'elles presentent aux voyageurs. En fixant ses regards sur les effets recens des eaux, on voit deux effets tout opposes: on se rappelle une epoque tres-reculee ou l'irruption des eaux de la mer forma le golfe de Cariaco et le golfe Triste, separa la Trinite et la Marguerite du continent, dechira la cote de Mochima et de S. Fe, ou les eiles de la Boracha, Picua et Caracas ne presentent qu'un amas de ruines. Alors la mer envahissoit les terres; ce conflit n'a pas dure; l'ocean se retire de nouveau: les eiles de Coche et de Cuagua sont des bas-fonds sortis des eaux: la grande plaine (le Salado) sur laquelle Cumana est situe, appartenoit au golfe de Cariaco, plaine qui n'est pas elevee de 5 toises et demie au dessus du niveau de la mer. Le monticule sur lequel est situe le chateau de S. Antonio, etoit une eile dans ce meme golfe, un bras de mer passant (tel que nombre de coquilles presque fraeiches l'indiquent) au nord du Tatoraqual par les charas a punta delegada. Ici et a Barcelone on observe que la mer se retire journellement; au dernier port elle a perdu en 20 ans plus de 900 toises. Cette diminution des eaux est-elle generale dans le golfe du Mexique, ou arrive-t-il ce qu'on a observe dans la mediterranee, que la mer perd sur un point et gagne sur un autre? Cette retraite des eaux ne doit pas se confondre avec un autre phenomene tres-certain et que le physicien explique facilement, qui est la diminution des eaux douces, des pluies et des rivieres en ce continent. L'Orinoco d'a present n'est plus que l'ombre de ce qu'il a ete autrefois, peut-etre il n'y a pas plus de 1000 ans, temoins les empreintes que les eaux ont creusees aux deux bords, a 70-- 80 toises de hauteur, ces cavernes, ces lignes noires, la riviere deposant de la plombagine... Ces empreintes ont depuis longtemps fixe l'attention des Europeens sans culture, qui ont vu le Barraguan, la Cueva de Ataruipe (cimetiere des Indiens Atures qui ont fait des sortes de momies), le Cerro Cuma, Daminari, le Keri, Oco et Ouivitari, dont le pied est a peine aujourd'hui couvert de l'ecume des cataractes de Maypure.... Ces memes empreintes renouvellent aux Indiens la memoire d'un "grand deluge, dans lequel plusieurs hommes se sauvoient sur des radeaux d'Agave, gravant alors des inscriptions et des hyerogliphes dont, a de grandes hauteurs, on voit couverts les granits de Urnana, de l'Incaramada et ceux des bords du Cassiquiare, quoiqu'aucune nation d'aujourd'hui n'en possede un alphabet. Cette tradition repandue parmi les Indiens de l'Erovato et de la Parime, prouve la grande analogie qu'il y a parmi les mythes anciens. On croit lire l'histoire de Deucalion, et l'abbe Pauw ne trouveroit pas peu interessant le memoire de ce deluge. Apres avoir parcouru rapidement les rapports generaux sous lesquels se presentent les montagnes de l'Amerique meridionale aux yeux du geologue, je nommerai les formations (ou roches, gebirgssorten) que j'y ai decouvertes jusqu'a ce jour, en commencant par les plus anciennes. I. Roches primitives, urgebirge. Granit. Toute la cordillere de la Parime, sur-tout le voisinage des volcans de Duida et du Murcielago consiste d'un granit qui ne fait pas transition dans le gneiss. Dans la cordillere de la cote il est presque par-tout couvert et mele de gneiss et schiste micace. Je l'ai vu stratifie en couches de 2 a 3 pieds d'epaisseur, tres-regulierement (hora 3--4) incline au nord-ouest, au sud du Cambury entre Valence et Portocabello; je l'ai trouve avec de grands et beaux cristaux de feldspath (a un pouce et demi de diametre), semblable a celui (grosskoerniger granit) des hautes ceimes du Schneegebirg, du Fichtelberg, de l'Ecosse, de Chamonix et de la Guadarama, au Rincon del Diablo, au sudest de Portocabello; il y est divise par des fentes tres-regulieres en prisme; j'en ai vu a la Calavera du cerro de Mariana