MEMOIRE Sur la Combinaison ternaire du Phosphore, de l'Azote et de l'Oxigene, ou sur l'existence des Phosphures d'azote oxides, Par M. Frederic Humboldt, conseiller des Mines du roi de Prusse: Lu a l'Institut national, le 1 er Thermidor, an 6. De tous les phenomenes que presente la chimie pneumatique, il y en a peu qui meritent autant l'attention du naturaliste observateur, que les combinaisons ternaires des elemens. Si dans l'analyse des matieres animales et vegetales il est difficile de reconnoeitre les bases qui composent les acides, les gelatines, l'albumine, ou les mucilages, cette difficulte s'augmente encore lorsque les combinaisons ternaires ou quaternaires n'existent que dans un etat gazeux. Le soufre, le carbone et l'oxide d'arsenic se dissolvent dans le gaz hydrogene. Il paroeit que le soufre est dissoluble dans l'azote. Ayant braule tres-lentement beaucoup de soufre dans un gaz atmospherique, qui ne contenoit que 0.16 d'oxigene, j'ai trouve le residu transparent pendant deux jours; le troisieme, ou la temperature de la chambre baissoit jusqu'a -- 5 degres du thermometre centigrade, les parois de la cloche, qui contenoit le gaz azote, se couvroient d'une poussiere jaune: c'etoit du soufre tres-pur precipite de sa solution gazeuse. En m'occupant de l'analyse des moffettes des mines; je recueillis, dans les fentes d'un filon de fer, un melange de gaz hydrogene, d'azote et d'acide carbonique. La bouteille qui renfermoit ce melange paroissoit claire et transparente; plongee dans la neige, elle se couvrit peu-apeu dans son interieur d'un oxide de fer jaune: c'etoit donc du metal que la moffette tenoit en dissolution . S'il n'y etoit que mecaniquement mele, pourquoi ne s'en separa-t-il qu'a la temperature de zero? L'acide carbonique que j'ai degage de la biere et du vin de champagne laissa tomber, en se refroidissant, des gouttes d'alcool. Le cit. Chaptal a observe des phenomenes analogues, et le cit. Guyton est d'accord avec moi que les effets stimulans et roborans, attribues a l'acide carbonique, sont dus en grande partie a l'alcool, aux alcalis et a d'autres matieres qu'il paroeit tenir en solution. Voila un nombre de substances solides qui, en se combinant avec les gaz, disparoissent, pour ainsi dire, a nos recherches. Le gaz hydrogene que je recueillis dans les mines, se trouva mele d'azote. Le fer etoit-il dissous dans l'hydrogene, ou faut-il admettre une triple combinaison du fer, de l'hydrogene et de l'azote? L'alcool qui se degage de quelques gaz acides carboniques, y existet-il deja forme, ou doit-on regarder ces gaz comme des acides carboniques hydrogenes? De la meme maniere que le carbone se dissout dans l'hydrogene pour former de l'hydrogene carbone, une petite portion d'hydrogene pourroit se dissoudre dans le carbone combine avec l'oxigene. Ces triples combinaisons gazeuses d'hydrogene, de carbone et d'oxigene, presenteront divers phenomenes selon la quantite relative de leurs bases et le jeu d'affinite que celles-ci exercent les unes envers les autres. Le meme melange gazeux pourra se rapprocher tantot de la nature d'un acide a double base, tantot de celle de l'alcool, de l'ether, ou de l'huile douce de vin. Un simple changement de temperature suffira pour produire ces differens etats; et, par les moyens memes que nous employons pour analyser ces combinaisons problematiques, nous detruisons souvent ce que nous nous flattons de soumettre a nos recherches. Le beau travail que les CC. Fourcroy et Vauquelin ont presente sur la formation de l'ether confirme exactement les idees que j'avance. Des metaux dissous dans les gaz sont un objet tres-interessant pour la meteorologie et la mineralogie. C'est un fait tres-avere que les bolides