DE L'IRRITABILITE DE LA FIBRE NERVEUSE ET MUSCULAIRE; Par Van Humboldt. Ce physicien se trouvant a Paris dans ce moment, je l'ai prie de me communiquer ses interessans travaux pour en presenter un extrait a nos lecteurs. On connoit toute l'exactitude & toute la sagacite qu'il met dans ses experiences. Versuche uber die gerazte Maszel-und Nerven-fases nebst Vermuthungen uber des demisohen Process des lebens in des Thier-und Pstanzenwelt. B. I. und Z. 1797, 1798, ou Experiences sur l'irritation de la Fibre nerveuse & musculaire, suivies d'un Essai sur les agens chimiques qui modifient la vie dans le regne animal & vegetal, 2 vol. par Frederic- Alexandre Van Humboldt , avec 8 planches. Alius error est praematura atque proterva reductio doctrinarum in artes & methodos, quod cum sit plerumque scientia aut parum aut nihil proficit. Baco Verulam. Lib. 1. . Le docteur Veit se propose de traduire cet ouvrage en francais. I Lya plusieurs annees, dit l'auteur au commencement de cet ouvrage, que j'ai ete occupe a comparer les phenomenes de la matiere animale avec les loix auxquelles la nature non organisee est assujettie. C'est en poursuivant ce travail que j'ai ete assez heureux pour faire des decouvertes qui semblent nous mettre en etat de dissiper en partie les tenebres qui nous cachent les premieres causes chimiques des fonctions animales. Un organe separe du corps auquel il appartenoeit, mais compose de fibres irritables & sensibles, peut, dans l'espace de quelques secondes, de la lethargie (apathie) profonde qui l'accable, etre reveille, & porte au plus haut degre d'irritabilite, tandis que, dans le meme espace de temps, cette irritabilite exaltee peut etre de nouveau diminuee ou aneantie. Cette balance, ce changement periodique de la vitalite, peut etre produit quatre a cinq fois dans un meme nerf; il depend tout autant du physicien d'aneantir ou d'exalter l'irritabilite de la matiere organisee, qu'il tient au musicien de varier l'elasticite des cordes sonnantes. J'ai traite la fibre animale pendant des heures entieres avec de l'acide muriatique oxigene, des alkalis, de l'acide nitreux, de l'opium, des oxides d'arsenic ou de l'alkool. Toujours je l'ai vu conserver un certain degre d'irritabilite dans le conflict de ces elemens excitateurs. J'ai decouvert que les substances animales, aussi long-temps qu'elles ont le principe de vie, sont capables d'agir par distance, & que cette action diminue a mesure que l'irritabilite se perd. J'ai trouve des moyens pour rendre visibles ces atmospheres irritables, que tantot les nerfs, tantot les muscles, repandent autour d'eux. Je crois pouvoir demontrer par un vaste nombre de faits, que l'irritabilite de la matiere animale ne depend, pas (comme plusieurs physiologistes l'annoncent, & comme mes propres experiences sur les vegetaux semblent le prouver) de la quantite d'oxigene que le corps contient, mais que l'azote & l'hydrogene jouent un role tout aussi important, & que le degre de vitalite ne depend que de la balance reciproque & des affinites chimiques de tous les elemens dont la matiere animale & vegetale est composee. C'est en ebauchant ainsi a grands traits le tableau de ces decouvertes, que l'auteur continue de donner, dans un avant-propos, un precis rapide des objets interessans que traite cet ouvrage. Il annonce que c'est depuis l'automne 1792 qu'il s'est occupe assiduement des experiences sur les muscles & les nerfs. Quoique depuis cette epoque il ait parcouru plusieurs pays de l'Europe, quoique ses devoirs comme directeur des mines, & d'autres occupations tres-heterogenes, l'aient empeche de suivre les decouvertes que d'autres physiciens ont fait, il n'abandonna jamais la suite de ces recherches. Les memes idees qu'il avoit enoncees dans sa Physiologie chimique des plantes (Aphorismi ex Physiologia chimica plantarum, annexes a la Flora subterranea. Fribergensis 1793, & traduits en allemand par le D. Fischer, avec des notes du celebre professeur Hedwig de Leipsick); ces memes idees le conduisirent dans ses recherches sur la matiere animale. Quoiqu'il soit tres-eloigne de regarder les vegetaux comme une espece de polypes, quoiqu'il ne meconnoisse point les limites par lesquelles la nature semble avoir separe les deux regnes, il croit cependant que les vegetaux & les animaux doivent etre traites, sous le meme point de vue, comme les objets d'une anatomie & physiologie comparee. Il ne faut pas oublier que l'homme & le byssus sont alteres, dans le degre de leur irritabilite, par le meme stimulant. -- C'est au commencement de 1795 que l'auteur redigea une partie de son ouvrage. Il etoit sur le point de le faire imprimer, lorsque le D. Pfaff (presentement professeur a Kiel) publia son excellent Traite sur l'electricite animale. Jamais encore cet objet important n'avoit ete suivi avec cette sagacite. Quoique Humboldt & Pfaff eussent travaille a une grande distance les uns des autres, quoiqu'ils ne se communiquerent aucunement leurs idees, le hasard cependant les avoient guides tous deux sur les memes decouvertes. Le dernier prefera de refondre son manuscrit; il supprima tout ce qui ne pouvoit plus paroeitre neuf au public; & le sejour qu'il fit depuis ce temps en Italie, en Suisse & aux armees du Rhin, retarderent la publication de cet ouvrage physiologique encore de deux ans. C'est dans cet intervalle qu'une partie des experiences de notre auteur fut annoncee, tant par lui-meme (dans ses trois lettres physiologiques, adressees au professeur Blumenbach, de Gottingen) que par d'autres savans, auxquels il communiqua ses manuscrits. L'auteur se plaeit a temoigner une reconnoissance profonde a ses amis, Alessandro Volta de Come, Scarpa, de Pavie, & Pictet de Geneve, physiciens celebres dont les lumieres l'ont guide souvent a des experiences qui, sans leurs avis, auroient ete negligees. Il finit son avantpropos par deux observations tres-importantes; 1°. qu'aucune experience n'est annoncee dans cet ouvrage qui n'ait ete repetee plusieurs fois sur huit a dix individus, & en presence de plusieurs temoins capables de juger des conditions qui pouvoient alterer les effets de l'excitation (quoique plusieurs experiences sont d'une nature tres-delicate, & qu'il est impossible de provoquer a son gre, dans l'espace de plusieurs journees, les memes phenomenes que l'auteur a observes pendant un travail de six ans, meme les faits les plus etonnans, comme ceux de l'action par distance ou de l'atmosphere sensible; & ceux du retablissement spontane de la vitalite par les agens chimiques, viennent d'etre constates par d'autres physiciens. Voyez les deux Memoires du D. Renhold, de galvanisme, & la Lettre Physiologique du D. Philippe Michaelis, inseres dans le Journal de Physique de Gren); 2°. que le lecteur est prie de distinguer soigneusement les faits des idees hypothetiques qu'on s'est permis d'ajouter par-ci par-la. Les premiers pourront etre regardes comme des materiaux precieux, lors meme que les dernieres ne seront plus compatibles avec les systemes de la race future. L'auteur, en experimentateur zele, ajoute qu'il faut rassembler les faits, mais qu'il est trop tot de construire des theories en prononcant sur des phenomenes aussi compliques que ceux que la nature animee nous presente. Il nous seroit impossible de suivre dans cet extrait, le grand nombre d'experiences que l'ouvrage de notre auteur nous offre. Nous nous contenterons d'annoncer le contenu des sections dont les deux volumes sont composes. L'institut national ayant fixe une attention particuliere sur ces decouvertes, & plusieurs savans ayant en vue de faire traduire tout l'ouvrage en francais, il seroit meme superflu d'entrer prealablement dans un detail plus grand. Le premier volume contient dix sections. Elles presentent les phenomenes du galvanisme sous tous les rapports. Elles tendent a resoudre le grand probleme de l'action musculaire. Le second volume demontre la maniere d'exalter (augmenter) ou de deprimer (diminuer) l'irritabilite de la matiere organisee par les agens chimiques. Il prouve que l'irritabilite est modifiee par les affinites des elemens qui composent la matiere animee. Il traite severement les changemens que chaque substance elementaire peut produire dans la fibre sensible & irritable, changement de l'ensemble desquels resulte ce que l'on nomme la constitution physique des corps animes. Chacun de ces deux volumes, quoique lies entierement, peut etre lu separement avec interet. Commencons par l'analyse du premier. PREMIERE SECTION. Sur les mots electricite animale, irritation metallique, irritamentum metallorum. Ces expressions sont erronees, parce que les experiences contenues dans ce premier volume, prouvent que le fluide electrique est tres-different de celui qui circule du nerf au muscle, & parce que les contractions peuvent etre excitees sans metal, & meme sans substances charbonneuses. L'auteur adopte les mots de galvanisme, galvaniser, irritation galvanique; mots qui depuis ont ete recus dans d'autres langues, & qui, en ne nous rappellant que le nom de celui a qui l'on doit la premiere decouverte sur l'action musculaire, ne confond pas les phenomenes tres-heterogenes dans leurs causes & leurs effets. Le galvanisme ne peut agir que sur la matiere organisee, douee de fibres irritables & sensibles; c'est une action vitale. Quoique le fluide galvanique ne reside que dans les parties animees, il se pourroit cependant que, lors de son passage par les substances inanimees, il produisit des changemens dans les elemens. Ces dernieres experiences, qui prouvent que ces changemens, s'ils existent, sont trop peu sensibles pour etre observes par nos organes. Les reactifs n'ont pas change de couleur; les cristallisations n'ont pas ete accelerees; les metaux, enduits de semen lycopodii, n'ont pas presente les figures de Chladni, lorsqu'ils ont fait partie de l'arc conducteur, & que le courant galvanique a passe des heures entieres par cet arc. -- Valli & Kuhn sont les seuls physiciens qui pretendent avoir vu diverger l'electrometre au moment de la decharge galvanique. Personne n'a observe ce phenomene apres eux. L'auteur arma 14--18 nerfs de grenouilles d'un seul metal; l'electrometre le plus sensible communiqua a cette batterie de grenouilles, & malgre toutes ces circonstances favorables, la divergeance n'eut pas lieu. Il se pourroit tres-bien qu'il y ait de l'electricite produite quelquefois pendant le mouvement musculaire, sans que ce mouvement meme en soit la cause. Nous savons que Theodoric, roi des Visigots, donnoit en marchant des etincelles electriques. De l'eau & de l'acide carbonique sont produits par la contraction du muscle, & cependant l'oxigene, l'hydrogene & le carbon ne doivent certainement pas etre regardes comme les elemens du fluide nerveux. -- Les phenomenes du galvanisme etant des phenomenes d'irritation, la force des contractions galvaniques depend tout aussi bien de la quantite & qualite du stimulant que de la receptivite (irritabilite, excitabilite) de la matiere organisee. Les memes metaux, disposes de la meme maniere, presenteront des effets tres-differens les uns des autres, si l'on change la receptivite de la fibre animale. C'est pour avoir neglige ce point de vue que tant d'annees se sont ecoulees avant que les loix du galvanisme aient ete eclaircies. L'auteur a vu, par exemple, que les grenouilles fatiguees ne montrent aucune contraction, lorsque les metaux heterogenes & les parties de chaire musculaire humide sont disposes de maniere que dans tout le cercle conducteur, deux metaux (au lieu de se toucher immediatement) sont separes par des substances animales. Ne changez pas la disposition des conducteurs, mais prenez un nerf plus irritable, & les contractions paroeitront comme si les metaux heterogenes etoient immediatement en contact. C'est ainsi qu'une experience negative pour un moindre degre d'irritabilite, sera positive pour une excitabilite plus exaltee. L'auteur observe que les animaux femelles sont beaucoup plus irritables que les males, que les amphibies sont au plus haut point de leur excitabilite aux mois de fevrier & de mars, lorsqu'on les reveille de leur sommeil d'hiver. C'est alors qu'ils presentent les memes phenomenes que si ils avoient ete traites par des solutions d'alkali, par celle de l'oxide d'arsenic, par l'acide muriatique oxigene, ou par d'autres fluides dont la force stimulante a ete decouverte. DEUXIEME SECTION. Phenomene d'action musculaire lorsque la fibre organisee se trouve au plus haut degre d'irritabilite. L'experience galvanique la plus simple est celle qui se fait sans l'intermede d'aucune substance tierce, par le simple contact d'un nerf ou d'un muscle organiquement coherens. L'auteur a produit des contractions galvaniques en preparant un animal par les nerfs ischiatiques (c'est-a-dire de maniere que les extremites anterieures & posterieures ne communiquent que par les nerfs schiatiques ou sympathiques), & en recourbant la cuisse contre le nerf mis a decouvert; preuve que cette contraction n'est pas l'effet d'un stimulus mecanique. Volta a cru que la decharge n'avoit lieu que par le contact de la partie tendineuse du musculus gastrocnemius. Experiences du contraire. Ritter vient de galvaniser avec succes, en recourbant le bout du nerf crural vers le muscle auquel il est insere. Le D. Reinhold cite des experiences analogues. Lorsque ce contact de parties animees coherentes ne produit plus d'effet, il faut former l'arc conducteur par des substances animales separees du corps dont elles forment partie. Decoupez le bout du nerf crural, & mettez-le, au moyen d'un tube de verre, en contact avec le muscle & le meme nerf auquel il appartenoit auparavant, & de fortes contractions paroeitront a l'instant. Toutes ces experiences, variees a l'infini, & presentees en figures, ont ete faites sur des glaces tres-seches, pour etre plus a meme de juger de la simplicite des conditions. Partagez le coeur d'une grenouille en trois morceaux, mettez-en deux en contact avec le nerf & le muscle, & remplissez le vuide qu'ils laissent dans l'arc par le troisieme morceau, & la decharge galvanique aura lieu au moment de la formation complette de l'arc; elle sera plus forte meme si la communication commence a se former du cote du muscle. Il paroeit que le stimulus est plus efficace lorsque le fluide galvanique circule du muscle au nerf, & non du nerf au muscle. L'auteur observe cependant que cette difference tres-importante ne peut etre observee que dans des animaux qui jouissent d'un moindre degre d'irritabilite. TROISIEME SECTION. Experiences galvaniques, au moyen de substances conductrices, ou metalliques, ou charbonneuses. Les contractions galvaniques que Galvani, Volta, Valli, Fowler, Monro, Delametherie, & tous les physiciens experimentateurs ont decrit, ne furent produites que par la formation d'un cercle, c'est-a-dire d'un arc qui communiquoit en meme temps au nerf & au muscle, ou a deux points de nerf; meme dans l'experience la plus simple, ou l'on recourbe le bout du nerf contre le muscle dans lequel il est insere, on paroeit voir un cercle forme par les organes animees meme. Il n'en est pas toujours ainsi. L'auteur fit, le 20 novembre 1796, la decouverte interessante que l'irritabilite d'un animal etant tres-exalte, il suffit d'armer de zinc son nerf crural, & de toucher ce zinc A (& fasse a 3 pouces ou 4 pieds de distance) avec un autre metal heterogene ou homogene B. Freiesleben, Keutsch & Reinhold ont repete cette experience sans cerale avec le meme succes, a des epoques tres-differentes. L'auteur l'a varie beaucoup, pour etre tres-saur que le metal B se communique insensiblement avec les organes irritables. En posant deux nerfs cruraux, soigneusement prepares, sur une plaque de zinc, il fit elever par deux personnes isolees les deux jambes en l'air, au moyen d'un support en verte; les nerfs seuls etoient restes en contact avec le zinc, mais tres-eloignes les uns des autres. Le zinc communiquoit par un fil de cuivre, avec un morceau d'argent, a 5 pouces de distance, le tout pose sur des carres de glaces tres-seches & propres. En frappant sur cet argent avec du bois ou de la cire d'Espagne, il ne se manifesta aucune contraction; mais la decharge galvanique fut vehemente lorsque l'argent entra en contact avec un morceau de cuivre ou de fer. D'autres experiences, plus compliquees encore, dans lesquelles les armatures reposoient dans de l'huile, sous des cloches de verre, de maniere que l'humidite de l'atmosphere ne pouvoit former une communication entre le metal B & les parties animees, ne sauroient etre decrites sans jeter les yeux sur les tables jointes a l'ouvrage de notre auteur; contractions galvaniques au moyen d'un cercle ou arc conducteur, forme de metaux homogenes. L'auteur prouve, en embrassant la defense d'Aldini contre Volta, que des excitateurs homogenes, tels que le mercure bien purifie, sont en etat de causer des decharges tres-fortes si l'animal jouit d'un haut degre d'irritabilite. QUATRIEME SECTION. Experiences avec des substances heterogenes. Celles-ci ont ete decouvertes les premieres; & comme elles sont des genres les plus compliques, il ne faut pas s'etonner qu'on ait eu si long-temps les yeux fixes sur les metaux, qui ne jouent qu'un role secondaire dans les phenomenes galvaniques. Une grenouille epuisee ne montre plus de contraction lorsque les armatures heterogenes des nerfs & des muscles ne se touchent pas immediatement; mais au moyen d'un petit morceau de chair musculaire, l'auteur humecta le nerf de quelques gouttes de solution de potasse, & les contractions reparurent. Il diminua de nouveau l'irritabilite par l'acide nitreux, & des-lors le contact immediat des armatures, ou l'intervention d'un nouveau metal entre le morceau de chair musculaire & l'armature du nerf etoient indispensables pour galvaniser avec succes. Lorsque l'excitabilite des fibres sensibles & nerveuses est moins exaltee, les experiences decrites dans les sections I & IV ne reussissent point; il faut alors que des substances heterogenes entrent dans la formation de l'arc conducteur. -- Mais (ce qui n'a pas ete connu jusqu'ici, & ce qui presente des phenomenes tres-frappans) ce sont les fluides evaporables, les substances humides qui jouent un grand role dans cette classe d'experiences. Donnez au nerf & au muscle de l'animal des armatures homogenes; mettez entre ces armatures autant de metaux heterogenes que vous voudrez, & jamais vous ne serez en etat d'exciter des contractions. Humectez un des metaux, & dans l'instant, les mouvemens les plus forts paroissent. Cette decouverte fut faite par l'auteur en avril 1795, & decrite dans sa premiere Lettre physiologique, adressee au professeur Blumenbach. Un grand nombre de physiciens se sont occupes des-lors a repeter ces experiences, auxquelles on donna le nom de l'experience du soufle, ou de l'electrophore a vapeurs. Il n'y a rien de si frappant que de voir des masses enormes de chair musculaire mues par un atome d'humidite. (Le celebre professeur Volta, sans savoir ce qui s'imprimoit en Allemagne, fit, a la meme epoque, des decouvertes tresanalogues, mais qu'il tarda de publier). Quand le nerf crural d'une grenouille fatiguee repose sur du zinc, & que le muscle est arme de zinc aussi, l'animal reste en repos. Que l'on mette en contact ces deux metaux homogenes, ou qu'on les joigne au moyen d'une plaque heterogene d'argent, il paroeit alors qu'il n'y a que l'homogeneite des metaux attouchant les organes qui decide de l'effet; mais a l'instant que le metal heterogene, pose entre les deux homogenes, est humecte d'un cote, soit a la surface superieure ou inferieure, les contractions galvaniques paroissent. Humectez ce metal heterogene de deux cotes, ou pour etre plus saur que les armatures ne le touchent pas immediatement en aucun point de sa surface, placez deux morceaux de chair musculaire evaporante au-dessus & au-dessous du metal heterogene, & des-lors aucun mouvement ne va paroeitre dans les fibres irritables. Otez un des morceaux de chair, & essuyez soigneusement le metal heterogene a une de ses surfaces, & des-lors les mouvemens musculaires reparoeitront. Le metal heterogene, place entre deux metaux homogenes, ne doit donc etre enduit d'un fluide evaporable que d'un cote seulement; il ressemble a un electrophore qui presente une surface metallique, & une autre resineuse. Les acides, les solutions d'alkali, le savon humide, presentent le meme phenomene que l'eau ou le soufle seul; il paroeit meme que les contractions sont augmentees en augmentant l'evaporation, tant en chauffant le metal heterogene qu'en se servant de l'alkool ou des naphtes au lieu de l'eau. Toutes ces experiences se joignent a celles que Volta a decrites, & dans lesquelles il a humecte un arc homogene, d'un cote d'un acide, & de l'autre d'un alkali. CINQUIEME SECTION. Les sections precedentes exposent ce que l'auteur a decouvert jusqu'ici sur les loix du galvanisme. Nous venons de voir que, des experiences les plus simples, on descend jusqu'aux plus compliquees. Les contractions musculaires ont lieu, 1°. en recourbant le nerf contre le muscle dans lequel il est insere; 2°. en formant un arc conducteur du nerf au muscle, ou d'un point du nerf a l'autre, par le moyen des substances animales, telles que des morceaux de chair musculaire, de nerfs decoupes ...; 3°. en mettant l'armature metallique d'un nerf en contact avec un autre metal, sans qu'il existe une communication immediate de ce dernier metal avec les parties irritables: experience sans cercle; 4°. en joignant les parties irritables par une substance metallique ou charbonneuse homogene: armatures homogenes; 5°. en formant l'arc conducteur de deux substances heterogenes; 6°. en mettant entre deux armatures homogenes un metal heterogene, enduit d'un cote d'un fluide evaporable. Pour presenter encore plus facilement les grands phenomenes de l'action musculaire en forme