au-dessus de Cura, et a la silla de Caracas; prismes que le savant mineralogiste M. Karsten, a aussi observes a la Schneekoppe en Silesie.... En Europe, le nord de l'Allemagne, les pays baltiques (non les plaines du sud du Fichtelberg, dans la Suabe et Baviere) sont remplis d'enormes masses de granit qui se sont ecroulees des hauteurs (geschiebe). Dans les deux Llanos de l'Amerique meridionale que nous avons visites (celui de l'Orinoco et des Amazones), nous n'avons pas trouve de ces masses ni d'autres cailloux de roches primitives. Les montagnes granitiques de los Mariches pres Caracas, du Torito (entre Valence et S. Carlos) et la sierra Nevada de Merida contiennent, comme le S. Gothard, des fentes ouvertes (filons) et tapissees de cristaux de roche assez beaux et tres-grands. Du gneiss (granit feuillete) et du schiste micace couvrant le granit, sur-tout dans la cordillere de la cote de Venezuela. Le gneiss domine sur-tout depuis le cap Chichibocoa jusqu'au cap Codera dans les Teques, la Cocuiza, la montagne de Guigue et les eiles du lac de Valence, ou (au cap Blanc vis-a-vis Guacara) j'ai trouve dans le gneiss ou quartz noiratre qui fait passage a la pierre lydique ou plutot au Kieselschiefer de Werner. Le Macanao de la Marguerite et toute la cordillere de l'isthme de Cariaco n'est que du schiste micace rempli de grenats rouges, et avec un peu de cyanite pres de Maniquarez; des grenats verts sont enchasses dans le granit feuillete de la montagne de Avila; et ce qui est tres-curieux, le schiste micace qui, comme ce gneiss grenatifere (semblable a celui de Persberg en Suede) ne contient aucun grenat; en Europe on trouve generalement l'oppose. Dans le gneiss, de la pierre Calamicari au Cassiquare; et dans le granit de las Trincheras pres de Valence, j'ai vu enchassees des masses rondes (de 3 a 4 pouces de diametre) qui presentent un granit a plus petits grains, compose de feldspath jaune, de beaucoup de quartz et presque pas de mica. Est-ce la un granit plus ancien, contenu dans un plus recent, ou ces masses qui paroissent des cailloux, ne sont-elles que des effets de l'attraction qui rapprochoit quelques molecules plus que d'autres, mais a la meme epoque a laquelle toute la roche se forma? Ce meme phenomene (d'un granit qui paroit en enchasser un autre) s'observe en Silesie, a Wunsiedel, au Fichtelberg, a Chamonix, au S. Bernard, a l'Escurial et en Galice. La nature est uniforme dans ses productions minerales, jusqu'aux plus petites nuances des rapports particuliers. Le schiste micace passe a l'etat de schiste talqueux (talkschiefer) dans la cordillere de la cote, a la montagne de Capaya et a la Quebrada secca pres du Valle del Tuy. Dans la cordillere de la Parime on trouve de grandes masses d'un talc tres-brillant, qui a tant contribue a donner de la reputation au Dorado ou Cerro Ucucuamo (situe entre la riviere d'Esquivo et celle du Mao, a l'eile Pumacena..... Le grand eclat de feu avec lequel se presente quelquefois depuis la cataracte de Maypure, au soleil couchant, la pyramide tronquee du grand Cerro Calitamini (pres du Cunavami) paroeit aussi dau a une couche de schiste talqueux qui est taille perpendiculairement et expose a l'ouest. De petites idoles de nephite ou jade tendre que j'ai vu venant de l'Erovato, indiquent qu'il y a peut-etre au sud du Raudal de Mura des roches de jade dans le gneiss, a l'analogie de celles que j'ai trouvees au pied du Gothard, pres d'Ursorn. Cette formation a ete repetee par la nature a Tapajos, sur l'Amazone, ou dans les terres des Indiens Tupinambaros. La Condamine decouvrit la variete de jade dure, connue sous le nom de pierre de l'Amazone. Le granit, le gneiss et le schiste micace contiennent ici (comme en Europe) des couches subordonnees (untergeordnete lager) de chloride schisteuse (chloritschiefer de Werner), dans la mer pres du cap blanc, a