Lettre du baron de Humboldt (de Berlin), à Jérôme Lalande. De Caraccas, Amérique méridionale, 23 frimaire an 8 de la république (14 décembre 1799). Peu de semaines après mon arrivée sur le continent de l’Amérique, j’ai envoyé un extrait de mes observations astronomiques au C. Delambre, croyant qu’il y en auroit quelques-unes qui pourroient intéresser le bureau des longitudes. J’ai appris que le brick auquel je confiai cet extrait s’est perdu dans son passage par la Guadeloupe, lors du grand ouragan qui vient de ravager cette zône tropique. Permettez que je m’adresse aujourd’hui à vous, citoyen, pour vous entretenir de mes travaux. Vous avez marqué un grand intérêt pour le voyage d’Afrique, que je comptois entreprendre en vendémiaire; mais les circonstances m’ont conduit en Amérique. Le gouvernement espagnol m’ayant donné toutes les facilités imaginables pour bien observer, je compte parcourir successivement la Terre-Ferme, le Mexique, les Philippines. Je viens de finir un voyage infiniment intéressant dans l’intérieur du Paria, dans la Cordillière de Cocolar, Tumeri, Guiri; j’ai eu deux ou trois mules chargées d’instrumens, de plantes sèches, etc. Nous avons pénétré dans les missions des capucins, qui n’avoient été visitées par aucun naturaliste; nous avons découvert un grand nombre de végétaux, principalement de nouveaux genres de palmiers, et nous sommes sur le point de partir pour l’Oronoco, pour nous enfoncer de là peut-être jusqu’à S. Carlos du Rio-Negro, au-delà de l’équateur. Un voyage entrepris aux dépens d’un particulier qui n’est pas trèsriche, et exécuté par deux personnes zélées, mais très-jeunes, ne doit pas promettre les mêmes fruits que les voyages d’une société de savans du premier ordre, qui seroient envoyés aux dépens d’un gouvernement; mais vous savez que mon but principal est la physique du monde, la composition du globe, l’analyse de l’air, la physiologie des animaux et des plantes, enfin les rapports généraux qui lient les êtres organisés à la nature inanimée, ces études me forcent d’embrasser beaucoup d’objets à la fois. Le C. Bonpland, élève du musée national, trèsversé dans la botanique, l’anatomie comparée, et autres branches de l’histoire naturelle, me seconde par ses lumières avec un zèle infatigable. Nous avons séché plus de 1600 plantes, et décrit plus de 500, ramassé des coquilles et des insectes; j’ai fait une cinquantaine de dessins. Je crois qu’en considérant les chaleurs brûlantes de cette zône, vous penserez que nous avons beaucoup travaillé en quatre mois de temps. Les jours ont été consacrés à la physique et à l’histoire naturelle, les nuits à l’astronomie. Je vous donne l’esquisse de nos occupations, non pour me glorifier de ce que nous avons fait, mais pour obtenir votre indulgence, et celle de notre ami le C. Delambre, pour ce que nous n’avons pas fait. Les instrumens astronomiques que je possède sont un quart de cercle de Bird, des sectans de Ramsdem et de Troughton, des lunettes, des micromètres ... Je devrois avoir fait plus: mais vous savez que l’astronomie pour laquelle MM. Zach et Kohler m’ont inspiré tant de goût, est un peu éloignée de mon but principal, et qu’à 10° de latitude on ne travaille pas comme à 49. J’ai donc mieux aimé faire peu d’observations, mais avec toute l’exactitude dont je suis capable, que beaucoup de médiocres. J’ai consigné dans mes manuscrits jusqu’aux plus petits détails de mes observations; les hauteurs correspondantes, les rectifications des instrumens, afin que dans le cas assez probable où je périrois dans cette expédition, ceux qui les calculeront puissent