de tableau, l'auteur a invente des signes tres-simples, par la composition desquels on voit du premier coupd'oeil la maniere dont les substances conductrices sont disposees. Cette maniere de designer les decouvertes de physique par des equations analogues a celles que l'algebre nous offre, paroeit tres-utile. Une theorie quelconque ne peut etre adoptee que lorsqu'elle n'est en contradiction directe avec aucun des faits qu'elle doit expliquer. Rien n'est donc plus propre a conduire aux loix, & meme aux premieres causes d'un phenomene complique, que la contemplation de toutes les modifications dont il est susceptible. Les substances qui forment l'arc galvanique sont, ou des corps humides, tels que la chair musculaire, du papier mouille, de l'eau.... ou des corps acidifiables, comme les metaux & le charbon. Nommons les premieres H, & les dernieres A. L'auteur designe la disposition des substances conductrices par la proximite qu'il leur donne dans les formules; par exemple, nerf A. h veut dire que le nerf est arme par un metal (corps acidifiable), & que ce metal est en contact avec un corps humide. A. A & a. a designent le contact de substances metalliques on charbonneuses homogenes; mais A. a designe le contact de deux substances heterogenes. Le signe [Formel] nous rappelle la formation d'un cercle. La methode la plus usitee de galvaniser en joignant deux armatures heterogenes, sera donc exprimee par la formule nerf A. a. Mettez une substance humide (de la chair musculaire) entre les deux armatures de zinc (A) & d'argent (a), & vous aurez la formule nerf A. h. a. L'experience sans cercle (section III.) sera designee par nerf A. a; celle du soufle ou du metal heterogene, place entre deux metaux homogenes, & humecte a une de ses surfaces, par la formule suivante: nerf A. a. h. A. La formule nerf A. h. a. h. A nous rappelle un metal humecte des deux cotes, c'est-a-dire une experience negative (--) sans effet, sans contractions. Nous allons communiquer a nos lecteurs le tableau des loix du galvanisme, tel que notre auteur le donne, page 97 du premier volume. I. Au plus haut degre d'irritabilite, + Nerf & muscle (dans lequel le premier est organiquement insere). + Nerf H. + Nerf A. a. + Nerf H. h. + Nerf A. a. A. + Nerf A. A. + Nerf A. a. h. a. + Nerf A. A. + Nerf A. h. a. h. A. II. Au moindre degre d'irritabilite. + Nerf A. a. + Nerf A. a. h. A. + Nerf A. a. h. A. a. + Nerf A. h. a. h. a. A. Au contraire, la fibre jouissant de ce moindre degre d'irritabilite, on ne verra pas de contractions dans les cas suivans, regardes alors comme negatifs. -- Nerf & muscle dans lequel le premier est insere. -- Nerf H. h. -- Nerf A. A. -- Nerf A. a. -- Nerf A. h. a. (La suite au cahier suivant). SUITE DES EXPERIENCES SUR L'IRRITATION DE LA FIBRE NERVEUSE ET MUSCULAIRE; Par Frederic Alexandre Van-Humboldt. IL seroit a souhaiter, pour les progres de la physiologie, que ces signes (adoptes deja depuis par d'autres savans) fussent generalement recus, parce qu'ils presentent un moyen tres-simple de s'expliquer facilement & sans figures, sur les faits les plus compliques. En designant dans chaque experience de cette methode, & fixant les yeux sur le tableau des phenomenes presentes ci-dessus, il sera aise de determiner s'il s'agit d'une nouvelle decouverte, ou d'une loi deja connue depuis long-temps. VI. SECTION. Modifications de l'effet galvanique. Les contractions musculaires sont plus fortes en fermant le cercle de maniere que l'arc conducteur entre le premier en contact avec l'armature du muscle des deux formules Nerf A. a. Nerf A. a. [Formel] [Formel] Il n'y aura souvent que la derniere qui sera positive, au cas que l'animal soit tres-epuise. L'effet ou la force de la contraction musculaire est augmente par le nombre de points de contact que l'armature metallique presente au muscle. Il n'en est pas ainsi du nerf; il est indifferent que son bout touche au metal ou qu'il y soit pose de toute sa longueur. Peut-on (comme plusieurs auteurs l'ont cru) galvaniser les muscles seuls sans nerf? L'auteur observe qu'il est impossible de preparer un muscle sans qu'aucun atome de fibre nerveuse n'y reste mele. Chaque fois qu'il a vu galvaniser avec succes des muscles, il y a decouvert des restes de nerfs; en decoupant ceux-la, les contractions cesserent. Les soi-disantes armatures de muscles ne sont donc que des armatures de nerfs, par l'intermede d'un muscle conducteur. Analyse chimique des substances qui peuvent former l'arc galvanique. Les carbures & sulfures de metaux sont des excitateurs excellens. Les sulfates metalliques, comme toutes les mines dans lesquelles les metaux se trouvent plus ou moins oxides, sont isolateurs. Il est tres-difficile de ranger les metaux d'apres leur force excitatrice, comme ils doivent etre observes dans leurs combinaisons binaires ou ternaires (avec deux ou trois autres metaux), & que l'effet est altere par l'irritabilite des organes. Experiences avec du fer aimante, ou les poles heterogenes de deux aimants. L'auteur prouve que l'influence du fluide magnetique, s'il existe, est trop petit pour se manifester. Les meilleurs conducteurs de calorique paroissent etre les meilleurs conducteurs du fluide galvanique. Sur les capacites. La capacite d'une substance acidifiable augmente en raison de son oxidation. La mine de manganese noire excite les contractions galvaniques; c'est le seul oxiole qui fait cet effet. Des experiences chimiques prouvent que la manganese est constamment mele de charbon, & que c'est a ce melange que l'on doit attribuer la force excitatrice. Le charbon combine avec l'hydrogene, isole. C'est pour cela que le charbon fossile ne devient excitateur, que lorsqu'il a subi un certain degre de chaleur. L'auteur en repetant l'experience de Berthollet, par laquelle le bois de sapin se noircit a une temperature de 10 a 12 degres, le contact avec le gaz oxigene, observa que ces taches noires peuvent servir au galvanisme: il decouvrit meme du petrosilex (pierre lydique de Werner, s'approchant du petrosilex schisteux ou kieselschiefer des Allemands), qui excita des contractions musculaires aussi fortes que le zinc. L'analyse chimique prouva, que les terres silicieuses & argilleuses de cette pierre sont melangees d'un minimum de charbon. La glace & les vapeurs isolent, tandis que l'eau est conductrice du fluide galvanique; l'huile & la solution de potasse interceptent ce meme fluide; le savon qui resulte du melange de l'huile & de la potasse, conduit mieux que l'eau pure. Observations chimiques sur les raisons des forces conductrices. Toute substance animale propage plus facilement l'action galvanique, que les substances vegetales. Le sang conduit mieux que le suc de l'euphorbia esula: la viande rotie, mieux que l'epiderme ou le parenchyme d'un agave. Il existe des personnes qui, a differentes epoques, interceptent la circulation du fluide galvanique. Il paroeit que le rhumatisme est une des causes principales de cet etat isolateur. (Keirhold observa que des malades affectes de maux rhumatiques, etoient peu susceptibles du galvanisme, lorsqu'en repetant l'experience des cantharides de Humboldt, il leur arma les nerfs de metaux heterogenes). On a vu des femmes en Amerique, qui pendant une fievre de nerfs, pouvoient toucher le gymnotus electricus, sans en sentir les secousses: voila des faits tres-analogues. Les dents deviennent conductrices du fluide galvanique, lorsqu'on les frotte avec des acides. Observations physiologiques sur ce phenomene. Plusieurs champignons, principalement ceux du genre des morilles (phallus esculentus, elvela mitra, elvela sulcata), conduisent le fluide nerveux; l'analyse chimique les rapproche des substances animales; ils contiennent beaucoup d'azote, du phosphore .... L'auteur est parvenu a convertir les morilles en suif par le moyen de l'acide sulfurique etendu d'eau: cette experience est absolument analogue a celle de Gibbes, & du cimetiere des Innocens, ou le suif se forma de la chair musculaire. Les champignons traites avec l'acide nitrique, donnerent une substance qui presenta une odeur de cire. Les muscles des animaux se forment treslentement dans un espace de temps tres-considerable: & une substance qui leur ressemble entierement par la combinaison de ces elemens chimiques, les morilles naissent dans une nuit, lorsqu'une pluie electrique arrose la terre. VII. SECTION. Recapitulation de plus de 60 substances conductrices & isolatrices du fluide galvanique, presentees sous forme de tableau conducteur, de 200 jusqu'a 250 pieds. Propagation instantanee. Les organes irritables ne doivent pas toujours faire partie de l'arc conducteur meme. L'auteur observe (ce qui est tres-interessant) que les contractions musculaires ont lieu, lorsque le bout du nerf se trouve en contact avec une goutte de solution de potasse, & que les deux metaux heterogenes, sans toucher le nerf, s'immergent dans le fluide conducteur. -- Vibration des metaux excitateurs. -- L'irritation dure-t-elle pendant tout le temps que la chaeine galvanique reste formee? Effet de deux chaeines ou arcs employes a la fois. -- Le fluide galvanique sortant des nerfs d'un animal a sang froid, n'est pas stimulant pour les organes irritables de l'homme: experience par laquelle l'auteur prouve que le fluide galvanique de l'homme, peut donner la sensation de la lumiere ou du goaut acide a une personne qui se trouve a une distance de 4 ou 5000 pieds de celui dont les nerfs sont armes; c'est pour decouvrir cette propriete frappante, que Humboldt s'ecorcha le dos a plusieurs reprises par des cantharides, & qu'il se fit des plaies dans differentes parties du corps.-- Ligature du nerf. --On a dispute en vain si cette ligature empeche la circulation du fluide galvanique ou non: cet empechement n'existe, que lorsque la partie du nerf qui est entre la ligature & l'insertion, au muscle, se trouve enveloppee dans des substances animales conductrices du galvanisme: aussi-toi que cette partie du nerf se trouve dans le moindre contact avec l'air atmospherique, les contractions musculaires ont lieu, & la ligature ne fait pas d'effet. Cette section finit par le recit des experiences sur les atmospheres sensibles ou irritables des organes animes; experiences que Humboldt a decouvertes le premier, & qui sont, peut-etre, ce que son ouvrage presente de plus curieux. Un nerf doue du principe de vie, doit etre regarde comme une substance chargee d'un fluide excitateur; ce fluide forme autour de lui une atmosphere de 1, 5 jusqu'a 2 lignes de diametre. La sensation ou le mouvement est propage, lorsqu'un stimulus entre en cette atmosphere sans toucher immediatement la fibre nerveuse meme. Le jeu de ces atmospheres se manifeste sous des circonstances tres-differentes . 