l'ouest de la Guayra. De la corneene schisteuse (hornblendschiefer) tres-pure et tres-belle dans les rues de la Guayane, et plus au sud dans la cordillere de la Parime, des couches de feldspath decompose en terre a porcelaine, dans la Silla de Caracas; des couches de quartz avec du titanium a la Cruz de la Guayra et el Arroyo del Robalo dans l'isthme de Cariaco, des couches de quartz contenant du fer magnetique aux sources du Catuche pres de Caracas; de la pierre calcaire primitive (koernigblattriger kalkstein), roche calcaire feuilletee sans tremolide, mais avec beaucoup de pyrites et du fer. (spathiger eisenstein) A la Quebrada de Topo dans le chemin de Caracas a la Guayra... (Cette roche calcaire paroeit absolument manquer dans la cordillere de la Parime, ou l'on cherche de la chaux depuis beaucoup d'annees).... De la plombagine schisteuse ( zeichenschiefer ), carbure de fer, graphit assez pure dans la quebrada de Tocume pres de Chacao, de la quebrada secca pres du Tuy et au nord de la Laguna Chica, dans le chemin penible qui traverse l'isthme de Cariaco pour aller au cap Chiparipara... Des filons de quartz qui contiennent des pyrites et de l'antimoine auriferes, de l'or natif, des mines de cuivre gris (fahlerz), de l'azure de cuivre, du malachite... Les mines de cuivre d'Aroa sont les seules que l'on exploite; 60 a 70 esclaves produisent au plus 1500 quintaux de cuivre rafine par an (le quintal se vend a 12 piastres). La vallee ou s'exploitent les mines (qui paroissent un nid ou reunion de filons), est moins dangereuse pour la sante que les vallees plus pres de la mer, ou les Indiens lavent de l'or, a Urama, Maron et Alpagoton, ou ainsi que dans la vallee fertile de Cararinas (entre Nirgua et le rio Jaracuy), l'air paroeit un poison. Mais ces memes endroits plus mal sains contiennent des filons beaucoup plus riches. L'or est disperse par toute la province, principalement dans les couches de quartz, a Baruta, Catia, Guigue, Quebrada del Oro pres du Tuy, et surtout au Cerro de Chacao et real de Santa Barbara pres de S. Juan, ou j'ai trouve de la baryte, la seule que j'ai vue dans ces pays. Toutes les rivieres de la province de Caracas charrient de l'or. Il n'en est pas plus prouve pour cela que la province contienne de riches filons d'or inconnus; l'or peut etre disperse dans toute la masse granitique, et je ne connois pas de haute cordillere granitique en Europe et ici, dont les rivieres ne donnent pas de l'or. Le cerro Duida de l'Esmeralde (dans le Dorado), la Quebrada du Tigre pres de l'Encaramada et des cerros de Amoco, le real de S. Barbara pres de S. Juan, la Quebrada de Catia, les mines d'alun de Chuparuparu, quelques vestiges de mines de fer dans le Llano de S. Sebastien, et surtout Aroa si riche en cuivre, semblent reclamer l'industrie des mineurs. Ardoise (thonschiefer), assez rare; cependant couvrant le schiste micace a la pente meridionale de la cordillere de la cote de Venezuela, pres du Llano, dans las Quebradas de Malparo et Piedra Azul, de l'ardoise bleue avec des filons de quartz, aussi dans l'isthme de Cariaco a Chuparuparu, au Distilador et a l'Arroyo du Robola, comme au Macanao. Dans ces quatre derniers parages, il se trouve des schistes vitrioliques (alaun et vitriolschiefer), contenus dans l'ardoise, couches de 2 a 3 pieds d'epaisseur qui en chassent du sulfate d'alumine ou alun natif (semblable a celui de Tolfa), avec lequel les Indiens Guayqueries font un petit commerce. Roche de serpentine dans la cordillere de la cote de Venezuela, reposant sur du schiste micace dans le plateau de la Villa de Cura, a 245 toises de hauteur, entre le cerro de Piedras Negras et le rio Tucutunemo, verd d'olive par ci par la, mele avec du mica, ne contenant ni grenat, ni schillerspath, ni corneene, mais des filons de steatite bleuatre. Roche verte, trapp primitif, grunstein