juger du degré de confiance que chaque résultat doit comporter. Embarqués le 17 prairial an 7, sur la frégate le Pizarro , nous avons traversé l’océan heureusement, jusqu’au 28 messidor, où nous arrivâmes sur les côtes de Paria. Mon plan primitif étoit de me rendre directement à la Havane, et de là au Mexique; mais je n’ai pu résister au desir de voir les merveilles de l’Oronoco et la haute Cordelière qui, du plateau de Quito, s’étend vers les rives du Guarapèche et d’Arco. Tous mes instrumens, jusqu’aux plus délicats, sont heureusement arrivés, et ont été ici et pendant la navigation continuellement en action. Les officiers espagnols ont tellement favorisé nos desseins, qu’au milieu de l’océan j’ai pu préparer des gaz, et analyser l’atmosphère sur la frégate comme au milieu d’une ville. Les mêmes facilités m’ont été données sur le continent; par-tout les ordres du roi et de son premier secrétaire d’état, M. d’Urquijo, qui protège les arts, sont exécutés avec zèle et promptitude. Je serois bien ingrat si je ne faisois le plus grand éloge de la manière dont je suis traité dans les colonies espagnoles. Dans les deux mémoires que j’ai envoyés au C. Delambre, quand j’étois en Espagne, j’ai consigné les premières observations faites avec le nouvel inclinatoire de Borda, dans l’Europe méridionale; j’y ai observé que sur le continent, des localités influent plus encore sur l’inclinaison que sur la déclinaison magnétique. On ne voit point de correspondance entre les positions géographiques des lieux et les degrés d’inclinaison. J’ai observé la même chose dans ce nouveau monde, en transportant la boussole de Borda dans l’intérieur de la nouvelle Andalousie. Les observations que le C. Nouet vous aura envoyées d’Ægypte, prouveront probablement la même chose. Les déclinaisons sont affectées aussi par les localités, mais j’ose dire beaucoup moins; sur mer elles sont plus régulières et uniformes dans la marche. Je ne vous donne ici que les observations certaines à 15 minutes, avec la suspension que le C. Mégnié m’a faite pour la boussole de Borda; j’ai même eu une exactitude plus grande en temps de calme. C’est dans ce temps aussi que l’on peut bien compter le nombre des oscillations. Si en les comptant cinq ou six fois les nombres sont toujours les mêmes, s’ils continuent, quoique l’on change l’instrument de place, je crois qu’alors on peut avoir de la confiance dans les résultats. Quoique les calmes ne soient pas rares sous les tropiques, je n’ai pu faire en quarante jours que dix observations bien exactes. Lieux d’observations, an 8. Latitude. Longitude depuis Paris, en temps. Inclinaison magnétique; nouvelle division. Force magnétique, exprimée par le nombre d’oscillations, en dix minutes de temps. Paris ............ 48° 50′ 15″ ... 0h 0′ 0″ .... 77° 15 ...... 245 Nîmes........... 43 50 12 ... 7 55 or. ... 72 65 ...... 240 Montpellier ....... 43 36 29 ... 6 10 or. ... 73 20 ...... 245 Marseille ......... 42 17 49 ... 12 14 .... 72 40 ...... 240 Perpignan ......... 42 41 53 ... 2 14 .... 72 55 ...... 248 Barcelone ........ 41 23 8 ... 0 33 oc. ... 71 80 ...... 245 Madrid .......... 40 25 18 ... 24 8 .... 75 20 ...... 240 Valence .......... 39 28 55 ... 0 10 4 .... 70 70 ...... 235 Medina del Campo ......... .......... ........ 73 50 ...... 240 Guadarama ........... ............ .......... 73 50 ...... 240 Ferrol ........... 43 29 0 ... 42′ 22″ .... 76 15 ...... 237 Océan Atlantique, entre l’Europe, l’Amérique et l’Afrique. en degrés. 38 52 15 .. 16° 20′ ....... 75 18 ...... 242 37 14 10 .. 16° 30′ 15″ .... 74 90 ...... 242 32 15 54 .. 