1°. En decoupant transversalement un nerf dont l'irritabilite est tres exaltee, & en eloignant les deux parties de 1, 5 jusqu'a 2 lignes, les contractions malgre qu'une couche d'air semble intercepter la circulation du fluide. Cette observation a ete faite plusieurs fois par Humboldt, & vient d'etre constatee par le docteur Reinhold. Les parties de nerfs decoupees furent quelquefois suspendues dans l'air par des fils de soie, pour etre tres-saur que l'humidite d'une table ou d'une glace ne put former une communication entre les organes sensibles. 2°. On voit quelquefois paroeitre des contractions musculaires, avant que la pincette d'argent appuyee d'un bout sur le zinc (armature du nerf) vient de l'autre en contact immediat avec le muscle. Les parties musculaires repandent alors une atmosphere irritable autour d'elles; car en eloignant le bout des pincettes a une distance de 3 ou 4 lignes, tout mouvement disparoeit. (Ces deux manieres de faire l'experience d'une action par distance, ne doivent etre employees qu'au plus haut degre d'irritabilite; il paroeit meme qu'un certain degre d'humidite de l'atmosphere est requis pour servir de moyen a cette atmosphere sensible). 3°. Une troisieme voie, par laquelle l'action par distance se manifeste journellement, est l'effet du galvanisme sous l'eau. L'atmosphere se repand dans les couches d'eau qui environnent les nerfs & les muscles en 2 lignes de distance; les mouvemens galvaniques paroissent au moment ou le conducteur metallique entre en contact avec cette couche d'eau, sans attoucher les organes memes; l'atmosphere se retrecit a mesure que l'irritabilite de l'animal s'affoiblit; au lieu de 2 lignes, il faut peu-a-peu s'approcher de 1, 5 jusqu'a 0, 5 de lignes. Une glace posee entre le conducteur metallique & le nerf, au milieu de l'atmosphere sensible, intercepte la circulation du fluide, quoiqu'elle ne touche immediatement ni le metal, ni le nerf. L'eau ne peut pas etre regardee dans cette experience (constatee sous les yeux de l'Institut national & de l'Ecole de Medecine) comme conducteur, mais comme medium, dans lequel se repand le fluide galvanique, pour y former une atmosphere: si elle n'etoit que substance conductrice, il seroit indifferent que la couche aye deux lignes ou 40 pieds d'epaisseur: influence des atmospheres sensibles & irritables dans les phenomenes de la sensation, du mouvement musculaire, & des convulsions partielles. VIII. SECTION. Effet du calorique & du frottement des excitateurs. Les contractions galvaniques deviennent plus fortes lorsqu'on exhausse la temperature des metaux. L'auteur a decouvert que la force excitatrice d'un metal se communique a l'autre par un simple contact; phenomene surprenant, sur les causes duquel nous sommes encore tres-eloignes de pouvoir prononcer. Lorsqu'a un moindre degre d'irritabilite, les metaux homogenes (par exemple, deux morceaux de zinc) ne produisent aucun effet, il suffit quelquefois de frapper avec la lame de zinc sur une piece d'argent, pour lui faire adopter la nature du dernier. On peut etre tres-saur que le zinc ne s'enduit pas, par un leger frottement, de quelques atomes d'argent, car la force excitatrice est communiquee a toute sa masse, par consequent a des parties qui n'ont pas touche immediatement la plaque d'argent. Le docteur Wells, en repetant ses experiences, a trouve que le zinc conserve la nature d'un autre metal jusqu'a douze heures de suite. (Humboldt ne l'avoit observe que jusqu'a 30 secondes.) Experiences galvaniques faites dans les gaz oxigene, nitreux, acide carbonique, hydrogene, azote, acide muriatique oxigene & hydrogenepesant. Les differens gaz n'alterent pas l'effet du galvanisme, mais agissent directement sur l'irritabilite des organes. Les plantes peuvent-elles etre galvanisees avec succes? Notre auteur a fait un grand nombre d'experiences sur le mimosa-pudica, le berberis vulgaris & le hedisarum gyrans. Il n'a jamais observe aucun effet. Il prouve que si les metaux agissent sur la matiere vegetale animee, ce n'est qu'en accelerant la contraction des fibres circulaires des vaisseaux accelerateurs qui augmente l'ascension de la seve, mais qu'il seroit difficile d'observer avec exactitude. Il n'est aucunement prouve que les vegetaux manquent de nerfs. On nioit jusqu'ici ces memes organes; cependant les travaux anatomiques d'Abilgeard, Angeli, Presciani & Humboldt (travaux que Cuvier va augmenter bientot par un vaste nombre de decouvertes les plus interessantes), prouvent le contraire. Le galvanisme est un excellent moyen pour reconnoeitre les nerfs & les distinguer d'un vaisseau. On arme de zinc la fibre blanche, dont la nature est problematique; on forme le cercle conducteur entre le zinc & un muscle. Si des contractions paroissent dans le dernier, on peut etre certain que la fibre est nerveuse. Humboldt a invente une methode de galvaniser les plus petits animaux, sous le microscope compose, & c'est par ce moyen qu'il a decouvert le systeme nerveux des naiades & lernees. Cette section finit par des observations tres-curieuses sur l'anatomie & la physiologie des mytilus, lumbricus, helix, sepia, nais, lernaea, ascaris, taenia, cerambyx, blatta, lucanus, vespa & cancer. -- Experiences sur des poissons; recherches sur les causes de leur grande irritabilite. IX. SECTION. Amphibies. Pourquoi sont-ils les plus irritables pendant le sommeil d'hiver? Les fonctions du cerveau affoiblissent l'action musculaire & la secretion des vaisseaux. La cinquieme partie de tout le sang passe par le cerveau de l'homme, & en sort desoxide. Que devient cet oxigene? Entre-t-il dans la composition du fluide galvanique? & la partie medullaire du cerveau & des nerfs seroitelle le viscere dans lequel se forme ce fluide precieux? La digestion se fait mal lorsqu'on reflechit ou medite beaucoup en digerant; les gens stupides s'engraissent. Dans le moment de la digestion, l'energie du cerveau est affoiblie; les muscles meme sont moins forts, & il y a du froid de produit dans les extremites. Tous ces phenomenes ne sont-ils pas fondes dans l'existence d'un fluide qui, se portant en grande abondance du cerveau & des extremites vers les nerfs abdominaux (plexus coeliacus), deprime l'energie des premiers, en exaltant celle de l'estomac & des visceres? Oiseaux. Ces animaux, qui absorbent le plus d'oxigene (dont les organes respiratoires sont les plus parfaits), ont aussi plus de chaleur animale que les quadrupedes mammiferes. Ils perdent tres-rapidement l'irritabilite musculaire, & le galvanisme n'agit sur eux que peu de minutes apres leur mort. Phenomenes galvaniques que presente l'organisation de l'homme. Eclair par la sympathie des nerfs naso-oculaires & du maxillaire superieur. Lorsqu'on arme la langue de zinc, & l'anus d'une lame d'argent, l'on sent, au moment ou ces deux metaux se joignent au moyen d'un fil d'archal, un goaut acide, des eclairs devant les yeux, un mal-aise & des crampes dans le bas-ventre. Il y a des personnes que cette galvanisation a fait purger assez fortement. Cet effet est dau a l'irritation sympathetique qui communique presqu'a tout le systeme nerveux. L'auteur a fait revenir en vie des oiseaux agonisans par cette meme application des metaux heterogenes. Experiences qu'il a fait sur lui-meme en se blessant & ecorchant plusieures parties du corps. Les nerfs du dos etant mis a decouvert par des cantharides, on vit rougir la lymphe (qui decoule a l'ouverture de la plaie) en moins d'une seconde, par l'irritation metallique. La nature de cette liqueur fut tellement changee, qu'elle laissa des traces (stries) rouges partout ou elle coula. En 5--8 heures il fut impossible de les effacer, en les lavant avec de l'eau, du lait ou de l'huile. Scarpa, celebre professeur a Pavie, doutant de la constance de ce phenomene extraordinaire, Humboldt, a son retour d'Italie, se decida a repeter l'experience encore une fois sur lui-meme. Le succes fut le meme. Le fluide galvanique, conduit a une distance de 4--5 pieds a travers la bouche de plusieurs personnes, leur fit naitre a son passage les sensations du goaut acide & d'une lueur phosphorique; les muscles du souffrant gonflerent visiblement; il eut des secousses tres-fortes & douloureuses, & la lymphe rougit en colorant le dos partout ou elle decoula. On vient d'observer les memes effets du galvanisme a l'hopital de Leipsick, ou il ne se manifesta cependant point dans les individus, qui souffroient d'un mal rhumatique. -- On a cru long-temps que les muscles, dont le mouvement est involontaire, tels que le coeur & les visceres, n'etoient point susceptibles de l'irritation musculaire. Experiences qui prouvent le contraire. Le docteur Grapengiesses arma le colon & caecum a un malade dont les boyaux etoient a decouvert depuis un grand nombre d'annees. Le mouvement peristaltique fut excite; il augmenta meme lorsqu'on humecta les fibres circulaires de ces visceres avec la solution de potasse etendue d'eau. Les contractions du coeur changent de tact & renaissent lorsqu'elles ont cesse par l'application des metaux heterogenes. Le frere de l'auteur, Guillaume Van-Humboldt (connu par ses travaux sur Pindare), a redouble les pulsations d'un coeur en ne galvanisant que les nerfs cardiacaux. Cette experience etant faite sans toucher la substance du coeur, prouve evidemment que ce n'est pas une irritation mecanique qui stimule les fibres musculaires du coeur, & que les nerfs cardiacaux appartiennent a ces dernieres, & non-seulement aux vaisseaux, comme le professeur Sommering crut le prouver contre Scarpa, dans la dissertation: Cor Nervis carere. X. SECTION. L'auteur ayant soigneusement separe jusqu'ici le recit des faits & les idees hypothetiques par lesquelles ces faits peuvent etre rapportes a des causes communes, il s'occupe dans cette derniere section, de la theorie du mouvement musculaire. Cette partie de son ouvrage (page 349--486), quoique la plus interessante de toutes, ne souffre point un extrait aussi detaille que celui que nous avons donne des precedentes. Il suffit d'en exposer quelques vues generales. Theories de Galvani & Valli sur les electricites heterogenes de la fibre nerveuse & musculaire. Les experiences ou les metaux ne touchent que le nerf, renversent ces theories. (Hypothese de Volta sur les courans electriques qui se forment par le contact de trois substances heterogenes). L'auteur fait les plus grands eloges de l'ingenieux de cette hypothese, & de la sagacite de son auteur; mais il prouve qu'un grand nombre de ses decouvertes (annoncees dans les quatre premieres sections) sont en opposition directe avec la theorie du courant electrique. Il paroeit surprenant qu'une charge electrique assez forte pour donner une divergence de 4 lignes a l'electricite de Bennet, n'est pas suffisante pour exciter des mouvemens musculaires, tandis que ces memes mouvemens doivent etre attribues a un minimum d'electricite, dont les duplicateurs les plus fins annoncent a peine l'existence. Humboldt croit qu'on connoeit encore trop peu le grand probleme dont il s'agit pour en entreprendre la solution. Il avance cependant quelques idees hypothetiques que l'on peut reunir en forme de theorie. Les causes du