de Werner, melange intime de corneene et de feldspath, enchassant quelquefois de la pyrite et du quartz (meme formation que le paterlestein du Fichtelberg), souvent confondu avec le basalte, peu connu en Europe meme, se trouvant en couches de 2 toises de diametre ou en boules de quatre pieds a trois pouces, composees de couches concentriques et conglutinees par du schiste micace ou de l'ardoise primitive, comme temoin de la grande antiquite de cette roche. -- En plusieurs endroits des pentes septentrionales et meridionales de la cordillere de la montagne d'Avila, dans la mer au cap Blanc..... en vrai filon traversant les couches de granit feuillete, mais enchasse dans un granit plus neuf, qui remplit le filon entre Antimano et Carapa pres de Caracas. Le graustein y contient des grenats rouges que je n'y ai jamais vus en Europe. J'en ai envoye au cabinet de Madrid, dans la premiere caisse confiee a M. le capitaine general de Caracas. II. Roches faisant le passage des primitives aux secondaires. La uebergangsformation de Werner. Cette formation se trouve particulierement au nord de la cordillere de la Parime, vis-a-vis Caccara, et en grande masse a la pente meridionale de la cordillere de la cote de Venezuela. Entre les Llanos et les morros de S. Juan, entre la Villa de Cura et Parapara (entre 9° 33' et 9° 55' de latitude), descendant de 300 a 63 toises de hauteur au-dessus de la mer, on croit entrer dans un pays de basaltes. Tout rappelle ici les montagnes de Bilin en Boheme, ou de Vicenza en Italie. La serpentine primitive des bords du Tucutunemo (serpentine qui, a l'instar de celle de Silesie, contient des filons de cuivre), se mele peu-a-peu de feldspath et de corneene, et fait passage dans le trapp ou grunstein. Ce trapp se trouve en masse stratifiee (hor. 7, incline de 70 d. au nord), ou en couches a boules concentriques, quelquefois enchassees dans une argile melee de magnesie, formant des monticules coniques, d'autres fois enchassees dans une ardoise verte et tres-pesante, qui est un melange intime de corneene et d'ardoise, le uebergangsthonschiefer de Werner. Cette meme ardoise fait vers la Quebrada de Piedras Azules, passage dans l'ardoise primitive (hor. 3, 4 inclinee au nord-ouest), sur laquelle elle repose. Le trapp ou la roche verte contient aussi de l'olivin feuillete et cristallise en primes tetraedres (espece que M. Freiesleben a decouverte dans un voyage que nous feimes en Boheme, et qui est decrit dans le journal des mines de Freiberg), de l'augite a cassure conchoide, des dodecaedres de leucite et des creux (pores), tapisses de terre verte (grenerued), semblable a celle de Verone, et d'une substance a eclat de nacre de perles, que j'ai presume etre de la zeolithe. Toutes ces substances enchassees augmentent vers Parapara, et le trapp y forme une vraie amygdaloide, mandelstein. C'est sur cet amygdaloide enfin, que tres pres du monticule de Flores, a l'entree de la grande vallee de l'Orinoco, repose cette roche curieuse et rare en Europe, que M. Werner a fait connoeitre sous le nom de schiste porphiritique, porphirschiefer, le hornschiefer de M. Charpentier, roche qui accompagne le basalte, forme des groupes de colonnes irregulieres, et contenant au mittelgebirge (comme M. Reuss a decouvert), des empreintes de fougeres petrifiees, indique une formation non volcanique. Le porphirschiefer de Parapara est comme celui de Bilinerstein, une masse verte de klingstein fossile, tres-dure, coupant et demi-transparent aux angles, donnant du feu en frappant dessus, et contenant des cristaux de feldspath vitreux. Je ne m'attendois certainement pas de trouver cette roche dans l'Amerique meridionale; elle n'y forme cependant pas de ces groupes de formes grotesques comme en Boheme et aux Monte Eugoneide de l'etat de Venise, ou j'en ai vu aussi. III. Roches secondaires, flozgebirge. Ces