17 7 30 .... 71 50 ...... ... 25 15 0 .. 20 36 0 .... 67 00 ...... 239 21 36 0 .. 25 39 0 .... 64 20 ...... 237 20 8 0 .. 28 33 45 .... 63 00 ...... 236 14 20 0 .. 48 3 0 .... 58 80 ...... 239 en temps. 1234 0 .. 3h 32′ 57″ .... 50 15 ...... 234 en arc. 1046 0 .. 61° 23′ 45″ .... 46 40 ...... 229 10 59 30 .. 64 31 30 .... 46 50 ...... 237 Vous vous souvenez que Cavallo donne pour 1776, ancienne division. Latitude 24° 24′ longit. 18° 11′ inclin. 59° 0′ 10 0 22 52 .... 44 12 .. 0 37 38 ..... 30 3 Depuis que les CC. Coulomb et Cassini ne s’occupent plus des déclinaisons, je ne connois pas deux endroits sur la terre où l’on puisse dire, tel jour la variation étoit de 10 secondes de plus ou de moins, pas dix endroits où l’on soit sûr d’une minute de variation. Dans quelles incertitudes ne sommes-nous pas sur la déclinaison magnétique de Paris, à en juger par le journal de Lamétherie ! Je me flatte que les dix points de l’océan que je vous indique pourront servir dans la suite des temps, pour voir si les inclinaisons changent rapidement. Les latitudes et longitudes en ont été déterminées à la même heure avec beaucoup d’exactitude par un sectant de Ramsden, divisé de 15 en 15 secondes, et par le garde-temps du C. Louis Berthoud. Vous verrez avec intérêt que depuis 37° de latitude, les inclinaisons diminuent avec une rapidité extraordinaire; qu’entre 37° et 48° de latitude, elles augmentent moins vers l’est que vers l’ouest ... Je crois que dans la haute chaîne des montagnes calcaires de cette province, de petites élévations au dessus du niveau de la mer altèrent près de l’équateur les inclinaisons, beaucoup plus que les hautes montagnes dans les Pyrénées et la vieille Castille. Je prends pour exemple quatre points placés, presque nord et sud, (dans un arc de 24 minutes,) dont les hauteurs sont peu considérables. Toises. Inclinaisons. Oscillations. Cumana ....... 4 ..... 44° 20 ...... 229 Zueteppe ...... 185, 2 ..... 43 30 ...... 229 Impossibile .... 245 ...... 43 15 ...... 233 Cumanacoa .... 106 ..... 43 20 ...... 228 Cocollar ...... 392 ..... 42 60 ...... 229 Borda croyoit, comme on le voit dans les questions de l’académie à la Pérouse, que l’intensité de la force magnétique étoit la même sur tout le globe; il attribuoit le peu de différence qu’il avoit aperçu à Cadix, à Ténériffe et à Brest à l’imperfection de la boussole. Il m’engagea à fixer mon attention sur cet objet. Vous voyez que la force ne diminue pas avec le degré d’inclinaison, mais qu’elle varie depuis 245 oscillations en dix minutes de temps à Paris, jusqu’à 229 (à Cumana). Il est certain que ce changement ne vient d’aucune cause accidentelle. La même boussole faisoit à Paris 245 oscillations, à Gironne 232, à Barcelone 245, et à Valence 235. Elle donna, après un voyage de plusieurs mois, le même nombre qu’avant de partir. Ce nombre est le même en plein champ, dans un appartement ou dans une cave. La force magnétique est dans un même lieu partout, et pendant longtemps la même; elle paroît constante comme les attractions ou la cause de la gravité. J’ai eu le chagrin de n’avoir pu faire en mer des observations de déclinaisons magnétiques bien exactes. Malgré tous mes soins je n’ai pu acheter un instrument qui me donnât seulement 40′ d’exactitude; c'est pour cela que je ne vous parle pas de déclinaisons sur mer. Cependant, il est certain que le point de la variation nulle est déja beaucoup plus avancé vers l’ouest que sur la carte de Lambert, (Ephémérides de Berlin, 1779). Une très-bonne observation est celle de 1775, du vaisseau anglais de Liverpool, qui la trouva nulle à 66° 40′ de