phenomene galvanique ne doivent pas etre regardees comme trouvees, avant que l'on ne parvienne a expliquer avec la meme facilite, l'experience la plus simple (celle sans excitateurs, en recourbant le nerf contre son muscle) & la plus compliquee (celle du souffle, ou le metal heterogene n'est enduit que d'un cote d'un fluide evaporable). -- Le ton de la fibre musculaire, ou sa densite, paroeit etre determine par les affinites qu'exercent ses molecules les unes sur les autres. Tout ce qui fait changer ces affinites, change le ton de la fibre & la position reciproque de ces molecules. La contraction musculaire n'est que le resultat ou l'effet d'un changement d'affinites; les plus petites parties du muscle entrent plus intimement dans la sphere de leurs attractions mutuelles ou de l'electricite; ainsi que la combinaison du calorique avec les elemens, augmente souvent leurs affinites, & les porte a se combiner; de meme le fluide galvanique paroeit aussi rapprocher, par une cause analogue, les molecules de la fibre musculaire. Dans l'etat de repos (le nerf etant insere dans le muscle), le fluide galvanique se met en balance dans les organes qui se touchent. Le mouvement spontane se fait par une surcharge du nerf. Il paroeit que, dans le meme instant que nous voulons faire tel ou tel mouvement, le fluide galvanique produit dans le cerveau, se porte en masse vers la partie qui doit se mouvoir. C'est par cette accumulation que la fibre nerveuse se trouve surchargee. Il se fait une decharge du nerf dans le muscle, les molecules du dernier, animees par des affinites exhaussees, se rapprochent; & c'est ce rapprochement qui presente le phenomene de la contraction. Les elemens acidifiables dont la fibre musculaire est composee (l'azote, l'hydrogene, le phosphore, le carbon....), se combinent entr'eux & avec l'oxigene des arteres. Le mouvement musculaire produit par consequent de l'eau (la sueur), de l'acide carbonique, souvent de l'acide nitrique, de l'oxide de phosphore, de l'ammoniac, de la soude.... Le fluide galvanique etant decompose, ou rendu lateral par la contraction & les phenomenes chimiques qui l'accompagnent, les molecules du muscle s'ecartent de nouveau, c'est-a-dire, ils rentrent dans la sphere de leur attraction primitive. Si, dans des maladies de nerfs, le fluide galvanique se porte (sans que nous le sachions) du cerveau dans les nerfs, ou d'un nerf dans l'autre, ou meme si, par une exaltation de la fibre sensible, une partie degage (produit) une plus grande quantite de ce fluide que dans l'etat de sante, alors les nerfs surcharges se dechargent dans le muscle, & excitent les phenomenes que nous appelons spasmes ou convulsions. Souvent ces memes spasmes semblent naeitre par la proximite de deux nerfs dont les atmospheres irritables ne s'attouchent que lors de l'exaltation d'un de ces organes. Le fluide galvanique se porte d'autant plus vers les extremites, que les fonctions du cerveau (la pensee...) sont affoiblies. C'est pour cela que l'homme le plus sain a souvent un mouvement convulsif dans les jambes, au moment qu'il s'endort. C'est pour cela que l'etat de demence augmente souvent les forces musculaires. La meme surcharge du nerf, qui excite le mouvement spontane, est produite par l'experience galvanique, en mettant a decouvert une partie du nerf; cette partie decouverte se trouve isolee dans l'air atmospherique. Si la fibre nerveuse, enveloppee de la chair musculaire, produit une quantite de fluide galvanique egale a m, et que ce meme m est degage par la partie qui est en contact avec l'air, la premiere va perdre, a chaque instant, de sa charge, se trouvant coherente avec les substances conductrices; tandis que la derniere, entouree d'air atmospherique, ne peut endurer la meme perte. C'est par cette raison que la charge d'une partie de nerf sera = m--n, tandis que l'autre aura la charge = m : en repliant le bout du nerf surcharge contre le muscle, il y aura donc une contraction musculaire. Voila l'experience galvanique la plus simple. Si l'on abandonne le nerf a lui-meme, sans le replier, la partie surchargee va se mettre peu-a-peu en balance avec celle qui n'a que la charge m--n. Si ce retablissement de balance trouve des difficultes, il se fait avec impetuosite, & alors il excite ces contractions problematiques, que nous observons souvent lorsqu'une grenouille est preparee par les nerfs sympathetiques, & lorsque, sans la toucher, elle repose sur une plaque isolatrice. La surcharge occasionnee par le contact de l'air n'etant que tres-foible, il ne faut pas s'etonner que l'experience de recourber le nerf contre le muscle (sans metal, sans excitateur) ne produit de l'effet qu'au plus haut degre d'irritabilite. Cet effet va se manifester de nouveau lorsqu'on met un morceau de chair musculaire en attouchement avec le muscle & le nerf. Pourquoi cet arc agit-il comme excitateur? Simplement parce qu'il s'oppose au courant du fluide galvanique qui doit le penetrer. Il y a un instant ou le fluide s'accumule dans l'arc, & c'est en surmontant les difficultes, en rompant la digue, que l'effet est augmente. Nous voyons qu'une forte charge de la bouteille de Leyde, conduite par un fil-de-fer, n'est point en etat d'embraser de la poudre a canon. Interrompez l'arc conducteur par un mauvais conducteur (tel que le bois humide), & dans l'instant vous embrasez la poudre; lors meme que l'intensite de l'electricite est beaucoup plus foible. L'irritabilite du muscle diminuant peu-a-peu, les substances animales ne suffisent plus pour produire des contractions. Les entraves qu'elles opposent au courant ne sont pas assez fortes. Il faut des metaux par lesquels le fluide galvanique, comme fluide animal, ne passe pas aussi facilement que par des morceaux de muscles ou de nerfs. D'abord des metaux homogenes suffisent pour exciter des contractions. La receptivite de l'animal etant plus aneantie, il faut des metaux heterogenes, & d'autant plus heterogenes, que le muscle & le nerf seront affoiblis. Il est probable que le fluide galvanique passe plus aisement du zinc au zinc, que du zinc a l'argent. L'irritation augmente en raison de la difficulte presentee au passage du courant. C'est ainsi que l'on peut reduire sous un point de vue les experiences les plus simples & les plus compliquees. L'auteur continue d'appliquer cette meme theorie dynamique au phenomene du souffle. Il prouve que souvent il se forme deux courans, dont l'un part du nerf, & l'autre du muscle, & que l'effet sera modifie par la force reciproque de ces deux courans, qui tantot se balancent, tantot s'entraeinent. Il nous est impossible de suivre dans cet extrait les nuances les plus fines de ces experiences. Il suffit de rappeler ce que Humboldt a decouvert sur la difference des fluides galvaniques & electriques. Si l'on compare soigneusement ce qu'ils ont d'analogues, on voit que cette soi-disante identite n'est pas plus fondee que celle du magnetisme & de la lumiere. Il se pourroit tres-bien que le calorique, la lumiere, l'electricite, le magnetisme & le fluide galvanique (on n'ose pas dire le fluide nerveux, car le muscle en est aussi charge), que tous ces fluides ne sont que des modifications d'un seul element inconnu; mais, en bonne physique, nous n'osons pas admettre des possibilites fondees sur aucune observation directe. Les substances qui conduisent presque le mieux l'electricite, isolent parfaitement le fluide galvanique, telles que la flamme, la fumee, les os des animaux, le vacuum de Torricelli , & le verre incandescant. On n'ose donc pas croire que tout ce que conduisent les metaux & isolent les substances resineuses, soient pour cela de l'electricite. Aussi les experiences faites sur la langue & les yeux ne prouvent aucunement que le fluide galvanique contient de l'oxigene ou de la lumiere. Tout organe produit l'effet qui lui est propre. Un coup dans l'oeil nous fait voir des eclairs; l'electricite nous fait sentir un acide, non que nous sentions l'electricite meme, mais parce que l'electricite produit un acide dans l'atmosphere qu'elle decompose, & parce que nous sentons ce produit du milieu (medium) dans lequel nous nous trouvons. De meme le fluide galvanique, en irritant les organes du goaut, y occasionne de nouvelles combinaisons chimiques. Le phosphore, l'azote, l'hydrogene, l'oxigene ..... contenus dans la fibre irritable, forment des acides, ou des alkalis, et nous ne goautons que nous-memes, & non le fluide galvanique qui ne fait qu'animer les affininites des elemens musculaires. Recherches sur les poissons electriques Les electrometres n'en sont pas affectes. L'eteincelle ne s'y montre que tres-rarement, & dans les secousses les plus fortes il n'y a aucune lueur. L'auteur ne doute pas que les phenomenes de la raja torpeda, du gymnotus electricus, du trichiurus indicus & du tetrodon petersonii appartiennent en grande partie au galvanisme. La capacite des metaux pour le calorique, leur charge electrique, leur contact avec des substances humides, l'evaporation, peut-etre meme la decomposition d'eau, jouent un grand role dans les irritations musculaires. L'auteur rassemle un grand nombre de faits qui semblent influer dans les phenomenes galvaniques. Nous ne citons que deux decouvertes, qui paroissent meriter la plus grande attention des physiciens. Scherer , a Vienne, le meme qui a publie un excellent traite sur l'eudiometrie, vit, a l'hopital, cesser des convulsions, dans le moment qu'il toucha les muscles avec une lame de fer. L'approche ou le contact d'un autre metal froid ou chaud, tel que le zinc, le cuivre, l'etain ... ne fit aucun effet. Humboldt prouve (l'experience a ete repetee avec succes sous les yeux de Vauquelin) qu'une lame de zinc etant mise en contact avec une lame d'argent humectee, il se forme en moins de 20 minutes une couche visible d'oxide de zinc autour de cette lame. Mettez le zinc sur du zinc humecte, ou une lame de verre entre les deux metaux, et l'oxidation (produite par une decomposition d'eau) ne se manifeste qu'apres plusieurs heures. Dans un intervalle de 20 heures, la quantite d'oxide formee sur l'argent est a celle formee sur le verre, comme 3:1, quelquefois comme 5:1. Il y a des cas ou l'argent meme s'oxide fortement par le contact avec le zinc, & alors les parties oxidees (ce qui est tres-remarquable) ne se montrent, ni sous le zinc, ni sous l'oxide de zinc, mais la ou la marge du dernier finit. Toutes ces oxidations sont les plus fortes entre les metaux dont l'heterogenite agit le plus efficacement dans les phenomenes du galvanisme. Elle nous annonce une action dans les metaux, dont nous connoissons l'effet sans en deviner la cause. SUITE DES EXPERIENCES SUR L'IRRITATION DE LA FIBRE NERVEUSE ET MUSCULAIRE; Par Frederic-Alexandre Van-Humboldt. XI. SECTION. Sur l'utilite des recherches sur le galvanisme. Leur but principal doit etre la connoissance exacte des fonctions nerveuses. En se hatant trop d'appliquer les nouvelles decouvertes a la medecine-pratique, on risque de compromettre la physiologie avec la therapeutique. On peut designer cependant les points principaux sur lesquels on peut fixer ses esperances pour l'avenir. 