formations secondaires, plus recentes que les etres organises, se suivent dans l'ordre de leur anciennete relative, comme celle qui couvrent les plaines de l'Europe, et que l'excellent geologue, M. de Buch, a enumerees dans son tableau mineralogique du comte de Glaz en Silesie, petit ouvrage rempli de grandes vues et de faits interessans. J'ai reconnu ici deux formations de roche calcaire dense, l'une faisoit passage dans la roche calcaire a petits grains et imperceptiblement feuilletee, identique avec la roche calcaire des Hautes-Alpes, l'autre dense, tres-homogene, melee avec plus de coquilles analogue a la roche calcaire du Jura, du Pappenheim, de Gibraltar, de Verone, de la Dalmatie et de Suez. -- Une formation de gypse feuillete et une autre melee avec de l'argile muriatifere et de petrolenne, le salzthon, que j'ai trouve suivre constamment le sel gemme en Tyrol, Styrie, a Salzbourg et en Suisse. -- De l'argile schisteuse, murgelschiefer, faisant des couches dans la roche calcaire des Alpes; -- et deux formations de gres, dont l'une est plus ancienne et presque sans coquilles (tantot a petits, tantot a gros grains, gres des Llanos), et dont l'autre remplie de debris marins et tres-neuf, fait passage a la roche calcaire dense. La roche calcaire des Alpes bleue, avec des filons de spath calcaire blanc, repose sur du schiste micace, a la Quebrada Secca pres du Tuy, a l'est de Punta Delgada dans le chemin de Cumana, a l'Impossible (hor. 3, avec 70° au sud-est) a Bordones, a l'eile de la Trinite et montagne de Paria. Ne repose-t-elle nulle part sur un gres a cailloux de roches primitives, le totedlegende de la Saxe? Cette roche calcaire contient ici, comme en Suisse, trois formations subordonnees a) des couches repetees d'argile schisteuse noire; mergelschiefer ou le kupferschiefer de Turinge, mele ici de pyrite et de bitumen, au Cuchivana pres de Cumanacoa. Cette argile contient du carbon, et decompose l'air atmospherique (en absorbe l'ogygene), b); des couches d'argile muriatifere salzthon , mele de sel gemme et de gypse cristallise, dans lequel se trouve la saline de Araga, celle de Pozuelas de la Marguerite.... c) Un gres a petits grains de quartz empates dans une masse calcaire, presque sans coquilles petrifiees, contenant toujours de l'eau, souvent de petites couches de mines de fer brun au Cocollard, Tumiriquiri. Je ne suis pas saur, si ce dernier repose sur la roche calcaire, ou si quelquefois il en est couvert. Cette meme roche calcaire sert de base a une autre plus neuve, tres-blanche, tres-dense, tres-fossile, pleine de cavernes (Cueva del Guacharo, remplie de millions d'oiseaux, une nouvelle espece de caprimulgus qui donnent une graisse tres-usitee ici; -- Cueva de S. Juan, Cueva del Cuchivano), quelquefois poreuse, comme celle de la Franconie, formant des rochers de figure grotesque (Morros de S. Juan, de S. Sebastien). Elle contient des couches de corne noire, tres-curieuse, faisant passage au kieselschiefer ou la pierre lydique (Merro de Barcellona), du jaspe d'Egypte au sud de Curataquiche..... Sur cette roche calcaire dense, analogue a la formation du Jura, repose de l'albatre (gypse), tres-beau, en grande masse a Soro, au golfe Triste. Tous ces gypses contiennent du soufre analogue a celui du Bex et de Kretzetzow, aux Carpathes. Cette meme formation de roche calcaire avec de la pierre de corne noire et de gypse, paroeit aussi se trouver dans la vallee de l'Amazone et de la riviere Noire, ou l'illustre la Condamine l'a observee pres de Cucuca entre Racam et Guayausi, a l'est des Andes. Ces roches calcaires et ce gypse (le dernier dans le Llano de Barcelone pres de Cachipe), sont souvent couverts dans les vallees de l'Orinoco et de l'Amazone d'un conglomerat ou gres a gros cailloux, qui contient des debris des roches calcaires, quartzeuses.... et de la pierre