longitude occcidentale, et 29° de latitude septentrionale. Il y a deux points sur cette côte où j’ai observé la déclinaison avec beaucoup de soin par une boussole de Lenoir, par la méthode de Prony et de Zach, en suspendant une aiguille à un fil, en visant par des mires, et en mesurant avec le sextant l’azimut d’un signal. Cumana, 4° 13′ 45″ à l’est, en vendémiaire, à midi, et une vingtaine de lieues plus à l’est; à Caripe , (capitale des missions des capucins, habitée par les indiens Chaimas et Carives), 3° 15′ à l’est. L’intérêt que vous prenez, citoyen, à tout ce qui a rapport à la navigation, me fait croire que les observations suivantes vous seront agréables. J’ai examiné avec beaucoup de soin les assertions de Franklin et du cap. Jonathan Williams, ( Transact. of the american society, vol. 3, pag. 32), sur l’usage du thermomètre pour découvrir les bas-fonds. J’ai été étonné de voir comment l’eau se refroidit à mesure qu’elle perd de sa profondeur; comment les basfonds, les côtes, s’annoncent d’avance. Le plus mauvais thermomètre d’esprit de vin, pourvu qu’il soit bien sensible par la forme de la boule, ou plutôt sa proportion au tube, peut devenir au milieu de la tempête, la nuit, ou lorsqu’on a de la difficulté de sonder, lorsque le bas-fond s’approche insensiblement, un instrument bienfaisant dans la main du plus ignorant pilote. Je ne puis assez inviter le bureau des longitudes à fixer son attention sur cet objet si important. Tout l’équipage de notre frégate a été étonné de voir baisser rapidement le thermomètre à l’approche du grand banc qui va de Tabago à la Grenade, et de celui qui est à l’est de la Marguerite. L’observation est d’autant plus facile à faire, que la température de l’eau de la mer est (jour et nuit) dans des espaces de 12000 lieues carrées, la même, tellement la même, qu’en quatre et six jours de navigation vous ne voyez pas changer le thermomètre le plus sensible de 0°, 3; l’eau se rafraîchit dans le voisinage de bas-fonds, de deux ou trois degrés, et même davantage. Cette idée de Franklin, oubliée jusqu’à présent, peut un jour devenir très-utile à la navigation, en faisant multiplier les observations. Vous sentez bien que je ne dis pas que l’on doive se fier au thermomètre seul, et ne plus sonder; ce seroit une folie; mais je puis assurer, en me fondant sur ma propre expérience, que le thermomètre annonce le danger longtemps avant la sonde, (l’eau cherchant un équilibre de température, et se refroidissant dans la proximité de la basse côte). Je puis assurer que ce nouveau moyen n’est pas plus incertain qu’un loc emporté par des courans, et d’autres méthodes pour trouver la position des vaisseaux. On ne doit pas croire qu’il n’y a point de bas-fonds si le thermomètre ne baisse pas; mais on doit être sur ses gardes lorsqu’il baisse tout d’un coup. Un pareil avis est bien précieux, plus précieux que les petites croix dont fourmillent nos cartes marines, et dont la plupart annoncent des bas-fonds qui n’existent pas, ou sont mal placés, comme les huit roches à fleur d’eau près de Madère. Voyez la carte de l’Océan atlantique, 1792. Le moyen de mettre un thermomètre dans un seau d’eau, est bien simple. Avec une balance de Dollond, et des thermomètres enfermés dans les sondes munies de soupapes, j’ai mesuré la densité et la température de l’eau de mer, à la surface et à une certaine profondeur; si je ne me trompe, vous vous êtes déja occupé de ce problême, journal des Savans, avril 1774. Comme mes balances ont été comparées à celles du C. Hassenfratz, voyez son nouveau travail hydrostatique dans les Annales de