1°. Behrends & Creve ont propose le galvanisme comme servant de preuve certaine pour distinguer la mort de l'etat d'asphixie. On decouvre un nerf du cadavre, on le met en contact avec deux metaux heterogenes: s'il y a du mouvement, le cadavre n'est pas sense mort; s'il reste immobile, on peut l'enterrer. On n'auroit par consequent pas besoin d'attendre la putrefaction, qu'on regardoit jusqu'ici, avec raison, comme seul criterium de la vraie mort. Ces idees, flattant ceux qui craignent de se voir enterrer asphixies, ont beaucoup fixe l'attention du public; quelques gouvernemens se sont occupes a les executer, comme une branche de police medicale. Mais l'auteur prouve que le nouveau criterium ne donne qu'une grande probabilite, mais non de l'assurance positive. Le galvanisme n'est pas le dernier stimulant des nerfs; des parties irritables qui n'obeissent plus aux metaux les plus heterogenes, sont encore excitees par le corps electrique. L'experience galvanique ne peut etre faite que sur quelques membres dont on met les nerfs a decouvert. Il se pourroit que ces memes membres fussent paralyses, tandis que les visceres & le coeur n'ont point encore perdu tout principe de vie. Oui, & qui plus est, Humboldt, Stimly & Anschel ont observe le phenomene infiniment problematique de galvaniser, sans aucun effet, des animaux qui, avant & apres l'experience, jouissoient de tout mouvement spontane. Il seroit meme possible qu'une partie non excitable par les metaux, regagnat d'elle-meme son irritabilite. Les experiences chimiques par lesquelles on modifie l'irritabilite 5 a 6 fois a son gre, prouvent qu'on n'ose pas regarder comme mort tout ce qui n'est pas propre, pour le moment, de presenter des mouvemens musculaires. On risqueroit, en se fiant trop au galvanisme, d'enterrer des personnes qui se trouvent simplement dans un etat d'asphixie; on augmenteroit le nombre des accidens malheureux que l'on pensoit diminuer. Mais, dit notre auteur, si les metaux ne peuvent pas prononcer avec certitude sur l'etat du cadavre, ils donnent toujours un haut degre de probabilite, & on devroit s'en servir dans tous les cas ou il est impossible d'attendre le moment de la putrefaction. L'humanite est revoltee a l'aspect des cruautes que l'on commet annuellement dans les hopitaux, sur les vaisseaux de transport & sur le champ de bataille. Au fort de l'hiver le plus froid, on jette les malades declares morts dans un appartement non chauffe, qui sert a recevoir les cadavres. Qu'il seroit court de leur mettre a decouvert un nerf au bras ou au genou, & de les exciter par le zinc & l'argent! Ces deux metaux peuvent etre unis ensemble en forme de compas; & le volume de cet instrument bienfaisant est si petit, que les chirurgiens d'armees pourroient facilement l'avoir en poche, pour l'appliquer aux blesses qu'ils craignent de faire enterrer ou d'abandonner a demi-morts sur le champ de bataille. L'auteur en appelle a tous ceux qui ont affaire aux hopitaux de guerre, de s'occuper de ces idees, aussi importantes que consolantes pour l'humanite. -- 2°. Le galvanisme peut servir peut-etre a rappeler a la vie des personnes asphixiees. Valli & Soemmering se sont beaucoup occupes de cette sorte d'experiences, faites sur des animaux. Il est desavantageux de faire des incisions pour decouvrir les nerfs, en appliquant le stimulus. L'auteur observe que la voie la plus efficace pour l'electricite & le fluide galvanique, est le chemin de l'anus a la langue. En faisant communiquer ces deux parties, les nerfs abdominaux sont affectes; & il n'existe pas de moyens par lesquels un plus grand nombre de nerfs puissent etre excites a-la-fois. 3°. Il faudroit essayer le galvanisme dans des maux d'yeux, des paralysies de bras & l'ischias nervosa (la sciatique). Le bain electrique etant tres-bienfaisant aux yeux, il est a croire que l'experience de Hunter sur les bluettes, excitees par le zinc & l'argent, pourroit aussi rendre l'irritabilite aux nerfs optiques. La sciatique est guerie, suivant la methode de Cotunna, par un nombre de petits vesicatoires, que l'on applique les uns aupres des autres, sur la partie des nerfs lombaires. L'auteur propose de ne mettre qu'un seul vesicatoire, & de galvaniser deux ou trois fois par jour cette plaie, pour faire decouler la matiere rhumatique, regardee comme cause principale de cette maladie douloureuse. 4°. Le galvanisme sert aux anatomistes a distinguer les nerfs de toute autre partie dont on ne connoeit pas les fonctions. L'auteur indique un moyen tres-simple de galvaniser les plus petits animaux sous le microscope; c'est par ce moyen qu'il a ete en etat de decrire les nerfs des lernees, des naides, des vibrio, & d'autres animaux microscopiques . Il croit que cette methode & la decouverte de Reil, d'endurcir les nerfs par l'acide nitrique, portera un jour tres-loin la recherche des habitans gelatineux de la mer. 5°. L'experience galvanique indique le moindre degre d'heterogenite chimique de differentes substances: nous savons qu'elle a servi a l'auteur a decouvrir le carbone dans le petrosilex noir (pierre lydique de Werner). Les nerfs annoncent la plus petite difference dans les alliages des metaux; difference que souvent l'analyse chimique ne seroit pas en etat de decouvrir. 6°. Mais la plus grande utilite que l'on peut tirer du galvanisme, est de mesurer par les metaux, le degre d'irritabilite des parties nerveuses ou musculaires. Le grand travail que l'auteur a entrepris sur les agens chimiques qui influent sur la matiere organisee, auroit ete impossible sans ce moyen de mesurer. Traitez un nerf, d'abord avec le sulfure de potasse, puis avec l'oxide d'arsenic ou l'acide muriatique oxigene, & sans metaux; vous ne devinerez pas les changemens d'irritabilite qu'il aura subi. Appliquez le galvanisme, & vous decouvrirez avec etonnement que son irritabilite a ete d'abord deprimee, puis exaltee de nouveau, plus forte qu'elle n'etoit auparavant. C'est un moyen de plus pour devoiler les grands mysteres de la nature animee. XII. SECTION. Les phenomenes de la vitalite sont-ils dus aux affinites reciproques de tous les elemens de la matiere organisee? ou faut-il admettre un seul principe de l'irritabilite? Le gaz vital ou l'oxigene, jouant un grand role dans le procede de la vitalite, les physiciens ont de tout temps vu un principe de vie dans l'air atmospherique. L'auteur cherche a prouver que Chrysippe de Soli & Praxagoras ont eu des idees tres-analogues a celles des physiologistes modernes. Les anciens admettoient un pneuma continuel dans l'air atmospherique qui, par l'acte de la respiration (selon Aristote), se combinoit dans le coeur avec le sang, & que les arteres repandoient dans les parties musculaires. Hyppocrate reconnut meme l'influence que ce pneuma avoit dans la production de la chaleur: c'est pour cela qu'il regarda la chaleur latente pour le principe de la vitalite des animaux & des plantes. Les problemes d'Aristote nous exposent les idees que les grecs se formoient de cette chaleur; & Sprengel (le meme qui vient de donner un ouvrage sur les plantes des anciens) a decouvert un passage d'Aristote, dans lequel il dit clairement, qu'il faut regarder les vegetaux comme des animaux, vu que les vers de mer (les zoophites) montroiont une transition tres-prononcee des plantes aux vrais animaux. Les hypotheses physiologiques du pneuma, oubliees a l'epoque de l'invasion des barbares, reprirent depuis les decouvertes que fit sur la circulation du sang, Rueffius-Serveto-Harvey. Le chancelier Bacon fut le premier qui prouva l'influence du sang impregne du pneuma, ou spiritus vitalis, sur les nerfs. Il observe que toute la vie peut etre regardee comme une sorte de combustion, incensis spiritus vitalis (oxigenation) est multis partibus lenior ac mollissima flamma ex spiritu vini & peculiares praebit motus & facultates. Cette combustion ne peut etre entretenue que par l'air & des substances combustibles. C'est pour cela, dit Bacon, que la respiration des animaux est aussi necessaire que la nutrition. Son spiritus vitalis, porte du sang dans les nerfs, fait les fonctions du fluide nerveux. Son viscere principal est le cerveau, & particulierement les ventricules du cerveau; reparatur autem spiritus vitalis ex sanguine vivida & florida arteriarum exilium, quae insinuantur in cerebrum. ( Voila l'origine de la plupart des nouvelles hypotheses dont on cherche de nos jours a broder la physiologie). Bacon connut assez bien les proprietes de l'air; il distingue entre un air plus ou moins vital; il veut que les gaz puissent se fixer dans un corps pour en augmenter le poids; mais il ignora les proprietes du nitre & de l'oxigene: cette decouverte appartient seule au grand Mayow: Spiritus nitra-aereus (dit-il) ad motum animalium confert; respirationes ope cum in cruoris massam transmitti, sanguinisque incalescentiam ab eadem provenire alibi a nobis ostensum est; jam vera circa usum spiritus vitalis istius insuper addo, quod idem in motibus animalibus instituendis partes primarias sortitum. L'auteur a rassemble nombre de ces passages tres-curieux par rapport au temps ou ces idees naquirent. Henri Mund, mort au commencement du dernier siecle, a donne une dissertation de aere vitali. Quoiqu'il nomme la partie respirable de l'atmosphere, aer nitrosus, il dit que le spiritus nitrosus entre meme par la peau (respiration cutanee), & que sans ce pabulum animae corporeae, le corps humain auroit aussi peu de mouvement qu'un automate. Les physiciens anglois Fothergill, Goodwine, Thornton & Peart, ont mis la derniere main a la theorie sur le principe gazeux de la vitalite. Les idees physiologiques ont change a mesure que les connoissances chimiques se sont augmentees; systemes de Girtanner, Brandes, Gallini & Reil. L'auteur se refuse a admettre un principe de vie; il croit que les phenomenes de la vitalite sont dus a la balance reciproque etablie entre tous les elemens de la matiere; analogie entre les idees d'irritables & acidifiables; quantite de la nature organisee dans l'univers; qualite; combien d'elemens & lesquels entrent dans la composition de la nature animale & vegetale; point d'irritabilite sans affinite chimique; le moment de l'irritation est celui de la saturation; les etres organises ont une faculte de resister a la saturation & de se conserver irritables; les fonctions de l'expiration & de la secretion dans les animaux & les plantes, regardees comme des moyens de demeurer acidifiables; en quoi consiste la force d'un stimulus; pourquoi les produits des climats chauds & ceux des Alpes, sont generalement plus irritans que ceux des climats temperes & des plaines; qualites qui rendent une substance nourrissante. XIV. SECTION. L'irritabilite de la matiere organisee peut etre modifiee (variee) par des agens