ou globes de feu laissent tomber souvent des morceaux de fer a demi scorifie. Ce fer n'existe-t-il pas dans un etat gazeux dans les couches les plus elevees de l'atmosphere? Ne s'eleve-t-il pas avec le gaz hydrogene que les marais exhalent en abondance? -- Les mineralogistes connoissent les beaux grouppes de cristaux de roche ou de spath calcaire enduit d'un seul cote de pyrites ou de galene. Leur vue rappelle l'idee d'un souffle qui a depose ces matieres metalliques et qui n'a frappe qu'une face des cristaux: Ce souffle ne seroitil pas le courant d'un gaz hydrogene metallifere? Je ne donne ces idees que comme des appercus fondes sur l'analogi des phenomenes chimiques. Il est tems cependant de rapprocher la geologie de la physique et de la chimie. -- Les pluies electriques contiennent de la terre calcaire. Si cette eau de pluie se forme d'hydrogene et d'oxigene, il est a rechercher comment cette terre existe dans l'air atmospherique. Ce seroit une entreprise bien au-dessus de mes forces de vouloir exposer la maniere dont se forme le grand nombre de combinaisons ternaires que nous offre la chimie pneumatique. On peut meme dire, sans temerite, que les materiaux ne seront de long-tems reunis pour hasarder ce travail. J'espere d'en augmenter le nombre en presentant des observations qui semblent demontrer l'existence des phosphures d'azote oxides. Occupe depuis plusieurs annees de l'analyse exacte de l'atmosphere et des differens eudiometres, dont je cherche a determiner les limites de l'erreur, je trouvai que le gaz azote, qui resulte de la decomposition de l'atmosphere par le phosphore, contient tres-souvent une portion d'oxigene qui ne peut lui etre enleve par aucune affinite des bases acidifiables. Le gaz atmospherique sur lequel je travaillois contenoit: 0.274 d'oxigene, 0.008 d'acide carbonique, 0.718 d'azote. 1.000 Cette analyse avoit ete faite par les deux moyens du gaz nitreux et du sulfure de potasse. Le nombre de 0.274 etoit le terme moyen tire des resultats de cinq experiences qui ne differoient pas d'un centieme. Je degageai un gaz nitreux qui, essaye au moyen de la solution du sulfate de fer et de l'acide muriatique oxigene, contenoit 0.13 d'azote. En melant, dans le tube eudiometrique, 100 parties d'air atmospherique avec 100 parties de gaz nitreux, il n'en resta que 103 parties; ce residu fut lave par le sulfate de fer: le volume s'en reduisit a 85 parties; en deduisant de ces 85 parties les 13 parties preexistantes dans le gaz nitreux, je trouvai 72 parties; c'est-a-dire, [Formel] d'azote contenus dans l'air atmospherique essaye. Cette methode de determiner la quantite d'oxigene, methode que j'ai trouvee l'hiver dernier, et dont il seroit trop long d'exposer ici les principes, est infiniment plus certaine que celle dont les chimistes se servent jusqu'a present. Connoissant une fois le degre d'azotation du gaz nitreux employe, sachant qu'il n'excede pas les limites de 0.10 d'azote, on divise le nombre des parties absorbees ou aneanties dans le tube eudiometrique par 3.55: le quotient donne la quantite d'oxigene atmospherique en milliemes. Ce nombre de 3.55 se fonde sur la proportion de 2.55:1 (c'est-a-dire que 2 [Formel] part. de gaz nitreux absorbent 1 part. d'oxigene) proportion qui resulte d'un travail que j'ai presente a la premiere classe de l'Institut national dans les seances des 6 et 11 Prairial, an 6. Des experiences faites sur le meme gaz atmospherique avec la solution du sulfure de potasse se trouverent exactement en harmonie avec celles que je viens d'exposer. Cette solution absorba en trois jours, dans un tube A, 0.21, dans l'autre B, 0.23 d'oxigene. Sachant, par un travail anterieur, que le residu de 0.79, et de 0.77, n'est