chymie an 7, mes thermometres à ceux de l’observatoire national, et que j’ai été plus sûr des longitudes qu’on ne l’est généralement, la petite carte que je construirai un jour sur la densité et la température de l’eau de mer, sera assez curieuse. A 17 et 18° de latitude septentrionale, entre l’Afrique et les Indes occidentales, il y a une bande (sans courant extraordinaire) où l’eau est plus dense qu’à une plus petite latitude. Voici quelques données sur la température de l’eau, dans l’Océan, entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. Latitude. Nord. Longitude du méridien de Paris. A la surface de la mer. A l’air libre. 43° .. 29′ .. .... 10° .. 31′ .. .... 12° .. .. 18 39 .. 10 .. .... 16 .. 18 .. 30 .... 12 .. .. 13 36 .. 3 .. .... 17 .. 3 .. 0 .... 12 .. .. 14 35 .. 8 .. .... 17 .. 45 .. 0 .... 13 .. .. 16 ... 5 32 .. 15 .. .... 17 .. 7 .. 30 .... 14 .. 2 .. 13 ... 5 30 .. 35 .. .... 16 .. 54 .. 0 .... 15 .. .. 16 28 .. 55 .. .... 17 .. 22 .. 30 .... 15 .. .. 17 26 .. 51 .. .... 19 .. 13 .. .... 16 .. .. 15 20 .. 8 .. .... 28 .. 33 .. .... 17 .. .. 16 18 .. 53 .. 20 .... 30 ... 5 .. .... 17 .. 4 .. 17 18 .. 8 .. .... 33 .. 2 .. .... 17 .. 9 .. 19 17 .. 26 .. .... 35 .. 26 .. .... 18 .. .. 16 15 .. 22 .. .... 22 .. 49 .. 15 .... 18 .. 5 .. 20 14 .. 57 .. .... 44 .. 40 .. .... 19 .. .. 17 13 .. 51 .. .... 50 .. 2 .. 30 .... 19 .. 8 .. 18 ... 9 10 .. 46 .. .... 61 .. 23 .. 45 .... 20 .. 7 .. 20 ... 3 10 .. 28 .. .... 66 .. 31 .. 0 .... 21 .. .. de 17 à 27 10 .. 29 .. .... 66 .. 35 .. .... 17 .. 8 .. 23 Sur les bas fonds .... Cette lettre étoit commencée à Cumana; j’ai été trompé dans l’espérance que j’avois de la faire partir d’une manière très-sûre par la voie des Etats-Unis. Je l’ai traînée avec moi dans cette grande capitale de Caraccas, qui, située à 400 toises de hauteur, dans une vallée fertile en cacao, coton et café, offre le climat d’Europe. Le thermomètre descend la nuit jusqu’à 11°, et ne monte le jour que jusqu’à 17 ou 18°. La voie par laquelle cette lettre doit partir étant très-peu sûre, je ne puis me résoudre à continuer les extraits que je comptois faire de mes cahiers. Je joins simplement les résultats de quelques travaux dont je me suis occupé avec beaucoup de soin. Je crois avoir eu une très-bonne observation de la fin de l’éclipse de soleil du 6 brumaire an 8. A Cumana, j’ai vérifié le temps pendant huit jours, opération souvent pénible dans ces contrées, à cause des orages qui arrivent après le passage du soleil, et qui font manquer les hauteurs correspondantes du soir. J’ai eu des hauteurs de soleil d’accord à la seconde, le jour de l’éclipse: la fin a été eu temps moyen de Cumana, à 2h 14′ 22″. J’ai observé la distance des cornes par le passage aux fils dans le quart de cercle de Dollond, grossissant 108 fois. Je pourrai vous envoyer les observations depuis la Havane. Le 16 brumaire, j’ai eu une bonne immersion du second satellite de Jupiter à Cumana, en temps vrai, à 11h 41′ 18″; j’espère que cette immersion aura été observée à Paris. Les orages qui ont suivi le tremblement de terre que nous avons essuyé à Cumana, m’ont fait perdre les immersions des 11 et 18 brumaire. Voici des longitudes déterminées par mon chronomètre de Louis Berthoud, et par le calcul des angles horaires. J’ai aussi dans mes manuscrits beaucoup de distances de la lune au soleil, et aux astres; mais comment calculer quand on a tant de choses à faire ? Cumana, château St.