chimiques. C'est de la connoissance intime de ces modifications que depend tout le succes de la pathologie. Les etres animes sont a tout instant influences par un vaste nombre de stimulans, par la lumiere, le calorique, l'electricite, le magnetisme, l'oxigene, l'azote, la nourriture..... Mais ces substances excitatrices agissent tout-a-la-fois, de maniere qu'il est impossible d'attribuer chaque phenomene de la vitalite a une cause particuliere. Lors meme qu'un seul agent seroit applique, il affecteroit en meme temps le systeme nerveux, celui des muscles, des vaisseaux. Il y a une si grande diversite dans les fonctions de ces systemes, quelques-uns presentent meme un antagonisme si decide (tel que le cerveau & les nerfs abdominaux, l'organe de la pensee & les organes de l'assimilation), qu'il est impossible d'annoncer si telle ou telle substance faut deprimante ou excitante pour les nerfs. Si la pathologie & l'art de guerir doivent jamais atteindre un degre de certitude, si l'on veut les elever au rang des sciences physiques, il faut commencer un grand travail sur le procede chymique de la vitalite. Il faut connoeitre intimement les changemens d'affinites ou de combinaisons qui ont lieu dans un organe lorsqu'il est irrite par un stimulant quelconque. Il faut prendre un seul nerf avec un faisceau de muscles & les mettre en contact, tantot le nerf seul, tantot le muscle, avec telle & telle substance. L'experience galvanique decidera alors si l'irritabilite (la vitalite) de la matiere organisee aura ete augmentee ou diminuee par cette irritation. Des substances les plus simples, de la lumiere, du fluide magnetique, de l'electricite & du calorique, on s'eleve aux composes, aux acides, aux alkalis, aux huiles..... Des combinaisons binaires on passe aux ternaires, aux quaternaires. .... Tel qu'en chimie un seul metal est considere en contact avec tous les acides, telle la matiere organisee doit etre consideree, sous tous ses rapports, avec les substances qui composent l'univers. Il suffit d'avoir ebauche en grand le vaste plan que l'auteur se propose de suivre. Examinons le travail experimental qu'il a ose entreprendre. Le grand nombre de faits qu'il a ramasse nous impose la loi d'en negliger les details. Le grand interet avec lequel on suit la chimie en France, doit hater la traduction de ce second volume. Effets de la lumiere. Il est infiniment essentiel de separer les effets de la lumiere de ceux du calorique; il a paru cependant que, temperature egale, les nerfs exposes au soleil ont perdu plutot leur irritabilite que ceux qui se trouvoient dans l'obscurite. Mais cette perte n'est que la suite d'une irritation trop forte. D'autres phenomenes nous prouvent que la lumiere, tels que l'alkool, le vin ou le calorique originairement, exalte les forces vitales, et que la debilite qui suit n'est que ce que Brown nomme debilite indirecte. Pourquoi la lumiere affecte plus fortement les plantes que les animaux? Influence de l'obscurite sur le rhachitis & toutes les maladies d'os. On veut avoir observe que des personnes qui travaillent dans les lieux obscurs, sont tres-enclins a ces maux. Humbolt observe que l'on doit distinguer les effets de la lumiere de ceux d'un air irrespirable. Les mineurs qui ont des os rhachitiques, travaillent dans les moffettes. Les malades que l'art veut avoir gueri en les exposant au soleil, ont par-la meme joui d'un air tres-oxigene. Valli explique ces phenomenes en prenant la lumiere pour le radical du phosphore. Mais le rhachitis ne provient pas d'un manque de phosphore (c'est la suite d'une irritabilite exaltee des vaisseaux absorbans & d'une paralyse des petits arteres), & les poissons, les salamandres, les champignons de nos mines, contiennent assez de phosphore, malgre l'obscurite dans laquelle ils se trouvent des leur naissance. La lumiere joue un role infiniment curieux dans les maladies de nerfs. Il y a des enfans qui en sont affames, c'est-a-dire, qui involontairement tournent la tete vers le ciel pour fixer le soleil. La comtesse de R....., a Milan, perdit la voix au coucher du soleil. Elle put parler lorsque le premier rayon eclaira l'horison, & ces phenomenes extraordinaires eurent lieu quand la malade se trouva pendant 24 heures dans une obscurite profonde. Il est probable que meme la lumiere de la lune influe sur l'organisation animale, principalement sur la secretion; mais comment observer des effets d'une nature aussi delicate? L'auteur a cependant vu que les petites feuilles (folia olipulacformia) de l'hedysarum gyrans, qui ont un mouvement independant de toute irritation exterieure, se meuvent plus souvent au clair de lune, que lorsqu'on les met dans une position ou les rayons lumineux ne les touchent point. Aussi le muriate d'argent se noircit, les plantes verdissent en les exposant a la lune. Effet du magnetisme. L'irritation que cause la lumiere du soleil & de la lune est une irritation periodique; mais celles des fluides magnetiques & electriques agissent continuellement sur les etres organises. Quoique le fer, le cobalt & le nikel soient les seuls metaux qui puissent conserver les poles magnetiques; tout le globe doit cependant etre regarde comme perpetuellement charge de ce fluide universel. Cette charge est modifiee par l'influence des saisons & de la culmination du soleil. Les corps organises plonges dans une atmosphere magnetique, doivent necessairement etre affectes par elle. L'auteur cite un grand nombre d'experiences qu'il a fait pour rendre cette influence visible. Toutes ces tentatives ont ete vaines. Les contractions d'un coeur vivant n'ont pas dure plus long-temps sur du fer magnetise que sur une plaque d'argent. L'hedysarum gyrans n'a pas ete affecte par les poles des aimans les plus forts. Cependant l'auteur observe qu'il ne faut pas se lasser de faire de nouvelles experiences. Le phenomene du fer, dont l'attouchement guerit les spasmes, tandis que le zinc & le cuivre ne font aucun effet, prouve bien qu'il y a, dans les etres organises , des agens que nous ne connoissons pas, & dont la recherche doit nous occuper pendant longtemps. (Observations sur la vegetation des montagnes magnetiques). Effets de l'electricite, Il n'est question ici que d'experiences nouvelles. Les travaux de Cavallo, de Volta, de Van-Marum sont entre les mains de tous les physiciens. L'electricite foiblement appliquee, exalte la vtalite. De fortes charges la depriment. L'auteur observe qu'avec la bouteille de Leyde on peut tuer l'embryon des plantes. Il a vu ne pas germer des semences de cresson, lorsqu'il eut la patience d'y faire passer, pendant une heure entiere, des secousses electriques. Tout le monde sait que les tiges du lamium purpureum du galeopsis, & d'autres plantes, perdent leur elasticite, & fletrissent lorsqu'on leur ote l'irritation bienfaisante de l'eau. Elles fletrissent & se courbent de la meme maniere en 2 a 3 minutes, lorsqu'on aneantit la vitalite de leur fibres longitudinales par des decharges repetees de la bouteille de Leyde. L'acide muriatique oxigene les rend quelquefois a la vie. De la meme maniere on peut paralyser les etamines irritables de la berberis vulgaris & de la parnassia. De quelle maniere l'electricite influe-t-elle sur la matiere organisee? Il paroeit que c'est en augmentant le jeu d'affinite par la grande masse de calorique que le fluide electrique contient. C'est pour cela qu'une foible charge d'electricite est bienfaisante en achevant les fonctions de l'organisme qui resultent de la composition & decomposition des matieres dont la fibre est composee; si au contraire une grande masse d'electricite se porte a-la-fois sur les parties irritables, alors un enorme degagement de calorique agit par un procede de combustion; les bases acidifiables s'emparent de tout l'oxigene; l'irritabilite est aneantie, parce que la matiere animale est parvenue au point de saturation, parce que les forces vitales ne peuvent plus regenerer, reproduire ce qui a ete consume par la decharge electrique. Faits qui constatent les experiences de Van-Marum. Comment la salubrite de l'air depend du degre de sa charge electrique. L'air des chambres est mal-sain, parce qu'il n'est presque pas charge. De deux jours ou la quantite d'oxigene atmospherique est trouvee la meme, mais dont l'un fut a 30°, & l'autre a 26° R. de temperature, la chaleur du dernier paroeit souvent plus suffoquante que celle du dernier. Pourquoi? Parce'qu au dernier les couches inferieures de l'atmosphere ne contenoient presque pas d'electricite. On se trompe tres-fort lorsqu'on debite qu'avant l'orage, ou l'on ressent une foiblesse musculaire tresgrande, l'air est tout electrique. C'est justement ce manque d'electricite, ce manque d'un stimulus bienfaisant qui nous fait souffrir. Observations meteorologiques sur la difference des climats d'hiver & d'ete, des plaines & des hautes montagnes. Les physiciens verront avec plaisir que l'auteur se trouve le plus souvent d'accord avec l'illustre Saussure, dont il a suivi les traces en repetant & augmentant les experiences. L'effet que produit la difference de charge electrique qui a souvent lieu entre le corps humain & l'air environnant. L'electricite modifie le ton ou la densite de la fibre musculaire. Le bout du nerf d'une grenouille reveillee du sommeil d'hiver, fut trempe dans la solution du carbonate de potasse. L'on vit bientot les convulsions les plus vives. La pate de la grenouille s'eleva perpendiculairement, elle se tint pendant 20 a 30 secondes dans cette position, la membrane entre les doigts du pied s'etendoit; un tressaillement annoncoit le tetanus le plus complet. L'auteur appliqua deux fils-d'archal, l'un au nerf crural, l'autre aux doigts du pied. Il fit passer une charge tres-foible d'une petite bouteille de Leyde, le long de tout le membre, & a l'instant la membrane des pieds se plia comme les aeiles d'un papillon. La jambe perdit sa roideur, & retomba sur la glace. Dans d'autres experiences faites avec des lezards, le tetanus produit par l'acide muriatique oxigene & l'oxide d'arsenic, fut de meme detruit par l'electricite. Mais la roideur causee par l'alkool ne voulut presque jamais ceder. Effet de l'electricite sur les contractions du coeur. Ces experiences sont tres-interessantes, parce que le Human Society en Angleterre se sert avec succes du moyen de faire passer des coups electriques par le coeur pour sauver les asphixies. Le coeur du cyprianus tinca battoit 34 fois dans une minute. Humecte de la solution du sulfure de potasse, les contractions diminuerent jusqu'a 9 secondes par minutes. Par de foibles coups electriques les contractions se renouvellerent jusqu'a 28 par minute; mais elles cesserent tout de suite lorsque l'auteur fit passer une forte charge electrique par cet organe irritable. Ces experiences & d'autres, faites avec le muriate d'etain, au lieu du sulfure de potasse, prouvent combien il faut etre attentif de bien proportionner la force de l'irritant a la