pas de l'azote pur, je les analysai de nouveau par le gaz nitreux; le residu de A donna 18, le tube B 13 parties d'absorbees, ce qui fait 0.05 et 0.037 d'oxigene. L'analyse presenta donc aussi pres de [Formel] d'oxigene contenu dans l'air atmospherique. La quantite d'acide carbonique fut evaluee, dans un instrument qui distingue au moyen d'un tube communiquant, [Formel] d'un pouce cubique, instrument que j'ai presente a l'Institut national dans la seance du 11 Prairial. Etant bien certain de la nature du gaz sur lequel je travaillois, je mis du phosphore en contact avec ce gaz. Les tubes que j'employai n'avoient que huit jusqu'a 16 millimetres en diametre. Le phosphore etoit proportionne au volume de l'air qui l'entouroit; il fut lave plusieurs fois par jour pour le faire agir de nouveau sur l'oxigene atmospherique. La temperature de la chambre etoit entre 16 et 20° du thermometre centigrade. Apres neuf jours d'intervalle je mesurai les volumes absorbes, ayant egard aux variations de l'elasticite et de la temperature. Cinq tubes presenterent des absorptions de 0.12, 0.17, 0.18, 0.20, 0.22. Les residus devoient donc contenir de [Formel] jusqu'a [Formel] d'oxigene. Je me hatai de les analyser par le gaz nitreux; a mon grand etonnement ce gaz ne decouvrit que 0.04, 0.03, 0.05, 0.6, 0.01 d'oxigene. Qu'etoient devenus les 0.11 et 0.07 d'oxigene dans le premier et second tube? Un grand nombre d'experiences m'a donne les memes resultats. Le phosphore souvent ne luisoit plus des le troisieme ou quatrieme jour. Je croyois avoir obtenu un azote tres-pur; mais presque toujours le gaz nitreux y decouvrit encore quelques centiemes d'oxigene. Des residus de gaz atmospherique, dans lesquels le phosphore ne fumoit pas, quoique le tube faut rendu a demi incandescent, rendirent rouge sur-le-champ le gaz nitreux: ils contenoient donc l'oxigene dans un etat de combinaison chimique a laquelle, non le phosphore, mais bien les bases du gaz nitreux, sont en etat de l'enlever. Le phenomene important que le phosphore annonce constamment moins d'oxigene dans l'atmosphere que le gaz nitreux, n'avoit pas echappe a la sagacite du cit. Guyton; il observe (Encyclop. vol. I, pag. 709) que le phosphore n'absorbe jamais au-dela de 0.20; et, n'ayant pas analyse le residu par le gaz nitreux, il attribue la cause de ce manque d'absorption a la formation d'un acide phosphorique gazeux. L'etat des connoissances chimiques d'alors ne permit pas a ce celebre chimiste d'annoncer la solution du phosphore dans l'azote, solution qu'aujourd'hui il n'hesite pas d'adopter. Le 1er et le 15 Messidor je fis, au laboratoire de l'agence des mines, les experiences suivantes, sous les yeux du cit. Vauquelin: je mis en contact de l'air atmospherique (trouve a 0.27 d'oxig.) avec du phosphore, dans trois tubes A, B et C; le premier absorba, en dix jours, 0.115, le second 0.103, le troisieme 0.156: la temperature du laboratoire etoit entre 18 et 24° du thermometre centigrade, et le tube C, a 2 centimetres de diametre, etoit situe de maniere que les rayons ardens du soleil le frappoient pendant quelques heures. Le manque d'absorption ne provenoit aucunement d'une croaute oxidee qui brunit si souvent le phosphore; car, en retirant le dernier des tubes nous le veimes fumer en contact avec l'atmosphere. Les residus des trois tubes analyses exactement par le gaz nitreux et le sulfure de fer, donnerent, pour A, 0.03; pour B, 0.05; pour C, 0.01 d'oxigene: par consequent l'air atmospherique fut trouve dans A de 0.145, dans B de 0.153, et dans C de 0.166 d'oxigene. Le residu du dernier devoit contenir encore [Formel] d'oxigene que le gaz nitreux ne put lui enlever: nous y feimes entrer du phosphore. A l'approche de