-Antoine, longitude depuis le méridien de Paris, en suposant Madrid à 24′ 8″, 4h 26′ 4″ latitude 10° 27′ 37″. Puerto Espana, dans l’île de la Trinité , longitude 4h 15′ 18″. Tabago, cap à l’est, longitude 4h 11′ 10″. Macanao, partie occidentale de l’île de la Marguerite, longitude 4h 26′ 22″. Punta Araya, dans la nouvelle Andalousie, 4h 26′ 22″. Coche, île, cap à l’est, longitude 4h 24′ 48″. Bocca de Drago, longitude 4h 17′ 32″. Moins sûr. Cabo de tres Puntas, longitude 4h 19′ 38″. Caraccas, à la Trinité, latitude 10° 31′ 4″. Bonnes. Je me flatte que ces positions intéresseront le bureau des longitudes, parce que les cartes sont trèsmauvaises en cette partie. Les observations de Borda et Chabert, à Teneriffe et à la pointe de sable de Tabago, me font croire que mon chronomètre est excellent. Je n’ai différé de ces navigateurs que de 2 à 5 secondes. Pendant le tremblement de terre que nous avons essuyé le 4 novembre 1799, à Cumana, l’inclinaison et non la déclinaison magnétique a changé; avant le tremblement, l’inclinaison étoit 44° 20′, nouvelles divisions; après les secousses, elle s’est conservée 43° 35′. Le nombre des oscillations est resté tel qu’il étoit, 229 en 10 minutes; et d’autres expériences paroissent prouver que c’est cette petite partie du globe, et non l’aiguille, qui a changé. Car, dans les endroits éloignés où le tremblement de terre ne se ressent jamais, dans la chaîne primitive de granit feuilleté, l’inclinaison est restée aussi forte. Cette lettre n’est déja que trop longue pour être perdue. J’ose vous supplier de me rappeler à la mémoire des membres de l’Institut national qui m’ont honoré de tant d’indulgence pendant mon dernier séjour à Paris. J’aime que ce corps respectable sache que je ne suis pas devenu inactif si près de l’équateur. Dans un mois je serai aux cataractes de Rio-Negro, où je verrai une nature aussi grande que sauvage, parmi des Indiens qui se nourrissent d’une terre argilleuse mélée avec la graisse des crocodiles. J’y mène trois mules chargées d’instrumens. C’est du fond de cette solitude que je ferai des vœux! La beauté des nuits du tropique m’a engagé à commencer un travail sur la lumière des étoiles du sud. Je vois que plusieurs, (dans la Grue, l’Autel, le Toucan, les pieds du Centaure), paroissent avoir changé depuis Lacaille. Je vous entretiendrai une autre fois de cet objet. Je me sers de la méthode indiquée par Herschel, et des diaphragmes comme pour les satellites. J’ai trouvé que si Procyon est à Sirius comme 88 est à 100, on doit mettre la valeur de la lumière De Canopus ........ 98 α Centaure ......... 96 Achernar ......... 94 α Indien ........... 50 β 47 α Phœnix .......... 65 Du Paon ......... 78 α De la Grue ...... 81 β 75 γ 58 α Toucan ......... 70 Les observations ne deviennent utiles que par la communication; je vous prie donc de communiquer à notre digne ami Lamétherie celles des inclinaisons magnétiques, et de mettre les autres dans quelques papiers publics, pour donner avis de mon existence: il m’est impossible d’écrire à tous mes amis. J’ai lu dans les Transactions de la société du Bengale, que le baromètre y monte et descend régulièrement en 24h. Ici, dans l’Amérique méridionale, cette marche est des plus étonnantes: j’ai des centaines d’observations là-dessus. Il y a quatre marées atmosphériques en 24 heures, qui ne dépendent que du soleil. Le mercure descend depuis neuf heures du matin jusqu’à quatre heures du soir; il monte depuis quatre heures jusqu’à onze heures; il descend depuis onze heures jusqu’à 4h 30′ du matin; il remonte depuis 4h 30′ jusqu’à 9 heures. Les vents, l’orage, les tremblemens de terre, n’ont aucune influence sur cette marche. Le C. Richard dit qu’à Surinam il y a une variation pareille de 2 lignes.