lydique qui sont plus anciennes que lui. Ce conglomerat, nagelfluch, analogue a celui de Aranjuez, de Salzbourg.... se presente sur plus de 18,000 lieues quarrees dans les Llanos. Il contient des couches a petits grains et des vestiges de mine de fer brune et rouge; je n'y ai jamais vu de petrifications. Plus neuf et toujours rapproche des cotes est le gres rempli de coquilles et de coraux (pas de crocodiles dans un pays ou il y en a malheureusement autant), qui fait passage dans la pierre calcaire, mais qui contient constamment, en l'examinant bien, des grains de quartz. P. Araya, Cabo, Blanco, Castillo, S. Antonio de Cumana. Dans un pays dont les malheureux habitans sont exposes aux tremblemens de terre les plus affreux, ou de hautes ceimes (le Duida), et depuis peu meme des cavernes (le Cueva du Cuchivano), jettent des flammes, ou il y a des sources bouillantes (j'ai trouve celles de la Triachevar jusqu'a 72°, 3 du thermometre de Reaumur) depuis le golfe Triste jusqu'a la Sierra Nevada de Merida, ou pres de Cumacator sur la cote de Paria, il y a un volcan d'air dont le bruit s'entend de loin, des soufrieres semblables a celle de la Guadeloupe, dans plusieurs endroits.... dans un pays ou des terreins de quelques lieues quarrees (Tierra Hueca de Cariaco), sont creux et mines, ou, en 1766, le sol agite par des secousses, qui duroient onze mois de suite, s'est ouvert de tous cotes pour vomir des eaux sulfureuses melees de bitumens; ou au milieu des plaines les plus seches dans la Mesa de Guanipa et du Cary, on a vu sortir des flammes de la terre (flammes que le peuple l'ame du tyran Aguirre). -- Dans un pays aussi agite, on s'attend que je finisse ce tableau par une enumeration des roches volcanisees. La nature meme me dispense d'entreprendre ce travail. Les effets volcaniques, dans ce nouveau monde, sont differens de ceux de l'Europe. Grands et funestes dans leurs suites, ils alterent les roches sur lesquelles ils exercent leurs forces. L'immense revolution de Pelileo et de Tonguragua de Quito , a couvert le sol non de laves, mais de boue argileuse, precipitee des eaux hydro sulfureuses que vomissoit la terre. Les formations de gypse contenant du soufre, les pyrites meles dans toutes les roches, parsemees meme dans le granit. La formation de l'argile bitumineuse muriatifere, que j'ai decrit plus haut, le petroleum ou asphalte (brea, chapapote), qui nage par-tout sur les eaux, ou se trouve a leur fond, une immensite d'eau de pluie de mer qui entre dans une terre echauffee par l'ardeur du soleil et qui s'y decompose, des vapeurs d'eau et un grand volume de gaz hydrogene qui se degage partout, paroissent le plus contribuer a ces effets volcaniques. Les soufrieres de la basse-terre de la Guadeloupe (dont nous avons recu recemment une description aussi interessante), du Montmisere , S. Cristophe de l'Oualiban, de Ste. Lucie, et de Montserotte, communiquent vraisemblablement avec celles de la cote de Paria. Mais ces volcans sont plutot l'objet de la physique que de la mineralogie; et je dois observer encore plus de terrein pour prononcer sur un sujet aussi delicat. Veuille le sort que la partie orientale de la Nouvelle Andalousie ne se voie pas un jour exposee a une catastrophe pareille, a celle qui a ruine les plaines de Pelileo. Charpente du globe dans l'Amerique meridionale, ou anciennete respective des couches primitives et secondaires dans les deux cordilleres de Venezuela et de la Parime, et les deux grandes vallees de l' Orinoco et de l'Amazone. Nota. L'epaisseur des couches que presente ce profil ne fait aucunement celle qu'elles ont dans la nature. Le profil indique la maniere de laquelle les differentes formations sont superposees (couchees) les unes sur les autres; il indique leur age et non la hauteur des montagnes sur lesquelles j'enverrai un dessin dans la suite. Abbildungen