la bougie, bien loin de s'enflammer ou de fumer, il fondit par gouttes en se collant aux parois de l'appareil. Le peu de gaz nitreux qui etoit mele a ce soi-disant azote n'empechoit certainement pas la combustion du phosphore; car j'ai observe cette combustion dans un gaz nitreux tres-impur qui etoit prepare a la hate sans en separer l'air atmospherique contenu dans la cornue. Les memes phenomenes se manifestent dans le residu de l'air dans lequel le phosphore a ete braule. Il est infiniment rare que cette substance acidifiable s'empare de tout l'oxigene mele a l'azote. Je me suis occupe, conjointement avec M. Godeking, eleve du celebre Klaproth, pendant trois mois, a faire brauler tous les soirs du phosphore dans l'eudiometre de Reboul: nous sommes parvenus a en diminuer les erreurs en elargissant le tube auquel la boule est jointe; alors l'air atmospherique contenu dans la boule (tandis que le tube est plonge sous l'eau) s'eloigne moins du phosphore en se dilatant par la chaleur; la decomposition est plus rapide et plus parfaite: cependant, dans un grand nombre de ces experiences (j'ose les evaluer a huit cents au moins) nous ne veimes que trois a quatre fois des absorptions de 0.27 a 0.28 oxigene. Pour la plupart l'eudiometre a phosphore n'annonca que de 0.18 a 0.20 d'oxigene dans l'atmosphere, impurete a laquelle elle ne descend pas dans nos climats. Le gaz nitreux decouvre presque constamment, dans le residu de l'eudiometre de Reboul, quelques centiemes d'oxigene, mais rarement le tout, qui y est contenu d'apres un calcul fonde sur d'autres experiences exactes. J'ai vu meme des cas dans lesquels le gaz nitreux ne diminua aucunement le volume de cet azote impur. Je fis brauler du phosphore dans un gaz atmospherique, qui, d'apres les experiences de M. Jacquin, contenoit au-dela de 0.26 d'oxigene; le phosphore n'absorba que 0.16; le residu entre dans le tube de Fontana ne fut point altere par le gaz nitreux: on auroit cru travailler sur un azote tres-pur; et cependant il y avoit [Formel] d'oxigene cache. Comme il a ete reconnu, par les chimistes modernes, que l'azote dissout le phosphore a une temperature de 10 a 12°, on pourroit croire que si, dans l'eudiometre de Reboul, et dans celui de Scheele et de Berthollet, de 100 parties d'air atmospherique il n'en reste que 86, l'absorption de l'oxigene monte cependant au-dela de quatorze parties; puisque l'azote, en dissolvant le phosphore, se dilate de 0.10 a 0.12: dans cette supposition il y auroit 0.26 d'oxigene absorbe, tandis que le volume du residu n'en paroeit annoncer que 0.14. De meme, dans l'experience faite avec le cit. Vauquelin, le tube C avoit absorbe peut-etre 0.26 au lieu de 0.16; et les 84 parties du residu, loin de contenir 0.10 d'oxigene qui paroissoient caches dans l'azote, n'etoient que 74 parties d'azote dilatees de [Formel] par la solution du phosphore. Il etoit indispensable d'eloigner ces doutes par la voie de l'experience. Je preparai de l'azote tant en traitant des substances animales par l'acide nitrique, qu'en enlevant l'oxigene atmospherique par le gaz nitreux; ce dernier, lave avec la solution du sulfate de fer, fut plus pur encore que le premier: le phosphore n'y donna aucune lueur; je l'y laissai pendant dix a quinze jours; jamais je ne vis le volume de l'azote sensiblement altere; car, des differences de 0.01, ou 0.015, sont trop petites pour les attribuer a des causes constantes. Souvent il se degage de l'oxigene contenu dans les interstices de l'eau. De petites erreurs ne sont pas a eviter dans des experiences aussi delicates. Cependant en general le volume de l'azote resta le meme, quoiqu'une quantite de phosphore tres-considerable s'y trouvat dissoute; car, en