receptivite de l'asphixie, pour ne pas le tuer au lieu de le revivifier. L'electricite paroeit influer principalement sur les fonctions de la perspiration cutanee ou de l'excretion. C'est pour cela que dans toutes les maladies dans lesquelles par une foiblesse (paralysie) des vaisseaux lymphatiques, les glandes se gonflent, l'electricite artificielle ou le contact d'un air pur & charge d'electricite naturelle se montrent aussi bienfaisante. Considerations sur l'etat de l'atmosphere dans le Vallais & dans toutes les vallees humides, chaudes & remplies d'arbres touffus. L'air y paroeit moins oxigene, parce que les vegetaux sont trop a l'ombre, & parce que les vents ne le purifient pas. L'electricite, pour la plupart, y est a zero (comme dans les chambres), ou negative, a cause de l'evaporation. Le goeitre & le cretinage, n'est-il pas dau en grande partie a ces phenomenes de l'electricite & de la purete de l'air? L'eau de neige ne peut pas causer un relachement du systeme vasculaire, parce que cette eau, surchargee d'oxigene, est un irritant. Les ceimes isolees des Alpes, ou l'on respire un air pur & electrise, empechent, a ce que nous savons, le progres du cretinage. SUITE DES EXPERIENCES SUR L'IRRITABILITE DE LA FIBRE NERVEUSE ET MUSCULAIRE; Par Frederic-Alexandre Von-Humboldt. Effets du calorique. Les sectateurs du systeme ingenieux de Brown ont occasionne une grande dispute sur l'effet excitant ou deprimant (sthenique ou asthenique) du froid & de la chaleur. L'auteur, resout ce probleme par la voie de l'experience. Il prouve que le calorique (tel que tous les stimulans, la lumiere, l'electricite, l'oxigene, l'alkool.....), exalte la fibre nerveuse, mais qu'en l'exaltant trop long-temps, il cause une debilite indirecte, un etat de foiblesse, que l'on prend a tort pour l'effet directe de l'irritation. Le coeur d'un animal perd son irritabilite en le mettant sur de la glace. La pulsation recommence dans l'eau chauffee a 40°. Commence-t-on par une eau a la temperature de 53°? Alors les premieres contractions sont convulsives; elles montent jusqu'a 72, 75 ou 88 par minute; mais l'organe trop fortement irrite cesse le mouvement en 3 ou 4 minutes. L'acide muriatique oxigene perd de son oxigene en le chauffant; cependant le stimulus de la chaleur est si puissant sur la fibre musculaire, qu'un acide foible agit plus fortement a 14° , qu'un acide tres-oxigene a 38°. Experiences avec de l'alkool & du lait chauffe. Effet du calorique sur la germination des plantes. L'eau chaude augmente les contractions du coeur, & cependant le pouls se rallentit dans le bain chaud, excepte si celui-ci contient de l'hydro-sulfure. Explication de ce singulier phenomene physiologique, par l'antagonisme, entre les vers cutanes (ceux des tegumens), & les nerfs abdominaux & du coeur. Les demangeaisons que l'on sent sur la peau par le frottement des draps de laine, provient d'une exaltation partielle des nerfs, causee par un degagement de calorique. Pourquoi les taches de rousseurs ne paroissent qu'au printemps, & pourquoi elles ne cedent pas a l'acide muriatique oxigene? L'absence du calorique, le froid agit de deux manieres que l'on ne distingue pas assez soigneusement. Il deprime (affoiblit) la force nerveuse, en rallentissant le jeu des affinites vitales, & il augmente en meme temps la rigidite, la cohesion on le ton de la fibre musculaire. C'est pour cela que le froid peut paroeitre roborrant & stenique lorsqu'il est applique sur des parties, dans lesquelles le second effet est plus manifeste que le premier. Des muscles affoiblis par l'opium, ont augmente de force en les plongeant dans de l'eau refroidie a 2°., pourvu qu'ils n'y restassent que quelques secondes, & que la plus grande partie du nerf crural n'entrat pas en contact avec l'eau. Effets de la densite de l'air. La densite du milieu dans lequel les animaux & les plantes vivent, a l'influence la plus prononcee sur les actes de la respiration, de l'evaporation & du turgor des vaisseaux. Observations sur les plantes alpines. Influences des variations du barometre sur la constitution des animaux. Le sang veineux est plus oxide en hiver qu'en ete, non pas seulement parce que l'air d'hiver contient plus d'oxigene, mais parce que la hauteur moyenne de la colonne de mercure est la plus grande en janvier, & que chaque inspiration donne plus d'air aux poumons. Causes generales de phthisie & de la peripneumonie. Constitution des tropiques ou le barometre ne varie presque pas. Influence des eclipses. Effets de l'eau. Elle agit de trois manieres tres-differentes les unes des autres, c'est-adire, 1°. en modifiant la proportion des parties solides & fluides dans les corps organises; 2°. en se decomposant dans ses principes constituans, l'oxigene & l'hydrogene; & 3°. par l'air contenu dans ses interstices. Ce dernier rapport a ete peu examine jusqu'ci. Experiences sur l'air azote contenu dans les eaux. Difference des eaux de pluie, de source & de neige. De l'insalubrite des marais. Il est probable qu'il se forme de l'alkool dans l'atmosphere. Sur l'oxide d'azote, & le role que Mitchill a fait jouer dans la fievre jaune des Antilles. De la respiration des poissons. La soif augmente la charge electrique des oiseaux. Effets du sang. On fait renaeitre les contractions d'un coeur, qui semble avoir perdu toute irritabilite, en le mouillant de sang arteriel. Experiences qui prouvent la difference entre le sang des arteres & celui des veines. Influence du sang de lezard sur les organes d'une souris. Effets du suc des vegetaux. Analogie de ces sucs avec le sang. Experiences comparatives avec le lait de vache & le suc de l'euphorbia esula chauffe a 20°. de Reaumur. Des fluides qui sont contenus dans l'agaricus muscarius & de la force stenique. Effets des gaz oxigene, azotique, hydrogene, acide carbonique & nitreux. Les experiences nombreuses exposees dans cette section, forment, pour ainsi dire, un traite separe sur la Meteorologie, regardee sous les rapports de la physiologie generale. L'auteur y a reuni ses propres travaux sur l'analyse de l'atmosphere, a ce que d'autres physiciens ont fait avant lui. Quoique cette partie de son ouvrage ait ete travaillee avec le plus de soin, & qu'elle merite le plus l'attention du naturaliste, il est impossible d'en donner le detail sans surpasser les bornes de cet extrait. Nous nous contentons de nommer les objets qui y sont traites. De l'influence du gaz oxigene sur les contractions du coeur. Difference de la duree de l' irritabilite entre un coeur suspendu & un coeur pose horisontalement. Rapport entre le nombre des inspirations & celui des contractions du coeur dans les differentes classes d'animaux. Comment on peut juger de l'impurete l'air par le nombre des inspirations d'une grenouille. Influence du gaz oxigene sur les nerfs. Minimum & maximum d'oxigene contenu dans l'air atmospherique. Difference de cette oxigenation de l'air dans les couches superieures & inferieures, sur mer & sur terre, dans les climats chauds & temperes. L'eau contenue dans l'atmosphere, la composition & la decomposition de cette eau a plus d'influence dans le degre de la purete atmospherique que les plantes. Sur les brouillards. Propriete de l'air d'hiver. De la constitution des montagnards. De l'air des chambres & des villes. Sur le minimum d'oxigene propre a la respiration. Experiences que les anglais font sur les negres entasses dans leurs vaisseaux. De la rue des Juifs a Francfort. Des hopitaux. De l'influence de l'oxigene sur les plaies. Combustion de l'epiderme. Couleur de la peau. Des differens effets de l'hydrogene, de l'azote & de l'acide carbonique. De la moffette des mines. De l'acide carbonique des liqueurs fortes. Effets de l'alkool & de l'ether. Cette substance, dont l'influence sur la fibre nerveuse est si forte, n'affoiblit que par une exaltation trop rapide. Son action depend des affinites qu'exercent les bases de l'hydrogene & du carbone sur les elemens de la fibre organisee. Elle est acidifiable (combustible), quoiqu'elle contienne beaucoup d'oxigene. Experiences sur des insectes. L'alkool condense la fibre musculaire & la decolore. Causes de ce phenomene. Effets des acides sulfurique, muriatique, nitrique, phosphorique & vegetaux. Les acides affoiblissent l'energie des nerfs & fortifient celle des muscles. Influence de cet affoiblissement sur les nerfs abdominaux. D'un principe acescent regarde comme cause de maladie. Du diabetes & des scrophules. Effet des alkalis. De tous les stimulans nerveux, la solution de potasse est le plus fort. Le tetanos produit dans la cuisse d'une grenouille, par l'alkali vegetal, peut etre aneanti par l'opium. Experiences faites avec l'alkali sur le nerf phrenique d'un chien, les poissons & les insectes. Application de ces phenomenes sur la cure des maladies nerveuses. De la constitution des peuples ichtiophages. Les alkalis agissent principalement par l'azote qu'ils contiennent. Effets des sels neutres. Experiences qui prouvent leur propriete debilitente ou asthenique. Combien on doit etre circonspect dans leur application. Effets de la terre calcaire & du muriate de baryte. De la formation de la terre calcaire dans les corps organises. Des nerfs d'amphibies qui ont perdu toute irritabilite, obeissent au stimulant galvanique lorsqu'on les trempe dans la solution du muriate de baryte. Effets du sulfure de potasse & de l'acide muriatique oxigene. La premiere substance ote a la fibre ce que la seconde lui rend. Les pulsations du coeur peuvent etre retardees ou accelerees a volonte. L'acide muriatique oxigene agit de la meme maniere sur la respiration, les insectes microscopiques des eaux stagnantes & les quadrupedes. Effet de l'opium, du musc & du camphre. Experiences repetees sur toutes les classes d'animaux. Causes chimiques de ces effets. Effets de l'huile, du charbon, du quinquina, des noix de galle, de l'ipecacuanha & des metaux. Le tartrite de potasse antimonie excite un oscillement sensible a l'oeil dans les fibres musculaires des amphibies. Les metaux agissent en donnant de l'oxigene aux organes, ou en le leur enlevant pour s'oxider davantage. Les oxides d'arsenic aneantissent l'irritabilite des plantes. Poisons metalliques. Le sulfure de potasse regarde comme antidote. La derniere section de l'ouvrage est destine a presenter les resultats de ce grand nombre d'experiences sur la fibre nerveuse & musculaire. L'auteur y expose l'action chimique que les elemens des corps organises exercent les uns sur les autres, & qui forment ce qu'il nomme le procede chimique de la vitalite. Il finit son ouvrage par des considerations generales sur l'etat de vie & de mort, sur la dependance reciproque des organes & sur les principes de l'individualite dans la nature animee. Il prouve qu'un immense travail reste a faire sur les corps organises; travail qui menera aux decouvertes les plus brillantes, si l'on ne se lasse pas de suivre la voie de l'experience & celle de l'observation.