faisant entrer une bulle de gaz oxigene dans le tube, tout l'appareil devient lumineux, quoique le phosphore en substance en ait ete enleve auparavant. D'autres considerations viennent a l'appui de ces saits. Le phosphore, par exemple, avoit absorbe, en deux tubes, 0.17 et 0.19 d'oxigene. Le residu du second, mis en contact avec le gaz nitreux, ne souffrit aucune diminution de volume. Le residu du premier presenta une nouvelle absorption de 0.09 d'oxigene. L'air essaye etant connu pour etre de 0.27 d'oxigene, ne faut-il pas conclure de ces experiences que le premier residu contenoit cache 0.08 de gaz vital, tandis que le gaz nitreux en enleva au second tout l'oxigene jusqu'a [Formel] ? Il est peu probable que le premier se soit dilate accidentellement de 0.08, tandis qu'une experience directe prouve que, dans le second, l'augmentation de volume ne provient que d'un reste de 0.09 d'oxigene decouvert dans l'eudiometre de Fontana. Je finis l'enumeration de ces faits par un tableau d'experiences analogues que je trouve notees dans mon journal chimique: Oxigene contenu dans l'air essaye. Oxigene absorbe par le phosphore. Oxigene trouve dans le residu par le gaz nitreux. Oxigene qui reste cache dans le residu. 0.27 0.18 0.02 0.07 0.27 0.12 0.06 0.09 0.28 0.10 0.13 0.05 0.28 0.19 0.07 0.02 0.28 0.14 0.06 0.08 0.28 0.12 0.03 0.13 0.27 0.09 0.10 0.08 0.27 0.08 0.09 0.10 0.28 0.15 0.08 0.05 0.27 0.23 0.01 0.03 0.27 0.09 0.14 0.04 0.28 0.20 0.00 0.08 0.26 0.15 0.03 0.08 0.26 0.17 0.05 0.04 0.28 0.12 0.08 0.08 0.27 0.18 0.00 0.09 0.27 0.20 0.02 0.05 En dix-sept experiences faites avec un soin particulier, il n'y en eut pas une seule dans laquelle les deux bases acidifiables du phosphore et du gaz nitreux aient pu enlever tout l'oxigene a l'azote. Il nous reste a rechercher en quel etat se trouve cet oxigene, que le calcul le plus rigoureux nous annonce etre cache dans le residu des eudiometres de Reboul et de Scheele. Ce probleme ne peut etre resous que par la voie de l'argumentation analogique. L'oxigene contenu dans l'azote ne produisant aucun effet attribue a l'oxigene libre, il faut conclure qu'il s'y trouve chimiquement combine avec d'autres matieres. Le phosphore se dissolvant dans l'azote, il paroeit probable qu'une partie de l'oxigene atmospherique se joint a ce phosphure d'azote pour entrer dans un etat d'oxide gazeux a double base. Que l'on fasse entrer du nouveau phosphore dans le residu, il ne pourra pas s'enflammer, vu qu'il presente la meme affinite a l'oxigene que celle par laquelle ce dernier se trouve deja lie; le gaz nitreux au contraire decompose le phosphure d'azote oxide en lui enlevant son oxigene; mais cette decomposition ne se fait qu'en partie; et presque toujours les derniers centiemes d'oxigene sont si intimement meles a l'azote et au phosphore, que leur absorption ne paroeit pas s'effectuer par des affinites simples. Si la combustion du phosphore se fait tres-rapidement, tout l'oxigene est enleve a l'azote avant que le phosphure d'azote oxide puisse se former: c'est alors que j'observe des absorptions de 0.20 jusqu'a 0.25 d'oxigene. Si au contraire le phosphore ne braule que tres-lentement, si les vapeurs de l'acide phosphorique entraeinent beaucoup de phosphore en substance avec elles, (phosphore dont elles deposent une partie aux parois des tubes) alors on peut etre saur qu'il se forme beaucoup de phosphure d'azote, et qu'un grand volume d'oxigene se combine a ce dernier. L'absorption se fait plus mal encore si, au lieu d'embraser le phosphore, on le laisse fumer long-tems, en refroidissant par intervalle la boule par l'eau froide: c'est alors que le phosphore, presentant un grand volume a l'azote, s'y dissout le plus facilement. En faisant l'experience avec 4 ou 6 pouces cubiques d'air atmospherique, on peut suivre, pour ainsi dire de ses yeux, la formation de cette triple combinaison de l'oxigene, de l'azote et du phosphore. J'ai observe qu'en analysant de jour en jour le residu de l'air dans lequel le phosphore ne s'enflamme plus, le gaz nitreux y decouvre progressivement moins d'oxigene. Le neuvieme jour, par exemple, en separant cent parties des 440 parties de residu, j'y trouvai 0.05 d'oxigene, tandis que 100 autres parties ne me presenterent, le quinzieme jour, qu'a peine 0.01. Le volume des 340 n'etant pas altere depuis le neuvieme jusqu'au quinzieme jour, ce n'est sans doute qu'au melange plus intime de l'oxigene avec l'azote et le phosphore que ces differences de resultats sont dues. Si tous ces phenomenes etoient dus a la formation d'un acide phosphoreux gazeux, le gaz nitreux ne seroit pas en etat de diminuer le volume du residu. L'affinite du phosphore pour l'oxigene est trop puissante pour que l'azote contenu dans le gaz nitreux puisse decomposer cet acide phosphorique. Aussi perdroit-il de lui-meme a froid son expansion gazeuse. Le cit. Vauquelin a observe un fait tresimportant, qui vient a l'appui des idees que j'avance: en laissant en contact du phosphore avec du gaz oxigene tres-pur, tire du muriate de potasse oxigene, il n'appercut aucune lueur a la temperature de 10 a 15°: il s'attendoit a ce phenomene, puisque son gaz ne contenoit pas d'azote: l'appareil resta tranquille et sans lueur dans l'espace de plusieurs jours; mais, lorsqu'il fit entrer quelques bulles d'air atmospherique sous la cloche, tout le gaz oxigene montra des nuages phosphorescens; fait qui prouve evidemment que l'oxigene, aussi bien que l'azote, est en etat de dissoudre le phosphore. D'apres ces donnees, nous ne devons pas nous etonner de decouvrir des combinaisons triples de phosphore, d'azote et d'oxigene; nous le devons d'autant moins, que le melange de l'azote et de l'oxigene atmospherique est si intime, se rapproche deja si fort a l'etat d'une vraie combinaison chimique, que l'oxigene paroeit devoir participer, a un certain point, a tous les changemens que subit l'azote. C'est de cette affinite, de cette adhesion que manifestent mutuellement les deux bases constituantes de notre atmosphere, que depend un grand nombre des phenomenes les plus importans; et si, d'un cote, nous observons l'azote s'emparer de quelques parties de l'oxigene, nous le voyons, de l'autre, entraeine par l'oxigene pour se fixer dans quelques oxides metalliques. Il paroeit resulter, des faits contenus dans ce memoire: 1°. Que le phosphore, soit qu'on le braule ou qu'on le fasse luire simplement en contact avec l'air atmospherique, est une substance eudiometrique infiniment incertaine, vu qu'elle n'absorbe tres-souvent que 0.15 ou 0.20 d'oxigene, au lieu de 0.27: 2°. Que le gaz nitreux decouvre presque constamment quelques centiemes d'oxigene contenus dans le residu de l'eudiometre a phosphore: 3°. Que tous les gaz azotes dans lesquels le phosphore ne repand aucune lueur, et qui ne diminuent pas en volume avec le gaz nitreux, ne peuvent pas etre regardes comme depourvus d'oxigene: 4°. Que le phosphore se dissout egalement dans les gaz azote et oxigene, et qu'ils se forment des oxides a doubles bases de phosphore et d'azote (des phosphures d'azote oxides) que le gaz nitreux ne decompose qu'en partie. Les affinites du phosphore et de l'azote jouant, comme l'ont judicieusement observe les citoyens Berthollet et Fourcroy, un role important dans le procede chimique de la vitalite; il ne paroeit pas moins vraisemblable que les substances animales doivent aussi contenir des oxides a doubles bases d'azote et de phosphore.